PieXII 1951 - DISCOURS AUX PÈLERINS VENUS A ROME A L'OCCASION DE LA CANONISATION DES SAINTS IGNACE DE LACONI FRANÇOIS-XAVIER-MARIE BIANCHI ET ANTOINE-MARIE GIANELLI


( DÉCRET "S

SUR LA CONSTITUTION D'UN CENTRE D'ÉTUDES AUPRÈS DE LA SACRÉE CONGRÉGATION

DES RELIGIEUX *

(23 octobre 1951)1

« Pour la première fois — les Annales de l'Eglise ne font pas mention d'un précédent — les Associations, dont les membres ont choisi comme but de leur vie la réalisation de la perfection évangélique, se sont réunies en une affluence jamais réalisée comme en ces derniers jours, pour se mettre d'accord sur leurs intérêts communs.

C'était là, à Notre avis, chose absolument requise pour l'époque actuelle.2 »

Cette réunion solennelle, appelée « Congrès des Etats de perfection », a émis quelques voeux destinés à introduire une adaptation aux circonstances actuelles, et en a fait part à la Sacrée Congrégation des Religieux. Celle-ci les a accueillis avec bienveillance et les a fait examiner encore par des compétences, qui suggéreraient de quelle façon les réaliser pratiquement et indiqueraient la voie à suivre. Parmi les points qui reçurent une approbation générale et pour lesquels il fut chaudement recommandé à la S. Congrégation qu'elle daigne les faire approuver par le Saint-Père, voici le principal qui peut se résumer comme suit :

« A l'exemple des „ Centres d'Etudes " érigés par l'autorité pontificale auprès de certains dicastères de la Curie Romaine — qui instruisent leurs élèves avec le plus grand succès, solidement et pratiquement dans leurs domaines propres et qui les préparent à exercer comme il convient leurs devoirs et leurs

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 806.

2 Pie XII — Allocution du 8 décembre 1950 au Congrès général des Ordres religieux. Congrégations et Instituts séculiers, tenu à Rome. (Cf. Documents Pontificaux, 1950, p. 584.)

charges — qu'il soit régulièrement créé auprès de la Sacrée Congrégation des Religieux, une Ecole pratique répondant entièrement aux conditions de la vie religieuse. Cette école devrait être organisée de telle façon que puissent y être instruits et formés en toute sécurité et d'une façon pratique, tant les étudiants qui dans la ville de Rome s'appliquent aux études académiques ou à d'autres études supérieures ou spécialisées que ceux qui sont destinés à la conduite des affaires aux différents ministères de l'éducation, aux devoirs et aux charges de direction : x) au sujet de la Sacrée Congrégation : sur sa compétence, son style, sa pratique, sa procédure et sur la force et l'autorité de ses documents, actes et formules ; 2) sur la jurisprudence de la Sacrée Congrégation, sur l'interprétation courante du Code et du droit en vigueur et sur son application ; 3) enfin sur le droit privé comparé des Ordres, Sociétés et Instituts, afin de mettre sous les yeux tout ce que la Sacrée Congrégation a promulgué de meilleur en tout ce qui concerne leur état et leur constitution, l'éducation religieuse-cléricale-apostolique, la direction et enfin l'exercice des charges. »

La Sacrée Congrégation a estimé que la création de ce Centre d'Etudes ou Schola practica était de nature à favoriser grandement la réalisation de la rénovation souhaitée ; c'est pourquoi, dans l'audience du 8 janvier de cette année, FEminen-tissime Cardinal Clément Micara, Préfet en ce moment, a présenté à Sa Sainteté les voeux et les désirs du Congrès des Religieux. Celle-ci a daigné les approuver avec bienveillance.

C'est pourquoi, en vertu du présent Décret, il est créé auprès de la Sacrée Congrégation des Religieux un Centre d'Etudes dont l'accès sera ouvert à tous les clercs tant religieux que séculiers. Le cycle des cours et des exercices portera sur deux ans ; s'il est suivi avec fruit, un diplôme spécial pourra être conféré, diplôme auquel pourront être attribués, le cas échéant, des effets spéciaux. Les candidats présenteront les documents suivants : pour les Religieux, la permission de leur Supérieur général ; pour les Séculiers, la permission de leur propre Ordinaire et le Nihil obstat du Vicaire de la Ville ; tous auront un témoignage public de leur compétence spéciale dans les sciences sacrées ou des études qu'ils font pour les acquérir.

Dans l'audience du 23 octobre 1951, le Secrétaire soussigné de la Sacrée Congrégation a soumis ce décret à Sa Sainteté le Pape Pie XII qui a daigné l'approuver et a donné ordre de le publier.


LETTRE CIRCULAIRE DE LA S. CONGRÉGATION CONSISTORIALE AUX EVÊQUES D'ITALIE DEMANDANT UNE MEILLEURE DISTRIBUTION DU CLERGÉ ENTRE LES DIOCÈSES

(24 octobre 1951) 1

Me faisant l'interprète de la sollicitude du Saint-Père, je me permets de rappeler à votre bienveillante attention, le besoin croissant où se trouvent plusieurs diocèses, en Italie et plus encore à l'étranger, d'être aidés par des prêtres généreusement fournis par d'autres diocèses.

Il faut certainement louer le zèle et l'intérêt de chaque Ordinaire à doter d'un clergé bien préparé les paroisses, les Instituts d'éducation, les Associations catholiques. Mais l'on ne peut oublier que, alors qu'existent des diocèses tellement bien pourvus que de nombreux prêtres se voient assigner des tâches d'enseignement et d'organisation qui pourraient être facilement remplies par de bons laïcs, d'autres ont un clergé absolument insuffisant.

Dans son récent discours au Congrès mondial de l'Apostolat des laïcs, le Saint-Père a souligné comment les prêtres ne se sont pas augmentés en proportion des besoins de l'Eglise « Or, ajoutait-il, le clergé doit se réserver avant tout à l'exercice de son ministère strictement sacerdotal, où personne ne peut le remplacer » 2.

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXIV, 20 mars 1952, p. 231.

2 Cf. Documents Pontificaux 1951, p. 418.

Au sujet d'une meilleure distribution du clergé qui soit adaptée aux nécessités des âmes, qu'il me soit permis de faire noter que, étant donné le progrès et le développement des communications par route et des moyens de locomotion, il ne semble plus nécessaire que, sauf cas particuliers, des petites localités de cent ou deux cents habitants aient leur prêtre propre, alors qu'il existe des régions avec un prêtre pour vingt mille ou même trente mille catholiques dispersés sur un territoire vaste comme un diocèse. Des evêques en larmes voient de vastes zones menacées par le matérialisme, des centres populeux qui se perdent dans l'indifférence religieuse, des immigrants nombreux exposés à toutes sortes de périls religieux et moraux, sans que leur soit donnée la possibilité d'y faire face par manque de prêtres.

Les religieux certes donnent une aide appréciable : mais ils ne sont pas en nombre suffisant. Même en ayant recours à leur ministère, il n'est pas possible de satisfaire tous ces besoins sans l'aide de nombreux prêtres du clergé séculier.

C'est pourquoi les initiatives qui se font jour pour préparer des séminaristes à envoyer, une fois prêtres, dans d'autres diocèses d'Italie ou de l'étranger, particulièrement pour l'assistance des immigrants, méritent-elles tout encouragement. Mais cela ne suffit pas. Il faut que tous les Ordinaires se rendant pleinement compte de ce grave problème mettent à la disposition du Saint-Siège tous les prêtres bien préparés et animés d'un vrai zèle, qui ne sont pas absolument nécessaires dans leur diocèse. C'est un sacrifice que cette Sainte Congrégation demande au nom du Saint-Père qui, Pasteur de toute l'Eglise, s'il est réconforté de la richesse spirituelle de certains diocèses, voit avec tristesse tant d'autres languir par manque d'ouvriers évangéliques.

En priant Votre Excellence Révérendissime de bien vouloir prendre en considération ce que j'ai considéré de mon devoir de lui écrire et de vouloir me mettre dans la possibilité de répondre aux pressantes demandes adressées par tant d'évêques au Saint-Siège, je vous assure de ma profonde déférence et reste Votre frère.


ALLOCUTION AUX MEMBRES DU CONGRÈS INTERNATIONAL DU CRÉDIT

(24 octobre 1931) 1

Un nombre important de participants au Congrès international du Crédit — réunissant les membres de quarante-six pays — fut reçu en audience dans la Salle des Sciences au palais de Castel Gandolfo. Le Saint-Père déclara à ce groupe :

Votre démarche à laquelle Nous sommes fort sensible, est, Messieurs, une preuve convaincante de la haute idée que vous avez de votre profession et de votre rôle. Au-dessus d'un intelligent maniement de fonds, au-dessus même du simple intérêt financier, de vos établissements et de leurs clients, vous placez son utilité morale et sociale. Vous marquez la frontière, ou, plus exactement, le carrefour où se rencontrent le capital, la pensée, le travail.

Le Pape insiste sur le rôle social que doit jouer le banquier :

Alors que des pêcheurs en eau trouble en soulignent, en exagèrent l'opposition, votre tâche consiste à les mettre en relations, à les rendre mutuellement utiles. Surtout sous l'aspect du crédit, qui fait l'objet central de votre Congrès international, vous êtes, bien plus que des exécuteurs ou des mandataires d'opérations bancaires, des conseillers.

Il faut faire un usage moral de son capital :

Que de capitaux se perdent dans le gaspillage, dans le luxe, dans l'égoïste et fastfdieuse jouissance, ou s'accumulent et

dorment sans profit I II y aura toujours des égoïstes et des jouisseurs, il y aura toujours des avares et des timides à courte vue.

Le banquier doit inviter les possesseurs de capitaux d'en user d'après de vraies nécessités sociales :

Leur nombre pourrait être considérablement réduit si l'on savait intéresser ceux qui possèdent à un emploi judicieux et profitable de leurs fonds, opulents ou modestes. C'est, en grande partie, faute de cet intérêt, que l'argent coule ou dort. Pour y remédier, vous pouvez beaucoup par le soin de transformer les simples déposants en collaborateurs, à titre d'obligataires ou d'actionnaires, d'entreprises dont le lancement ou la prospérité serait de grande utilité commune : qu'il s'agisse d'activité industrielle ou de production agricole, de travaux publics ou de construction de logements populaires, d'instituts d'éducation ou de culture, d'ceuvres de bienfaisance ou de service social.

De même les membres des Conseils d'administration doivent orienter leurs discussions vers le bien social :

On a beaucoup médit des Conseils d'administration ; la critique pourrait être justifiée dans la mesure où leurs membres n'auraient en vue que l'accroissement excessif de leurs dividendes. Si, au contraire, ils ont à coeur la sage et saine orientation des capitaux, ils font, à ce seul titre, oeuvre sociale de premier ordre. Ils se chargent d'une besogne intense, morale, psychologique, bien différente du simple travail impersonnel du bureau ou du guichet !

Le banquier aura toujours à jouer ce rôle moralisateur :

Qui sait, si pour le suppléer, on n'inventera pas quelque jour un tel perfectionnement de ces machines de comptabilité, de ces cerveaux mécaniques, ou électriques, où le client n'aura qu'à presser sur un bouton pour réaliser toutes les opérations qui l'amènent à la banque ? Mais quelle machine ingénieuse, quel système habile, suppléera jamais le banquier, le dirigeant d'un établissement de crédit, appliqué à étudier le visiteur pour découvrir et lui faire prendre conscience de ce qui peut l'intéresser, pour canaliser, si l'on peut dire, sa coopération, et puis le mettre à même de suivre avec intelligence et avec coeur la marche de l'entreprise ou de l'oeuvre qu'il soutient ? N'est-ce pas là exercer une action sociale et morale éminemment précieuse et féconde ?

17 faut aussi que l'intérêt personnel du possesseur de capital soit mis en relief :

Malgré tout, le souscripteur veut être assuré de ne pas perdre sa mise de fonds. Il désire même, sans préjudice d'un honnête revenu pour son propre compte, en faire un instrument au bénéfice d'autrui et de la société. Cela suppose, évidemment, que l'entreprise mérite sa collaboration, et qu'elle est, en elle-même, de nature à l'intéresser, parce qu'elle s'harmonise avec ses dispositions et ses goûts personnels. Et voici maintenant un autre objet de votre rôle.

Le banquier doit également apprécier les qualités de celui qui fait appel à son crédit :

Celui qui recourt à vous pour obtenir un crédit, c'est un jeune inventeur, c'est un homme d'initiative, un bienfaiteur de l'humanité. Vous devez l'étudier, pour ne pas risquer de livrer le prêteur confiant à un utopiste ou à un aigrefin, pour ne pas risquer non plus d'éconduire un solliciteur méritant, capable de rendre d'immenses services, auquel ne manquent que les ressources indispensables à la réalisation. H vous faut peser sa valeur, comprendre ses projets et ses plans, l'aider, le cas échéant, de quelque conseil ou suggestion pour lui épargner une imprudence ou pour rendre sa conception plus pratique, pour voir enfin à quel bailleur de fonds l'adresser et le recommander. Que de génies, que d'hommes intelligents, généreux, actifs, meurent dans la misère, découragés, ne laissant vivre que l'idée, mais une idée que d'autres plus habiles sauront exploiter à leur profit. Il y a, en outre, tous ceux, qu'une année mauvaise, une récolte déficiente, des dommages causés par la guerre ou la révolution, par la maladie, ou quelque circonstance imprévue et imprévisible, sans qu'il y ait de leur faute, mettent en difficulté passagère. Ils pourraient, grâce à un crédit, se relever, se remettre en train et, avec le temps, amortir leur dette. A tous ceux-là, quel secours matériel, quel réconfort moral vous pouvez apporter !

Pie XII souligne l'aspect bienfaisant du crédit :

Après ce que Nous venons de dire, il Nous paraît superflu de Nous attarder à parler de la conséquence qui dérive immédiatement de la rencontre du capital et de l'idée. En proportion de l'importance de ce capital, de la valeur pratique de cette idée, la crise du travail se trouvera plus ou moins enrayée. L'ouvrier laborieux et consciencieux obtiendra plus aisément une occupation ; l'accroissement de la production permettra de tendre, lentement peut-être, mais progressivement, vers un équilibre économique ; les multiples inconvénients et désordres, fruits déplorables du chômage, seront atténués pour le plus grand bien d'une saine vie domestique, sociale et, partant, morale. Dans une certaine mesure, si modique qu'elle puisse être, l'épargne deviendra possible à un plus grand nombre, avec les avantages de tout ordre dont Nous parlions dans une allocution sur ce sujet2.

La fière conscience d'avoir votre part dans une si grande oeuvre de restauration, doit vous encourager dans les difficultés, les soucis, les hostilités même qui, surtout en des temps comme celui-ci, ne peuvent vous manquer.

Quant à Nous, Messieurs, appréciant hautement votre activité et l'esprit qui la dirige, Nous appelons de tout coeur sur elle, sur vos personnes et sur vos familles, toutes les grâces de Dieu.

2 Cf. Documents Pontificaux 1950, p. 569.

On trouvera d'autres allocutions de Pie XII traitant de sujets semblables : Allocution aux employés de la Banque de Naples, 20 juin 1948, Documents Pontificaux 1948, p. 232 ; Allocution au personnel de la Banque d'Italie, 25 avril 1950, Documents Pontificaux 1950, P- 125 ; Allocution au personnel de la Banque de Rome, 18 juin 1950, Documents Pontificaux 1950, p. 214 ; Allocution au personnel de la Caisse d'Epargne, 5 décembre 1950, là., P- 569.

MESSAGE RADIOPHONIQUE A L'OCCASION DU XV\2e\0 CENTENAIRE DU CONCILE DE CH ALCÉDOI NE

(25 octobre 1951) 1

Le 8 octobre 451 s'ouvrit le Concile de Chalcédoine ; 1951 voyait donc se dérouler le XVe centenaire de cet événement. Déjà Pie XII avait publié le 8 septembre 1931 l'Encyclique Sempiternus Rex 2 pour commémorer ce centenaire. Or, le 25 octobre, une séance solennelle avait lieu à Rome pour rappeler le souvenir de ce Concile ; on y reçut par la voie des ondes le message que voici :

Présent, en ce moment, par l'esprit qui franchit les temps, au saint Concile oecuménique de Chalcédoine qui définissait solennellement la vérité — base de tout l'édifice du dogme chrétien — contre l'hérésie multiforme qui menaçait d'apporter la ruine, ce n'est pas sans une profonde émotion de Notre esprit que, de cette même Chaire, d'où le grand Pape Léon Ier présida, par l'intermédiaire de ses Légats, ce mémorable Synode général et, comme il sauva l'Urbs des barbares, préserva aussi le monde chrétien d'un fléau beaucoup plus redoutable, Nous pouvons témoigner qu'est vive, inaltérée, inébranlable, nullement atteinte par les forces hostiles de tous les temps, la foi de l'Eglise en les deux natures du Christ, la divine et l'humaine, subsistant dans l'unique personne du Verbe, sans mélange ni division.

Ainsi qu'exultèrent l'Orient et l'Occident à la solennelle définition voici quinze siècles, de même aujourd'hui l'univers catholique rend gloire avec Nous à Dieu, qui a confirmé cette foi selon la promesse et l'a rendue vitale, agissante, victorieuse

1 D'après le texte latin de l'Osseruafore Romano du 27 octobre 1951. ! Cf. p. 326.

de toutes les embûches dans l'orageuse variation de la fragile et éphémère pensée humaine.

Reconnaissant à Dieu d'une assistance si évidente et, aujourd'hui comme toujours veillant de cette Chaire aux menaces renaissantes contre une vérité qui assure à l'Eglise la victoire et à ses fils le salut, Nous exhortons tous les présents à commémorer ce centenaire et à élever avec Nous, en cette heure, l'esprit et le coeur, la pensée et la prière vers Notre-Seigneur Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, et à réaffirmer en Lui, pour l'Eglise et pour chacun de ses membres, dans la foi en sa divine Personne, l'espérance qui ne trompe pas.

Avec ces sentiments Nous entendons participer à la digne évocation de cet événement mémorable, en même temps que Nous donnons de tout coeur à cette insigne assemblée et à tous ceux qui, reliés par la radio, y assistent à Rome, en Italie et dans le monde, la Bénédiction apostolique 3.

3 Le jeudi ier novembre 1951, en la fête de Tous les Saints, le Saint-Père assista à la Sainte Messe, en la Basilique de St-Pierre, pour commémorer le Concile de Chalcédoine.


LETTRE APOSTOLIQUE AUX CATHOLIQUES DE TCHÉCOSLOVAQUIE

(28 octobre 1951)1

Le 25 février 1948, la Tchécoslovaquie cessait d'être une démocratie libre ; un coup d'Etat transformait ce pays en une république communiste, sous l'obédience des Soviets russes.

Dès lors, une campagne de persécution contre l'Eglise catholique s'ouvrait :

— Interdiction de publier des journaux catholiques et de réunir les associations catholiques.

— Nationalisation des écoles.

— Entraves mises à Vadministration de l'Eglise.

— Campagnes d'attaques contre le Saint-Siège.

— Arrestation de catholiques éminents, de prêtres, de religieux.

— L'abbé Ploshar (ministre de la santé publique) est suspendu par les autorités ecclésiastiques.

— Création par le gouvernement d'une Action Catholique schismatique et condamnation de celle-ci par un Décret du Saint-Office, le 20 juin 1949 a.

— Internement de Son Exc. Monseigneur Beran, archevêque de Prague.

— Instauration de conférences marxistes dans les séminaires.

— Rupture des relations diplomatiques avec le Vatican, juillet 1.949.

— Main-mise sur le clergé.

— Condamnation par la Sacrée Congrégation Consistoriale de l'abbé Jean Déchet qui a accepté d'être nommé par le gouvernement, administrateur de Bunska-Bistrika le 18 février 1930 3.

— Expulsion de Monseigneur de Liva chargé d'affaires du Vatican le 16 mars 1950.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 768.

2 Cf. Documents Pontificaux 1949, p. 232. s Cf. Documents Pontificaux 19JO, p. 45.

Procès contre le clergé et condamnations.

— Le diocèse ruthène de Presow, comprenant 150.000 catholiques est rattaché à l'Eglise orthodoxe, juillet 1950.

— Condamnation de Mgr Zela, auxiliaire d'Olomouc, le 2 décembre 1950.

— Condamnation des persécuteurs par la Sacrée Congrégation Consis-toriale le 27 mars 1951 ".

C'est pourquoi Pie XII publia un document solennel à l'adresse des catholiques de Tchécoslovaquie.

Le Pape énonce d'abord les épreuves qui frappent ce pays :

Notre affection se fait encore plus intense à l'égard de ceux qui se trouvent dans des conditions difficiles et pénibles, surtout quand c'est dû à leur tenace fidélité et à leur ardent amour envers le Rédempteur et l'Eglise fondée par Lui. Nous sommes profondément attristé de savoir que vous vous trouvez dans de si douloureuses conditions.

Nous savons, en effet, que la religion catholique — dont rien n'est plus glorieux dans votre histoire, rien n'est plus apte à susciter la concorde, à consolider la paix, à inspirer la justice et la charité, à protéger la dignité humaine et à développer la civilisation — est malheureusement privée, à l'heure actuelle, de sa liberté légitime ou tellement contrariée par des difficultés de tout genre qu'il lui devient à peu près impossible d'exercer toutes ses fonctions, de donner des normes en public et en privé, de faire sentir ouvertement son influence bienfaisante dans les esprits des individus, dans les familles, dans les écoles primaires et secondaires et dans toutes les classes des citoyens au plus grand avantage du bien public. Nous savons qu'il y a chez vous des evêques qui ont été emprisonnés ou conduits dans des camps de concentration, ou relégués dans leurs sièges ou enfin soumis à une incessante surveillance et à un contrôle même dans l'exercice de leurs propres fonctions.

Dans les mêmes si tristes conditions se trouvent des centaines et des centaines de prêtres, de religieux et de religieuses et un grand nombre de laïcs, qui sont considérés comme dangereux ennemis de l'Etat, précisément parce qu'ils observent avec fermeté les lois de l'Eglise catholique, les défendent courageusement et s'efforcent de les pratiquer.

4 Cf. P. 93.

Et cependant les catholiques sont normalement les meilleurs soutiens de l'Etat et les plus fidèles à obéir aux lois justes :

Mais ceci fait leur gloire et non leur déshonneur ; la doctrine chrétienne, en effet, quand il ne s'y mêle pas d'erreurs, ne s'oppose pas au bien des citoyens, des peuples et des nations, mais plutôt cimente et renforce les principes fondamentaux de la société humaine, règle justement les devoirs et les droits, en même temps que, sauvegardant la liberté de tous, elle les appelle et les conduit à une pacifique et tranquille prospérité, sous les auspices de la véritable justice. Les catholiques, sans aucun doute, ne sont inférieurs à personne dans l'amour de la patrie, dans l'observation des lois, et dans le respect des autorités publiques, à condition qu'on ne leur demande rien qui soit contraire à leur conscience chrétienne, et aux droits de Dieu et de l'Eglise. Par conséquent, si l'on cherche le véritable bien de la nation, ils ne doivent pas être contrariés ni non plus punis contre toute justice pour leur fidèle attachement à la religion de leurs ancêtres, mais ils doivent avoir la possibilité de professer en public et librement leur foi et leur manière de penser, de vivre et d'enseigner. Et quand ils s'efforcent d'agir dans ce sens, bien que pèse sur eux la menace des plus graves dangers, ils attirent l'admiration non seulement de tout le monde catholique, mais de tous les honnêtes gens.

Le Pape souligne le péril qui menace les enfants et dit aux parents les responsabilités qui leur sont propres :

Ce qui met le plus dans l'anxiété Notre coeur c'est que tous les artifices sont employés pour que les jeunes et les enfants soient poussés à l'abandon de la foi et de la morale chrétiennes et soient privés de ces principes qui doivent informer cet âge tendre et qui constituent la sauvegarde de leur innocence, l'aliment de la vertu et la condition pour être des citoyens dignes du nom chrétien. Vous voyez, ô Vénérables Frères et chers fils, de quelle gravité est cette question : si la jeunesse ne progresse pas sur le droit chemin, mais, privée de la lumière qui vient d'en-haut, se laisse attirer par les séductions des passions, les plus grands dommages viendront non seulement l'atteindre elle-même, mais également vos générations futures. Aussi faut-il accomplir tous les efforts afin que soit empêchée une aussi funeste calamité de ce genre et afin que l'enfance croisse, saine et intacte dans ses moeurs, et soit diligemment éduquée selon les préceptes de la doctrine chrétienne, qui seuls peuvent la préserver indemne de tant de maux et l'inciter à la vertu. Surtout Nous exhortons vivement les pères et les mères de famille, afin qu'ils n'épargnent à ce sujet ni les soins ni les peines, car c'est avant tout à eux que revient, dans les conditions actuelles, le devoir de suppléer, avec une entière diligence, à l'oeuvre que les prêtres et les maîtres des divers enseignements sont empêchés d'accomplir.

Le Saint-Père proteste contre les fausses accusations énoncées contre le Saint-Siège :

Une autre chose encore afflige Notre esprit. Nous savons comment on cherche par des accusations, sous une fausse apparence de vérité, ou par d'ouvertes calomnies, à détacher les fidèles de l'unité de l'Eglise catholique et de son centre, c'est-à-dire du Siège Apostolique. Le Pontife Romain est présenté comme l'ennemi de votre peuple, alors qu'au contraire, il en est le père très aimant ; et l'on en arrive jusqu'à l'accuser de préparer une guerre nouvelle et plus grave, alors que, après avoir fait tous ses efforts pour soulager les misères et les douleurs du dernier conflit, il ne laisse à présent échapper aucune occasion pour promouvoir chez tous les peuples la fraternité et la paix.

Les evêques et les prêtres doivent, en ces douloureuses circonstances, rester fidèles :

Qu'il n'y ait toutefois personne, ô Vénérables Frères et chers fils, qui se décourage au milieu de ces angoisses si graves ; tout d'abord que ne se laissent pas abattre les Pasteurs sacrés, auxquels il appartient particulièrement, au nom d'un devoir imposé par Dieu, d'alimenter la foi de leur troupeau, de soutenir la vertu et de consolider de plus en plus, le lien d'union qui l'unit au Siège Apostolique.

D'autres fois, déjà, au cours des siècles, votre peuple a triomphé de très graves tempêtes ; plus d'une fois vos aïeux se trouvèrent dans la nécessité de choisir entre le martyre supporté avec courage et la trahison de la foi des ancêtres ; cependant, avec un esprit invaincu, ils maintinrent la foi catho-

Iique et souvent versèrent même leur sang pour elle. Vous connaissez bien les antiques et glorieuses traditions de vos populations ; rivalisez avec elles d'un coeur sans crainte, en espérant fermement que, les erreurs vaincues et une juste liberté rendue à l'Eglise, les exemples de fidélité et de fermeté seront finalement proposés à l'admiration de tous. Rappelez-vous surtout que si les hommes peuvent vous enlever la liberté, vous soumettre à des tourments, vous exposer au mépris public, vous jeter en prison, vous condamner même à la mort, ils ne peuvent cependant pas arracher la toi catholique de vos esprits, ni souiller votre conscience. Ils peuvent faire des martyrs, s'ils le veulent ; mais ils ne pourront faire des traîtres de la religion chrétienne — comme Nous l'espérons et le demandons à Dieu par Nos prières — à condition que tous, avec la plus ferme volonté, soient persévérants dans l'obéissance aux lois de Dieu et de l'Eglise*.

Pie Xli signale que les saints Protecteurs du pays assisteront les catholiques :

Dans les dangers présents, vous êtes assistés par ces saints du ciel qui font la gloire de vos peuples ; les saints Cyrille et Méthode 6, qui, comme le rapporte la tradition, après tant de peines et de si longues pérégrinations, réussirent à apporter la lumière de l'Evangile à vous et aux autres peuples slaves ; saint Adalbert7 qui féconda vos terres de ses sueurs apostoliques et constitue pour tous les temps un exemple des plus éclatants de fidélité au Siège apostolique ; saint Jean Népo

5 La Tchécoslovaquie comporte :

xo La Bohême-Moravie avec S.ooo.ooo habitants dont 6.500.000 catholiques. 20 La Slovaquie avec 3.400.000 habitants dont 2.800.000 catholiques. Il y a actuellement en prison :

— Mgr Beran, archevêque de Prague,

— Mgr Zela, évêque auxiliaire d'OIomouc,

— Mgr Voltanak, évêque de Szepes,

— Mgr Barncs, auxiliaire de Szepes,

— Mgr Gojdic, évêque de Presov,

— Mgr HopkoWf auxiliaire de Presov,

— Mgr Buzalka, auxiliaire de Trnava (mort en prison).

6 Saints Cyrille et Méthode, deux frères, apôtres des Slaves au IXe siècle ; ils inventèrent l'alphabet dont se servent aujourd'hui les Slaves.

7 Saint Adalbert (956-997), deuxième évêque de Prague ; il fut martyrisé lors de son apostolat en Prusse.

mucène 8 qui, pour la défense des droits de l'Eglise et la garde du sceau sacramentel, subit avec un courage héroïque le martyre ; les martyrs de Cassovie, solennellement béatifiés par Notre Prédécesseur, le Bienheureux Pie X, comme vaillants athlètes du Christ 9 ; saint Wenceslas 10 qui confirma sa foi par son sang et son aïeule sainte Ludmilla 11 qui, en ce grave moment constitue pour les mères de famille un exemple de force d'âme dans l'éducation chrétienne des enfants ; et enfin d'innombrables autres qui brillèrent parmi vous de l'éclat de la sainteté.

Et surtout la Sainte Vierge Marie protégera le pays :

Mais en premier lieu, vous êtes assistés avec bonté par la puissante protection de la Vierge, Mère de Dieu qui, comme il l'a été dans le passé, et l'est dans le présent, sera de même, sans aucun doute également dans l'avenir, la plus sûre défense et patronne de vos peuples. Elle, qui est honorée par vous dans tant de sanctuaires, avec une ardente piété, en mère très aimante qu'elle est, ne manquera pas de vous obtenir de son Fils unique les secours nécessaires dont vous avez besoin dans les difficultés de ces temps. Déjà d'autres fois, elle le fit ; Nous la supplions de bien vouloir, invoquée par tant de prières, accomplir encore cela en notre époque, où ne sont pas moins graves les maux et les attaques des impies contre la religion, qui tiennent dans l'anxiété Notre esprit et celui de tous les hommes de bien.

Le Souverain Pontife lui-même prie pour les catholiques de Tchécoslovaquie :

Que soit donc rendue à l'Eglise la liberté qui lui est due et dont elle se sert pour promouvoir le progrès de la société même et pour en consolider les fondements. Que ceux qui, pour défendre leur foi, ont été jetés en prison, que ceux qui vivent

8 Saint Jean Népomucène (1330-1383), chanoine de Prague ; il fut l'aumônier de l'empereur Wenceslas. Celui-ci voulut forcer son confesseur à révéler certains secrets du confessionnal. A la suite de son refus, saint Jean fut martyrisé.

9 Martyrs de Cassovie, ville de Hongrie où eut lieu au XlVe siècle une bataille contre les Musulmans.

10 Saint Wenceslas, duc de Bohême (907-935), établit le christianisme dans son pays,

11 Sainte Ludmilla fut l'épouse du premier duc chrétien de la Bohême. Elle fut baptisée par saint Méthode et éleva son petit-fils qui devint saint Wenceslas.

dans les camps de concentration puissent finalement tous retourner dans leurs foyers et y mener une vie tranquille dans le libre exercice de leur religion. Que puissent revenir cette paix et cette concorde de tous les citoyens et de tous les peuples qui ne refusent plus à la sainte Eglise, aux nations et aux individus leurs droits et leur dignité. Que cette véritable paix fondée sur la vérité, sur la justice, sur la charité, et que Jésus-Christ est venu apporter aux hommes de bonne volonté12 sourie au plus tôt à vous et à tous les hommes.

Que les catholiques prient eux aussi la Sainte Vierge Marie :

Pour atteindre ces buts en union de prières, au mois de septembre dernier, Nous avons exhorté le monde catholique par l'Epître Encyclique Ingruentium malorum13, maintenant, avec cette Lettre Nous Nous adressons particulièrement à vous, Vénérables Frères et chers fils, pour vous inviter paternellement à implorer le patronage de la Vierge Mère de Dieu, tandis que, de Notre côté, Nous ne manquerons pas de supplier notre Mère si aimante Marie de vous accorder dans les graves circonstances où vous êtes, les secours divins. Que le divin Rédempteur, sans qui rien ne nous est possible, et avec qui tout le devient, exauce au plus tôt dans sa miséricorde infinie et par l'intercession de sa divine Mère, Nos prières et Nos voeux, auxquels se joignent vos supplications et celles de tout le monde catholique.

Sachez que Notre ardente charité et Notre pensée paternelle sont chaque jour près de vous, et que vos souffrances sont également les Nôtres ; et n'oubliez pas que vos peines et vos douleurs sont accueillies avec bienveillance par Dieu qui les transforme en pluie de grâces célestes.

Entre temps, en gage des faveurs divines et en témoignage de Notre bienveillance toute particulière, Nous vous donnons de tout coeur, à vous tous, Vénérables Frères et chers fils, et spécialement à ceux qui souffrent persécution pour la justice u, la Bénédiction apostolique.

Mais à la mort de son mari, une rivale s'empara du pouvoir, renversa le christianisme «t fit assassiner Ludmilla en 927.

12 Luc, 2, 14.

13 Cf. page 375.

14 Matth. X.


PieXII 1951 - DISCOURS AUX PÈLERINS VENUS A ROME A L'OCCASION DE LA CANONISATION DES SAINTS IGNACE DE LACONI FRANÇOIS-XAVIER-MARIE BIANCHI ET ANTOINE-MARIE GIANELLI