Pie XII 1957 - SUR LES PROBLÈMES DE LA RÉANIMATION


RADIOMESSAGE POUR LA CLÔTURE DE LA GRANDE MISSION DE MILAN

(24 novembre 1957) 1






Clôturant la Mission extraordinaire prêchêe à Milan, durant les semaines précédentes sur l'initiative de son archevêque, Son Exc. Monseigneur Montini, le Souverain Pontife s'est adressé aux fidèles de la florissante cité lombarde en un radiomessage en italien, dont nous publions la traduction suivante :

En cette heure de ferveur religieuse, allumée et ravivée par la Mission extraordinaire que vous vous apprêtez à conclure en priant le « Père d'immense majesté », que vous parvienne, chers fils et filles de Milan, comme réconfort et soutien de vos saintes résolutions, Notre affectueux salut : le même que saint Pierre, prince des apôtres et premier Vicaire du Christ sur la terre, adressait aux fidèles des communautés chrétiennes naissantes, comme vous « objet de la prescience de Dieu le Père et de la sanctification du Saint-Esprit pour vous soumettre à Jésus-Christ et recevoir l'aspersion de son sang : grâce et paix vous soient départies en abondance » (1P 1,2).



Taire de la cité terrestre une « Cité de Dieu ».

En cette heure, il Nous semble voir votre cité unie comme « un seul coeur et une seule âme » (Ac 4,32) autour de son pasteur et de ses curés, face aux autels sacrés, sous les voûtes de son admirable dôme, dans les basiliques chargées de glorieux souvenirs, dans les nombreuses églises paroissiales, disséminées au milieu de l'étendue croissante des quartiers modernes et industriels comme des oasis de fraîcheur spirituelle ; Milan, coeur palpitant de l'économie nationale, promotrice décidée de toutes sortes d'activités dans les domaines de la culture et de l'art, recueillie comme elle l'est, à présent, en prière, Nous suggère l'image de cette « Cité de Dieu », illustrée et souhaitée par saint Augustin : appliquée, certes, à réaliser son propre destin terrestre, mais cela conformément aux desseins suprêmes du Tout-Puissant, dans une libre soumission à son pouvoir, dans un rapport constant d'amour envers lui.

Faire de la cité terrestre une « Cité de Dieu » : n'est-ce donc pas là le but final de la mission divine de l'Eglise dans le monde ? C'est également le but que s'est proposé la Mission extraordinaire, qui, ainsi qu'une vague salutaire de grâce, a passé sur votre ville et à laquelle, vous Milanais, vous avez répondu avec une docilité édifiante. Les ravissements intimes, les ardentes élévations, les résolutions de sainteté, les retours aux sentiers de la justice, les prodiges secrets qui ont changé les coeurs froids ou indifférents en tabernacles vivants du Saint-Esprit, s'ils échappent aux yeux des hommes, demeureront inscrits pour toujours dans le livre de vie.

Aussi, dans quelques instants, jaillira de vos poitrines l'hymne de l'adoration et de l'action de grâces — le Te Deum — par lequel vous professerez publiquement votre foi en Dieu, en la Trinité, en fondant sur sa miséricorde une espérance qui ne sera pas déçue dans l'éternité. Combien voudrions-Nous qu'à l'immense choeur, qui est sur le point de s'élever des nefs sacrées des églises et de l'intimité de vos demeures, ne manquât même pas une seule voix de tous ceux qui séjournent dans votre ville, protégés avec amour par la gracieuse « Madonnina », sous le « ciel de Lombardie, si beau..., si splendide, si paisible » 2. Nous voudrions même que se joignent à ce choeur fervent les voix de la nature environnante, comme déjà le prophète (Dan., ni, 57 et suiv.), les écouta, bénissant le Seigneur, et celles, résonnantes et retentissantes, de vos chantiers et de vos usines, des machines et des instruments de votre travail fiévreux, parce que « toute la terre, ô Père éternel, te vénère... Les cieux et la terre sont pleins de la majesté de ta gloire 3.



Manzoni, 1 promessi sposi, chap. 17. Hymn. Ambros. Te Deum.



Le Te Deum aura à juste titre la signification de la reconnaissance pour l'abondance des grâces immédiates, qui vous ont été prodiguées par Dieu en ces jours de salut : mais il ne sera pas, il ne doit pas être le signal de la fin, comme si était déjà accomplie l'oeuvre que la Mission extraordinaire s'était fixée comme but. Une cité terrestre ne se change pas en quelques jours en une « Cité de Dieu ». Milan devra perfectionner ce qu'elle a commencé, approfondir ce qu'elle a entrevu, mûrir ce qu'elle a semé. La grande Mission ne devra point passer dans les annales comme un épisode splendide, mais passager, de ferveur religieuse, mais au contraire elle devra marquer la date historique de la renaissance spirituelle de toute la ville, demeurer comme un document de l'engagement que chacun de vous a pris devant Dieu et devant l'Eglise.



Technique et religion sont-elles valeurs inconciliables ?

La miséricordieuse et sage providence de Dieu le Père vous a appelés à cette oeuvre en un moment opportun. Les événements humains de ces dernières années et de ces derniers mois, qui se précipitent à un rythme accéléré, avertissent que les nations s'approchent de plus en plus de la bifurcation du salut ou de la ruine. L'humanité se trouve au point où il lui faut choisir entre les garanties de salut et de prospérité offertes par la technique exclusivement matérialiste et celles, plus sûres et plus dignes de l'homme, présentées par une suprématie renouvelée de l'esprit. Comme toutes les métropoles grandes et modernes, dont la vie se base sur le travail productif de la grande industrie, Milan sent elle aussi les dangers de cette alternative, de l'attrait des mirages matérialistes et peut-être même du préjugé qui voudrait opposer, comme valeurs inconciliables, le progrès et la religion. Non, chers fils. La suprématie de l'esprit n'exige pas le renoncement à la prospérité ni la contrainte de l'élan technique vers un progrès toujours plus grand ; mais, d'un côté, elle suggère sagement de ne pas chercher dans l'abondance des biens matériels la félicité de la vie présente ; tandis que, d'un autre côté, elle avertit de ne pas laisser les lois et le cours du progrès technique dominer au point de se transformer en un tyran déraisonnable et inhumain. Maintenez à l'abri de toute embûche plus ou moins cachée la vraie liberté et la dignité de l'esprit, comme seules valeurs capables de sauver le patrimoine commun de civilisation déjà acquis et de garantir une sécurité au bien-être futur.

Aussi est-ce pour Nous un intime réconfort d'apprendre que Milan, dans la partie la plus digne de son excellente population, a donné ces jours derniers la preuve de vouloir rester fidèle à sa grande tradition de religion et de civilisation. Elle n'a pas oublié, et Nous sommes certain qu'elle n'oubliera pas, l'enseignement de son incomparable évêque saint Ambroise, de qui dérivent ses plus hautes traditions, et qui aujourd'hui se fait entendre comme un avertissement aux adorateurs de la matière : Humanis enim divina praestare non dubium est, et corporalibus spiritalia : Il n'est pas douteux que les choses divines doivent prévaloir sur les choses humaines, le spirituel sur le corporel4 : ni l'autre adressé à chacun de vos ancêtres, comme source d'une existence féconde et sûre : Vita tua Christus est, ipse est vita quae mori nescit : ta vie est le Christ, Il est la vie qui ne connaît pas de mort5. La suprématie de l'esprit, comme garantie de l'avenir, et l'adhésion au Christ, comme source de vie : voilà les points fondamentaux sur lesquels devra se fonder la « Cité de Dieu ».



Chacun peut s'employer à construire la « Cité de Dieu », dont le plan a été largement développé au cours de la Mission extraordinaire.

Apprêtez-vous donc promptement à la bâtir, vous si enclins à sentir la fascination d'élever du sol nu d'imposants édifices, d'ouvrir d'amples voies, de jeter des ponts audacieux, de dresser de puissantes digues, en un mot de «construire». Personne ne peut contester à votre ville l'admirable floraison présente des institutions religieuses, culturelles, éducatives et d'assistance publique ; le travail des clercs et des religieux est tout aussi louable et efficace ; et l'initiative des organisations catholiques est active dans les sciences, dans les arts, dans la presse. Il reste toutefois encore un grand champ ouvert à qui veut « construire », particulièrement pour étendre à tous les milieux l'instruction religieuse, pour rendre plus intense l'influence chrétienne dans le monde du travail, pour attirer la jeunesse sur les sentiers de l'austérité de vie nécessaire, pour renforcer les

4 S. Ambroise, Expos, in Luc, lib. 4, n. 20 ; Migne P. L., t. XV, col. 1702.

5 Ibid., lib. 7, n. 1 ; 1. c. col. 1786.

traditions chrétiennes de la famille, pour susciter dans tout le peuple la conscience des devoirs inéluctables envers Dieu. Employez ces talents particuliers qui vous distinguent et qui vous valent l'estime universelle : l'activité inlassable, le sérieux dans les engagements, la largeur de vues dans le choix des moyens nécessaires, la rapidité et l'exactitude dans l'exécution. Suivez aussi, dans cette oeuvre d'édification spirituelle, l'impulsion de votre caractère à exceller dans tout ce que vous entreprenez, car de votre exemple résultera un grand avantage pour toute la nation, certainement plus grand encore et plus élevé que celui, déjà si apprécié, que lui procurent les produits de vos industries bien organisées.

Il n'est pas nécessaire, du reste, que vous cherchiez bien loin ce que doit être le plan de la « Cité de Dieu » que vous vous proposez de construire : il a été amplement développé au cours de la Mission extraordinaire, tandis que l'Eglise, à qui Dieu a confié la direction dans l'exécution de l'oeuvre, est présente à chaque instant au milieu de vous, en vos pasteurs, toujours prêts à vous éclairer, à vous soutenir, à vous défendre. Reconnaissez dans ses représentants le Christ lui-même et soyez dociles et fidèles à leurs enseignements.

Et maintenant, en prenant congé de vous, Nous vous bénissons tous de tout coeur. En premier lieu votre archevêque aimé, le vénérable clergé, les religieux zélés et les très pieuses religieuses, les inlassables et très nombreux prédicateurs, et tous ceux qui se sont appliqués au bon résultat de la Mission ; les autorités, que Nous entendons remercier pour les bienveillantes dispositions manifestées ; tous les citoyens et tous les fidèles du cher archidiocèse des saints Ambroise et Charles. Nous confions à « Maria Nascente », votre patronne céleste, la continuité de cette renaissance spirituelle, afin que la paix du Christ règne perpétuellement dans vos coeurs (Col., ni, 15).

Deo autem et Patri nostro gloria in saecula saeculorum. Amen. (Ph 4,20).


DISCOURS AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE ALLEMANDE

(27 novembre 1957) 1






Recevant en visite officielle Son Exc. le Dr Théodore Heuss, président de la République fédérale allemande, auquel se joignirent, une fois l'entretien privé terminé, le ministre des Affaires étrangères et les autres personnages de la suite, le Souverain Pontife adressa aux présents le discours en allemand dont nous donnons la traduction suivante :

Nous vous souhaitons la bienvenue, illustres Messieurs : monsieur le ministre des Affaires étrangères von Brentano, monsieur l'ambassadeur comte Strachwitz, et vous autres messieurs de la suite du président fédéral.

Votre visite, Monsieur le Président, Nous offre l'heureuse occasion de vous exprimer Nos voeux et, en votre personne, au peuple allemand. La guerre perdue a accumulé les ruines provoquées par elle. Elle a laissé derrière elle d'immenses désastres économiques et une catastrophe politique peut-être encore plus angoissante, à l'intérieur et à l'extérieur. Ce qui restait de l'Allemagne devait en outre, en un temps des plus brefs, accueillir et prendre en charge des millions de réfugiés provenant de la partie orientale. Enfin, le peuple devait subir, d'un jour à l'autre, une très grave dévaluation monétaire.

1 D'après le texte allemand des A A. S., XXXXIX, 1957, p. 1033 ; traduction française de l'Osservatore Romano, du 6 décembre 1957.




Mais l'Allemagne a dominé, on peut bien employer ce terme, cette situation qui semblait alors désespérée. Le peuple allemand a eu, à l'heure du besoin, des maîtres de la politique et de l'économie, dont les noms méritent tout le respect. Et le peuple a été docile à leur direction. On Nous a dit, quand l'Allemagne surmonta si rapidement sa catastrophe économique, qu'elle le dut avant tout au zèle inlassable et au courage de ses chefs d'entreprises — et pareillement, devons-Nous ajouter avec certitude — en non moindre mesure, à l'intelligence, à la forte volonté et à la capacité de ses ouvriers. Le peuple allemand, dès les premières années de l'après-guerre, au milieu de circonstances difficiles et en des heures décisives, a fait preuve de façon admirable d'un sens politique sain. Mais Nous devons répéter ce que Nous avons déjà dit une fois : puissent toujours la patience et la sage attente devenir un élément fort et décisif de sa maturité politique ! Nous connaissons l'anxiété du peuple allemand pour la « Zone ». Toutefois, il fera bien de la subordonner à l'intérêt commun et de la dominer de manière qu'elle ne contrarie pas mais facilite plutôt la direction de l'Etat.



Collaboration de l'Allemagne nouvelle à l'unification de l'Europe.

La vieille Allemagne a été jusqu'au-delà du milieu du XIXe siècle un organisme vital de l'Europe centrale. Or, Nous connaissons trop bien — pas seulement en raison de Notre long séjour à Munich et à Berlin — les conditions de l'Allemagne et sa position en Europe, pour ne pas Nous réjouir en voyant la nouvelle Allemagne, immédiatement après la tragique période d'un nationalisme exaspéré, dans de nouvelles conditions et sous une autre forme, participer au premier rang et avec un heureux succès à une unification de l'Europe, qui doit la rendre plus forte que jamais. Notre satisfaction est particulièrement grande en voyant que, grâce à la volonté sincère et loyale d'hommes d'Etat responsables d'une part et de l'autre, qui répondent à l'espoir et au désir de la grande majorité des peuples, désormais se sont formés le noyau et la colonne vertébrale d'une Europe unie, c'est-à-dire le rapprochement, les bons rapports et la volonté mutuelle de collaboration entre l'Allemagne et la France, ce qui est un événement attendu depuis des siècles et que Nous recommandons à la protection de Dieu.

Le dépassement des conséquences de la guerre, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur, le progrès d'une nouvelle Allemagne et le début d'une Europe unie, tout cela s'est accompli avec votre coopération personnelle, Monsieur le Président : une coopération commencée avant même que le peuple allemand, par l'intermédiaire de ses représentants, vous eût élu chef de l'Etat, et continuée ensuite durant votre présidence.



Vous y avez contribué en apportant des éléments qui caractérisent et renforcent l'état de droit en tant que tel, en en faisant une loi fondamentale, dont l'application est constamment suivie dans votre haute charge. Vous avez souligné la primauté relative de la législation sociale et vous avez été un partisan de tout ce qui pouvait servir à l'union européenne. Nous savons aussi que votre haute charge et les nombreuses possibilités qu'elles a mises à votre disposition ont donné un plus grand prestige et une plus grande efficacité à votre pensée et à votre volonté dans ces directions.

L'Allemagne et l'Europe ont encore de graves problèmes à résoudre. Si l'on veut assurer la vraie liberté et sauver la culture, auxquelles l'Europe doit sa grandeur, il faut recourir, non pas seulement ni principalement aux valeurs matérielles, mais avant tout à ces forces spirituelles et morales qui sont inhérentes à la culture, lorsque celle-ci veut défendre et favoriser la dignité de l'homme et sa liberté, pour le bien, cela s'entend. Les puissances, par lesquelles l'Europe voit menacées sa culture et sa liberté, ont également une idéologie, un fondement intellectuel, et ce n'est que sur ceux qui opposent à cette idéologie un « non » catégorique, en en tirant les conséquences logiques pour leur propre pensée et pour leur propre action, que l'on peut compter pour la liberté de l'Europe et pour la libération de la partie qui l'a perdue. Nous disons cela parce que Nous serions dans l'appréhension si l'Allemagne et l'Europe devaient se perdre complètement dans le matérialisme et parce que Nous sommes certain que Notre parole, Monsieur le Président, trouve un écho dans vos convictions.



Relations entre le Saint-Siège et la République fédérale allemande.

A ce propos, Nous voudrions faire allusion à une décision de l'année en cours, très favorable aux bonnes relations entre le Saint-Siège et l'Allemagne : en 1933, sur demande du gouvernement allemand, un concordat fut conclu avec le Reich allemand par Notre prédécesseur. Le Saint-Siège a tenu à observer exactement les articles de ce concordat même après la fin de la guerre, avec la certitude qu'il appartient à cette catégorie de conventions, dont le maintien fut explicitement confirmé en 1945. Aussi avons-Nous été particulièrement heureux du fait que vous, Monsieur le Président, et le gouvernement fédéral.

vous ayez exprimé la même opinion. Maintenant la Cour suprême de l'Allemagne fédérale, constituée pour régler les questions constitutionnelles, s'est également prononcée dans ce sens, si bien, qu'à Notre satisfaction, une pleine sécurité juridique a été rendue aux rapports entre le Saint-Siège et la République fédérale d'Allemagne.

Les concordats sont des instruments juridiques ; mais, considérés à l'égard du vrai bien de la population et de l'Etat, ils visent à établir les conditions grâce auxquelles l'Eglise catholique ou les catholiques d'un pays déterminé pourront librement et tranquillement développer et appliquer leur doctrine. Nous pensons qu'en considérant l'histoire et le présent Nous sommes en droit d'affirmer : la doctrine catholique, entendue comme idée et comme action, peut apporter la contribution de précieuses valeurs quand il s'agit de conserver le fondement spirituel et moral de la vraie et meilleure culture européenne, un fondement sans lequel la lutte pour la liberté contre un adversaire comme cette idéologie devenue une telle puissance, serait perdue déjà au début.

Nous souhaitons au peuple allemand de développer de plus en plus sa prospérité économique et encore davantage sa force religieuse et morale. Avec cette espérance, Nous lui envoyons, par votre entremise, Monsieur le Président, Notre salut le plus cordial, en invoquant pour lui, en grande abondance, la faveur et la grâce divine.


LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU MOUVEMENT « PAX CHRISTI »

(27 novembre 1957) 1






Transmettant les encouragements personnels du Saint-Père au Mouvement « Pax Christi », Son Exc. Mgr Dell'Aequa, Substitut de la Secré-tairerie d'Etat, a adressé la lettre suivante à Son Em. le cardinal Feltin, président international du Mouvement :

J'ai l'honneur de faire savoir à Votre Eminence que l'importante documentation remise, il y a quelques semaines à la Secrétairerie d'Etat, sur les activités et le développement du Mouvement Pax Christi en 1956 et 1957, a fait l'objet d'un examen attentif et intéressé, et qu'elle vient d'être placée sous les yeux du Souverain Pontife.

1 D'après le texte français de la Documentation Catholique, LV, col. 144.




Le Saint-Père avait présent à l'esprit le témoignage qu'au cours de sa récente audience Votre Eminence portait sur ce Mouvement international qu'elle préside avec autorité et dévouement, et il a daigné parcourir d'un regard bienveillant les principaux éléments de ce dossier. Il put ainsi se rendre compte aisément des efforts entrepris depuis deux ans et des progrès notables réalisés en plusieurs pays, où le mouvement est désormais bien implanté. Que ces heureux résultats soient pour les animateurs de Pax Christi un encouragement à persévérer dans leur action en étroite union avec la hiérarchie locale. Les fins que poursuit le Mouvement sont plus actuelles que jamais. On ne saurait trop faire, aujourd'hui, pour assurer une large diffusion de la doctrine catholique sur la paix, pour favoriser entre hommes de nations, de classes et de races différentes des relations fraternelles, pour implorer surtout du Prince de la paix

les grâces de vérité et de concorde dont a tant besoin le monde présent divisé par l'erreur et les passions !

Aussi est-ce de tout coeur qu'en gage de ses voeux paternels Sa Sainteté envoie à tous les membres du Mouvement, et en premier lieu à Votre Eminence, la faveur d'une spéciale Bénédiction apostolique.


RÉPONSE AU TÉLÉGRAMME DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE ALLEMANDE

(29 novembre 1957) 1






Avant de regagner Y Allemagne, Son Exc. M. Théodore Heuss, Président de la République fédérale allemande, a adressé au Saint-Père un message de gratitude et d'hommage 2, auquel Sa Sainteté a daigné répondre par un télégramme également, dont voici la traduction de Y allemand :

1 D'après le texte allemand de l'Osservatore Romano, du ier décembre 1957 ; traduction française de l'Osservatore Romano, édition française, du 13 décembre 1957.

2 Voici la traduction du télégramme de Son Exc. M. Théodore Heuss, rédigé en allemand ;

« Avant de terminer ma visite, je voudrais remercier sincèrement, encore une fois. Votre Sainteté pour sa cordiale réception et pour ses chaleureuses paroles adressées au peuple allemand et à moi-même, dans lesquelles se reflètent votre affection inébranlable pour le peuple d'Allemagne et votre profonde compréhension pour ses problèmes vitaux. J'ai été profondément frappé, au cours de ma visite, par la tradition du Saint-Siège, visible partout, mûrie en une longue évolution historique et sortie toujours plus forte, comme puissance spirituelle, des tempêtes des temps.

» Le Saint-Siège et la République fédérale se trouvent unies, selon vos propres paroles (dans une lutte pour la liberté), sur une même ligne de défense par un grand héritage culturel européen. Des tâches difficiles incombent au Saint—Siège et aussi au peuple allemand. Qu'il soit donné à Votre Sainteté d'accomplir les tâches que vous vous êtes fixées*. Avec l'expression de ma cordiale gratitude et de mon respect personnel. »

Heuss




Aux cordiales paroles de salut contenues dans le télégramme que vous Nous avez envoyé, Monsieur le Président, en partant de Rome, Nous répondons par l'expression des mêmes sentiments que Nous nourrissons pour votre haute personne et pour votre peuple. Votre visite a marqué d'un sceau les rapports de vieille date qui lient votre pays cordialement à Nous. Que la divine Providence veuille accorder à l'Allemagne, aux autres peuples d'Europe et à l'Union Européenne, à l'intérieur comme à l'extérieur, la véritable paix inspirée de la justice, de la com-

préhension mutuelle et de l'amour humain et chrétien. Tous les hommes d'Etat de bonne volonté luttent pour cette paix et, comme par le passé, Nous Nous appliquerons également dans l'avenir à la maintenir par tous les moyens à Notre disposition. Que cette paix, avec les forces religieuses et morales de votre peuple, comme des autres peuples, puisse donner à tous la félicité d'un progrès serein ininterrompu ; c'est là Notre plus profond désir et Notre prière à Dieu, dont Nous invoquons de tout coeur la protection et les grâces pour vous, Monsieur le Président, et pour votre peuple qui Nous est toujours très cher.

DISCOURS

AU CONSEIL DES COMMUNES D'EUROPE

(3 décembre 1.957) 1






Le Souverain Pontife a bien voulu accueillir en audience spéciale les participants au IIIe Congrès de la section italienne du Conseil des Communes d'Europe, qui a réuni également d'importantes délégations étrangères, et leur a adressé en français le discours suivant :

Le Congrès de la Section italienne du Conseil des communes d'Europe, auquel ont pris part également d'importantes délégations des autres sections européennes, Nous offre l'occasion de saluer en vous, Messieurs, les représentants d'un des principaux mouvements, qui travaillent à construire une communauté européenne supranationale. C'est, vous le savez, un titre particulier à Notre bienveillance, et Nous avons voulu en donner une preuve nouvelle, en accueillant la requête de votre présidence.

La voix des autonomies locales, leurs aspirations et leurs préoccupations, constituent un élément à la fois stimulant et pondérateur dans l'élaboration de l'unité fédérale européenne qui se cherche. Votre organisation peut en effet, grâce à la multiplicité de ses centres d'action, exercer une propagande très efficace en faveur de l'idée fédéraliste, et par là elle hâtera, Nous l'espérons, les décisions des gouvernements, et leur fournira l'appui d'une opinion publique éclairée.

Mais il est non moins important de souligner les considérations, que votre Conseil introduit avec autorité dans les projets des gouvernements. Le caractère fortement centralisateur des nations modernes ayant pour conséquence de réduire à l'excès



les libertés des communautés locales et des individus, vous rappelez le primat des valeurs personnelles sur les valeurs économiques et sociales : le bien commun, en vue duquel le pouvoir civil est établi, culmine dans la vie autonome des personnes. Seule une communauté d'intérêts spirituels peut durablement rassembler les hommes. Il faut donc constituer dans l'Europe, qui se fait, une vaste et solide majorité de fédéralistes, qui tiennent pour les principes d'un sain personnalisme, Nous voulons dire une conception de la société civile, où les personnes trouvent un épanouissement normal et servent librement la communauté. Dans cette notion de service, un très grand nombre d'esprits généreux peuvent tomber d'accord, pourvu qu'on lui donne tout son sens, à l'exemple du divin Maître, qui « n'est pas venu pour être servi, mais pour servir » (Mt 20,28).

Bien loin de verser dans un idéalisme sans vigueur, cette attitude est au contraire la plus réaliste qui soit, car elle subordonne les intérêts secondaires aux intérêts supérieurs, elle fait bon marché de l'égoïsme et de susceptibilités trop facilement qualifiées de « légitimes » ; elle ne revendique pas de privilèges et consent aux sacrifices nécessaires ; elle ne recule pas devant les longs efforts et sait prendre les moyens qui s'imposent.

Il Nous semble que votre Conseil, fort de l'expérience acquise dans l'administration municipale, possède ces qualités et sait les manifester avec fruit. Nous n'en voulons pour preuve que les sages résolutions prises en face des traités européens récents et des problèmes qui retardent encore l'unification politique si vivement souhaitée par vous. Sans doute est-ce pour cela que vos interventions rencontrent une audience favorable et que vos projets se présentent sous les meilleurs auspices.

Non contents en effet de promouvoir les jumelages de communes, qui suscitent de nombreuses sympathies et nouent des amitiés rayonnantes, vous avez fondé la « Communauté européenne de crédit communal », destinée à préparer la création d'un institut européen de crédit communal. Mais là ne se bornent pas ses objectifs, car elle ambitionne aujourd'hui d'obtenir un statut juridique international et, devenant ainsi une communauté économique européenne des pouvoirs locaux, elle pourrait représenter dans les nouvelles structures inaugurées par le Marché commun un organe de consultation et de collaboration, qui défendrait efficacement vos intérêts.

Parmi les problèmes qui intéresseraient une institution de ce genre, on relève la nécessité de fournir aux organismes supérieurs les données statistiques et techniques, qui définissent la situation économique des administrations locales, l'étude d'une répartition convenable des fonctions de l'Etat et des pouvoirs locaux dans l'administration civile, une plus juste harmonisation des efforts financiers des communes avec les mesures générales tendant à l'amélioration économique des régions surdéveloppées ou momentanément en difficulté. L'expérience de vos spécialistes et l'importance des problèmes, sur lesquels vous pouvez adopter des positions communes, donneront un poids considérable à la collaboration permanente, que vous comptez fournir à l'organisation rationnelle de l'Europe nouvelle.

Pour ces raisons, et pour l'esprit qui anime vos recherches, Nous sommes heureux de pouvoir vous adresser Nos encouragements et Nous formons les voeux les plus cordiaux pour la réussite des projets en cours. Que le Seigneur vous éclaire et vous soutienne sur la voie d'une fraternité plus vaste et plus profonde. Nous le demandons instamment à sa divine Providence, en vous accordant à tous ici présents, à vos familles, à vos communes, Notre Bénédiction apostolique.


DISCOURS AU CONGRÈS GÉNÉRAL DES ÉTATS DE PERFECTION

(g décembre ±957) 1






Les nombreux religieux et religieuses participant au IIe Congrès général des états de perfection ont été reçus en audience spéciale le lundi g décembre. Voici l'important discours que le Souverain Pontife prononça en français à cette occasion :

Sous la maternelle protection de Marie Immaculée, la plus sublime de toutes les créatures et le modèle de ceux qui tendent à la perfection de la vie chrétienne, vous avez voulu, chers fils et chères filles, vous réunir à Rome pour étudier les problèmes actuels des états de perfection, en même temps que vous célébriez le cinquantième anniversaire de l'ordination sacerdotale du très digne et zélé Cardinal Préfet de la Sacrée Congrégation des Religieux.

En plus de vingt-cinq nations de tous les continents, existent aujourd'hui des associations de Supérieurs majeurs, religieux et religieuses, qui, en liaison étroite avec le Saint-Siège et la hiérarchie ecclésiastique de leur pays, s'attachent à mener en commun les tâches d'organisation et d'adaptation, que requièrent l'ampleur et la complexité de l'apostolat actuel. Nous savons que de nombreuses initiatives ont vu le jour ces dernières années sous l'impulsion éclairée de vos associations ; qu'il suffise de mentionner les congrès nationaux ou régionaux des états de perfection, des sessions de prière et d'étude, et surtout la création d'instituts de formation et de culture religieuse supérieure destinés aux membres des états de perfection.

Le présent Congrès, qui répond tout entier au désir de réaliser une insertion toujours plus complète des états de perfection dans l'Eglise, Corps mystique du Christ, se propose de faire le bilan des progrès enregistrés partout dans l'organisation des états de perfection et dans leur travail d'adaptation aux exigences de l'Eglise ; puis d'exposer clairement les fins à poursuivre, les limites à respecter et les principes à observer dans l'action des conférences, unions et comités de Supérieurs majeurs ; enfin, d'élaborer un programme d'activités et d'initiatives, qui assurera l'efficacité du mouvement de rénovation, en resserrant les liens des organisations entre elles et avec le Saint-Siège.

L'ensemble des rapports et des exposés de ce Congrès vise à commenter les trois Constitutions apostoliques Provida Mater, Sponsa Christi et Sedes Sapientiae, ainsi que le décret de la Sacrée Congrégation des Religieux Salutaris atque, où sont énoncées les normes qui doivent guider l'effort d'adaptation et de rénovation. Nous n'avons pas l'intention d'aborder ici les questions particulières, que vous comptez traiter dans vos sessions ; mais plutôt de souligner certains points de caractère général concernant le problème de la perfection et celui de la rénovation et de l'adaptation des moyens, par lesquels y tendent les individus et les communautés. Nous parlerons d'abord de la perfection de la vie chrétienne en général, ensuite de sa réalisation dans les groupements qu'on appelle « états de perfection », en considérant d'abord les relations qu'ils ont avec leurs membres, puis celles qu'ils ont entre eux et avec le Saint-Siège.

Pie XII 1957 - SUR LES PROBLÈMES DE LA RÉANIMATION