PieXII 1951 - LETTRE APOSTOLIQUE AUX CATHOLIQUES DE TCHÉCOSLOVAQUIE


LETTRE APPROUVANT LES NOUVEAUX STATUTS DE L'APOSTOLAT DE LA PRIÈRE

(28 octobre 1951) 1

Afin de mieux répondre aux besoins des temps, les institutions diverses de zèle pastoral demandent — tout en conservant leur caractère et leur esprit propre — à être adaptées parfois aux conditions des nouvelles circonstances 2.

Pie XII, approuvant les nouveaux statuts, envoya au Très Révérend Père Janssens, préposé général de la Compagnie de Jésus, la lettre suivante 3.

Le Pape montre d'abord la nécessité d'adapter l'apostolat de la prière aux conditions des nouvelles circonstances 4.

Pour la pieuse Association de l'Apostolat de la Prière, ce fut déjà le cas : après un début modeste, suivi de plus de cent années de très large et fécond développement, elle a dû, à plusieurs reprises (la dernière fois EN 1896), pour s'adapter à des situations nouvelles, sans toucher pourtant aux points essentiels, reconsidérer ses statuts.

Au cours des cinquante années qui ont suivi, le Siège apostolique a publié sur les divers genres d'apostolat, de nombreux documents et encouragements qui font grand éloge de cette

1 A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 365.
2 D'après La Documentation Catholique du 6 avril 1952, p. 394.
3 Voir dans La Documentation Catholique du 6 avril 1952, p. 396, les nouveaux statuts de l'Apostolat de la Prière.
4 L'Apostolat de la Prière fut fondé le 3 décembre 1844 par le P. Xavier Gautre-let, S. T., et fut approuvé par Pie IX le 19 août 1849.

Les premiers statuts, remplacés par les actuels, furent approuvés le 11 juillet 1896.

pieuse Association qu'il juge très opportune en notre temps. Ses directeurs ont donc très sagement pensé qu'elle serait encore beaucoup plus efficace à l'avenir si elle s'assimilait la force de ces Actes du Saint-Siège et s'en pénétrait intimement. En conséquence, ses statuts ont été soigneusement revisés, et, sous leur nouvelle formule, proposés au Saint-Siège.

Nous connaissons fort bien les fruits très abondants de cette forme particulière d'apostolat. Plus d'une fois déjà Nous l'avons très chaleureusement recommandée.

Obéissant donc à Notre zèle pour le bien des âmes et l'extension du royaume de Dieu, Nous avons fait examiner les statuts dernièrement revisés. Ils Nous ont paru dignes de Notre pleine approbation.

Ils mettent, en effet, en vive lumière l'importance et la valeur de la pieuse Association. Considéré le salut individuel des fidèles ou la charge pastorale universelle, ils montrent en l'Apostolat de la Prière un instrument très efficace pour le ministère apostolique d'aujourd'hui.

Il y a dans les statuts nouveaux trois points importants : Vie intérieure, Sens sacrificiel de l'apostolat, Directoire abrégé de la charge pastorale.

Trois points, dans les nouveaux statuts de l'Apostolat de la Prière, Nous paraissent devoir être recommandés avec une toute particulière insistance à la charge pastorale.

Vie intérieure.

Tout d'abord, en invitant et en poussant les fidèles à offrir à Dieu leurs prières, leurs travaux, leurs peines et leurs sacrifices pour aider au ministère de l'Eglise et collaborer ainsi à l'extension du royaume du Christ, cette Association ne se borne pas à éveiller en eux le zèle des âmes et le souci intense du salut éternel du prochain ; elle encourage aussi et développe l'usage des moyens et forces surnaturelles d'où dépendent l'efficacité et le succès de tout travail apostolique. Pour cette raison, elle empêche l'apostolat de se réduire à un déploiement d'activité purement extérieure et d'être privé de résultats durables.

Sens sacrificiel de l'apostolat et vraie somme de perfection chrétienne.

En outre, une mention spéciale est due à la façon parfaite dont l'Apostolat de la Prière invite ses associés à prier et à se dévouer en apôtres. Car on ne leur demande pas seulement de réciter telle ou telle formule de prière : on les invite aussi à convertir toute leur vie en une prière montant vers Dieu et en un sacrifice de soi-même pour l'apostolat. Par l'offrande quotidienne, qui est l'élément essentiel de l'Apostolat de la Prière, et que viennent parfaire d'autres exercices de piété, ayant surtout pour objet le Sacré-Coeur de Jésus, toute la vie des associés se transforme en un sacrifice de louange, de satisfaction et de demande. Ainsi passe complètement dans les faits ce qui a été commencé au Baptême. La vie d'un chrétien doit être, en effet, comme un sacrifice offert dans le Christ et avec le Christ, pour l'honneur de Dieu le Père et pour le salut des âmes. Les divers exercices de piété en usage dans l'Apostolat de la Prière, pour compléter et parfaire l'offrande, sont, pris dans leur ensemble, une vraie somme de la perfection chrétienne ; ils apportent aux chrétiens tout ce qui est nécessaire pour sanctifier leur vie par le « sens sacrificiel de l'apostolat » et, par la sainteté de leur vie, ils multiplient les fruits de cet apostolat.

Pour les pasteurs des âmes, c'est un Directoire abrégé de la charge pastorale.

De plus, par le fait même qu'il propose « une forme très parfaite de vie chrétienne » 5, l'Apostolat de la Prière contient aussi une « Somme » et comme un Directoire abrégé de la charge pastorale, « Somme » qui, au milieu de la grande variété des oeuvres apostoliques, peut être d'un usage fort utile pour les bons pasteurs.

S'ils amènent les brebis qui leur sont confiées à faire régulièrement et soigneusement les actes proposés par l'Apostolat de la Prière, ces pasteurs auront sans aucun doute rempli eux-mêmes une part importante de leur propre devoir.

Oui, pousser les fidèles à faire pieusement leur acte quotidien d'offrande, c'est les former et les encourager à regarder leur vie comme un sacrifice qui doit être offert avec le Christ

5 Cf. Documents Pontificaux 1948, p. 322.

à Dieu le Père, et à désirer chaque jour davantage une perfection chrétienne qui fera vraiment de la vie de chacun une offrande moins indigne de Dieu.

Quand ils invitent les associés à unir cette offrande au sacrifice eucharistique et à s'approcher aussi souvent qu'ils le peuvent de la Sainte Table « en esprit de réparation », cette invitation a pour but d'aider les fidèles à faire du sacrifice non sanglant de l'autel, le centre de leur vie.

¦t

L'apostolat de la prière conduit les associés à

1° Une piété agissante et solide envers la Très Sainte Vierge, Mère de Dieu.

2° L'amour envers la Sainte Eglise.

3° L'attachement dévoué au Souverain Pontife. '/

4° Une piété ardente envers le Sacré-Coeur de Jésus.

Quand ils les exhortent à faire leur offrande par Marie, et, en fils très aimants, comme signe de leur affectueuse confiance dans le Coeur très compatissant de notre Mère, à réciter pieusement et volontiers le Rosaire, ils les forment à une piété agissante et solide envers la Vierge Mère de Dieu.

Quand ils apprennent aux associés qu'ils doivent offrir chaque jour prières, peines et travaux pour les besoins de notre sainte Mère l'Eglise, comme le souhaite le Vicaire de Jésus-Christ sur la terre (ou à ses intentions, comme on dit), ceux-ci ne réchauffent pas seulement en eux-mêmes l'amour de l'Eglise et un plein accord avec elle, mais ils fortifient, en fils d'obéissance, cet attachement dévoué au Souverain Pontife, sans lequel il ne peut y avoir d'union vraie entre les membres et la tête du Corps mystique du Christ.

Enfin, par une piété ardente envers le Sacré-Coeur de Jésus, âme de la pieuse Association, les fidèles sont conviés à une union tout à fait intime avec le Christ : leur charité pour le prochain en devient plus fervente ; leurs prières, leurs travaux et leurs souffrances s'élèvent au plus haut degré d'efficacité ; le désir s'avive en eux de se consacrer au divin Coeur et de lui donner assidûment ces témoignages d'amour réparateur grâce auxquels, selon ses propres promesses, Nous savons que des torrents de miséricorde et de grâce doivent se répandre sur les hommes alourdis de tant de misères, et se répandent de fait sur eux de tous côtés.

Il ne faut pas oublier que cette « Somme » — ce Directoire abrégé de la charge pastorale, comme Nous avons dit — grâce aux « sections » particulières qu'organise l'Association — telles les « Ligues du Sacré-Coeur » pour les hommes et la « Croisade eucharistique » pour la jeunesse, déjà couverte d'éloges par le Siège apostolique — peut s'adapter plus facilement aux diverses catégories de fidèles, de façon à répondre au caractère de chacune, à ses désirs et à ses besoins.

Ceci posé, Nous approuvons volontiers de Notre autorité les nouveaux statuts de la pieuse Association de l'Apostolat de la Prière, et ainsi organisée nous la recommandons instamment aux evêques, dans la ferme conviction que chacun mettra pour sa part soin et diligence à la propager.

Car Nous entretenons le ferme espoir que, loin de gêner les autres oeuvres apostoliques dans leurs tâches ou de les leur enlever, elle les élèvera plutôt à un plus haut degré de perfection, en les pénétrant toutes de l'esprit de sainteté et d'amour pour Dieu et les hommes qui ne cesse d'être vivant au Coeur Très Saint de Jésus et qui pousse à l'activité qui convient.

Comme gage des grâces célestes et en signe de Notre paternelle bienveillance, à vous, cher Fils, à chacun aussi des directeurs et des membres de l'Association, Nous accordons avec grande affection dans le Seigneur la Bénédiction apostolique.


DISCOURS AUX PARTICIPANTS DU CONGRÈS DE L'UNION CATHOLIQUE ITALIENNE DES SAGES-FEMMES

29 octobre 1951

1

Lors du Congrès des sages-femmes catholiques d'Italie, le Saint-Père prononça le discours suivant :

Le Pape précise d'abord la mission des sages-femmes.

Veiller avec sollicitude sur ce berceau silencieux et obscur où Dieu accorde au germe fourni par les parents une âme immortelle, pour prodiguer vos soins à la mère et procurer à l'enfant qu'elle porte en elle une heureuse naissance, voilà, chères filles, l'objet de votre profession, le secret de sa grandeur et de sa beauté.

Ce rôle est tout imprégné de grandeur divine :

Quand on pense à cette admirable collaboration des parents, de la nature et de Dieu qui aboutit à donner le jour à un nouvel être humain fait à l'image et à la ressemblance du Créateur2, comment pourrait-on refuser d'apprécier à sa juste valeur le précieux concours que vous apportez à une telle oeuvre. L'héroïque Mère des Macchabées disait à ses fils : « Je ne sais de quelle manière vous avez reçu l'être dans mon sein ; ce n'est pas moi qui vous ai donné l'esprit et la vie, ce n'est pas moi qui ai formé votre organisme. C'est donc le Créateur de l'univers qui a formé l'homme à sa naissance.3 »

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 835.
2 Gn 1,26-27.
3 2M 7,22.

Il faut donc se plier aux exigences de Dieu dans l'exercice de sa profession :

C'est pourquoi celui qui s'approche de ce berceau de l'avenir de la vie et qui y exerce son activité d'une façon ou d'une autre doit connaître l'ordre que le Créateur veut qu'on y conserve et les lois qui y président.

Car, il s'agit ici non de pures lois physiques, biologiques, auxquelles obéissent nécessairement des agents privés de raison ou de forces aveugles, mais de lois dont l'exécution et les effets sont confiés à la libre et volontaire coopération de l'homme.

L'homme créé libre, doit librement adhérer aux exigences de la morale :

Cet ordre, établi par l'intelligence suprême, est dirigé vers le but voulu par le Créateur. Il embrasse et l'exécution extérieure de l'homme et l'adhésion intérieure de sa libre volonté ; il impose soit l'action, soit l'omission. La nature met à la disposition de l'homme tout l'enchaînement des causes qui seront la source d'une nouvelle vie humaine ; il appartient à l'homme d'en libérer la force vive, à la nature d'en développer le cours et de la conduire au terme.

En particulier, il faut respecter les lois de la vie :

Après que l'homme a accompli son rôle et mis en mouvement la merveilleuse évolution de la vie, son devoir est d'en respecter religieusement la progression, devoir qui lui défend d'arrêter l'oeuvre de la nature et d'en empêcher le développement naturel.

Les sages-femmes connaissant ces lois, doivent les appliquer et les faire appliquer :

De cette façon, la part de la nature et celle de l'homme sont nettement déterminées. Votre formation professionnelle et votre expérience vous mettent en mesure de connaître l'action de la nature et celle de l'homme, non moins que les règles et les lois auxquelles toutes les deux sont soumises. Votre conscience, éclairée par la raison et par la foi, sous la direction de l'autorité établie par Dieu, vous apprend jusqu'où va l'action permise, et où, en revanche, s'impose strictement l'obligation de l'omission.

A la lumière de ces principes, Nous Nous proposons ici de vous exposer certaines considérations sur l'apostolat auquel votre profession vous engage. Car toute profession voulue par Dieu comporte une mission, celle de mettre en pratique, dans le domaine de la profession même, les pensées et les intentions du Créateur et d'aider les hommes à comprendre la justice et la sainteté du dessein de Dieu et le bien qui découle pour eux-mêmes de son accomplissement.

4 C'est d'ailleurs en raison de leur compétence qu'on fait appel aux sages-femmes :

Votre apostolat professionnel s'exerce en premier lieu par l'intermédiaire de la personne.

Pourquoi vous appelle-t-on ? Parce qu'on est convaincu que vous connaissez votre métier, que vous savez ce qui est nécessaire à la mère et à l'enfant, à quels dangers l'un et l'autre sont exposés, comment ces dangers peuvent être évités ou surmontés. On attend de vous aide et conseil, naturellement pas d'une façon absolue, mais dans les limites du savoir et du pouvoir humain, selon le progrès et l'état actuel de la science et de la pratique dans votre spécialité.

Par conséquent, les sages-femmes doivent être compétentes :

Si on attend de vous tout cela, c'est parce qu'on a confiance en vous, et cette confiance est avant tout, une chose personnelle. Votre personne doit l'inspirer. Qu'une telle confiance ne soit pas trompée, non seulement c'est votre vif désir, mais c'est encore une exigence de votre service et de votre profession et, par suite, un devoir de votre conscience. C'est pourquoi vous devez tendre à vous élever jusqu'au sommet des connaissances spécifiques à votre profession.

Celles qui sont compétentes jouissent du prestige, or, celui-ci est indispensable pour exercer une influence heureuse :

Mais votre habileté professionnelle est encore une exigence et une forme de votre apostolat. Quel crédit, en effet, trouverait votre parole dans les questions morales et religieuses liées à votre métier si vous vous montriez en défaut dans vos connaissances professionnelles ?

Au contraire, votre intervention dans le domaine moral et religieux sera d'un tout autre poids, si vous savez inspirer le respect par la supériorité de vos capacités professionnelles. Au jugement favorable que vous vaudra votre mérite s'ajoutera, dans l'esprit de ceux qui recourent à vous, la persuasion bien fondée que le christianisme convaincu et fidèlement pratiqué, loin d'être un obstacle à la valeur professionnelle, y apporte un stimulant et une garantie. Ils verront clairement que, dans l'exercice de votre profession, vous avez conscience de votre responsabilité devant Dieu ; que, dans votre foi en Dieu, vous trouvez le motif le plus fort de soigner les malades avec d'autant plus de dévouement que le besoin est plus grand ; que vous puisez dans vos solides principes religieux la force d'opposer à des pratiques déraisonnables et immorales (de quelque part qu'elles viennent) un refus calme, mais intrépide et irrévocable.

Ainsi un apostolat efficace pourra s'exercer :

Estimées et appréciées comme vous l'êtes, à cause de votre bonne conduite personnelle, autant que par votre science et votre expérience vous vous verrez confier de bon coeur le soin de la mère et de l'enfant, et peut-être, sans que vous vous en aperceviez, vous exercerez un profond, souvent silencieux, mais très efficace apostolat de christianisation vécu. Si grande, en effet, que puisse être l'autorité morale due aux qualités professionnelles, l'action de l'homme sur l'homme s'exerce surtout sous le cachet de la véritable humanité et du vrai christianisme.


II

Le deuxième caractère de votre apostolat est le zèle à défendre la valeur et l'inviolabilité de la vie humaine.

Il s'agit avant tout d'attribuer la primauté à la vie humaine :

De ceci, le monde actuel a un besoin urgent d'être convaincu par la triple attestation de l'intelligence, du coeur et des faits.

Votre profession vous offre la possibilité de donner ce témoignage et vous en fait un devoir. Parfois, c'est une simple parole dite au bon moment et avec tact à la mère ou au père ; plus souvent encore, toute votre conduite et votre manière consciencieuse d'agir influent discrètement, silencieusement, sur eux. Vous êtes plus que les autres à même de connaître et d'apprécier ce que la vie humaine est en elle-même et ce qu'elle vaut devant la saine raison, votre conscience morale, la société civile, l'Eglise et, par-dessus tout, devant Dieu. Le Seigneur a fait toutes les autres choses sur la terre pour l'homme ; et l'homme lui-même, en ce qui regarde son être et son essence, a été créé pour Dieu, et non pour quelque créature que ce soit, bien que, dans son activité, il ait des obligations aussi envers la communauté. Car « l'homme », c'est l'enfant, même dès avant sa naissance, au même degré et au même titre que la mère.

L'enfant a droit à la vie :

En outre, tout être humain, même l'enfant dans le sein de sa mère, a le droit à la vie reçue immédiatement de Dieu, et non des parents, ou de quelque société ou autorité humaine. D'où il n'y a aucun homme, aucune autorité humaine, aucune science, aucune « indication » médicale, eugénique, sociale, économique, morale qui puisse exhiber ou donner un titre juridique valable à disposer directement et délibérément d'une innocente vie humaine, c'est-à-dire en disposer pour la supprimer, soit en vue d'un but, soit comme un moyen pour obtenir un but qui, peut-être en soi, n'est pas du tout illégitime.

Il n'est donc jamais permis de tuer un enfant :

Ainsi par exemple, sauver la vie d'une mère est une très noble fin ; mais la suppression directe de l'enfant comme moyen d'obtenir cette fin n'est pas permise. La destruction « directe » d'une vie « sans valeur » née ou pas encore née, pratiquée il y a quelques années, en grand, ne peut en aucune façon se justifier. Aussi, lorsque cette pratique commença à se répandre, l'Eglise déclara formellement que tuer, même sur l'ordre de l'autorité publique, ceux qui, étant innocents, mais à cause de leurs tares physiques ou psychiques ne sont pas utiles à la nation, et plutôt deviennent une charge, est contraire au droit naturel et positif divin et, par conséquent, défendu 4.

4 Décret du Saint-Office du z décembre 1940, A. A. S., 32, 1940, pp. 553-554. On a posé à cette Sacrée Congrégation la question suivante : « Est-il licite de tuer directement

Il y a lieu de rappeler aujourd'hui cette loi absolue et intangible :

La vie d'un innocent est intangible, et tout attentat direct ou agression contre elle viole une des lois fondamentales, sans lesquelles n'est pas possible la sécurité de la société humaine.

Nous n'avons pas besoin de vous exposer en détail la signification et la portée, dans votre profession, de cette loi fondamentale. Mais, ne l'oubliez pas, au-dessus de toute loi humaine et au-dessus de toute « indication », se dresse, indéfectible, la loi de Dieu.

Aussi, les sages-femmes veilleront à l'application stricte de cette loi :

L'apostolat de votre profession vous impose ce devoir de faire partager aussi aux autres la connaissance, l'estime et le respect de la vie humaine, que vous nourrissez dans votre coeur par conviction chrétienne ; d'en prendre au besoin hardiment la défense et de protéger quand cela est nécessaire et en votre pouvoir, la vie encore cachée et sans protection de l'enfant en vous appuyant sur la force du précepte de Dieu : « Tu ne tueras point.5 »

Ce service de défense se présente parfois comme le plus nécessaire et le plus urgent. Ce n'est pas cependant la partie la plus noble et la plus importante de votre mission, car celle-ci n'est pas purement négative mais elle est surtout constructive et doit tendre à établir, à édifier, à raffermir.

Il faudra préparer les parents à l'accueil de l'enfant :

Mettez dans l'esprit et dans le coeur de la mère et du père l'estime, le désir, la joie, l'accueil aimant du nouveau-né dès son premier vagissement. L'enfant, formé dans le sein de sa mère, est un don de Dieu6 qui en confie le soin aux parents. Avec quelle délicatesse, avec quel charme, la Sainte Ecriture

5 Ex., 20, 13.

« Ps. CXXVII.

montre la gracieuse couronne des fils réunis autour de la table* paternelle et qui sont la récompense du juste, comme la stérilité est bien souvent le châtiment du pécheur. Ecoutez la parole divine exprimée dans la sublime poésie du psaume : « Ton épouse sera comme une vigne féconde au milieu de ta maison ; tes fils, comme des rejetons d'olivier autour de ta table. Voilà comment est béni l'homme qui craint Dieu 7. » Du méchant, il est écrit : « Que sa postérité soit condamnée à la mort, qu'à la première génération soit effacé jusqu'à son nom 8 ».

Que la sage-femme remette l'enfant entre les bras de son père afin que celui-ci rende grâces à Dieu :

Dès sa naissance, hâtez-vous — comme faisaient déjà les anciens Romains — de déposer l'enfant entre les bras de son père, mais avec une idée incomparablement plus haute. Chez eux, c'était l'affirmation de la paternité et de l'autorité qui en découle, ici c'est l'hommage de reconnaissance envers le Créateur, l'invocation de la bénédiction divine, l'engagement à accomplir avec dévouement la fonction que Dieu lui a confiée. Si le Seigneur loue et récompense le serviteur fidèle pour avoir fait fructifier cinq talents 9, quel éloge, quelle récompense réservera-t-il au père qui a gardé et élevé pour lui la vie humaine, supérieure à tout l'or et à tout l'argent du monde, qui lui a été confiée ?

La mère sera invitée à considérer le don de son enfant d'une manière-surnaturelle :

Pourtant votre apostolat s'adresse surtout à la mère. Sans-doute la voix de la nature parle en elle et lui met dans son coeur le désir, la joie, le courage, l'amour, la volonté d'avoir soin de l'enfant, mais pour vaincre les suggestions de la pusillanimité, sous toutes ses formes, cette voix a besoin d'être renforcée et de prendre, pour ainsi dire, un accent surnaturel. Il vous appartient de faire goûter à la jeune mère, moins par les paroles que par toute votre manière d'être et d'agir, la grandeur, la beauté, la noblesse de cette vie qui s'éveille, se forme et vit dans sort

7 Ps. CXXVIII, 3-4.

8 Ps. CIX, 13.

» Matth., 25, ii.

sein, qui naît d'elle, qu'elle porte dans ses bras et nourrit de son lait ; de faire resplendir à ses yeux et à son coeur le grand don de l'amour de Dieu pour elle et pour son enfant.

Que les souffrances de l'enfantement se transforment, lors de la naissance, en joie spirituelle !

La Sainte Ecriture vous fait entendre par de nombreux exemples l'écho des prières suppliantes, et puis des chants de reconnaissante allégresse de tant de mères, enfin exaucées, après avoir longuement imploré par leurs larmes la grâce de la maternité. Même les douleurs que, en conséquence de la faute originelle, la mère doit supporter pour donner le jour à son enfant, ne font que resserrer plus étroitement le lien qui les unit ; elle l'aime d'autant plus qu'il lui a coûté plus de souffrances. C'est ce qu'a exprimé avec une émouvante et profonde simplicité celui qui a formé le coeur des mères : « La femme, quand elle enfante, est en peine, parce que son heure est arrivée ; mais quand elle a donné le jour à son enfant, elle ne se souvient plus de l'angoisse à cause de la joie d'avoir mis un homme au monde.10 »

Ainsi la maternité devient moyen de sanctification pour la femme :

En outre, le Saint-Esprit, par la plume de l'apôtre saint Paul, montre encore la grandeur et la joie de la maternité. Dieu donne à la mère l'enfant, mais dans le don lui-même, il la fait coopérer activement à l'épanouissement de la fleur dont il avait déposé le germe dans ses entrailles, et cette coopération devient un moyen pour la conduire à son salut éternel : « La femme se sauvera pas sa postérité.11 »

La sage-femme, obéissant à ces données naturelles, rencontrera des facilités pour exercer son influence jusqu'au bout, selon les exigences de la loi de Dieu.

Ce parfait accord de la raison et de la foi vous donne la garantie que vous êtes dans la pleine vérité et que vous pouvez poursuivre avec une sécurité absolue votre apostolat d'estime

10 Jean, 16, 21. n I. Tim., 11, 15.

et d'amour pour la vie naissante. Si vous réussissez à exercer cet apostolat auprès du berceau où vagit le nouveau-né, il ne vous sera pas trop difficile d'obtenir ce que votre conscience professionnelle d'accord avec la loi de Dieu et de la nature, vous impose de prescrire pour le bien de la mère et de l'enfant.

Il s'agit de restaurer partout l'estime qu'on doit avoir pour le don de la vie.

Nous n'avons du reste pas besoin de vous démontrer, à vous qui en avez l'expérience, combien, aujourd'hui, est nécessaire cet apostolat de l'estime et de l'amour pour la vie naissante. Hélas ! le cas n'est pas rare, où, parler, même seulement par une discrète allusion, des enfants comme une « bénédiction », suffit pour provoquer des contradictions ou même, parfois, des moqueries. Beaucoup plus souvent règne l'idée ou le mot du « poids » ennuyeux des enfants. Comme cette mentalité est opposée à la pensée de Dieu et au langage de la Sainte Ecriture, et même à la saine raison et au sentiment de la nature ! S'il y a des conditions et des circonstances où les parents, sans violer la loi de Dieu peuvent éviter « la bénédiction » des enfants, cependant, ces cas de force majeure n'autorisent pas à pervertir les idées et à déprécier les valeurs, à vilipender la mère qui a eu le courage et l'honneur de donner la vie.

C'est un acte de haute charité que de procurer à l'enfant nouveau-né l'occasion de recevoir le haptème :

Si ce que Nous avons dit jusqu'ici regarde la protection et le soin de la vie naturelle, à bien plus forte raison devons-nous l'appliquer à la vie surnaturelle que le nouveau-né reçoit par le baptême.

Dans l'ordre présent, il n'y a pas d'autre moyen de communiquer cette vie à l'enfant qui n'a pas encore l'usage de la raison. Et cependant, l'état de grâce, au moment de la mort, est absolument nécessaire au salut. Sans cela, il n'est pas possible d'arriver à la félicité surnaturelle, à la vision béatifique de Dieu. Un acte d'amour peut suffire à l'adulte pour acquérir la grâce sanctifiante et suppléer au manque du baptême. Pour celui qui n'est pas né, ou pour le nouveau-né, cette voie n'est pas encore ouverte. Donc, si l'on considère que la charité envers le prochain impose de l'assister en cas de nécessité ; si cette obligation est d'autant plus grave et urgente qu'est plus grand le bien à procurer ou le mal à éviter, et que celui qui est dans le besoin a moins de facilité pour s'aider et se sauver par lui-même, alors il est aisé de comprendre la grande importance de pourvoir au baptême d'un enfant privé de tout usage de la raison et qui se trouve en grave danger ou devant une mort assurée.

En cas de nécessité, la sage-femme doit elle-même conférer le baptême :

Sans doute, ce devoir oblige en premier lieu les parents, mais dans les cas d'urgence, quand il n'y a pas de temps à perdre, et qu'il n'est pas possible d'appeler un prêtre, c'est à vous qu'est dévolu ce sublime devoir de conférer le baptême. Ne manquez donc pas de rendre ce service de charité et d'exercer cet actif apostolat de votre profession. Puissiez-vous trouver réconfort et encouragement dans la parole de Jésus : « Bienheureux les miséricordieux, car ils trouveront miséricorde 12 ». Et y a-t-il miséricorde plus grande et plus belle que celle d'assurer à l'âme de l'enfant — entre le seuil de la vie qu'il a à peine franchi et le seuil de la mort qu'il va passer bientôt — l'entrée de la glorieuse et bienheureuse éternité ?


III

Un troisième caractère de votre apostolat professionnel pourrait s'appeler celui de l'aide à la mère dans l'accomplissement prompt et généreux de sa fonction maternelle.

La mère doit généreusement accepter l'ordre divin qui règle les devoirs de la maternité.

A peine eut-elle entendu le message de l'Ange, la Sainte Vierge répondit : « Voici la servante du Seigneur ! Qu'il me soit fait selon votre parole13 ». Un fiat, un oui ardent à la vocation de mère ! Maternité virginale, incomparablement supérieure à tout autre ; cependant maternité réelle, dans le vrai et propre sens du mot C'est pourquoi, dans la récitation de

12 Mt 5,7.
13 Lc 1,38.
« Ga 4,4.

YAngélus, après avoir rappelé l'acceptation de Marie, le fidèle conclut immédiatement : « Et le Verbe s'est fait chair 15 ».

C'est une des exigences fondamentales de la rectitude de l'ordre moral qu'à l'usage des droits conjugaux corresponde la sincère acceptation intime de la fonction et des devoirs de la maternité.

A cette condition, la femme marche dans la voie tracée par le Créateur vers la fin qu'il a assignée à sa créature, en la faisant, par l'exercice de cette fonction, participer à sa bonté, à sa sagesse, à sa toute-puissance, selon la parole de l'ange : « Tu concevras dans ton sein et tu enfanteras 16 ». Si donc tel est le fondement biologique de votre activité professionnelle, l'objet pressant de votre apostolat sera : agir pour maintenir, réveiller, stimuler le sens et l'amour du service de la maternité.

La sage-femme doit user de son influence pour faire désirer l'enfant à naître :

Quand les époux estiment et apprécient l'honneur de susciter une existence nouvelle, dont ils attendent avec une sainte impatience l'apparition, bien facile est votre rôle : il suffit de cultiver en eux ce sentiment intime ; la disposition à accueillir et à entretenir cette vie naissante, suit alors comme de soi. Cependant, il n'en est pas toujours ainsi ; hélas ! souvent l'enfant n'est pas désiré, pis encore, il est redouté ; comment pourrait, dans de telles conditions, exister encore la promptitude au devoir. C'est là que votre apostolat doit s'exercer d'une manière effective et efficace ; par-dessus tout, d'une façon négative, en repoussant toute coopération immorale, et ensuite aussi, d'une façon positive, en appliquant délicatement vos soins à dissiper les préjugés, les diverses appréhensions ou les prétextes pusillanimes, à éloigner, autant qu'il est possible, les obstacles même extérieurs qui peuvent rendre difficile l'acceptation de la maternité.

Il faut refuser sa coopération à toutes les pratiques qui tendraient à empêcher la naissance normale :

Si on ne recourt à vos conseils et à vos services que pour faciliter la procréation de la nouvelle existence, pour la protéger

15 Jn 1,14. u Lc 1,31.

et l'acheminer vers son plein développement, vous pouvez sans hésitation apporter votre pleine coopération ; mais en combien d'autres cas ne recourt-on pas, au contraire, à vous pour empêcher la procréation et la conservation de cette existence, sans aucun respect pour les préceptes de l'ordre moral ?

Obtempérer à de tels appels serait abaisser votre savoir et votre expérience, en vous rendant complices d'une action « immorale » ; ce serait une perversion de votre apostolat.

Cela exige un « non » calme, mais catégorique, qui ne permet pas de transgresser la loi de Dieu et le dictamen de la conscience. C'est pourquoi votre profession vous oblige à avoir une claire connaissance de la loi divine, de façon à la faire respecter, sans demeurer en-deçà ni aller au-delà de ses préceptes.

Il est formellement interdit de détourner l'acte conjugal de sa vraie fin qui est la procréation de l'enfant :

Notre Prédécesseur Pie XI dans son Encyclique Casti Connubii du 31 décembre 1930, proclama de nouveau solennellement la loi fondamentale de l'acte et des rapports conjugaux ; que tout attentat des époux dans l'accomplissement de l'acte conjugal ou dans le développement de ses conséquences naturelles, attentat ayant pour but de le priver de l'énergie qui lui est Inhérente et d'empêcher la procréation d'une nouvelle existence, est immoral, et qu'aucune « indication » ou nécessité ne peut transformer une action intrinsèquement immorale en un acte moral et licite 17.

Cette prescription est en pleine vigueur aujourd'hui comme hier, et elle sera encore telle demain et toujours, parce qu'elle n'est pas un simple précepte de droit humain, mais l'expression d'une loi naturelle et divine.

i' A. A. S., 22, p. 55g et seq. Dans Casfi Connubii, Pie XI disait : « Comme certains s'écartant manifestement de la doctrine chrétienne telle qu'elle a été transmise depuis le commencement et toujours fidèlement gardée, ont jugé bon récemment de prêcher d'une façon retentissante, sur ces pratiques, une autre doctrine, l'Eglise catholique, investie par Dieu même, de la mission d'enseigner et de défendre l'intégrité des moeurs et l'honnêteté, l'Eglise catholique, debout au milieu de ces ruines morales, afin de garder la chasteté du lien nuptial à l'abri de cette honteuse déchéance, se montrant ainsi l'envoyée de Dieu, élève bien haut la voix par Notre bouche, et elle promulgue de nouveau : que tout usage du mariage, quel qu'il soit, dans l'exercice duquel l'acte est privé, par l'artifice des hommes, de sa puissance naturelle de procréer la vie, offense la loi de Dieu et la loi naturelle, et Que ceux qui auront commis quelque chose de pareil se sont souillés d'une faute grave. »

Que nos paroles soient une règle sûre pour tous les cas dans lesquels votre profession et votre apostolat exigent de vous une détermination claire et ferme.

18 Casti Connubii, A. A. S., 22, pp. 564-565.

1© Décret du Saint-Office du 24 février 1940, A. A. S., 32, 1940, p. 73. Le doute suivant a été soumis à la Sacrée Congrégation du Saint-Office : « La stérilisation directe soit perpétuelle, soit temporaire, de l'homme ou de la femme, est-elle licite ? » On a répondu : « Négativement et que cette opération était à la vérité interdite par la loi naturelle et, pour ce qui regarde la stérilisation eugénique, qu'elle avait déjà été condamnée par le Décret du 21 mai 1931 du Saint-Office. »

C'est ainsi également que la stérilisation — c'est-à-dire l'acte par lequel on rend quelqu'un inapte à la procréation — est condamnée par la loi morale :

Il y aurait beaucoup plus qu'un simple manquement à l'obéissance dans le service de la vie, si l'attentat sur l'homme ne concernait pas seulement un seul acte, mais s'attaquait à l'organisme même, dans le but de le mutiler, par le moyen de la stérilisation de la faculté de procréer une nouvelle existence. Ici, encore, vous avez, pour votre conduite intime et extérieure, une règle claire dans l'enseignement de l'Eglise.

La stérilisation directe — c'est-à-dire qui vise, comme moyen et comme but à rendre impossible la procréation — est une grave violation de la loi morale et est, par conséquent, illicite.

Toutes les mesures prises par certains Etats, en ce domaine, sont donc illicites :

Même l'autorité publique n'a aucun droit, sous prétexte de quelque « indication » que ce soit, de la permettre, et beaucoup moins de la prescrire, ou de la faire exécuter au préjudice des innocents.

Ce principe se trouve déjà énoncé dans l'Encyclique susmentionnée de Pie XI sur le mariage 18.

C'est pourquoi lorsque, il y a dix ans, la stérilisation commença à être toujours plus largement appliquée, le Saint-Siège se vit dans l'obligation de déclarer expressément et publiquement, que la stérilisation directe, soit perpétuelle, soit temporaire, soit de l'homme, soit de la femme, est illicite, en vertu de la loi naturelle dont l'Eglise elle-même, comme vous le savez, n'a pas le pouvoir de dispenser 19.

Les sages-femmes doivent donc refuser leur coopération à ces pratiques de stérilisation :

Opposez-vous donc, autant que vous le pouvez, dans votre apostolat, à ces tendances perverses, et refusez-leur votre coopération.

Que faut-il penser de la continence périodique, basée sur la pratique de l'acte conjugal réservée aux périodes stériles.

En outre, de nos jours, se présente le grave problème de savoir si et quand l'obligation de disponibilité au service de la maternité est conciliable avec ce recours toujours plus fréquent aux époques de stérilité naturelle (périodes agénésiques chez la femme), recours qui semble une claire expression de la volonté contraire à la disponibilité.

Et tout d'abord, les sages-femmes doivent être au courant des données de la science à cet égard :

On attend précisément de vous que vous soyez bien informées, du côté médical, de cette théorie connue et des progrès qu'en cette matière on peut encore prévoir, et d'autre part, que vos conseils et votre assistance ne s'appuient pas sur de simples publications populaires, mais soient appuyés sur l'objectivité scientifique et sur le jugement autorisé de spécialistes consciencieux en médecine et en biologie.

Il est de la compétence de la sage-femme de fournir les renseignements à ce sujet, en s'inspirant d'abord des résultats de la science :

C'est votre affaire, non celle du prêtre, d'instruire les époux, soit dans les consultations privées, soit au moyen de sérieuses publications de l'aspect biologique et technique de la théorie, sans cependant vous laisser entraîner à une propagande qui ne serait ni juste ni convenable.

Mais ensuite, il faut faire appel à la morale qui a son mot à dire sur l'usage de ces méthodes :

Mais dans ce domaine encore, votre apostolat réclame de vous, comme femmes et comme chrétiennes, que vous connaissiez et défendiez les règles de la morale auxquelles est soumise l'application de cette théorie. Et ici, l'Eglise est compétente.

Or la morale déclare :

i° Que les époux qui ne refusent pas d'avoir des enfants, peuvent user de l'acte conjugal aussi bien durant les périodes stériles que pendant les périodes fécondes :

Il faut tout d'abord considérer deux hypothèses : a) Si l'application de cette théorie ne veut signifier rien d'autre chose que les époux puissent faire usage de leur droit conjugal même les jours de stérilité naturelle, il n'y a rien à redire. De cette façon, en effet, ils n'empêchent ni ne gênent en aucune façon la consommation de l'acte naturel et de ses conséquences naturelles ultérieures. Précisément, en cela, l'application de la théorie dont nous parlons se distingue essentiellement de l'abus déjà signalé, qui consiste dans la perversion de cet acte. ^,

2° Que les époux qui n'usent de l'acte conjugal que durant les périodes stériles peuvent commettre une faute :

En effet : if|

a) Si au moment du mariage les époux ont décidé de ne poser l'acte conjugal que durant les périodes stériles : le mariage lui-même est invalide : :

« Si, au contraire, on va plus avant, c'est-à-dire qu'on permette l'acte conjugal exclusivement en ces jours, alors la conduite des époux doit être examinée plus attentivement. Et ici, de nouveau, deux hypothèses se présentent à notre attention : a) Si déjà, au moment de la conclusion du mariage, au moins l'un des époux avait eu l'intention de restreindre au moment de stérilité le droit conjugal, et non seulement l'usage de ce droit, de telle sorte que, les autres jours, l'autre époux n'aurait pas non plus le droit de réclamer l'acte, cela impliquerait un défaut essentiel de consentement matrimonial, qui comporterait de soi l'invalidité du mariage, pour la raison que le droit dérivant du contrat matrimonial est un droit permanent ininterrompu et non intermittent, de chacun des époux vis-à-vis de l'autre.

b) si, au contraire, c'est au cours de la vie conjugale, qu'on décide de n'user de l'acte conjugal que durant les périodes stériles, en général, on se met en opposition avec la loi morale :

D'autre part, si cette limitation de l'acte aux jours de stérilité naturelle se rapporte non au droit lui-même mais à l'usage du droit, la validité du mariage reste hors de discussion, cependant, la licéité morale d'une telle conduite des époux serait à affirmer ou à nier, selon que l'intention d'observer constamment ces périodes est basée ou non sur des motifs moraux suffisants et sûrs. Le seul fait que les époux ne violent pas la nature de l'acte et sont même prêts à accepter et élever l'enfant, qui, malgré leurs précautions, viendrait au monde, ne suffirait pas à soi seul à garantir la rectitude des intentions et la moralité absolue de ces motifs.

Seuls des motifs graves peuvent dans certains cas permettre l'usage exclusif de ces périodes stériles :

La raison est que le mariage oblige à un état de vie qui, de même qu'il confère certains droits, impose également l'accomplissement d'une oeuvre positive en rapport avec ce même état. Dans ce cas, on peut appliquer le principe général qu'une prestation positive peut être omise si de graves motifs, indépendants de la bonne volonté de ceux qui y sont obligés, établissent que cette prestation est inopportune ou prouvent qu'elle ne peut être en justice réclamée par le requérant de l'espèce, le genre humain.

Le contrat matrimonial qui accorde aux époux le droit de satisfaire l'inclination de la nature, les établit en un état de vie, l'état conjugal. Or, aux époux qui en font usage, avec l'acte spécifique de leur état, la nature et le Créateur imposent la fonction de pourvoir à la conservation du genre humain. Telle est la prestation caractéristique qui fait la valeur propre de leur état, le bonum prolis. L'individu et la société, le peuple et l'Etat, l'Eglise elle-même, dépendent pour leur existence, dans l'ordre établi par Dieu, du mariage fécond.

Par suite, embrasser l'état du mariage, user constamment de la faculté qui lui est propre et qui n'est licite que dans ses limites et, d'autre part, se soustraire toujours et délibérément, sans un motif grave, à son devoir principal, sera un péché contre le sens même de la vie conjugale.

Seuls des motifs sérieux peuvent dispenser à obéir à cette exigence :

On peut être dispensé de cette prestation positive obligatoire même pour longtemps, pour la durée entière du mariage, par des motifs sérieux, comme ceux qu'il n'est pas rare de trouver dans ce qu'on appelle 1'« indication » médicale, eugénique, économique et sociale. D'où il suit que l'observance des époques infécondes peut être licite sous l'aspect moral et, dans les conditions indiquées, l'est réellement. Cependant, s'il n'y a pas d'après un jugement raisonnable et juste, de semblables raisons, soit personnelles, soit découlant des circonstances extérieures, la volonté d'éviter habituellement la fécondité de leur union, tout en continuant à satisfaire pleinement leur sensualité, ne peut venir que d'une fausse appréciation de la vie et de motifs étrangers aux règles de la saine morale.

Il y a encore des cas plus complexes où la maternité est contre indiquée et où les méthodes utilisant les périodes stériles sont inefficaces. Que faire alors ?

Cependant, vous insisterez peut-être maintenant en observant que dans l'exercice de votre profession vous vous trouvez parfois en face de cas très délicats, où l'on ne peut exiger, par exemple, d'encourir le risque de la maternité, et où même elle doit être absolument évitée et où, d'autre part, l'observance des périodes agénésiques ou ne procure pas une sécurité suffisante ou encore doit être écartée pour d'autres motifs. Et alors vous demandez comment on peut encore parler d'un apostolat au service de la maternité.

La sage-femme, se basant sur les données médicales, se prononcera nettement sur le fait, qu'une maternité future est ou non désirable :

Si, à votre jugement sûr et expérimenté, les conditions requièrent absolument un « non », c'est-à-dire l'exclusion de la maternité, ce serait un tort et une erreur d'imposer ou de conseiller un « oui ». Il s'agit, en effet, ici, de faits concrets et, par conséquent, d'une question non de théologie, mais de médecine ; elle est donc de votre compétence.

Mais comment se prémunir contre une maternité indésirable 1

Cependant dans ce cas, les époux n'attendent pas de vous une réponse médicale nécessairement négative, mais l'approbation d'une « technique » de l'activité conjugale les assurant contre les risques de la maternité.

Il y a deux solutions très nettes :

a) Tout attentat à la vie est condamné.

b) Il n'y a qu'une solution satisfaisante : la continence.

Et voici que vous êtes de nouveau appelées à exercer votre apostolat, dans la mesure où vous ne laissez aucunement en doute que, même dans ces cas extrêmes, toute manoeuvre préventive et tout attentat direct à la vie et au développement du germe sont défendus en conscience et exclus, et qu'une seule voie reste ouverte qui est celle de l'abstention de toute réalisation complète du pouvoir de la nature. Ici, votre apostolat vous oblige à avoir un jugement clair et sûr, à être fermes avec calme.

Certains disent faussement que la continence n'est pas possible :

Mais on objectera qu'une telle abstention est impossible, qu'un pareil héroïsme n'est pas réalisable.

Cette objection vous l'entendrez aujourd'hui, vous la lirez partout même de la part de ceux qui, par devoir, ou du fait de leur compétence devraient être capables de juger bien autrement. Et on apporte pour le prouver le raisonnement suivant : Personne n'est obligé à l'impossible et aucun législateur raisonnable ne peut être présumé vouloir obliger par sa loi même l'impossible. Mais, pour les époux la continence de longue date est impossible. Donc, ils ne sont pas obligés à la continence ; la loi divine ne peut avoir ce sens. Ainsi de prémisses partiellement vraies, on tire une conclusion fausse. Pour s'en convaincre, il suffit d'intervertir les termes du raisonnement : Dieu n'oblige pas à l'impossible. Mais Dieu oblige les époux à la continence si leur union ne peut s'accomplir selon les règles de la nature. Donc en ce cas la continence est possible. Nous avons comme confirmation de ce raisonnement la doctrine du Concile de Trente, lequel, dans le chapitre sur l'observance nécessaire et possible des commandements enseigne, en se rapportant à un passage de saint Augustin : « Dieu ne commande pas de choses impossibles, mais en commandant, il exhorte, et à faire ce que tu peux et à demander ce que tu ne peux pas, et il t'aide afin que tu puisses le faire 20. »

La sage-femme devra demeurer ferme sur ces principes : !''

Par conséquent, ne vous laissez pas impressionner dans la pratique de votre profession et dans votre apostolat par ce grand mot d'impossibilité, ni en ce qui regarde votre jugement intime, ni en ce qui se rapporte à votre conduite extérieure. Ne vous prêtez jamais à rien qui soit contraire à la loi de Dieu et à votre conscience chrétienne !

i D'ailleurs, nos contemporains sont parfaitement capables de poser des actes héroïques quand il le faut :

C'est faire tort aux hommes et aux femmes de notre temps que de les estimer incapables d'un héroïsme continu. Aujourd'hui, pour tant de motifs — peut-être sous l'étreinte de la dure nécessité ou quelquefois au service de l'injustice — l'héroïsme s'exerce à un degré et avec une extension que dans les temps passés on aurait cru impossibles. Pourquoi cet héroïsme, si vraiment les circonstances l'exigent, devrait-il s'arrêter aux frontières marquées par les passions et les inclinations de la nature ? C'est bien clair : celui qui ne veut pas se dominer lui-même ne le pourra pas, et qui croit pouvoir se dominer, en comptant seulement sur ses propres forces, sans chercher sincèrement et avec persévérance le secours divin, restera misérablement déçu.

Voilà ce qui regarde votre apostolat auprès des époux pour les gagner au service de la maternité, non dans le sens d'une aveugle servitude, sous les instincts de la nature, mais d'un exercice des droits et des devoirs conjugaux réglé par les principes de la raison et de la foi.

20 Concile de Trente, 6e session, ch. XI : DS 804 ; Saint Augustin, De natura et gratia, ch. XLIII, No 50 ; Migne, PL 54, 271.


PieXII 1951 - LETTRE APOSTOLIQUE AUX CATHOLIQUES DE TCHÉCOSLOVAQUIE