Pie XII 1956 - PRIÈRE A LA VIERGE MARIE (17 janvier 1956)

PRIÈRE A LA VIERGE MARIE (17 janvier 1956)


1 1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 98.


La Sacrée Pénitencerie fait savoir, le 17 janvier 1956, que le Souverain Pontife accorde une indulgence de 500 jours aux fidèles qui réciteront, au moins d'un coeur contrit, la prière suivante, qu'il a composée lui-même :

O Vierge, belle comme la lune, délices du ciel, toi dont le visage est objet de contemplation pour les bienheureux et un vrai miroir pour les anges, fais que nous, tes petits enfants, nous puissions te ressembler et recevoir dans nos âmes un rayon de ta beauté qui ne connaît pas le crépuscule des ans, parce qu'elle resplendit dans l'éternité.

O Marie, soleil du ciel, réveille la vie partout où il y a la mort, et redonne la clarté aux âmes dans la nuit. Prenant pour miroir le visage de tes fils, fais-nous grâce d'un reflet de ta lumière et de ta ferveur.

O Marie, forte comme une armée, donne la victoire aux chrétiens qui se battent. Nous sommes si faibles et notre ennemi s'enhardit avec tant d'orgueil. Mais sous ta bannière, nous sommes sûrs de le vaincre ; il connaît la force écrasante de ton pied, il craint la majesté de ton regard. Sauve-nous, ô Marie, belle comme la lune, éclatante comme le soleil, forte comme une armée prête au combat, et qui est soutenue non par la haine, mais par la vive flamme de l'amour. Ainsi soit-il.



LETTRE POUR LE HUITIÈME CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT PIERRE NOLASQUE (19 janvier 1956)


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Puisque le Christ Notre-Seigneur a enseigné que la charité était comme le fondement sur lequel reposait toute la Loi, comme la note par laquelle les adeptes de la Sagesse chrétienne se distinguaient des autres, il n'est pas étonnant que cette vertu sublime habite surtout dans l'âme de ceux qui tentent de parvenir au faîte de la perfection évangélique. Parmi eux, saint Pierre Nolasque se distingua tout particulièrement, ce célèbre serviteur de la miséricorde divine, et en quelque sorte l'ancêtre de votre Ordre, dont, sept siècles après sa mort, vous allez, par de dignes solennités, célébrer la mémoire.



Le Saint-Père rappelle le dévouement héroïque de saint Pierre Nolasque pour les chrétiens captifs des Sarrasins et sa sollicitude pour le salut de leurs âmes.

Alors que Nous songeons à toutes les oeuvres magnifiques qu'il accomplit pour la gloire de Dieu et le salut du prochain, cette dure calamité qui, pendant tant de siècles, a douloureusement affligé l'Eglise, Nous revient à l'esprit : cette honteuse servitude dans laquelle les chrétiens tombés au pouvoir des Sarrasins par suite de guerre, ou emmenés de force, étaient contraints à une vie indigne de la condition humaine. Si, envers ces hommes opprimés par ce triste sort, on en vit beaucoup comme Nolasque brûler d'une charité intense, personne ne lutta avec autant de courage pour leur porter secours.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXVI1I, 1956, p. 80 ; traduction française de VOsservatore Komano, du 2 mars 1956.




Ce qui touchait par-dessus tout sa sollicitude, c'était le très grave péril pour le salut éternel dans lequel se trouvait la malheureuse foule des captifs. Un grand nombre en effet, — lui-même l'avait appris par expérience — n'avaient espoir d'apporter quelque adoucissement au fardeau et à la honte de leur vie d'esclaves qu'en l'abjuration de leur foi chrétienne. Bouleversé à la pensée de tant de maux et de difficultés, ce très saint personnage ne s'épargna aucune souffrance, ne se laissa effrayer par aucune peine ni aucun danger pour venir au secours de ses frères captifs ; d'ailleurs le nombre de ceux qui, enlisés dans la fange de l'esclavage, furent rendus à la liberté et à la dignité de fils de Dieu par son infatigable activité est presque incroyable.

Bien plus, les membres de la famille religieuse, héritière de sa charité étaient tenus par cette loi difficile à se constituer eux-mêmes captifs, s'il en était besoin, à la place des chrétiens prisonniers de la tyrannie, afin de les racheter.

Vous avez donc bien raison, cher fils, de mettre devant les yeux de tous, les exemples de cette éminente sainteté, par vos solennités ; et Nous pensons que ce ne sera pas seulement un honneur pour votre Ordre, mais que ce sera aussi un bien salutaire pour les âmes. Vous surtout, qui avez embrassé sa forme de vie religieuse, méditez de si hautes vertus, pénétrez-en l'exemple. Bien que cette funeste honte de l'esclavage soit maintenant presque complètement abolie dans toutes les nations, notre époque n'a pas moins besoin cependant de cette ardeur de charité, par laquelle Nolasque s'est tellement distingué, que tant d'hommes sont encore opprimés sous le joug d'une servitude plus honteuse ; Nous voulons parler de la servitude du péché qui est la plus grande de toutes, et qu'il nous faut travailler à abolir dans toute la mesure de nos forces. En vérité, personne ne doit en cette matière, rester indifférent ou en repos, alors que c'est une obligation pour nous de voir l'extrême danger où, de par l'abaissement du niveau des moeurs se trouvent les âmes et le grand nombre d'hommes rachetés par Jésus-Christ, plongés qu'ils sont dans la fange des vices.

Que s'éveille donc en vous, chaque jour davantage, que s'éveille en tous, à l'exemple de saint Pierre Nolasque, un zèle agissant pour le salut d'autrui ; et que ce soit, — Nous le désirons vivement — le fruit le meilleur et le plus salutaire de vos solennités.

En gage de quoi, Nous vous donnons, cher fils, à vous, et à tous les membres de votre Ordre, de tout coeur, dans le Seigneur, la Bénédiction apostolique.




ALLOCUTION AU PRÉSIDENT ÉLU DES ÉTATS-UNIS DU BRÉSIL

(19 janvier 1956)1






Le jeudi 19 janvier, le Souverain Pontife a reçu en audience solennelle Son Excellence Juscelino Kubitschek de Oliveira, président élu des Etats-Unis du Brésil.

A cette occasion, il prononça le bref discours que voici :

Votre visite, Monsieur le Président, si elle honore grandement votre esprit de foi, Nous console vivement Nous-même, parce qu'elle nous donne une assurance de plus d'une période de bonne entente et d'amicale collaboration entre l'Eglise et l'Etat, pour le bien et la prospérité du Brésil.

Appelée à élire le Chef de l'Etat pour un nouveau mandat présidentiel, la nation, par la voie du vote, a reconnu et consacré les grands mérites de votre Excellence, l'énergie entreprenante et les hautes qualités administratives dont elle fit preuve pendant tant d'années dans l'Etat de Minas, et dans sa capitale, « coeur du Brésil ». En même temps, votre peuple a manifesté le désir de voir ces mêmes qualités resplendir sur un champ plus vaste, à la tête du gouvernement de tout le pays.

Les desseins de votre Excellence sont bien connus : faire tout ce qui est possible pour le développement économique et industriel du Brésil ; mettre en valeur le trésor des immenses richesses naturelles qu'y a si largement répandues la main prodigue du Créateur.

1 D'après le texte portugais des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 93.




Nous connaissons également, à côté des efforts accomplis dans le passé, les résolutions actuelles d'apporter un soin encore plus grand à élever, sur le plan économique et social, le niveau de vie des classes les plus humbles et les plus déshéritées, afin que tous puissent mener une existence plus empreinte de noblesse et de vraie liberté, comme citoyens de la même patrie, comme frères de la même famille, de la grande patrie brésilienne, de la grande famille des fils de Dieu.

Et Nous, connaissant les sentiments de votre Excellence, Nous sommes certain que, en plus du relèvement économique et matériel, elle s'appliquera particulièrement à élever le niveau spirituel, qui seul donne à la patrie son vrai visage et sa dignité. C'est bien la charité chrétienne qui reste l'âme et la vie d'un pays ; c'est elle qui permet, en prévenant ou en supprimant les antagonismes et les luttes de classes, que se resserrent les liens de compréhension mutuelle et de concorde entre les citoyens et, partant, entre tous les Etats.

En suivant un tel programme, et en plaçant sa confiance dans la Providence du Tout-Puissant, sans le secours de laquelle il n'est pas de construction solide, ni de cité bien gardée malgré la vigilance de ses défenseurs, votre Excellence peut envisager l'avenir avec sérénité, suivant cette sentence d'or, du plus grand de vos orateurs : « Plaire à Dieu et Le servir, et là-dessus, courage et confiance. »

Les incertitudes de l'heure présente sont graves, la propagande délétère est partout intense et acharnée ; le Brésil lui-même ne doit pas se croire à ce point en sûreté, qu'il n'ait besoin de se protéger et d'être sur ses gardes.

Pourtant, Nous avons confiance dans la bonté toute-puissante du Christ-Rédempteur, et dans le secours de la Vierge Immaculée, patronne du Brésil. Ils assisteront toujours votre Excellence et ses dignes collaborateurs, afin que le temps de son gouvernement soit une période d'ordre et de progrès, de prospérité matérielle et spirituelle, nationale et internationale pour le peuple et la nation brésilienne.


DISCOURS AU PREMIER CONGRÈS ITALIEN DE LA PETITE INDUSTRIE

(20 janvier 1.956) 1






Le vendredi 20 janvier, le Saint-Père a reçu en audience spéciale, dans la salle des Bénédictions, plus de trois mille participants au premier congrès italien de la petite industrie, dont les séances s'étaient déroulées à Rome les jours précédents, et a adressé à Y assistance le discours suivant :

Pour la première fois, chers fils, vous tenez un congrès national et vous avez voulu saisir cette occasion pour Nous offrir votre filial hommage. Nous saluons avec une satisfaction particulière votre nombreux groupe, qui représente ici les soixante-dix mille titulaires de petites entreprises industrielles. Sans aucun doute, ce premier congrès, qui vous a réunis dans l'Urbs, répondait à une profonde attente, à votre désir de vous rencontrer en une large et fraternelle assemblée avec tous ceux qui partagent des soucis sociaux et économiques analogues, qui connaissent les mêmes difficultés et espèrent également trouver des solutions solides et durables. Nous sommes certain que votre attente n'a pas été déçue et que vous retournerez chez vous plus confiants dans l'avenir, plus éclairés sur les décisions à prendre et plus sûrs de la collaboration et de l'appui efficace de tous ceux qui ont la charge de protéger, défendre et promouvoir vos intérêts légitimes.

1 D'après le texte italien de Discorsi e radiomessaggi, 17, traduction française de l'Osservatore Romano, du 3 février 1036.




Parmi les motifs qui justifiaient la convocation de votre congrès, vous avez mis en premier lieu la « revendication de la fonction irremplaçable du chef d'entreprise privée », qui manifeste de façon éminente l'esprit de libre entreprise, auquel on doit les progrès notables, effectués surtout ces cinquante dernières années, spécialement dans le domaine de l'industrie. Ce thème répond bien, non seulement à une exigence de la condition présente, mais aussi à l'enseignement de l'Eglise, qui réalise ainsi dans les applications sociales une doctrine plus élevée et fondamentale, celle de la vocation transcendante de la personne humaine et de sa responsabilité personnelle devant Dieu et la société humaine.

Les mots « entreprise privée » pourraient être compris de façon erronée, comme si celle-ci et, particulièrement, la petite industrie étaient abandonnées, dans leur organisation et dans leur activité, à la discrétion du patron uniquement soucieux du jeu de ses intérêts personnels. Mais vous avez explicitement affirmé vos intentions, en faisant ressortir que la protection de l'entreprise privée et de la petite industrie doit être conçue en relation avec la collectivité nationale, envers laquelle elles ont des droits et des devoirs. Le sentiment le plus net qui émane d'une réunion comme la vôtre est celui du potentiel économique considérable que représentent ces soixante-dix mille entreprises industrielles. Que l'on pense à la somme des services rendus à la communauté nationale par tant d'activités diverses, qu'il s'agisse de la construction, de l'habillement, de l'alimentation, de la mécanique ou de l'électricité ; dans tous les domaines, il faut mettre au service du public une main-d'oeuvre spécialisée, compétente, capable de répondre avec habileté à tant de besoins variés.

Ces caractères de qualification technique et d'adaptation aux demandes du consommateur impriment leurs exigences dans l'organisation et dans la marche de vos entreprises. Nous voudrions souligner ici la nécessité, pour les dirigeants, de posséder les qualités de véritable chef et, pour les subordonnés, la volonté d'une collaboration confiante et sincère avec la direction. Si dans les grandes fabriques les fonctions du patron sont réparties entre divers secteurs et sont exercées au moyen de nombreux employés et secrétaires spéciaux, elles tendent au contraire, dans les petites entreprises, à être accomplies par lui d'autant plus directement que le nombre des travailleurs est plus restreint. Les difficultés techniques, économiques et sociales finissent presque toujours par retomber sur la même personne, qui doit répondre de tout et s'occuper de l'ensemble comme des détails, des questions purement pratiques comme des problèmes humains. Cela suppose, avec les qualités intellectuelles les plus variées, un caractère fort et souple et, surtout, un sens moral ouvert et généreux. On attend aussi spécialement du chef d'entreprise un intense désir de vrai progrès social. Chez beaucoup, certes, la bonne volonté ne fait pas défaut, mais il faut parfois constater qu'un attachement exagéré aux avantages économiques trouble plus ou moins largement la prise de conscience du déséquilibre et de l'injustice de certaines conditions de vie. Votre sens chrétien vous aidera certainement à surmonter cet obstacle et à exercer votre autorité d'une manière conforme à l'idéal de l'Evangile.

Une condition indispensable pour l'heureux succès des petites entreprises est de pouvoir compter sur la fidèle collaboration de leur personnel. Disons tout de suite que le facteur décisif de celle-ci sera le patron lui-même, car c'est de lui que dépend, en premier lieu, l'esprit qui anime ses employés. Si l'on note chez lui le souci de placer l'intérêt de tous au-dessus de l'avantage individuel, il lui sera bien plus facile d'entretenir cette disposition des subordonnés. Ceux-ci comprendront sans peine que le chef, auquel ils se soumettent, n'entend pas réaliser des gains injustes à leurs frais, ni profiter au maximum de leur travail, mais que, au contraire, en leur fournissant des moyens pour leur entretien et celui de leurs familles, il leur donne également la possibilité de perfectionner leurs capacités, de faire une oeuvre utile et bienfaisante, de contribuer autant qu'il leur est permis au service de la société et à son élévation économique et morale. Alors, au lieu d'un sentiment déprimant de désillusion, au lieu d'attitudes de revendication, s'établira une atmosphère d'entrain, de spontanéité, de contribution volontaire à l'amélioration d'une communauté de travail, devenue intéressante, compréhensive, constructive. Quand une fabrique, un atelier a créé un tel esprit, le travail reprend toute sa signification, toute sa noblesse ; il devient plus humain, il se rapproche davantage de Dieu.

Nous vous souhaitons, chers fils, de travailler avec ardeur et persévérance, en mettant en oeuvre toutes vos facultés d'esprit et de coeur pour développer vos entreprises dans les voies providentielles, où elles trouveront la prospérité temporelle, en même temps qu'elles aideront leurs membres à accomplir leur destin d'hommes et de fils de Dieu.




LETTRE AUX ÉVÊQUES DE RITE BYZANTIN POUR LE MILLÉNAIRE DE SAINTE OLGA

(20 janvier 1.936) 1






A l'occasion du millénaire de la conversion de la princesse Olga, le Souverain Pontife a adressé aux évêques de rite byzantin une lettre en latin dont nous donnons la traduction suivante :

Nous avons appris combien vous désiriez voir tous les sujets confiés à vos soins de pasteurs célébrer dignement et d'un commun accord le millième anniversaire du jour où la très noble princesse Olga, l'âme entièrement libérée des vaines superstitions païennes, fut éclairée de la lumière du Christ et purifiée dans les eaux du baptême. Vous avez eu vraiment, en cela, une initiative excellente et Nous ne doutons pas qu'elle porte des fruits. Cet heureux événement marque, en effet, l'origine de l'histoire chrétienne de ce peuple illustre ; celui-ci compte, dans les annales de l'Eglise, tant de hauts faits ; il a bien souvent rayonné de l'éclat de la sainteté. De très graves difficultés de tous ordres entravèrent l'actif dévouement apostolique qui embrasait l'âme de sainte Olga, la gênèrent et l'empêchèrent de mener à bonne fin le projet qu'elle avait formé avec tant d'espérance. D'une part, en effet, il n'était pas facile, en raison des chemins très souvent coupés, de se procurer des missionnaires qui fussent prêts à faire face aux difficultés, à parcourir des régions aussi éloignées les unes des autres et, fortifiés par la grâce divine, à amener, par leur travail, un peuple immense à se soumettre aux préceptes de la doctrine du Christ ; d'autre part, il n'était pas facile d'arracher cette nation, forte et généreuse, mais si peu civilisée encore, aux institutions et aux coutumes de ses ancêtres, ni de la convaincre d'embrasser une religion nouvelle.

Mais la noble et sainte femme, s'appuyant plutôt sur le secours divin que sur l'aide des hommes, s'efforçait d'obtenir par ses prières instantes et suppliantes, ce que ni la persuasion ni l'exhortation n'étaient capables d'obtenir. Son petit-fils, saint Wladimir le Grand, poussé par le même amour de Jésus-Christ et la même sainteté que son aïeule, n'épargna aucune fatigue, aucune dépense, pour purifier par la lumière de l'Evangile le peuple qui lui était confié ; pour faire honorer dans son royaume la croix du divin Rédempteur, et pour permettre à tous, dans la mesure de leurs forces, de se conformer à sa doctrine.

Le prince Wladimir, ainsi que Nous l'avons écrit dans l'encyclique Orientales omnes 2, avait emprunté à l'Eglise orientale ses rites liturgiques et ses fonctions sacrées ; conscient de son devoir, non seulement il resta dans l'unité de l'Eglise catholique, mais il eut grand soin d'entretenir entre le Siège apostolique et sa nation des relations de mutuelle amitié.

Que les très saints princes Olga et Wladimir soient un exemple pour vous et les vôtres, surtout cette année, où vous fêtez le dixième centenaire de l'entrée de votre nation dans le sein de l'Eglise catholique. La célébration d'un anniversaire comme celui-ci fera revivre très nettement, aux yeux de ceux qui sont confiés à vos soins, cette terre bien-aimée, ses villes célèbres, ses places-fortes, ses citadelles, ses villages d'où eux-mêmes ou leurs pères sont originaires ; une fois de plus, tous se rendront compte, à l'évidence, que ce n'est pas seulement la patrie terrestre « qui doit nous être plus chère que nous-mêmes » 3, mais avant tout la patrie céleste où nous demeurerons éternellement ; ils auront présents à l'esprit ces édifices sacrés et ces temples, aujourd'hui, hélas, peut-être profanés, dans lesquels autrefois nombre d'entre eux ont fait monter vers Dieu de très douces prières et ont reçu de lui en retour des consolations célestes plus appréciables que toutes les autres. Qu'ils se souviennent des gloires, des vertus chrétiennes de leurs ancêtres ; qu'ils se rappellent aussi que leurs évêques et leurs prêtres, pardonnant aux ennemis de l'Eglise selon l'esprit du Christ, ont été dépouillés de leur charge et de leur autorité, et que condamnés à mort, ou emprisonnés, ils ont finalement été envoyés en exil.



A. A. S., 38, 1946, p. 35.

Cicerón, De finibus bonorum et malorum, 3, 10.




Mais si, dans votre pays, le présent est sombre et l'avenir incertain et chargé d'angoisse, que vos esprits ne soient pas abattus ; unissez-vous, au contraire, à tous les fils que vous avez dans le Christ ; aidés par la puissance de Celui dont l'éternelle lumière éclaire les intelligences des hommes et dont la grâce toute-puissante met en mouvement les volontés libres, efforcez-vous, par la prière, de faire prévaloir, en tous les hommes, les sentiments de justice, d'équité et de charité, pour qu'enfin le Dieu très miséricordieux ait pitié de son peuple et qu'il ne livre pas son héritage à l'opprobre (Jl 2,17). Que tous ceux qui dans cette nation gardent la foi catholique soient « pour Dieu la bonne odeur du Christ. . . parmi ceux qui sont sauvés et parmi ceux qui se perdent » (2Co 2,15) ; que tous soient « soucieux de conserver l'unité de l'esprit par le lien de la paix. Il n'y a qu'un seul corps et un seul esprit, comme aussi vous avez été appelés par votre vocation à une même espérance » (Ep 4,3-4). Que ceux qui ont été confiés à votre zèle pastoral ne se contentent donc pas de s'efforcer à rester fermes et inébranlables dans leur foi, mais qu'ils aient aussi à coeur de ramener ceux qu'ils pourront à l'unique troupeau de l'Eglise catholique que le bienheureux Pierre, chef des Apôtres, et ses successeurs ont été chargés par le Christ Seigneur lui-même de paître (Jn 21,15-17). Pour cela, il ne leur suffira pas de prier Dieu et de le supplier, mais ils devront encore donner l'exemple de la charité, de la pénitence et de toutes les vertus.

Nous pensons, vénérables Frères, qu'au temps de sainte Olga et de saint Wladimir, le Dieu très sage, dans un dessein secret de son esprit, a confié une mission à ce noble pays : celle d'appeler les peuples orientaux à la foi chrétienne et à l'unité de l'Eglise. Une telle mission vous incombe encore aujourd'hui, bien que, dans les circonstances actuelles, elle semble entravée injustement par des difficultés de toutes sortes. Les voix étouffées de ceux dont les chaînes, les mauvais traitements, les souffrances annoncent et proclament si fortement et si noblement, dans ce pays et dans d'autres, le Christ crucifié, montent directement vers Dieu : elles implorent pour l'Eglise la liberté, et pour leurs bourreaux, le pardon. Ayez donc confiance ; Dieu ne vous abandonnera pas ; s'il se fait attendre parfois, c'est pour éprouver la foi, la fermeté, la constance de ses sujets : l'or est de plus en plus brillant à mesure que le feu le débarrasse et le purifie de ses scories. Dieu est bon, clément et juste ;

Il voit vos larmes et entend vos prières suppliantes. Nous vous disons donc : confiance ! Nous qui, comme Nos prédécesseurs, avons toujours témoigné aux communautés orientales une affectueuse bienveillance, Nous unissons nos ardentes prières aux vôtres, et, en union avec vous Nous les faisons monter instantes vers le trône de Dieu, afin que tout ce peuple très cher revienne au plus tôt, Dieu aidant, à l'unité catholique ; car, dans ce pays, beaucoup d'âmes se sont malheureusement éloignées du bercail de l'unique troupeau, bien plus en raison des circonstances que par mauvaise volonté. Aussi, Nous qui sommes le successeur du prince des Apôtres et le Vicaire de Jésus-Christ « ne tenant compte d'aucune considération humaine, mais poussé par la charité divine et le zèle pour le salut de tous » 4, Nous leur ouvrons à tous les bras et Nous les attendons impatiemment avec un grand amour.

De cet heureux retour, non dans une demeure étrangère, mais dans la maison commune du Père, le souvenir, vivant parmi vous, du serviteur de Dieu, André Szeptycki, archevêque de Lwow, sera le gage et l'invitation : il supporta autant de fatigues que de souffrances pour ramener à l'unique bercail ses frères dissidents, et comme Nous l'avons déjà écrit : « il ne désirait rien plus ardemment, pour témoigner de sa profonde vénération envers le Siège apostolique et en vue du bien de son peuple pour le salut duquel, depuis longtemps déjà il dépensait ses forces et son activité, que de supporter même le martyre, avec l'aide de la grâce divine, s'il en était besoin » 5.

* Léon XIII, Lettre apostolique Proeclara gratulationis, 20 juin 1894 ; A. L., t. XIV, p. 201.

5 Encyclique Orientales omnes, A. A. S., 38, 1946, p. 57.




Tous ces intercesseurs que vous avez auprès de Dieu, tous ces patrons célestes de votre nation, priez-les ardemment pour que prennent fin tous ces maux si graves qui Nous atteignent cruellement tout autant que vous, et pour que des jours meilleurs et plus heureux se lèvent pour l'Eglise catholique et ce peuple très cher. Fort de cet espoir, et confiant absolument en Dieu, à vous tous, vénérables Frères, au troupeau confié à chacun de vous, à tous ceux qui, dans ce pays, conservent fermement dans leur âme, l'unité de la foi catholique, ou qui tendent vers elle en gémissant, Nous accordons, avec une affectueuse charité dans le Seigneur, comme gage des consolations célestes et des dons éternels, et comme témoignage de l'amour de Notre coeur, la Bénédiction apostolique.




RADIOMESSAGE TRANSMIS PAR LA RADIODIFFUSION ESPAGNOLE A L'OCCASION D'EXERCICES SPIRITUELS

(21 janvier 1956)1






Le 21 janvier, prenait fin un cours de huit jours d'exercices spirituels, prêché en Espagne au moyen de la radio, par des Pères de la Compagnie de Jésus. A cette occasion, le Souverain Pontife adressa aux retraitants un radiomessage en espagnol, dont voici la traduction :

Très chers fils — espagnols de toutes conditions et spécialement habitants des campagnes — qui, grâce à une initiative providentielle, achevez de faire les saints exercices pour mieux participer au quatrième centenaire de leur grand auteur, saint Ignace de Loyola.

Ce n'est certes pas la première fois que Nous prononçons quelques paroles pour clore une série d'exercices. Cependant, il est évident que des occasions comme celle-ci Nous ont été rarement offertes, c'est-à-dire toute une nation, à peu près au complet qui, à genoux, les âmes purifiées, les plus hauts sentiments bien vifs dans le coeur, les résolutions toutes récentes, fermes dans la volonté et les yeux illuminés par une sorte de foi renouvelée, Nous demande une bénédiction qui soit une lumière et une force sur le meilleur chemin que tous désirent prendre.

Oui, très chers fils, en louant avant tout votre filiale réponse aux désirs que Nous avons exprimés dans la lettre par laquelle Nous avons été heureux d'ouvrir cette année centenaire (31 juil-



* D'après le texte espagnol de Discorsi e radiomessaggi, 17, traduction française de rOssertJafore Romano, du 3 février 1956.

let 1955), Nous vous bénissons avec toute l'effusion de notre affection paternelle, d'autant plus profonde et sincère que votre cas Nous paraît plus particulier.

En effet, on ne pourrait guère faire une utilisation plus intelligente d'un organe de diffusion aussi puissant que la radio. Les exercices spirituels, ce grand moyen de purification, rénovation et sanctification, pourraient sembler, en raison même des conditions qu'ils réclament2, à peu près impossibles, surtout pour vous, les bons et patients laboureurs, à qui ils s'adressaient spécialement dans le cas présent. Comment abandonner si longtemps vos labours ; comment vous rendre aux localités où ils ont généralement lieu ; comment obtenir aussi autant de directeurs qu'il serait nécessaire pour atteindre au moins vos principaux villages, vos bourgs les plus centraux ? Et voici que les ondes, pour lesquelles il n'y a rien d'impénétrable, résolvent tout ; et vous, après avoir terminé votre labeur, rangé vos outils dans un coin et rentré vos troupeaux, vous vous êtes réunis, à l'église ou là où cela a été possible, pour écouter la parole qui vous rappelait les vérités éternelles, qui vous proposait l'exemple de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui vous incitait à être sans cesse meilleurs, en conformant votre vie à ce que Dieu réclame de chacun.

Et Nous sommes bien sûr que vous l'aurez fait, parce que Nous connaissons et admirons les solides vertus de ceux qui, en contact direct avec la terre, sous l'inclémence du gel et du soleil, dans l'austérité nécessaire de celui qui sait bien ce que vaut un morceau de pain parce qu'il lui a coûté auparavant sa sueur, conservent généralement mieux certaines qualités qui leur permettent de pénétrer plus profondément les vérités des exercices, d'en tirer plus rigoureusement les conséquences finales et de les appliquer avec une plus grande force dans leur propre vie. N'est-il pas vrai, très chers fils, que vous avez parfaitement compris la dépendance fondamentale qu'il y a entre Dieu, d'une part, et, de l'autre, « l'homme... et les autres choses sur la surface de la terre » 3, noyau essentiel du « Principe et Fondement » ; vous qui savez ce que c'est que de vivre à la merci du ciel et les yeux fixés sur les futures récoltes ? N'est-il pas certain que vous avez désiré cette pureté d'âme, fruit de la



Exercices spirituels. Annotations, n. 1-20. Ibid., n. 23.




première semaine *, vous qui avez l'habitude de lire dans la limpidité des horizons le beau temps pour vos labours ? Qui mieux que vos esprits nobles et droits pourra entendre cet « Appel du Roi temporel » 5, qui stimule votre loyauté et votre noblesse pour vous lancer vers les plus hautes conquêtes de l'esprit ? Qui sera plus sensible que vos coeurs pour éprouver cette « douleur avec le Christ douloureux » 6, qui doit vous encourager à souffrir la mortification que la vie chrétienne exige nécessairement ? Qui sera mieux préparé pour naturellement « se réjouir, et jouir... de tant de gloire et joie » dans la certitude qu'elle sera aussi, un jour, la récompense de vos peines ? Et, enfin, s'il y a des yeux capables de voir tout le bien que l'amour infini de Dieu a répandu dans toute la créations, lorsqu'il est présent et se reflète en eux, ce seront les yeux de ceux qui, loin de certaines fumées et de certaines brumes, dans la paix infinie de la montagne, dans la majesté des champs sans fin, dans les joyeuses aurores comme dans les mélancoliques couchants, sentent leur Dieu si présent qu'ils se mettent à genoux pour le saluer, tandis que la douce brise leur apporte de l'humble clocher du village le doux tintement de l'angélus.

Bravo, très chers fils ! Le meilleur fruit des exercices doit toujours être la réforme de la vie ; la meilleure réforme de la vie consistera toujours à se tenir à l'écart du mal et à pratiquer le bien (Ps 36,27), ce à quoi vous incite continuellement le Saint-Esprit ; le plus grand bien que vous puissiez faire aura comme base la stricte observation de vos devoirs religieux et moraux les plus élémentaires, et il tendra toujours vers ce but suprême qui consiste à « chercher et trouver la volonté divine dans la disposition de (notre) vie »

Nous avons appris avec une grande satisfaction que non moins de 18.000 paroisses rurales, plus ou moins de tout le territoire national, ont pris part à ces exercices ; Nous savons également que tous les très chers participants Nous écoutent en ce moment et attendent Notre Bénédiction.



Ibid., n. 63.

Ibid., n. gi.

Ibid., n. 203.

Ibid., n. 235.

Ibid., n. 235.

Ibid., n. 1

A tous donc, à ceux qui Nous écoutent dans quelque riante vallée du versant pyrénéen, comme à ceux qui Nous entendent dans les étendues infimes des hauts plateaux, ou à ceux qui suivent Nos paroles depuis le beau littoral méditerranéen, les verts jardins du levant ou les plaines fertiles d'Andalousie ou d'Estramadure, à tous va Notre plus large Bénédiction, que Nous désirons étendre à tous ceux qui ont consacré leurs efforts à la préparation et à la réalisation d'une organisation si complète, aux postes d'émission qui ont si généreusement et aimablement prêté leur collaboration indispensable et à toute la très chère Espagne, que Nous plaçons avec confiance, une fois de plus, sous le puissant patronage de son grand fils, Ignace de Loyola, afin que de son coeur ardent il l'embrase de ce feu divin dont il désira tant voir toute la terre se consumer.




Pie XII 1956 - PRIÈRE A LA VIERGE MARIE (17 janvier 1956)