Pie XII 1953 - ALLOCUTION AUX UNIVERSITAIRES ITALIENS (24 mai 1953)


RADIOMESSAGE AU PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE DU DANEMARK

(24 mai 1953) 1


En 1932 déjà, les catholiques du Danemark avaient célébré un Congrès Eucharistique. Cette fois, sous l'impulsion de Son Exc. Monseigneur Suhr, évêque de Copenhague, du 22 au 24 mai se tenait, dans la capitale du pays, de grandes assemblées où des milliers de catholiques danois et des autres pays Scandinaves, ont discuté « le rassemblement de toutes les forces de l'esprit pour une pratique plus intégrale de vie chrétienne ».

A l'issue de ce Congrès, le jour de la Pentecôte, Pie XII envoya le message suivant à la foule assemblée à la séance de clôture 2.

De grand coeur et non sans une profonde émotion, répondant au voeu de votre Pasteur, que Nous estimons tant, et que Nous avons aujourd'hui la joie de saluer comme Evêque de Copenhague, Nous voulons adresser un message à votre assemblée solennelle et vous accorder Notre Bénédiction. C'est la première fois que, de son Siège de Rome, le Successeur de Pierre vous parle dans votre propre pays. Recevez Notre parole, portée jusqu'à vous par les ondes comme un signe sensible de la tendresse paternelle que les Vicaires du Christ ont toujours eue pour votre peuple comme pour les peuples de toute la Scandinavie.

Notre salut va vers vous qui, venus si nombreux du Jutland et des îles, vous êtes réunis dans votre capitale, la belle et fière Reine du Sund. Vous aimez votre patrie, et vous avez raison d'aimer ce pays d'une grâce particulièrement simple, avec sa nature égale, les jeux variés et multiples de la terre et de la mer, l'alternance vive de la forêt, de l'eau et des campagnes fertiles, son histoire si riche et sa culture propre. Daigne le Roi des rois, qui tient dans sa main l'histoire des peuples, protéger votre patrie et lui accorder une paix assurée et un bien-être constant.

Notre salut s'adresse en outre à vos hôtes, venus des autres parties du monde catholique, spécialement à ceux qui de Norvège, de Suède et de Finlande, se sont rendus à votre fête, avec leurs Pasteurs, Nos Vénérables Frères. Il va enfin aux catholiques des vastes régions de Scandinavie, qui, même absents de corps, vous sont cependant unis en esprit. Puissent-ils tous être réconfortés par Notre parole et votre fête, dans la pensée qu'ils ne sont pas seuls et ne doivent pas se sentir isolés ; qu'ils sont au contraire insérés comme membres de plein droit dans le grand organisme vivant, la communauté d'amour, de l'Eglise Catholique Universelle.

Notre pensée remonte à cette heure le long de votre passé : elle se tourne vers les hérauts de la foi qui, à commencer par Willibrod et Anschaire, conquirent vos ancêtres au Christ et à l'Eglise. Elle va vers ces figures éminentes de votre histoire dont l'activité signifie en même temps, pour le Danemark, grandeur nationale et prospérité de la religion et de l'Eglise. Nous évoquons Knud le Grand et Knud le Saint, l'Archevêque Absa-lon et les Valdemar, enfin l'incomparable reine Marguerite qui fut certainement avec Sainte Brigitte la femme la plus éminente de la Scandinavie au moyen âge.

Nous évoquons aussi tous ceux qui au temps de l'hérésie funeste et pendant les siècles suivants se sont dépensés pour l'Eglise catholique. Un nom doit ici être cité : Niels Stensen, dont à juste titre vous êtes fiers, et qui fut grand comme naturaliste, mais aussi par son dévouement sans réserve à la cause du Christ dans les missions nordiques.

En particulier, nous pensons aujourd'hui aux prêtres, religieux, religieuses et dirigeants laïcs qui depuis cent ans, depuis que votre Constitution ouvrit un champ libre à l'Eglise, ont reconstruit dans votre pays la vie catholique. Nous osons entretenir l'espoir que leur courageuse profession de foi, leur exemple souvent héroïque, leurs prières et leurs sacrifices donneront une nouvelle efflorescence à la vie catholique dans votre pays.

Chers fils et chères filles, pendant votre Congrès, vous avez certainement réfléchi et discuté de vos préoccupations mais aus-



si des espoirs joyeux qui vous entraînent et des tâches qui vous sont proposées. S'il faut ajouter un mot d'encouragement et d'exhortation, voici ce que Nous voudrions vous dire :

Nous vous souhaitons en premier lieu une conscience vive de votre mission religieuse. Quelque chose de la joie reconnaissante et de la fierté qu'éprouva Saint Paul quand le Christ l'eut appelé à être son apôtre, pénètre toutes les pensées, les discours et les actions des premiers chrétiens. Comme vous, ils n'étaient que quelques-uns en face d'une majorité écrasante, à laquelle leur foi semblait incompréhensible et comme une folie3. Mais ils étaient convaincus de sa puissance divine et l'ont, en fait, conduite à la victoire malgré une lutte sévère et des sacrifices sanglants.

Depuis ces temps des origines, l'Eglise s'est développée et perfectionnée comme un organisme vivant et elle ne peut retourner aux jours de son enfance. Par leur esprit de foi, les premiers chrétiens restent cependant toujours des modèles, pour vous aussi. Soyez conscients comme eux que vous avez à offrir quelque chose de très grand à ceux qui sont éloignés de Dieu, à ceux qui doutent et qui cherchent : la réponse certaine aux questions ultimes qui ne les laissent pas en repos, la plénitude de la vérité et de la grâce que le Christ vous a apportées, jusqu'aux mystères étonnants de l'Eucharistie, de la Résurrection et de la vie éternelle.

A côté de ces richesses, on ne peut mentionner qu'en marge, pour ainsi dire, les directives et les doctrines que présente le catholicisme pour régler d'une manière juste et digne de l'homme les questions d'ici-bas, économiques, sociales et politiques. Personne n'osera reprocher à l'Eglise d'avoir négligé ces domaines. Pour autant qu'il lui incombe de les ordonner, l'Eglise propose un programme global, très réaliste et valable précisément parce que, avec un sens plénier de la réalité, il règle la vie terrestre de l'homme en tenant compte du seul élément décisif, sa destinée éternelle.

Tout ceci est votre bien. Soyez-en heureux. Souvenez-vous de la mission qui est la vôtre de porter dans le monde ces valeurs les plus hautes et de leur gagner vos contemporains.

Nous vous souhaitons en second lieu une volonté décidée à l'action chrétienne, décidée à mener une vie inspirée tout entière par la foi catholique. N'oubliez pas que toute activité dans le domaine religieux, qu'il s'agisse d'action individuelle, ou d'un mouvement organisé, si elle néglige le seul point décisif et s'en écarte, est peine perdue et condamnée tôt ou tard à l'infécondité. Sans aucun doute, une vie inspirée par la foi réclame de vous la magnanimité et un degré élevé de fermeté personnelle. Mais ici aussi, l'exemple des premiers chrétiens ne doit pas vous laisser en repos : pour eux, il était encore incomparablement plus difficile et même, humainement parlant, impossible de s'imposer aux forces prédominantes. Et cependant, ils ont triomphé.

Si Nous pouvons fixer à votre activité religieuse un objectif particulier, que ce soit la famille chrétienne parfaite, la famille édifiée sur la pureté et la donation jusqu'à l'oubli de soi de l'épouse et de la mère, dont les enfants grandissent dans l'intégrité, fiers de leur père et de ses exemples de piété, de fidélité à sa tâche et de dévouement aux siens, la famille sur laquelle descend la bénédiction de la prière commune quotidienne, et cette paix que seul le Christ peut donner. Chers fils et chères filles, vous ne pouvez faire de don plus précieux à l'Eglise et à votre peuple que celui d'une famille chrétienne parfaite.

Puisse votre Congrès avoir part à la plénitude de grâce de la Pentecôte. Daigne le Saint-Esprit animer votre volonté et votre action de sa flamme et de sa force. Daigne Marie, la Mère de Jésus, par sa puissante intercession auprès de son Divin Fils, et par ses conseils bienveillants être pour vous aussi, comme pour les Apôtres, et la jeune Eglise, la Mère du Perpétuel Secours.

A vos Pasteurs et à vos prêtres, à tous ceux qui collaborent avec eux dans le ministère, l'enseignement et la bienfaisance, qu'ils appartiennent à l'état religieux ou au laïcat, à vous tous qui êtes présents là-bas, comme à tous vos frères et soeurs dans la foi, au Danemark et dans les autres pays nordiques, de tout coeur, Nous vous accordons comme gage la Bénédiction apostolique.

Nous terminons par le salut chrétien dans votre belle langue : « Lovet vaere Jesus-Kristus ! ».

1Co 1,18-25.




LETTRE A SON EXC. MGR NICOLINI ÉVÊQUE D'ASSISE A L'OCCASION DU SEPTIÈME CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINTE CLAIRE

(25 mai 1953) 1


Sainte Claire d'Assise naquit en 1194. Enthousiasmée par la prédication de saint François, à dix-huit ans en 1212 elle se retira du monde et fit profession religieuse. Bientôt elle fondait les Pauvres Claires ; Claire elle-même mourut le 11 août 1253.

Il y aura sept cents ans au mois d'août prochain que Claire « première petite plante des Pauvres Soeurs de Saint-Damien à Assise, principale émule du bienheureux François dans l'observance de la perfection évangélique » 2, par une très pieuse mort s'envola de cet exil terrestre vers les demeures célestes.

Célébrer, à cette occasion, la mémoire d'une vierge si grande convient certes à la ville d'Assise dont l'excellence née du Patriarche Séraphique est encore davantage accentuée par le nom et la vertu de Claire ; à la très nombreuse famille franciscaine, dont elle est une gloire insigne ; mais à plus de titres encore l'Eglise Catholique le désire ardemment, voyant avec allégresse en elle le plus remarquable exemple de la sainteté virginale.

Tandis que Nous repassons dans Notre esprit la vie de cette sainte habitante du ciel et que Nous Nous rappelons avec vénération ce qu'elle a accompli, soutenue par la grâce de Dieu ; ce qu'ont réalisé la société fondée par elle et les autres instituts qui en sont sortis — ils fleuriront innombrables au cours des siècles — Nous n'hésitons pas à affirmer que l'Eglise certes et la société civile aussi doivent beaucoup à cette vierge. Et en même temps, Nous ne pouvons pas ne pas admirer les desseins de la divine Providence, qui, au moment où les ennemis se jettent plus durement contre le nom chrétien, suscite dans l'Eglise de nouveaux héros et héroïnes à la hauteur des circonstances pour protéger le catholicisme.

De ce nombre se trouve, dressée bien haut, Claire, illustre par la vertu et le nom, émergeant de ces temps ténébreux, auxquels apparut bien à propos pour les éclairer et les corriger Saint François d'Assise ; et dans cette oeuvre, cette vierge donnée par Dieu comme sa compagne principale de labeur, et instrument de la miséricorde céleste, resplendit avec le Père Séraphique d'un très pur éclat.

Née à Assise de noble race, et parée par la nature même de qualités encore plus nobles, à peine eut-elle entendu dans son adolescence les nouveaux messagers de paix et de pénitence chrétienne amenés par le héraut séraphique, qu'elle prit feu pour cette forme évangélique de vie proposée par François et décida immédiatement de la reproduire en elle. Et de cette résolution, ni son âge fragile, ni l'opposition de ses parents, ni le genre très dur de vie à affronter ne purent la détourner ; bien plus à l'appel du bienheureux Père François, elle abandonna une nuit en secret la maison paternelle, se réfugia à Sainte Marie de la Portioncule et là, disant adieu de tout coeur aux vanités du siècle, elle revêtit une rude et misérable tunique, établit la pauvreté pour compagne de toute sa vie future, et se donna entièrement à Dieu.

Ce premier combat heureusement surmonté, pour qu'il lui soit permis de se livrer à la contemplation des choses surnaturelles, elle est reçue dans les murs étroits de Saint Damien, et là « cachée avec le Christ en Dieu 3 », pendant quarante-deux ans elle n'eut rien pour plus agréable, elle s'efforça de ne rien atteindre de plus que de reproduire en elle le plus parfaitement possible la règle de François et d'y conformer les autres de toutes ses forces.

1 D'après le texte latin des A. A. S., t. XXXXV, 1953, p. 395.
2 Spéculum perfectionis, c. 108.
Col., ni, 3.

Cependant la lumière très éclatante dont rayonnait cette retraite solitaire et si pauvre ne put longtemps rester cachée ; car en grand nombre en effet, tant des grandes familles que des classes populaires, y accourent en foule, des vierges touchées par la réputation de sainteté de Claire, qui préfèrent aux plaisirs du monde le chaste amour du Divin Epoux, désireuses de se livrer à sa direction. C'est pourquoi « au sein de ces murailles, colombe blanche faisant son nid, elle engendra un collège de vierges du Christ... et jeta le fondement de l'Ordre des pauvres dames » ".Dès lors la famille de saint François, grandissant comme un arbre vigoureux nourri et fécondé par la rosée de la grâce divine, se partage en deux branches, dont l'une tend surtout à l'activité de la vie apostolique, l'autre au contraire comprend les vierges consacrées à Dieu, qui dans l'enceinte du cloître saint vaquent surtout à la contemplation des choses du ciel et expient dans la prière et la pénitence leurs fautes et celles des autres.

Avec quelle application Claire s'est préparée par l'exercice des vertus les plus parfaites à servir les conseils de la divine miséricorde, c'est chose très facile à concevoir en esprit, mais par contre très difficile à décrire. A la vérité, de toutes ses forces « elle s'appliquait à ressembler au Crucifié par une très parfaite pauvreté » 5, et bien qu'ornée de la fleur de l'innocence totale, elle exténuait son corps virginal par des jeûnes volontaires et le crucifiait par de durs cilices. En se représentant assidûment les souffrances du Divin Rédempteur, et en rendant amour pour son amour, elle versait des larmes abondantes. Elle se portait en outre avec une véhémente ardeur vers le sacrement de l'Eucharistie, et elle le regarda non seulement comme le soutien et la joie de sa vie, mais comme la tête et la protection de son Institut. Mais c'était surtout la divine charité qui conduisait et poussait son âme et dans l'ardeur dont elle brûlait pour Dieu, elle embrassait tous les hommes, et particulièrement les filles qui lui étaient confiées. Elle traitait son corps avec âpreté et dureté, et ne lui accordait ni soulagement, ni repos ; même dans les dernières années de sa vie, tourmentée par la violence des maladies, elle était poursuivie par les angoisses, les misères et les infirmités des autres ; elle rayonnait d'une exquise douceur d'âme et d'une tendre pitié ; et tout le monde sait, alors que ses concitoyens se trouvaient dans un grave péril — après avoir adressé à Dieu de suppliantes prières et apporté même virilement son aide — quelle éminente animatrice de concorde, quel étendard de paix elle fut, et plus d'une fois, victorieuse toujours, elle repoussa les ennemis.

Il est en outre presqu'incroyable combien cette femme, qui s'était totalement dépouillée des choses de la terre fut comblée des dons de la sagesse du ciel. Vers elle affluait en effet non seulement la foule désireuse de l'écouter, mais des Evêques, des Cardinaux et même des Souverains Pontifes recouraient à ses avis. Le Père Séraphique lui-même, dans des circonstances très difficiles pour son Ordre, prit l'habitude de consulter Claire ; ce qui arriva notamment lorsqu'était débattue la question pendante, si lui-même ordonnerait aux premiers compagnons de son Ordre seulement la contemplation des choses du ciel, ou en même temps les saintes oeuvres de l'apostolat ; pour connaître alors avec plus de certitude la volonté divine, il se rendit auprès de Claire, et se rangea à sa réponse comme à un oracle.

Parce qu'elle était comblée du secours de tant de vertus, elle fut pleinement digne de la préférence de François qui voyait en elle un puissant secours pour l'observance de sa règle religieuse et le progrès de son Institut ; et la suite des événements confirma plus d'une fois cette confiance.

Le parfum de cette fleur de beauté sans tache se répandit largement sur la terre et les vierges Clarisses, comme de très beaux rejetons toujours renaissants des vertus de leur Mère législatrice, en ont conservé jusqu'à notre époque la très suave odeur. Leurs travaux, les exemples et les préceptes de Claire se sont répandus si utilement au cours des siècles comme un fleuve d'eau vive arrosant le champ de l'Eglise, pour le salut du peuple de Dieu, qu'aujourd'hui encore apparaissent comme totalement exactes les paroles de Notre prédécesseur Alexandre IV à son sujet : « Elle fut le flambeau élevé de sainteté brillant fortement dans le tabernacle de Dieu ; vers son éclatante lumière, un grand nombre de femmes accoururent et accourent, allumant leur lampe à sa lumière. Dans le champ de la foi, c'est elle qui a planté et cultivé la vigne de la pauvreté, dont sont recueillis des fruits riches et onctueux de salut... Elle fut la Princesse des pauvres, la Duchesse des humbles, la Maîtresse des continents et l'Abbesse des pénitents » 6. Personne ne s'étonnera donc



* Légende de sainte Claire, n. lo. 3 Ibid. n. 14.



Lettre apostolique Clara Claris,



qu'après un si long intervalle de temps depuis la mort de Claire, l'admiration et la piété des catholiques envers elle, loin de se refroidir, s'enflamme d'une nouvelle ardeur. Ce que montrent assez les solennités religieuses et civiles qui se préparent en de nombreux endroits, mais surtout dans la ville que de son vivant elle ennoblit de sa présence, de la lumière de sa sainteté et de la gloire de ses miracles.

Tout cela, Nous le louons et l'approuvons avec joie, très confiant qu'il en rejaillira de notables fruits de salut pour le profit tant des individus que de la société. Nombreux à la vérité sont de cette vierge les exemples à imiter dans les circonstances actuelles, qui ne diffèrent pas totalement de celles où se trouva Claire. Ce ne sont pas de moindres périls, comme tout le monde le sait, qui pèsent sur les intérêts religieux, et le recul de la moralité n'est certes pas moindre : la charité se refroidissant en effet misérablement, les dissensions, les haines et un appétit effréné des biens périssables troublent bien des âmes, et tendent à renverser les fondements de l'ordre domestique et public. Que vers cette grande sainte, au cours des solennités séculaires, regardent avec vénération tous les catholiques, et qu'ils reçoivent d'elle un stimulant de généreuse vertu. Que d'elle ils apprennent surtout à détacher leur âme des choses de la terre estimées à leur juste valeur, à dompter leurs passions par un châtiment volontaire, à entourer leur prochain de charité fraternelle ; que ce siècle de mollesse sente combien il importe et quelle joie il y a à suivre le Christ humble et à embrasser courageusement sa croix. Si ces effets se réalisent, on peut espérer ce renouveau chrétien des moeurs et ce juste rétablissement de la vie publique, qui sont désirés depuis longtemps par tous les hommes de bien.

Dès à présent Nous sommes raffermis dans la douce espérance que la noble Claire obtiendra ces fruits avec abondance du Dieu Tout-Puissant. Nous lui demandons en une instante prière de protéger de son très puissant patronage l'Eglise catholique, et de regarder toujours avec bienveillance le peuple d'Assise qui lui est si attaché. Qu'elle assiste enfin toute la famille franciscaine et particulièrement les religieuses Clarisses, et que surtout elle fasse en sorte que par elles prenne de plus en plus vigueur ce salutaire esprit franciscain, qui, ayant relevé autrefois la société troublée et presqu'en ruine et l'ayant ramenée à des moeurs meilleures, pourra sans aucun doute remédier opportunément aussi aux maux immenses de notre temps et en réparer heureusement les dommages.

Appuyé sur cet espoir, à Vous, Vénérable Frère, à toute la descendance de saint François et de sainte Claire et à tout le peuple d'Assise, Nous accordons avec effusion, céleste présage de grâces, la Bénédiction apostolique.


ADORATION NOCTURNE



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ALLOCUTION A L'ARCHICONFRÉRIE DE L'ADORATION NOCTURNE

(31 mai 1953) 1


Au cours de l'audience générale de ce dimanche, Pie XII s'est adressé spécialement aux membres de l'archiconfrérie de l'adoration nocturne du Saint Sacrement.

Comme il Nous est doux d'accéder à la demande de la « Vénérable Archiconfrérie de l'Adoration nocturne du Saint Sacrement » et de 1'« Association des Prêtres Adorateurs », qui ont désiré, en préparation à leur assemblée générale, se réunir autour de Nous, soucieuses d'accroître chez elles et autour d'elles, l'amour de l'Eucharistie, centre de vie et de sanctification.

Dans l'encyclique Mediator Dei sur la Liturgie sacrée, Nous rappelions l'enseignement de la Tradition et des Conciles au sujet de l'adoration de l'Eucharistie et Nous louions les diverses formes de ce culte, en inscrivant parmi les plus belles et les plus salutaires l'adoration publique du Très Saint Sacrement, pratiquée spécialement par des associations de prêtres, par des congrégations religieuses et par des confréries de laïcs. Et dans l'exhortation à tout le clergé, Menti Nostrse, sur la sainteté de la vie sacerdotale, Nous achevions notre revue des vertus sacerdotales par les mots suivants : « Ces vertus sacerdotales et toutes les autres pourront facilement être acquises par les jeunes gens dans les Séminaires, si dès le premier âge, ils ont appris et cultivé une sincère et tendre dévotion envers Jésus « véritablement, réellement et substantiellement » présent parmi nous et demeurant sur la terre, et s'ils font de Lui, de son Sacrement, le mobile et la fin de toutes leurs actions, de leurs aspirations et de leurs sacrifices ».

De même que le Saint Sacrifice de la Messe religieusement offert par le prêtre avec la participation intime des fidèles, en union avec toute l'Eglise, est et demeure le grand acte du culte divin, pareillement le culte eucharistique est célébré partout où l'Homme-Dieu présent dans le Sacrement est adoré, sous des formes multiples en dehors du Sacrifice. Sans aucun doute, le bon Pasteur a-t-il voulu être un vrai pain, comme le chante le Docteur Angélique dans ses admirables poésies si élevées et si denses. Il ne Lui suffit pas d'être adoré ; Il veut être également notre nourriture : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme..., vous n'aurez pas en vous la vie » 2. Son amour sans limites a posé cette condition à notre fidélité : « Vous n'aurez pas de part avec moi » pour employer les paroles du Seigneur Lui-même3, « si vous ne vous nourrissez pas de ma chair ». Mais l'âme, qui a compris l'amour de son divin Maître, ne se contente pas des rares moments où le Pain des Anges repose sur ses lèvres ; elle a besoin de voir encore et d'adorer à son aise le Tout-Puissant Seigneur, qui sous l'humble image du pain, se met à son service ; elle a besoin de contempler inlassablement ce mince voile qui, à la fois, lui cache et lui révèle l'amour de son Sauveur ; elle a besoin de demeurer longuement devant l'Hostie consacrée et de prendre à la vue de l'humilité de Dieu l'attitude du plus humble et du plus profond respect,

Quelle leçon plus sublime que cette présence réelle de l'Homme-Dieu sous la forme d'un frêle morceau de pain ? Le pain est la nourriture de tous ; il est fait uniquement pour servir, pour alimenter la vie. C'est ainsi qu'est le prêtre selon le coeur du Christ ; il ne pose aucune condition pour son service, il est toujours bienfaisant et se donne entièrement.

Ce qui vaut au plus haut point pour le prêtre s'applique également à tout chrétien, car la charité est le commandement universel, qui renferme en soi toute la loi du Sauveur. Rappel-lez-vous l'émouvante parabole du Bon Samaritain, dans laquelle Jésus a dépeint son Coeur et Nous l'a donné comme exemple : « Va et fais toi aussi la même chose»4. Trouvez le temps, les forces, l'argent nécessaires pour secourir de la meilleure manière possible n'importe lequel des hommes vos frères. Soyez



Jean, 6, 54. Jean, 13, 8. Luc, 10, 37.

pour lui utiles et bons comme le pain et, en même temps, humbles, car autrement, votre charité ne pénétrerait pas jusqu'au fond de son coeur, de ce coeur qu'il faut gagner à Dieu, ouvrir à l'action de la grâce.

Quiconque demeure souvent et longuement devant l'Hostie comprend la leçon du pain eucharistique et éprouve le besoin impérieux de la mettre en pratique, de s'oublier complètement soi-même, de se donner aux autres sans limites. C'est précisément à cela que tout le monde reconnaîtra que vous êtes les disciples du Christ 5, de vrais adorateurs en esprit et en vérité, qui glorifient le Père en imitant le Fils.

Nous n'avons dit qu'une parole de la charité qui provient du Sacrement d'amour, parce qu'elle est le commandement du Seigneur, mais la sainte Eucharistie est pour ses adorateurs une source inépuisable de lumière et de force. Ceux qui, spécialement dans les heures silencieuses de la nuit, s'unissent à l'adoration des Anges et rendent à l'Agneau qui fut immolé 8 les actions de grâces qui Lui sont dues, puisent abondamment, pour eux-mêmes et pour toute l'Eglise, les eaux à la source du Sauveur7. Afin que le nombre des Adorateurs nocturnes augmente constamment ; afin que le divin Maître présent et caché dans le Très Saint Sacrement se laisse émouvoir par leurs supplications persévérantes et se montre sensible à leurs hommages, Nous donnons de tout coeur, à vous, chers fils, ici présents, et aux membres de vos Associations qui n'ont pas pu se joindre à vous, Notre paternelle Bénédiction apostolique.





DÉCRET DU SAINT-OFFICE CONCERNANT LA MESSE DU SOIR A BORD DES NAVIRES

(31 mai 1953) 1


On a demandé à cette Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office :

x. Les Ordinaires des lieux peuvent-ils, conformément au n. VI de la Constitution Apostolique Christus Dominas 2, permettre la célébration de la messe du soir en faveur des chrétiens qui travaillent sur des navires durant les voyages en mer ;

et dans le cas d'une réponse affirmative :

2. Quel est l'Ordinaire compétent ?

Les Eminentissimes et Révérendissimes Pères de cette Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office, ayant mûrement réfléchi, ont décidé, durant la Congrégation plénière du mercredi 25 mars 1953, de répondre :

Au 1. Affirmativement.

Au 2. L'Ordinaire compétent pour accorder la faculté dont il s'agit, est l'Ordinaire dont dépend le port où le navire séjourne habituellement.

Notre Saint-Père le Pape Pie XII, dans l'audience accordée, le 5 mai 1953, à l'Eminentissime Cardinal Pro-Secrétaire du Saint-Office, a approuvé le Décret des Eminentissimes Pères et a ordonné sa publication.


D'après le texte latin des A. A. S., XXXXV, 1953, p. 426. Cf. p. 15.







ALLOCUTION AUX PAROISSIENS DE SAINT-MICHEL A PIETRALATA

(4 juin 1953) 1


En ce jour de la Tète-Dieu, 1600 habitants de ce faubourg de Rome vinrent rendre visite au Saint-Père qui leur déclara :

Personne ne s'étonne, chers fils et chères filles, que le Vicaire du Christ accueille avec une affection particulière les fidèles de Rome, sa Ville natale, son diocèse et le centre de la Chrétienté.

De même, il ne peut déplaire à personne que Notre coeur paternel, à l'imitation du Coeur sacré de Jésus, ait des marques de bienveillance particulière envers les plus humbles et les plus nécessiteux de Nos fils, envers les pauvres et les affligés de toute sorte.

Vous pouvez donc imaginer avec combien de ferveur Nous vous souhaitons la bienvenue, très chers fils de Pietralata, une des plus humbles paroisses de Rome, une de celles qui Nous sont les plus chères.

Votre excellent et zélé curé sait toute la sollicitude avec laquelle Nous avons cherché à être toujours présent au milieu de vous par Notre oeuvre, pour l'aide matérielle et spirituelle donnée à chacun de vous et à vos familles.

Certes, le Pape est le père des âmes ; aussi Notre première sollicitude devait et doit être de ne pas vous laisser manquer de tout ce qui est utile à vos esprits et à vos coeurs ; Nous avons voulu que vous ayez, à côté de vos modestes habitations, la Maison de Dieu. Aujourd'hui le hameau Rocchi, le hameau Quintiliani, le hameau Feliciani ont leur petite église, et Nous sommes heureux d'avoir contribué à faire surgir également l'Atelier-école de la paroisse, où les garçons sont suivis du point de vue moral et sont préparés à un métier qui demain leur permettra de gagner honnêtement leur pain.

Cependant cela ne Nous a pas fait oublier vos nécessités matérielles présentes ; et par conséquent, tout en profitant de chaque occasion propice pour rappeler à qui de droit le devoir de pourvoir, dans la mesure du possible, d'une manière organique et complète à votre installation, Nous Nous sommes employé à ne pas être absent partout où peuvent parvenir Notre secours et Notre réconfort. Malheureusement là encore la possibilité n'est pas égale à l'ardent désir que Nous aurions d'essuyer toute larme, de consoler chaque malade, de soulager toute souffrance. Aussi supplions-Nous notre Père qui est aux deux, afin qu'il daigne répandre sur tous l'abondance de son aide, et Nous conjurons tous les fils de Dieu sur la terre afin qu'ils ne négligent rien de tout ce qui est possible pour donner satisfaction aux besoins de leurs frères.

Mais vous, chers fils et chères filles, vous ne voudriez pas retourner à vos maisons sans une pensée d'exhortation de Notre part ; elle nous est suggérée par le Graduel que Nous avons récité à la messe d'aujourd'hui, fête du Corpus Domini : « Les yeux de tous vous regardent, ô Seigneur, pleins d'espérance, et vous leur donnez la nourriture au moment voulu ».

Vous semble-t-il, chers fils et filles, que cette prière exprime une réalité ou devons-nous seulement la considérer comme un souhait ou un but à atteindre ? C'est-à-dire vous semble-t-il que tous se tournent aujourd'hui, pleins d'espérance, vers le Seigneur, afin qu'il leur donne la nourriture ? Ou n'est-il pas vrai, plutôt, que tant d'yeux sont en fait, tournés ailleurs ; que tant d'oreilles sont attentives à écouter d'autres discours ; que tant de pas s'avancent dans des directions opposées à celle qui conduit à Jésus ? Combien d'hommes, combien de chrétiens, autrefois proches de l'Eglise, oublient maintenant d'implorer la Providence divine et d'avoir confiance en Elle !

Et cependant l'Evangile2 raconte que lorsque les yeux des foules se tournaient vers Jésus, lorsqu'elles le suivaient en grand nombre, oubliant tout besoin matériel, Il eut recours au miracle et donna la nourriture nécessaire à près de cinq mille personnes. Afin donc que le nécessaire ne manque à aucun de vous, utilisez

Jean, 6, 6.



tous les moyens humains ; mais regardez de nouveau, pleins de confiance, vers Jésus. Dites-Lui : « O Seigneur, toi qui vêts les lis des champs et qui nourris les oiseaux du ciel3, tu ne nous abandonneras certainement pas, nous les créatures humaines, faites à ton image et participant de ta propre vie ».

Avec le souhait que cette vie divine soit abondante dans vos
âmes, Nous vous donnons de tout coeur la Bénédiction apos-
tolique. r

ALLOCUTION AU PERSONNEL ENSEIGNANT

(4 juin 1953) 1


En ce jour, le Pape s'adressa à 3.500 religieuses enseignantes et maîtresses laïques des cours du soir :

Avec une satisfaction particulière, Nous vous saluons tous réunis en Notre présence, chères filles, religieuses et laïques, et chers fils, enseignant dans les secteurs de l'école maternelle et des cours du soir et dans les cours professionnels institués par la Commune de Rome, parce que Notre esprit voit également avec vous, déjà si nombreux, les trente-six mille enfants et jeunes gens que vous assistez quotidiennement. Trente-six mille ! on dirait presque une cité ; la cité de l'espérance et de l'avenir. Mais quel sera cet avenir ? Il sera celui que les enseignantes et les éducateurs voudront et sauront préparer.

Nous connaissons votre dévouement passionné pour votre noble tâche, que Nous voudrions définir à la fois religieuse et sociale. Elle s'applique — en complément de l'éducation chrétienne normale dans la famille et autant que possible en étroite union avec les parents de vos assistés — à préparer pour la Rome de demain une population à tous points de vue saine et prospère. Aussi sommes-Nous et Nous disons-Nous paternellement reconnaissant spécialement envers vous, chères filles, Nos fidèles collaboratrices pour ainsi dire.

Nous félicitons de même ceux qui, préposés à l'administration municipale, appliquent, avec de sages intentions et une oeuvre active, leur esprit à organiser le bien moral et matériel de Notre très cher peuple, pour des motifs multiples menacé de nombreux côtés, particulièrement dans les zones de la périphérie et dans la banlieue, qui occupent une si grande place dans nos

Matth., 6, 26 s.

soucis pastoraux. Elle est donc salutaire et opportune l'institution de cours du soir pour garçons et filles, de cours professionnels qui se proposent comme but l'éducation, l'assistance, et la formation professionnelle de l'enfance et de la jeunesse, spécialement de la plus nécessiteuse, et qui, après cinq années d'activité, peut maintenant présenter d'abondants fruits de progrès.

La sollicitude envers les enfants du peuple est un strict devoir de la communauté ; et il n'aurait pas raison celui qui, séduit par les idéals de futures réformes de toute la structure sociale définirait de telles mesures comme autant de palliatifs inutiles, voire nuisibles, parce qu'elles retarderaient l'avènement de la justice intégrale. Les grandes réformes que tout esprit honnête doit souhaiter et sagement favoriser, en évitant à l'édifice entier des secousses irréparables, ont besoin du temps nécessaire pour mûrir en de pacifiques et stables réalités. Mais, dans l'attente de celles-ci, comme il s'agit souvent de garçons et de filles abandonnés à eux-mêmes et par conséquent errant dans les rues ou dans les lieux hygiéniquement et même moralement malsains, il faut accourir les sauver de la meilleure manière en faisant tout ce qu'on peut et avec la plus grande urgence. Du reste ces mêmes réformes ne se réaliseraient jamais si elles étaient proposées ou même imposées à un peuple spirituellement déchu et que la communauté n'aurait pas préparé à les accueillir avec une solide éducation.

C'est donc une haute tâche que la vôtre, chères filles ; une mission nécessaire, mais également difficile et délicate. Toutefois, ayez confiance en votre oeuvre, en repoussant ce sentiment de pessimisme qui parfois s'attache à celui qui éduque, comme s'il devait être fatal que les années et les courants troubles puissent détruire toute saine formation reçue pendant les premières années. Malgré les événements adverses, l'éducation fondée sur les principes chrétiens ne manquera jamais d'apporter ses fruits bienfaisants.

Ayez en outre une conception élevée de votre oeuvre. Vous travaillez directement sur les âmes. Existe-t-il donc une tâche plus noble, plus féconde, plus agréable à Dieu ? Ceux qui auront été les maîtres des autres dans le bien — dit le Saint-Esprit — resplendiront comme les étoiles dans le firmament2.

Enfin ayez la ferme conviction qu'il n'existe pas d'autre voie, d'autre méthode plus sûre pour que les enfants deviennent des citoyens honnêtes et travailleurs, dont la vie ne soit pas pour eux un poids insupportable ni ne constitue un danger pour la société, qu'en faisant d'eux, avant toute autre chose de fidèles adorateurs de Dieu. Infusez dans leurs coeurs la foi chrétienne, l'observation des commandements, l'estime de la vertu au-dessus de tout autre bien matériel et caduc. Et aimez-les, spécialement vous, chères filles, avec un coeur maternel, chaque jour davantage, comme s'ils étaient vos créatures, en vous rappelant que les enfants sont la prunelle des yeux de Jésus.

En exaltant tout ce que vous avez fait et ferez pour l'enfance et la jeunesse romaine et en souvenir de cette heure qui Nous est agréable, parce que passée avec vous, Nous voudrions vous dire : Les enfants de Rome, spécialement les plus pauvres, les plus déshérités, sont les plus précieux joyaux du Pape ! Protégez-les, défendez-les, employez-vous afin que leur splendeur spirituelle ne soit jamais obscurcie par les erreurs et les égarements, mais qu'ils reflètent dans toute leur vie l'honneur de l'Eglise et les glorieuses traditions catholiques de l'Urbs.

Afin que Nos voeux s'accomplissent, Nous appelons sur vous tous ici présents, qui êtes affectés aux cours du soir, inspecteurs, directeurs, enseignants et assistants religieux et laïques, employés et surveillants, et sur tous les chers enfants et jeunes gens que vous assistez, les grâces célestes, dont Nous vous donnons en gage, de grand coeur, la Bénédiction apostolique.










Pie XII 1953 - ALLOCUTION AUX UNIVERSITAIRES ITALIENS (24 mai 1953)