Pie XII 1952 - ALLOCUTION AUX CURÉS DE ROME ET AUX PRÉDICATEURS DES STATIONS DE CARÊME


ALLOCUTION A SON EXC. D. JUAN E. O'LEARY AMBASSADEUR DU PARAGUAY

(io mars 1952)1






Le Paraguay a décidé d'élever sa Légation auprès du Saint-Siège au rang d'Ambassade. Aussi lors de sa présentation des Lettres de créance, le nouvel Ambassadeur2 entendit-il l'allocution suivante prononcée par le Pape :

Avec la présentation des Lettres de créance, par lesquelles Son Excellence M. le Président de la République du Paraguay 3 vous accrédite comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire auprès de Nous, la direction de la représentation paraguayenne, récemment élevée au rang d'ambassade, se trouve confiée, comme Nous le croyons fermement, à des mains fortes et sûres.

Les expressions par lesquelles vous avez tenu à accompagner les premiers pas de votre importante mission, Nous permettent largement de noter les idées et les convictions qui inspirent les débuts du nouveau et important chemin d'une vie dont l'éloge pourrait être tissé de concert par la docte histoire, la poésie fleurie, la politique prudente, la valeur civique et l'amour passionné d'une patrie très chère. C'est un chemin le long duquel Nous aurons toujours la satisfaction de faire tout ce qui est en Notre pouvoir et qui est compatible avec les principes qui relèvent de Notre suprême office pastoral, pour répondre aux nobles aspirations du Chef de l'Etat et des membres de votre Gouvernement, sans négliger les hautes fins de votre nouvelle mission, ainsi que les désirs du bon peuple paraguayen toujours si près de Notre coeur, si riche en valeurs légitimes, comme la terre prospère et féconde sur laquelle il vit : riantes collines à l'orient du Fleuve maternel, offrant dans leurs forêts denses les bois les plus précieux ; prairies étendues à l'occident, peuplées de gras troupeaux ; et tout bas un ciel des plus beaux, un des plus limpides du monde, traversé sans cesse par des vols de perroquets, les plus beaux oiseaux du continent et peut-être de l'univers entier.

La sincérité spirituelle d'un croyant tel que Votre Excellence, en arrivant au faîte d'une vie placée sous l'égide de « Dieu et la Patrie », voit dans cet appel au centre vital de la Chrétienté — surtout en un moment si chargé de problèmes et de conflits — un signe particulier de la main affectueuse de la Providence. Et la noble âme du vieux chrétien veut y répondre en se laissant inonder d'une joie intime et en se stimulant elle-même à des choses de plus en plus grandes, pour contribuer ici, en une pacifique émulation avec les si dignes représentants de tant de nations, à ce que les forces fécondes de la Religion, absolument nécessaires à tous les peuples — s'ils veulent résoudre leurs problèmes nationaux et particuliers aussi bien que les supranationaux et universels — se développent librement en se faisant présentes sans cesse davantage et en se consolidant avec plus de profondeur dans votre patrie aimée.

Nous ne pouvons douter que des intentions si élevées trouveront toujours la sûre approbation et le prudent appui du premier magistrat de votre nation, de celui-là même qui un jour, celui du Saint-Rosaire de 1950, en une solennelle occasion, à Ciudad de Villeta, manifesta ouvertement sa conviction de ne point connaître, pour arriver à la paix et au triomphe de la charité entre les hommes, d'autre chemin que celui tracé par Jésus-Christ et par sa Sainte Eglise, qui est la Catholique, Apostolique et Romaine.

Les émouvantes phrases que Votre Excellence, Monsieur l'Ambassadeur, vient de prononcer, auront un juste écho dans le peuple croyant du Paraguay, toujours dévoué au Siège Apostolique ; toujours fidèle à sa tradition catholique, jusqu'au point de répéter encore aujourd'hui en langue « guarani » les prières

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que lui enseignèrent les missionnaires à la fin du XVIe siècle ; toujours reconnaissant envers ses grands hommes — comme au fameux Hernandarias de Saavedra, trait d'union entre deux chapitres d'histoire, grand protecteur des propagateurs de la foi et grand chrétien — ; toujours si dévot, surtout, à l'égard de sa Mère Céleste, avec la protection et le secours de laquelle il a écrit les meilleures pages de sa glorieuse histoire.

Précisément, pour satisfaire un désir filialement exposé par votre nation — une de celles qui s'est le plus distinguée entre toutes en manifestant sa joie, à l'occasion de la récente définition dogmatique — Nous avons été profondément heureux durant la période d'été de l'Année Sainte Universelle passée, d'accueillir l'ardent désir de vos autorités ecclésiastiques et civiles, en proclamant Notre-Dame de l'Assomption, déjà titulaire de votre capitale, comme patronne de toute la République 4.

Sous sa puissante protection, comme le demande avec constance et ferveur au ciel le Père commun, se réalisera rapidement l'élévation matérielle et spirituelle de votre patrie, si souvent et durement éprouvée.

Excellence, en faisant l'examen rétrospectif, à la fois intelligent et reconnaissant, du développement historique de votre grand pays, vous avez rappelé à la mémoire en des termes élogieux la grandiose geste que les fils du Patriarche de Loyola, stimulés par son idéal de la plus grande gloire de Dieu, accomplirent en terre paraguayenne pour l'admiration du monde et l'honneur de l'Eglise. Ce que le tiède baiser du soleil de la charité fit percer, croître avec abondance et enfin fleurir, le souffle froid de la fureur, de l'avidité et de l'envie, des outrages et des persécutions jusque contre les généreux semeurs du bien se chargerait bien de le dessécher par la suite. Mais le feu qui, un jour, vivifia, illumina et donna sa chaleur à de si vastes régions n'arrive jamais à s'éteindre sous les cendres chaudes ; il attend seulement le souffle providentiel qui, avec l'aide de Dieu et la collaboration des hommes de bien, fera se lever de nouveau la flamme.

Heureux ce jour où tout le Paraguay sentira ce feu le brûler et le pénétrer tout entier. Une profonde pénétration de la Religion dans la vie privée et publique est capable de tout le purifier ; elle ne détruit rien, si ce n'est le péché ; elle n'enlève



Cf. Lettre Apostolique, du 9 juin 1951, dans A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 451.

rien de légitime à l'autorité de ceux qui gouvernent ; rien à la liberté raisonnable des gouvernés ; elle éduque les uns et les autres avec le sens de la responsabilité envers une loi éternelle qui a fixé les limites sacrées au-delà desquelles ne peuvent aller ni l'abus du pouvoir, ni l'excès de la liberté. Dans des limites tout à fait inviolables, dont les bornes sont les principes les plus solides, les différences naturelles de chaque peuple, les oscillations causées par les divers systèmes ou les préférences distinctes — dans ce qui est purement politique — conservent et exercent l'exacte liberté d'action et de mouvement, sans laquelle, dans le domaine du temporel, ne pourra jamais se réaliser l'équilibre des opinions, peut-être diverses mais toujours admissibles, qui doivent circuler comme une sève vitale dans les veines du complexe organisme national.

Ainsi un peuple profondément religieux, dans la pleine conscience de ses propres moyens et avec les yeux fixés sur les buts universels suprêmes qui se dressent au-delà des étroites frontières nationales, pourra regarder sans crainte l'avenir, bien qu'il ait eu à vivre des jours aussi tristes et sombres que les nôtres. Ni les allusions du passé n'ont mis l'amertume dans son coeur, ni les périls de l'avenir ne le paralysent pour demain.

Il vit son jour présent, sereinement, avec une conscience pure et virile ; il sait que son évolution et sa puissance futures seront en proportion de la fermeté avec laquelle il sait maintenir à présent sa position, de la vigilance avec laquelle il continue à observer et prévenir les dangers publics et secrets, et de la générosité avec laquelle il est capable de se consacrer à l'accomplissement de son devoir et de tous les devoirs qui lui reviennent en qualité de membre de la grande famille humaine.

Avec toute la sollicitude que peut contenir le coeur d'un Père, Nous exhortions voici peu de temps les catholiques de la Ville éternelle et à travers eux ceux du monde entier, à se réveiller tout de suite et à se rendre compte avec courage, générosité et résolution, de tout ce que la gravité du moment exige de tous et de chacun.

Ce n'est pas pour Nous une modeste consolation, Monsieur l'Ambassadeur, de supposer que cette exhortation, motivée par des raisons qui ne sont pas de ce monde et orientée vers des finalités qu'il est inutile de chercher à limiter ou à dévier, a été écoutée et suivie également dans votre lointaine patrie. S'il en a été ainsi ce sera pour son plus grand bien, pour sa

plus grande prospérité dans tous les domaines, pour le pacifique progrès culturel et social de ce très cher peuple auquel, en accédant avec joie à ce que Votre Excellence Nous a demandé, Nous donnons de tout Notre coeur, en gage de la protection divine, et en témoignage de notre inaltérable affection, la Bénédiction apostolique.










LETTRE DE MONSEIGNEUR J.-B. MONTINI SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A MADEMOISELLE BUTILLARD PRÉSIDENTE DE L'UNION FÉMININE CIVIQUE ET SOCIALE

(11 mars 1952) 1








Un Congrès de l'Union féminine, civique et sociale se tint à Paris du 12 au ï6 mars, et aborda le sujet : « Pour la Cité de demain ».

En cette circonstance, une lettre fut reçue de la Secrétairerie d'Etat :

Le Souverain Pontife qui, il y a deux ans, vous adressait par mon entremise, ses paternelles félicitations à l'occasion du 25e anniversaire de l'Union féminine civique et sociale, a daigné s'intéresser personnellement à votre prochain congrès national.

Vous avez choisi comme thème général des conférences l'action des femmes conseillères municipales et leur préparation aux tâches civiques selon les principes de la doctrine sociale de l'Eglise ; un tel objet d'études ne pouvait qu'être apprécié par Sa Sainteté qui, en 1945, donnait déjà aux femmes catholiques d'Italie cette consigne : « Votre heure a sonné ; la vie publique a besoin de vous » 2.

1 D'après le texte français de ta Documentation Catholique, t. XLIX, c. 506.

2 Allocution du 21 octobre 1945.




S'il est vrai que la femme exerce principalement son activité dans les occupations de la vie domestique et sert, à cette place providentielle, les intérêts de la communauté, il est normal de prévoir aussi sa participation plus directe et effective à la vie civique.

« La femme, déclarait encore le Saint-Père, doit concourir avec l'homme au bien de la civitas, dans laquelle elle a une dignité égale à la sienne. » Or, la municipalité, base de l'édifice politique, offre un cadre particulièrement favorable à l'action civique et sociale des conseillères ; leur irremplaçable expérience de la vie domestique et des tâches éducatives, leur sens des traditions locales et des réalités quotidiennes, joints à la délicatesse, à la perspicacité de la nature féminine, contribueront à écarter de l'administration des communes l'arbitraire des conceptions théoriques, et à y sauvegarder le libre jeu des initiatives privées.

Mais une telle action, surtout de nos jours, ne s'improvise pas ; et l'U.F.C.S. fait oeuvre utile en se souciant non seulement d'éveiller les femmes de France à leurs responsabilités civiques, mais encore de donner aux conseillères municipales, une formation et une documentation qui leur assurent la compétence requise.










LETTRE

AU CONGRES MARIAL DE LAFRIQUE DU SUD

(15 mars 195.2) 1






Cette lettre, adressée à Son Exc. Mgr Martin Lucas, Archevêque titulaire d'Adulis, Délégué Apostolique en Afrique du Sud, s'exprime ainsi :

C'est avec grand plaisir que Nous avons appris la célébration solennelle à la fin du mois d'avril prochain, du Congrès Mariai de toute l'Union de l'Afrique du Sud, dans l'opulente ville de Durban, remarquable par le nombre de ses habitants et l'abondance des affaires qui s'y traitent, constituée par Nous l'an dernier en siège métropolitain, par suite de l'accroissement du nombre des fidèles catholiques 2. Lorsqu'il n'y a pas si longtemps, correspondant aux voeux de toute l'Eglise, sous l'inspiration du Saint-Esprit, Nous avons proclamé et défini comme dogme de foi que l'auguste Vierge, Mère de Dieu, a été élevée au ciel en âme et en corps, les Evêques de l'Afrique du Sud, poussés par leur foi et leur piété et celles de leurs fidèles, désirant stimuler la dévotion de plus en plus générale envers la Mère du Ciel, décidèrent de célébrer en son honneur les prochaines solennités. Bien plus, ils Nous ont instamment demandé de constituer la Bienheureuse Vierge de l'Assomption céleste Patronne de tout leur territoire civil. Nous y répondons de grand coeur, décidant par Notre autorité que la très bienveillante Vierge Marie, élevée au ciel avec son corps par un privilège particulier, est la Patronne céleste de toute l'Union Sudafricaine. Et pour que la splendeur et la magnificence des solennités














décidées s'accroissent d'une certaine présence de Notre part, Nous vous choisissons et nommons, Vénérable Frère, qui, par la dignité archiépiscopale, tenez déjà Notre place dans cette région éloignée et très chère d'Afrique, pour Notre Légat, pour que vous présidiez en Notre nom et par Notre autorité le Congrès Mariai qui doit se tenir bientôt dans la ville de Durban. Nous avons le ferme espoir que, par votre présence et celle des autres Evêques, par le concours et la vénération du peuple fidèle, par la pieuse et auguste dignité des assemblées et cérémonies, ces solennités contribueront tant au triomphe de la Reine du Ciel qu'à l'utilité et au progrès des âmes. Il ne Nous reste plus. Vénérable Frère, qu'à vous donner aussi le pouvoir de bénir, au jour fixé, à l'issue de la Messe Pontificale, en Notre nom et par Notre autorité, les fidèles présents, leur annonçant l'indulgence plénière à gagner aux conditions accoutumées dans l'Eglise. En présage de ces dons divins et en gage de Notre particulière affection, Nous vous accordons de tout coeur dans le Seigneur la Bénédiction apostolique, à vous, Vénérable Frère, à tous les Evêques de l'Afrique du Sud et à leur clergé et fidèles.










LETTRE

DE LA SACRÉE CONGRÉGATION DES RELIGIEUX AUX ORDINAIRES DIOCÉSAINS

(19 mars 1952) 1






Le Rév. Père Arcadio Larraona CM.F., secrétaire de la Congrégation des Religieux, a envoyé la lettre suivante aux Evêques, indiquant qu'il y avait obligation pour les moniales de s'occuper d'ceuvres d'apostolat extérieur.

Il est manifeste qu'avec la Constitution apostolique Sponsa Christi du 21 novembre 19502 la vénérable Institution des moniales a reçu une force d'impulsion nouvelle et elle est organisée de telle façon qu'elle peut accomplir plus efficacement et en progressant sa mission dans l'Eglise et dans les destins humains.

Le Souverain Pontife rappelle clairement en cette constitution aux moniales qui ont si bien mérité de l'Eglise et des âmes, que « leur vocation est pleinement et entièrement apostolique3 », car on ne peut pas séparer leur amour pour l'Epoux céleste de l'amour des âmes, pour le salut et la sanctification desquelles il n'a pas hésité lui-même à donner sa vie.

Par là même, en suivant parfaitement la vocation de la vie contemplative, les moniales exercent réellement leur apostolat par les exemples de perfection chrétienne et religieuse, par leurs prières et leur esprit de mortification.
















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congrégation des religieux



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Mais à cet exercice de l'apostolat, qui constitue la vocation spécifique des moniales, il pourra, et même en certaines circonstances, il devra s'ajouter l'action immédiate pour aider le prochain par le moyen d'ceuvres appropriées à leur genre de vie particulier.

C'est pour cela que la Constitution apostolique affirme à bon droit que la pratique des oeuvres d'apostolat, envisagée dans une juste mesure et sous une forme convenable4, non seulement ne s'oppose pas du tout à la vie contemplative, mais peut et doit constituer un véritable élément qui, d'une façon très certaine, lui confère une plus haute valeur et une plus grande efficacité 5.

Ainsi pour les moniales « qui, dans leurs Constitutions propres ou leurs légitimes prescriptions ont des oeuvres d'apostolat spécial extérieur déterminées », le Document Pontifical leur rappelle de nouveau l'obligation qu'il y a pour elles de s'y donner et de s'y consacrer fidèlement6.

Pour celles, par contre, qui mènent une vie uniquement contemplative, « mais qui, dans leurs propres traditions, admettent ou ont admis une forme spéciale d'apostolat extérieur », Sponsa Christi les exhorte véhémentement à « la conserver fidèlement après l'avoir adaptée aux besoins actuels, tout en sauvegardant toutefois leur vie contemplative ; si elles l'ont abandonnée, qu'elles veillent à la reprendre avec soin 7 ».

Finalement, pour toutes les moniales, même pour celles chez lesquelles la vie contemplative apparaît comme n'ayant jamais jusqu'ici été unie d'une façon habituelle et constante avec l'apostolat extérieur, le Souverain Pontife prescrit que « en cas de nécessité et pour un temps limité, elles pourront ou devront, au moins par charité être occupées à ces formes particulières ou personnelles d'apostolat » 8.

En conséquence, la Constitution elle-même à plusieurs reprises envisage des cas pour lesquels l'autorité ecclésiastique suprême pourrait imposer quelque activité apostolique en se conformant à des critères et à des règles qui seront fixés par le Saint-Siège °.

Votre Excellence n'ignore certainement pas que devant les graves nécessités actuelles de l'Eglise et des âmes, qui requièrent pour y remédier la coopération de tous indistinctement, le Souverain Pontife affirme : « Il semble que le moment soit venu de concilier la vie monastique, même chez les moniales consacrées d'une façon générale à la contemplation, avec une participation mesurée à l'apostolat » 10.

Ainsi donc se conformant fidèlement aux augustes directives du Souverain Pontife sur ce point, la Sacrée Congrégation estime être de son devoir, en ces graves circonstances de notre époque, d'insister auprès des moniales sur l'obligation d'apporter une collaboration opportune et efficace à ces oeuvres d'apostolat qui peuvent convenablement s'adapter à leur mode particulier de vie, comme sont l'enseignement de la doctrine chrétienne, la préparation des garçons et des filles à la première communion, etc.

Selon les cas, les moniales pourront s'occuper de telle ou telle oeuvre semblable en gardant la clôture papale majeure, ou — si les circonstances l'exigent — moyennant la concession d'adaptations et de dispenses opportunes ; et même dans certaines conditions, il sera nécessaire d'établir la clôture papale mineure du moins temporairement.

Néanmoins, en toutes circonstances, il faudra conserver la clôture canonique toujours intacte et protégée dans ses éléments essentiels, en tenant compte aussi de la condition particulière de chaque monastère.

La Sacrée Congrégation prie Votre Excellence Révérendissime de bien vouloir exprimer, en même temps que les nécessités spéciales de son diocèse, son jugement et son avis en ce qui concerne l'aide, même simplement temporelle que les moniales cloîtrées pourraient apporter aux oeuvres d'apostolat.

Si Votre Excellence estimait nécessaire la collaboration active des moniales dans les oeuvres d'apostolat susdites, qu'elle veuille bien indiquer, en outre, la forme que pourrait revêtir cette aide qu'auraient à apporter les moniales et demander les facultés opportunes qu'elle requiert.









Loc. cit., p. 11 ; nO 26, p. 33.

décret de gratien



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LETTRE

AU RECTEUR DE L'UNIVERSITÉ DE BOLOGNE FELICE BATTAGLIA POUR LE HUITIÈME CENTENAIRE DU DÉCRET DE GRATIEN

(20 mars 1952) 1 citent le monde actuel, hostile à la vertu. A ce travail noble et très utile doit certes exceller l'Université de Bologne qui, parmi tant de riches mérites récoltés au cours des siècles, compte le nom et l'oeuvre de Gratien et en reçoit un stimulant à des sommets encore plus élevés, par le chemin de la vertu et de la science, refusé aux paresseux. En formant ces voeux Nous implorons tout le succès salutaire, de la part du Dieu tout-puissant et éternel, de qui découle tout bien, sur vous et sur tous ceux qui participeront aux cérémonies rappelées ci-dessus, sur leurs travaux et leurs résolutions, et Nous leur accordons la Bénédiction apostolique.








Nous avons appris que l'Université de Bologne allait célébrer bientôt le huitième centenaire de la parution du Décret de Gratien. Cette initiative est fort louable à plus d'un titre ; aussi Nous n'hésitons pas à y joindre Nos félicitations.

Il est beau et utile, en effet, pour cette illustre institution scientifique de mettre en lumière par de nouveaux travaux et d'éclairer de divers points de vue l'oeuvre si importante et si considérable de l'homme très célèbre, qui y a vécu et y a professé le droit ecclésiastique. Gratien ayant trouvé les canons ecclésiastiques des âges précédents — amas de lois immense et informe — les mit en ordre, les interpréta par un sage commentaire et mérita de la sorte d'être considéré comme le nourricier et le père du droit ecclésiastique. Ce travail éminent eut une telle influence que d'innombrables juristes s'attachèrent dans la suite à l'interprétation de ce Décret et y puisèrent la science des lois ; ce Décret fut le premier ensemble de Canons mis à jour et fraya en quelque sorte la voie, bien qu'après de longs siècles, à la promulgation officielle du Code de droit canonique.

Nous souhaitons donc, Nous désirons vivement que le Congrès des savants qui doit se tenir là obtienne d'heureux résultats et amène un amour plus puissant du droit et de la justice parmi tant de voies sans issue, et déraisonnables qui solli-



1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIV, p. 368.



RADIOMESSAGE A L'OCCASION DE LA « JOURNÉE DE LA FAMILLE » (23 mars 1952)

1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 270.


L'Action Catholique italienne avait organisé le dimanche 23 mars une « Journée de la Famille ». A 19 h. 30, pour clôturer cette journée, le Souverain Pontife prononça à la Radio le discours que voici ayant pour thème : la conscience chrétienne, objet de l'éducation.


La famille est le berceau où naît et se développe la vie nouvelle qui a besoin, pour ne pas périr, d'être soignée et éduquée : c'est là un droit et un devoir fondamentaux donnés et imposés immédiatement aux parents. L'éducation dans l'ordre naturel a pour contenu et but le développement de l'enfant, jusqu'à l'homme complet : l'éducation chrétienne a pour contenu et but la formation du nouvel être humain, rené par le baptême, jusqu'au parfait chrétien. Une telle obligation, qui fut toujours une règle et un honneur pour les familles chrétiennes, est solennellement prescrite par le canon CIS 1113 du code de Droit canon qui déclare : Parentes gravissima obligatione tenentur prolis educationem tum religiosam et moralem, tum physicam et civilem pro viribus curandi, et etiam temporali eorum bono providendi. « Les parents ont la grave obligation de veiller avec tous leurs soins à l'éducation religieuse et morale, physique et civique de leurs enfants, et de pourvoir également à leur bien-être temporel. »

Les questions les plus urgentes concernant un aussi vaste sujet ont été éclaircies à plusieurs reprises par Nos Prédécesseurs et par Nous-même. C'est pourquoi, Nous Nous proposons maintenant, non pas de répéter ce qui a déjà été amplement exposé, mais plutôt d'attirer l'attention sur un élément qui, bien que base et soutien de l'éducation spécialement chrétienne, semble au contraire pour certains, à première vue, lui être presque étrangère. Nous voudrions parler de ce qu'il y a de plus profond et intrinsèque dans l'homme : sa conscience. Nous y sommes amené par le fait que certains courants de la pensée moderne commencent à en altérer le concept et à en combattre la valeur. Nous traiterons donc de la conscience en tant qu'objet de l'éducation.


Le Pape définit la conscience :

La conscience est comme le noyau le plus intime et secret de l'homme. C'est là qu'il se réfugie avec ses facultés spirituelles dans une solitude absolue : seul avec soi-même, ou mieux, seul avec Dieu — dont la voix se fait entendre à la conscience — et avec soi-même. C'est là qu'il se détermine pour le bien ou pour le mal ; c'est là qu'il choisit entre le chemin de la victoire ou de la défaite. Même s'il le voulait, l'homme ne réussirait jamais à s'en débarrasser ; avec elle, soit qu'elle l'approuve, soit qu'elle le condamne, il parcourra tout le chemin de la vie, et avec elle encore, témoin véridique et incorruptible, il se présentera au jugement de Dieu. La conscience est donc, pour prendre une image antique mais tout à fait juste, un aêuvov un sanctuaire, sur le seuil duquel tout doit s'arrêter ; tous, même le père et la mère, lorsqu'il s'agit d'un enfant. Seul le prêtre y entre comme médecin des âmes et comme ministre du sacrement de la pénitence ; mais la conscience ne cesse pas pour autant d'être un sanctuaire jalousement gardé, dont Dieu lui-même veut que le secret soit préservé sous le sceau du plus sacré des silences.

En quel sens donc peut-on parler de l'éducation de la conscience ?


Essence de la conscience chrétienne :

Il faut se référer à quelques préceptes fondamentaux de la doctrine catholique, pour bien comprendre que la conscience peut et doit être éduquée.

Le divin Sauveur a apporté à l'homme ignorant et faible sa vérité et sa grâce : la vérité pour lui indiquer la voie qui conduit au but ; la grâce pour lui conférer la force de pouvoir l'atteindre.

Parcourir ce chemin signifie, dans la pratique, accepter la volonté et les commandements du Christ et rendre conforme à eux sa vie, c'est-à-dire chaque acte intérieur et extérieur, que la libre volonté humaine choisit et fixe. Or, quelle est la faculté spirituelle qui, dans les cas particuliers, indique à la volonté, pour qu'elle les choisisse et s'y détermine, les actes qui sont conformes à la volonté divine, sinon la conscience ? Elle est donc l'écho fidèle, le pur reflet de la règle divine des actions humaines. De telle sorte que les expressions, telle que le « jugement de la conscience chrétienne », ou cette autre « juger selon la conscience chrétienne » ont le sens suivant : la règle de la décision ultime et personnelle pour une action morale provient de la parole et de la volonté du Christ. Il est, en effet, la voie, la vérité et la vie, non seulement pour tous les hommes pris ensemble, mais pour chacun pris individuellement2 : il l'est pour l'homme adulte, il l'est pour l'enfant et le jeune homme.

Il suit de là que former la conscience chrétienne d'un enfant ou d'un jeune homme consiste avant tout à éclairer son esprit sur la volonté du Christ, sa loi, le chemin qu'il indique, et en outre, à agir sur son âme, pour autant que cela peut se faire du dehors afin de l'amener à accomplir toujours librement la volonté divine. Voilà, quelle est la tâche la plus haute de l'éducation.

2 Cf. Jn 14,6. s Cf. Rm 2,14-16.

Fondements de l'éducation.

Mais où l'éducateur et l'enfant trouveront-ils concrètement, facilement et avec certitude, la loi morale chrétienne ? Dans la loi du Créateur imprimée dans le coeur de chacun 3 et dans la révélation, c'est-à-dire dans l'ensemble des vérités et des préceptes enseignés par le divin Maître. Tout cet ensemble — la loi écrite dans le coeur, ou loi naturelle, et les vérités et préceptes de la révélation surnaturelle — Jésus notre Rédempteur l'a confié, comme le trésor moral de l'humanité, à son Eglise, pour qu'elle le prêche à toutes les créatures, l'illustre et le transmette, intact et préservé de toute contamination et erreur, d'une génération à l'autre.


Erreurs dans la formation et dans l'éducation de la conscience chrétienne. — La prétendue révision des règles morales.

Contre cette doctrine, incontestée pendant de longs siècles, se dressent aujourd'hui des difficultés et des objections qu'il faut éclairer.

Dans la morale catholique, comme dans le dogme, on voudrait faire en quelque sorte une radicale révision pour en déduire un nouvel ordre des valeurs.

Le premier pas, ou pour mieux dire le premier coup porté à l'édifice des règles morales chrétiennes, devrait être de le dégager — comme on prétend — de la surveillance étroite et opprimante de l'autorité de l'Eglise ; libérée alors des subtilités et des sophismes de la méthode casuistique, la morale serait ramenée à sa forme originelle et à la détermination de la conscience individuelle.

Chacun voit à quelles funestes conséquences conduirait un tel bouleversement des fondements mêmes de l'éducation \

Sans relever la manifeste inexpérience et jeunesse du jugement chez qui soutient de semblables opinions, il est bon de mettre en évidence le vice capital de cette « nouvelle morale ». En remettant tout critère éthique à la conscience individuelle, fermée jalousement sur elle-même et rendue arbitre absolue de ses déterminations, cette théorie, bien loin de lui aplanir le chemin, la détourne de la vraie voie qui est le Christ.

Le divin Rédempteur a consigné sa Révélation, dont font essentiellement partie les obligations morales, non point aux simples hommes, mais à son Eglise, à laquelle il a donné la mission de les guider et de garder fidèlement ce dépôt sacré.

4 Le même sujet est traité, p. 132.

De même l'assistance divine, ordonnée à préserver la Révélation d'erreurs et de déformations, a été promise à l'Eglise et non aux individus. Sage prévoyance là encore, parce que l'Eglise, organisme vivant, peut ainsi, avec sûreté et aisance, soit éclairer et approfondir les vérités également morales, soit les appliquer en maintenant intact le fond, dans les conditions variables des lieux et des temps. Que l'on songe, par exemple, à la doctrine sociale de l'Eglise, qui, surgie pour répondre aux besoins nouveaux, n'est en fait que l'application de l'éternelle morale chrétienne aux circonstances présentes, économiques et sociales.

Comment est-il donc possible de concilier la prévoyante disposition du Sauveur, qui confia à l'Eglise la protection du patrimoine moral chrétien, avec une sorte d'autonomie individualiste de la conscience ?

Celle-ci, soustraite à son climat naturel ne peut produire que des fruits vénéneux, qui se reconnaîtront à la seule comparaison avec certaines caractéristiques de la conduite traditionnelle et de la perfection chrétienne, dont l'excellence est prouvée par les oeuvres incomparables des Saints.

La « nouvelle morale » affirme que l'Eglise, au lieu de susciter la loi de la liberté humaine et de l'amour et d'y insister en tant que juste stimulant de la vie morale, s'appuie en revanche, pour ainsi dire exclusivement et avec une rigidité excessive, sur la fermeté et l'intransigeance des lois morales chrétiennes, en recourant souvent à ces « vous êtes obligés », « il n'est pas permis », qui ont trop le ton d'une pédanterie avilissante.


Les préceptes moraux de l'Eglise pour l'éducation de la conscience donnent des commandements à réaliser dans la vie personnelle.

Or l'Eglise veut, au contraire, — et elle le met expressément en lumière quand il s'agit de former les consciences — que le chrétien soit introduit dans les richesses infinies de la foi et de la grâce, d'une manière persuasive, au point de se sentir enclin à les pénétrer profondément.

Cependant, l'Eglise ne peut s'abstenir d'avertir les fidèles que ces richesses ne peuvent être acquises et conservées qu'au prix d'obligations morales précises. Une conduite différente finirait par faire oublier un principe dominant, sur lequel a toujours insisté Jésus, Son Seigneur et Maître. Il a en effet enseigné que pour entrer dans le royaume des deux il ne suffit pas de dire : « Seigneur, Seigneur », mais qu'il faut que la volonté du Père céleste soit faite5. Il a parlé de la « porte étroite » et de la « voie resserrée » qui conduit à la vie 6, et il a ajouté : « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car il y en a beaucoup, je vous le déclare, qui chercheront à entrer sans y réussir7. Il a fixé comme pierre de touche et marque distinctive de l'amour envers Lui, le Christ, l'observation des commandementss. De même au jeune homme riche qui l'interroge, il déclare : « Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements » et à la nouvelle demande « lesquels » ?, il répond : « Ne pas tuer ! ne pas commettre d'adultère ! ne pas voler ! ne pas faire de faux témoignage ! Honore ton père et ta mère ! et aime ton prochain comme toi-même ! ». Il a posé comme condition, pour qui veut l'imiter, de renoncer à soi-même et de prendre sa croix chaque jour9. Il exige que l'homme soit prêt à laisser pour Lui et pour sa cause tout ce qu'il a de plus cher, comme son père, sa mère, ses propres enfants, et jusqu'au dernier bien, sa propre vie 10. Car il ajoute : « Je vous le dis, à vous, mes amis, n'ayez pas peur de ceux qui peuvent tuer le corps, mais qui, cela fait, ne peuvent plus rien de plus. Je vais vous dire qui vous devez craindre ; craignez celui qui, après avoir donné la mort a le pouvoir d'envoyer dans la géhenne »

5 Cf. Mt 7,21.
6 Cf. Mt 7,13-14.
7 Lc 13,24.
8 Jn 14,21-24.
9 Cf. Lc 9,23.
10 Cf. Mt 10,37-30.
11 Lc 12,4-5.

C'est ainsi que parlait Jésus, le divin Pédagogue, qui sait certainement, mieux que les hommes, pénétrer dans les âmes et les attirer à son amour par les perfections infinies de son Coeur, bonitate et amore plénum (Litanies du Sacré-Coeur de Jésus).

Et l'Apôtre des gentils, saint Paul, a-t-il donc prêché différemment ? Avec son accent véhément de persuasion, dévoilant le charme mystérieux du monde surnaturel, il a exposé la grandeur et la splendeur de la foi chrétienne, les richesses, la puissance, la bénédiction, la félicité qu'elle renferme, en les offrant aux âmes comme digne objet de la liberté du chrétien et comme but irrésistible de purs élans d'amour. Il n'est pas moins vrai que sont tout autant de lui les avertissements comme celui-ci : « Opérez votre salut avec crainte et tremblement » 12, et qu'ont jailli de sa plume de hauts préceptes de morale destinés à tous les fidèles, qu'ils soient d'une intelligence ordinaire ou bien des âmes d'une sensibilité élevée. En prenant donc comme strictes normes les paroles du Christ et de l'Apôtre, ne devrait-on pas peut-être dire que l'Eglise d'aujourd'hui est plutôt portée à la condescendance qu'à la sévérité ? De telle sorte que l'accusation de dureté opprimante, élevée contre l'Eglise par la « nouvelle morale », va, en réalité, atteindre en premier lieu l'adorable Personne même du Christ.

12 Ph 2,12.

Aussi, conscient du droit et du devoir du Siège Apostolique d'intervenir, quand c'est nécessaire, avec autorité dans les questions morales, Nous Nous sommes proposé, dans le discours du 29 octobre de l'année passée ls, d'éclairer les consciences sur les problèmes de la vie conjugale. Avec la même autorité, Nous déclarons aujourd'hui aux éducateurs et à la jeunesse même : le commandement divin de la pureté de l'âme et du corps est également valable sans diminution pour la jeunesse d'aujourd'hui. Elle aussi a l'obligation morale et, avec l'aide de la grâce, la possibilité de se garder pure. Nous repoussons donc comme erronée l'affirmation de ceux qui considèrent comme inévitables les chutes durant les années de la puberté qui, de la sorte ne mériteraient pas qu'on en fasse grand cas comme si elles n'étaient pas de graves fautes, parce que d'ordinaire, ajoutent-ils, la passion supprime la liberté nécessaire pour qu'un acte soit moralement imputable.

13 Discours aux participants du Congrès de l'Union Catholique Italienne des Sages-29 octobre 1951. Ci. Documents Pontificaux 1951, p. 470.

Au contraire, c'est une règle obligatoire et sage que l'éducateur, sans cependant négliger de représenter aux jeunes les nobles qualités de la pureté, de manière à les amener à l'aimer et à la désirer pour elle-même, inculque toutefois clairement le commandement comme tel, dans toute sa gravité et son importance de loi divine. Il stimulera ainsi les jeunes à éviter les occasions prochaines, il les encouragera dans la lutte dont il ne cachera pas la rigueur, il les incitera à accueillir courageusement les sacrifices que la vertu exige, et il les exhortera à persévérer et à ne pas tomber dans le risque de déposer les armes dès le début et de succomber sans résistance aux mauvaises habitudes.


Il y a également des commandements concernant la vie publique.

Plus encore que dans le domaine de la vie privée, beaucoup voudraient aujourd'hui exclure l'autorité de la loi morale, de la vie publique, économique et sociale, de l'action des pouvoirs publics à l'intérieur et à l'extérieur, dans la paix et dans la guerre, comme si Dieu n'avait ici rien à dire, au moins de définitif.

L'émancipation des activités humaines externes, comme les sciences, la politique, l'art, à l'égard de la morale est parfois motivée sur le plan philosophique, par la liberté qui leur revient, dans leur domaine, de se gouverner exclusivement selon leurs lois propres, bien qu'on admette que celles-ci s'accordent d'ordinaire avec celles de la morale. Et l'on prend l'art, par exemple, auquel on dénie non seulement toute dépendance, mais encore tout rapport avec la morale ; disant : « l'art est uniquement art, et non morale ou autre chose ; il doit donc se régir d'après les seules lois de l'esthétique, lesquelles, d'ailleurs, si elles sont vraiment telles, ne s'abaisseront jamais à favoriser la concupiscence ». De la même manière, on parle de la politique et de l'économie, qui n'ont pas besoin de prendre conseil d'autres sciences, ni donc de l'éthique, mais, guidées par leurs vraies lois, sont, par là même, bonnes et justes.

C'est, comme on le voit, une manière subtile de soustraire les consciences à l'autorité des lois morales. En vérité, on ne peut nier que de telles autonomies soient justes, en tant qu'elles expriment la méthode propre à chaque activité et les limites qui séparent en théorie leurs diverses formes ; mais la séparation des méthodes ne doit pas signifier que le savant, l'artiste, le politicien soient libérés de toute préoccupation morale dans l'exercice de leurs activités, spécialement si celles-ci ont des incidences immédiates dans le domaine de l'éthique, comme l'art, la politique, l'économie. La séparation nette et théorique n'a pas de sens dans la vie, qui est toujours une synthèse, puisque le sujet unique de toute espèce d'activité est le même homme, dont les actes libres et conscients ne peuvent échapper à l'appréciation morale. En continuant à observer le problème avec un regard large et pratique, qui fait parfois défaut à des philosophes même insignes, de telles distinctions et autonomies servent dans une nature humaine déchue à représenter comme lois de l'art, de la politique ou de l'économie ce qui convient à la concupiscence, à l'égoïsme et à la cupidité. Ainsi l'autonomie théorique vis-à-vis de la morale devient pratiquement rébellion contre la morale, et brise par ailleurs cette harmonie inhérente aux sciences et aux arts, que les philosophes de cette école vérifient clairement, mais déclarent occasionnelle, alors qu'elle est, au contraire, essentielle, si on la considère par rapport au sujet, qui est l'homme, et à son Créateur qui est Dieu.

C'est pourquoi, Nos Prédécesseurs et Nous-même, dans le bouleversement de la guerre et les troubles événements de l'après-guerre, Nous n'avons pas cessé d'insister sur le principe que l'ordre voulu par Dieu embrasse la vie entière, sans excepter la vie publique dans toutes ses manifestations, persuadés qu'il n'y a en cela aucune restriction apportée à la véritable liberté humaine, ni aucune immixtion dans la compétence de l'Etat, mais une assurance contre des erreurs et des abus, contre lesquels la morale chrétienne, droitement appliquée, peut être une protection. Ces vérités doivent être enseignées aux jeunes et inculquées dans leur conscience par ceux qui, dans la famille ou à l'école, ont l'obligation d'assurer leur éducation, jetant ainsi le germe d'un avenir meilleur.


Exhortation finale.

Voilà ce que Nous voulions vous dire aujourd'hui, chers fils et filles qui Nous écoutez, et en vous le disant, Nous n'avons pas caché l'anxiété qui Nous étreint le coeur devant ce formidable problème où sont en cause le présent et l'avenir du monde et le destin éternel de tant d'âmes. Quel réconfort Nous donnerait la certitude que Vous partagez Notre anxiété pour l'éducation chrétienne de la jeunesse ! Eduquez les consciences de vos enfants avec énergie et persévérance. Eduquez-les à la crainte, comme à l'amour de Dieu. Eduquez-les à aimer le vrai. Mais soyez vous-mêmes d'abord respectueux de la vérité et écartez de l'éducation tout ce qui n'est pas authentique et vrai. Imprimez dans la conscience des jeunes le pur concept de la liberté, de la vraie liberté, digne et caractéristique d'une créature faite à l'image de Dieu. Elle est bien autre chose que dissolution et déchaînement ; elle est au contraire une capacité éprouvée pour le bien ; elle fait se décider soi-même à le vouloir et à l'accomplir 14 ; elle est maîtrise sur ses propres facultés, sur ses instincts, sur les événements. Apprenez-leur à prier et à puiser aux sources de la Pénitence et de la Sainte Eucharistie ce que la nature ne peut donner : la force de ne pas tomber, la force de se relever. Que dès leur jeunesse ils sentent que, sans l'aide de ces énergies surnaturelles, ils ne réussiront à être ni bons chrétiens, ni simplement des hommes honnêtes, auxquels soit réservée une vie sereine. Mais ainsi préparés, ils pourront aspirer également à ce qu'il y a de meilleur, ils pourront se donner à cette haute utilisation de soi, dont l'accomplissement sera leur honneur : réaliser le Christ dans leur vie.

" Cf. Ga 5,13.

Pour atteindre ce but, Nous exhortons tous Nos chers fils et filles de la grande famille humaine à être étroitement unis entre eux : unis pour la défense de la vérité, pour la diffusion du règne du Christ sur la terre. Que l'on chasse toute division, que l'on écarte tout dissentiment, que l'on sacrifie généreusement — coûte que coûte — à ce bien supérieur, à cet idéal suprême, toute vue particulière, toute préférence subjective : « si un mauvais désir vous suggère autre chose », que votre conscience chrétienne surmonte toute épreuve, de telle sorte que l'ennemi de Dieu, « parmi vous ne rie pas de vous » 15. Que la vigueur de la saine éducation se révèle dans sa fécondité dans tous les peuples qui tremblent pour l'avenir de leur jeunesse. Ainsi le Seigneur vous accordera, à vous et à vos familles, l'abondance de ses grâces en gage desquelles Nous vous accordons d'un coeur paternel la Bénédiction apostolique.

Dante, Paradis, p. 5, 70, Si.





Pie XII 1952 - ALLOCUTION AUX CURÉS DE ROME ET AUX PRÉDICATEURS DES STATIONS DE CARÊME