Pie XII 1956 - DISCOURS A DES SPÉCIALISTES DE LA CHIRURGIE DE L'OEIL


ALLOCUTION A DES PÈLERINS DE BILBAO

(15 mai 1956) 1






Le Saint-Père a reçu, le 15 mai, un pèlerinage espagnol de Bilbao, comprenant de nombreux membres de l'Apostolat de la prière, guidés par le Rév. Père Alphonse Moreno, S. ]. Il leur a adressé un discours en espagnol, dont voici la traduction :

Plus encore que dans Notre maison, Nous sentons réellement que, pour tous Nos fils, il y a place dans Notre coeur de Père : et Nous le voudrions sans cesse plus grand, comme celui de l'apôtre (2Co 6,11). Certes ; mais, très chers membres de l'Apostolat de la prière qui appartenez à l'Eglise de la Compagnie de Jésus, à Bilbao, combien plus grande ne devra pas être celle que nous réserverons à ceux qui, nécessairement, doivent être des fils préférés, parce que soldats d'une milice de prédilection, élite de cette Eglise orante, qui offre continuellement au Père ses prières et ses sacrifices en union avec le Coeur Sacré de Jésus ; pour réparer tant d'injures et tant d'offenses, qu'il reçoit constamment ; pour compenser surtout tant d'indifférence envers Celui qui a le droit d'être reconnu comme Rex et centrum omnium cordium.

Nous n'avons cependant pas l'intention de Nous attarder à présent à répéter ce que Nous avons exprimé tant de fois en faveur de cette institution vraiment providentielle ; Nous voudrions simplement vous souhaiter la bienvenue et vous féliciter pour tout le bien que l'Apostolat de la prière accomplit dans toute l'Espagne et, tout spécialement, dans votre région et dans votre ville ; car Nous n'ignorons pas ce que représentent dans l'histoire de l'apostolat vos Loyola et Cardaveraz ; et Nous ne voulons pas oublier que le principal organe de l'apostolat en Espagne, le magnifique « Mensajero », a précisément son siège à Bilbao et, de là, répand dans toute l'Espagne — et un peu dans tout le monde de langue espagnole — ses effets bienfaisants. Et celui qui désire savoir ce que représente la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus dans votre cité dynamique et entreprenante n'a qu'à se promener dans ses rues et à s'attarder sur une de ses plus belles places, pour y admirer le monument que vous connaissez bien et que Nous reconnaissons comme un indice de votre sincère piété et de votre profond amour pour ce Coeur divin, qui, en tant d'occasions, vous a enrichis de ses grâces les plus singulières.

Vous êtes des membres de l'apostolat ; vivez dans son esprit. Et si vous savez le faire fidèlement, Nous n'aurons rien d'autre à vous recommander ; de fait, vivre d'un amour qui répare et glorifie, c'est vivre la vie de Celui qui vint au monde pour rendre gloire au Père et s'offrir lui-même comme victime pour le salut du genre humain ; c'est vivre la quintessence de l'esprit chrétien ; c'est vivre la plus haute perfection. Que la charité règne chez vous, généreuse et souveraine, et il n'y aura pas de difficultés sur votre chemin ; car elle vient à bout de tout, elle surmonte tout ; et, sur ses ailes de feu, l'ascension est sûre jusqu'à ces cimes les plus élevées, où elle triomphe pour toute une éternité.

En ce mois de mai, Nous voulons vous recommander tout spécialement à votre très sainte Mère, la Vierge de Begoña ; qu'elle vous enseigne le chemin le plus court pour arriver au coeur de son très saint Fils et que vous sachiez y demeurer avec Elle pour toujours.

Avec ces souhaits, Nous vous bénissons vous tous ici présents, ainsi que tout l'apostolat de Bilbao, de Biscaye et de toute l'Espagne.




ALLOCUTION A LA COMMISSION AMÉRICAINE POUR LES ÉCHANGES CULTURELS AVEC L'ITALIE

(18 mai 1956) 1






Le Souverain Pontife a reçu en audience, le 18 mai, tous les membres du bureau de Rome de la Commission américaine pour les échanges culturels avec l'Italie et de nombreux autres délégués. Il leur a adressé un discours en anglais, dont nous publions la traduction ci-dessous :

Nos journées sont surchargées, comme vous le savez, savants visiteurs d'outre-mer ; le travail Nous poursuit sans répit. Mais Nous ne pouvions ni ne voulions répondre « Non » à la demande de votre porte-parole, le directeur de la Commission américaine pour les échanges culturels avec l'Italie ; Nous sommes même plutôt heureux de cette occasion d'exprimer quelques paroles de félicitations et d'encouragements pour l'oeuvre de cette Commission.

Son nom même purifie une atmosphère chargée d'un matérialisme envahissant ; il se réclame des intérêts réciproques des nations en ce qui concerne le développement de l'esprit humain. Il dégage la substance de l'ombre ; il s'intéresse à l'idéal et non à l'accessoire. Marquant un juste équilibre entre les valeurs matérielles et spirituelles, il serait en réalité heureux de voir le niveau de vie plus généralement élevé, de telle sorte que l'âme humaine, moins liée aux exigences de l'existence physique, puisse regarder plus haut que cette terre sordide et, avec des forces développées, puiser espoir, réconfort et joie dans la contemplation de la hauteur et de l'ampleur de la valeur éternelle reflétée dans la création de Dieu.

¦ En parcourant la liste de vos noms et les informations annexes qui Nous ont été données, Nous notons que la moitié des Etats de l'Union, d'une côte à l'autre et du golfe à la frontière du nord, sont représentés dans votre groupe. Les champs de vos études et enquêtes sont variés et larges. Us donnent le témoignage d'un dévouement vaste et vital au progrès des connaissances ; et Nous sommes sûr que vous trouverez ici, à Rome, plus que de simples occasions et une collaboration empressée de la part de savants pour vous assister.

Mais vous ne vous contenterez pas de trouver à Rome seulement les divers trésors d'art, de science et de philosophie. Si Rome est éternelle, comme le chantaient les anciens poètes et comme l'histoire de la naissance et de la chute d'un empire, de la persécution, de la ruine et du relèvement le confirme simplement, c'est parce qu'elle a été la dépositaire de vérités éternelles, héritière d'une culture qui, pénétrée et transformée par les enseignements du Christ et par la force de sa croix, se propagea par monts et par vaux jusque dans les maisons des princes comme des paysans et fixa pour les peuples d'Occident leur conception de la loi, leurs moeurs sociales et les bases de leurs institutions. Cette culture, qui reconnaît la place de l'homme dans l'univers, son origine et son destin, ses droits et ses responsabilités, donne une signification et une finalité aux efforts et aux réalisations de ses forces intellectuelles et morales. C'est d'elle qu'a jailli l'inspiration qui donna au monde Chartres et Cologne, Dante et le pauvre Homme d'Assise, Raphaël et Michel-Ange, Palestrina et Lassus et une phalange d'autres géants dans le monde de la culture, qui ont ajouté gloire aux pages de l'histoire de la civilisation occidentale. Vos enquêtes et vos études vous ont mis en contact intime, on pourrait presque dire personnel, avec eux et une longue familiarité révélera le secret de l'amour de la vérité et de la beauté et la force pour les exprimer. La culture qu'ils représentent appartient au monde.

Avec ces quelques mots, Nous exprimons Nos bons voeux pour votre succès dans le renforcement du lien d'intérêts culturels entre les peuples de différentes nations, et, avec une affection paternelle Nous implorons la Bénédiction de Dieu sur vous et sur ceux qui vous sont chers.


DISCOURS A DES MÉDECINS DU DEUXIÈME CONGRÈS MONDIAL POUR LA FÉCONDITÉ ET LA STÉRILITÉ

(19 mai 1956) 1






Le samedi 19 mai, le Saint-Père a reçu en audience un groupe important de médecins cliniciens et savants qui devaient prendre part au second congrès mondial de la fertilité et de la stérilité qui eut lieu à Naples. Il leur adressa en français le discours suivant :

Vous Nous avez exprimé, Messieurs, le désir de venir Nous présenter vos hommages à l'occasion du deuxième congrès mondial de la fertilité et de la stérilité que vous tenez maintenant à Naples. Nous répondons avec empressement à votre souhait et vous disons le plaisir tout particulier que Nous éprouvons à recevoir un groupe imposant de savants et de praticiens de tant de pays divers. Vous vous apprêtez à étudier un sujet difficile et délicat, parce qu'il concerne l'une des fonctions principales du corps humain et parce que les résultats de vos travaux peuvent entraîner des conséquences lourdes de signification pour la vie de beaucoup d'hommes et l'évolution des sociétés.

La stérilité conjugale involontaire, à laquelle vous vous proposez de porter remède, fait obstacle à l'obtention de la fin principale du mariage et provoque chez le couple un malaise profond, voilé souvent par une pudeur instinctive, mais dangereux pour la stabilité du mariage lui-même. C'est pourquoi en face de l'impuissance de la médecine moderne à traiter avec succès bien des cas de ce genre, vous avez formé en 1951 cette « Association internationale de la fertilité » dont le premier



1 D'après le texte français des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 467.

Congrès, tenu à New-York en 1953, proposait dans son ordre du jour trois résolutions principales : aider par tous les moyens possibles l'étude et la recherche concernant la fertilité ; promouvoir et répandre cette spécialité chez les médecins, afin qu'un nombre suffisant d'entre eux puisse aider efficacement les couples stériles ; insister pour qu'on crée des cliniques, des services et des centres de fertilité dans les hôpitaux, sous la direction d'un personnel compétent. Le présent Congrès répond, comme le précédent, à la volonté de développer au maximum les connaissances que l'on possède, de les répandre parmi les médecins de toutes les parties du monde, de déterminer aussi une coordination des travaux sur certains points où la convergence des efforts permettra d'obtenir des résultats plus significatifs. Vous entendrez un nombre remarquable de rapports et de communications qui examinent les facteurs endocriniens et métaboliques de la fertilité et de la stérilité, leurs facteurs professionnels et toxiques, les méthodes nouvelles de diagnostic et de traitement de la stérilité masculine et féminine, le diagnostic de l'ovulation et de la spermatogénèse et le traitement de leurs désordres, la chirurgie de la stérilité. Une série de mémoires considérera aussi les recherches expérimentales menées en cette matière et les problèmes relatifs à l'une des principales fonctions de l'homme. Cet ensemble d'études illustre brillamment l'intérêt que ce Congrès suscite et la façon dont, de toutes parts, des spécialistes éminents ont voulu apporter leur contribution à l'effort commun.

Il ne Nous appartient pas de porter un jugement sur les aspects proprement techniques de vos travaux ; Nous voudrions, par contre, envisager brièvement certaines implications morales des questions que vous abordez du point de vue scientifique.



Le Saint-Père approuve les efforts légitimes faits pour remédier a la stérilité involontaire.

Votre congrès précédent signalait dans sa motion finale que la stérilité conjugale involontaire soulève un problème économique et social de grande importance, qu'elle contribue a l'abaissement de l'indice de fertilité des populations et peut influencer par là la vie et la destinée des peuples. Il arrive parfois que l'on s'attarde à ce point de vue, plus apparent, plus facilement contrôlable. On dira alors qu'il faut promouvoir la



natalité pour assurer la vitalité d'une nation et son expansion dans tous les domaines. Il est vrai qu'une natalité élevée manifeste les énergies créatrices d'un peuple ou d'une famille ; elle illustre le courage des hommes devant la vie, ses risques, ses difficultés ; elle souligne leur volonté de construire et de progresser. On a raison de relever que l'impossibilité physique d'exercer la paternité et la maternité devient aisément un motif de découragement, de repliement sur soi. La vie, qui souhaitait ardemment se prolonger, se dépasser, retombe, pour ainsi dire, sur elle-même et bien des foyers, hélas, succombent à cette épreuve.

C'est avec plaisir que Nous voudrions mentionner ici une considération, que vous avez vous-mêmes mise en relief. Il est pleinement vrai que votre zèle à poursuivre des recherches sur la stérilité matrimoniale et le moyen de la vaincre, s'il présente un aspect scientifique digne d'attention, engage aussi de hautes valeurs spirituelles et éthiques, dont on devrait tenir compte. Nous les avons indiquées ci-dessus. Il est profondément humain que les époux voient et trouvent dans leur enfant l'expression véritable et plénière de leur amour réciproque et de leur don mutuel. Il n'est pas difficile de comprendre pourquoi le désir insatisfait de la paternité ou de la maternité est ressenti comme un sacrifice pénible et douloureux par les parents, qu'animent des sentiments nobles et sains. Bien plus, la stérilité involontaire du mariage peut devenir un danger sérieux pour l'union et la stabilité même de la famille.

Mais cet aspect social ne fait en réalité que recouvrir une réalité plus intime et plus grave. Le mariage, en effet, unit deux personnes dans une communauté de destin, dans leur marche vers la réalisation d'un idéal qui implique, non la plénitude d'un bonheur terrestre, mais la conquête de valeurs spirituelles d'un ordre transcendant, que la Révélation chrétienne en particulier propose dans toute leur grandeur. Cet idéal, les époux le poursuivent ensemble, en se consacrant à l'obtention de la fin première du mariage, la génération et l'éducation des enfants.

Plusieurs fois déjà Nous avons cru nécessaire de rappeler comment les intentions particulières des conjoints, leur vie commune, leur perfectionnement personnel, ne pouvaient se concevoir que subordonnés au but qui les dépasse, la paternité et la maternité. « Non seulement l'oeuvre commune de la vie extérieure, disions-Nous dans une allocution adressée aux sages-femmes le 29 octobre 1951, mais encore tout l'enrichissement personnel, même l'enrichissement intellectuel et spirituel, jusqu'à ce qu'il y a de plus spirituel et profond dans l'amour conjugal comme tel, a été mis par la volonté de la nature et du Créateur au service de la descendance 2. Tel est l'enseignement constant de l'Eglise ; elle a rejeté toute conception du mariage qui menacerait de le replier sur lui-même, d'en faire une recherche égoïste de satisfactions affectives et physiques dans l'intérêt des seuls époux.



Le Saint-Père affirme clairement qu'il n'est jamais permis dans la génération de séparer l'activité biologique de la relation personnelle des conjoints.

Mais l'Eglise a écarté aussi l'attitude opposée qui prétendrait séparer, dans la génération, l'activité biologique de la relation personnelle des conjoints. L'enfant est le fruit de l'union conjugale, lorsqu'elle s'exprime en plénitude, par la mise en oeuvre des fonctions organiques, des émotions sensibles qui y sont liées, de l'amour spirituel et désintéressé qui l'anime ; c'est dans l'unité de cet acte humain que doivent être posées les conditions biologiques de la génération. Jamais il n'est permis de séparer ces divers aspects au point d'exclure positivement soit l'intention pro-créatrice, soit le rapport conjugal. La relation qui unit le père et la mère à leur enfant, prend racine dans le fait organique et plus encore dans la démarche délibérée des époux, qui se livrent l'un à l'autre et dont la volonté de se donner s'épanouit et trouve son aboutissement véritable dans l'être qu'ils mettent au monde. Seule d'ailleurs cette consécra-1 tion de soi, généreuse dans son principe et ardue dans sa réalisation, par l'acceptation consciente des responsabilités qu'elle comporte, peut garantir que l'oeuvre d'éducation des enfants sera poursuivie avec tout le soin, le courage et la patience qu'elle exige. On peut donc affirmer que la fécondité humaine, au-delà du plan physique, revêt des aspects moraux essentiels, qu'il faut nécessairement considérer, même lorsqu'on traite le sujet du point de vue médical.

Il est bien évident que le savant et le médecin, lorsqu'ils abordent un problème de leur spécialité, ont le droit de con-



- Cf. Documents Pontificaux 1951, p. 492.

centrer leur attention sur ses éléments proprement scientifiques et de le résoudre en fonction de ces seules données. Mais lorsqu'on entre dans la voie des applications pratiques à l'homme, il est impossible de ne pas tenir compte des répercussions que les méthodes proposées auront sur la personne et son destin. La grandeur de l'acte humain consiste précisément à dépasser le moment même où il se pose pour engager toute l'orientation d'une vie, pour l'amener à prendre position vis-à-vis de l'absolu. C'est vrai déjà de l'activité quotidienne : à combien plus forte raison d'un acte qui engage, avec l'amour réciproque des époux, leur avenir et celui de leur descendance.



// déclare illicite la génération artificielle parce que contraire à la loi naturelle, au droit et à la morale.

Aussi croyons-Nous qu'il est capital pour vous, Messieurs, de ne pas négliger cette perspective, quand vous considérez les méthodes de fécondation artificielle. Le moyen, par lequel on . tend à la production d'une nouvelle vie, prend une signification humaine essentielle, inséparable de la fin que l'on poursuit et susceptible, s'il n'est pas conforme à la réalité des choses et aux lois inscrites dans la nature des êtres, de causer un dommage grave à cette fin même.

Sur ce point également, on Nous a demandé de donner quelques directives. Au sujet des tentatives de fécondation artificielle humaine in vitro, qu'il Nous suffise d'observer qu'il faut les rejeter comme immorales et absolument illicites. Sur les diverses questions de morale qui se posent à propos de la fécondation artificielle, au sens ordinaire du mot, ou « insémination artificielle », Nous avons déjà exprimé Notre pensée dans un discours adressé aux médecins le 29 septembre 1949 3 ; aussi Nous renvoyons pour le détail à ce que Nous disions alors et Nous Nous limitons ici à répéter le jugement donné pour conclure : « En ce qui touche la fécondation artificielle, non seulement il y a lieu d'être extrêmement réservé, mais il faut absolument l'écarter. En parlant ainsi, on ne proscrit pas nécessairement l'emploi de certains moyens artificiels destinés uniquement soit à faciliter l'acte naturel, soit à faire atteindre sa fin à l'acte naturel normalement accompli ». Mais étant



3 Cf. Documents Pontificaux 1949. p. 413.

donné que l'usage de la fécondation artificielle s'étend de pl en plus, et afin de corriger quelques opinions erronées qui répandent au sujet de ce que Nous avons enseigné, Nous ajoutons ce qui suit :

La fécondation artificielle dépasse les limites du droit qi les époux ont acquis par le contrat matrimonial, à savoir, celui d'exercer pleinement leur capacité sexuelle naturelle dans l'accomplissement naturel de l'acte matrimonial. Le contrat en question ne leur confère pas de droit à la fécondation artificielle, car un tel droit n'est d'aucune façon exprimé dans 1 droit à l'acte conjugal naturel et ne saurait en être déduit Encore moins peut-on le faire dériver du droit à 1'« enfant » « fin » première du mariage. Le contrat matrimonial ne donne pas ce droit, parce qu'il a pour objet non pas 1'« enfant », mais les « actes naturels » qui sont capables d'engendrer une nouvelle vie et destinés à cela. Aussi doit-on dire de la fécondation artificielle qu'elle viole la loi naturelle et qu'elle est contraire au droit et à la morale.



Le Saint-Père poursuivit en latin :

Alia nunc occurrit quaestio, ad quam pertractandam magis addecet latinam linguam adhibere.

Quemadmodum rationalis animus noster artificiali insemi-nationi adversatur, ita eadem ethica ratio, a qua agendi norma sumenda est, pariter vetat, quominus humanum semen, perito-rum examini subiciendum, masturbationis ope procuretur.

Hanc agendi rationem attigimus Nostra quoque allocutione coram Urologia? doctoribus ccetum participantibus, die VIII men-sis Octobris anno MDCCCCLIII prolata, in qua haec habuimus, verba : « Du reste, le Saint-Office a décidé le 2 août 19294 qu'une « masturbalo directe procurata ut obtineatur sperma » n'est pas licite, ceci quel que soit le but de l'examen » 5. Cum vero Nobis allatum sit, pravam huiusmodi consuetudinem plu-ribus in locis invalescere, opportunum ducimus nunc etiam, quas tune monuimus, commemorare atque iterum inculcare.

4 A. A. S., vol. XXI a., 1929, p. 490, II.

5 Cf. Documents Pontificaux 1953, p. 492.




Si actus huiusmodi ad explendam libidinem ponantur, eos vel ipse naturalis hominis sensus sua sponte respuit, ac multo magis mentis iudicium, quotiescumque rem mature recteque considérât. Iidem actus tarnen tunc quoque respuendi sunt, cum graves rationes eos a culpa eximere videntur, uti sunt : remedia iis praestanda qui nimia nervorum intentione vel abnormibus animi spasmis laborant ; medicis peragenda, ope microscopii, spermatis inspectio, quod venerei vel alius generis morbi barcte-riis infectum sit ; diversarum partium examen, ex quibus semen ordinarie constat, ut vitalium spermatis elementorum prêesentia, numerus quantitas, forma, vis habitus aliaque id genus digno-scuntur.

Eiusmodi procuratio humani seminis, per masturbationem effecta, ad nihil aliud directe spectat, nisi ad naturalem in nomine generandi facultatem piene exercendam ; quod quidem plenum exercitium, extra coniugalem copulam peractum, secum fert directum et indebite usurpatum eiusdem facultatis usum. In hoc eiusmodi indebito facultatis usu proprie sita est intrinseca regulae morum violatio. Haudquaquam enim homo ius ullum exercendi facultatem sexualem iam inde habet, quod facultatem eandem a natura recepit. Homini nempe (secus ac in ceteris ammantibus rationis expertibus contingit) ius et potestas utendi atque exercendi eandem facultatem tantummodo in nuptiis valide initis tribuitur, atque in iure matrimoniali con-tinetur, quod ipsis nuptiis traditur et acceptatur. Inde elucet hominem, ob solam hanc causam quod facultatem sexualem a natura recepit, non habere nisi potentiam et ius ad matri-monium ineundum. Hoc ius tarnen, ad obiectum et ambitum quod attinet natura? lege, non hominum voluntate discribitur ; vi huius legis natura, homini non competit ius et potestas ad plenum facultatis sexualis exercitium, directe intentum, nisi cum coniugalem copulam exercet ad normam a natura ipsa impera-tam atque definitam. Extra hunc naturalem actum, ne in ipso quidem matrimonio ius datur ad sexuali hac facultate piene fruendum. Hi sunt limites, quibus ius, de quo diximus, eiusque exercitium a natura circumscribuntur. Ex eo quod plenum sexualis facultatis exercitium hoc absoluto copula? coniugalis limite circumscribitur, eadem facultas intrinsece apta efficitur ad plenum matrimonii naturalem finem assequendum (qui non modo est generatio, sed etiam prolis educatio), atque eius exercitium cum dicto fine colligatur. Quae cum ita sint, masturbatio omnino est extra memoratam pieni facultatis sexualis exercitii naturalem habilitatem, ideoque etiam extra eius colligationem cum fine a natura ordinato ; quamobrem eadem omni iuris titulo caret atque naturas et ethices legibus contraria est, etiamsi inservire intendat utilitati per se iustae rei improbandaa.

Quas hactenus dicta sunt de intrinseca malitia cuiuslibet pleni usus potentiae generandi extra naturalem coniugalem copu-lam, valent eodem modo cum agitur de matrimonio iunctis vel de matrimonio solutis, sive plénum exercitium apparatus geni-talis fit a viro sive a muliere, sive ab utraque parte simul agente ; sive fit tactibus manualibus sive coniugalis copuloe interruptione : haec enim semper est actus naturas contrarius atque intrinsece malus.



Il rappelle que la fécondité engage aussi le plan psychologique et moral.

Si la fécondité répond à certaines exigences de l'organisme et satisfait des instincts puissants, elle engage tout de suite, comme Nous l'avons dit, le plan psychologique et moral. L'oeuvre de l'éducation dépasse encore par sa portée et ses conséquences celle de la génération. Les échanges d'âme à âme, qui s'opèrent entre les parents et les enfants, avec tout le sérieux, la délicatesse, l'oubli de soi qu'ils requièrent, contraignent bien vite les parents à dépasser le stade de la possession affective pour songer à la destinée personnelle de ceux qui leur sont confiés. Le plus souvent, quand ils atteignent l'âge adulte, les enfants quittent leur famille, s'en vont au loin pour répondre aux nécessités de la vie ou aux appels d'une vocation plus haute. La pensée de ce détachement normal, si coûteux soit-il pour eux, doit aider les parents à s'élever vers une conception plus noble de leur mission, vers une vision plus pure de la signification de leurs efforts. Sous peine d'échec au moins partiel, la famille est appelée à s'intégrer dans la société, à élargir le cercle des affections et des intérêts, à orienter ses membres vers des horizons plus larges, pour songer non seulement à eux-mêmes, mais aux tâches de service social.



Le Saint-Père termine en disant qu'il y a une fécondité transcendante : c'est celle des âmes consacrées à Dieu.

L'Eglise catholique enfin, dépositaire des intentions divines, enseigne la fécondité supérieure des vies entièrement consacrées à Dieu et au prochain. Ici, le renoncement entier à la famille doit permettre l'action spirituelle toute désintéressée et procédant non d'une peur quelconque de la vie et de ses engagements, mais de la perception des véritables destinées de l'homme, créé à l'image de Dieu et en quête d'un amour universel, qu'aucun attachement charnel ne vienne limiter. Telle est la plus sublime et la plus enviable fécondité que l'homme puisse souhaiter, celle qui transcende le plan biologique pour entrer de plain-pied dans celui de l'esprit.

Nous ne voulions pas, Messieurs, conclure cette allocution sans ouvrir ces perspectives. A d'aucuns, elles peuvent paraître assez éloignées des objets qui vous occupent maintenant. Il n'en est rien cependant. Elles seules, en effet, permettent de situer vos travaux à la place qui leur revient et d'en apercevoir la valeur. Ce que vous souhaitez, ce n'est pas seulement d'augmenter le nombre des hommes, mais d'élever le niveau moral de l'humanité, ses forces bienfaisantes, sa volonté de croître physiquement et spirituellement. Vous voulez rendre une nouvelle ferveur à l'affection de tant d'époux qu'attriste un foyer désert ; loin d'entraver leur épanouissement plénier, vous ambitionnez de mettre à leur service tout votre savoir pour que se réveillent en eux ces ressources admirables, que Dieu a cachées au coeur des pères et des mères pour les aider à monter vers Lui, eux-mêmes et toute leur famille.

Pénétrés d'une telle responsabilité, vous poursuivrez avec une ardeur croissante, Nous osons l'espérer, votre labeur scientifique et les réalisations pratiques que vous vous proposez. En invoquant sur vous-mêmes, sur vos familles et tous ceux qui vous sont chers, les plus abondantes faveurs divines, Nous vous accordons de tout coeur Notre Bénédiction apostolique.






ALLOCUTION A L'ÉQUIPAGE D'UN NAVIRE-ÉCOLE CHILIEN

(20 mai 1956) 1






Le 20 mai, le Saint-Père a reçu en audience les officiers et les élèves du navire-école chilien « Esmeralda ». Il leur a adressé un discours en espagnol dont nous donnons la traduction ci-dessous :

Sur votre « Esmeralda » poussée davantage par vos pieux désirs et vos filiales aspirations que par les vents qui gonflaient ses voiles et faisaient grincer sa mâture, vous êtes arrivés, très chers fils, officiers et équipage du navire-école chilien, jusqu'à ces plages italiennes ; immédiatement, vous êtes accourus à cette maison du Père commun qui se réjouit de vous accueillir comme des fils bien-aimés qui lui apportent le souffle d'un monde qui, s'il est bien loin de Nous physiquement, ne l'est jamais de Notre souvenir ni de Notre coeur.

C'est là une bonne ambassade que Nous envoie le Chili, et fort représentative ; car, si l'on peut dire d'une nation que, plus encore qu'une partie d'un continent, elle est comme le balcon garni et couronné de fleurs où ce continent apparaît et sourit à la mer ; si l'on peut affirmer que la vie d'une terre est un dialogue continu avec les immensités de l'océan ; cette terre, cette nation, c'est la vôtre : depuis les frontières mêmes du Tropique jusqu'à l'extrémité de Punta Arenas, en pleine Terre du Feu, en passant par les splendeurs de Conception et de Valdivia, qui se reflètent dans les mers, par les hauteurs qui, à l'ombre des cimes des Andes, dominent les plages sans fin, et par les enchantements indicibles des milliers d'îles et îlots disséminés sur la mer bleue, comme des perles enchâssées dans un collier d'or par la main du Créateur.

Laissez-Nous "donc vous dire que votre nom de Chiliens correspond parfaitement à votre titre de marins ; mais laissez-Nous également ajouter, comme conséquence naturelle, que cette appellation de marins chiliens, un titre honorifique, est un sérieux engagement envers votre conscience et envers votre patrie, non seulement pour la protéger et la défendre, mais aussi pour porter avec gloire sur toutes les mers et dans tous les ports le nom d'une race qui s'est toujours distinguée par sa noblesse, par son esprit loyal et entreprenant et par un profond caractère religieux : vertus qui l'ont rendue digne d'occuper une place insigne dans la grande famille catholique.

Vous êtes les officiers et l'équipage d'un navire-école. Pour les supérieurs, c'est une très grave responsabilité, car ils ont entre leurs mains (le futur et) l'avenir ; pour les élèves, c'est une occasion de se former complètement : tout d'abord, au point de vue professionnel — ce qui implique aujourd'hui tant d'exigences en raison du progrès incroyable de la science nautique, avec toutes ses applications et tous ses accessoires — puis, au point de vue humain, depuis la préparation physique jusqu'à la formation du caractère et à l'acquisition de ces vertus qui ont toujours fait de l'authentique marin — du vrai « loup de mer », comme vous dites — une sorte d'ascète attaché à son devoir sans hésitation ni déviation. Cependant, Notre devoir de Père de vos âmes Nous engage en ce moment à mettre en lumière à vos yeux, tout spécialement, le fait que vous devez considérer aussi cette période de préparation comme un temps de formation spirituelle : de fait comme vous le savez bien, c'est en mer particulièrement que l'on apprend à voir Dieu, immergé que l'on est en ces insondables immensités que Lui seul peut remplir ; c'est en mer, que l'on rencontre Dieu plus aisément, éloigné que l'on est de la distraction bruyante d'un monde vain et trompeur ; c'est en mer, que l'homme se sent davantage entre les mains de Dieu, suspendu qu'il se voit au-dessus de ces eaux mouvantes ; c'est en mer, que l'on vit beaucoup plus près de Dieu, et laisse son âme s'élancer spontanément vers Lui du milieu de ces solitudes. Grâce à la discipline des gens de mer tout au long de la vie dure des navigateurs, durant l'existence commune obligatoire de l'équipage, il n'est pas difficile de trouver une école des plus efficaces de ces



vertus chrétiennes, qui arrachent les âmes aux choses ordinaires et les élèvent vers le Seigneur par les voies sûres de la prière du renoncement, de l'accomplissement du devoir, de la charité et de la fraternité : on n'expérimente sans doute ces vertus en aucun lieu aussi profondément que lorsqu'on doit vivre unis dans l'étroit espace d'un navire pour partager le même sort.

Très chers fils, soyez les bienvenus et soyez remerciés pour votre aimable visite. Le Pape, votre Père, vous bénit, vous recommande aux sollicitudes maternelles de votre patronne spéciale, la Vierge du Carmel, prie pour vous en ce voyage et durant tous les autres, et vous donne aussi un salut pour toute la marine chilienne et pour votre patrie bien-aimée.


DISCOURS

AU PERSONNEL DES HÔPITAUX DE ROME

(20 mai 1956) 1






Le Saint-Père a reçu en audience, le dimanche 20 mai, plus de cinq mille personnes de la « Famille hospitalière de Rome ». Il leur a adressé un discours en italien, dont nous publions la traduction ci-dessous :

Voici une rencontre qui — précisément en cette fête si solennelle commémorant la descente du Saint-Esprit, qui est amour, au Cénacle — procure à Notre coeur une émotion particulièrement profonde. Nous saluons la présidence et le personnel du « Pio Istituto di Santo Spirito » et des hôpitaux réunis de Rome, les aumôniers et les directeurs des hôpitaux et des sanatoriums ; les médecins-chefs, leurs assistants, les médecins auxiliaires ; les soeurs infirmières, les infirmières professionnelles et le personnel auxiliaire ; Nous saluons aussi les collaborateurs artistiques et techniques de la revue hebdomadaire bien connue « Sorella Radio » qui tinrent récemment à Nous dédier une de leurs transmissions, et sont également présents, et les accueillons avec affection.



Le Saint-Père reconnaît que les hôpitaux ont passé de la phase de la charité à la phase légale. Néanmoins, l'Eglise a encore un rôle très important à remplir.

D'autres assemblées se sont réunies en diverses occasions dans cette maison du Père commun, mais Nous pouvons dire que bien peu avaient une importance aussi caractéristique que la vôtre.





Nés du coeur de l'Eglise, développés et multipliés sous son regard maternel, les hôpitaux sont maintenant passés de la phase charitable à celle que l'on appelle bienfaisance légale On ne peut dire, aujourd'hui, que l'Eglise, avec sa foi en la présence de Jésus dans le malade, soit encore l'inspiratrice de la vie hospitalière, mais elle continue à agir par l'intermédiaire de ses prêtres, de ses soeurs et aussi des médecins et infirmiers chrétiens. Votre réunion Nous le confirme, chers fils. Un prélat romain, que Nous avons récemment chargé de pourvoir au soin spirituel des malades qui séjournent dans les hôpitaux de 1'« Urbs », s'est mis à l'oeuvre avec une ferveur, dont Nous sont déjà parvenus de nombreux échos. Les aumôniers travaillent eux aussi avec une ardeur renouvelée, et les soeurs se prodiguent de plus en plus chaque jour, au profit des membres souffrants de Jésus leur époux mystique. D'autre part, Nous n'ignorons pas non plus que les directeurs, les médecins, les infirmiers et, en général, tout le personnel, s'occupent de l'aspect matériel, sans contrarier, voire en facilitant, l'oeuvre apostolique de celui qui entre dans les salles et s'approche des malades, dans le but spécial de sauver et de sanctifier les âmes. Nous vous remercions de tout, en Notre nom, au nom de l'Eglise, au nom de Jésus-Christ.



Il faut constater aussi que, pour divers motifs, les progrès attendus pour l'amélioration des hôpitaux ne se sont pas réalisés au rythme escompté.

Nous Nous sommes rendu compte par les documents qui Nous ont été envoyés que, malgré vos généreux efforts, les problèmes des hôpitaux ne sont pas encore en voie d'une juste et prompte solution. La forme de l'assistance légale étant désormais dépassée, nous sommes aujourd'hui, de l'avis de beaucoup, dans une phase de transition, qui tend vers l'assistance sociale ; destinée donc non seulement aux pauvres, mais à tous les travailleurs et, autant que possible, entière et intégrale. Dans la situation présente, il ne semble pas que les hôpitaux aient avancé au rythme que le progrès aurait réclamé, spécialement — dit-on — en raison de l'absence d'une législation appropriée et du fait de la crise économique et financière qui en résulte, nuisible aux aspects techniques et organiques du problème hospitalier. Ajoutons à cela l'incertitude et le manque de coordination entre la gestion juridique et administrative d'une part et la partie technique de l'autre, et l'on comprendra pourquoi sont anxieux tous ceux qui voudraient voir les hôpitaux romains ramenés à la perfection d'autrefois. Les temps ayant changé, les exigences s'étant multipliées, il faut aujourd'hui des appareils tout à fait récents, des installations très délicates, des services modernes, comme le réclament les progrès sans cesse croissants de la médecine.

Ce n'est pas Notre rôle de traiter avec vous des aspects techniques de la question hospitalière. Nous avons confiance en les législateurs et sommes sûrs qu'ils considéreront toujours le problème des malades, en général, et celui des hôpitaux, en particulier, comme un des plus graves, selon l'avertissement de saint Benoît : Infirmorum cura ante omnia et super omnia adhibenda est2. Nous voulons vous dire plutôt que, dans l'attente des mesures souhaitées, on pourra faire beaucoup par une action organique fondée sur la capacité, animée par la diligence, sanctifiée par l'amour.



Le Saint-Père donne quelques directives au personnel : connaissances techniques, conscience professionnelle, amour chrétien du malade.

1. — Avant tout, une capacité technique. C'est là Notre exhortation, qui s'adresse particulièrement aux illustres médecins, auxquels vont toute Notre estime et Notre affection. Il a été dit, et à juste titre, que « la vie est brève, l'art long, l'occasion momentanée, l'expérience dangereuse, le jugement difficile » 3.

Aucun professionnel intellectuel, et encore moins le médecin, ne pourra se contenter des études universitaires ; en effet, le diplôme doit être un point non pas d'arrivée, mais de départ. Avec lui, le médecin entre dans une école, dont il ne devrait plus sortir s'il veut être tel que l'humanité souffrante le désire et l'espère. Une telle école lui enseignera la profondeur du diagnostic et la précision de la thérapeutique, l'induira à suivre d'un oeil vigilant et attentif les progrès analytiques et synthétiques de l'art médical ; lui facilitera l'observation des multiples tableaux de la maladie à travers le contact continu et direct



2 S. Bened., Vita et Régula, cap. XXXVI. 8 Hippocrate, Aphorisme I.

avec les malades ; ainsi sa sensibilité sera éduquée et son sens critique fortifié ; le discernement des divers maux, la découverte des véritables causes, l'indication des remèdes appropriés seront plus faciles. De grands cliniciens continuent à affirmer, fort humblement en vérité, que le médecin idéal est celui qui se trompe moins que les autres ; l'adage primum non nocere demeure valable aujourd'hui comme toujours, et n'importe quel médecin, même le mieux préparé, peut se trouver devant des catastrophes imprévues en raison de la multiplicité des causes endogènes et exogènes des malades.

2. — Fondée sur la capacité, votre action doit être animée
d'une constante et scrupuleuse conscience professionnelle.

L'hôpital, chers fils, est le lieu où se heurtent la santé et la maladie, où souvent une multitude de créatures humaines se débattent entre la vie et la mort. Sentir le caractère dramatique de cette lutte silencieuse signifie renoncer, lorsque les circonstances font de l'empressement un devoir sacré, à toute indolence coupable. C'est seulement ainsi qu'il est possible de toujours accourir, sans jamais arriver trop tard et sans rien négliger de ce qui peut se révéler utile aux malades. La voix du remords pourrait-elle donc se taire chez celui qui serait responsable d'avoir aggravé une maladie ou hâté une mort ? La négligence d'un forgeron peut faire s'écrouler un pont ; la paresse d'un agriculteur peut faire se dessécher une plante ; mais l'insouciance d'un médecin peut plonger toute une famille dans le deuil. Nous le savons bien, chers fils, vous avez certes, vous aussi, vos soucis, vos douleurs, vos lassitudes : vous devez parfois vous faire violence pour cacher aux malades vos souffrances intimes. Chaque matin vous verra à l'oeuvre avec le dévouement du premier jour, alors que la nouveauté et la ferveur donnaient un ton de fraîcheur et d'enthousiasme à toutes vos paroles et à tous vos gestes.

3. — Soutenue et animée par la capacité technique et la
conscience professionnelle, votre action devra être enfin sanc-
tifiée par l'amour.

Vos tâches, chers fils et filles, sont diverses, mais vous avez tous certainement, en cherchant à travailler dans un hôpital, eu le désir d'y trouver les moyens de vivre et d'entretenir votre famille. Il n'y a rien de déplacé en cela, s'il est juste que « ceux qui servent à l'autel aient part à l'autel » (1Co 9,13) ; a plus forte raison si l'hôpital est pour vous comme le temple mystique où, chaque jour, vous servez Jésus en la personne des malades.

Pourquoi l'Eglise, fonda-t-elle les hôpitaux, les ornant, les défendant et les soutenant par tous les moyens ? Pourquoi l'Eglise demande-t-elle, encore aujourd'hui, à ne demeurer étrangère à aucun de ces lieux où souffrent les hommes ? C'est parce que, Corps mystique de Jésus, elle voit dans les malades ses membres douloureux. Voici donc un but qui pourra transformer la vie de l'hôpital, avant même que les structures soient changées : traitez tout le monde non pas comme on traite de simples créatures humaines ou même ses propres frères, mais encore comme s'il s'agissait de Jésus en personne. Vous serez patients et affectueux avec tous : avec les bons, qui souffrent avec sereine dignité ; avec les humbles et les pauvres, suppliants dans leur misère résignée ; avec les orgueilleux et les méchants, qui prétendent en imposer jusqu'au mal et à la mort et sont incorrects, agités et rebelles. Jésus est présent dans chacun d'eux, comme dans un tabernacle vivant ; Il n'apparaîtra pas toujours dans sa splendeur, souvent ses traits seront obscurcis, Il sera même, parfois, totalement défiguré. Peu importe. Les attentions délicates, les soins affectueux, toute votre prévenance et tous vos services seront pour Jésus. Vous aurez ensuite sa récompense, lorsqu'il dira au jugement dernier : « Venez, vous qui êtes bénis par mon Père, prenez possession du royaume, qui vous a été préparé depuis la création du monde, parce que... je fus malade et vous m'avez visité. »


Pie XII 1956 - DISCOURS A DES SPÉCIALISTES DE LA CHIRURGIE DE L'OEIL