Pie XII 1952 - ALLOCUTION AUX MEMBRES DU COLLÈGE SAINT-JOSAPHAT

ALLOCUTION À UN GROUPE DE JEUNES FILLES DU MOUVEMENT «OASIS»

(23 novembre 1952) 1


Le mouvement « Oasis » groupe les jeunes filles désireuses de se sanctifier et de réaliser un apostolat fructueux dans leurs milieux de vie. Réunies à Rome, ces jeunes furent reçues en audience et Pie XII leur dit :

Chères filles, Nous vous souhaitons paternellement la bienvenue. Comme vous le savez bien, Nous sommes souvent obligé de recevoir tous ensemble, en « Audiences générales », un grand nombre de pieux fidèles, qui viennent à Nous de tant de lieux et de tant de régions pour recevoir Notre Bénédiction et entendre Nos simples paroles d'exhortation. Nous avons cependant désiré vous rencontrer séparément, vous qui êtes un parterre fleuri du jardin printanier ornant l'Eglise.

Nous avons appris en son temps que quelques pieuses jeunes filles romaines avaient offert leur jeunesse au divin Roi, Jésus Sauveur du Monde, entre les mains de Marie Immaculée, le jour inoubliable où Nous avons eu la joie d'enchâsser une nouvelle gemme resplendissante dans la couronne de la Sainte Vierge en proclamant son Assomption au Ciel. C'était dans la matinée lumineuse du 1er Novembre 1950.

Depuis lors d'autres jeunes groupes se sont joints au premier dans diverses villes d'Italie, d'Argentine, du Brésil, disséminés dans le monde pour le rasséréner par l'enchantement d'une pureté sans tache et par une vie chrétienne intensément vécue.

Vous avez voulu vous appeler « Oasis », et, en vérité, il aurait été difficile de trouver un nom plus approprié ; vous avez voulu indiquer ainsi que dans le désert de ce monde, si aride parce que tout brûlé, votre désir et votre volonté déterminée étaient que naisse, que se développe et se multiplie la « vie de Dieu », en devenant vous-mêmes les canaux mystérieux, mais réels, alimentés par Celui qui est fons aquae vivae, source d'eau vive, et qui viendront irriguer le terrain, où la sécheresse a provoqué la mort ou bien empêche la vie de germer.

Mais vous êtes dans une position avantageuse par rapport aux oasis du désert, qui vous ont suggéré leur nom. Dans celles-ci la quantité d'eau, en général, ne peut être augmentée ; elle doit donc être utilisée selon de rigoureuses règles d'économie. Dans vos « oasis », il n'en est pas de même ; vous puiserez avec joie les eaux aux sources du Seigneur : haurietis aquas in gaudio de fontibus Salvatoris (Is 12,3), sans limites de temps ni de quantité. De cette manière vous ferez en sorte que dans le désert du monde toute âme soit comme une plantation du Seigneur pour sa glorification : plantatio Domini ad glorificandum (Is 61,3).

Il convient de noter d'autre part que, tandis que l'extension des oasis dans le désert ne peut se développer, en revanche les vôtres peuvent fort bien s'agrandir. Il est même désirable que vos diverses « Oasis » trouvent le moyen de s'étendre jusqu'à se rejoindre, pour ainsi dire, entre elles, au point de faire disparaître une partie du désert.

Chères filles, Nous vous exprimons ici Notre paternelle satisfaction pour ce que vous êtes et pour ce que vous faites. Persuadé comme Nous le sommes que c'est aujourd'hui l'époque de l'héroïsme, l'heure du don de soi complet, Nous remercions le Saint-Esprit, chaque fois qu'il descend dans une âme, dans un groupe d'âmes, en y apportant le souffle du renouvellement et de l'amour.

Vous ne voulez pas — Nous le savons — vous transformer en une Association, qui s'ajoute aux autres et, peut-être, pourrait finir par gêner celles-ci. Vous voulez demeurer ce que vous êtes, demeurer où vous êtes ; mais dans les lieux que vous fréquentez, parmi les personnes que vous rencontrez, vous êtes résolues à apporter un souffle de générosité absolue dans l'ordre de la vie chrétienne. Avec votre engagement — consacré par un voeu privé et temporaire — de conserver sans tache votre pureté, et avec la promesse de la méditation quotidienne, de la communion, de la visite à Notre Seigneur dans le Saint-Sacrement, et de la récitation du chapelet, vous assurez une « respiration » et une « nourriture » de l'âme, qui feront de vous — plus tôt que vous ne pourriez peut-être le croire — le levain qui, silencieusement, mais efficacement agira dans n'importe quelle masse en la faisant fermenter et en la transformant en un pain bon et savoureux. Les Associations, auxquelles vous êtes ou serez inscrites, pourront sentir elles-mêmes les bienfaisants effets de votre présence, car vous vous appliquerez à amener les âmes qui en font partie à un rythme de vie spirituelle semblable au vôtre.

De la sorte, avec votre mouvement, surgit dans l'Eglise quelque chose que l'on n'avait peut-être jamais vu jusqu'alors dans de si vastes proportions. Nous saluons l'apparition de cette phalange stable et permanente et se renouvelant en même temps à chaque génération de jeunes, qui se proposent de vivre dans un climat de courage et d'empressement effectif à tout appel de Dieu et de l'Eglise.

S'il est vrai que la famille est la cellule de la société et que de la reconstruction de celle-ci dépend le renouvellement du monde, quelle puissante impulsion une jeunesse comme la vôtre pourra donner à la poursuite d'un but si élevé et urgent ! D'autre part votre consécration prépare les jeunes âmes à accueillir — quand le Seigneur l'inspire — la vocation à la vie religieuse, qui demeurera toujours un état plus parfait que celui — saint lui aussi — du mariage.

Croissez donc, chères filles, en nombre et en qualité. Faites de Jésus votre vie ; transformez-vous en Lui ; faites qu'il vive dans le monde, en se servant de votre vie.

Et que Marie, Mère de Jésus et notre très douce Mère, daigne vous obtenir la grâce d'être — comme Elle et avec Elle — celles qui apportent Jésus au monde.




MOTU PROPRIO « VALDE SOLLICITI » CONCERNANT L'HABIT DES CARDINAUX

(30 novembre 1952) 1


Le Souverain Pontife, soucieux d'un genre de vie plus austère du clergé, et des difficultés de notre temps, a décidé de simplifier l'habit des cardinaux par le « Motu Proprio » suivant :

Très préoccupé des conditions particulières de notre temps devenues de jour en jour plus lourdes et plus précaires après de pénibles épreuves, et que rendent dignes de la plus haute considération et de la plus grande attention les voeux de beaucoup qui s'inquiètent non sans quelque noblesse, Nous avons toujours estimé opportun et dans la ligne du devoir de Notre conscience d'accueillir les indications qu'elles donnent, à savoir que tous, et d'une manière particulière les membres du clergé, soient amenés à un genre de vie plus sobre, modéré et austère.

C'est pourquoi, même en ce qui touche Notre personne, il Nous a plu de donner en cela l'exemple : ainsi, il Nous a plu de modifier un peu les formes extérieures dont s'entoure l'accomplissement de Notre charge apostolique, à savoir de réduire les cérémonies sacrées à une forme plus simple et plus brève. Et Nous sommes surtout heureux de voir tous les hommes sensés, soit dans la vie privée, soit dans les actes de la vie publique, et même en ce qui concerne le clergé, admirer bien plus que le faste, une sollicitude instante pour les besoins de la société humaine.

Nous avons donc pensé fixer des règles en ce qui concerne les vêtements des cardinaux, qui Nous sont très chers et qui Nous assistent si bien dans le gouvernement de l'Eglise universelle. Nous savons parfaitement qu'ils ont le souci, non pas de la curiosité de ceux qui pourraient les admirer, mais de montrer la dignité exemplaire et l'autorité qui est la leur. Ainsi même, Nous sommes convaincu que non seulement ils sont éloignés d'un luxe vain, mais que plutôt, bien volontiers, ils dépensent en libéralités les biens reçus par eux du patrimoine ecclésiastique, de la piété des fidèles et des générosités de leurs parents et amis. Ils sont, en effet, persuadés que cela répond à la sagesse évangélique de placer en bonnes oeuvres, pour le culte divin, l'éducation de la jeunesse et l'apostolat tout ce qu'ils peuvent mettre de côté, même grâce à un genre de vie et de vêtements plus modeste.

C'est pourquoi, tout en les honorant de cet éloge qu'ils méritent, Nous jugeons que leurs louables desseins et leurs résolutions chrétiennes seront grandement facilitées par les règles que Nous fixons Motu Proprio au sujet de la tenue des cardinaux :

I. On supprimera la queue ou traîne de la soutane rouge ou violette des cardinaux.

II. La longueur de la queue ou traîne de la cappa, qu'on ne déploie jamais dans les chapelles papales ni dans les Consistoires, sera réduite de moitié environ sur la grandeur qui était en usage jusque maintenant.

III. Pour les vêtements violets (soutane, mantellata, mozette), ils seront de laine ; toutefois, les cardinaux, qui avaient déjà l'habit de soie moirée pourront s'en servir pendant les temps prescrits.

IV. On reviendra, pour la Curie romaine, aux règles du cérémonial en ce qui concerne l'habit des cardinaux qui sont choisis parmi les chanoines réguliers ou les clercs réguliers, ou les Congrégations religieuses.

V. Les règles que Nous venons de décréter entreront en vigueur le 1er janvier de l'année prochaine 1953.



RADIOMESSAGE AUX FIDÈLES ASSEMBLÉS A GOA À L'OCCASION DU IV\2e\0 CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT FRANÇOIS-XAVIER

(3 décembre 1952) 1


La joule réunie à Goa — lieu où se trouve le tombeau du Saint — autour du Légat Pontifical, Son Em. le Cardinal Cerejeira, patriarche de Lisbonne, entendit par radio le message suivant :

Dévots et admirateurs de saint François-Xavier, foule innombrable assemblée aujourd'hui dans la Velha Goa, à l'intérieur ou au dehors de la majestueuse cathédrale, à l'ombre des monuments religieux qui attestent pour les siècles la foi et la piété de vos ancêtres !

De cette Rome qui vous a envoyé François-Xavier et vers laquelle il vous a appris à regarder constamment comme vers le phare de la vérité rédemptrice, Notre parole arrive jusqu'à vous en témoignage de l'affection paternelle avec laquelle le Vicaire de Jésus-Christ vous aime et, avec vous, vénère les reliques sacrées du grand Apôtre de l'Orient et exalte sa gloire.

Lorsqu'il y a quatre siècles aujourd'hui, François-Xavier mourait devant les portes de la Chine, c'était, avec lui, l'idéal sublime d'amener à la Croix du Christ tout l'Orient récemment découvert, qui semblait s'effondrer comme un songe.

Dix ans à peine s'étaient écoulés depuis son arrivée dans l'Inde : dix ans d'incessantes courses apostoliques, bravant les tempêtes sur toutes les mers, soutenant partout des travaux gigantesques et de continuels dangers de mort.

Poussé par le « besoin continuel qu'il avait de perdre sa vie temporelle pour venir en aide à la vie spirituelle de son prochain » [14], et utilisant « toute la faveur et les secours que le roi et la nation portugaise, vivement désireux de voir toutes ces régions d'infidèles converties à la foi du Christ Notre Sauveur, mettaient à sa disposition avec beaucoup d'abondance, beaucoup de charité et d'amour » [15], on le vit arriver, s'arrêter et reprendre sa course à Mozambique, Socotra, Goa, Travancore, la Côte des Pêcheurs et le Cap Comorin, Ceylan, Malacca, Amboine, les Moluques, Moro et, dans la région du Soleil Levant, le Japon à peine découvert.

Incité et pressé comme l'Apôtre par la charité du Christ[16], il se sentait appelé à explorer, défricher et jeter les premières semences dans la terre, laissant aux continuateurs de son oeuvre le soin d'arroser, de cultiver et de faire la récolte. Déjà son zèle insatiable le poussait vers la Chine, « détaché de tout secours humain » [17], acceptant toutes sortes de prisons et de chaînes, de tortures et de martyres8 convaincu qu'il était de porter aux pieds du Christ toute l'Asie, une fois convertie la Chine, lorsque l'inscrutable Providence lui dit : cela suffit ! et la mort le trouva tout seul, sans aucune espèce de réconfort humain, dans une île déserte de ces mers.

Il meurt !

Mais l'Orient tout entier, témoin et théâtre de son incomparable apostolat, éclairé par le feu de son zèle et plus encore par l'éclat de sa sainteté, a vu sur le champ que cette mort était plutôt le commencement d'une vie nouvelle et plus active. Le transport même de ses saintes dépouilles fut un triomphe. Malacca, son dernier calvaire, fut la première à glorifier le Père Saint et à jouir de ses miracles.

Goa lui fit pour ses obsèques le plus grand triomphe, tel que même les conquérants les plus heureux et les plus grands vice-rois et princes n'en virent ou n'en verront jamais. L'affluen-ce gigantesque et ininterrompue de ces trois jours pour vénérer les restes mortels du Père Saint préludait aux immenses affluences de centaines de milliers et de millions de pèlerins qui, périodiquement, se succédèrent jusqu'à nos jours.

En outre les bienfaits extraordinaires qui se multiplient à l'invocation de son nom, au contact de ses reliques, auprès de son tombeau ou des lieux particulièrement sanctifiés par sa présence, prouvent que mort il vit en Dieu ; ils répandent aussi son culte à l'avantage de la foi parmi les chrétiens et les non-chrétiens de toutes les races et nationalités.

Mais surtout c'est son exemple conquérant, son esprit qui, en se communiquant à des légions d'apôtres, continue son apostolat posthume. Jadis aucun nouveau messager de l'Evangile ne partait de Lisbonne sans aller à son autel lui demander sa protection et promettre de marcher sur ces traces. Débarqué à Goa, il se hâtait d'aller à Bom Jésus, auprès du tombeau du Saint, pour s'imprégner de son esprit et s'enflammer plus vivement de son zèle. Gonçalo da Silveira dans le Monomotapa, Oviedo et Apollinaire de Almeida dans l'Ethiopie, Rudolph Acquaviva dans la cour fastueuse du grand Akbar, Nobili et Brito, Alvarez et Abreu dans l'Inde et au Tonkin, Ricci, Spinola, Mastrilli et bien d'autres Missionnaires et Martyrs, que sont-ils sinon les fils spirituels de Xavier, qui prolongent son apostolat ?

Et parmi non seulement ses confrères, les membres de celle qu'il appelait « la sainte Compagnie du Nom de Jésus », mais aussi toutes les légions d'apôtres de tous les ordres et de toutes les congrégations religieuses, y en a-t-il que leurs supérieurs auraient envoyés en Orient avec la bénédiction de Dieu, sans leur avoir recommandé, comme saint Vincent de Paul à ses Pères, en les envoyant à Madagascar : « Que votre premier soin soit de modeler votre conduite sur l'exemple du grand saint François-Xavier ».

Et l'on peut voir les fruits de cet apostolat.

Il est vrai que cinquante ou soixante-dix ans après la mort de Xavier, des temps difficiles étaient survenus dans presque toutes les chrétientés fondées par lui. Sur la Côte des Pêcheurs et au Travancore, les ennemis de la vraie foi soumettent les fidèles à des épreuves très dures : le sang des martyrs coule abondamment ; mais la chrétienté résiste, vainc, se multiplie ; et aujourd'hui après quatre siècles, voici que les catholiques fervents se vantent d'être par antonomase « les fils de saint François-Xavier » et donnent à l'Eglise le premier évêque in

dien et au gouvernement civil le premier ministre catholique.

Le prestige portugais dans les îles du Pacifique étant amoindri, les ennemis implacables de la Croix reprennent leur influence et déclarent la guerre, une guerre à mort aux cent cinquante ou deux cent mille catholiques, résultat du développement des premiers groupes établis par Xavier. Le sultan de Ternate passe soixante mille fidèles au fil de l'épée ; deux des îles de Moro sont littéralement dépeuplées. La chrétienté d'Amboine, des Célebes et des Moluques disparaît, non sans avoir laissé dans le martyrologe de l'Eglise une page glorieuse écrite avec le sang de ses martyrs ; — parce que, comme le héros chrétien d'Amboine, en se connaissant « pauvres fils des brousses et ignorants, ils savaient pourtant une chose que le Père Maître François leur avait enseignée : ils savaient qu'il est beau de donner sa vie pour Jésus-Christ » 1.

Et le Japon ? Les espoirs souriants de Xavier étaient une prophétie. Après quelques années, le millier de chrétiens qu'il y avait laissés grandissent jusqu'à sept ou huit cent mille, tous aspirant à une vertu héroïque et assoiffés du martyre. La persécution éclate : deux cent cinquante années de persécution implacable, méthodique, avec raffinement dans la cruauté, une des plus terribles que subit jamais l'Eglise. Alors les fidèles, par la plume de l'un d'eux, « remercient Dieu parce que, par les mérites du Père Maître François et par la Miséricorde divine, ils sont maintenant de vrais disciples de Jésus Crucifié et ils espèrent demeurer constants jusqu'au bout »[18]. Cependant le flot de sang monte, monte toujours et finit par submerger dans ses tourbillons la Chrétienté japonaise. Pourtant, miracle de la grâce ! elle ne disparaît pas totalement ; elle a survécu et survit dans les trente ou quarante mille chrétiens qui « errant dans les déserts, s'abritant dans les montagnes, se cachant dans les grottes et cavernes » *, ont pu sauver jusqu'à nos jours les reliques de la Foi des ancêtres, prêchée par Xavier.

Et Goa, l'impériale Goa, à laquelle Xavier, avec tant d'enthousiasme, a consacré les prémices de son zèle dans l'Inde, que souvent et avec tant d'amour il est revenu édifier par d'héroïques vertus et travaux apostoliques, Goa qui se vante de posséder dans ses reliques le plus grand trésor de l'Orient et le gage le plus sûr de la paix et de la prospérité de ses habitants, Goa ne lui doit-elle pas, plus qu'à aucune autre personne d'avoir été pendant deux longs siècles le foyer le plus puissant de l'expansion de l'Evangile dans toute l'Asie et l'Indonésie et d'être encore aujourd'hui, grâce à la foi vive et à l'esprit religieux de ses fils, la ville et l'archidiocèse où éclosent en plus grand nombre les vocations religieuses et sacerdotales, au point qu'elle a pu envoyer généreusement beaucoup d'ouvriers évangéliques en d'autres régions de la grande Inde, moins pourvues de clergé ?

L'apostolat posthume de Xavier !

C'est surtout par lui que « sa gloire croît de génération en génération », enveloppant dans la plus éclatante auréole les reliques du grand apôtre et modèle des apôtres.

Oh ! puisse ce quatrième centenaire de sa mort bienheureuse, célébré alors qu'une nouvelle et épouvantable bourrasque se déchaîne sur tant de missions catholiques, accroître de plus en plus la confiance dans son intercession, afin qu'il vienne en aide aux pacifiques armées de Dieu si durement éprouvées, afin qu'il suscite à travers toute l'Eglise des vocations missionnaires nombreuses et choisies, telles que Xavier lui-même les désirait, capables d'assimiler et de réaliser les grands idéals pour lesquels il a combattu et est mort.

Que par les mérites du grand Thaumaturge, les bénédictions du ciel descendent abondantes sur les terres de la Péninsule Ibérique, l'Espagne et le Portugal, lesquels en François-Xavier ont donné à l'Asie son second Apôtre ; sur Notre très digne Légat, sur vous tous Vénérables Frères et chers fils ; sur l'archidiocèse de Goa qui est fier de conserver ses reliques et de le vénérer comme son très spécial Protecteur ; sur tous les peuples de l'Inde immense et de tout l'Orient, qui sont aujourd'hui représentés et rassemblés dans la vénération de son immortel apôtre.

Quant à Nous, en gage des grâces divines, Nous vous donnons avec toute l'affection de Notre âme la Bénédiction apostolique.




RÉPONSE DE LA S. CONGRÉGATION DES RITES CONCERNANT LES VÊTEMENTS DES ÉVÊQUES

(4 décembre 1952) [19]


Il était normal que la simplification de l'habit cardinalice fût accompagnée d'une réduction analogue du costume des patriarches, archevêques et évêques ; il y fut pourvu par les réponses suivantes aux questions posées :

A la suite de la publication du Motu Proprio « Valde solli-citi », du 30 novembre 1952 [20], au sujet des habits des Eminen-tissimes cardinaux de la Sainte Eglise Romaine, on a demandé à la Sacrée Congrégation des Rites les réponses et les explications utiles aux questions suivantes :

1. Les dispositions du Motu Proprio concernant la soutane et la cappa des Eminentissimes cardinaux doivent-elles s'appliquer aux soutanes et cappas des patriarches, archevêques et évêques de la Sainte Eglise Romaine, ainsi qu'à celles des Abbés séculiers ou réguliers qui jouissent des mêmes privilèges ?

2. La soutane des protonotaires, prélats et autres qui jouissent des privilèges des prélats doit-elle être également sans la traîne ou la queue ?

La Sacrée Congrégation des Rites, considérant sérieusement que les raisons qui sont énoncées dans le Motu Proprio s'appliquent également aux évêques et autres prélats, a décidé de répondre aux questions posées « affirmativement pour chaque cas ».

Ainsi a-t-elle répondu et déclaré, et ordonné à tous de s'y conformer nonobstant toutes clauses contraires, même dignes d'une mention spéciale.





DÉCRET DE LA S. CONGRÉGATION DES RITES CONCERNANT L'HABILLEMENT DES ÉVÊQUES EN VUE D'UN OFFICE PONTIFICAL

(4 décembre 1952) [21]


Son Em. le Cardinal Micara, pro-préfet de la Sacrée Congrégation des Rites a signé le décret suivant :

D'après le Cérémonial des Evêques[22] et l'antique discipline ecclésiastique, toutes les églises cathédrales doivent avoir une salle, appelée Secretarium, et séparée de l'église, où l'évêque qui célèbre une Messe solennelle revêt les ornements sacrés. Lorsque manque le Secretarium, il est d'usage que l'évêque choisisse quelque chapelle dans l'église elle-même. Comme il semble moins convenable de mettre les sandales ou les souliers dans l'église même, la Sacrée Congrégation des Rites a estimé devoir décider ce qui suit : lorsque, d'après les rubriques, l'évêque doit mettre les sandales et les souliers durant les cérémonies sacrées, il ne doit pas le faire dans l'église, ni au trône, ni au faldis-toire, mais ou bien dans un Secretarium distinct de l'église ou bien dans sa demeure : les rubriques et décrets en usage jusqu'à présent seront modifiés en ce sens. Nonobstant toutes choses contraires.







ALLOCUTION A L'ASSOCIATION ROMAINE « ARTISTICO-OUVRIÈRE »

(y décembre 1952)1


Recevant les membres de cette Association le Pape dit :

Avec toute l'effusion de Notre coeur paternel, Nous vous saluons, vous qui êtes réunis ici autour de Nous. Nous avons toujours considéré la rencontre avec Nos fils du monde entier, le contact pastoral direct avec eux, comme une des principales charges de Notre ministère apostolique ; une de ces charges où il ne serait pas possible de Nous faire remplacer par d'autres. Et seul Jésus connaît la joie qui envahit Notre âme chaque fois que Nous pouvons voir ces pieux fidèles, leur parler, converser avec eux.

Et quand ce sont Nos fils de Rome, de ce peuple au milieu duquel Nous respirons le même souffle de vie, qui viennent à Nous, Notre joie devient encore plus intime et familiale. Alors Notre accueil se fait pour ainsi dire plus joyeux, motivé comme il l'est par une affection plus particulière et par une sollicitude plus spéciale. Rome est en effet Notre ville natale bien-aimée et en même temps Notre diocèse ; Rome, qui doit être un brillant exemple dans la réalisation de ce monde meilleur, auquel Notre coeur aspire avec ardeur.

Soyez donc les bienvenus très chers fils de 1'« Artistico-Ouvrière », les bienvenus en ce quatre-vingtième anniversaire de votre Association si typique, si sympathiquement romaine.

En ces jours d'Avent la Liturgie sacrée, — source précieuse et permanente de lumière et de bonheur — met notre âme dans une fervente disposition d'attente pour la fête de Noël. C'est toute une mystérieuse effusion de prière pleine d'anxiété et en même temps de douceur. Nous nous adressons à Dieu et nous Le prions de nous envoyer Celui qui doit venir : Miffe quem missurus es[23] ; nous élevons notre cri vers les cieux, vers les nuages et nous attendons que descende comme une rosée, comme une pluie bienfaisante, le Juste : Rorate cceli desuper, et nubes pluant iustum [24]. La terre aussi écoute notre imploration, et nous lui demandons de s'ouvrir et de faire germer la plus désirée des plantes, la plus parfumée des fleurs, Jésus : Aperiatur terra, et germinet salvatorem : Flos de radice lesse ". Parfois la prière est adressée directement à Jésus et prend alors un ton de ferveur particulière : Veni, Domine, et noli tardare : Venez, Seigneur, et ne tardez pas.

Dans la même Liturgie, à cette prière répond une très douce voix de paix, d'encouragement et de promesse. Dieu parle et il dit : Consolez-vous : bientôt viendra votre salut : Cifo veniet salus tua.

Et encore : les montagnes distilleront de la douceur et les collines donneront du lait et du miel : Stillabunt montes dul-cedinem, et colles fluent lacté[25]. Dans les jours qui seront les Siens, il y aura justice et abondance de paix : Orietur in diebus eius iustitia et abundantia pacis [26], et la terre produira son fruit : Terra nostra dabit fructum suum 1.

Mais il Nous semble qu'entre cette prière émue et cette délicieuse promesse il y a, forte et résolue, une voix : la voix de Celui qui crie en un avertissement : Préparez la voie du Seigneur : Vox clamantis... Parate viam Domini[27]. Ce qui revient à dire : votre désir de salut serait inutile et Sa volonté de sauver ne servirait pas non plus, si faisait défaut votre oeuvre généreuse pour lui préparer la route, en écartant les obstacles et en ornant le chemin par lequel II doit passer.

Aujourd'hui cette prière de la terre et la réponse du ciel, et encore plus l'exhortation du Précurseur, se font de plus en en plus pressantes. Qui n'entend pas l'imploration anxieuse des hommes, qui ont cherché à résoudre leurs problèmes sans

Dieu ou en luttant réellement contre Dieu, et ont maintenant touché du doigt la défaite qui les décourage, en raison de la fragilité des structures dans lesquelles ils se trouvent et de la précarité des institutions sur lesquelles ils s'appuient ? Il suffit donc de savoir comprendre les voix qui parviennent à notre oreille, il suffit d'en deviner la signification encore cachée et profonde pour se rendre compte que beaucoup déjà s'apprêtent à revenir à la maison du Père, même s'ils l'ont oubliée.

D'autre part il n'est pas moins certain qu'à une telle attente — même si elle n'est pas toujours consciente — correspond chez Jésus la volonté de sauver, celle qui se révèle à chaque page de l'Evangile ; il n'est pas douteux que le Pasteur qui courut à la recherche de la brebis égarée, accueillera avec amour le fils qui revient, surtout si celui-ci Lui dit : Père, je suis allé loin ; j'ai fait l'épreuve de tant de systèmes ; je me suis fié à tant d'hommes et à tant de choses. Jésus, je suis maintenant de nouveau chez vous ; je me rends compte à présent que vous seul avez les paroles de vie éternelle.

Mais s'il y a, comme Nous l'avons dit, diffus dans l'air que nous respirons, ce sentiment d'attente, alors il faut que s'élève aussi, résolue et franche, la voix de Jean-Baptiste ; il faut que retentisse sans interruption ni lassitude le cri d'avertissement : Préparez la voie à Jésus.

Chers fils, l'enthousiasme avec lequel votre Association, dans ces quatre-vingts ans de vie, a affronté tant de problèmes délicats, Nous donne la certitude que vous répondrez généreusement à ce cri, qui doit atteindre le fond des consciences, pénétrer dans vos familles, se faire entendre fort et puissant, en tout lieu, dans toute assemblée d'hommes soucieux du sort du monde.

L'« Artistico-Ouvrière » — vous vous le rappelez bien — est née parce qu'un groupe de romains actifs et hardis voulurent recueillir l'héritage des Universités d'arts et métiers, quand elles déclinèrent du fait d'usure intérieure et de causes extérieures dues à des perturbations politiques. On entendit réunir ainsi en corporations ouvriers et artistes, afin de pourvoir non seulement à leur formation chrétienne, mais également à la protection de leurs intérêts de métier.

Ceux qui vous connaissent savent le zèle avec lequel, depuis 1871, vous avez cherché les pauvres pour les secourir, visité les malades pour les aider et les réconforter, accueilli les sans-toit pour leur donner une maison. Aujourd'hui, il est vrai, certaines idées et certains faits sont arrivés à une telle maturation que l'on ne voit peut-être pas dans sa portée réelle tout ce que vous avez fait pour l'orientation de la question sociale, pour la constitution d'un Bureau du Travail, pour l'occupation des ouvriers, pour le fonctionnement d'une « Caisse » prête à faire face aux cas critiques et à habituer à l'épargne ; sans parler de votre oeuvre également inlassable, pour l'éducation morale et intellectuelle de vos adhérents et des autres avec lesquels vous vous êtes trouvés en contact.

Il n'est donc pas exagéré d'affirmer qu'avec l'accomplissement d'un tel travail vous avez mérité la reconnaissance de Rome, et tout votre passé donne confiance à ceux qui se demandent ce que pourra être votre avenir.

C'est pour cela que Nous Nous déclarons certain que l'avertissement du Précurseur trouvera un prompt écho dans vos coeurs et que vous ferez tous les efforts pour préparer la voie au Seigneur.

1. — Il faudra donc, avant tout, que chacun de vous s'emploie à préparer le chemin, afin que Jésus puisse entrer et habiter dans votre âme. Examinez si par malheur il y avait en elle quelque obstacle qui rende impossible à Jésus de demeurer en vous ; c'est ce que serait cette faute qu'on appelle mortelle, précisément parce qu'elle tue en vous la vie divine. Ayez soin, en outre, que votre âme se purifie sans cesse davantage, et n'ayez point de répit tant que ne seront pas disparues, dans les limites permises à la fragilité humaine, même les plus petites taches qui ternissent sa pureté. Il faudra enfin l'orner avec les perles de toutes les vertus, en prenant comme modèle Jésus lui-même.

2. — En second lieu, préparez la voie au Seigneur, afin qu'il puisse entrer et demeurer dans votre Association.

Vous faisant actifs et résolus dans l'effort pour être chaque jour, en quelque sorte, davantage pleins de vitalité, afin que Jésus puisse habiter parmi vous, il faudra que l'Association, en tant que telle, soit elle aussi chrétienne dans la pleine acception du mot. La question des « membres » est naturellement fondamentale et de la plus grande importance. Mais on ne peut nier que pour l'Association il y a aussi, pour ainsi dire, un problème de « climat », un problème de statuts, de programme, d'usages ; un problème de « structure ».

Il sera donc indispensable, par exemple, que dans votre Association l'assistance religieuse ait la place et l'importance qu'elle mérite, ainsi qu'il fut aux temps les plus florissants de 1'« Artis-tico-Ouvrière ». Il sera d'autre part nécessaire que les activités secondaires, utiles elles aussi, n'absorbent pas vos énergies, au détriment de ce respect de l'échelle des valeurs, qui doit présider à l'ordre de toute activité humaine. De même, pour donner un autre exemple, l'activité récréative devra certes être poursuivie ; mais elle ne doit pas faire passer au deuxième plan d'autres oeuvres de plus grande valeur, comme celles concernant le domaine technique, le domaine de l'assistance, le domaine économico-social et, spécialement, le domaine moral et religieux. Organisez avec toute votre diligence, comme vous l'avez fait dans le passé, les Exercices spirituels : action silencieuse mais des plus efficaces d'assainissement et de perfectionnement pour les âmes de vos adhérents ; ne négligez pas les catéchismes, les pèlerinages, les réunions des Congrégations mariales les jours de fêtes.

Mais surtout veillez par tous les moyens à ce que la charité, qui surpasse tout sentiment, règne dans vos coeurs ; règne, par conséquent, parmi vous. S'il est vrai que les disciples de Jésus se reconnaîtront à l'amour qu'ils sauront se témoigner réciproquement, toute jalousie, toute envie, toute avarice devront être bannies de votre Association. S'il y a la charité, il y aura l'amour, il y aura Jésus.

3. — Enfin, avec Jésus dans votre âme, dans votre Association, vous devez préparer la voie à Jésus afin qu'il revienne régner dans votre Rome. Nous n'avons pas besoin de répéter ici combien Nous avons à coeur le renouvellement de la Ville Eternelle, phare et centre de civilisation chrétienne, et combien il est indispensable que toutes les forces vives soient employées méthodiquement. Si chacun de vous choisissait de lui-même le lieu et l'heure et les circonstances de l'action, il y aurait certainement des efforts individuels fort nombreux et même héroïques ; mais c'est en vain que l'on attendrait d'eux les résultats que pourrait donner l'héroïsme, s'il était au service d'une sage stratégie et d'une tactique opportune. Etudiez donc avec intelligence et amour quelles sont les nécessités de Rome, auxquelles vous pensez pouvoir répondre. Il y a tout un secteur de défense ; un autre de conquête ; un troisième de construction positive. Observez le point auquel se trouve chez le peuple la connaissance de la vérité en général et de la foi en particulier. Il y a à susciter, — avec l'anxiété de celui qui assiste à une lamentable tragédie, — la vie de la grâce dans des milliers d'âmes mortes, cadavres ambulants dans les rues que vous traversez, dans les lieux que vous fréquentez. Il y a le besoin sous mille formes : indigence, souffrance, découragement.

Pour faire tout avec ordre, il faut que vous sachiez de façon précise ce que vous êtes. Ne perdez pas la fierté de votre état d'artisan ; vous savez bien que dans la grande industrie, l'homme, qui doit être le maître de la machine, risque d'en devenir, en réalité, l'esclave. Il n'en est pas ainsi pour l'artisan ; il commande la machine, il se sert d'elle et la contraint à lui donner tout ce qu'il demande par la quantité du travail et par la rapidité de l'exécution. La grande industrie, quand elle veut affiner ses produits, recourt elle-même à l'artisan comme à un véritable maître d'art.

On ne doit pas oublier que, malgré les apparences contraires, une grande partie des hommes travaillent comme artisans, et l'on ne peut penser à la pacification sociale sans s'occuper de la condition de ces silencieux mais combien précieux auteurs d'une si grande partie de l'oeuvre humaine.

Aussi cherchez également à connaître combien vous êtes ; Nous voulons dire combien vous êtes à vouloir agir et lutter efficacement pour le bien de la Ville Eternelle. Rendez-vous compte de vos possibilités de temps, d'énergies, de moyens financiers. Prenez place avec intelligence et générosité sur le front du bien. Il sera nécessaire de demander à ceux qui ont la responsabilité de l'emploi de toutes les forces quelle doit être votre place ; ensuite il faudra en accepter les directives et se mettre à l'oeuvre avec la plus grande énergie et résolution.

Nous avons lu l'article 11 des Statuts de 1932, qui prescrit à votre Association d'adhérer à l'Action Catholique. Examinez alors en toute sincérité ce qu'est effectivement votre adhésion.

Chers fils, tout en vous félicitant pour le 8oe anniversaire de votre Association, Nous désirons que vous soyez de plus en plus efficients pour l'avènement du règne de Jésus dans le monde. Comme vous avez travaillé dans le passé, vous devez faire de même dans l'avenir. Soyez encouragés par la pensée d'une humanité qui attend Jésus, parfois même sans en avoir pleinement conscience. De son côté, Il est toujours proche, avec son salut. Ne l'oubliez pas : le passant que l'on rencontre sur le chemin peut être Lui, comme cela arriva aux disciples d'Emmaûs ; le jardinier, qui surprend quelqu'un en pleurs, peut être Lui, comme cela arriva à Marie Madeleine ; l'inconnu sur la rive du lac peut être Lui, comme autrefois sur la mer de Tibériade. Si les portes vous semblent fermées, rappelez-vous qu'il peut entrer d'un moment à l'autre.

Avec ces sentiments et en gage des plus hautes grâces célestes, Nous vous donnons de tout coeur à vous tous ici présents, ainsi qu'à vos familles et à toute votre Association si méritante, la Bénédiction apostolique.



DÉCRET DU SAINT-OFFICE CONDAMNANT LE LIVRE « EHE » de M. ERNST MICHEL

(15 décembre 1952)1


En la session générale de la Suprême Sacrée Congrégation du Saint-Office, les Eminentissimes et Révérendissimes Cardinaux chargés de veiller à la foi et aux moeurs, après avoir pris l'avis des Consulteurs, condamnèrent et donnèrent l'ordre d'inscrire au catalogue des livres prohibés : Ernst Michel, Ehe, une anthropologie de la communauté sexuelle, Editions Ernst Klett à Stuttgart, 1948, 1950.



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LETTRE A L'OCCASION DU Ville CENTENAIRE DES QUATRE LIVRES DES SENTENCES DE PIERRE LOMBARD

(15 décembre 1952) [28]


Son Excellence Monseigneur Gremigni, évêque de Novare, recevait la lettre suivante :

Vous allez célébrer un événement mémorable ; c'est ce que Nous apprend votre obligeante lettre et celle du chef de votre administration municipale : le huitième centenaire environ de l'édition par Pierre Lombard « homme de grande science et admirable entre les docteurs parisiens » [29] des quatre Livres des Sentences. Il est bien une de vos gloires, puisqu'il naquit soit dans votre ville elle-même, soit « dans le territoire de Novare » [30] ; au XIIe siècle, les sciences théologiques par suite des opinions particulières de quelques-uns s'égaraient en des chemins qui pouvaient les conduire en de graves périls : lui, se tournant tout entier vers l'étude sévère des Divines Ecritures — et il brille d'un éclat particulier par ses commentaires des psaumes et des épîtres de l'apôtre Paul — de la doctrine des Saints Pères et de l'Eglise, éclaira d'une lumière nouvelle les vérités divinement révélées ; par un travail assidu et attentif il les fit tenir en une somme, qui reste le monument très utile à tous de son génie. Et il brilla non seulement par l'éclat des sciences sacrées, mais aussi par celui de la vertu chrétienne, à tel point qu'il fut revêtu de la dignité épiscopale et choisi pour diriger l'illustre diocèse de Paris. Il l'emportait en effet — lui qui était honoré de tous — par une modestie particulière et son humilité chrétienne ; aussi, commençant cette oeuvre si importante que constituent les quatre Livres des Sentences, il débuta par ces mots que note Dante Alighieri dans son poème4 : « Désirant avec la femme indigente placer dans le tronc du Seigneur une obole tirée de notre pauvreté et de notre dénuement5, nous avons eu l'audace d'escalader les montagnes, de poursuivre une oeuvre qui est au-dessus de nos forces... La vérité prometteuse nous réjouit, mais l'immensité du travail nous effraie ; le désir du progrès nous encourage, mais le danger de nos insuffisances nous dissuade, et il n'est surmonté que par le zèle de la maison de Dieu » *.

Et il avoue qu'en philosophant sobrement et prudemment, il écrit spécialement contre ceux qu'il appelle « des raisonneurs trop orgueilleux et bavards », qui « ne soumettent pas la volonté à la raison, ne consacrent pas leur étude à la vérité, mais s'efforcent d'accorder à leurs rêves les paroles de la Sagesse, recherchant non ce qui est vrai, mais ce qui plaît... n'écoutant que des fables » 7.

Nous ne nous étonnons donc pas, si cette oeuvre surmonta facilement les obstacles nombreux élevés contre elle dès sa publication par quelques-uns, fut commentée avec grand honneur dans les Universités par presque tous les princes de l'enseignement des sciences sacrées, comme Albert le Grand, comme Bonaventure, comme Thomas d'Aquin. Pierre Lombard a beaucoup contribué, en effet, tant à proposer et expliquer les solides fondements sur lesquels la vérité chrétienne doit s'appuyer, qu'à opposer de fermes barrières au cours des idées des philosophes qui glissent dans la pente des erreurs.

C'est pourquoi, quand maintenant encore, quelques-uns oublient ou mettent en des périls de toutes sortes l'héritage sacré de doctrine chrétienne, de culture et d'humanité reçu de nos ancêtres, il est absolument convenable et suprêmement opportun non seulement de nous rappeler ce glorieux patrimoine, mais aussi de l'honorer publiquement et de le mettre en lumière, pour qu'il soit un modèle pour tous.

Le projet conçu par vous, Nous le louons donc extrêmement ; à tous ceux qui contribueront à son exécution ou participeront aux cérémonies jubilaires, à vous tout spécialement, Vénérable Frère et au chef de la municipalité, en témoignage de Notre paternelle bienveillance et en gage des faveurs célestes, Nous accordons très volontiers dans le Seigneur la Bénédiction apostolique.



1 Par. X, 106-108.
5 Cf. Luc XXI, 2 ; Marc XII, 42-44.
• Prolog. Liv. des Sentences, selon l'édition des « Eaux Claires », près de Florence, dans la Coll. Typ. de S. Bonav.
7 Ibidem.






Pie XII 1952 - ALLOCUTION AUX MEMBRES DU COLLÈGE SAINT-JOSAPHAT