Pie XII 1956 - RADIOMESSAGE TRANSMIS PAR LA RADIODIFFUSION ESPAGNOLE A L'OCCASION D'EXERCICES SPIRITUELS


DISCOURS A LA SECTION FÉMININE DU COMITÉ INTERNATIONAL POUR L'UNITÉ ET L'UNIVERSALITÉ DE LA CULTURE

(26 janvier 1956) 1






Le jeudi 26 janvier, le Souverain Pontife a reçu en audience les membres de la section féminine du Comité international pour l'unité et l'universalité de la culture. Il leur adressa, en français, ce discours :

Il Nous est agréable d'accueillir le groupe d'élite que constitue la section féminine du Comité international pour l'unité et l'universalité de la culture. C'est une initiative fort louable que de vouloir associer à vos devoirs de représentation l'étude des problèmes de la culture, de la morale, de la jeunesse, de l'éducation, que votre position et vos relations vous permettent d'aborder sous des points de vue variés et du plus grand intérêt. L'organisation de réunions régulières d'information et de discussion sur ces questions, que l'évolution accélérée de la civilisation contemporaine renouvelle sans cesse, vous mettra à même d'enrichir votre expérience personnelle, d'y faire participer autrui et d'exercer ainsi une influence plus marquée dans les milieux avec lesquels vous entrez en rapports.

Nul doute que le désir d'affirmer et de défendre les valeurs spirituelles, de développer et d'approfondir la connaissance et la compréhension réciproque des différentes nations, ne vous amène à découvrir des ressources insoupçonnées, mais aussi des souffrances et des misères, près desquelles vous risquiez de passer sans leur accorder toute l'attention qu'elles méritent. De là naîtront, Nous en sommes sûr, de fructueuses activités au service du monde féminin, un apostolat discret, mais très efficace pour préparer un monde plus fraternel et plus humain. Aussi voulons-Nous encourager les débuts de votre Comité. Nous le sentons plein de générosité et de vues élevées, convaincu des devoirs de charité, que vous impose la situation privilégiée qui est la vôtre dans la société nationale et internationale. Qu'il Nous soit permis d'évoquer ici les paroles mêmes du divin Maître : « On n'allume pas un flambeau pour le mettre sous le boisseau, mais sur le chandelier, afin qu'il éclaire tous ceux qui sont dans la maison » (Matth. V, 15). Tout moyen naturel de rayonnement social crée une obligation morale : vous en avez pris conscience et vous avez raison de faire face à vos responsabilités.

C'est un signe consolant, en cet âge de triomphe pour la science, qui étend au-delà de toute limite prévisible la puissance de l'activité humaine, que de voir se former des groupes d'étude comme le vôtre, orientés non vers une expansion des conquêtes techniques, mais vers un approfondissement intérieur, une recherche nullement utilitaire, mais désintéressée et bienfaisante. Et sans doute convenait-il spécialement à un comité féminin de se tourner résolument dans cette direction. La vocation naturelle de la femme, épouse et mère, gardienne du foyer et de son intimité, l'invite à réfléchir sur tout ce qui concerne la destinée des personnes, leur vie profonde, leurs aspirations fondamentales, qui restent sous-jacentes à toute attitude concrète, à toute décision pratique, et commandent leurs comportements. C'est en ce domaine que la femme agit avec le plus d'efficacité et de bonheur, et c'est par là d'abord qu'elle doit tenter d'influencer de manière durable le développement d'une personne, d'une famille, et de tout un milieu culturel.



Dangers de la civilisation matérialiste.

Or on assiste maintenant au drame d'une civilisation qui, non contente de vouloir s'emparer du contrôle absolu des forces de la nature, transpose cette ambition au monde humain, dans lequel elle pénètre tantôt insidieusement et sans bruit, tantôt par la violence : elle prétend enfermer l'homme lui-même dans un déterminisme sans faille, anéantir toute vraie liberté, enserrer les intelligences et les coeurs dans une servitude impitoyable. S'il est indispensable pour conjurer le péril de mettre en alerte toutes les forces vives de la société, qui peut se ren-




UNITE ET UNIVERSALITE DE LA CULTURE



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dre compte mieux que vous des ravages déjà causés dans les âmes et apporter les remèdes les plus appropriés à la nature même du mal, c'est-à-dire un renouveau d'énergies morales et spirituelles ?

Mais il est essentiel à cette fin, que vous n'ayez point vous-mêmes perdu le contact avec les sources de vérité et de force, que vous ayez préservé votre âme de toute insensibilité, de tout durcissement ou aveuglement, fruit de l'égoïsme individuel ou collectif. Le souci d'information large, qui vous inspire, exige aussi que vous opériez, en présence des faits rencontrés, un discernement nécessaire du bien et du mal. Où trouverez-vous la règle, qui vous permettra de juger avec sécurité, de redresser les idées fausses, d'apporter les correctifs indispensables et de donner les vraies solutions aux problèmes infiniment délicats qui touchent au rôle de la femme, à l'éducation, à ses fonctions de mère et d'éducatrice, à l'action qu'elle exerce au foyer et dans son milieu ? Nous croyons que seul un Maître divin, un Esprit vivant et générateur de vie, de lumière et de ferveur, peut être votre guide. Mais II ne se manifeste qu'à ceux, dont l'esprit reste ouvert dans l'humble attente, la docilité empressée, la promptitude à répondre à ses inspirations.

Et comment ne pas évoquer ici la douce image de la Vierge Marie ? Si elle mérita de donner au monde le Sauveur, n'est-ce pas parce qu'elle fut toujours, depuis le premier instant de son existence, — et en particulier à l'heure de son consentement explicite aux desseins de Dieu sur elle, — remplie de l'Esprit-Saint, accueillant sans hésiter les intentions divines à son égard et y répondant sans réserve ? Que la Mère de Dieu daigne vous attirer et vous diriger par son exemple ! Qu'elle guide vos efforts si nobles pour restaurer, chez les hommes d'aujourd'hui, la pleine intégrité morale et religieuse, le sens des vraies valeurs et la volonté de les respecter et de les promouvoir.

Nous appelons sur votre programme, sur les animatrices de votre comité, sur vos personnes, vos familles et tous ceux et celles qui vous sont chers, une large effusion de la grâce divine, en gage de laquelle Nous vous accordons paternellement et de grand coeur Notre Bénédiction apostolique.


MESSAGE AUX PARISIENS ET ROMAINS A L'OCCASION DU JUMELAGE DE PARIS ET DE ROME

(29 janvier 1956) 1






Le 29 janvier, ont eu lieu les cérémonies du « jumelage » des villes de Paris et de Rome à Notre-Dame de Paris. Après la messe, Son Em. le cardinal Feltin, qui présidait la cérémonie, en présence de Son Exc. Mgr Marella, nonce apostolique et de Son Exc. Mgr Brot, auxiliaire de Paris, a lu le message suivant, adressé à cette occasion par Sa Sainteté Pie XII :

Nous apprenons avec une paternelle satisfaction le nouveau lien d'amitié qui se noue aujourd'hui entre les illustres cités de Rome et de Paris, et Nous Nous plaisons, en cette heureuse circonstance, à évoquer les siècles d'histoire qui virent si souvent les deux métropoles unies dans un même effort pour promouvoir la civilisation chrétienne.

Nous formons le voeu que cet acte symbolique d'une fraternité plus étroite entre des villes illustrées l'une et l'autre par de si grands noms, favorise dans l'avenir des échanges culturels et artistiques dignes de leur noble passé, qu'il développe de fructueux contacts entre deux peuples héritiers d'une même tradition et qui portent à l'heure actuelle une commune responsabilité dans la défense de leur patrimoine et au service de la paix entre les hommes.

Invoquant sur cette initiative et les nobles intentions qui y président une large effusion de grâces, Nous accordons de grand coeur aux personnalités et à tous les fidèles réunis pour cette occasion à Notre-Dame de Paris, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


DISCOURS A L/ASSOCIATION DES SINISTRÉS ET VICTIMES DE GUERRE

(ier février 1956) 1






Au cours de l'audience générale du mercredi 1er février, le Saint-Père adressa aux membres du quatrième congrès italien de l'Association des sinistrés et victimes de guerre une allocution dont nous publions la traduction ci-dessous :

Avec une satisfaction renouvelée, Nous voyons réunis aujourd'hui dans la Maison du Père les membres du Comité directeur national de l'Association des sinistrés et victimes de guerre, qui vinrent ici, il y a deux ans, pour Nous exprimer leur dévotion et entendre de Nous les paroles d'encouragement et de réconfort.

Soyez donc encore une fois les bienvenus, chers fils, qui ne cessez d'accomplir avec constance et confiance votre mission pour une cause de charité si chrétienne. En effet, votre zèle ne s'est pas endormi pendant ce long laps de temps ; et votre quatrième congrès, qui vous a réunis à Rome pour faire une nouvelle pression sur la « diligente compréhension humaine », est une preuve de votre activité et vous désigne à la gratitude de vos assistés, voire de toute la nation, qui a à coeur que l'on s'occupe convenablement des milliers d'infortunés de tout genre, victimes de la guerre.

1 D'après le texte italien de Discorsi e radiomessaggi, 17, traduction française de VOsservatore Romano, du 10 février 1956.




Leurs conditions individuelles, familiales, sociales, créent des difficultés et des peines, faciles à imaginer, chez ceux qui, à cause des événements, ont vu le cours pacifique de leur vie, et de celle des êtres qui leur sont chers, troublé et peut-être détruit, contraints comme ils le sont aux plus pénibles adaptations et, sans cesse, à de nouveaux sacrifices et renoncements.

Conscients d'un état de chose si regrettable et si fréquent, vous demeurez zélés et vigilants au poste de travail où vous ont conduits le devoir, le coeur et la Providence ; et de toutes vos forces, vous vous appliquez à abréger les délais, à éclairer les responsables, à donner à tous et à chacun la contribution de votre assistance et de toutes vos énergies.

La tâche que vous accomplissez, chers fils, dans une intention pure et orientée vers Dieu, n'est autre que l'exercice même de cette fraternité chrétienne, par laquelle Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu que les siens ne fussent qu'une seule famille, voire un seul corps uni et solide, une seule unité, liée dans l'amour, et où les intérêts des uns fussent les intérêts des autres, les besoins des uns eussent un écho effectif dans le coeur des autres, les larmes comme les joies des uns fussent les larmes et les joies des autres.

L'activité à laquelle vous vous livrez dans la question de plus en plus urgente des indemnisations des dommages de guerre fait partie de cet esprit d'amour qui exclut chez le chrétien toute forme d'égoïsme et l'incite à donner aux autres le secours qu'il aimerait recevoir lui-même, et encore plus à s'identifier avec les maux d'autrui. C'est avec cette haute et si noble conscience que l'Apôtre, soucieux de tous les frères qu'il avait évangélisés, de leurs besoins spirituels et corporels, affirmait avec émotion : Quis infirmatur, et ego non infirmor ? « Qui est malade, sans que je le sois moi aussi ? » (Il Cor. XI, 29). Il avait senti, il vivait, comme devrait vivre tout chrétien, le grand enseignement que nous donna le divin Maître dans la fameuse parabole du bon Samaritain, qui sacrifia ses aises pour porter secours au frère dépouillé et abandonné demi-mort (Lc 10,30 et s.).

Vous devez apporter votre aide, quel que puisse être le résultat de votre bonne action ; de quelque façon que la récompensent les hommes et même — ce qui n'est pas rare — si elle devait être bientôt oubliée.

Mais votre oeuvre, chers fils — bien qu'elle soit longue et difficile — vous fait dès à présent sentir la joie d'un événement, qui ramènera dans tant de foyers la sécurité de la vie, chez tant de vos frères la tranquillité dans le travail et l'empressement à observer les devoirs de leur état.

Nous vous remercions de l'occasion que vous Nous offrez de renouveler le souhait que toutes les victimes de guerre puis-



sent voir le plus tôt possible satisfaits leurs justes espoirs et leurs légitimes désirs.

Avec ce voeu, Nous prions le Seigneur d'assister vos entreprises, de permettre aux responsables de remplir de la meilleure manière les devoirs qui leur incombent, et de prodiguer à tous — assistants et assistés — l'abondance de ses grâces.

Que vous tous, chers fils, et tous les sinistrés de la guerre, voient un présage des faveurs divines et un gage de Notre bienveillance paternelle, dans la Bénédiction apostolique que Nous donnons de tout coeur à eux, ainsi qu'à vos personnes, à vos familles et à tout ce que vous avez de plus cher dans la vie.


LETTRE AUX ERMITES DE SAINT-AUGUSTIN

(2 février 1956)1






A l'occasion du septième centenaire de la lettre apostolique par laquelle le pape Alexandre IV établit l'étroite union des religieux ermites de Saint-Augustin, Sa Sainteté Pie XII a adressé au prieur général de l'Ordre, une lettre en latin dont voici la traduction :

Avec une sollicitude empressée de dévotion filiale, qu'il Nous est très agréable de reconnaître, vous avez voulu Nous faire savoir que vous vous préparez, avec vos confrères religieux, à célébrer le septième centenaire de l'année où Notre prédécesseur Alexandre IV, par la lettre apostolique Licet Ecclesise, établit l'étroite union des religieux ermites de Saint-Augustin.

Il convient certainement de rappeler, avec une juste gratitude envers Dieu et avec une pieuse joie, un tel événement qui a apporté à votre institut religieux et à l'Eglise universelle une si large moisson de fruits salutaires.

En effet, ce pontife romain si vigilant disposa, par une très sage décision, que des hommes qui, en groupes épars et isolés et de diverses façons, vénéraient saint Augustin comme maître de leur vie solitaire consacrée à la contemplation, formassent une phalange compacte et unique, laquelle, unie au Siège de Pierre par un respect et un amour profond, cultivât les vertus évangéliques et se livrât aux oeuvres apostoliques selon les très saints préceptes du docteur d'Hippone. Dieu fut bénignement propice à ce nouvel Ordre de Cénobites, qui est à bon droit l'héritier de la famille religieuse fondée par saint Augustin lui-même, car il se développa et s'accrut heureusement et, plus d'une fois, se montra l'émule des antiques splendeurs, en assurant une illustre et sainte succession.


ERMITES DE SAINT-AUGUSTIN



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Etant donné la bienveillance que Nous éprouvons pour vous, Nous désirons ardemment que, pour accroître la gloire de Jésus-Christ, qui aime et donne l'unité, votre Compagnie religieuse se fortifie de plus en plus sur de solides bases et s'abandonne jamais languissamment aux gestes généreux de la charité avisée. C'est précisément à cela que votre Père et législateur exhorte ses chers fils : « La charité . . . forme la compagnie, la compagnie comporte l'unité, l'unité conserve la charité, la charité parvient à la gloire. » 2

Inspirés par son esprit et par son influence, employez-vous à démontrer, avec une diligence prête à n'importe quelle lutte, même difficile, votre amour envers l'Eglise, en venant au secours du monde bouleversé, qui, assombri et menacé par les ténèbres et les rivalités, a besoin de la si riche et si douce éloquence de cet amour.

Il vous est donc facile de comprendre que cela a été pour Nous une heureuse chose d'apprendre qu'il est dans vos intentions de réunir ceux qui étudient saint Augustin pour une semaine dans le but d'approfondir davantage sa doctrine spirituelle. Que l'aide de la grâce céleste conduise à un résultat prospère et heureux tous ces desseins dignes d'éloge.

Nous le souhaitons de tout coeur, en même temps que Nous donnons, avec affection, à vous, cher fils, et à vos confrères religieux ainsi qu'à tous ceux qui participeront à ces réunions, la Bénédiction apostolique.



























S. Augustin, In Ps. XXX, Enarr. II, Serai. II, I.


DISCOURS SUR LES RELATIONS HUMAINES DANS L'INDUSTRIE

(4 février 1956) 1






Le samedi 4 février, le Saint-Père a reçu en audience les membres de la Conférence internationale sur les relations humaines dans l'industrie, organisée par l'Agence européenne de productivité de l'Organisation européenne de coopération économique. Le Pape leur adressa, en français, le discours suivant :

En répondant à votre désir d'être reçus en audience, Nous sommes heureux d'accueillir en vous, Messieurs, les représentants des entreprises et des syndicats, qui viennent d'étudier ensemble, avec le concours de nombreux spécialistes, les relations humaines dans l'industrie. Le sujet est à l'ordre du jour, et Nous sommes le premier à Nous en réjouir, dans la mesure où il représente un progrès vers l'union des deux grandes forces qui collaborent à la production, les employeurs et les employés.



Complexité des relations humaines.

Votre but était d'étudier, dans un climat de compréhension mutuelle, les facteurs qui peuvent contribuer à l'amélioration des relations humaines dans l'industrie et d'examiner l'apport de la recherche scientifique en ce domaine. Il est primordial, en effet, de connaître exactement de part et d'autre les données du problème. Elles sont fort complexes en vérité, et les mesures préconisées par les sciences de l'homme, sociologie, psychologie ou psychotechnique, se heurtent à d'énormes résistances, durcies par le temps, par le jeu des institutions, par l'accumulation des erreurs et des préjugés. Non seulement les esprits ont la plus


RELATIONS HUMAINES DANS L'INDUSTRIE



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grande peine à juger objectivement, mais les libertés aussi sont plus ou moins paralysées, de puissantes forces, telles que les pressions sociales ou la concurrence technique, pesant de tout leur poids sur les décisions à prendre.



Leur importance.

Nous constatons néanmoins avec bonheur que la pure technique a mis en relief l'importance si longtemps méconnue des relations humaines dans le travail. Notre prédécesseur de vénérée mémoire, Pie XI, ayant évoqué le mépris dans lequel étaient trop souvent tenus les intérêts supérieurs des ouvriers, ne s'écriait-il pas : « Contrairement aux plans de la Providence, le travail destiné, même après le péché originel, au perfectionnement matériel et moral de l'homme, tend, dans ces conditions à devenir un instrument de dépravation : la matière inerte sort ennoblie de l'atelier, tandis que les hommes s'y corrompent et s'y dépravent 2. » Nous voudrions pouvoir dire que cela n'a plus lieu sur aucun point de la terre. Hélas ! Tout le monde sait que les progrès sont lents, beaucoup trop lents sur ce point essentiel, en bien des pays, sur des continents entiers.

Si vous avez, Messieurs, sollicité l'audience que Nous vous accordons, c'était assurément pour entendre la voix de l'Eglise sur les questions qui vous préoccupent. Ce que l'Eglise souhaite en cette matière dépend évidemment de l'idée qu'elle a de l'homme. Pour elle, tous les hommes sont égaux en dignité devant Dieu ; ils doivent donc l'être aussi dans les rapports libres ou nécessaires qui les unissent.



La doctrine de l'Eglise.

2 Quadragesimo Anno, A. A. S., 23, 1931, pp. 221-222.




Or la communauté de travail, qui de nos jours s'établit moralement sur la base des contrats entre les employeurs et les employés des grandes entreprises, constitue de la part des premiers un véritable engagement envers les seconds, car ils demandent à ceux-ci le meilleur de leur temps et de leurs forces. Ce n'est donc pas seulement un travailleur que l'on embauche et auquel on achète son travail ; c'est un homme, un membre de la société humaine qui vient collaborer au bien de cette même société dans l'industrie en question. Certes, une entreprise, même moderne, n'est pas totalitaire ; elle n'accapare pas des initiatives qui, placées hors de son activité particulière, appartiennent personnellement aux travailleurs. En outre, une entreprise moderne ne se résout pas en un jeu de fonctions techniques coordonnées de façon anonyme. Elle unit par contrat des associés, dont les responsabilités sont différentes et hiérarchisées, mais auxquels le travail doit fournir le moyen d'accomplir toujours mieux leurs obligations morales, personnelles, familiales et sociales. Ils ont à se prêter loyalement un service mutuel, et si l'intérêt des employeurs est de traiter leurs employés en hommes, ils ne sauraient se contenter de considérations utilitaires : la productivité n'est pas une fin en soi. Chaque homme au contraire représente une valeur transcendante et absolue, car l'auteur de la nature humaine lui a donné une âme immortelle. Bien plus II s'est fait homme et s'identifie moralement à quiconque attend d'autrui le supplément d'être qui lui manque : « Tout ce que vous ferez au plus petit de mes frères c'est à moi que vous l'aurez fait» (Mt 25,40). Lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir (Mt 20,28), et Il n'a pas hésité à donner sa vie pour sauver les hommes. Voilà d'où vient l'éminente dignité de toute personne humaine et la responsabilité de quiconque emploie un homme à son service.

C'est pourquoi Nous souhaitons vivement que les travaux de vos journées d'études aient apporté non seulement la lumière dans les esprits, mais une compréhension plus profonde des difficultés d'autrui, une bienveillance réciproque plus sincère et la volonté de chercher de part et d'autre les accords nécessaires dans le respect mutuel et le souci constant du bien général.

A ces intentions et à celles que vous portez dans le coeur, Nous implorons sur vous tous ici présents, sur vos familles et vos amis le secours du ciel, et Nous vous accordons de grand coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.


LETTRE

A L'OCCASION DU CINQUIÈME CENTENAIRE DE SAINTE RITA

(11 février 1956) 1






A l'occasion du cinquième centenaire de la mort de sainte Rita de Cascia, le Souverain Pontife a adressé une lettre au prieur général des ermites de Saint-Augustin, le Rév. Père Engelbert Eberhard. Nous en donnons ci-dessous la traduction du latin :

C'est avec un grand plaisir que Nous avons reçu votre lettre pleine de déférence Nous avertissant que bientôt le souvenir de sainte Rita de Cascia sera célébré solennellement, à l'occasion du cinquième centenaire de sa mort.

Nous formulons les voeux les plus ardents pour tous ceux, qui sous votre direction, apportent leur concours à cette pieuse entreprise, afin que ce dessein si louable soit mené à bonne fin et qu'en même temps il contribue le plus possible à augmenter l'esprit religieux de tous et à réformer les moeurs.

Cette remarquable religieuse de l'ordre de saint Augustin, illustre gloire et fleur magnifique de l'Ombrie, se distingue tout particulièrement par sa vie exemplaire : elle peut être pour tous, une source d'encouragements à supporter leurs difficultés avec une énergie indomptable, à pardonner à ceux qui leur font du mal, à rechercher les joies toutes pures de la piété chrétienne ; tous peuvent être, grâce à elle, entraînés par une espérance qui ne trompe pas ainsi que par un désir ardent des biens immortels. Que ce soit en s'acquittant de la lourde charge de mère de famille, ou aux prises avec les nombreux et graves soucis des veuves ; que ce soit, enfin, dans une vie cachée entièrement

consacrée à la contemplation ; en toutes les circonstances par lesquelles elle est passée, elle s'est montrée toujours d'une grande piété, d'une grande patience dans l'épreuve et d'une magnifique générosité. C'est aux femmes d'abord qu'elle donne l'exemple. Que celles-ci, imitant avec soin la sainte qu'elles invoquent comme leur patronne bienfaisante et secourable, se rendent dignes d'éloges par leur maîtrise d'elles-mêmes, par leur modestie, leur empressement à s'effacer et à se dévouer, leur obéissance aux lois de l'Eglise ; elles amasseront ainsi une ample moisson de mérites surnaturels, pour leur plus grand bien et celui des autres, particulièrement de leurs proches.

Nous demanderons donc à Dieu les secours célestes pour que, grâce aux solennités prévues, une foi plus active s'enracine dans les âmes et qu'un élan plus vigoureux les entraîne à mieux prier ; et, de tout coeur, Nous accordons à tous ceux qui ont charge de préparer la célébration de l'anniversaire de sainte Rita, et à tous ceux qui y prendront part, Notre Bénédiction apostolique.


MOTU PROPRIO « NIHIL ECCLESL/E» EN FAVEUR DE L'INSTITUT « REGINA MUNDI »

(11 février 1956) 1




L'Institut romain Regina Mundi, placé sous l'autorité de la Sacrée Congrégation des Religieux, a pour but de donner aux Religieuses une formation plus élevée en ce qui concerne les sciences sacrées.

Depuis toujours dans l'Eglise, des vierges consacrées à Dieu, pratiquant les conseils évangéliques dans les états de perfection et les autres Instituts similaires, se consacrent, selon le but qu'elles se sont proposé, au salut de leur prochain et à toutes sortes de bonnes oeuvres. Tout en poursuivant avec une égale fermeté la sainteté dont elles ont fait profession, elles s'efforcent sans cesse d'accomplir avec dignité et compétence les ministères apostoliques ou les oeuvres de charité qui leur sont confiés par le Saint-Siège, par l'approbation de leurs statuts et de leurs Instituts.

Comme la charité envers Dieu et celle envers le prochain ne font qu'une seule et même chose, l'Eglise exige à bon droit que le désir de sainteté se manifeste dans un effort assidu pour remplir ses proches charges d'une façon toujours plus complète et parfaite, et pour se disposer à les exercer avec soin, sans épargner sa peine.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 189, traduction française de Documentation Catholique, t. LUI, col. 749.




Pour atteindre efficacement à cette perfection désirée, à la fois humaine et divine, dans l'accomplissement de leurs charges par une préparation convenable, le Siège apostolique a tout mis en oeuvre, d'une façon opportune, pour engager et amener avec douceur et fermeté les religieuses et les autres vierges consacrées à Dieu et à l'apostolat sacré, à s'appliquer à tout ce qui peut être utile et adapté à leur fonction apostolique.

C'est pourquoi toutes les supérieures et les membres des Congrégations, obéissant fidèlement aux règles et aux exhortations répétées du Saint-Siège, n'ont jamais cessé de faire des efforts pour que toutes celles qui, de par leur vocation et pour des raisons d'apostolat, doivent exercer des emplois civils ou sociaux, soient munies, entre autres choses, des diplômes, des titres légitimes et des autres témoignages nécessaires pour exercer convenablement et dignement leurs charges. Dans ce but, des instituts particuliers, des collèges, des académies, des écoles ont été fondés ou du moins favorisés et aidés de nombreuses façons. De plus, par de nombreux cours et exercices, de fréquents congrès, des fédérations constituées pour promouvoir divers apostolats, et des appuis de toute sorte, l'Eglise s'est grandement appliquée à ce que toutes celles qui, pour l'amour de Dieu et de leurs frères, se consacrent à des oeuvres, joignent au zèle religieux la compétence technique et le savoir-faire dans l'exercice de leurs charges.

En effet, dans l'esprit de l'Eglise, il n'est ni concevable ni admissible que celles qui, de par leur profession religieuse et leur vocation apostolique, se consacrent à des charges ou des professions dans la société soient ou puissent être estimées professionnellement inférieures aux autres personnes qui, poussées par des motifs humains, sans cesser pour cela d'être nobles, remplissent dans le siècle les mêmes charges ou professions.

Cela concerne surtout, et particulièrement, les religieuses et les vierges consacrées à Dieu qui, surtout à notre époque, se consacrent de différentes manières à l'éducation et à la formation de la jeunesse. C'est une tâche ardue, non seulement à cause du caractère des élèves et des circonstances actuelles, mais à cause des vastes connaissances scientifiques, culturelles et pédagogiques qui s'acquièrent par de longues études, qui nécessitent de nombreux examens et autres épreuves du même genre, partout exigés pour pouvoir enseigner.

Il ne fait de doute pour personne que nos professeurs et éducatrices qui, de par leur vocation, se consacrent aux enfants, aux adolescentes et aux jeunes filles, soit que, dans la plupart des cas, elles enseignent dans les écoles secondaires et supérieures, soit qu'elles s'occupent de celles qui poursuivent des études universitaires, même en tant qu'externes dans les universités publiques, soit qu'elles occupent des charges importantes, dans leur institut propre, concernant la direction et la




«REGINA MUNDI»



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formation de leurs soeurs, doivent posséder une culture plus élevée, technique, et avant tout religieuse, qui soit à la fois solide, bien assimilée et complète, étant donné leur situation propre.

Pour que les membres des états de perfection et les autres vierges qui se consacrent à la recherche de la perfection et à l'apostolat puissent devenir de parfaits professeurs et éduca-trices, comme l'exige notre époque, dans de nombreux endroits ont été créés des écoles supérieures, des académies, des instituts, généralement très dignes de louanges, où elles sont formées sérieusement dans les doctrines et les disciplines, particulièrement religieuses et morales.

Ce fécond mouvement d'adaptation qui, après le congrès solennel de l'année jubilaire (26.11.—8.12.1950) 2, suscita et ne cesse de susciter infatigablement, particulièrement dans ce domaine de l'éducation et de la formation, de si nombreuses et si remarquables initiatives, fut cause que la Sacrée Congrégation des religieux organisa un congrès des Supérieures générales au mois de septembre 19523 pour y traiter du nouvel Institut devant être érigé à Rome, destiné à être non seulement le modèle de tous ceux actuels et futurs existant dans le monde entier, mais même, sous divers aspects, leur complément et leur couronnement.

C'est pourquoi la même Sacrée Congrégation des religieux, sur Notre ordre et sous Nos auspices, afin de correspondre aux voeux du congrès, se préoccupa d'ériger à Rome, au cours de l'Année mariale, avec la coopération des Supérieures générales du monde entier, l'Institut de la Bienheureuse Vierge Marie, que Nous avions solennellement proclamée et couronnée Reine. Comme cet Institut, auquel il a été donné le nom de Regina Mundi, s'est jusqu'à présent avéré parfait et Nous donne des garanties certaines des heureux résultats que Nous en espérons ardemment, afin qu'il soit affermi et enrichi par Notre approbation pontificale et qu'il devienne le modèle et le guide éminent des instituts semblables destinés aux vierges consacrées à Dieu, présents et futurs existant dans le monde entier, motu proprio et après mûre délibération de Notre part, Nous décrétons et ordonnons ce qui suit :



Cf. Documents Pontificaux 1950, p. 538 et 584. Cf. Documents Pontificaux 1952, p. 471
I Nous déclarons pontifical, et Nous concédons qu'il soit orné de ce titre, l'Institut appelé Regina Mundi destiné à donner aux vierges consacrées à Dieu et au ministère des âmes une éducation et une formation plus élevée en ce qui concerne les sciences et les disciplines, principalement sacrées.


II

Cet Institut sera dirigé en Notre nom et sous Notre autorité par la Sacrée Congrégation des religieux, avec les statuts approuvés par Nous. La dite Sacrée Congrégation sera aidée, pour diriger, administrer et perfectionner Notre Institut, conformément aux statuts, par des délégués de la Sacrée Congrégation des Séminaires et des Universités, du Secrétariat d'Etat et du Vicariat urbain.

III

Nous concédons à l'Institut le droit et la faculté, conformément aux statuts, de conférer des diplômes aux élèves qui ont accompli leurs études et passé avec succès leurs examens, lesquels leur donneront le droit d'enseigner dans les collèges féminins, soit laïcs, soit religieux, de quelque degré que ce soit, dans la mesure qui est précisée par chaque diplôme. Pour exercer cet enseignement dans des écoles destinées à des laïcs masculins, il faut s'en tenir soigneusement à ce qui est prescrit par le droit.

IV

Nous accordons enfin à cet Institut la faculté de s'agréger, en se conformant aux statuts, les écoles et les instituts ou leurs sections qui lui paraissent avoir des affinités avec lui.

Nous décrétons et ordonnons ces choses de Notre autorité, nonobstant toutes choses contraires, même dignes d'une mention particulière.


DISCOURS AUX PRÊTRES ET RELIGIEUX CHARGÉS DE LA CRITIQUE DES LIVRES

(13 février 1956) 1






Le matin du 13 février, le Souverain Pontife a reçu en audience spéciale les participants au congrès pour les ecclésiastiques chargés de la critique des livres, organisé par la revue « Letture » de Milan, dirigée par les Pères Jésuites. Il leur a adressé un discours en italien dont voici la traduction :

L'intime réconfort que Nous éprouvons en vous accueillant en Notre présence, chers fils qui êtes chargés de la critique des livres, est égal au vif souci que Nous inspire la charge de pasteur, à qui incombe, entre autres, le devoir de s'employer avec zèle afin que soit indiquée au troupeau du Christ la saine nourriture spirituelle, constituée aujourd'hui, pour une part notable, par les lectures.



Le Saint-Père souligne le rôle très important des critiques des livres pour préserver les âmes de l'erreur et de la perversion.

Votre remarquable assemblée Nous procure donc une vive satisfaction, car il Nous semble reconnaître en chacun de vous un coopérateur efficace et sûr dans Notre ministère pastoral, et en tous, une digue puissante contre le flot débordant de publications de faible ou de nulle valeur, qui menacent de submerger sous la boue de l'erreur ou de la perversion la haute dignité de la nature humaine. Il n'est pas nécessaire de souligner ici combien sont grandes la nécessité, la noblesse et l'importance d'une juste critique, car la ferme conviction que vous avez de



1 D'après le texte italien des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 127, traduction française de l'Osservatore Romano, du 24 février 1956.

l'influence considérable des lectures sur les moeurs et sur le sort des individus et de la communauté vous a incités à assumer la tâche ardue que la vaste production littéraire de nos jours impose au critique. Dans une société, comme celle d'aujourd'hui, si jalouse d'exercer le droit de la liberté de presse, la critique des honnêtes gens, fondée sur un droit plus sacré, est certainement une des formes les plus appropriées pour empêcher que le mal se répande et, surtout, qu'il soit, sous un prétexte ou l'autre, divulgué comme un bien : ce qui ne s'oppose pas à la légitimité et à la nécessité, dans certains cas de danger plus grave pour les âmes, de l'intervention d'une autorité supérieure. Toutefois, la critique exercée selon les règles de la vérité et de l'éthique répond peut-être davantage à la mentalité de l'homme moderne, qui aime se former lui-même un jugement de valeur, lorsqu'il en est en mesure, aidé par la critique qui réussit à lui inspirer confiance.



La mission des critiques va aussi plus loin : ils doivent satisfaire le public cultivé en traitant des aspects scientifiques, littéraires, artistiques des livres.

Mais vous n'entendez pas restreindre votre activité aux seuls aspects moraux du livre, mais l'étendre également aux autres, particulièrement scientifiques, littéraires et artistiques, de manière a être des critiques complets, dont le grand public et même les experts puissent attendre un jugement, autant que possible, exhaustif. Il est évident que cette perfection de la critique catholique non seulement en renforce l'autorité devant le public, mais lui vaut des mérites positifs à l'égard de la culture, selon la tradition permanente de l'Eglise, toujours attentive à suivre le cours et les progrès de la pensée et de la forme. Les hauteurs ou les bassesses, auxquelles s'élève ou s'abaisse la littérature, spécialement aujourd'hui, dépendent grandement des critiques, du degré de perspicacité, d'honnêteté et de fermeté d'esprit dont ils font preuve.

Des responsabilités si grandes étant ainsi assignées au critique, il sera opportun d'exposer certains principes fondamentaux, auxquels son oeuvre doit se conformer, s'il veut que celle-ci atteigne efficacement le but de guider les esprits sur des sentiers sûrs.



Principes fondamentaux d'une saine critique. Pour leur application, le Saint-Père distingue le sujet et l'objet de la critique.

Pour faciliter la réalisation de cette fin, Nous considérerons séparément le sujet de la critique, puis son objet. Aujourd'hui, Nous parlerons du premier point, en renvoyant l'exposition du second (qui Nous semble le plus important) à une autre occasion, lorsqu'elle se présentera.

Pie XII 1956 - RADIOMESSAGE TRANSMIS PAR LA RADIODIFFUSION ESPAGNOLE A L'OCCASION D'EXERCICES SPIRITUELS