Pie XII 1957 - IV» CONGRÈS DE LA VIE RURALE


IV* CONGRÈS DE LA VIE RURALE



99



céder justement d'autre manière, décréter l'expropriation, moyennant une indemnité convenable » 5.

Si en tant de lieux la distribution actuelle de la richesse n'est pas juste et si, à ce sujet encore plus que pour tout autre, la voix de l'Eglise se fait entendre avec insistance par la bouche des Souverains Pontifes de notre siècle, « cela n'équivaut pas à nier l'utilité et, souvent, la nécessité d'exploitations agricoles plus vastes » 6, quand la technique et l'économie justifient ou permettent, en certains lieux, la concentration de la propriété en de grandes entreprises, comme le moyen le plus apte à assurer l'augmentation nécessaire de la production et, en conséquence, le bien-être du peuple.

Il est vrai qu'il n'y a point de critère unique pour la solution des problèmes de la terre, mais il faut avoir une vision unitaire de la politique et de la législation agricoles, en réglant la distribution de la propriété, les systèmes de culture et les relations du travail, de manière que tout soit orienté vers une triple élévation de l'homme : élévation matérielle — conditions du travail, habitation saine — ; élévation sociale — instruction technique et professionnelle, associations professionnelles ; — élévation morale — éducation au sens social et à la responsabilité dans le travail.



Les moyens efficaces de lutte contre la désertion des campagnes.

5 S. S. Pie XII dans son message à l'occasion du Ve anniversaire de la guerre, ier septembre 1944.

6 S. S. Pie XII au premier Congrès catholique international rural, le 2 juillet 1951 ; cf. Documents Pontificaux 1951, p. 288.




En favorisant la vie des communautés rurales, on pourra plus facilement contenir l'exode inconsidéré de la campagne vers la ville, en contribuant ainsi à une stabilité sociale plus ferme et en encourageant la création d'une classe rurale solidement établie dans la propriété de la terre. On contribuera à cela en étendant aux travailleurs des campagnes les lois du travail en vigueur pour l'industrie, dans la mesure où c'est compatible avec le caractère spécifique de ces travaux. Ces projets devront avoir comme point de départ un salaire familial minimum pour aller jusqu'à l'application des assurances sociales — aspiration légitime en harmonie avec la doctrine sociale de l'Eglise — et jusqu'à la participation juste et proportionnée aux biens produits.

Pour vaincre les obstacles dans cette voie, rien n'est plus nécessaire que de donner à l'agriculteur une sérieuse formation catholique. Entre la foi chrétienne et le communisme athée s'étend une claire ligne de séparation et de nette opposition, toutes les forces de la société devant s'unir « pour élever une digue afin de sauver, non seulement les travailleurs, mais tout le monde sans exception, au marxisme qui refuse tout honneur à Dieu et à la religion » 7.



Retour à l'Evangile.

Il ne faut pas oublier que dans les plans et programmes de rénovation sociale qui flottent aujourd'hui dans le cadre des peuples et qui ont trouvé une expression dans des documents officiels de caractère international, on a parfois présenté la libération du travailleur comme une invention du monde d'aujourd'hui, de même que l'on a défendu le programme de justice sociale au nom d'idéologies qui ne sont pas l'idéologie chrétienne. Cependant cette interprétation ne peut obscurcir la vérité historique que la libération de l'homme et la justice sociale sont des idées de l'Evangile. « Les législations sociales des divers pays ne sont que des applications, en grande partie, des principes établis par l'Eglise » 8. C'est pour cela que, si le message chrétien qui révolutionna la conception du monde antique n'a pas été totalement appliqué, il est réservé à notre génération de faire un pas en avant dans la direction d'un but pour lequel tous les catholiques ont le droit et le devoir d'être à l'avant-garde.

7 S. S. Fie XII aux catholiques allemands, le 4 septembre 1949 ; cf. Documents Pontificaux 1949, p. 348.

8 S. S. Pie XII aux ouvriers espagnols", le 11 mars 1951 ; cf. Documents Pontificaux 195»/ P- 87.




Que ce Congrès y contribue et qu'il serve à louer et glorifier Dieu, qui, comme il est dit dans sa prière, a manifesté son immense majesté, son pouvoir et sa bonté dans le magnifique don de la terre. Avec ces voeux et ces prières, le Souverain Pontife renouvelle à tous ceux qui participent à cette Assemblée le témoignage de son affection paternelle, en même temps qu'il leur accorde, en gage de fruits abondants, une Bénédiction apostolique toute spéciale.


ALLOCUTION AU VICE-PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS

(17 mars 1957) 1



Le dimanche 17 mars, le Pape a reçu en audience privée Son Exc. M. Richard H. Nixon, vice-président des Etats-Unis, ainsi que son épouse et les personnages de sa suite. Il leur a adressé une brève allocution en anglais, dont voici la traduction :


Nous sommes heureux, M. le vice-président, de voir si dignement représenté, en votre honorable personne et en l'aimable compagnie de Mme Nixon et des insignes membres de votre mission, réunis ici ce matin pour une visite qui est vraiment la bienvenue, le zèle ardent et constant de votre cher pays pour la cause de pacifiques relations humaines dans la famille des nations.

En ce délicat moment, que Nous espérons, en priant pour cela, devoir marquer la fin d'une trop longue crise dans le sort de l'Orient et de l'Occident, c'est un réconfort pour Nous de constater la confiance mise par votre illustre président et votre généreux peuple, ainsi que par ceux qui, partout sur la terre, partagent vos espoirs et vos craintes, dans la manifestation simple, directe et sincère de bonne volonté, comme instrument-clef pour régler les différends internationaux.

Cela ne signifie pas que l'on méconnaisse la nécessité et la fonction des traités et des accords collectifs. Aujourd'hui moins que jamais, la famille humaine ne peut se dispenser de chartes et de déclarations politiques, soigneusement et diligemment établies et formulées, et complétées par de solennelles sanctions. Une paix authentique est toujours l'oeuvre de la justice ; et la justice doit être quelque chose de plus qu'une perfide parodie, qui ne respecte pas les lois de Dieu. Mais au-dessus et en dehors de l'expédient légal ou de la démarche diplomatique — et plutôt en eux, car c'est l'esprit qui inspire la lettre — c'est le battement des coeurs humains, en un fraternel unisson, qui servira à faire des conventions une force vive et salutaire pour la paix dans la communauté mondiale. Parlant des relations humaines, saint Paul déclare aux Romains : « Celui qui aime son prochain a accompli la loi » (Rm 13,8).

En effet, comment peut-on s'attendre à ce que disparaissent les derniers sombres vestiges de la méfiance, à moins que les hommes de bonne volonté, partout, d'abord chez eux, puis à l'étranger, ne donnent la preuve que le juste respect qu'ils professent à l'égard de la conscience et de la dignité humaines est solidement établi sur le roc de la fraternité, en Dieu, et non sur les sables mouvants d'expédients économiques ou politiques ? Le coeur ouvert — Nous sommes certain que vous serez d'accord — demeure encore plus que la main ouverte le plus sûr témoignage de sincérité, et dès lors de rectitude morale, pour les nations comme pour le prochain.

Quand vous aurez terminé votre mission présidentielle de bonne volonté, M. le vice-président, Dieu veuille que vous puissiez rapporter avec vous en Amérique une abondance de bonnes nouvelles des continents que vous aurez visités, l'évidence immédiate et encourageante de l'estime croissante du monde pour les valeurs spirituelles éternelles, conservées précieusement pour toujours dans l'Evangile du Prince de la Paix, sur lequel toutes nos institutions humaines, qu'elles soient petites ou grandes, s'appuieront avec sécurité. Avec une profonde affection, Nous prions pour que les bénédictions du Ciel soient accordées à tous vos concitoyens et à leur cher président. Puisse Dieu lui accorder santé et réconfort dans les tâches ardues de sa haute charge et dans son oeuvre incessante pour la cause de la paix du monde.


PRIÈRE POUR L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DU SACRÉ-COEUR

(iS mars 1957) 1



A l'occasion de la Journée consacrée par les catholiques italiens à l'Université du Sacré-Coeur de Milan, le Pape a composé une prière en italien, dont voici la traduction :

O Seigneur, tout-puissant et éternel, Dieu de sagesse et de science, en qui toutes les vérités ont leur origine et leur modèle et en qui toutes peuvent être contemplées et admirées comme à leur source même, écoutez avec bienveillance les prières que professeurs et étudiants, nous vous adressons, pour ne pas faillir dans notre travail, pour ne jamais nous égarer dans l'orientation de nos efforts et pour atteindre enfin le but que nous nous sommes fixés dans notre chère Université catholique du Sacré-Coeur.

Soyez, ô Seigneur, notre aide et notre soutien, dans les heures ardues mais sublimes consacrées à l'étude, lorsque nos pauvres intelligences s'efforcent de s'élever jusqu'aux sommets suprêmes de la science, et que les difficultés s'accumulent devant nous.

Soyez aussi, ô vérité infinie, la lumière qui éclaire constamment nos pas et nous indique la voie sûre, nous dévoilant les embûches et les pièges de l'erreur et de la malice, nous gardant des sentiers insidieux qui voudraient nous égarer, dissipant devant nos yeux les brumes et les ombres de la tromperie et du mensonge.

1 D'après le texte français de VOsseruatore Romano, da 19 avril 1957.




Accordez-nous de conquérir la vérité, cette vérité qui est une manifestation de votre pensée éternelle dans l'immense harmonie des oeuvres de votre main, une expression imparfaite de votre

volonté qui détermine la façon d'être et d'agir de toutes choses, une pâle image de votre essence, faiblement reflétée dans la bonté, dans la beauté et dans la forte et mystérieuse activité de toute la création.

A nous, professeurs, donnez avant tout le sens surnaturel de notre mission, afin que nous nous appliquions à modeler les âmes par la formation des intelligences, par l'affermissement du caractère, la communication de la science et l'acquisition des vertus, sans jamais reculer devant les sacrifices qu'exige, même dans les joies les plus pures qu'elle départit, notre fonction de professeurs ; si celle-ci doit être exercée vraiment en votre nom, elle réclame avant tout chez nous-mêmes les biens que nous avons à transmettre aux autres.

A nous, disciples, inculquez dans notre esprit, avec la conscience de notre responsabilité de répondre aux moyens si excellents qui nous sont offerts dans cet insigne Institut universitaire, un fervent amour de la vérité et de l'étude, dans l'espoir d'être demain parmi les fils les plus fidèles de l'Eglise et de vaillants citoyens de la patrie ; et en même temps cet esprit de respect et de discipline qui n'est nullement incompatible avec l'allégresse et le dynamisme de notre jeunesse.

Et faites que tous unis, professeurs, étudiants, amis et collaborateurs, nous formions une véritable famille, un foyer dont vous soyez le Père : alors, après avoir, cherché ici-bas à découvrir vos traces par nos études, nous pourrons vous contempler face à face, dans l'autre vie, et être heureux durant toute l'éternité. Ainsi soit-il !


MOTU PROPRIO «SACRAM COMMUNIONEM

(19 mars 1957) 1






A la Constitution apostolique « Christus Dominus » sur le jeûne eucharistique, Sa Sainteté Pie XII a ajouté ce Motu proprio « Sacram communionem », par lequel il autorise la célébration tous les jours de la messe du soir, si le bien d'une grande partie des fidèles le requiert, et étend à la communion du matin les facultés déjà accordées pour la communion dans la soirée. Voici la traduction du texte original latin :

Au début de 1953, Nous avons promulgué la Constitution apostolique Christus Dominus 2, pour faciliter aux fidèles un accès fréquent à la Table eucharistique et l'observation du précepte d'assister à la sainte messe les jours de fête : Nous atténuions, en effet, la rigueur de la loi du jeûne eucharistique et autorisions les ordinaires des lieux à permettre la célébration de la messe et la distribution de la sainte communion, l'après-midi, à condition d'observer certaines conditions.

Nous réduisons le temps de jeûne à observer avant la messe ou la sainte communion, respectivement célébrée ou reçue l'après-midi, à trois heures pour les aliments solides et à une heure pour les liquides non alcoolisés.

1 D'après le texte latin des A A. S., XXXXIX, 1957, p. 177 ; traduction française de l'Osservatore Romano, du 5 avril 1957.

2 Documents Pontificaux 1953, pp. 21 et suiv.




Les évêques Nous signifièrent leur profonde gratitude pour ces concessions, qui avaient produit des fruits abondants, et beaucoup Nous ont prié avec insistance de les autoriser à permettre, chaque jour, la célébration de la messe au cours de l'après-midi, en vue du grand profit qu'en tireraient les fidèles. Ils Nous ont en outre prié d'uniformiser la durée du jeûne à observer avant la messe ou la sainte communion, respectivement célébrée ou reçue durant les heures de l'après-midi.

Etant donné les changements considérables qui se sont produits dans l'organisation du travail et des services publics et dans toute la vie sociale, Nous avons jugé bon d'accueillir les demandes pressantes des évêques et, en conséquence, Nous avons décrété :

1. Les ordinaires des lieux, à l'exclusion des vicaires généraux non munis d'un mandat spécial, peuvent permettre, chaque jour, la célébration de la sainte messe durant les heures de l'après-midi, à condition que ce soit réclamé par le bien spirituel d'une partie notable des fidèles.

2. Les prêtres et les fidèles sont tenus à s'abstenir, pendant trois heures, d'aliments solides et de boissons alcoolisées, pendant une heure de boissons non alcoolisées, respectivement avant la messe ou la sainte communion : l'eau ne rompt pas le jeûne.

3. Dorénavant, le jeûne devra aussi être observé, pour la durée indiquée au n° 2, par ceux qui célèbrent ou qui reçoivent la sainte communion à minuit ou les premières heures du jour.

4. Les malades, même s'ils ne sont pas alités, peuvent prendre des boissons non alcoolisées et de véritables remèdes, aussi bien solides que liquides, respectivement avant la messe ou la sainte communion, sans limites de temps.

Mais Nous exhortons vivement les prêtres et les fidèles, qui sont en mesure de le faire, d'observer, avant la messe ou la sainte communion, l'antique et vénérable forme du jeûne eucharistique.

Et que tous ceux qui bénéficieront de ces facultés veuillent compenser l'avantage reçu, par l'exemple rayonnant de leur vie chrétienne et principalement par des oeuvres de pénitence et de charité.

Les dispositions de ce Motu Proprio entreront en vigueur le 25 mars 1957, fête de l'Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie.

î Cf. ci-après, p. 759—760, les réponses de la Suprême Congrégation du Saint-Office aux questions qui ont été posées à la suite de la promulgation du présent Motu propria.




Toute disposition contraire, même digne de mention spéciale, est abrogée 2.


ALLOCUTION AUX ARTISTES DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE

(20 mars 1957) 1






Recevant en audience spéciale les artistes de la Comédie-Française, venus à Rome pour une série de représentations, le Pape leur a adressé en français l'allocution suivante :

Nous sommes très sensible, Messieurs, aux sentiments qui inspirent votre visite et ne dissimulons pas le plaisir que Nous procure cette rencontre avec des artistes de la Comédie-Française venus à Rome pour y faire briller l'éclat du plus illustre théâtre de leur pays. Bien volontiers Nous vous disons toute Notre estime et vous adressons Nos félicitations pour la perfection, à laquelle vous avez su porter l'exercice de votre art.

1 D'après le texte français de l'Osservatore Romano, du 29 mars 1957.




C'est une tâche ardue que d'interpréter devant un public sensible et exigeant les oeuvres de maîtres réputés. Grâce aux ressources de votre talent, vous insufflez aux personnages qu'ils ont créés une existence, éphémère sans doute, mais combien riche de sens et de passion. On vous demande d'oublier votre personnalité, ou plutôt de la prêter en quelque sorte pour une métamorphose étrange, qui l'identifie tantôt à celle d'un héros, tantôt à celle d'un révolté. Sous ses transformations successives, où le spectateur aime à se reconnaître, l'acteur reste lui-même, aux prises avec sa propre destinée, avec l'effort quotidien, fécond ou décevant, avec ses difficultés, ses espoirs et ses souffrances. Aussi vous souhaitons-Nous d'unir à la maîtrise de vos moyens d'expression, celle plus importante de l'esprit et du coeur. Si dans les personnages que vous jouez sont mêlés le bien et le mal, sachez pratiquer le juste discernement et n'admettez en vousmêmes que les idées et les sentiments, qui vous élèveront et qui élèveront tous ceux sur qui vous exercerez votre influence.

Ainsi saurez-vous conserver, aux heures de joie et de peine, la sérénité d'âme, dont l'un de vos plus grands poètes, à l'apogée de sa carrière, vous confie le secret : D'un coeur qui t'aime Mon Dieu, qui peut troubler la paix ? 2

En gage de la protection divine que Nous invoquons de tout coeur sur vous et sur vos familles, Nous vous accordons Notre Bénédiction apostolique.





















































Racine. Athalie, acte III, sc. 8


DISCOURS AU COLLÈGE ESPAGNOL

(21 mars 1957J 1






Recevant en audience spéciale un groupe de nouveaux prêtres du Collège pontifical espagnol, accompagnés de leurs familles, le Saint-Père leur a adressé dans leur langue maternelle un discours, dont voici la traduction :

Avec la même ponctualité avec laquelle le printemps offre à la terre la splendeur des fleurs odorantes, promesse certaine de fruits savoureux, notre cher Collège espagnol de Saint-Joseph, en ce printemps des âmes qu'est la proximité de Pâques, offre à l'Eglise et à sa patrie cette merveilleuse floraison, cette certitude de fruits très précieux que sont les nouveaux prêtres, couronnement et récompense de toute une longue activité, dont ils sont le principal objet et le plus digne achèvement.

Et, cette année, cela a été précisément votre tour, très chers fils, comme Nous le disent si bien vos visages radieux, vos yeux baignés de larmes et vos mains que l'on sent encore humides de l'onction sainte, qui a pénétré jusqu'au plus profond de vos esprits. Magnificat anima mea Dominum... quia fecit mihi magna qui potens est ; parce que parmi tous ceux qui, un jour, participèrent peut-être à vos premiers rêves, parmi tous ceux qui ont peut-être fait avec vous les premiers pas vers le seuil du Sanctuaire, parmi tous ceux qui se seront agenouillés avec vous aux bancs de la chapelle ou se seront assis avec vous à l'école, c'est seulement vous qui être arrivés au sommet, qui avez atteint le but ; et cela, non seulement par votre travail et votre persévérance, par l'ardeur de votre charité et la vigueur de votre foi, par le zèle apostolique que vous portiez dans le coeur, mais aussi et encore plus par la bonté et la miséricorde infinies de Celui qui vous a dit, un jour : ego elegi vos (Jean xv, 16), pour vous faire les continuateurs de son sacerdoce unique, en offrant, chaque jour, le même sacrifice, en enseignant les peuples en son nom et en répandant à pleines mains les flots salutaires de sa grâce.

C'est par conséquent à Lui que doivent aller toute votre reconnaissance et tout votre amour ! A Lui votre promesse de fidélité inébranlable ! A Lui votre fervente prière d'aujourd'hui et de chaque jour, pour être moins indignes d'un si haut ministère, comme dit l'Ange de l'Ecole 2, sacerdos, inquantum est medius inter Deum et populum, Angeli nomen habet. Que les Anges du Ciel guident donc vos pas et vous soutiennent dans votre minis-nère futur !

En même temps, pour répondre à vos voeux filiaux, très chers fils, prêtres espagnols, qui portez écrit sur votre front l'honneur d'avoir reçu l'imposition des mains dans le centre même de la chrétienté, Nous voulons vous dire en quelques paroles ce qui, en ce moment, Nous semble pouvoir être les trois caractéristiques de romanité, qui vous distingueront pendant toute la vie.



Rome est le centre de la formation sacerdotale.

1. — Tout d'abord, dans le cas présent, romanité pourrait vouloir dire un degré singulier de perfection dans tout ce qui a trait à votre formation.

2 S. Thomas, 3 p. q. 22 a. 1 ad ium.




Choisis déjà parmi les jeunes séminaristes de vos diocèses, vous avez pu, en cette Rome, vous mettre en contact avec des maîtres dans la vertu et dans la science, qui, chacun dans son propre domaine, ont été également l'objet d'un choix soigneux ; sans parler aussi des moyens extraordinaires de préparation et d'étude qui ont été mis à votre disposition. Tout a nécessairement contribué à modeler de façon éminente vos caractères, à cultiver vos intelligences, à élargir vos horizons humains et scientifiques et à enrichir vos âmes par les meilleurs exemples, les plus hautes leçons, les souvenirs les plus significatifs, les réalisations les plus grandioses contemplées par vos yeux. C'est ainsi qu'un prêtre formé à Rome devrait être, plus que tout autre, un exemple constant de doctrine profonde et sûre, un esprit sou-




COLLÈGE ESPAGNOL



111



pie et cultivé ; il devrait être surtout un modèle parfait de toutes les vertus sacerdotales.



Rome est le centre de la catholicité.

2. — En second lieu, Nous dirions que, dans ce cas, romanité
pourrait signifier aussi ampleur, largeur, universalité ; un peu
comme si romanité fût synonyme de catholicité.

Toute l'Eglise du Christ est un corps vivant, où il est facile de percevoir dans tous ses membres les pulsations de cette ampleur débordante, qui sont une de ses notes essentielles. Mai ici, à Rome, c'est-à-dire au coeur de ce grand organisme, pourquoi ne pourrait-on affirmer que le courant s'y manifeste avec une plus grande force ; que l'on sent, que l'on touche cette réalité vivante, cette catholicité qui fait place à tous, qui fait que tous sont frères sans distinction d'origine et de race ; cette réalité qui les confond tous en un embrassement commun de fraternité ineffable ?

Votre peuple, très chers fils, bien que placé en un coin de la vieille Europe, est conscient que, dans le monde d'aujourd'hui, retentissent déjà les trompettes qui doivent abattre les murs lézardés des particularismes mesquins, pour ouvrir un vaste champ à l'universalité. Vous, de Rome, avec votre sacerdoce romain, vous pouvez lui apporter une plus grande mesure de généreuse catholicité qui, sans le priver de ses magnifiques caractéristiques et de ses riches particularités, serve à l'incorporer de plus en plus résolument dans ces courants de coopération mutuelle, où beaucoup, aujourd'hui, voient l'avenir et le salut du monde ; qui serve surtout à lui faire vivre toujours plus intensément ce sens catholique, lequel, au besoin, sait se dépasser pour mieux parvenir aux autres, sans préventions contre personne et avec la ferme volonté de ne pas reculer même devant le sacrifice, si c'était nécessaire, pour un bien plus universel.



Rome est la ville du Vicaire du Christ.

3. — Enfin, il semble évident que la romanité devrait égale-
ment signifier un sentiment profond et enraciné qu'à Rome se
trouve le centre de l'Eglise, qu'y demeure le Vicaire du Christ,
dont la mission est de guider le troupeau universel.

Nous, qui n'ignorons pas Nos limites et Nos faiblesses, Nous croyons cependant pouvoir dire que Nous Nous efforçons continuellement d'accomplir Notre devoir pastoral, en faisant entendre Notre parole fortiter et suaviter (opportune et importune), le coeur toujours tendu vers le plus grand bien de tous Nos fils. Puissions-Nous toujours dire avec la même certitude que Notre voix est écoutée et accueillie, comprise et acceptée, diligemment suivie ! Tous les prêtres, mais particulièrement les prêtres romains pourraient considérer comme leur fonction particulière de ne jamais perdre ce contact vivant avec Rome, de communiquer aux âmes confiées à leurs soins toute parole venue de Rome, avec la même compréhension et le même amour avec lesquels elle a été prononcée.

Très chers fils, votre ordination sacerdotale sera-t-elle la dernière, sortie de l'antique et glorieux palais Altemps ? Dans ce cas, il conviendrait que vous fissiez honneur à cette résidence traditionnelle qui, pendant si longtemps, vous a offert une hospitalité maternelle, en laissant toujours vos noms en bonne place.

Vous recevez le pouvoir de consacrer le Pain des Anges en un moment où l'Espagne catholique se prépare à continuer la magnifique série des Congrès eucharistiques. Que ce soit comme le symbole du renouvellement que par ce moyen votre peuple attend de vous.

Tous les souhaits donc pour vous et pour vos frères qui ont reçu les autres ordres sacrés ; pour vos diocèses et pour toute votre patrie. Tous les souhaits pour vos parents, aujourd'hui comblés de félicité ; que le Seigneur les conserve encore pendant de nombreuses années ! Tous les souhaits pour Notre Collège espagnol qui Nous procure continuellement tant de réconfort.

Et à tous Notre meilleure bénédiction de Père, dans laquelle Il voudrait vous comprendre spécialement, vous les nouveaux prêtres, avec toute cette légion invisible d'âmes, qui de votre ministère attend lumière, soutien, grâce et salut.


ALLOCUTION AUX MEMBRES DE LACADÉMIE AMÉRICAINE DE ROME

(23 mars 1957)1


1 D'après le texte anglais de Discorsi e radiomessaggi, 19, traduction française de l'Osservatore Romano, du 5 avril 1957.

Recevant en audience les membres de l'Académie américaine de Rome, le Pape prononça une allocution en anglais, dont voici la traduction :


Voici un groupe de savants et d'étudiants, qui ont entendu l'appel de Rome : la Rome des Césars, celle des premiers martyrs chrétiens, la Rome médiévale et la Rome plus moderne. C'est un plaisir pour Nous d'accéder à votre requête et de vous souhaiter la bienvenue ce matin ici même, sur la colline vaticane, moins haute il est vrai que les sept collines, fameuses dans le passé, mais non moins riche d'histoire et de précieux trésors. Elle est le siège de ce pouvoir spirituel qui s'étend à travers les siècles, en remontant jusqu'au jour où Paul de Tarse rencontra pour la première fois les frères romains venus au devant de lui jusqu'au Forum Appius et aux Trois Tavernes (Ac 28,15) pour ne quitter la ville que plus tard, quand le temps de son emprisonnement terminé, il franchit l'ombre pointue de la tombe de Cestius, qui s'allongeait sur la voie conduisant à Ostie.

Si « l'histoire est un témoin des âges, une lumière de la vérité, une gardienne de la mémoire, une maîtresse de vie », comme le voulait l'éloquent Cicéron — Historia vero testis temporum, lux veritatis, vita memoriae, magister vitae 2 — est-il surprenant qu'avec sa collaboratrice l'archéologie, on la voie prêter son aide aux monuments de l'antiquité pour laisser à l'homme leurs plus profondes impressions et lui permettre même de partager plus

intimement le génie des plus nobles poètes latins et des plus éminents sculpteurs et peintres ? Parmi lés scènes autour desquelles l'histoire du monde s'est déroulée pendant tant de générations, l'esprit de l'authentique culture humaine, dans une atmosphère d'art et touché par l'inspiration des chefs-d'oeuvre, se développera et s'élèvera aux sommets où la douce voix du chantre d'Israël atteint l'âme et se fait entendre dans la louange de Celui, qui est la beauté suprême, au-dessus de tout ce que la pierre, le chant et la toile peuvent produire (Psaume en).

Nous sommes particulièrement heureux d'ajouter à votre intention Notre parole d'encouragement à vos études et recherches. Les arts et les sciences peuvent également forger l'anneau qui unira tous les peuples plus étroitement en Dieu.


2 De Orat. I. II, cap. IX, n. 36.



DISCOURS AUX ÉLÈVES DES LYCÉES DE ROME

(24 mars 1957) 1






Le dimanche 24 mars 1957, plus de 50.000 garçons et filles des écoles secondaires d'Etat de Rome ont participé à la grande audience que leur a accordée le Saint-Père dans la Basilique Vaticane, et au cours de laquelle le Pape a prononcé en italien un important discours, dont voici la traduction :

Encore une fois, Nous voyons cette Basilique patriarcale remplie d'une foule joyeuse de jeunes, encore une fois, Nos yeux contemplent comme une floraison de printemps, tandis que ces murs sacrés en entendent pour ainsi dire les frémissements mystérieux. Nous vous remercions, chers fils et filles, pour la joie que vous Nous procurez et pour l'espérance que vous faites naître dans Notre coeur paternel en Nous donnant la confirmation que le problème religieux et moral des élèves romains s'achemine vers une heureuse solution.

Nous ne saurions vous dire ce qu'éprouve Notre esprit en voyant présente ici une si grande partie de la jeunesse des écoles secondaires d'Etat de Rome ; Nous avons appris avec quelle ferveur vous vous êtes préparés à rencontrer le Père commun, qui vous aime tant ; Nous avons eu connaissance de nombreux épisodes, gentils et touchants, de piété filiale, d'esprit de foi et d'amour. Des classes entières ont observé un silence et un comportement si édifiants que les professeurs en ont été eux-mêmes émerveillés. Sacrifices de spectacles de cinéma, de théâtre, de télévision — et cela des milliers de fois — ; actes de charité envers les pauvres ; obéissance exemplaire à la maison et à l'école ; éloignement d'occasions faciles de péché ; saintes messes écou-





tées, communions reçues : voilà un bilan qui remplit de joie indicible Notre coeur paternel. Plusieurs jeunes gens, demeurés jusqu'à présent à l'écart de la pratique religieuse, ont même retrouvé en cette occasion la grâce de Dieu et quelques jeunes âmes n'appartenant pas à l'Eglise catholique ont elles aussi voulu s'associer, comme elles le pouvaient, à ce tribut de foi, de générosité et d'amour. Naturellement Notre affectueuse reconnaissance va à ceux qui, avec un zèle éclairé, ont veillé à la préparation lointaine et proche de cette journée inoubliable.

A côté de ce que les chers et dévoués professeurs de religion accomplissent dans l'école, Nous sommes très heureux du nombre et de la vigueur des activités spirituelles, récréatives et culturelles organisées par le Centre étudiant romain, encore jeune mais déjà si méritant. Il reste encore beaucoup à faire, mais on peut affirmer que la présence catholique dans les milieux scolaires romains devient de plus en plus vivante et efficace.

Et pourtant, comme Nous suivons avec une anxiété paternelle tout ce qui vous concerne, Nous n'ignorons pas que vous êtes parfois troublés et parfois défiants : cela provient de ce que vous considérez le grandiose progrès scientifique et le développement technique qui en dérive, en le comparant — et alors la tristesse s'empare de beaucoup — avec ce qui se passe aujourd'hui et pourrait arriver demain. Votre méfiance atteint un peu tout l'ensemble et n'épargne même pas l'école : parce que, dites-vous, les professeurs ne répondraient pas à votre attente, ou que les programmes vous apparaissent vieillis ; tandis que tout vous semble souvent ne plus être adapté aux exigences nouvelles et aux nouvelles orientations.

Ceux qui — comme vos éducateurs et, spécialement, vos prêtres — savent aller au-delà de ce que vous manifestez, découvrent facilement la raison de ces impatiences et de cette inquiétude. Vous êtes mécontents de la façon dont va le monde et vous aspirez à construire du nouveau. Et s'il est vrai que beaucoup de jeunes gens sont désorientés et incertains, qu'ils gémissent en se plaignant de l'inutilité de toute tentative de renaissance et de relèvement, il est également indubitable que d'autres — beaucoup d'autres — sont pleins d'un espoir confiant.

Vous êtes parmi ceux-ci, chers fils : on ne peut donc vraiment pas dire de vous que vous êtes une jeunesse « brûlée ». Il serait mieux de dire une jeunesse ardente, une jeunesse brûlante ; prête à allumer et à répandre le feu que Jésus vint apporter sur la terre. Mais afin que votre dessein ne reste pas comme une vaine parole, il est nécessaire que, dès à présent, vous ne négligiez rien de ce que votre état exige de vous. Et voici le devoir de l'étude, de l'étude sérieuse, de l'étude organique, de l'étude complète. Voici la recherche de la vérité, voici l'effort pour la posséder ; voici enfin la volonté de la mettre en application par les oeuvres.




Pie XII 1957 - IV» CONGRÈS DE LA VIE RURALE