PieXII 1951 - DISCOURS AUX PÈLERINS VENUS A ROME A L'OCCASION DE LA CANONISATION DE SAINTE EMILIE DE VIALAR ET DE SAINTE MARIE MAZZARELLO


RADIOMESSAGE A L'OCCASION DE L'INAUGURATION DE LA DOMUS PACIS

(29 juin 1951) 1

L'Action Catholique italienne avait promis d'édifier à proximité du Vatican, une maison destinée à devenir le centre de rencontres internationales entre jeunes catholiques, en même temps que le centre d'étude et de recueillement pour les membres des mouvements de Jeunesse d'Italie. Cette maison fut inaugurée le 29 juin en la fête des saints Pierre et Paul.

A la Domus Pacis, Notre paternel salut et Notre première bénédiction !

Le voeu que la piété de la chère Jeunesse catholique envers Notre personne fit à Dieu en une heure d'inquiétude et que sa gratitude à l'égard du Seigneur a maintenu avec une intensité d'intentions, une constance de renoncements, une ardeur au bien, se réalise aujourd'hui dans une atmosphère de solidarité fraternelle, qui prélude avec le plus heureux présage aux fonctions souhaitées de cette Maison, riche de vitalité, ouverte à toutes les nécessités et à tous les développements de l'Action Catholique en marche.

Destinée à accueillir les membres des Associations catholiques de jeunesse de tous pays, leurs congrès, leurs cours d'études, leurs retraites spirituelles, cette Domus est à la fois un symbole et un essai de cette parfaite unité de coeurs, que le divin Maître a désignée à la grande famille de ceux qui croient en Lui, et à laquelle l'humanité tourmentée rêve en vain au milieu de l'enchevêtrement serré des égoïsmes, des haines, des jalousies, de la violence.

Logement confortable pour tous les jeunes de nos associations qui viendront à ce centre de la chrétienté, dans les buts

D'après le texte italien de VOsservatore Romano des 30 juin et 1er juillet 1951.

que Nous avons cités, d'étude, d'action, de recueillement, cette Maison entend être avant tout un gymnase providentiel de la pensée, du sentiment, du travail, dans le domaine catholique Elle entend être l'arène fraternelle, où le message chrétien mûri dans les esprits et dans les coeurs des jeunes, recevra de leur pure et chaude foi le témoignage, auquel il a droit, de sa rapide, active adaptation à tout ce qui naît de bon, de vrai d'honnête dans le perpétuel devenir de la civilisation, tandis que le passé se dissout et que, dans les jeunes, s'affirme le présent.

Dans la lumière de Rome, sous le regard vigilant du Père commun auquel rien ne tient plus à coeur que l'idéal suprême de Jésus-Christ, c'est-à-dire l'unité la plus parfaite entre les membres de son corps mystique (ut sint unum), tous vos problèmes — ceux de l'esprit et ceux de l'action — et surtout vos plus hautes aspirations spirituelles trouveront dans la Domus Pacis la sérénité de l'asile commun, où les contacts fraternels ouvrent de larges horizons dans les domaines de la culture, de la science, de la philosophie, de la moralité, de l'histoire, de l'action, et servent admirablement à consolider l'esprit dans la possession de la vérité et de la foi, à fortifier le coeur dans le désir de la vertu, à renforcer la volonté dans les généreux élans de l'apostolat. Ajoutez à cela l'action particulièrement bienfaisante que ces rencontres exerceront en vous pour une plus profonde intelligence du sens catholique et pour une plus large compréhension du message chrétien, qui a ici, dans la Ville éternelle, par une mystérieuse disposition de la Providence, son foyer central, son centre naturel de rayonnement.

Et comme pour cette Domus Pacis, plus se resserreront vos liens spirituels avec l'Eglise Mère, qui fonde en vous, les jeunes, ses meilleures espérances, ainsi l'accueil hospitalier que tous de tous pays, de toutes nations, vous trouverez ici, et vous fera sentir tous Romains dans le Christ, en rapprochant vos personnes les unes des autres, rapprochera davantage vos coeurs et entretiendra dans le monde catholique, la conscience de la plus haute fraternité spirituelle.

Mais, il est une fonction qui fut tout particulièrement assignée à votre Domus Pacis par ses promoteurs. C'est la fonction qui, parmi toutes les autres, lui a donné son nom, avec l'appellation de la Paix : Domus Pacis, qui signifie en d'autres termes, Refuge de l'esprit pour le retremper dans le repos en

fvue de sa première, principale, unique manifestation nécessaire : la pensée de la vie supérieure avec toutes ses activités conséquentes.

Que seraient, chers jeunes, tous vos soucis, voire dans le domaine religieux, tout votre mouvement de pensée et d'action au service de notre foi en Jésus-Christ, si cette foi n'était animée par la charité, c'est-à-dire par l'amour de Dieu, et si cet amour n'était en réalité une vertu agissante, fortifiée ensuite par les luttes intérieures, par le renoncement au monde, ennemi de Dieu, par le renoncement à vos passions, alliées avec le monde ? Mais comme vous devez également vivre dans le monde, et qu'il convient de temps en temps de se débarrasser de la poussière mondaine, comme de tout autre, rien n'est plus urgent pour les fins mêmes de votre activité sociale, de votre apostolat religieux, que de vous renouveler fréquemment dans votre coeur, en ramenant sous le signe de l'amour de Dieu toute votre vie intérieure, afin que votre oeuvre soit toujours plus droite, sincère, méritoire, d'une sûre efficacité parmi les hommes, d'un service valable pour les intérêts de Dieu et de l'Eglise.

Sans ce souci de renouvellement, cette recherche de Dieu dans les silences de l'âme, pour vous habituer à l'avoir Lui seul, mobile ultime de vos actions, toute votre activité serait vaine pour vous et tout votre travail serait d'un rendement douteux et faible pour les autres. « Qui veut trouver Dieu doit se détacher par le coeur et par la volonté de toutes les choses créées, entrer dans un profond recueillement et se comporter à l'égard du monde comme s'il n'existait pas. » C'est à cela avant tout que tend la Domus Pacis. Elle est une école ouverte aux silences de l'esprit, afin que l'esprit, purifié de toute scorie, et renforcé en Dieu, puisse donner à la vie, dans le service de la bonne cause, son entier et sûr rendement.

De cette Domus Pacis, où vous trouverez un calmant aux ardeurs des passions et un stimulant à toutes sortes de bonnes activités, vous apprendrez à vous créer, et c'est Notre voeu le plus ardent, une autre, invisible, mystique Domus Pacis, à porter toujours en vous, dans la profondeur la plus intime de l'âme, afin de vous réfugier en elle chaque jour, à n'importe quel moment, spécialement aux plus cruciaux, et à réaliser ainsi la plénitude de votre humanité et de votre responsabilité chrétienne.

Ainsi — et seulement ainsi — séparés du monde et cependant au milieu du monde — sans vous tenir à l'écart des luttes

f de la vie, qui se font de plus en plus ardues et impérieuses sur le terrain de la foi chrétienne, votre contribution à la cause de Jésus-Christ ne sera pas une fiction, et l'Eglise pourra se vanter d'avoir en vous d'efficaces champions de la vérité et de la jus-tice chrétienne, aides précieux de sa hiérarchie et semence féconde de bien dans tous les domaines de la société.

Porteurs de la paix, parce que sages possesseurs de paix, vous porterez en vous-mêmes la preuve de la vérité et de la justice que vous êtes appelés à défendre ; et le bon témoignage que vous rendrez ainsi à Jésus-Christ, face au monde, sera pour vous, dès maintenant, le gage sûr de la couronne de justice réservée à celui qui, comme l'apôtre, a livré dans l'Eglise et pour l'Eglise la « belle bataille ».

Avec ces souhaits, Nous invoquons pour la Domus Pacis et ses futurs hôtes l'assistance divine permanente et Nous donnons de tout coeur à ses promoteurs, à ses habitants, à toutes les oeuvres et entreprises dont elle sera le noble temple, la Bénédiction apostolique.

DÉCLARATION DE LA SACRÉE CONGRÉGATION CONSISTORIALE EXCOMMUNIANT CEUX QUI ONT PRIS PART A L'ARRESTATION DE SON EXCELLENCE Mgr GROESZ, ARCHEVÊQUE DE KALOCSA

(29 juin 1951) 1

Son Excellence Mgr Groesz, archevêque de Kalocsa, en Hongrie, a été traduit devant les tribunaux communistes sous prétexte de vouloir « renverser le gouvernement populaire de Hongrie, d'exercer lui-même la fonction de chef de l'Etat en attendant la restauration des Habsbourg. De concert avec ses complices, il avait formé des groupes de terroristes armés. Enfin il avait effectué des opérations illégales en matière de change et commis des actes d'espionnage ».

De fait, il s'agit ici d'une répétition du procès intenté en 1948 contre le Cardinal Mindszenty, archevêque d'Estergom 2.

Cependant, Mgr Groesz au nom de la Conférence des évêques, avait signé le 30 août 1950, un modus vivendi avec le gouvernement communiste hongrois. Dès le 14 avril 1951, la Radio de Budapest annonçait que les évêques avaient violé l'accord conclu avec l'Etat... et bientôt, c'était le procès de l'archevêque de Kalocsa et de huit autres accusés dont trois prêtres.

Le 28 juin 1951, l'archevêque était condamné à 15 ans de prison, à la confiscation de ses biens et à la privation de ses droits civiques.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 481.

2 Cf. Déclaration de la Sacrée Congrégation Consistoriale excommuniant ceux qui ont Pris part à l'arrestation de Son Em. le Cardinal Mindszenty, 28 décembre 1948 (Documents Pontificaux 1948, p. 464) ; idem, 12 février 1949 (Documents Pontificaux 1949, p. 65).

C'est pourquoi, la Sacrée Congrégation Consistoriale déclara :

On a osé, non seulement porter des mains sacrilèges sur-Son Excellence Mgr Joseph Groesz, archevêque de Kalocsa, mais encore le traduire devant le tribunal civil, le soumettre à un procès inique et l'empêcher d'exercer sa juridiction archiépiscopale.

En conséquence, la Sacrée Congrégation Consistoriale déclare que tous ceux qui ont pris part à ces forfaits : soit ceux qui les ont ordonnés, quelle que soit leur condition, ou de quelque dignité qu'ils soient revêtus, soit les complices que la nature de ces délits suppose, soit ceux qui ont poussé à les commettre ou qui y ont apporté de quelque manière leur concours, à la condition que leur collaboration ait été nécessaire à l'accomplissement du crime, ont encouru l'excommunication — lata? sententiae réservée spécialement au Siège apostolique — selon la teneur des canons 2343, § 3 ; 2341, 2344, n° 2 ; 2209, §§ 1-3, et toutes les autres peines établies par le Code de droit canonique contre les coupables selon la condition de chacun.


ALLOCUTION A LA JEUNESSE OUVRIÈRE CATHOLIQUE FÉMININE D'ITALIE

(30 juin 1951) 1

Le IIe Congrès de la Jeunesse Ouvrière Féminine Catholique ayant lieu à Rome, trois cents dirigeantes du mouvement furent reçues en audience par Pie XII qui leur déclara :

Soyez les bienvenues, chères filles, vous qui représentez la Jeunesse Ouvrière Catholique Féminine d'Italie, et qui, à l'occasion de votre second Congrès national, vous êtes réunies autour de Nous pour invoquer pour vous et votre oeuvre, avec la Bénédiction apostolique, l'abondance des grâces célestes.

Le Pape félicite les jeunes ouvrières d'avoir recruté un grand nombre de nouvelles adhérentes :

A la mémorable audience du 5 septembre 1948, Nous avons dit à la Jeunesse Féminine d'Action Catholique : « En avant, en avant, spécialement vous, les jeunes travailleuses ! » Et, en effet, vous avez accompli de grands progrès : en premier lieu extérieurement. Sans aucun doute, le nombre des adhérentes n'est pas lui non plus sans valeur. Vous en faites vous-mêmes l'expérience chaque jour. La sensation d'être seules dans la lutte pour la cause de Jésus-Christ, ou de toute façon d'avoir contre soi un nombre écrasant d'ennemis, est amère et diminue facilement ou enlève la confiance. Imaginez (ou rappelez-vous) la condition d'une jeune fille, droite, pieuse, comme submergée par une mer d'hostilité ou d'indifférence, qui, dans l'atelier ou l'usine ou au bureau, en allant et en venant, durant des jours, des mois, des années, doit vivre seule, comme un agneau au

D'après le texte italien de VOsservatore Romano des 2 et 3 juillet 1951.

milieu des loups2, sans appuis ni aides, et conserver, malgré tout sa foi, sa piété, sa vertu. Combien auraient le courage de persévérer indéfiniment ? Mais si quelques jeunes de cette sorte se trouvent ensemble et s'unissent en un petit groupe fidèle par leur zèle d'apostolat, elles en attireront d'autres et d'autres encore, jusqu'alors trop timides, et chacune se sentira plus sûre et plus fière. De cette manière augmentant en nombre, elles deviennent une force avec laquelle les adversaires doivent compter, et qui les met elles-mêmes en mesure de se procurer les moyens extérieurs nécessaires au développement de leur action. C'est pour cela que Nous Nous réjouissons de vous savoir notablement accrues au point de vue numérique et dans l'expansion de votre organisation visible.

Pie XII se réjouit de ce que les membres étudient la doctrine sociale de l'Eglise :

Mais ce qui importe davantage, est que vous avez progressé également en ce qui concerne l'esprit intérieur. Nous avons jeté un regard sur votre catéchisme, dans lequel vous avez brièvement résumé la doctrine sociale de l'Eglise, admirablement exposée, voici soixante ans par Notre immortel Prédécesseur Léon XIII dans son Encyclique Rerum Novarum. Ce catéchisme sera entre les mains de chacune de vos adhérentes et il sera lu en commun dans vos réunions. Comme s'éclairciront alors les fins auxquelles vous aspirez ! Comme se feront pour ainsi dire palpables ces sages enseignements que vous aurez à appliquer dans les circonstances concrètes de la vie et de votre travail ! Et quelle supériorité et prépondérance la connaissance raisonnée, approfondie de cette doctrine claire et limpide vous donnera sur vos adversaires qui, bien souvent, ne savent que répéter les habituelles formules creuses d'une propagande superficielle ! Avec quelle sûreté et quelle facilité chacune de vous pourra les réfuter et les réduire au silence !

De même, il faut admirer les efforts faits par les jeunes ouvrières pour se développer intérieurement :

Vous vous êtes donc accrues intérieurement. Avec un vif intérêt, Nous avons parcouru les développements du thème

2 Matth., 10, 16.

proposé pour le concours, auquel vous avait invitées votre beau périodique « Squilli » (Sons de cloches). Nous sommes resté émerveillé en voyant comme de jeunes concurrentes, sans grandes études, ont pu faire autant. Nous félicitons spécialement les si habiles triomphatrices de la compétition, mais aussi les autres qui ont indiscutablement donné la preuve d'une réelle valeur.

Vous avez grandi intérieurement parce que vous luttez. Votre lutte spirituelle est souvent dure, mais toujours courageuse. Nous avons lu avec émotion intime les extraits de lettres, reflets vivants de votre vie quotidienne, et Nous avons pensé à la parole du divin Maître : « S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront vous aussi. » 3 Ces luttes que vous devez soutenir et les insultes et les violences que vous devez subir sont le sceau dont sont marqués les vrais disciples du Christ, que le Rédempteur a appelés heureux et bienheureux4.

Les jeunes ouvrières doivent briller par leur sens apostolique :

Vous avez grandi intérieurement parce que de tous vos écrits, rapports et projets s'exhale, non la haine ni l'envie des classes, mais le désir que vous toutes et tous ceux avec qui vous devez avoir affaire, deviennent de meilleurs chrétiens, des chrétiens parfaits, dans toutes les circonstances de la vie, des chrétiens de la justice sociale et de l'amour social. Ce que vous avez en vue, c'est la dignité du travailleur, surtout de la femme et de la jeune fille. Les nouvelles mesures législatives que vous souhaitez, la meilleure observation des lois en vigueur que vous réclamez, n'ont pas d'autre but. Ce but est enraciné dans la volonté de Dieu, qui veut que tous, dans le monde du travail supérieurs et subordonnés, patrons et ouvriers, respectent toujours et partout la dignité humaine et exercent, jour après jour, dans l'esprit du Christ, la justice et la charité.

Continuez donc à apporter avec une ardeur juvénile cet esprit au milieu du peuple laborieux de votre patrie et ne vous donnez point de trêve tant que la flamme de votre zèle ne brûle point également là où encore, malheureusement, la soif du gain et du succès n'est point pénétrée du sens social et de

Jean, 15, 20. Matth., 5, 2.

ts

sa responsabilité. Que votre exemple et votre volonté résolue d'être des chrétiennes parfaites entraînent derrière vous tous les autres. Tel est votre apostolat que Nous bénissons de nouveau.

En avant, en avant, spécialement, vous, les jeunes travailleuses ! En gage de l'amour de Jésus-Christ et de la protection maternelle de Marie, Nous vous donnons de tout coeur, à vous, à vos familles, à toutes les adhérentes de votre mouvement, à votre travail, la Bénédiction apostolique.


LETTRE AU R. P. KILIAN LYNCH, PRIEUR GÉNÉRAL DE L'ORDRE DU CARMEL

(jo juin 1951) 1

A l'occasion du VIIe anniversaire du Scapulaire de la Vierge du Carmel et de la translation des reliques de S. Simon Stock de Bordeaux en France à Aylesford en Angleterre, le Saint-Père écrivit la lettre suivante — en anglais — au Prieur Général de l'Ordre du Carmel de l'Ancienne Observance

Les nombreuses manifestations de sincère piété catholique qui ont caractérisé la célébration à travers le monde du Septième centenaire de l'institution du Scapulaire de Notre-Dame du Mont-Carmel, Nous ont procuré une grande joie et une consolation. C'est donc avec une affection spéciale que Nous vous adressons, à vous, cher fils, et à tous Nos enfants bien-aimés de la famille du Carmel, Nos félicitations paternelles, tandis que s'élève en son accent final l'hymne de pieuses louanges et de joyeuse gratitude évoqué par la célébration de ce centenaire.

Transporté au-dessus des vagues qui se brisent sur les côtes du Kent, cet hymne sera repris en diverses langues par la foi des diverses nations de la terre ayant revêtu ce Scapulaire, qui, sous l'inspiration de la Mère de Dieu, leur permet de grandir dans la ressemblance de son divin Fils, Jésus-Christ. Mais dans les salles historiques et les lieux consacrés de l'ermitage d'Aylesford, ce joyeux chant de louanges à la Vierge bénie résonnera avec une qualité particulière comme si, adouci par les harmonies familières des générations précédentes et

1 D'après le texte anglais des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 589.

2 On lira : Lettre à propos du Vile centenaire du Scapulaire du Carmel (Documents Pontificaux 1950, p. 34).

enrichi par les douces notes suprêmes d'un passé historique, il reprenait une mélodie suspendue pendant près de quatre siècles 5

Par une généreuse disposition de la divine Providence, qui s'étend d'une limite à l'autre avec force et gouverne toutes choses excellemment4, vous avez l'heureux privilège, chers fils, de clôturer le cycle de ces célébrations centenaires par une cérémonie d'une importance historique, c'est-à-dire le transfert des restes mortels de saint Simon Stock, depuis leur abri d'exil sur les côtes hospitalières de France à leur juste place, dans le Douaire de Marie, à la maison de son séjour terrestre à Aylesford. Pour vous comme pour tous nos fils bien-aimés d'Angleterre, cet événement doit être une source de joie indicible en cette année de fête nationale.

Sept cents ans se sont écoulés depuis que, selon les traditions sacrées de la famille du Carmel, Simon Stock eut le privilège de la vision de Notre-Dame du Mont-Carmel et cependant des centaines de milliers d'hommes, à travers le monde soutiennent la lutte de la vie et avancent au milieu de l'obscurité et de l'ombre de la mort vers la montagne de Dieu. Quelle conclusion plus appropriée auraient donc pu avoir les célébrations du septième centenaire du Scapulaire que le retour des restes sacrés de celui qui chanta les louanges de la Fleur du Carmel, pour reposer de nouveau à Aylesford à l'occasion de la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel. Puisse-t-elle, elle qui est la Mère du pur Amour, de la connaissance et de la sainte espérance resserrer les liens de la foi, de l'espérance et de la charité qui unissent ceux qui participent aux célébrations de cette fête.

Avec cette prière dans Notre coeur, Nous vous donnons cordialement à vous, cher fils, et à tous ceux qui se sont associés à vous en ces pieuses cérémonies d'action de grâces, Notre paternelle Bénédiction apostolique.

s Aylesford.

4 Sagesse, 8, i.


RADIOMESSAGE A LA JEUNESSE FEMININE ESPAGNOLE

(ier juillet i-9S%) 1

Le IIIe Congrès de la Jeunesse féminine espagnole d'Action Catholique se tenant à Madrid et coïncidant avec le 25e anniversaire de la fondation de ce Mouvement, le Pape envoya le message suivant lors de la séance de clôture :

Très chères filles, jeunes catholiques espagnoles, qui, réunies à Madrid, clôturez votre troisième Assemblée nationale pour la commémoration des vingt-cinq premières années de votre association.

Comme il est facile pour Nous, étant donné la proximité de l'Année Sainte, d'imaginer ce qu'est en ce moment la Place de l'Armeria ! Il nous suffit d'évoquer votre grand pèlerinage de juillet et il Nous semble entendre de nouveau les vivats et acclamations qui s'élèvent de vos gorges, voir vos visages illuminés, vos sourires de satisfaction filiale, vos yeux voilés par les larmes.

Le Pape exprime sa reconnaissance pour l'action entreprise, même pendant les heures douloureuses de la Révolution (1936).

Nous voici donc de nouveau parmi vous, chères filles, tout au moins par la pensée et la voix ; mais tout d'abord pour manifester Notre gratitude au Seigneur qui vous a tant aidées en ce quart de siècle ; ensuite pour vous exprimer, à vous aussi, Notre reconnaissance pour le bien que vous avez fait ; et enfin pour répondre à votre légitime attente par quelques simples directives.

Oui, merci au Seigneur, car votre vie n'a pas été facile surtout si l'on tient compte que durant les jours de votre enfance ne tardèrent pas à en venir d'autres, bien amers, et que votre route devait être marquée par les fleurs du martyre. Qui ne verra la main du Très-Haut dans votre prodigieuse renaissance, à peine fut passée la tourmente, au point d'arriver en très peu de temps à l'épanouissement actuel ? Et qui ne se sentirait poussé à entonner un hymne de louange et de gratitude au Donneur de tout bien, en considérant que tout cela a été réalisé pour vous, qui aviez besoin d'aide à cause de votre jeunesse ? In omnibus gratias agite ; haec est enim voluntas Dei in Christo Jesu. Remerciez de tout le Seigneur, parce que c'est ce que Dieu veut que vous fassiez au nom de Jésus-Christ \

Merci également à vous pour le bien que vous avez fait. Et celui qui voudrait le connaître, le trouve là dans ces cinq lustres d'histoire, si chargés que, sans pouvoir l'éviter, Nous Nous sentons incité à les comparer à ces arbres fruitiers qui, en ce moment, dans vos plaines fertiles, inclinent leurs branches jusqu'au sol, comme s'ils ne pouvaient supporter le doux poids de leurs fruits abondants. Trois Assemblées générales dont une en plein climat héroïque ; d'innombrables cours et semaines ; votre présence à Saragosse et à Santiago, à Fatima et à Rome ; un si grand nombre de revues et de publications ; votre clair sens social s'exerçant apostoliquement à travers vos sections spécialisées ; et surtout votre inépuisable charité, si bien manifestée par exemple à l'égard des enfants nécessiteux d'Europe et à l'égard des églises et missions pauvres, dans ce dernier cas par l'intermédiaire du Père de Rome. Que Dieu vous en récompense ! Qu'il vous récompense de tout votre esprit de sacrifice, de toute votre bonne volonté, et de tout le bien que vous avez fait. Auparavant déjà, Nous avons eu l'occasion d'en faire tout l'éloge ; aujourd'hui, en ces noces d'argent, en vous voyant prêtes, avec un esprit courageux et sans le moindre signe de lassitude, à la conquête de l'avenir ; en entendant votre intention d'être « des témoins du Christ » en tous lieux, Nous vous donnons une seule consigne : Jeunes Espagnoles d'Action Catholique au nom du Seigneur et en l'honneur de l'Eglise et de l'Espagne, toujours en avant ! „

Thess., 5, 18.

Les Jeunes doivent porter le Christ partout où elles sont :

En avant avec votre piété. Parfois il Nous semble que la part la plus typique de votre vocation consiste à porter partout, avec le sympathique épanchement que vous savez trouver quand c'est nécessaire, cette atmosphère de spiritualité, de religiosité, de simple et naturelle dévotion que le souffle laïque de nos jours voudrait traîtreusement chasser du foyer, de l'atelier, de l'usine, des lieux de récréation, et reléguer, enfermée à double tour, dans la pénombre de la sacristie... Non ; omnia et in omnibus Christus : le Christ tout entier et en touss, le Christ présent partout. Et si vous Nous demandez comment vous Le porterez, Nous vous répondrons que ce sera principalement avec votre modestie chrétienne. Sans hypocrisie ni pusillanimité, avec un esprit fort et décidé, imposez où que ce soit le bon ton de votre réserve et de votre pudeur, comme manifestation de votre piété.

Les Jeunes doivent développer leur sens social :

En avant avec votre sens social. « Vous ne pouvez pas vous absenter du domaine social » vous a-t-on dit à votre Congrès. Cependant Nous ajouterons à votre intention : c'est précisément dans ce domaine que vous attend une grande mission, en réduisant les distances entre les classes sociales dans la fraternité juvénile de votre association ; en influençant les classes supérieures pour qu'elles se rappellent leurs devoirs et que, renonçant au luxe et à l'ostentation, elles viennent en aide aux plus nécessiteuses ; et en formant les classes inférieures et en les préparant à une plus grande capacité professionnelle, base de leur juste rédemption.

Les Jeunes doivent exercer l'apostolat :

En avant enfin avec votre apostolat. Quelles portes se fermeraient devant une jeune catholique dont la présence serait de plus enrichie des charmes de sa pureté et de sa candeur ? Y aura-t-il un coeur capable de repousser une de ses prières, surtout si elle sait la faire avec l'éloquence d'une jeune fille forte, qui ne craint rien et qui en outre sait qu'elle a raison ? Vous pouvez atteindre tous les milieux pour les purifier, pour les parfumer

3 Col., 3, 2.

de vos vertus, pour les imprégner de la bonus odor Christi pour gagner des âmes ! En luttant, et en luttant sans répit, surtout pour la sanctification de la jeunesse féminine espagnole, parce que c'est d'elle que sortiront les mères chrétiennes de demain et de ces mères des foyers chrétiens qui doivent être la base d'une Espagne fidèle à sa tradition et à sa foi.

Un grand nombre de vos soeurs, de nombreuses autres nations, vous entourent en ce moment ; d'Espagne même se trouvent là de nombreuses autres jeunes, spécialement les Con-gréganistes de Marie, bonnes militantes de l'Action Catholique, ainsi que vous, et dont la campagne en faveur de la moralité des spectacles comptera sans doute sur votre collaboration ; et vous avez comme présidents de nombreux de Nos vénérables frères de l'Episcopat. Tout cela doit servir à vous faire comprendre que le monde, que l'Eglise, que votre patrie vous regardent, en attendant quelque chose de vous. Jeunes Catholiques : ne décevez pas tant d'espérances, et que la nouvelle étape qui commence maintenant, dépasse en tout, si c'est possible, la précédente qui s'achève à présent !

L'entreprise est ardue, mais votre esprit est fort et la grâce du ciel, dignement implorée et méritée, ne vous fera jamais défaut. En gage de celle-ci, et comme témoignage de Notre affection paternelle, Nous vous donnons, très chères filles, Notre Bénédiction apostolique avec la pensée de bénir non seulement vous-mêmes et vos familles, mais aussi toutes les sections de la grande famille de l'Action Catholique, tous ceux qui, dans l'apostolat, collaborent avec elle, tous ceux qui, en ce moment, écoutent Notre voix ou sont présents sur cette place et, en eux, tout le très cher peuple espagnol.

LETTRE DE Mgr J.-B. MONTINI, SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A M. CHARLES FLORY PRÉSIDENT DES SEMAINES SOCIALES DE FRANCE

(2 juillet 1951) 1

Du 17 au 22 juillet se tenait à Montpellier la XXXVIIIe session des Semaines Sociales de France ; celle-ci avait pour thème : Santé et Société, en cette occasion Mgr Montini écrivit la lettre suivante :

Vous vous proposez d'aborder cette année, devant les auditeurs de la 38e Semaine Sociale de France, un problème fort délicat, mais de pressante actualité, qui ne peut que retenir l'attention d'une élite toujours plus nombreuse de catholiques français et même étrangers. En prenant pour titre général des conférences : « Les découvertes biologiques et la médecine sociale au service de l'homme », vous ne définissez d'ailleurs pas seulement l'objet de vos études, vous en marquez déjà l'orientation ; et il faut souhaiter que cette nouvelle session de votre « Université itinérante » contribue pour sa part à faire servir au vrai bien de la personne humaine et de la famille les développements récents de la science et de la législation en matière de santé.

Pour cadre de ces travaux, vous avez choisi, sur l'invitation de Son Exc. Mgr Duperray, Evêque de Montpellier, la célèbre cité universitaire languedocienne dont la Faculté de Médecine constitue l'un des plus anciens titres de gloire. Celle-ci s'honore, d'ailleurs, d'une tradition de rigueur scientifique alliée au respect des valeurs de l'esprit, et les enseignements de plusieurs de ses maîtres, non moins que les conseils avertis du Prélat qui vous accueille, sont déjà pour cette Semaine un précieux gage de succès.

A ces assurances, il m'est agréable d'ajouter ici les voeux très paternels de Sa Sainteté.

Aujourd'hui la notion de « santé » prend de plus en plus d'extension.

Certes, le champ de votre enquête est vaste, car la notion de santé revêt aujourd'hui une large signification, englobant même « le bien-être spirituel et social de l'humanité ». Et d'ailleurs, remarquait le Saint-Père devant de nombreux membres de l'Assemblée Mondiale de la Santé, « l'Eglise, loin de considérer la santé comme un objet d'ordre exclusivement biologique, a toujours souligné l'importance, pour la maintenir, des forces religieuses et morales, et elle l'a toujours comptée au nombre des conditions de la dignité et du bien total de l'humanité, de son bien corporel et spirituel, temporel et éternel2».

Les problèmes de santé doivent être résolus en tenant compte de la loi morale.

Et c'est pourquoi, si les récentes découvertes de la biologie et de la psychologie — désormais sous-jacentes à toute étude technique des problèmes de la santé — méritent, comme tous les progrès de la science, la plus haute estime, elles ne sauraient être appliquées à l'homme sans discernement et indépendamment des normes supérieures de la morale naturelle et chrétienne. Celle-ci maintient partout ses droits imprescriptibles : « C'est d'eux, disait encore le Saint-Père à des médecins catholiques, c'est d'eux et non de considérations de sensibilité, de philanthropie matérialiste, naturaliste, que dérivent les principes essentiels de la déontologie médicale : dignité du corps humain, prééminence de l'âme sur le corps, fraternité de tous les hommes, domaine souverain de Dieu sur la vie et sur la destinée 3. »

2 Discours du 27 juin 1949 aux membres de l'Assemblée Mondiale de la Santé (Documents Pontificaux 1949, p. 237).

3 Discours du 29 septembre 1949 aux membres du IVe Congrès International des Médecins catholiques (Documents Pontificaux 1949, p. 407).

17 est important que les catholiques s'attachent à l'étude des problèmes posés par la santé.

A la lumière de ces vérités, vous vous pencherez donc sur les nombreux problèmes inscrits à votre programme. Puissent les cours de cette Semaine Sociale redonner à ceux que fascine l'étonnant progrès du savoir humain en ces domaines une vue claire des principes intangibles auxquels nul ne doit faillir. Puissent-ils aussi projeter les clartés nécessaires sur maintes situations nouvelles, aux données complexes, brusquement créées par ce même progrès et offertes au jugement de la conscience morale. Le Souverain Pontife n'ignore d'ailleurs pas les recherches déjà poursuivies à cet égard par plusieurs associations catholiques médicales ou sociales.

Ces problèmes ne sont pas seulement « individuels », ils sont aussi « sociaux ».

Mais les questions soulevées par le développement contemporain des sciences de la vie s'élargissent du fait de l'intervention croissante des Pouvoirs Publics dans le domaine de la santé. Combien plus grave que certains désordres individuels serait, en effet, par ses répercussions sur la vie de peuples entiers, l'adoption de positions matérialistes par des Organismes dont l'autorité s'étend au plan national ou même mondial !

Quel est le rôle de l'Etat, en matière de santé ?

Certes, il ne saurait être question de contester les droits et les devoirs de l'Etat vis-à-vis de la santé publique, et surtout en faveur des moins favorisés, de ceux que la pauvreté rend à la fois plus imprévoyants et plus exposés. Une juste législation de l'hygiène, de la prophylaxie ou de la salubrité du logement, le souci de mettre à la portée de tous les ressources d'une médecine de qualité, celui de dépister des fléaux sociaux comme la tuberculose ou le cancer, une légitime préoccupation de la santé des jeunes générations, et tant d'autres initiatives qui favorisent la santé du corps et de l'esprit dans le cadre de saines relations sociales, tout cela concourt heureusement à la prospérité d'un peuple et à sa paix intérieure. Or, dans le cadre de la civilisation moderne, seul l'Etat, soutenant et coordonnant au besoin les initiatives privées, possède de fait les moyens propres à une action « plus universelle, plus concertée, et par conséquent d'une efficacité plus sûre et plus rapide »4

4 Cf. Discours du 27 juin 1949, cité page 282.

Mais ces réalisations sociales dans l'ordre de la sécurité de la médecine ou de l'assistance doivent se conformer aux principes moraux du respect de l'homme et de la famille ; et hélas ! il n'est pas vain de craindre ici des abus. En une circonstance mémorable, le Saint-Père ne mettait-il pas déjà en garde contre ce péril : « Sous cette appellation (de Sécurité Sociale) on entend déjà prononcer des formules malthusiennes • sous cette appellation, on cherche à violer entre autres les droits de la personne humaine ou, du moins, leur usage, même le droit au mariage et à la procréation5. » Et Sa Sainteté de préciser sa pensée en ces termes : « Pour les chrétiens et, en général, pour ceux qui croient en Dieu, la sécurité sociale ne peut être que la sécurité dans la société et avec la société*», sans préjudice des légitimes responsabilités inhérentes à la vie surnaturelle de l'homme, à la fondation et au progrès naturels du foyer et de la famille.

Le rôle des catholiques est de première importance pour étudier ces questions et créer un ordre social sain.

Face à ces problèmes, les catholiques engagés dans les professions médicales ou sociales portent aujourd'hui une grande responsabilité. Approfondir la doctrine catholique et aider à en préciser au besoin de nouvelles applications, réagir contre des courants de pensée largement répandus et pourtant imbus de théories matérialistes et athées, exercer une influence positive sur l'opinion publique comme sur les organismes responsables : telle est la tâche à laquelle la présente Session de Montpellier se doit de préparer ces chrétiens militants, en vue de promouvoir une véritable politique de la santé inspirée de la Doctrine Sociale de l'Eglise.

Le Souverain Pontife, qui connaît l'ampleur de cette tâche mais en voit aussi la gravité, se félicite de pouvoir compter sur le dévouement, le zèle, la compétence des maîtres et organisateurs de la Semaine Sociale de Montpellier. A vos collègues et à vous-même, Il adresse Ses meilleurs encouragements, et en gage de Sa particulière bienveillance, Il envoie à tous les participants de cette Session une large et paternelle Bénédiction apostolique.

5 Discours du 2 février 1950 aux membres de l'épiscopat venus pour la proclama*101* du dogme de l'Assomption (Documents Pontificaux, 1950, PP 516-517).

6 Ibidem.

DISCOURS AU Ier CONGRÈS CATHOLIQUE INTERNATIONAL RURAL

(2 juillet 1951) 1

Le 2 juillet, le Saint-Père a reçu en audience spéciale les membres participant au premier Congrès Catholique international réuni pour discuter des problèmes de la vie rurale.

Parmi les nombreuses personnalités présentes, se trouvaient Son Exc. Mgr O'Hara, Evêque de Kansas City, S. E. Mgr Zuroweste, Evêque de Belleville, S. E. Mgr Menendez Keigada, Evêque de Cordoue ; Monseigneur Louis Ligutti, Secrétaire Général de la « National Catholic Rural Life Conférence », Mgr Pierre Pavan, Secrétaire des Semaines Sociales des Catholiques Italiens ; les délégués de diverses nations.

L'Auguste Pontife a adressé à tous les assistants un discours riche de doctrine et de règles efficaces pour leur tâche si importante :

Soyez ici les bienvenus, chers fils et chères filles, qu'un commun attachement aux principes chrétiens et à la doctrine sociale catholique a rassemblés de partout, des plus lointains pays d'outremer, comme des plus proches régions de l'Europe, pour traiter des problèmes de la vie rurale. Vous soulignez, en ce moment, l'esprit dans lequel vous avez mené vos débats, en exprimant le désir que, par sa vertu surnaturelle, la bénédiction du Vicaire de Jésus-Christ vienne en féconder les conclusions et les résultats.

Avec une louable ampleur de vues, votre Congrès a voulu étendre son étude à tous les hommes qui vivent à la campagne, les uns directement occupés à travailler le sol pour lui faire fournir les produits végétaux et animaux destinés à satisfaire

1 D'après le texte français de l'Osserootore Romano du 13 juillet 1951.

leurs propres besoins et ceux de leurs semblables, les autres vivant auprès d'eux et parmi eux pour leur rendre les divers services qui leur sont nécessaires.

Une double constatation, avant tout raisonnement, impose aux moins attentifs la conviction de l'importance de ces problèmes. D'une part, le fait que la plus large fraction de l'humanité vit ainsi à la campagne, soit dans les fermes isolées, soit dans les bourgs ; d'autre part, le fait, que tout en concernant immédiatement ces populations, ces problèmes, par leur résonance médiate, intéressent au premier chef l'humanité tout entière et sont en relation avec la structure interne de l'Etat et même de l'Eglise, par l'influence profonde exercée sur l'évolution biologique et intellectuelle, spirituelle et religieuse de l'humanité.

Déjà Notre Prédécesseur Pie XI de sainte mémoire, dans son Encyclique Quadragesimo anno, parlant des conséquences favorables ou défavorables du régime économique du capitalisme industriel, avait attiré l'attention sur les habitants des campagnes 2. La question n'a rien perdu de sa gravité. De pair avec son influence sur l'évolution d'ensemble de toute l'économie (et cet état de choses dure encore), ce système économique devait forcément faire sentir également son influence sur les conditions spirituelles, sociales, matérielles des populations rurales. Bien plus, on peut dire, aujourd'hui, que le destin de toute l'humanité est en jeu : arrivera-t-on, oui ou non, à mieux proportionner cette influence en sorte de conserver à la vie spirituelle, sociale, économique du monde rural sa physionomie propre, à lui assurer sur la société humaine tout entière une action, sinon prépondérante, au moins égale ?

Serait-ce qu'il y eût, sur ce terrain, des causes de conflits inconciliables ? Nullement. Dès lors que l'on reste dans les conditions naturelles de la vie humaine et de son perfectionnement, la division du travail et des fonctions ne peut engendrer inévitablement de pareils conflits. Tout bon esprit doit reconnaître que le régime économique du capitalisme industriel a contribue à rendre possible, voire à stimuler le progrès du rendement agricole ; qu'il a permis, en maintes régions du monde, d'élever à un niveau supérieur la vie physique et spirituelle de la population des campagnes. Ce n'est donc pas au régime lui-

2 A. A. S., 23, 1931, p. 210.

même qu'il faut s'en prendre, mais au danger qu'il ferait courir, si son influence venait à altérer le caractère spécifique de la vie rurale, en l'assimilant à la vie des centres urbains et industriels, en faisant de la « campagne », telle qu'on l'entend ici, une simple extension ou annexe de la « ville ».

Une telle pratique, et la théorie qui l'appuie, est fausse et nocive. C'est, comme on le sait, le marxisme qui la professe : il est tombé dans la superstition du technicisme et de l'industrialisation à outrance. La « collectivisation » du travail agricole, à la manière d'une usine ; la dégradation de la campagne, réduite à n'être plus qu'une réserve de main-d'oeuvre pour la production industrielle, voilà où le marxisme conduit. Mais voilà où conduisent également les principes fondamentaux du libéralisme économique, dès que la recherche du lucre, de la part du capitalisme financier, pèse de tout son poids sur la vie économique, dès que les enchaînements de l'économie nationale sont considérés unilatéralement en vue du marché, comme un simple mécanisme des prix. Et voici des conséquences identiques pour les populations rurales abusées par le capitalisme industriel : ou simple réservoir de main-d'oeuvre ; ou léthargie dans une existence misérable, soumise aux plus dangereuses tensions.

Sans être la cause unique de 1'« exode » rural, que de nos jours on déplore à peu près partout, la part prédominante donnée aux intérêts du capitalisme industriel, dans la production et la distribution des revenus, y joue son rôle. Ce serait donc minimiser le douloureux phénomène que de parler seulement d'« abandon ». On doit, en toute loyauté, dire «exode», afin de bien faire sentir à chacun comment une évolution unilatérale de l'économie aboutit à désagréger la structure humaine et sociale de tout un peuple. Finalement, faute d'une population rurale capable et entreprenante, le sol, laissé en friche par incurie ou épuisé par un forçage malhabile, perd graduellement sa productivité naturelle, et l'économie sociale elle-même est entraînée dans une crise des plus graves.

Aujourd'hui des occasions se présentent de décider si l'on continuera de poursuivre une « rentabilité » unilatérale et à courte vue, ou bien si l'on entend l'orienter vers l'ensemble de l'économie sociale, qui est sa fin objective. En voici des exemples : l'aide envisagée pour les régions « arriérées » ; la réforme agraire, heureusement amorcée ici ou là ; l'émigration

et l'immigration, favorisées par des règlements internationaux • un meilleur groupement régional d'économies nationales complémentaires ; une meilleure distribution des forces productives sur le territoire national. Toutes ces mesures doivent avoir pour but, entre autres, d'assurer partout au peuple des campagnes son propre caractère, son propre ascendant, sa valeur propre dans l'économie et dans la société.

C'est exactement ce qu'il faut rappeler, quand on déplore les défauts et les froissements des rapports humains, qui résultent des structures du travail dans le monde de l'industrie capitaliste. On se plaint, en effet, de ce que le labeur ait, pour ainsi dire, « perdu son âme », c'est-à-dire le sens personnel et social de la vie humaine ; on se plaint de ce que le labeur, oppressé de toute part par un ensemble d'organisations voie cette vie humaine transformée en gigantesque automatisme, dont les hommes sont les rouages inconscients ; on se plaint de ce que la technique, « standardisant » tous les gestes, joue au détriment de l'individualité et de la personnalité du travailleur.

Un remède, universellement applicable, peut être difficile à trouver : il n'en reste pas moins que le travail des terriens oppose à tous ces désordres une défense puissante. Nous pensons ici d'abord à l'exploitation paysanne, à l'exploitation familiale. Telle est la classe rurale qui, par l'ensemble de son caractère social, et aussi par son rôle économique, forme comme le noyau d'une saine paysannerie. Cela ne revient pas à nier l'utilité, souvent la nécessité, d'exploitations agraires plus vastes. Néanmoins, en contact permanent avec la nature, telle que Dieu l'a créée et la gouverne, le travailleur des champs sait par expérience quotidienne que la vie humaine est entre les mains de son Auteur. Nul autre groupement de travail n'est aussi adapté que le sien à la vie de famille, en tant qu'unité spirituelle, économique et juridique et même en ce qui concerne la production et la consommation. Si dur que soit ce travail, l'homme s'y trouve encore maître de son monde par l'activité au milieu de la communauté : de la famille, de l'entourage, et aussi, subsidiairement, de coopératives économiques variées, pourvu toutefois qu'elles restent, en vérité et non seulement pour la forme, fondées sur la responsabilité de tous les participants. Quant à la technique moderne, dans toute la mesure où elle doit aujourd'hui se mettre au service de l'exploitation paysanne, elle s'adaptera naturellement aux données con-

crêtes de chaque cas particulier : de la sorte, elle laissera indemne le caractère individuel du travail agricole.

Loin de Nous tout romantisme irréel. Avec beaucoup de patience et de doigté, il faut remettre le monde paysan sur la voie de son salut, combattre ses défauts, vaincre la fascination d'un monde qui lui est étranger.

De plus, la législation sociale moderne doit offrir aussi ses avantages aux populations rurales, mais en conformité avec leur caractère propre. Avant tout, qu'on leur donne la possibilité d'une éducation soignée, sagement adaptée à leurs besoins, stimulant leur perfectionnement professionnel. En outre — cela va de soi — Nous ne saurions insister trop vigoureusement pour qu'on donne aux populations catholiques une sérieuse formation catholique.

Il Nous est particulièrement agréable de pouvoir accueillir votre Congrès précisément en ce temps, où des organisations et institutions internationales d'agriculture, qui ont déjà louable-ment fait leurs preuves, installent leur siège en la Ville éternelle ou continuent d'y développer leur activité. Et Nous sommes heureux d'assurer tous les Offices et Instituts des Nations unies, destinés à porter une aide internationale à l'homme du travail, que l'Eglise est toujours prête à les soutenir de sa plus sympathique collaboration.

De tout coeur Nous prions la divine Providence de bénir tant d'efforts et Nous vous donnons, avec la plus vive affection, Notre Bénédiction apostolique.

LETTRE A SON ÉMINENCE LE CARDINAL DE BARROS CAMARA, ARCHEVÊQUE DE RIO-DE-JANEIRO, A l'OCCASION DU CONGRÈS INTERAMERICAIN D'EDUCATION CATHOLIQUE

(4 juillet 1951) 1

En juin 1949, le Saint-Père écrivit la Lettre préliminaire « Sobre-maniera grata ». Nous en donnons ici le texte :8

Nous avons accueilli avec satisfaction l'heureuse nouvelle du Congrès que la Confédération Interaméricaine d'Education Catholique fera célébrer à Rio-de-Janeiro, en 1951, comme continuation des Congrès qui ont été tenus avec tant de fruits a Bogota, Buenos-Ayres et La Paz.

Aussi tandis que sont préparées les règles et les orientations que Notre Congrégation des séminaires et des universités entend adresser comme pour les congrès précédents, Nous tenons des maintenant à vous manifester Notre satisfaction et, par votre intermédiaire, à féliciter les organisateurs en exhortant tous ceux qui se consacrent à l'enseignement dans cette nation a ne pas négliger les efforts et les sacrifices pour obtenir le résultat le plus complet.

Ces Congrès bien dirigés sont très efficaces pour favoriser les échanges culturels, l'union des volontés et des efforts, en réalisant le désir du Maître divin ut sint unum et ils contribuent

1 D'après le texte portugais des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 591. ï Ce document n'a été publié dans VOsservatore Romano que le 26 juillet 195I/ même temps d'ailleurs que la lettre du 4 juillet 1951.

au perfectionnement et au progrès constant des consciences et des méthodes pédagogiques.

De précieuses conséquences seront également la diffusion, parmi tous les catholiques de l'Amérique, des principes de la doctrine catholique sur le droit de l'Eglise et de la famille ; la solide formation d'enseignants laïques qui viennent en aide au clergé et aux éducateurs religieux, dont le nombre est si réduit ; et la multiplication et le perfectionnement des collèges, comme puissante barrière au développement de l'enseignement laïque et protestant.

Mais ce que Nous voudrions voir traiter au prochain Congrès, c'est la formation « intégrale de l'adolescent » dans l'esprit de la tradition si autorisée de l'Eglise, toujours accessible aux progrès des sciences, mais solidement liée à l'esprit de l'Evangile.

Le divin Maître, Voie, Vérité, Vie, a fondé son Eglise sur une doctrine révélée, une loi positive et un magistère vivant.

En une époque où l'on exalte tant la liberté, la pédagogie catholique insiste pour rappeler que l'exercice de la liberté est limité, dans son origine, par les devoirs inaltérables inhérents à notre condition de créature.

Que les éducateurs catholiques ne craignent pas de compléter la notion de liberté avec l'affirmation de la responsabilité qui englobe la première en la subordonnant, cependant, au respect dû au prochain, aux supérieurs et au Créateur.

La crise de l'autorité est un autre grand mal de notre époque. On étudie le mode d'introduire, dans les collèges catholiques, des organisations où les élèves, en exerçant leur responsabilité personnelle, reconnaissent par eux-mêmes combien sont indispensables pour obtenir le bien commun dans une société ordonnée, le respect et la soumission à l'autorité dirigeante.

Que les éducateurs catholiques ne se laissent pas corrompre par les erreurs que certaines théories modernes, infectées de matérialisme, sont en train d'introduire dans le domaine de l'éducation. Les sages préceptes de l'humanisme chrétien, en insistant davantage sur la formation que sur la multiplicité des connaissances, et davantage sut l'éducation que sur le seul enseignement éviteront le danger de ces philosophies qui ont entraîné beaucoup à un déplorable pragmatisme.

Il est louable de connaître les écoles modernes, mais cherchons avant tout la connaissance intime de l'histoire et de la pédagogie de l'Eglise. On constatera souvent que l'on admire chez les autres ce qu'ils ont emprunté à la tradition chrétienne Nous savons que c'est ce que se proposent les cours supérieurs de pédagogie (faculté de philosophie) fondés, non point sans de grands sacrifices, par diverses familles religieuses. Que ces cours se multiplient et se perfectionnent de plus en plus pour la prospérité du peuple brésilien et le prestige du Saint-Siège.

A l'Association d'Education Catholique qui, comme Nous en sommes informé, a fait beaucoup pour l'union et la collaboration de toutes les familles religieuses, également chères à Notre coeur de Père, a été confiée la tâche ardue d'organiser le prochain Congrès. Nous connaissons son expérience acquise dans les congrès nationaux des syndicats de l'enseignement privé, où son activité a été décisive pour obtenir des conclusions toujours conformes à la pensée de l'Eglise catholique dans le domaine de la philosophie et de la pédagogie chrétienne.

Avec ces sentiments, Nous faisons les voeux les plus ardents pour le bon résultat du IVe Congrès Interaméricain d'Education Catholique et Nous donnons de tout coeur, à vous, Notre cher Fils, à tous les membres de l'Association d'Education Catholique du Brésil, au Comité exécutif et à ses zélés collaborateurs la Bénédiction apostolique.3

Du 25 juillet au 5 août 1951 se tenait à Rio-de-Janeiro le IVe Congrès Interaméricain de l'Education catholique.

A cette occasion, le Pape écrivit la Lettre suivante :

Au cours du mois de juin 1949, dans Notre Lettre intitulée Sobremaniera grata, Nous avons déjà exprimé Notre grande satisfaction du zèle ardent avec lequel la Confédération Interaméricaine de l'Education catholique s'efforce de préparer le prochain Congrès, qui doit avoir lieu dans la capitale du Brésil. Nous y avons également mentionné les principales questions qui, au sujet des diverses méthodes pédagogiques, se discutent de nos jours ; en même temps, Nous avons rappelé les normes relatives à l'éducation chrétienne de la jeunesse que doivent avoir grandement à coeur et observer fidèlement ceux qui sont chargés de ce devoir. Etant donné l'importance très grande de

3 Cf. Radie-message au Congrès Interaméricain d'Education catholique à La Paz, 6 tobre 1948 (Documents Pontificaux 1943, p. 367).

ce thème, lequel intéresse non seulement chaque homme en particulier, mais encore la société familiale et civile elle-même, Nous avons décidé d'être pour ainsi dire présent Nous-même au dit Congrès. C'est pourquoi, cher Fils, Nous vous choisissons et désignons par la présente lettre Notre légat, vous qui gouvernez si activement cette si fameuse métropole et qui brillez de l'éclat de la pourpre romaine, pour présider en Notre nom et avec Notre autorité le prochain Congrès Interaméricain d'éducation catholique. En attendant, Nous supplions instamment Dieu d'éclairer et de diriger les esprits et les coeurs qui assisteront à ce Congrès, et de faire que leurs délibérations et résolutions aboutissent à un heureux résultat. En gage de cette faveur et comme témoignage de Notre bienveillance, Nous vous donnons très affectueusement dans le Seigneur, à vous, cher Fils, et à tous les membres de l'éducation catholique et à tous ceux qui collaborent à leurs travaux la Bénédiction apostolique.


PieXII 1951 - DISCOURS AUX PÈLERINS VENUS A ROME A L'OCCASION DE LA CANONISATION DE SAINTE EMILIE DE VIALAR ET DE SAINTE MARIE MAZZARELLO