Pie XII 1956 - ALLOCUTION AUX CURÉS ET PRÉDICATEURS DE CARÊME DE ROME


RADIOMESSAGE AUX ÉCOLIERS CATHOLIQUES DES ÉTATS-UNIS

(15 février 1.956) 1






Le mercredi des Cendres, 15 février, le Saint-Père a adressé un appel aux élèves des écoles catholiques des Etats-Unis pour les exhorter à intensifier leurs dons et prières pour les millions d'enfants qui sont malheureux dans le monde. Voici la traduction du message de Sa Sainteté prononcé en anglais :

L'appel toujours pathétique de vos frères et soeurs nécessiteux, dans le monde entier, parvient à vos coeurs, une fois de plus, chers enfants, au moment même où commence le saint temps de carême. Il y a dix ans aujourd'hui, mercredi des Cendres — dix années pleines d'événements — que pour la première fois Nous vous avons parlé de la triste multitude de ces chers petits enfants et que Nous vous avons demandé, au nom de Jésus-Christ et en Notre nom, d'aider notre Mère l'Eglise à faire briller à nouveau quelque lueur de santé et de gaieté sur leurs visages hagards et à apporter quelque peu de bien-être dans leurs foyers malheureux.

1 D'après le texte anglais des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 141 ; traduction française de VOsservatore Romano, du 2 mars 1956.




Les remerciements que Nous vous adressons à l'école aujourd'hui ne sont qu'un faible écho du souvenir que Nous gardons de vous et de ceux qui vous sont chers, souvenir que Nous portons chaque jour, à l'autel de Dieu, là où ce « memento » est le plus précieux. Vous n'avez pas permis, une seule fots, que les espoirs des déshérités soient brisés et le Nôtre déçu. Durant ces dix années, vous n'avez pas abandonné une seule fois ces victimes innocentes d'une guerre cruelle, qui éclata soudainement comme un incendie et qui continue encore pour beaucoup, tout aussi impitoyable. Sans cesse, Nous Nous le rappelons bien, lorsque toute autre porte dans le monde semblait fermée, vos petites mains et vos coeurs qui ignorent l'égoïsme furent ouverts à leur détresse. Vous aviez bien appris, chez vous et dans vos salles de classe, 'la leçon qui résume tout ce que le Maître vint nous enseigner : l'amour est la seule loi dont vit le chrétien. Avec quelle joie et fierté paternelles, Nous avons constaté que la charité était devenue une habitude pour tant d'entre vous. Les enfants que vos économies et sacrifices ont aidés, enfants de presque toutes couleurs et climats, ont envers vous une dette que seul le Seigneur Jésus peut acquitter. Mais quel bonheur que de savoir qu'il acquitte d'une main prodigue, ici et dans la vie future, jusqu'aux privations et à l'argent de poche que vous leur offrez de tout votre coeur, à son appel et par amour pour Lui.

Vous ne serez pas surpris ou découragés, Nous en sommes sûr, de voir tant de mains vides tendues encore vers vous. Notre doux Sauveur veut que nous nous rappelions les pauvres que nous avons toujours avec nous (Mt 26,11). Mais lorsqu'il nous dit que ce sont ses pauvres, c'est alors une joie de s'apercevoir que chaque menu service que vous leur rendez est, vraiment, et réellement, rendu à Lui (Mt 18,5 XXV, Mt 40).

Mais de quoi donc ont besoin ces pauvres enfants du divin Maître, dont vous entendez parler, une année après l'autre, par vos maîtres à l'école, par vos parents à la maison, par vos prêtres en chaire et par le vicaire du Christ, dont les paroles et la présence même vous sont apportées aujourd'hui si merveilleusement de Rome ? Qu'ont-ils le droit d'attendre de vous comme membres de l'unique grande famille du Christ ? Peut-être avez-vous vu leurs photographies, où ils s'accrochent à leurs parents alors qu'ils sont impitoyablement chassés de leurs maisons et de leur pays, dans l'Est ; tandis que d'autres, dans l'Ouest, aspirent avec anxiété à des maisons plus gaies et heureuses, où la vie familiale puisse prospérer de nouveau. De quoi donc ont-ils besoin ? Sûrement pas du froid soulagement que représente la triste chose qu'est une « distribution en série ». La menue monnaie et les colis du petit chrétien et de la petite chrétienne comme l'obole de la veuve, doivent signifier bien plus que cela. Ces enfants n'ont besoin de rien moins que de vous : vos prières, vos bonnes oeuvres et vos peines de chaque jour, en plus et au-dessus du trésor que vous devez leur donner




ECOLIERS DES ETATS-UNIS



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au moyen de vos minces ressources. Nous l'avons déjà dit si souvent et Nous le répétons de nouveau : Nos enfants ne peuvent jamais connaître le vrai bonheur, pas plus que le monde ne peut avoir la paix et l'abondance, simplement par l'argent et les machines, — bien que ces dons de Dieu puissent accomplir de grandes merveilles dans les mains de ceux qui aiment réellement leur prochain pour l'amour de Lui.

Le carême rappelle le don divin fait par le Maître, de toute sa personne en montant au calvaire et ensuite la grande victoire de Pâques, pour assurer le salut de ceux qui Le suivront ; ce temps est donc certainement approprié pour donner, jusqu'à en souffrir au moins un peu, aux membres pauvres et souffrants de son corps. Nous avons pu compter sur vous, d'un carême à l'autre, pour assurer aux sans-toit un abri convenable et quelque chose à manger. Vos économies et vos offrandes les ont aidés à affronter l'hiver avec des vêtements plus chauds, dans une pièce plus chaude. Par tous les moyens, faites que cette année votre collecte batte tous vos records d'une générosité, qui a depuis longtemps valu à votre pays l'admiration d'un monde reconnaissant. Récompensez dans la plus large mesure les efforts de vos évêques pour alléger les charges de Nos milliers d'enfants « adoptés » en tous les points du globe. Que la dévotion de vos coeurs accompagne et anime votre offrande. Priez pour ceux que vous aidez, afin qu'ils arrivent à connaître et aimer leur Sauveur davantage chaque jour. Rappelez leurs besoins et leurs soucis, en même temps que les vôtres, lorsque vous remerciez Jésus après la sainte communion pour tant de bénédictions reçues. C'est à ce signe, chers enfants du Christ, que les hommes reconnaîtront que vous êtes vraiment à Lui (Jn 13,35). De la sorte, dans un monde rempli à la fois de merveilles et de larmes vous rendrez témoignage à sa présence vivante et aimante jusqu'aux confins de la terre.

Et puisse Notre Bénédiction apostolique que Nous vous donnons maintenant du plus profond de Notre coeur, aider vos parents, vos prêtres et vos maîtres à vous préparer de cette manière à prendre place, lorsque Dieu le voudra, parmi les guides d'un monde meilleur en paix avec lui-même et avec son Créateur.


DISCOURS AUX DIRIGEANTS DE LA CONFÉDÉRATION ITALIENNE DU COMMERCE

(iy février 1956) 1






Le matin du vendredi 17 février, les membres du congrès national des dirigeants de la Confédération générale italienne du Commerce, organisé à Rome pour le dixième anniversaire de sa fondation, se réunirent dans la salle des Bénédictions pour présenter un déférent hommage au Souverain Pontife.

Sa Sainteté leur adressa un discours, dont nous publions la traduction ci-dessous :

Il y a dix ans, le 16 février 1946, grâce à la fusion des associations des commerçants, qui, après la fin de la guerre, s'étaient formées dans l'Italie centro-méridionale et dans les régions du nord, votre « Confédération générale italienne du Commerce » se constituait. Pour célébrer dignement le dixième anniversaire de cet important événement, vous avez tenu à vous réunir à Rome en un « congrès national de dirigeants des organisations syndicales ... de toutes les provinces et de toutes les catégories » ; la nombreuse assemblée que Nous avons maintenant la satisfaction de contempler ici présente montre clairement l'enthousiasme que votre projet a suscité. Nous sommes sûr que les échanges de vues, auxquels vous participez ces jours-ci, vous inspireront de nouveaux motifs pour continuer la collaboration amicale, qui vous a permis de poursuivre et de réaliser tant de buts utiles à chacun de vous et à l'ensemble de la profession du commerce.

L'ampleur du travail accompli depuis la fondation de votre Confédération ressort des documents qui Nous ont été courtoisement remis, c'est-à-dire la série des « Rapports sur l'activité confédérale » et les « Actes » des divers congrès et assemblées tenus au cours de cette décade. Ils donnent un témoignage éloquent de la place importante occupée par votre activité dans la vie de la nation. Néanmoins, il n'est pas rare, aujourd'hui, que le rôle du commerçant ne soit pas apprécié à sa juste valeur.



Le Souverain Pontife déplore les préjugés dont sont victimes les bons commerçants et affirme que ceux-ci ont un rôle utile à jouer dans la société.

On met en doute son utilité ; on cherche à se passer de ses services ; on soupçonne qu'il veuille tirer un profit exagéré de sa fonction économique. Or, vous avez vous-mêmes le plus grand intérêt à rechercher si ces jugements sont fondés ou non ; si, peut-être, çà et là, elle accroît et complique inutilement le chemin du producteur au consommateur. Toutefois, actuellement, comme à toutes les époques de l'histoire, le commerçant exerce une fonction spécifique. Ce serait mal le définir, de ne voir en lui qu'un intermédiaire entre le producteur et le consommateur ; sans doute, il remplit aussi cette fonction et possède pour cela une précieuse expérience, acquise non sans peines ni risques, mais il est encore et en premier lieu un animateur de l'économie : il peut dès lors, non seulement assurer la répartition opportune des marchandises, mais aussi inciter efficacement le producteur à fournir des objets de meilleure qualité et à moindre prix et à ouvrir au consommateur, dans la plus large mesure, l'accès au marché. En effet, tout échange de produits ne satisfait pas seulement des besoins ou désirs déterminés, mais rend possible la mise en oeuvre de nouveaux moyens, suscite des énergies latentes et parfois inattendues, stimule l'esprit d'entreprise et d'invention. Cet instinct, inné chez l'homme, de créer, d'améliorer, de progresser, explique l'activité commerciale tout autant et encore plus que le simple désir de gain.



II énumere les principales qualités, professionnelles et morales du bon commerçant.

Le commerçant a besoin d'une formation professionnelle soignée et bien équilibrée. Il a besoin d'un esprit toujours éveillé



pour comprendre et suivre les réalités économiques dans leur évolution, pour traiter les affaires avec un heureux résultat, pour prévoir les réactions des masses et leur psychologie, qui sont parfois d'un grand poids dans le jeu des échanges. Les solides qualités morales ne sont pas moins indispensables : le courage en période de crise, la ténacité pour vaincre l'apathie et l'incompréhension, l'optimisme pour renouveler les formules et les méthodes d'action, pour saisir et utiliser au maximum les possibilités de bonne réussite. Ces qualités, vous les mettez au service de la communauté nationale et vous avez droit par là à l'estime et à la considération de tous.



. . . et les conditions sont requises pour l'exercice normal de son activité.

Pour pouvoir agir utilement, le commerçant a besoin de trouver devant lui un terrain libre, dégagé des obstacles qui viendraient de règlements trop compliqués ou trop étroits. Il souhaite affronter une concurrence loyale, s'exerçant dans les conditions mêmes où il se trouve et sans privilèges injustifiables ; et il ose espérer, en même temps, que des impôts trop nombreux et trop lourds ne lui enlèvent pas une part excessive des gains mérités. Sans doute, aujourd'hui plus que dans le passé, nourrit-on le désir d'assurer à toutes les classes sociales des garanties qui les préservent de répercussions et de circonstances relatives aux fluctuations de l'économie, qui protègent l'emploi et la rétribution, qui prévoient les maladies et les incapacités susceptibles de réduire un homme à l'inaction et de le priver des moyens de subsistance. Ce sont là des sollicitudes fort justifiées ; du reste, dans de nombreux cas, le système de sécurité sociale ne réussit pas encore à faire cesser des conditions pénibles et à guérir des plaies toujours ouvertes. Mais il importe que le souci de la sécurité ne prévale pas sur l'acceptation du risque au point de stériliser toute volonté créatrice, d'imposer à l'entreprise des conditions d'exercice trop lourdes, de décourager ceux qui s'y dévouent. C'est malheureusement une tendance fort humaine que d'obéir au principe du moindre effort ; d'éviter les charges, de se dispenser d'une action personnelle pour recourir au soutien de la société et vivre aux dépens de celle-ci. Ce sont là des solutions bien faciles, où la responsabilité de l'individu se retranche derrière celle de la collectivité anonyme. Si le commerçant a ses propres intérêts à défendre et à faire prospérer, s'il supporte lui-même les conséquences de ses actes, il traitera et résoudra les problèmes économiques avec plus d'ardeur, plus d'habileté et plus de prudence. Personne ne niera la nécessité de contrôles, d'une vigilance exercée par l'autorité publique à l'avantage même des commerçants, comme du bien commun. Mais qu'il soit permis de souhaiter que l'Etat sache demeurer dans les limites de sa fonction de suppléer à l'entreprise privée : qu'il la suive, qu'il l'aide au besoin, mais qu'il ne se substitue pas à elle, quand elle peut agir avec utilité et bon succès. Entre les deux composantes du mouvement économique, les forces de progrès et les éléments d'organisation, l'équilibre doit être maintenu si l'on ne veut pas tomber dans l'anarchie ou dans le marasme.



Le commerçant doit avoir une conscience professionnelle et une intenté morale reconnues.

S'il vous appartient de représenter dans l'économie nationale l'élément moteur qui facilite et stimule les échanges, vous revendiquez à bon droit la liberté de remplir vraiment et efficacement cette fonction et vous entendez en faire usage non seulement au service d'intérêts privés ou de ceux d'une catégorie déterminée, mais au profit du pays tout entier. On attend, en effet, du commerçant qu'il possède une conscience professionnelle et une intégrité reconnues. Les tentatives ne manquent pas, conformément aux faiblesses de la nature humaine, d'utiliser des procédés peu corrects, de réaliser des gains illicites, de sacrifier la dignité morale à l'attrait des biens matériels. Tentation encore plus dangereuse en une époque où le progrès technique et l'expansion de l'économie tendent à renforcer davantage dans les esprits le souci d'accroître au maximum la quantité et la variété de ces biens. Cette aspiration n'est pas condamnable tant qu'elle demeure équilibrée par le désir encore plus vif de progrès spirituel et par la volonté de promouvoir, chez les individus comme dans les groupes sociaux, le vrai désintéressement, l'empressement à alléger les souffrances et misères d'autrui. L'homme doit se persuader que son destin ne se limite pas à réaliser l'organisation la plus commode de la vie temporelle. Celui qui se contente de cet idéal ne peut trouver en lui-même les forces suffisantes pour résister aux tentations les moins nobles provenant du fond de sa nature, des exemples et de l'entraînement du milieu où l'on vit, comme aussi, malheureusement, de la nécessité de se défendre contre de semblables manoeuvres de la part d'autrui. La liberté d'action économique ne peut se justifier et se maintenir qu'à condition de servir une liberté plus haute et de savoir, au besoin, renoncer à une partie de soi-même pour ne pas manquer à des devoirs moraux supérieurs. Sinon, il sera difficile de freiner la tendance progressive vers un type de société dont l'organisation économique et politique constitue la négation même de toute liberté.

Il termine en faisant des voeux pour les membres des associations et en leur recommandant la modération dans leurs justes revendications et surtout de ne pas perdre de vue les valeurs spirituelles.

Nous faisons des voeux pour que chacun des membres de vos associations soit fier d'exercer sa profession non pas dans le seul but du gain, mais avec la conscience de remplir un rôle nécessaire et hautement utile au bien de tous. Vous avez mis en lumière les conditions difficiles qui vous sont faites aujourd'hui, les obstacles qui s'opposent au bon succès de vos entreprises, les charges qui pèsent lourdement sur vous. Nous comprenons bien les raisons de ces plaintes. Toutefois, Nous vous exhortons à user, dans la défense même et dans la protection de vos intérêts, d'une juste modération, qui tienne compte de la condition de l'économie générale et des nombreux et délicats facteurs qui entrent dans le règlement de l'organisation sociale. Avec la volonté d'effectuer les réformes opportunes, apportez un esprit constructif, désireux de respecter tous les aspects d'une réalité économique et sociale fort compliquée, sans oublier l'essentiel, c'est-à-dire les valeurs permanentes d'ordre spirituel, qui échappent à toutes les visées particulières et demeurent seules capables d'assurer le salut de la civilisation moderne.

Puissiez-vous, aux heures de découragement et encore plus aux moments du plus grand succès, ne pas perdre de vue ces considérations, qui — Nous aimons l'espérer — vous aideront toujours à résoudre heureusement et sérieusement les problèmes qui occupent vos esprits dans le domaine économique et dans le domaine humain.

En formulant ce souhait et en gage des plus abondantes faveurs divines que Nous implorons pour vous, vos familles et tous les membres de votre Confédération, Nous vous donnons de grand coeur la Bénédiction apostolique.




ALLOCUTION A DES AVIATEURS DES ÉTATS-UNIS

(17 février 1956) 1






Le vendredi 17 février, le Saint-Père a reçu un groupe d'aviateurs des Etats-Unis d'Amérique qui avaient généreusement contribué à secourir les populations d'Italie particulièrement éprouvées par les rigueurs de l'hiver.

Il leur a adressé en anglais des paroles de bienvenue et de remerciement dont voici la traduction :

Quelle mission enviable que celle qui vous a été assignée ces jours derniers, Messieurs, membres distingués des forces aériennes ! Messagers de cette charité prompte à porter secours, que le monde entier associe depuis longtemps à l'évocation de votre généreuse patrie si abondamment bénie par Dieu, vous vous êtes hâtés à venir en aide aux pauvres éprouvés isolés, pour les défendre contre les rigueurs cruelles d'un hiver presque sans précédent ; Nous vous remercions pour ce geste et pour le réconfort que vous avez apporté à Notre coeur paternel si profondément bouleversé par la détresse de Nos chers fils pris au dépourvu.

Que Dieu puisse vous récompenser et vous rendre l'aide que vous avez apportée par vos dons.


ALLOCUTION A DES INDUSTRIELS AUTRICHIENS

(19 février 1956) 1






Le Saint-Père a reçu le dimanche 19 février un groupe d'industriels autrichiens auxquels il a adressé en allemand les paroles dont nous donnons la traduction :

Nous vous souhaitons la bienvenue, Messieurs, et souhaitons le plus grand succès aux consultations que vous échangez avec les membres de l'industrie italienne. Nous exprimons ce voeu en pensant à ces deux pays, l'Autriche et l'Italie, actuellement aux prises avec des problèmes économiques difficiles à surmonter, et en faveur desquels nous espérons dans la plus large mesure l'aide de la Providence divine. Nous exprimons également ce souhait en considération de l'intégration européenne ; sa réalisation courageuse et réfléchie a toujours trouvé et trouvera en Nous un adepte convaincu.

Vous Nous permettrez, de plus, chers Messieurs, d'évoquer ce qui est pour Nous une des leçons des dix dernières années, de cet après-guerre hérissé de dangers, mais riche pourtant si étonnamment en promesses de salut et en espérance d'un ordre nouveau : à savoir que la direction des états ne progresse que si elle peut s'appuyer sur une collaboration intelligente de l'entreprise et du monde du travail, et s'en remettre à elle.

Que la bénédiction de Dieu vous accompagne, en gage de laquelle Nous vous donnons de tout coeur Notre Bénédiction apostolique.


DISCOURS AUX ÉLÈVES DU COLLÈGE PONTIFICAL BRÉSILIEN

(27 février 1956)1






A l'occasion d'une récente et importante ordination sacerdotale de vingt-cinq des leurs, les maîtres et élèves du Collège brésilien ont tenu, le 27 février, à rendre un hommage collectif au Saint-Père. Le Souverain Pontife leur a adressé un discours en portugais, dont nous donnons la traduction suivante :

C'est avec une vive joie paternelle que Nous voyons pour la première fois réuni au complet en Notre présence Notre Collège brésilien, si nombreux et si florissant.

Son très honoré recteur, se faisant l'interprète de vos sentiments, Nous a appris que, en l'occurrence du quatrième centenaire de la naissance aux cieux de saint Ignace de Loyola, vénéré par vous comme un des principaux protecteurs du Collège, vous désiriez Nous présenter personnellement vos hommages filiaux, dans l'intimité d'une audience spéciale. A cela s'ajoute encore l'occasion de l'ordination de vos vingt-cinq nouveaux prêtres, qui offrirent ces jours derniers au Seigneur les prémices de leur sacerdoce, et furent sans aucun doute memores Nostri in sacrifiais (1M 12,11). Vingt-cinq ! Le double du collège apostolique ; presque le triple de cette première « compagnie » enrôlée par saint Ignace sous l'étendard du Nom de Jésus, avec laquelle il ne se proposait rien moins que de reconquérir le monde à l'Eglise et au Christ. Ce n'est pas souvent qu'en un seul collège — et, pour le brésilien, c'est d'après ce que Nous savons, la première fois — l'on vit une phalange si nombreuse de nouveaux lévites monter ensemble à l'autel du Seigneur.

En ce beau concours de circonstances si particulières, qu'avons-Nous à vous dire, très chers fils ?

Cor Nostrum patet ad vos (2Co 6,11). Vous lisez en Notre coeur ; et sans que Nous ayons à vous le dire expressément, vous sentez bien quelle consolation Nous donne votre visite, tout imprégnée d'amour filial et de dévotion pour le Vicaire du Christ. Vous sentez, vous, et ils sentent aussi, vos nouveaux prêtres, combien Nous Nous réjouissons de leur bonheur, et avec quel coeur affectueux Nous implorons sur eux et sur leur futur apostolat les meilleures bénédictions du ciel. Vous sentez bien tous combien nous apprécions avec gratitude les prières que vous faites monter pour Nous vers le Seigneur ; car, si nous avons confiance en la prière et en les sacrifices de tous les fidèles, il est juste que nous apprécions de façon particulière celles de ceux que la voix du Très-Haut appela in sortem Domini et destina à prendre part de plus près à Nos soucis apostoliques et à travailler à la consolidation, la défense et la dilatation du règne de Dieu.



Le Saint-Père répète aux élèves du Collège brésilien les paroles que saint Ignace adressait jadis à ses séminaristes de Coimbre.

Et maintenant, profitant de l'occasion qui s'offre à Nous, Nous vous répéterons ce que saint Ignace de Loyola, il y a exactement quatre cent neuf ans, écrivait à ses séminaristes du séminaire de Coimbre, où se préparaient — ou bien allaient le faire — un Nobrega, un Anchiveta, un Ignace de Azevedo, et tant d'autres apôtres du Brésil2.

2 Cf. Monumenta ignatiana : S. Ignatii de Loyola Epistolx et Instructiones, t. I, pp. 495-510.




Ayant été informé de la grande ferveur qui animait cette jeunesse brillante le saint leur écrit pour stimuler ceux mêmes qui couraient sur la route de la vertu, afin que, s'il était possible, ils courent encore plus ; et il poursuit : « Car je puis vous dire avec certitude que vous devez tout à fait vous distinguer dans les lettres et dans toutes les vertus, si vous tenez à correspondre à l'attente de tant de gens ; étant donné les grâces que Dieu vous a faites, ceux-ci espèrent à bon droit de vous des fruits tout à fait extraordinaires. Voyez bien quelle est votre vocation



et vous comprendrez que, ce qui chez les autres serait déjà beaucoup, ne serait chez vous que très peu de choses 3. »

Et c'est votre cas, chers séminaristes du Collège brésilien.



17 leur rappelle que le privilège d'avoir été envoyés étudier à Rome leur impose d'acquérir : science, piété et zèle.

Choisis parmi les meilleurs de vos séminaires respectifs ; envoyés à Rome pour recevoir ou compléter votre formation dans le centre vital de l'Eglise ; pour boire à la source cristalline et limpide de la science sacrée, telle qu'elle jaillit de la roche inébranlable de la vérité ; pour cultiver les vertus sacerdotales, en ces lieux où les ruines elles-mêmes vous exhortent aux actions héroïques qui font les saints et couronnent les martyrs : grande est donc, en ce qui vous concerne, l'attente de tous ; attente de vos supérieurs, qui vous ont choisis ; attente de vos évêques, qui vous ont envoyés ; du clergé et des fidèles de votre grande patrie, à qui vous devez d'ici peu prêter votre collaboration et servir de modèles et de guides : là-bas, en raison de l'immensité du champ et de la rareté des ouvriers, on exigera de chacun de vous qu'il travaille pour dix ou plus.

Tout cela veut dire combien vous avez besoin de vous signaler, saint Ignace disait de « vous distinguer », d'atteindre même aux limites du possible pour ce qui est du savoir et de la vertu.

3 Ibid., p. 497.




Aujourd'hui, le champ du savoir s'est accru démesurément ; et le prêtre, celui surtout qui est destiné à représenter la science de l'Eglise, doit posséder une vaste culture scientifique, philosophique et théologique. Culture vaste ; mais plus encore, profonde et solide. Esprit ouvert au progrès ; mais jugement bien formé et sûr, pour savoir distinguer l'or de l'oripeau, le progrès authentique du faux progrès, sans compromettre en rien les principes et la saine doctrine de l'Eglise. Aujourd'hui, en tous les domaines, il n'est pas rare que l'on n'ait que peu de précision dans les idées ; et ceci, non seulement chez ceux qui sont du dehors (Mc 4,11), mais encore chez ceux-mêmes qui désirent servir mieux la vérité. Vous donc, formés à Rome, vous devez être de ceux qui, comme le phare, montrent la route sûre qu'il faut suivre, et indiquent le chemin tortueux, les bas-fonds et précipices dont il faut se garder. Pour tout cela, il est évident qu'il ne suffit pas d'une science acquise à la hâte, et en peu de jours ; il faut nécessairement un savoir bien médité, approfondi et assimilé ; dans ce but, tout le temps de formation, exploité consciencieusement, n'est pas de trop.

Vertu, ensuite. Sicut misit me Pater, et ego mitto vos (Jn 20,21), disait le Maître divin à ses disciples, lesquels, à peine terminée leur formation, étaient envoyés par Lui de par le monde, non seulement pour enseigner, mais encore pour sanctifier, pour se sacrifier comme il se sacrifiait Lui-même.

Cela suppose, chez le candidat à l'apostolat, une vertu bien enracinée dans l'âme, et assez solide pour n'être pas même dépaysée par le changement de climat lorsqu'elle sera transplantée de la serre chaude du séminaire dans le champ de son activité future.

C'est pour cela, et pour cela surtout que tout le temps de formation, consciencieusement exploité, est peu de chose. Celui, par exemple, qui n'a pas entrepris, dès l'intimité du séminaire, d'être pour le moins homme d'oraison ou qui ne savait pas exploiter les petits sacrifices exigés par l'accomplissement exact du règlement et des devoirs quotidiens, comment saura-t-il par la suite être homme d'oraison et homme de sacrifice — souvent héroïque — au beau milieu des distractions forcées et du labeur absorbant de son ministère apostolique.

¦ Le Saint-Père termine en les exhortant à être très dociles à leurs dévoués supérieurs.

Chers fils et excellents séminaristes ! Nous savons bien que vos très dévoués supérieurs ne se lassent point de vous inculquer cette doctrine en suivant les magnifiques développements qu'en donne saint Ignace dans la lettre à laquelle nous avons fait allusion. Faites bon accueil, de tout coeur et avec un désir sincère d'en tirer profit, à leurs efforts d'éducateurs ; car de cela surtout dépend que se développent, ou non, les fruits désirés. Il suffit de rappeler le collège apostolique. N'est-il pas vrai que c'est la même éducation qui, parce qu'elle fut bien assimilée, forma la pierre fondamentale et les colonnes de l'Eglise d'une part ; et qui, parce qu'elle ne fut pas, ou mal accueillie, déforma celui que les évangélistes nomment avec tristesse celui qui fuit unus de duodecim (Mt 26,14).

Pour conclure, Nous vous répéterons encore avec saint Ignace : Videte igitur vocationem vestram, d'abord pour vous réjouir et rendre sans cesse grâces au Seigneur pour un tel bienfait ; et puis, pour lui demander des faveurs spéciales, afin de bien correspondre à cette vocation, mettant de votre côté tout votre coeur et toute votre conscience, qui certes vous sont bien nécessaires. Pour l'amour de Jésus, oubliez votre passé, comme saint Paul, et mettez-vous en route avec toutes vos forces, pour acquérir ce qui vous fait défaut en matière de science et de vertu, afin d'atteindre le but 4, en réalisant, autant que possible, l'idéal d'un digne ministre du sanctuaire, homme de science authentique et de sainteté exemplaire.

Invoquant sur vous et sur tout le Collège brésilien les meilleures grâces du ciel, Nous vous donnons de tout Notre coeur, à vous et à tous ceux qui vous sont chers, la Bénédiction apostolique.











































ibid., pp. 498 et 501.




DISCOURS AUX MEMBRES DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES TRADUCTEURS

(ier mars 1956) 1






Le jeudi 1» mars, le Saint-Père a reçu en audience les membres de la Fédération internationale des traducteurs, à l'occasion de leur second congrès à Rome. Il leur a adressé, en français, les paroles suivantes :

Nous vous accueillons avec plaisir, Messieurs, qui vous êtes réunis à Rome pour le deuxième congrès de la Fédération internationale des traducteurs. C'est la première fois que Nous avons l'occasion de vous recevoir depuis la fondation de votre groupement, et Nous voudrions vous dire combien Nous apprécions le travail que vous accomplissez et les buts que vous poursuivez.

La profession de traducteur ne s'exerce pas, comme tant d'autres, dans un cadre bien défini ; d'aucuns la pratiquent en indépendants, souvent en marge d'occupations plus importantes ; d'autres en font leur fonction propre au service de sociétés, d'institutions, de bureaux privés ou publics. Alors que certains se spécialisent dans la traduction orale comme interprètes auprès de tribunaux ou d'assemblées internationales, beaucoup travaillent pour l'édition ; mais, ici encore, l'oeuvre littéraire pose des exigences d'une tout autre nature que le livre scientifique. Cette variété, et surtout celle des conditions d'emploi des traducteurs, ne facilitait pas la constitution d'associations professionnelles, bien nécessaires cependant à l'heure où chacun se préoccupe de trouver au sein de tels groupements le moyen efficace de défendre ses intérêts économiques, l'appui de la collaboration et le soutien de l'amitié. Il Nous est agréable de voir que la fondation de la Fédération internationale des traducteurs a stimulé la formation d'associations nationales ; vous réunissez déjà bon nombre de celles qui existent en Europe et votre action commence à s'étendre sur d'autres continents.



Dans le monde moderne où les relations culturelles s'intensifient le traducteur joue un rôle de médiateur entre des cultures souvent très diverses.

Une des caractéristiques de l'époque présente est d'intensifier les relations culturelles non seulement entre les nations voisines, mais aussi entre celles qui, durant des siècles, ont suivi dans leur développement des routes toutes différentes. Chez d'aucunes, l'expansion vigoureuse d'une technique utilitaire a mis en péril les valeurs spirituelles, tandis qu'ailleurs on attend avidement de pouvoir mettre en oeuvre les découvertes récentes, qui donneraient une impulsion nouvelle à l'économie encore rudimentaire ou insuffisamment développée. L'enrichissement mutuel est possible, et déjà s'instaurent, malgré des obstacles inévitables, des échanges toujours plus vastes et plus fréquents. Or, le traducteur joue dans ce processus un rôle de premier plan. Il assume l'office délicat de médiateur entre des cultures souvent très diverses ; il se doit de les pénétrer en extension et en profondeur, d'assimiler assez complètement leur histoire et leur esprit pour oser passer de l'une à l'autre sans danger de trahir leur génie propre.



Une bonne traduction n'est pas une simple équivalence de mots : elle doit rendre fidèlement l'idée et les nuances de la pensée.

Vous savez par expérience que la traduction ne consiste pas simplement à établir une équivalence entre deux systèmes logiques de mots et de phrases. Elle ne peut non plus se contenter de rendre l'idée d'un texte sans tenir compte des nuances et des allusions de l'original, de l'écho affectif qu'il suscitait dans ses premiers lecteurs. Il s'agit de trouver entre ces éléments l'équilibre exact, qui révèle pleinement la pensée de l'auteur, tout en respectant, dans la mesure du possible, son allure propre et les qualités esthétiques de l'expression. Sans doute se heur-tera-t-on aux divergences de sensibilité entre des peuples, qui ont évolué chacun à sa manière et possèdent chacun sa vision du monde. Mais c'est ici qu'on attend du traducteur beaucoup



d'intelligence et de compréhension, car s'il est injuste de déformer l'original sous prétexte de le rendre plus accessible, il ne faut point non plus rebuter le lecteur, mais lui préparer la tâche, l'inviter à un effort qu'on lui rend attrayant. Dans la mesure où le choix de l'ouvrage à traduire vous est laissé, il implique de votre part une prise de position ; bien loin de vous être indifférent, le sujet et la manière dont vous le traitez manifestent vos affinités intellectuelles et morales ; le traducteur prend nécessairement le parti de l'auteur et lui donne son admiration et son affection : sinon comment réussirait-il à deviner ses dispositions intimes, d'où l'oeuvre est jaillie et qui doivent lui en livrer la clef ? C'est pourquoi il importe de mesurer vos responsabilités et vous élever au-dessus de considérations purement utilitaires.

La traduction des ouvrages scientifiques se présente sous un jour particulier. Il est aisé de voir que le développement de la science entraîne l'enrichissement du vocabulaire, dont elle se sert. Ce vocabulaire tire ses éléments d'un milieu culturel déterminé, pour lequel il sera adapté. Mais si l'on passe dans un groupe linguistique différent, les mots nouvellement créés ne peuvent bien souvent s'y intégrer tels qu'ils sont, à moins d'y figurer comme des intrus, d'un abord et d'un maniement difficiles ; une adaptation s'impose donc, pour laquelle est requis l'accord des spécialistes intéressés à l'usage des nouveaux vocables. Votre Fédération internationale pourra certainement accomplir un travail très profitable dans le domaine de l'unification de la terminologie scientifique et technique, et c'est pour répondre à ce besoin que vous avez inscrit ce thème au programme de votre congrès.



Un bon traducteur doit être capable de rejoindre à sa source l'inspiration qui a présidé à l'élaboration d'une oeuvre.

En même temps qu'elle met en évidence la fonction du traducteur, qu'elle s'efforce d'améliorer son statut social et économique et de mettre à sa disposition des instruments de travail plus parfaits, votre Fédération l'aide aussi, Nous en sommes persuadé, à prendre une vue plus nette de ses devoirs vis-à-vis du monde moderne. Une traduction parfaite, si elle témoigne d'une connaissance approfondie des langues en cause, suppose aussi une docilité d'esprit et de coeur capable de rejoindre à sa source l'inspiration, qui a présidé à l'élaboration d'une oeuvre. Qui s'astreint à une telle discipline, progresse indubitablement dans la connaissance et l'estime des formes variées de la civilisation ; il discerne la complexité des aspirations et des idéals de l'homme, mais il doit les juger et désirer promouvoir les idées et les impulsions généreuses susceptibles de contribuer à l'édification d'une société stable et harmonieuse.



L'Eglise, modèle et idéal des traducteurs dans la traduction des livres saints.

L'Eglise catholique le sait bien, elle qui veut présenter son message de salut à toutes les races et à toutes les cultures. A travers les siècles, malgré l'évolution des langues vivantes et les passages successifs du milieu hébraïque au milieu grec, puis au monde latin et aux langues modernes, elle a dû conserver intact le contenu de sa doctrine et le rendre intelligible aux hommes de tous les temps. La traduction des livres saints implique une exigence suprême de fidélité et d'exactitude dans l'interprétation de la parole de Dieu. Elle peut servir de modèle et d'idéal à tous ceux qui se donnent pour tâche de traduire des textes profanes ; mais puissent-ils aussi se proposer, comme la fin la plus noble de leur travail, ce règne de la vérité, de l'amour et de la paix, où toutes les formes du bien trouveront en Dieu même leur fin et leur épanouissement.

En invoquant sur vous-mêmes, sur vos groupements et vos familles les faveurs du ciel, Nous vous en donnons pour gage Notre Bénédiction apostolique.


Pie XII 1956 - ALLOCUTION AUX CURÉS ET PRÉDICATEURS DE CARÊME DE ROME