Pie XII 1956 - ALLOCUTION A UN GROUPE D'INSPECTEURS ESPAGNOLS DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE


LETTRE POUR LE CINQUIÈME CENTENAIRE DE LA MORT DE SAINT PIERRE REGALADO

(4 juillet 1956)1






A l'occasion du cinquième centenaire de la mort de saint Pierre Regalado de Valladolid, gloire de l'ordre de saint François, le Saint-Père a adressé une lettre en latin aux Ministres généraux des quatre familles spirituelles de l'Ordre 2. Voici la traduction de ce document :

En lisant la lettre que vous avez écrite en commun dans le désir de recevoir de Nous une réponse qui vous exprimât Notre paternelle affection, à l'occasion du cinquième centenaire de la mort de saint Pierre Regalado de Valladolid, gloire de votre Ordre, les paroles suivantes Nous viennent à l'esprit écrites par Notre prédécesseur d'immortelle mémoire Léon XIII, pour le septième centenaire de la naissance de votre Patriarche Séraphique, dans une Encyclique où il avertissait ainsi les fidèles : « De même... à propos des honneurs dont l'on va entourer saint François, il faut dire qu'ils seront d'autant plus agréables à celui à qui ils s'adressent, qu'ils auront été fructueux pour ceux qui en ont l'initiative. En ceci consiste ces fruits durables, que ceux qui admirent la vertu supérieure d'un saint, s'efforcent de lui ressembler et, ce faisant, de devenir meilleurs »3.

Certes, si votre Législateur et Père « brillait comme une



1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXVIII, 1956, p. 571 ; traduction française de toervatore Romano, du 17 août 1956.

2 Augustin Sepinski, Ministre général des Frères Mineurs ;

Victor Costantini, Ministre général des Frères Mineurs Conventuels ; Bénigne de Saint Hilaire, Ministre Général des Frères Mineurs Capucins ; Jean Boccella, Ministre général du Tiers-Ordre Régulier de saint François.

3 Encyclique Auspicato, 17 septembre 1882 ; A. L., vol. III, p. 143-144.

étoile étincelante au coeur d'une nuit obscure »4, au point de répondre tout à fait au dessein providentiel de Dieu, en éclairant la société de son temps et en faisant revivre dans sa pureté la sagesse de l'Evangile, il faut affirmer aussi que saint Pierre Regalado a su, dès l'enfance, saisir avec grand soin le sens des exemples très éclairants de votre Fondateur, et qu'il s'est efforcé jusqu'à son dernier souffle d'imiter d'un élan chaque jour plus rapide, ses vertus supérieures. 11 fut particulièrement remarquable par sa recherche de la pauvreté, disons-Nous, qui ne se contente pas de l'abandon volontaire des richesses, mais tend aussi vers ce dépouillement de soi, cette abnégation et humilité dont parle l'Evangile : « Bienheureux les pauvres en esprit, car à eux appartient le Royaume des Cieux » (Mt 5,3). Ce souci de pauvreté doit être profond, vous le savez bien, d'après les paroles mêmes du Patriarche d'Assise : « Telle est la grandeur de la sublime pauvreté qui a fait de vous, frères très chers, des héritiers et souverains du Royaume des cieux, en vous privant des richesses de la terre pour vous élever très haut dans la vertu. »5

De la splendeur et de l'attrait de cette vertu, vous êtes un exemple pour les hommes de notre temps, lesquels sont certes très souvent tentés par les commodités d'une vie trop facile, veulent jouir avidement des plaisirs qui les fascinent, ou s'efforcent, avec une passion effrénée, de se les procurer à tout prix.

* Saint Thomas de Celano, Vita J, n. 37 5 Reg. Il, Fr. Min., c. b.

fl Saint Thomas de Celano, Vita l, n. 38 sq.




Une autre vertu dont resplendit, comme d'une lumière d'en haut, la vie de saint Pierre Regalado, fut son amour envers Dieu et le prochain. Si, en effet, la famille franciscaine s'est « dressée comme un noble édifice tout de charité, en qui les pierres vivantes, rassemblées de toutes les parties du monde se sont élevées pour former un temple de l'Esprit-Saint »6, cet aspect se remarque tout particulièrement lorsque l'on examine la vie de vos saints et principalement celle de celui dont il est question ici. Il n'y avait en effet, pour lui, rien de plus familier, rien de plus doux, que de se dévouer tout entier à Dieu, de l'aimer en retour de son amour, et de passer de longues heures à le prier avec ferveur. En outre cet amour de Dieu,



dans son authenticité et son efficacité, se reportait spontanément et tout naturellement sur ses frères, quelle que soit leur conduite, en qui il discernait le Christ Jésus lui-même et le vénérait. En conséquence, il lui arrivait souvent de redonner assurance à qui doutait et hésitait, de réconforter qui restait éprouvé et dans la peine, de témoigner une affection toute spéciale à qui était malade ou dans la gêne, de se consacrer enfin tout entier à rendre service et prodiguer des soins.

Il est donc tout à fait opportun et salutaire de rappeler ces vertus, et toutes les autres, et de vous les proposer, à vous et aux vôtres, puisque, comme Nous vous l'avons dit, ce saint ne doit pas être seulement admiré, mais surtout, imité. Que ce soit là le fruit principal des fêtes que vous allez célébrer, et qu'il soit abondamment fécondé par la grâce divine.

En gage de cette grâce divine et témoignage de Notre bienveillance, Nous vous accordons, avec toute Notre affection en le Seigneur la Bénédiction apostolique : à Vous, très chers fils, aux religieux de chacun de vos Ordres, à tous ceux qui, dans l'archidiocèse de Valladolid participeront aux solennités séculaires célébrées en l'honneur du saint, et avant tout à Notre vénérable Frère l'Archevêque du même archidiocèse.


ALLOCUTION A L'OCCASION DE LA RÉCEPTION DU CHANCELIER CONRAD ADENAUER

(5 juillet 1956)1






Le jeudi 5 juillet, Sa Sainteté Pie XII a reçu en audience officielle S. E. le Dr Conrad Adenauer, Chancelier de la République fédérale d!Allemagne 2. Il lui a adressé une allocution en langue allemande, dont voici la traduction :

Nous sommes heureux de pouvoir vous souhaiter la bienvenue dans Notre maison, Monsieur le Chancelier, au milieu d'un groupe si insigne de personnalités des milieux gouvernementaux et parlementaires de la République fédérale d'Allemagne.

Si la conduite des affaires d'Etat a toujours été une sérieuse et lourde charge, elle l'a été doublement pour vous, Monsieur le Chancelier, au cours des sept années où vous l'avez exercée. Il y a peu d'exemples, dans l'histoire d'un peuple et d'un Etat qui aient réussi à se relever d'un écroulement désastreux en aussi peu de temps, que le peuple et l'Etat allemands après la fin de la dernière guerre mondiale. Un semblable relèvement, tout en réclamant des qualités de haute valeur de la part d'un peuple, se serait évidemment révélé impossible sans une direction supérieure, surtout dans les rapports avec les autres nations, dont la confiance et la volonté de reconnaître à l'Allemagne l'égalité de droits durent être conquises pas à pas.

1 D'après le texte allemand de Discorsi e radiomessaggi, XVIII ; traduction française de l'Osservatore Romano, du 13 juillet 1956.

2 Le Chancelier était accompagné de S. E. M. Heinrich von Brentano, ministre des Affaires étrangères ; de S. E. M. Wolfgang Jaenicke, ambassadeur de la République fédérale d'Allemagne près le Saint-Siège et de nombreuses personnalités gouvernementales et parlementaires d'Allemagne.




C'est précisément en cela, Monsieur le Chancelier, que réside tout votre mérite personnel. Il consiste en premier lieu en ceci que votre foi en l'Allemagne et votre foi en la com-



munauté européenne forment un tout indissoluble. Nous sommes heureux de pouvoir le souligner en la solennelle occasion de votre visite.

Certes, tout n'a pas encore été réalisé. Toutes les blessures que la guerre a infligées à l'une et à l'autre partie ne sont pas non plus encore complètement guéries. Votre patrie attend toujours la solution de questions urgentes, le règlement de relations qui représentent un fardeau presque surhumain. Nous recommandons au peuple allemand la ténacité, la perspicacité et la patience avec lesquelles, ces dernières années, Nous avons vu son chancelier affronter ces problèmes. L'impatience n'est pas un climat favorable pour résoudre des questions politiques, spécialement lorsque celles-ci sont de caractère international. Et c'est précisément l'histoire allemande du premier après-guerre qui démontre quel malheur national sont, dans le domaine politique, ceux qui ne savent pas attendre.

Pour Notre part, Nous désirerions que les questions encore en suspens à l'Orient de la République fédérale fussent traitées par étapes successives, en vue d'une solution globale, qui soit acceptable pour tous les Etats et les groupes intéressés et qui offre ainsi la base pour une vraie paix. Nous avons toujours été heureux d'entendre de semblables opinions de la bouche même d'hommes d'Etat allemands.

Nous avons été assez longtemps en Allemagne et, depuis près de quarante ans, en raison de Nos charges, Nous Nous sommes occupé si largement de la situation de votre pays, que Nous pouvons oser dire combien il est urgent de souligner la nécessité de protéger et de cultiver les valeurs spirituelles, religieuses et morales, si l'on ne veut pas que le matérialisme prenne le dessus sur tout ce qu'a de meilleur le peuple allemand.

Sous cet aspect, les rapports confiants entre l'Eglise et l'Etat prennent une importance particulière. Si l'Eglise les a toujours eus et continue à les avoir tant à coeur, c'est parce qu'elle voudrait voir assuré à ses fidèles, aux citoyens catholiques un paisible exercice de leurs convictions religieuses dans la famille, dans l'éducation, dans l'école et dans les autres domaines de la vie sociale et professionnelle. L'Eglise sait d'autre part que, de la sorte, en même temps et automatiquement, tout le peuple et l'Etat tirent un avantage d'un puissant apport de ces forces morales, sans lesquelles leur existence serait en quelque manière mise en péril.

Quant à votre pays, où les rapports entre les deux autorités suprêmes ont été réglés par un concordat, Nous pouvons Nous réclamer de l'histoire allemande, qui, à travers les siècles confirme la vérité de Nos paroles ; et, en ce qui concerne les dernières décades, Nous pouvons rappeler le dévouement, l'influence conciliante sur de dangereux extrémismes, que les catholiques allemands ont offerts eux aussi durant les temps heureux et encore plus en des périodes troublées. Puisse cet heureux rapport entre l'Eglise et l'Etat continuer inaltéré, à l'avantage réciproque !

Avec cette espérance, Nous vous prions, Monsieur le Chancelier, de bien vouloir transmettre à Monsieur le Président fédéral Notre déférent salut et à tout le peuple allemand notre Bénédiction paternelle.


ALLOCUTION A UN GROUPE SPORTIF DE BILBAO

(6 juillet 1956)'






Le 6 juillet, le Saint-Père a reçu en audience spéciale l'équipe de football du « Club Athlétique » de Bilbao. Il a adressé au groupe un discours en espagnol, dont nous donnons la traduction ci-dessous :

Bien que ce ne soit pas la première fois, loin de là, que Nous ayons le plaisir de recevoir un groupe de sportifs ou une équipe de football, parce que les portes de cette maison et encore plus celles de Notre coeur sont ouvertes à tous, Nous n'avons néanmoins aucune difficulté à manifester la satisfaction avec laquelle Nous accueillons aujourd'hui les dirigeants et les joueurs de 1'« Atletic » de Bilbao en tant que tels et parce qu'il Nous semble qu'ils le méritent de façon particulière.

Et notez qu'en parlant ainsi Nous ne Nous référons pas tellement à cette juste réputation qui vous entoure, de vrais sportifs, sincèrement enthousiastes d'une activité à laquelle vous vous adonnez avec âme et vie, en y mettant une ardeur juvénile, un effort authentique, une noblesse et une sincérité que tout le monde vous reconnaît comme votre principale caractéristique ; mais Nous faisons davantage allusion à ces propos, eux aussi bien connus, qui vous présentent comme un club et une équipe modèles au point de vue moral et religieux, comme des gens qui savent mener parallèlement leur vie sportive et leur vie spirituelle et qui, s'ils se réunissent aujourd'hui pour un entraînement ou pour une rencontre, demain se verront peut-être convoqués pour une récollection ou même pour des Exercices spirituels. Est-ce donc pour cela que vos couleurs rouge et blanc semblent être familiarisées avec le triomphe ? Est-ce pour cela que cette année vous avez chanté deux fois votre « aliron », avec le brio et la bonne volonté que tout le monde connaît ?



Le Saint-Père rappelle que le sport peut être une bonne école de perfectionnement spirituel.

A la bonne heure, très chers fils, et bravo aussi pour votre activité la plus récente en terre italienne, car le bon sportif sait parfaitement que ce n'est pas seulement le triomphe qui compte, mais aussi et beaucoup plus de laisser un drapeau bien planté, comme vous l'avez fait vous-mêmes. Le sport, et peut-être spécialement le football, peut aussi être une école de vertus ; de vertus individuelles dans son propre perfectionnement qui suppose plus d'une fois beaucoup d'assiduité, beaucoup de sacrifice, beaucoup de préparation intérieure, beaucoup d'humilité en recevant et assimilant les leçons, beaucoup d'abstinence en évitant tout ce qui peut être contraire à la profession que l'on vit, beaucoup d'abnégation en persévérant dans les périodes difficiles, beaucoup de loyauté en rendant tout ce que l'on doit rendre en toutes occasions, beaucoup de supériorité d'esprit pour savoir perdre sans se démonter, beaucoup de charité pour savoir vaincre sans humilier l'adversaire ; et de vertus sociales, spécialement en sachant occuper le poste qui vous a été assigné dans l'équipe, dans la tactique qui doit être appliquée en ce moment, en sacrifiant l'éclat personnel, en facilitant le travail d'ensemble, en étant un rouage exact dans le mécanisme compliqué que réclame la tactique moderne, sans égoïsmes, sans vanités, sans questions personnelles, avec cette ascèse spéciale qui fait de l'athlète un bon exemple, y compris pour ceux qui veulent vivre sciemment la mortification chrétienne dans toutes les circonstances de leur vie. Car il est bien certain que dans la vie courante également et pour ne pas perdre la partie, très souvent il faudra défendre son terrain avec intrépidité, assurance et énergie, si l'on ne veut pas être débordé par les passions déchaînées ; très souvent, il faudra savoir se déplacer sur le terrain difficile au milieu du champ pour savoir trouver le moment de passer à l'attaque, sans perdre de vue les mouvements de l'adversaire et les dangers possibles de son propre but ; très souvent, il faudra se lancer en avant avec intelli-



gence, résolution et agilité, en bon accord avec toute la ligne, pour ne pas manquer le moment favorable et ne pas laisser perdre ce qui, parfois, est décisif dans la vie.

Courage donc, très chers fils, et continuez à donner le bon exemple en tout, comme sportifs, comme citoyens et, surtout, comme chrétiens pratiquants. Que la victoire continue à sourire à vos couleurs dans toutes les compétitions qui attendent encore votre jeunesse florissante. Et que la Bénédiction du Seigneur vous accompagne partout.

C'est un gage de celle-ci que veut être Notre Bénédiction que Nous donnons de tout coeur pour vous, pour vos familles et vos amis, pour votre très cher « Atletic », pour votre non moins chère Bilbao et pour toute la très chère Espagne.


ALLOCUTION A DES ÉLÈVES DE L'ÉCOLE MILITAIRE DE BILLOM

(7 juillet 1956)1






Le samedi 7 juillet, le Saint-Père a reçu en audience un groupe de grands élèves de l'Ecole militaire de Billom (Puy-de-Dome). Il leur adressa Y allocution suivante :

Nous avons le plaisir d'accueillir les élèves de l'Ecole nationale militaire de Billom. Vous êtes venus ici, chers fils, pour accomplir à la fois un voyage d'études et un pèlerinage. Quand on se prépare à la carrière des armes, ce n'est pas sans émotion que l'on foule le sol de cette cité, dont les légions jadis conquirent la majeure partie de l'Europe. Vous contemplerez les monuments imposants qui, après tant de siècles, continuent à raconter les campagnes et les victoires des empereurs romains, les arcs de triomphe de Titus, Septime-Sévère et Constantin, les colonnes de Trajan et de Marc-Aurèle. Mais au-dessus de ces trophées se dressent maintenant les statues des apôtres saint Pierre et saint Paul. Eux aussi ont conquis le monde, mais comme envoyés du Christ, témoins de sa divinité et porteurs de sa vie. Si la gloire des conquêtes païennes s'est maintenant évanouie, celle de l'humble pêcheur de Galilée et de l'artisan de Tarse rayonne toujours avec plus d'éclat et leur avance pacifique se poursuit, appuyée par les promesses divines qui ne trompent pas.

Soyez, chers fils, de fiers soldats au service de votre pays, conservant les traditions d'honneur et de fidélité qui sont les vôtres. Mais surtout soyez de fiers chrétiens, que ne rebute pas la lutte patiente et cachée contre les attaques insidieuses qui, à l'intérieur de votre âme ou dans la société qui vous

entoure, tentent d'obscurcir ou de dénaturer le message de Jésus-Christ et de soustraire les hommes à sa grâce rédemptrice. Vivez toujours plus sérieusement, plus totalement votre christianisme ; vous en comprendrez alors davantage la beauté et la force ; vous porterez en vous et vous communiquerez aux autres l'espérance de son triomphe final. En gage de ces faveurs que Nous implorons pour vous du Seigneur, Nous vous accordons de tout coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A DES CADETS DE LA MARINE BRÉSILIENNE

(10 juillet 1956) 1






Le Saint-Père a reçu les officiers et élèves du navire-école brésilien « Duque de Caxias » et leur a adressé en portugais un discours dont nous donnons la traduction ci-dessous :

Chers fils, insignes officiers et brillants jeunes gens du navire-école « Duque de Caxias ».

Nous avons accueilli avec une satisfaction particulière le désir que vous avez manifesté d'être reçus en audience spéciale, en couronnement de votre visite d'instruction dans la Ville éternelle ; et Nous y avons accédé très volontiers, certain que la rencontre et la Bénédiction du Vicaire du Christ et Père commun des fidèles, ici dans l'intimité de la maison paternelle, contribuerait à donner une efficacité plus profonde et plus durable aux leçons apprises dans l'étude des souvenirs de l'antiquité et, bien plus, des glorieux monuments de la civilisation chrétienne, qui sont l'incomparable trésor de Rome.

Et en vérité, des enseignements importants et continus ne vous manquent pas.

Déjà le nom de Duc de Caxias que porte votre navire-école en constitue un, fort persuasif. Dans le célèbre « Maréchal de fer », vous voyez l'idéal d'un grand Brésilien, sincèrement catholique, qui, comme peu d'autres, sait honorer et servir la patrie en guerre et en paix, sait combattre pour sa défense et son intégrité, sait travailler pour son unité civile et pour sa paix religieuse, en maintenant élevé son prestige et en encourageant son vrai progrès. Grand idéal et grande leçon !





Vous tirez un autre enseignement non moins persuasif et efficace de votre mer, de toutes les mers et, encore plus, de l'Atlantique méridional, où s'accomplit principalement votre instruction, avec laquelle vous servez et vous vous préparez à mieux servir la patrie. Il est vrai qu'aujourd'hui on ne se peut plus répéter à la lettre ce qu'écrivait, il y a exactement quatre siècles, un grand capitaine, un grand marin et soldat, c'est-à-dire « avec beaucoup de périls, j'irai naviguer dans la Mer du Sud, où il y a tant de tempêtes que peu de navires s'en tirent. »

Aujourd'hui, l'expérience navale est en mesure de prévoir et d'éviter les tempêtes ou, au besoin, de leur résister et de les vaincre. Mais, aujourd'hui encore comme alors, est vrai le proverbe : « si tu veux savoir prier, va en mer » ; parce que, dans la tempête ou dans le calme, le grand livre qui vous parle continuellement de la magnificence du Créateur est toujours ouvert ; et vous pouvez méditer sur elle, de jour et encore plus de nuit, quand la mer et le ciel forment un choeur unique à la gloire de Dieu et vous exhortent à élever jusqu'à Lui votre âme dans la prière et dans l'amour.

Car enfin, hardie jeunesse de chers marins, en naviguant sur les eaux ou en terre ferme, — et nous y naviguons tous, comme l'écrivait le soldat marin auquel Nous avons fait allusion — vous ne pourrez éviter une autre mer plus dangereuse qu'est ce monde avec ses vanités, où tant de gens se perdent dans de bien tristes naufrages. Mais vous, chers fils, vous devez vous habituer à naviguer avec sûreté sous le regard de Dieu. N'oubliez pas que vous êtes des marins du Brésil, la plus grande nation catholique de l'Amérique. Aussi quand vous sillonnez les mers, vous portez avec vous également son honneur et, dirions-Nous, principalement sous cet aspect ; car le bon soldat, le bon marin, qui sait se comporter toujours comme un bon catholique « sans peur et sans tache », est nécessairement parmi les meilleurs serviteurs de la patrie.

Et de magnifiques traditions ne vous manquent pas dans la marine brésilienne. Rappelez-vous, par exemple, le premier navire qui aborda à Terras de Santacruz. N'est-il donc pas vrai que l'exemple de ces gens de mer, descendus à terre, glorifiant le Christ, plantant la Croix et assistant pieusement au divin sacrifice de la messe, fut la première mission des plus efficaces, prêchée sans paroles mais par des faits aux aborigènes ? Votre présence même, chers fils, Nous donne la confiance que vous continuerez tant de traditions si belles ; que vous ne vous soustrairez jamais à vos devoirs de braves marins et de fer-vents catholiques ; et que comme vous savez magnifiquement vous orienter sur les vastes océans, vous saurez pareillement vous orienter aussi sur la mer du monde, sans jamais perdre la route qui conduit au port de la meilleure patrie qu'est la patrie éternelle.

Ce sont là les voeux que Nous formulons paternellement pour vous.

Nous donnons donc à tous et à chacun de vous, avec la plus grande affection paternelle, la Bénédiction apostolique, que Nous étendons à tous ceux qui sont dans votre pensée et, en premier lieu, à vos parents, qui, au courant de votre visite à Rome, sont peut-être en train de penser à vous en ce moment et se trouvent par la pensée avec vous aux pieds du Pape. Nous leur donnons notre Bénédiction toute spéciale en gage des meilleures grâces du ciel.


LETTRE DE MONSEIGNEUR DELL'ACQUA SUBSTITUT A LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A LA SEMAINE SOCIALE DE FRANCE

(10 juillet 1956)1






La XLUIe Semaine sociale de France, qui s'est tenue à Marseille, avait pour thème : les exigences humaines de l'expansion économique. Le Souverain Pontife a chargé Son Exc. Mgr Dell'Acqua d'adresser la lettre suivante à M. Charles Flory, président des Semaines sociales de France :

Selon les meilleures traditions des Semaines sociales de France, la XLIIIe Session qui s'ouvre prochainement à Marseille abordera, sous le titre des « Exigences humaines de l'expansion économique », une question dont les larges retentissements montrent assez l'actualité et l'importance. Soyez dès l'abord félicité du choix de ce sujet ; il prouve une fois de plus que votre Institution, toujours jeune, ne craint pas de poser clairement devant l'opinion les problèmes économiques et sociaux dont la solution commande, pour une grande part, l'avenir de votre pays. Le Souverain Pontife a pris connaissance avec intérêt du programme, ample et précis, de la Semaine, dont vous étiez venu L'entretenir il y a quelques mois ; Il sait à quel auditoire de qualité s'adressent les leçons de vos maîtres et comment d'utiles carrefours prolongent désormais l'enseignement donné et en élargissent le rayonnement. Aussi est-ce de tout coeur qu'il m'a confié le soin de vous exprimer Ses voeux paternels pour le succès de cette Session.

Les exigences humaines de l'économie : combien de fois, depuis Léon XIII, les papes ne les ont-ils pas rappelées au monde contemporain enfiévré de progrès technique ! Récerrt ment encore, le Saint-Père citait la phrase connue de son prédécesseur sur le travail, « destiné au perfectionnement matériel et moral de l'homme », mais qui trop souvent, dans la vie industrielle moderne, tend « à devenir un instrument de dépravation » ; et II ajoutait ces graves paroles : « Nous voudrions pouvoir dire que cela n'a plus lieu sur aucun point de la terre. Hélas ! tout le monde sait que les progrès sont lents, beaucoup trop lents, sur ce point essentiel, en bien des pays, sur des continents entiers » 2. De telles recommandations du Magistère pontifical ont certes toujours trouvé dans les Semaines sociales de France un écho fidèle. Et pourtant, forts de l'expérience de ces cent dernières années, ce sont encore aux mêmes principes fondamentaux de la doctrine sociale catholique que les fils de l'Eglise doivent demander les lumières nécessaires à la rectitude de leur jugement et de leur action, alors que déjà, dans le monde, s'amorce comme une seconde révolution industrielle.



Le Saint-Père redit que l'Eglise se réjouit des prodigieux progrès de la technique moderne.

2 Discours du 4. 2. 56 aux représentants des entreprises et des syndicats, cf. p. 59-




De nos jours, en effet, la puissance des techniques, dont il serait utopique de vouloir enrayer l'irréversible progression, se conjugue avec l'accroissement démographique et l'aspiration des peuples à un mieux-être pour engager les nations sur la voie de l'expansion économique, avec tous les efforts d'investissement, d'équipement, de réorganisation et d'aménagement du territoire qu'elle comporte. Il faut considérer cette situation avec prudence sans doute, mais aussi avec un sain optimisme. La croissance n'est-elle pas le signe normal de la santé économique d'un peuple, et serait-il raisonnable, et surtout chrétien, d'aborder l'avenir à reculons ? L'Eglise, tout au contraire, invite les croyants à reconnaître dans les étonnants progrès de la science la réalisation du plan de Dieu, qui a remis à l'homme la découverte et l'exploitation des richesses de l'univers : « Emplissez la terre et soumettez-la ! » (Gn 1,28)). Si la machine, qui hier encore n'était au service de l'homme qu'un outil de plus en plus perfectionné et puissant, peut désormais remplacer la main qui palpe et guide, l'oeil qui observe et contrôle,



même, pour des besognes définies, l'attention qui surveille et la mémoire qui conserve un passé toujours disponible ; si elle se substitue, non seulement au manoeuvre, mais aussi au comptable et, jusqu'à un certain point, au technicien lui-même, ouvrant ainsi à l'industrie des possibilités insoupçonnées ; en tout cela, il n'y a qu'à rendre grâce à Dieu qui a donné à l'homme d'accomplir de telles oeuvres.



. . . Toutefois l'économie moderne doit être orientée en vue de la fin surnaturelle de l'homme.

Mais faut-il pour autant s'abandonner avec une confiance aveugle à ces perspectives de progrès technique et d'expansion économique ? « La productivité n'est pas une fin en soi », rappelait dernièrement le Saint-Père3 ; et elle ne trouve pas davantage en elle-même le principe de sa propre régulation. « En vain, opposerait-on les possibilités de la technique et de l'organisation, qui font briller la promesse de produire toujours plus et à moins de frais, la prévision d'un futur standard de vie toujours plus élevé, la quantité des besoins matériels, que les hommes peuvent encore augmenter dans le monde entier. En vain, car, au contraire, plus exclusivement et constamment se renforce la tendance à la consommation, et plus l'économie cesse d'avoir pour objet l'homme réel et normal, l'homme qui subordonne et mesure les exigences de la vie terrestre à sa fin dernière et à la loi de Dieu. » 4 Cet avertissement de Sa Sainteté nous rappelle opportunément à quelle norme supérieure doit obéir l'expansion économique pour répondre à sa fin propre, qui est « de mettre de façon stable, à la portée de tous les membres de la société, les conditions matérielles requises pour le développement de leur vie culturelle et spirituelle. » 5

Il appartient aux chrétiens de rappeler ces vérités au monde, eux qui savent la grandeur de l'homme aux yeux de Dieu et combien sa condition demeurerait fragile et précaire si ce monde accroissait sa puissance sans changer son âme. Déjà dans l'ordre des biens matériels, on a pu observer qu'une pro-



s Ibid.

4 Discours du 14 mai 1953, A. A. S.r XXXXV, p. 406 ; cf. Documents Pontificaux 1053,


P- 212.

5 Discours du 7 mars 1948, Discorsi e Radiomessaggi, t. X, p. 12 ; cf. Documents

Pontificaux içqs, p. 107.

ductivité supérieure est parfois recherchée davantage pour l'augmentation escomptée des profits qu'en vue d'un relèvement général du niveau de vie. Or, si à cet égard il faut veiller à ce que les classes laborieuses soient solidaires et bénéficiaires du développement économique, à combien plus forte raison doit-on se soucier d'orienter cette capacité croissante de production vers une participation du plus grand nombre aux biens de la culture et aux richesses spirituelles et morales de l'humanité. Ces perspectives sont de grande importance à l'heure où, dans certains pays, la machine a réduit le temps de travail. Si le repos est sain, après l'effort, si le loisir peut favoriser la vie de l'esprit et les relations humaines, l'oisiveté est, au contraire, ferment de désagrégation sociale ; et l'on ne doit pas permettre à l'expansion économique d'entraîner l'humanité hors de la juste et droite mesure de son existence. Une production, désordonnée dans ses fins, ne servirait pas l'homme ; elle ne le; respecterait pas.

Mais à ces problèmes d'avenir, correspondent, au niveau des moyens mis en oeuvre, d'autres préoccupations sinon plus graves, du moins plus immédiates.



Le Saint-Père fait remarquer que l'expansion économique ne doit pas faire au détriment des travailleurs, comme cela s'est déjà produit.

Comment perdre de vue, en effet, qu'une politique d'expansion économique n'exige pas seulement des investissements considérables, dont il faut savoir apprécier les possibilités et les risques ; elle ne requiert pas seulement un progrès constant de la recherche scientifique, et donc la préparation, dans le pays, de savants et d'ingénieurs appliqués à cet effort ; elle engage aussi la vie des travailleurs et de leurs familles. Ce n'est pas a leurs dépens que doivent s'opérer les reconversions nécessaires de l'industrie, ainsi que les évolutions indispensables de l'agriculture et du commerce. Une économie totalitaire se permet peut-être d'assurer l'avenir au mépris de la génération presente ; un chrétien, s'il peut demander des sacrifices, n'a pas le droit de sacrifier son frère. Or des exemples récents montrent que les risques de chômage massif, occasionné par de brusques modernisations des usines, ne sont pas illusoires. Devant ce péril, la doctrine catholique nous rappelle que le progrès économique d'une nation n'est pleinement réalisable que par l'action conjuguée de toutes ses forces vives, par une libre coopération des volontés, car « en regard de la fin de l'économie sociale tout membre producteur est sujet et non pas objet de la vie économique » 8. Au surplus, une judicieuse participation des travailleurs à cet effort d'expansion peut entraîner une transformation progressive et profonde de la condition actuelle de la classe ouvrière.

Bien d'autres aspects humains entrent ici en ligne de compte, qu'un économiste chrétien ne saurait méconnaître et qui seront d'ailleurs relevés au cours de la Semaine sociale. Nous n'en citerons que deux en terminant. C'est d'abord le problème du déplacement de la main-d'oeuvre, qui apparaît souvent comme une conséquence inéluctable d'une mise en valeur plus rationnelle des ressources économiques du pays. Qu'il suffise d'attirer l'attention des responsables sur les conséquences, familiales, sociales, religieuses, du déracinement auquel des milliers d'hommes se trouvent ainsi contraints. Là encore, dans le respect de la personne du plus petit d'entre nos frères, a-t-on fait le possible pour remédier à ces inconvénients ? En second lieu, votre programme signale à juste titre les perspectives nouvelles ouvertes à l'enseignement professionnel par les besoins de l'expansion économique. On a dit souvent les nécessités d'un enseignement technique plus développé, d'une orientation plus précise, qui rendent les jeunes plus aptes à suivre l'avancée constante de la science et à servir ses applications au domaine de l'économie. Mais, ici aussi, de graves exigences humaines et religieuses sont à sauvegarder, et ce n'est pas sans motifs que l'avenir de la jeunesse formée dans un « esprit technique » est un sujet de préoccupations pour ceux qui ont à coeur la santé morale de la société de demain.



Le Saint-Père termine en invitant les chrétiens à coopérer aux Progrès de la technique mais en sauvegardant les valeurs supérieures de la personne humaine.

Le Saint-Père aime à penser que les travaux de la Semaine sociale contribueront utilement à faire connaîtr% les normes morales, relevant de la justice et de La charitéXcchs0 sociales, qui doivent présider à tout essort de l'écolomie, afin que celui-ci
*ult0

6 Discorsi e Radiomessaggi,, t. X, p. 15 ; cf. Documents Pontificaux 1948, p. 108.


soit à l'avantage de la société et non à son détriment1. Défenseurs des valeurs de la personne, les chrétiens rappelleront les fins supérieures de l'économie et les conditions humaines de son développement. Soucieux du bien général de la nation, ils lutteront contre les routines dépassées, les intérêts particuliers, les résistances égoïstes ; mais ils s'opposeront également à une expansion aveugle, commandée par le seul profit. Conscients enfin des périls que tout matérialisme fait courir au monde contemporain de la vie et du travail, ils accueilleront avec faveur les progrès de l'économie et y concourront même volontiers, sans oublier jamais toutefois que « la technique est ordonnée à l'homme et à l'assemblée des valeurs spirituelles et matérielles qui concernent sa nature et sa dignité personnelle » 8.

1 Encyclique Quadragesimo Anno, A. A. S., 1031, 23, p. 206. 8 Radiomessage de Noël 1953, A. A. S., 1954, XXXXVI, p. 11 ; cf. Documents Pontificaux 1953, p. 631.




Invoquant une large effusion des grâces divines sur cette XLIIIe Semaine sociale, qui trouvera dans la ville de Marseille un cadre si approprié à ses travaux, le Souverain Pontife vous accorde de tout coeur, ainsi qu'aux membres présents de la hiérarchie et à tous les maîtres et auditeurs de la Semaine, une très paternelle Bénédiction apostolique.




Pie XII 1956 - ALLOCUTION A UN GROUPE D'INSPECTEURS ESPAGNOLS DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE