Pie XII 1954 - LETTRE A SON ÉM. LE CARDINAL INNITZER A L'OCCASION DU IIe CONGRÈS INTERNATIONAL DE MUSIQUE SACRÉE


LETTRE AU PROFESSEUR PIERSANTI POUR SES XX ANS DE PRÉSIDENCE DU LYCÉE VISCONTI

(3 octobre 1954) 1


Parce que Nous portons une bienveillance particulière au Lycée Visconti où pendant Notre adolescence Nous avons étudié les belles lettres, Nous avons eu pour agréable la lettre, remarquable par les sentiments exprimés et par la grâce du style, dans laquelle vous demandiez Nos voeux pour votre personne à l'occasion de la célébration du vingtième anniversaire du début de votre Présidence, ainsi que pour tout le collège des professeurs et pour leurs élèves. Et vous Nous avez aussi exposé les nombreuses réalisations pour que se cultivent avec plus d'harmonie dans cette demeure de culture les moyens de porter les âmes à atteindre la cime des vertus.

Nous vous informons que ces nouvelles Nous ont été agréables à apprendre, dignes de louanges et d'une totale approbation. Puisqu'à notre époque les maximes matérialistes, même en cette Ville, vénérable et sainte à tant de titres éminents, s'efforcent de courber les âmes vers les choses terrestres et de corrompre les moeurs, il est juste que là où a pris racine un si grand espoir humain, brille davantage comme une lueur le culte et l'amour de la noblesse spirituelle.

C'est pourquoi Nous vous invitons à parfaire au moyen d'un effort assidu ce que vous avez commencé, et Nous souhaitons aussi ardemment pour vous dans la réalisation de vos projets l'amicale collaboration des autres.

Que tous soient donc résolus et dévoués religieusement à atteindre l'idéal de vie que se proposaient les plus éminents des anciens Romains : être des hommes de bien, totalement attachés à la justice, entièrement adonnés et enchaînés à la grandeur croissante, à la force et à l'honneur de la patrie. Or, ce qui fut le propre de leurs principes et de leur sagesse était : « une force d'âme invincible, instruite de toutes choses, calme dans l'action avec le sens d'une bonne éducation et le souci d'autrui » 2. Qu'a la vertu naturelle des Romains, qu'il faut faire refleurir le plus possible, l'Evangile du Christ ajoute la force de la lumière et de la grâce céleste, moyens divins qui élèvent les hommes au plus haut, comme en témoignent l'expérience de chaque jour et les documents de l'histoire. Par une profonde fidélité à bien cultiver la sainte religion, par l'étude des vérités révélées du ciel, par l'innocence des moeurs, que tous à l'envi recherchent Dieu, qui est, comme l'écrit saint Augustin3, «plus intime que mon intime, plus haut que ce qu'il y a de suprême en moi » ; qu'ils composent leurs âmes selon les vraies proportions et rapports de l'ordre, source de paix intérieure, ordre qui résulte de la soumission de l'âme à la conduite de Dieu et du règne de l'âme sur le corps.

Après ces heureux présages faits dans un sentiment de paternelle affection, Nous souhaitons beaucoup que ce lycée qui Nous est cher ne rende jamais vaine la confiance placée en lui et que, protégé par le soutien de Dieu et de la Vierge, Mère de Dieu, il fleurisse dans toutes les vertus unies entre elles par un indissoluble lien.

Nous confirmons enfin ces voeux par la Bénédiction apostolique, que Nous accordons très affectueusement à vous et à tous les professeurs et étudiants.



D'après le texte latin de l'Osservatore. Romano des 18 et 10 octobre 1954.




ALLOCUTION A LA CONFÉDÉRATION INTERNATIONALE DU LIN ET DU CHANVRE

(4 octobre 1954) 1


Le Pape reçut à Castelgandolfo les membres du Ve Congrès de cette Confédération et il leur dit :

La Ve Session de la Confédération Internationale du Lin et du Chanvre, qui s'ouvre aujourd'hui à Rome, réunit en Notre présence les membres de nombreuses Associations professionnelles appartenant à douze nations européennes et Nous sommes heureux d'accueillir et de saluer ici cette délégation distinguée d'une industrie très ancienne et toujours vivante.

L'évolution générale de la civilisation et les nécessités économiques vous ont incités, Messieurs, à fonder vous aussi une Confédération Internationale, dont vous percevez déjà les avantages, et Nous Nous réjouissons à la fois de ce résultat et du rapprochement provoqué par la mise en commun de vos intérêts : il en résulte une compréhension et une estime réciproques à travers les frontières et ce qui jusqu'ici divisait les peuples, ne fait plus, grâce à Dieu, que les distinguer sans les opposer.

Le choix de Rome comme siège du présent Congrès souligne l'importance que tient en Europe le chanvre italien, réputé depuis des siècles pour sa qualité, patrimoine entretenu et développé par le patient effort de générations de cultivateurs et d'industriels. Mais le temps n'est plus, où les fils pouvaient tranquillement continuer le travail de leurs pères sans s'inquiéter des vicissitudes du marché international. La concurrence d'autrès fibres textiles naturelles ou artificielles, le développement de l'industrie mécanique, la législation interne de chaque pays et celle des autres nations constituent autant de facteurs qui influent de façon considérable sur les intérêts de votre Confédération.

Les difficultés techniques ont retenu d'abord votre attention. Le caractère assez irrégulier des fibres végétales provenant des tiges du lin et surtout du chanvre, rend leur préparation longue et délicate. Jusqu'à ces derniers temps, les machines pour le chanvre étaient encore lourdes et coûteuses, comparées à celles qu'on utilise pour les autres textiles. C'est pourquoi vous vous êtes efforcés de réaliser sans cesse de nouveaux progrès, en rendant ces machines plus rapides, en leur faisant accomplir automatiquement plusieurs manoeuvres qui requéraient précédemment l'intervention de l'ouvrier.

Il faut bien reconnaître en effet que la seule qualité du produit obtenu ne suffit pas à le faire vendre abondamment : son prix modéré doit encore le rendre intéressant pour l'acheteur. Un tel résultat suppose le concours de tous aux différents échelons de la production : si le cultivateur fournit à l'industriel une matière première peu coûteuse, c'est toute la corporation qui en bénéficie ; mais le cultivateur lui-même aura souvent besoin pour améliorer sa production de l'information scientifique du naturaliste et du chimiste ; il lui faudra choisir les espèces les plus adaptées à son terrain, les renouveler pour .éviter qu'elles dégénèrent, tenir compte des besoins de l'industrie et savoir exactement les caractères que l'on attend de son produit ; cela n'est possible que par une étroite collaboration surveillée et dirigée de haut non seulement pour chaque pays, mais aujourd'hui pour chaque continent, en attendant que de nouvelles associations étendent au monde entier le bienfait d'une entente universelle.

S'il y a beaucoup de points communs entre les industries du chanvre et du lin, au point qu'on les unit habituellement dans les dénominations officielles, on Nous permettra toutefois de mentionner le rôle particulier, qu'en de nombreuses circonstances les étoffes délicates en fil de lin ont joué ou jouent encore de nos jours dans la liturgie. L'Ancien Testament, au livre du Lévitique, imposait aux prêtres dans le service du Temple des habits de lin, alors que les Orientaux sont ordinairement vêtus de laine2. Comparé aux autres étoffes de cette époque, ie lin était en effet beaucoup plus fin et susceptible d'acquérir une blancheur remarquable. C'est la raison pour laquelle on le réserva aux usages sacrés. Dans le Nouveau Testament, l'apôtre saint Jean verra les anges de son Apocalypse vêtus de fin lin blanc 3, pur et éclatant. L'Eglise conservera l'antique usage des Hébreux et fera du lin la matière habituelle des vêtements liturgiques, que le prêtre porte sous la chasuble durant la sainte messe. Il est probable que le corps sacré de Notre-Seigneur au saint Sépulcre reposa dans un linceul de lin, et c'est aussi sur un corporal de lin que repose directement l'hostie consacrée durant le Saint Sacrifice. Vous avez voulu, Messieurs, vous souvenir de ces nobles traditions, en faisant hommage au Père commun d'un précieux lot de toiles fines pour le service de l'autel. Il Nous plaît de souligner une fois de plus à cette occasion combien l'Eglise est heureuse d'offrir à Dieu les prémices de l'industrie humaine, tout comme dans l'Ancien Testament elle demandait aux fidèles de venir présenter chaque année les prémices de la moisson. Il est juste en vérité que toute activité de l'homme aboutisse finalement à Dieu et que rien de ce qui est bon, rien de ce qui est beau, ne demeure entièrement profane. Non seulement les formes supérieures de l'activité industrielle et artistique, mais aussi le travail de l'artisan et celui de l'industriel ont leur part à prendre dans le concert de louanges, qui de toute la terre doit s'élever vers le Seigneur : Bénissez le Seigneur ateliers et fabriques, bénissez-Le ouvriers et patrons !

Puisse le Dieu Tout-Puissant vous accorder à tous, ici présents, le bienfait de sa grâce et l'étendre au loin à ceux qui vous sont chers. Puissiez-vous retourner dans vos pays et dans vos foyers, dans vos propriétés et dans vos usines, plus intimement persuadés que la loi du travail imposée à l'homme pour son salut est aussi pour lui le moyen de rendre à son Créateur le témoignage le plus éloquent de sa reconnaissance et de son amour. C'est le voeu que Nous formons du fond du coeur, et en signe duquel Nous vous donnons Notre paternelle Bénédiction apostolique.

ALLOCUTION AU IVe CONGRÈS INTERNATIONAL DE LA CÉRAMIQUE

(5 octobre 1954)1


Ce Congrès terminant ses travaux a été reçu en audience par le Pape.

Au terme des réunions scientifiques et culturelles qui ont marqué votre IVe Congrès International de la Céramique, vous avez désiré, Messieurs, venir jusqu'à Rome pour Nous rendre visite. Nous Nous faisons un plaisir de répondre à votre attente et vous souhaitons de tout coeur la bienvenue.

Il suffit de parcourir le programme des activités de votre Congrès pour en apercevoir la variété et l'intérêt. Non seulement vous avez étudié des questions théoriques et pratiques liées au développement actuel de la céramique, mais vous avez visité, dans le Nord de l'Italie, les centres de production les plus importants. Nous espérons que, de ces visites et des échanges de vue dont elles furent l'occasion, vous avez retiré d'utiles indications. Vous pourrez ainsi promouvoir, dans vos pays respectifs, le perfectionnement des entreprises, auxquelles vous collaborez, et les mettre à même de répondre plus adéquatement aux besoins de l'économie actuelle.

L'art de façonner et de cuire la terre plastique pour en faire des briques, des tuiles, des récipients de toutes formes et des pièces d'ornementation est l'un de ceux que l'homme exerce depuis les temps les plus reculés. Il est merveilleux de voir, dans les civilisations anciennes, quelle diversité d'emploi l'homme a su trouver pour ces produits d'une technique qui, suivant la matière utilisée et les ressources de l'artisan, peut être extrêmement simple, mais aussi d'un raffinement extraordinaire. Car,



Lev., 12, 47 ss. Apoc, 15, 6.



tandis qu'en modelant l'argile, l'homme obtient à peu de frais les ustensiles les plus indispensables à son existence, il éprouve aussi le désir de leur conférer plus de solidité, plus de finesse, d'en varier la forme et l'ornementation, de leur imprimer un caractère propre, qui reflète l'originalité de l'artisan. Il choisit donc la matière avec plus de soin, pour l'avantage de sa couleur, de sa plasticité ou d'une meilleure cuisson. Il la purifie de toute substance étrangère, et la pétrit à plusieurs reprises. Après l'avoir façonnée à l'aide du tour, cet instrument indispensable du potier, et dont la représentation apparaît déjà sur les monuments de l'Ancien Empire égyptien, on doit encore lui faire subir l'opération la plus délicate, celle de la cuisson. L'on devine quelles difficultés elle offrait, puisqu'il fallait obtenir, par des moyens assez rudimentaires, une chaleur uniforme, bien réglée et sans fumée. Les échecs sans doute étaient fréquents, mais on possède encore assez de merveilleux exemplaires pour admirer sans réserve les réussites des céramistes de l'âge classique.

Le progrès des procédés de fabrication allait de pair avec celui d'un autre élément important de la céramique, sa décoration. Dès les origines, divers artifices furent mis en oeuvre pour conférer quelque lustre aux teintes de la pâte et en agrémenter la surface de dessins. Ceux-ci furent d'abord de simples lignes géométriques, puis des entrelacs plus ou moins compliqués. Mais le problème de la décoration ne trouva de solution vraie que par l'invention du vernis et des émaux. Grâce au vernis noir des Grecs, à l'éclat somptueux des émaux chinois, le décorateur put donner libre cours à son inspiration : scènes de la vie quotidienne, récits d'imagination, croyances religieuses, c'est toute l'existence humaine qui s'exprime sur les poteries artistiques, toute la sensibilité et l'âme profonde des peuples qui s'y reflète, s'y fixe pour ainsi dire et, avec elles, traverse les siècles d'une manière beaucoup plus sûre que par bien d'autres voies. La céramique livre ainsi à l'historien une collection de documents clairs, précis et d'une valeur inestimable.

A présent la science vient apporter largement sa contribution à l'industrie de la céramique, qu'il s'agisse de régler la température des fours, d'analyser leur atmosphère, d'étudier la composition et les propriétés des pâtes et des oxydes métalliques. Les modernes instruments de recherche, le microscope électronique par exemple, fournissent ici des renseignements nouveaux et combien précieux.

Mais pour Nous être arrêté sur l'emploi de la terre cuite dans la céramique fine, Nous n'oublions pas l'importance qu'elle garde toujours dans la fabrication des matériaux de construction. Les problèmes de la préparation de l'argile et de sa cuisson sont résolus en fonction des propriétés particulières que l'on vise : solidité, aptitude à résister aux sollicitations mécaniques ou aux attaques des agents atmosphériques. Bien que subissant la concurrence d'autres produits, ce type de matériel, que l'on s'efforce d'adapter toujours mieux aux divers modes d'utilisation, reste encore d'un usage universel. Aux matériaux réfractaires, qui répondent surtout aux nécessités industrielles, on demande de résister à des températures très élevées, de posséder un faible coefficient de dilatation et de supporter sans défaillance l'action mécanique ou chimique des substances avec lesquelles ils entrent en contact. Nous pensons tout spécialement aux services qu'ils rendent comme revêtement des hauts-fourneaux.

Quelle évolution parcourue depuis les temps lointains, où l'homme, pour construire sa demeure, employait des briques d'argile séchée ! Le spectacle du potier qui prend en main un peu de terre plastique, la dépose sur le tour et, en quelques instants, par le jeu de ses doigts, en tire un vase aux formes élégantes, n'est plus familier aux hommes d'aujourd'hui. Mais pour les peuples de l'antiquité qui le contemplaient si souvent, cette docilité totale de la matière dans les mains de l'ouvrier, la dextérité et le coup d'oeil de celui-ci, offraient une éloquente comparaison et un symbole suggestif du souverain domaine de Dieu sur son oeuvre. Plusieurs fois les textes sacrés de la Bible expriment de la sorte la soumission de l'homme à l'égard de son auteur ; il est comme une poignée d'argile dans la main du potier : image saisissante de la fragilité de la nature humaine et de sa dépendance absolue envers son Créateur. Mais tandis que le vase inerte est livré à autrui et abandonné de celui qui l'a fait, l'homme n'échappe pas un instant à la puissance créatrice. Jamais Dieu ne lui laisse courir seul les hasards de l'existence. Bien loin aussi de le traiter comme le ferait un maître insensible, il se plaît à l'entourer d'une inlassable Providence et à lui témoigner en outre la splendeur d'une affection toute paternelle.

Nous souhaitons, Messieurs, que les communications scientifiques et les visites, auxquelles votre Congrès a donné lieu, contribuent non seulement à l'avancement de l'industrie céramique, mais vous aident à apprécier plus exactement la signification culturelle d'une activité à ce point inséparable de l'histoire de l'humanité. Puissiez-vous en tirer de hautes leçons spirituelles et de puissants stimulants pour l'accomplissement de votre tâche quotidienne.

En appelant sur vous, vos familles et vos collaborateurs les faveurs de la divine Bonté, de tout coeur Nous vous en donnons pour gage Notre Bénédiction apostolique.








DÉCRET DE LA SACRÉE PÉNITENCERIE CONCERNANT LES INDULGENCES ATTACHÉES A LA RÉCITATION DU CHAPELET

(11 octobre 1954)1


Dans l'audience accordée le 11 octobre 1954 au Cardinal Grand Pénitencier, Sa Sainteté le Pape Pie XII, désirant répondre aux voeux de plusieurs évêques, « pour que resplendisse dans les foyers une foi toujours intacte » 2, a daigné ajouter d'autres indulgences à celles déjà accordées pour la récitation du rosaire en famille. Celles-ci étaient jusqu'à présent : une indulgence partielle de dix ans une fois le jour et une indulgence plénière deux fois par mois pour tous les fidèles récitant en famille tout le rosaire S'y ajoute désormais pour les fidèles qui tous les soirs de la semaine réciteront en famille le seul chapelet, une indulgence plénière à gagner :

— chaque samedi ;

— deux jours quelconques de la semaine outre le samedi ;

— à toutes les fêtes de la Sainte Vierge inscrites au calendrier de l'Eglise universelle 4 ;

à condition de s'être confessé et d'avoir participé au Repas eucharistique. Nonobstant toutes dispositions contraires.


PRIÈRE DES ÉCLAIREURS A MARIE

(11 octobre 1954) 1

Reine du Monde, force et soutien de la milice chrétienne, Marie, cette jeunesse en fleurs que tu vois aujourd'hui à tes pieds, pleine d'ardeur pour les combats de la vie, te salue comme son soutien et son guide.

Sous ta puissante protection nous nous engageons à ne pas manquer d'honneur envers les hommes et envers Dieu.

Haut est le but auquel les éclaireurs aspirent, mais hélas ! des forces hostiles travaillent en nous et autour de nous.

Difficile est la lutte pour nous maintenir purs et forts. Pour cela, nous t'offrons, Mère, notre coeur, afin que tu l'encourages et le soutiennes avec la grâce du Christ.

Soutenus par Toi, ô Marie, élevés sous ta maternelle protection dans les sentiments de l'honneur et de la responsabilité, nous serons chacun dans notre groupement, rayon, patrouille, un levain salutaire, un miroir de pureté, de piété sincère, de fidélité au devoir, d'estime au travail, de fraternelle charité par un don de soi prompt, humble et désintéressé.

Exauce, ô Mère, l'ardente prière qu'aujourd'hui de tous côtés de l'Italie, la grande famille des éclaireurs catholiques élève à ton Trône. Qu'elle soit par ton intercession une légion pacifique d'âmes vouées à Jésus-Christ et aux intérêts de son règne, une vaillante armée de coeurs sans peur et sans reproche.

Qu'ici-bas leur salaire soit de lutter par l'exemple en vue d'une jeunesse pure et forte, jalouse de sa Foi qui a fait si grande la Patrie. Que leur ambition soit de servir Dieu, l'Eglise, leurs frères. Qu'une foi inébranlable dans ton divin Fils, une ferme espérance de le glorifier un jour avec toi dans l'Eternité bienheureuse, soit leur réconfort dans la peine et le sacrifice. Ainsi soit-il.

D'après le texte italien de Discorsi e Radiomessaggi, t. XVI, p. 499.


RADIOMESSAGE AU CONGRÈS MARIAL DE MONTEVIDEO

(12 octobre 1954) 1


Aux catholiques d'Uruguay, réunis en ce jour, le Saint-Père envoya le message suivant :

Vénérables Frères et chers fils, en cette belle ville de Montevideo, vous clôturez votre premier Congrès mariai archidiocé-sain, organisé pour célébrer plus dignement et avec le plus de fruit cette Année Mariale universelle, qui s'approche de sa fin, au milieu d'imposantes manifestations de piété et d'amour à la Mère de Dieu.

C'est la première fois que grâce aux ondes, Nous sommes de nouveau présent avec Notre voix au milieu de vous, depuis ce matin inoubliable d'automne — il y aura bientôt quatre lustres de cela — où, au retour des grandioses journées eucharistiques de Buenos-Aires, Nous eûmes l'immense plaisir de vivre avec vous quelques heures, aussi brèves que précieuses. Nous regardons autour de Nous, et il Nous semble encore admirer votre magnifique cité mollement étagée sur la gracieuse péninsule et descendant jusqu'à cet imposant estuaire marin. Sous son ciel d'un bleu intense, avec ses spacieuses et élégantes avenues bondées d'une population enthousiaste qui applaudit et acclame, la « très fidèle et captivante ville de Montevideo » Nous paraît si proche que Nous pourrions difficilement l'écarter de Notre souvenir !

Mais pour qui sont les applaudissements de cette foule ? Qui acclame-t-elle, à qui adresse-t-elle ses chants et ses larmes en ce moment ?... Nous voyons s'avancer, au-dessus de toutes les têtes, aimable et souriante, distribuant les consolations et les grâces, la « Vierge de la Fondation », celle qui, probablement, a présidé à la naissance, aux premières heures et aux moments les plus importants de son existence aventureuse et agitée, celle qui vient de visiter toutes vos paroisses, toutes vos églises, tous vos foyers ; celle qui a entendu vos promesses de toujours l'honorer par le chapelet en famille ; et avec quelle consolation avons-Nous appris qu'il n'y avait pas eu assez de ses images pour orner les façades de vos maisons, tellement affluaient les demandes. En agissant ainsi, vous vous proclamez les vrais fils de ce grand Artigas, toujours si dévot envers la Vierge du Carmel et qui trouvait une si grande consolation en récitant le chapelet pendant ses dernières années de vieillesse et de retraite forcée. Vous vous montrez les frères authentiques de ces grands seigneurs qui, le 14 juin 1825, inclinaient leurs drapeaux devant la Vierge du Pintado ou Vierge des Trente-Trois, comme s'ils voulaient la reconnaître comme capitaine de leurs futures entreprises. En agissant ainsi, il vous semblera réaliser son glorieux testament : Honorem habebis matri tuée omnibus diebus, honore ta mère tous les jours de ta vie 2.

Très chers fils, tournez vos yeux et vos coeurs vers cette Mère de miséricorde, de vie, de douceur et notre espérance ; tournez-les principalement vers ce mystère de son Immaculée Conception, de la proclamation dogmatique de qui Nous commémorons le centenaire, et vous sentirez se raffermir en votre âme les vérités fondamentales de notre sainte foi. Cette foi se traduira par l'intensité de votre vie chrétienne, depuis votre vie familiale la plus intime jusqu'à vos engagements les plus secrets dans les secteurs professionnels et sociaux. Cette foi dont les fruits les plus désirés doivent être la sainteté de la vie conjugale, l'augmentation des vocations sacerdotales, la pureté des moeurs et l'instauration d'une authentique justice chrétienne et sociale, dans laquelle vous vous sentiez tous réellement frères.

Votre nation se fait une gloire de ses institutions politiques : aussi dans toute la sage organisation publique, il doit toujours y avoir une place de préférence pour le sincère esprit religieux, car mieux que n'importe quel autre, c'est lui qui doit enseigner au citoyen quels sont ses devoirs fondamentaux ; c'est lui qui doit lui inspirer cette unique et sincère fraternité qui ne résulte que de la filiation divine commune.

Votre pays est une terre riche et prospère, aux champs fertiles, arrosés par d'innombrables cours d'eau qui apportent partout non seulement la fertilité mais aussi l'enchantement et la poésie ; tout ce progrès matériel se trouverait lui aussi miné jusque dans sa base et représenterait même un péril, s'il n'était accompagné, parallèlement et harmonieusement, d'un progrès spirituel, qui éloigne les dangers de la cupidité, de la mollesse et de la destruction totale qu'apporte avec lui le règne absolu du matérialisme.

Vous êtes enfin un peuple fier de son histoire ; or, dans cette histoire, où les lettres ont fleuri à l'ombre des armes, on ne peut oublier les noms du curé Silverio Antonio Martinez qui lança le premier cri d'indépendance ; de Damaso Antonio Larranaga, au savoir encyclopédique ; et, en notre époque, du grand catholique Juan Zorilla San Martin, dont les chants ont su exprimer par les plus doux accents votre âme nationale. Et il Nous plaît de rappeler que les premières origines de votre littérature doivent sans doute être recherchées dans les fragments dispersés qui, provenant des lointaines « Réductions » jésuites de l'intérieur, descendaient avec les radeaux et les canots le long de l'Uruguay.

La très Sainte Vierge aime profondément votre patrie, très chers fils, comme l'aima aussi singulièrement Notre insigne prédécesseur, qui eut la gloire de proclamer son Immaculée Conception. Si vous avez commencé la grande retraite préparatoire du Congrès dans la paroisse de la Médaille miraculeuse, cela a été pour rappeler que ce jour même du 18 juillet 1830, où était prêté le serment de votre Constitution, elle apparaissait avec bienveillance à sa fille de prédilection sainte Catherine Labouré.

Et aujourd'hui, comme couronnement de toutes ces solennités, vous désirez vous consacrer pour toujours, à son Coeur Immaculé — le plus doux canal de toutes les bénédictions — pour répondre à un si grand amour maternel et pour proclamer à haute voix votre foi. Le monde traverse une heure sombre et les nuages tardent à s'éclaircir ; au contraire, même, de-ci, de-là, se font entendre les clameurs avec lesquelles les ennemis de Dieu célèbrent une nouvelle victoire, tandis que les bons semblent fortement désorientés, faute peut-être de l'union nécessaire. C'est précisément pour cela que Notre espérance est de plus en plus ferme et qu'est de plus en plus fervente Notre prière à la Reine des cieux, comme si Nous n'attendions tout salut que de sa main à Elle, qui n'a jamais cessé d'être l'Auxilium Christianorum. C'est précisément pour cela que Notre coeur de Père est joyeux et se réjouit à contempler des spectacles comme celui que vous offrez en ce moment.

Que la bénédiction du ciel dont veut être un gage Notre bénédiction descende sur vous : sur Notre très digne Frère, Pasteur zélé de vos âmes, avec tous Nos autres Frères dans l'Epis-copat qui l'accompagnent ; sur les prêtres, les religieux et religieuses, ainsi que sur les autorités présentes ; sur ceux qui sont réunis là et sur tout le cher peuple uruguayen, spécialement sur cet archidiocèse de Montevideo ; et sur tous ceux qui au moyen de la radio écoutent Notre voix, qui veut être, comme toujours, messagère de grâce, d'amour et de paix.




CONGRES MARIAL D'ESPAGNE



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RADIOMESSAGE

AU CONGRÈS MARIAL D'ESPAGNE

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(12 octobre 1954)1


A Saragosse avait lieu ce jour le Congrès mariai d'Espagne ; c'est pourquoi Pie XII y envoya le radiomessage suivant :

A vous, Vénérables Frères et chers fils, qui couronnez votre Congrès Mariai National, en vous consacrant avec votre patrie au Coeur Immaculé de Marie.

Qui pourrait Nous permettre d'être en ce moment, comme Nous le sommes déjà par Notre voix, présent parmi vous avec Nos yeux et Nos oreilles, pour écouter, sonnant à la volée les cloches de toute l'Espagne, pour entendre les salves d'honneur, les bravos et les acclamations, les soupirs et les prières qui s'élèvent vers le ciel ; pour voir tout un peuple accourir en foule devant les autels de sa Mère et Souveraine et lui offrir son coeur et sa vie ? « Heureux vos yeux parce qu'ils voient, et vos oreilles parce qu'elles entendent2. »

Car l'Espagne a toujours été, par antonomase, la « terre de la Sainte Vierge » et il n'est point de moment de son histoire ni de lambeau de son sol qui ne soient marqués de son nom si doux. La cathédrale historique, la simple église ou l'humble ermitage lui sont dédiés ; et si Nous voulions seulement évoquer, comme ils Nous viennent à l'esprit, certains des principaux titres qui, comme des pierres précieuses sur un riche manteau, sont l'ornement du territoire espagnol : Covadonga, Begona et Montserrat, la Pena de France, la Fuencisla et Monsalud, la Almidena, le Sagrario et los Desamparados, Guadalupe, los Reyes et los Angustias, il Nous semblerait parcourir la topographie

« MattÍ XII,te«e eSPagn01 AA-S- XXXXVI' 19S<- P- 68°nationale ou fixer les pierres milliaires de l'histoire d'Espagne. C'étaient des pinceaux espagnols que ceux de Juan de Juanes, de Zurbaran, d'El Greco et de Murillo : aussi rivalisèrent-ils entre eux pour donner d'Elle la plus belle représentation. Ils étaient espagnols les ciseaux et les gouges de Grégoire Hernandez, Alonso Cano, Martinez Montanes et Salcillo ; et de ce fait ils ne purent manquer de se consacrer tout spécialement au service de leur Mère Bien-aimée. Et si c'est un Roi Saint qui chevauche pour la conquête de Séville, il le fait avec Notre-Dame sur son arçon ; et si ce sont des proues castillanes qui, précisément en un jour comme celui-ci, violèrent le secret des terres américaines, sur l'une d'elles sera nécessairement inscrit le nom de « Santa Maria » ; ce nom que, par la suite, le missionnaire et le conquistador laisseront sur la cime inaccessible, au centre de la plaine illimitée, ou au coeur de la forêt impénétrable, pour qu'il soit là aussi une source de grâce et de bénédiction.

Cependant, parmi tous ces titres, Vénérables Frères et chers fils, aucun ne vous est peut-être aussi cher ni n'est aussi enraciné dans votre être même que celui de Notre-Dame du Pilar, que vous avez sous les yeux en ce moment.

Et toi — ô Saragosse —, n'es-tu pas déjà illustre par ta position privilégiée, par ton ciel si pur ou par ta riante plaine fertile, loci amcenitate, deliciis prsestantior civitatibus Hispanise cunctis, comme l'appelle le grand Isidore de Séville ; ne l'es-tu pas par tes magnifiques édifices, qui vont avec élégance et sans détonner des beautés mozarabes aux splendeurs plateresques ; ne l'es-tu pas pour avoir entendu le pas cadencé des légions romaines ou pour le souffle indomptable qui te soutint « toujours héroïque » dans tes vaillantes défenses ? Tu l'es par ta tradition chrétienne, par tes évêques, Félix fidei cultor ac defen-sor civitatis, comme l'écrit saint Cyprien 3, saint Valerio et saint Braulio ; par sainte Engracia et les innombrables martyrs, auxquels nous pouvons ajouter le saint enfant, embelli aussi par la pourpre de son sang, Domininguito del Val. Tu l'es surtout par cette colonne, contre laquelle, au cours des siècles, se brisèrent, ainsi que sur un roc insensible aux colères de la mer, les vagues des hérésies.

Pendant la période gothique, les nouvelles persécutions de la domination arabe et l'impiété des temps nouveaux, tu étais la



De Haeret. Bapt., Epist. 67, n<> VI ; Migne, P. t., t. III, col. 1066.

base inébranlable, le mur infranchissable et l'ornement sans pareil, non seulement d'une grande nation, mais aussi de toute une glorieuse race ! « Maintenant, je choisis et je sanctifie cette maison, pour que mon nom y réside à jamais...4 » ; et toute la Nation espagnole, représentée devant la Chapelle angélique avec ses drapeaux en fête semble répondre : « Et nous te promettons de demeurer ici à monter la garde, pour veiller en tout honneur, pour t'être toujours fidèle et te servir sans conditions. »

Mais aujourd'hui, Vénérables Frères et chers fils, si vous êtes venus ici, si vous vous êtes rassemblés dans tous les centres mariaux de la nation, c'est dans une intention bien déterminée : en évoquant cette inoubliable journée au Cerro de los Angeles, en 1919, où l'Espagne se consacra au Sacré-Coeur de Jésus, vous avez voulu aujourd'hui, vous consacrer au saint Coeur de Marie, avec la confiance qu'en cette heure difficile pour l'humanité, Dieu voudra sauver le monde par l'intermédiaire de ce Coeur Immaculé.

Sans aucun doute, très chers fils, il mérite bien cette manifestation de votre piété le Coeur très pur de la Vierge, siège de cet amour, de cette douleur, de cette compassion et de tous ces sublimes sentiments qui eurent une si grande part dans votre rédemption, principalement quand Elle veillait debout à côté de la Croix 5 ; il le mérite bien ce Coeur symbole de toute une vie intérieure, dont la perfection morale, dont les qualités et les perfections échappent à toute imagination humaine ! Et il est bien juste également que ce soit vous-mêmes qui fassiez cela, car, même s'il n'y avait point d'autres motifs, c'est ici la patrie de saint Antoine-Marie Claret, apôtre inlassable de cette dévotion, que Nous avons Nous-même élevé aux honneurs suprêmes des autels.

Mais Nous croyons qu'aujourd'hui plus que jamais cela est nécessaire parce que, précisément, l'horizon est chargé de nuages ; parce qu'on dirait, à certains moments, que les ténèbres obscurcissent de plus en plus le ciel ; parce que l'audace des ministres de l'enfer semble s'accroître sans cesse. Pour cela précisément, Nous croyons que toute l'humanité doit courir à ce port de salut que Nous lui avons désigné comme principal but de cette Année Mariale. Elle doit se réfugier dans cette forteresse, elle doit mettre sa confiance en ce Coeur si doux qui, pour nous sauver, ne demande que prière et pénitence, qui demande seulement qu'on lui réponde.

Promettez-lui, très chers fils de toute l'Espagne, promettez-lui de vivre une vie de piété sans cesse plus intense, plus profonde, plus sincère ; promettez-lui de veiller sur la pureté de vos moeurs, qui furent toujours l'honneur de votre peuple ; promettez-lui de ne jamais ouvrir votre porte à des idées et à des principes, dont vous savez bien, par triste expérience, où ils conduisent ; promettez-lui de ne pas permettre que se désagrège la solidité de votre bastion familial, fondement vrai de toute la société ; promettez-lui de réprimer le désir de jouissances sans frein, l'avidité des biens de ce monde, poison capable de détruire l'organisme le plus robuste et le mieux constitué ; promettez-lui d'aimer vos frères, tous vos frères, mais principalement l'humble et le nécessiteux, si souvent offensé par l'étalage du luxe et du plaisir ! Et alors Elle continuera toujours à être votre protectrice spéciale.

Donc, devant votre trône, ô très Sainte Vierge du Pilar — dirons-Nous en paraphrasant les paroles que Nous avons prononcées Nous-même en une occasion des plus solennelles6, comme Père commun de la famille chrétienne, comme Vicaire de Celui à qui fut donné tout pouvoir dans le ciel et sur la terre — à Vous, à Votre Coeur Immaculé, Nous confions, Nous remettons et Nous consacrons non seulement toute cette immense foule ici présente, mais aussi toute la nation espagnole pour que votre amour et votre protection accélèrent l'heure du triomphe dans le monde entier du Royaume de Dieu et pour que toutes les générations humaines, en paix entre elles, et avec Dieu, Vous proclament bienheureuse, en entonnant avec Vous, d'une extrémité à l'autre de la terre, l'éternel Magnificat de gloire, d'amour et de gratitude au Coeur de Jésus, unique refuge où peuvent se trouver la Vérité, la Vie et la Paix.

Que la bénédiction du ciel, dont Notre Bénédiction entend être le gage, descende sur vous tous : sur Notre très digne cardinal légat, sur le Chef de l'Etat, sur tous Nos Frères dans l'épiscopat ici présents ; sur toutes les autorités, sur le clergé, les religieux et les fidèles qui Nous écoutent en ce moment, et sur toute la nation espagnole, à laquelle Nous souhaitons continuellement toutes sortes de biens et de prospérités 1.























Pie XII 1954 - LETTRE A SON ÉM. LE CARDINAL INNITZER A L'OCCASION DU IIe CONGRÈS INTERNATIONAL DE MUSIQUE SACRÉE