Pie XII 1957 - LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A LA VII\2e\0 SEMAINE ITALIENNE D'ADAPTATION PASTORALE


DISCOURS A DES REPRÉSENTANTS DE « PRESTIGE DE LA FRANCE »

(7 juillet 1957) 1






S'adressant, dans une audience spéciale, au Comité « Prestige de la France », le Souverain Pontife prononça en français le bref discours que voici :

En vue de remettre à la Villa Medicis le diplôme du Prestige de la France, une délégation d'élite, représentant le Comité des Fêtes et de Propagande nationale et le Club du prestige français, s'est rendue de Paris à Rome, et, passant dans la Ville éternelle, vous avez tenu, Messieurs, à Nous rendre visite.

Nous accueillons volontiers cet hommage et Nous comprenons que vous avez voulu honorer de façon spéciale l'Académie de France à Rome. C'est, en effet, l'un des points de rencontre les plus notables entre les écoles artistiques françaises et les traditions classiques de l'antiquité et de la Renaissance.

Fondée au siècle de Louis XIV par son grand ministre Col-bert, sur les conseils, dit-on, de Gianlorenzo Bernini, elle accueille dans le cadre magnifique de la Villa Medicis les jeunes « Prix de Rome » de peinture, de sculpture, d'architecture, de gravure et de musique, qui achèvent d'y développer, au contact des maîtres et des chefs-d'oeuvre, les talents que Dieu leur a donnés. La liste déjà longue des directeurs et pensionnaires célèbres suffirait à justifier votre choix, car le prestige de la France leur doit une belle part de son éclat.

Puisse la noble ambition qui vous anime demeurer au coeur de beaucoup, et le culte pacifique des Beaux-Arts élever les esprits, purifier les coeurs et les disposer aux efforts si nécessaires

d'intelligence et de compréhension mutuelle, qui favoriseront, Nous en avons le ferme espoir, l'évolution harmonieuse de la civilisation moderne et l'amitié profonde des âmes généreuses à travers le monde.

C'est en formant de tels voeux pour vous-mêmes et vos familles, pour les groupements que vous représentez et pour les artistes que vous honorez, que Nous vous accordons de grand coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.

LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU VIIIe CONGRÈS NATIONAL DU CENTRE ITALIEN FÉMININ
(8 juillet 1957) 1






Le VIIIe Congrès national du Centre italien féminin (C.I.F.) s'est ouvert à Vallombreuse le 19 juillet. Le thème choisi était : « La femme dans la vie démocratique ».

Entre temps, le Souverain Pontife faisait parvenir ses directives à Mme Amalia di Valmarana, Présidente générale du Centre, par une lettre de Son Exc. Mgr Dell'Aequa, Substitut de la Secrétairerie d'Etat. Voici la traduction du document italien :

L'attrait que les antiques cénacles de vie bénédictine, anciens glorieux centres de rayonnement de foi et de civilisation chrétienne, exercent sur les institutions modernes qui tendent au même idéal, n'aura pas été étranger au choix de Vallombreuse comme siège du VIIIe Congrès national du Centre italien féminin.

La communication que vous en avez faite au Saint-Père, en soumettant à son auguste considération le programme, a ainsi révélé à Sa Sainteté l'esprit spécial, indiqué par la célèbre devise ora et labora, qui donnera une marque particulière au congrès.

Le thème choisi « La femme dans la vie démocratique » et l'exposé que vous en avez fait témoignent clairement que le C.I.F. fait de rapides progrès dans le domaine aussi bien de la pensée que de l'action, en réponse empressée aux exhortations et aux directives que le Vicaire du Christ, surtout ces derniers temps, a adressées ou fixées à plusieurs reprises.





En effet, les travaux du congrès apparaissent basés sur la résolution du C.I.F. d'être réellement un mouvement, une école, un guide pour la consolidation et le progrès de la civilisation chrétienne en Italie, grâce à la contribution de la femme italienne, dans tous les secteurs de la vie sociale, avec la part de levain chrétien qu'elle doit posséder.

En se proposant d'étudier la fonction de la femme dans la vie démocratique, le C.I.F. ne fait pas de l'ordre politique démocratique son centre définitif d'intérêt, mais, en le considérant seulement comme un présupposé indispensable, il consacre ses sollicitudes principalement à l'apparition et à l'affirmation de cet esprit qui doit imprégner la société, afin que s'y épanouissent de vraies moeurs démocratiques.

En réalité, le congrès entend indiquer par vie démocratique une réalité sociale, où les principes d'égalité entre les hommes, de valeur prééminente de chaque personne distincte, d'exigences du bien commun à poursuivre en accord, de solidarité naturelle, de rapport humain réciproque conçu comme service mutuel, dépassant le domaine juridique et constitutionnel limité et froid, soient une norme commune de vie et par conséquent des mobiles habituels de pensée, de sensation et d'action, dans le domaine aussi bien privé que public.

La vie démocratique offre un terrain approprié à la réalisation parfaite de la vie chrétienne, parce qu'elle harmonise les rapports humains avec le mystère intérieur surnaturel, que porte en lui le chrétien, et par lequel, tout en étant destiné à être citoyen du ciel, il devient déjà effectivement sel de la terre, avec l'obligation conséquente de soustraire la réalité terrestre à la corruption dont elle est toujours menacée et d'y infuser une vigueur spirituelle.

Diffuser parmi toutes les femmes d'Italie une telle conception de la vie démocratique et, par elles, contribuer en conséquence à son application, est donc le but de ce Congrès national ; mais il doit avoir encore plus le vif désir de faire découvrir à la femme chrétienne les ressources que le Seigneur a mises en elle, en tant que femme et en tant que chrétienne, pour un si noble idéal dans lequel resplendit le dessein providentiel de Dieu.

Ces ressources alimentent la vie démocratique de la société, surtout grâce à la mission maternelle et familiale de la femme, mais, en subordination à celle-ci, elles doivent faire sentir leur influence dans tous les secteurs de la vie sociale qui, par elle-même, est également ouverte à l'action aussi bien de l'homme que de la femme.

Sa Sainteté entend donc louer l'approfondissement de l'étude de ces vérités, et veut de même encourager le Centre italien féminin dans ses multiples et nobles entreprises. En effet, tout ce que la femme chrétienne a accompli dans le domaine civique et social et celui de l'assistance fait souhaiter une intervention plus généreuse de sa part également dans tous les autres domaines, sa mission familiale demeurant toutefois toujours prééminente. Cette intervention souhaitée apportera une juste vision des choses, un sage équilibre, une impulsion permanente au bien, une sollicitude assidue et délicate, dons propres à un esprit féminin mûri.

Pour que ceci puisse se réaliser il est nécessaire que la société permette de plus en plus volontiers à la femme d'agir au sein d'elle-même, mais il faut encore plus que la femme soit pourvue d'un riche bagage de vertus chrétiennes, toutes inspirées par une ardente charité et dont elle doit s'efforcer de s'enrichir pendant les années de jeunesse.

Avec ces voeux, le Saint-Père envoie de tout coeur à la Présidente et aux participantes une Bénédiction apostolique spéciale en invoquant sur elles, par l'intercession de la très Sainte Vierge Marie, l'abondance des grâces célestes.


ALLOCUTION A UN GROUPE D'ÉTUDIANTS D'ALOST

(g juillet ig57)1






Recevant en audience spéciale un groupe d'étudiants du Collège Saint-Joseph, d'Alost (Belgique), le Souverain Pontife prononça en français l'allocution suivante :

Nous avons le plaisir de saluer un groupe d'étudiants de rhétorique du Collège Saint-Joseph à Alost.

Nous sommes heureux de vous recevoir, chers fils, au moment où vous venez de terminer vos études d'humanités. Ces années de collège qui, à certains moments peut-être, vous semblaient longues et difficiles, vous apparaissent maintenant et vous apparaîtront davantage encore à l'avenir, comme une des périodes les plus heureuses de votre vie, pendant laquelle vous avez découvert un idéal fascinant, des amitiés durables, et qui vous a révélé les tâches immenses qui requerront vos forces dans le monde de demain.

Elèves d'un collège catholique, vous avez aussi, Nous l'espérons, acquis une foi plus fervente et plus généreuse, qui ne soit pas seulement adhésion de l'intelligence à des vérités abstraites, mais aussi attachement passionné à la personne de Notre Seigneur Jésus-Christ. Au moment de commencer vos études supérieures, sachez regarder en face vos responsabilités de jeunes intellectuels catholiques : elles sont lourdes, car l'Eglise attend beaucoup de vous. Elle veut que vous restiez intégralement fidèles à l'idéal qui vous anime, sans tolérer ni lâchetés ni replis égoïstes sur vous-mêmes. Aux postes de direction et d'influence que vous occuperez, vous serez la lumière pour ceux qui cher

chent la vérité, le réconfort de ceux qui souffrent et qui viendront demander votre appui. Vous irez de l'avant avec courage sur la route que le Seigneur vous indique, rendant avec abondance aux autres le bien que vous avez vous-mêmes reçu.

Que le Seigneur vous aide à faire de votre vie une oeuvre belle et digne de Lui ! Nous appelons ses faveurs sur vous, sur vos familles et sur vos éducateurs, et vous en donnons pour gage Notre paternelle Bénédiction apostolique.


LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A LA XLIV8 SEMAINE SOCIALE DE FRANCE

(g juillet ig57)1






La 44e Session des Semaines Sociales de France s'est ouverte à Bordeaux, le 15 juillet, sur le thème : « Famille ig57 ».

A cette occasion, Son Exc. Mgr Dell'Aequa, Substitut de la Secré-tairerie d'Etat, a envoyé au nom du Saint-Père la lettre suivante en français, à M. Charles Flory, président des Semaines Sociales de France :

Les Semaines sociales de France n'ont, à vrai dire, jamais cessé de s'intéresser à la famille, en ce sens qu'aucune question ne fut abordée d'année en année sans y inclure le point de vue familial qu'elle comportait. Néanmoins, on doit remonter assez loin dans le passé pour trouver une session directement consacrée à la famille, comme ce sera le cas de la Semaine sociale de Bordeaux. Il faut se réjouir de cette heureuse décision et vous en féliciter.

L'Archevêque de l'importante et antique cité qui vous accueille unit à sa charge pastorale la présidence de la Commission episcopale des OEuvres charitables et Institutions sociales, et, à ce titre, il est particulièrement qualifié pour recevoir votre « Université sociale itinérante », en suivre les débats et en orienter les conclusions. Sous son égide, la prochaine session entreprendra de faire l'inventaire des problèmes majeurs que pose la « Famille 1957 » et d'en avancer la solution. Cette vue synthétique se précisera dans une série de « carrefours » et de « colloques » ; et l'ensemble de ce programme permet vraiment d'espérer un labeur fructueux. Le Souverain Pontife, qui donnait naguère, sur un sujet analogue, de lumineuses directives à la Semaine sociale de



Pise, forme les meilleurs voeux pour le succès de la Semaine de Bordeaux et me charge de vous transmettre ses paternels encouragements.



L'opportunité du thème choisi.

Plusieurs raisons d'ailleurs ont motivé le choix du sujet et en marquent l'opportunité. C'est d'abord le renouveau de faveur dont bénéficient à l'heure actuelle les problèmes familiaux. Après une longue et difficile période d'effacement, au cours de laquelle les critiques ne furent pas ménagées à l'institution familiale qui dut subir l'assaut conjugué d'une législation et d'une opinion publique souvent défavorables, voici que la famille est remise en honneur et que même certains de ses détracteurs d'hier reconnaissent, à la lumière des faits, son rôle irremplaçable dans la structure sociale et la vie morale d'un pays. Le moment semble dès lors venu pour une réflexion commune de théologiens, de sociologues, d'économistes et de juristes, sur la condition présente de la société domestique, sur les erreurs dont elle fut victime et sur les redressements nécessaires.

Les dernières décades, au surplus, ont été marquées chez les catholiques de France par un magnifique essor de la famille, auquel on est heureux de rendre hommage. Dans toutes les classes sociales, se sont fondés de jeunes foyers chrétiens, fervents et courageux, ayant foi en la grâce du sacrement de mariage pour sanctifier leur vie conjugale, acceptant la responsabilité de la naissance et de l'éducation de nombreux enfants. Leurs aspirations spirituelles sont hautes ; leur exemple entraînant. De telles , familles sont un grand espoir pour l'Eglise et pour la Cité. Il fallait prendre acte de ces progrès, et peut-être aussi faudra-t-il orienter de telles générosités ; car, si beaucoup de ces foyers ont un grand sens apostolique et social et s'insèrent spontanément dans les mouvements catholiques reconnus par l'épiscopat, il en est d'autres qui ne s'ouvrent pas encore assez largement aux besoins de la communauté chrétienne, et trop nombreux, parmi les meilleurs, sont ceux qui méconnaissent la nécessité permanente d'une action institutionnelle au bénéfice de la famille. Ce sera une des tâches de la session de Bordeaux d'harmoniser tant de bonnes volontés, d'orienter leur dévouement et de mettre ainsi toutes les énergies disponibles au service de la cause familiale,

Les menaces qui pèsent sur la famille, aujourd'hui.

Ces perspectives optimistes ne sauraient cependant masquer aux yeux des plus clairvoyants les menaces qui ne cesssent de peser sur la famille. Toutes les énergies ne doivent-elles pas, en effet, être mises en oeuvre pour lutter avec persévérance contre ces fléaux de la société que sont le divorce et ses suites, les pratiques néfastes de l'eugénisme, les coupables tentatives de facilité du néo-malthusianisme ? Et à côté de ces vices qui atteignent la famille en elle-même, la crise du logement continue de sévir, avec ses redoutables conséquences morales, sociales, sanitaires ; une politique de l'éducation prétend s'imposer sans respect suffisant des droits de la famille ; le travail de la mère hors du foyer et, en général, les difficiles conditions de la vie domestique ont souvent compromis la stabilité des familles ; et il n'est pas jusqu'aux institutions sociales, créées pour remédier à ces désordres ou à ces insuffisances, qui ne révèlent leurs propres limites, celles d'un palliatif qui soulage le mal sans porter remède à ses causes profondes.

Ces divers aspects du problème familial contemporain permettent de mieux saisir, dans les perspectives de vos propres recherches, certaines préoccupations du Souverain Pontife et ses recommandations. Il est peu de sujets, en effet, sur lesquels les derniers Papes et Sa Sainteté Elle-même se soient penchés avec autant d'insistance et de précision. Il en est peu surtout sur lesquels la Révélation chrétienne, éclairant de ses certitudes la réflexion humaine, contribue de façon plus décisive à l'équilibre et au progrès de la vie sociale. Or, toute étude de la « Famille 1957 » est dominée par une double constatation : d'une part l'évolution qui s'est opérée depuis le début du siècle dans les structures familiales et qui tend progressivement à dessaisir la famille de ses fonctions traditionnelles pour la placer dans une dépendance plus étroite de la collectivité ; d'autre part, le devoir qui s'impose de sauvegarder avec la plus grande fermeté l'institution familiale — qui est de droit naturel et de droit divin — contre l'emprise croissante de la socialisation, sans pour autant faire a priori obstacle à de saines transformations de la société. Là réside le problème majeur, que devra traiter la Semaine sociale de Bordeaux.

La famille n'est pas pour la société ; c'est la société qui est pour la famille.

« Pour le chrétien, déclarait le Saint-Père, il y a une règle qui lui permet de déterminer avec certitude la mesure des droits et des devoirs de la famille dans la communauté de l'Etat. Elle est ainsi conçue ; la famille n'est pas pour la société ; c'est la société qui est pour la famille » 2. Ce disant, il ne faisait que reprendre l'enseignement constant de ses prédécesseurs : « La société domestique instituée immédiatement par Dieu pour sa fin propre... a pour cette raison une priorité de nature, et par suite une priorité de droits, par rapport à la société civile » écrivait Pie XI 3. Et déjà Léon XIII prenait, contre le socialisme, la défense de la famille, « société très petite sans doute, mais réelle et antérieure à toute société civile, et à laquelle il faudra dès lors de toute nécessité attribuer certains droits et certains devoirs absolument indépendants de l'Etat » 4, et il concluait que « c'est une erreur grave et funeste de vouloir que le pouvoir civil pénètre à sa guise jusque dans le sanctuaire de la famille » 5.

2 Discours du iS septembre 1951 ; A. A. S., XXXXIII, p. 371 ; cf. Documents Ponfi-ficauz ig;i, p. 386.

* Encyclique Divini illius Magistri ; A. A. S., 22, p. 52.

* Encyclique Rerum novarum ; Acta Leonis XIII, vol. 11, p. 104. 5 Ibid. p. 105.




Il est d'autant plus important de rappeler ces principes que, devant la complexité croissante des rouages sociaux dans une civilisation principalement urbaine et industrielle, la famille, disions-nous, s'est trouvée perdre beaucoup de son autonomie première. Elle est davantage liée à la conjoncture générale et elle dépend de plus en plus des organismes administratifs pour son logement, sa nourriture ou son hygiène, pour son travail ou la sécurité de son avenir, pour ses tâches éducatives ou d'assistance aux malades et aux vieillards, pour ses loisirs mêmes à l'intérieur ou hors du foyer. Dans le dessein de protéger ces familles, qu'une conception individualiste du droit avait dépouillées des responsabilités et des assises qui faisaient leur honneur et leur force, l'Etat a multiplié ses interventions. Cependant son action sociale n'a trop souvent connu — pour la simplicité de la tâche peut-être, mais au détriment de la famille — que des catégories juxtaposées d'individus, du nourrisson au vieillard, et non pas la cellule vitale et fondamentale de la communauté humaine.

Protéger la famille n'est pas l'asservir, mais en respecter toutes les valeurs.

Certes, l'Etat doit protéger la famille, mais il doit d'abord la respecter. Comme l'affirmait déjà le Saint-Père à l'Union internationale des Organismes familiaux, « on se retranche derrière le fallacieux prétexte de l'impuissance de la famille livrée à ses propres moyens, pour la mettre sous la pleine dépendance de l'Etat et des pouvoirs publics » 6. Il faut lever cette équivoque. « Que la famille, poursuivait-il, réduite à ses seules ressources privées, sans secours et sans appui, isolée, marchant parallèlement à tant d'autres, soit, dans les conditions économiques et sociales d'aujourd'hui, hors d'état de se suffire à elle-même, a fortiori de jouer son rôle de cellule organique et vitale, cela n'est malheureusement que trop vrai. Est-ce une raison pour lui apporter un remède pire que le mal ?» 7 II revient donc aux maîtres de la Semaine sociale de chercher, à la lumière des principes chrétiens, les voies constructives d'une restauration de l'institution familiale dans la société contemporaine. Celle-ci n'est plus la société principalement artisanale et agricole des siècles passés et, pareillement, il est des modes contingents de la vie domestique qui sont révolus. Mais, aujourd'hui comme hier, la famille doit être forte par le respect de l'autorité paternelle, saine et pure par sa fidélité à la loi religieuse et morale ; elle doit pouvoir exercer normalement sa fonction domestique et sociale, et contribuer ainsi au bien commun selon le devoir qu'elle en a ; elle doit s'intégrer dans les structures économiques et civiques et, unie aux autres familles, faire entendre sa voix dans les affaires du pays. Que les institutions publiques et les initiatives privées conjuguent donc leurs efforts pour consolider la société familiale, élever son potentiel de vie et d'action, la soutenir sans se substituer à elle ; et surtout qu'on lui rende la connaissance de Dieu, dont l'oubli fut hélas, en bien des cas, à l'origine des maux dont elle souffre.



Importance de l'éducation familiale.

8 Discours du 20 septembre 1949 ; A. A. S., XXXXI, p. 552 ; cf. Documents Pontificaux

1949, P- 39«-ï Ibid.




Puisse la Semaine sociale de Bordeaux servir ainsi la famille française, à une époque où votre patrie sent davantage le besoin de puiser dans son patrimoine ancestral les énergies morales qui lui sont nécessaires pour affronter de graves obligations. « La valeur et la prospérité d'un peuple, disait le Saint-Père aux familles de France, résident non pas dans l'action aveugle d'une multitude confuse, mais dans l'organisation normale des familles saines et nombreuses, sous l'autorité respectée du père, sous la sage et vigilante providence de la mère, dans l'union intime et coopérante des enfants » 8. De telles familles, qui ne manquent certes pas à votre pays, constituent, ajoutait-il, « tout un réseau dont la souplesse et la solidité assurent l'unité vitale d'une nation, grande famille au grand foyer qu'est la patrie » 9. Aujourd'hui encore, c'est à l'école de ces familles que les jeunes apprendront les vertus qui font les patries fortes, notamment le respect de l'autorité, le sens du devoir, le dévouement à autrui ; c'est à l'école de la famille, dans la fidélité aux valeurs morales du foyer, qu'ils découvriront l'âme profonde de la patrie.

8 Radiomessage du 17 juin 1945 ; A. A. S., 37, p. 180. » Ibid.




Au moment où la France catholique s'apprête à célébrer dans la reconnaissance le centenaire des apparitions de la Vierge Immaculée à l'humble enfant d'une famille profondément chrétienne, le Saint-Père invoque très spécialement sur les familles françaises la maternelle protection de Notre-Dame de Lourdes. Il aime à penser qu'au niveau d'action qui est le sien, la session de Bordeaux préparera la restauration nécessaire de la société domestique, qui, à tant de titres, est la condition du renouveau chrétien de la société, tant espéré pour cette année jubilaire. Aussi est-ce dans cette confiance que Sa Sainteté accorde à tous les membres, maîtres et auditeurs de la Semaine sociale, aux personnalités présentes ainsi qu'à vous-même, la faveur d'une très paternelle Bénédiction apostolique.




LETTRE AU T. R. P. MICHEL BROWNE SUR LA DÉVOTION AU ROSAIRE

(il juillet 1957) 1






Le Très Rév. Père Michel Browne, Maître général des Frères Prêcheurs, a offert au Souverain Pontife un volume sur les activités de l'Ordre dominicain pour développer la dévotion au Rosaire. Sa Sainteté a bien voulu y répondre par une lettre autographe, en latin, dont voici la traduction :

C'est avec joie que Nous avons appris par les relations que vous Nous avez envoyées dans un esprit de filiale soumission, que l'Ordre dominicain, dont vous êtes le digne chef, a, dans les dix dernières années, travaillé avec grande ardeur et grand zèle, pour que le Rosaire mariai soit récité chaque jour avec une piété plus fervente, et pour que les associations pieuses, qui en portent le nom, soient, par votre oeuvre constante et zélée, toujours plus florissantes. Cela Nous est très agréable ; par ce genre de prière en effet, un moyen facile et rapide est ouvert à tous les chrétiens, même aux plus simples et aux moins instruits, pour nourrir, développer et susciter leur piété et leur ardeur religieuse.

1 D'après le texte latin des A. A. S., XXXXIX, 1957, p. 726 ; traduction française de ï'Osservatore Romano, du 6 septembre 1957.

t Leonis XIII, Epist. Diutumi temporis, du 5 septembre 1898 ; cf. A. L., 18, PP- 154-155-




« Admirable ensemble composé de la salutation angélique, entrecoupé par l'oraison dominicale, joint à un effort de méditation, le Rosaire est, en effet, une excellente sorte de supplication... et surtout le moyen le plus fécond pour obtenir la vie éternelle » 2. C'est pourquoi, outre les excellentes prières dont il est composé, et qui, comme de célestes roses, sont unies en une couronne, il offre également un encouragement à une piété plus fervente, une sauvegarde de la religion, et de remarquables


DÉVOTION AU ROSAIRE



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exemples de vertu par les mystères proposés à la contemplation. Il ne peut donc être que très agréable à la Vierge Mère de Dieu et à son Fils unique, qui regarde sans aucun doute comme offert aussi à lui-même toute louange, honneur et gloire présentée à sa Mère. Il faut également considérer comme certain que ces formules de prière, qu'elles soient récitées dans les églises, dans la famille, ou simplement en privé, ont une très grande valeur pour obtenir la grâce divine et restaurer les moeurs chrétiennes. C'est pour cette raison que les Pontifes romains, et surtout Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, Léon XIII, ont, comme vous le savez, exalté cette méthode de prière en lui décernant les plus grandes louanges, et en l'enrichissant de présents salutaires, et que Nous-même, par la Lettre Encyclique Ingruentium malorum 3, avons recommandé vivement le Rosaire mariai aux chrétiens de toute condition, comme si Nous avions confiance — et Nous l'avons en effet — que la toute-puissante Mère de Dieu, suppliée par la voix de tant de fils, obtienne de Dieu, dans sa bonté, que les bonnes moeurs publiques et privées soient de jour en jour mieux restaurées, et que la religion catholique, libérée de toute entrave injuste, puisse remplir le rôle reçu de Dieu, et exercer sa puissance de salut non seulement dans l'âme de chaque citoyen, mais dans le sein même des institutions publiques, de telle sorte que les devoirs réglés et disposés dans un ordre juste, et qu'ainsi puisse surgir non l'inimitié, mais la concorde, non la haine, mais la charité, non les ruines d'une nouvelle guerre, mais les progrès d'une vraie paix.

Continuez donc, comme vous le faites, à promouvoir avec soin, ardeur et zèle, le Rosaire mariai et les diverses associations pieuses qui en portent le nom. C'est un devoir de piété particulier de votre Ordre illustre, et non le moindre, envers la Mère de Dieu, envers l'Eglise et la religion.

Quant à Nous, vous félicitant avec un amour paternel de ce que vous avez déjà fait, et vous encourageant à travailler encore pour la même cause avec la même ardeur, en gage des grâces divines et en témoignage de Notre bienveillance, Nous accordons bien volontiers à vous-même, cher fils, ainsi qu'à tous les religieux confiés à votre autorité et à votre sollicitude, ceux surtout qui vous aident à promouvoir cette oeuvre, la Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A UN GROUPE DE CANADIENS FRANÇAIS



(13 juillet 1957)1





Un groupe de Canadiens français étaient venus en pèlerinage à Rome, à l'occasion du troisième centenaire du débarquement de leurs ancêtres au Canada. Ils furent reçus en audience par le Saint-Père, qui leur adressa en français l'allocution suivante ;

Il Nous est agréable de recevoir un groupe de Canadiens d'expression française venus en Europe pour célébrer la mémoire de Noël Simard, arrivé en Nouvelle-France, il y a 300 ans.

Soyez remerciés, chers fils, pour les marques de déférence et d'affection filiale, que vous avez voulu Nous donner par votre visite et par vos dons. Nous savons à quel point Nos fils du Canada conservent avec ferveur le souvenir de leurs origines françaises et chrétiennes. Au moment où vous espérez resserrer les liens de solidarité familiale en reprenant contact avec la terre qui a façonné l'esprit et le coeur de votre ancêtre, vous désirez aussi, par une visite au centre de la chrétienté, raviver l'ardeur de vos sentiments chrétiens et de votre attachement indéfectible à l'Eglise et à son chef.

La foi catholique fut pour les premiers colons de la Nouvelle-France un principe de fidélité et d'héroïsme ; elle les soutint dans leur labeur de pionniers, dans leurs souffrances, dans les épreuves de tous genres qu'ils eurent à soutenir pour se créer une patrie, où puissent fleurir, avec une jeune vigueur, les solides qualités qu'ils y avaient apportées. Aujourd'hui encore la magnifique fécondité, la robustesse, la générosité de vos familles témoignent d'un harmonieux équilibre spirituel et humain, que bien des peuples peuvent vous envier.

Continuez, chers fils, à faire fructifier ces dons que le Seigneur vous a confiés. Nous souhaitons non seulement qu'ils profitent au cercle plus ou moins limité de vos familles, mais qu'ils se déploient largement, au service de votre pays et de l'Eglise, et qu'ils contribuent à lui attirer toujours plus nombreux ceux qui cherchent les signes indubitables de la vérité et de la charité chrétienne.

En gage des faveurs divines que Nous appelons sur vous, sur vos familles, sur tous vos compatriotes, Nous vous accordons de tout coeur Notre paternelle Bénédiction apostolique.

PRIÈRE POUR «L'ÉGLISE DU SILENCE»

(16 juillet 1957) 1






Voici la traduction française de la prière pour « l'Eglise du Silence », composée en italien par Sa Sainteté Pie XII :

O Seigneur Jésus, Roi des martyrs, réconfort des affligés, appui et soutien de tous ceux qui souffrent pour votre amour et pour leur fidélité à votre Epouse, notre sainte Mère l'Eglise, écoutez avec bienveillance nos ferventes prières pour nos frères de I'« Eglise du Silence » : que non seulement ils ne défaillent jamais dans la lutte, ni ne vacillent dans la foi, mais qu'ils puissent même expérimenter la douceur et la consolation réservées aux âmes que vous voulez bien appeler à demeurer avec vous au plus fort de la croix.

Pour ceux qui doivent supporter tourments et violence, faim et fatigues, soyez une force inébranlable, qui les affermisse dans les luttes et leur donne la certitude des récompenses promises à qui persévérera jusqu'au bout.

Pour ceux qui sont soumis à des contraintes morales, souvent d'autant plus dangereuses qu'elles sont plus insidieuses, soyez la lumière qui illumine leur intelligence, afin qu'ils voient clairement le droit chemin de la vérité, soyez la force qui soutienne leur volonté pour surmonter toute crise, toute défaillance et toute lassitude.

Pour ceux qui sont dans l'impossibilité de mener régulièrement une vie chrétienne, de recevoir fréquemment les sacrements, de s'entretenir filialement avec leurs guides spirituels, soyez vous-même l'autel secret, le temple invisible, la grâce surabondante et la voix paternelle, qui les aide, les anime, guérisse les âmes souffrantes et leur donne joie et paix.

Puisse notre fervente prière leur être secourable et notre solidarité fraternelle leur faire sentir qu'ils ne sont pas seuls ! Que leur exemple soit une source d'édification pour toute l'Eglise et spécialement pour nous qui les évoquons avec tant d'affection !

2 Notre Saint-Père le Pape Pie XII a daigné accorder une indulgence de trois ans aux fidèles qui réciteront pieusement cette prière.




Accordez, ô Seigneur, que les jours de l'épreuve soient abrégés et que très bientôt tous puissent — avec leurs oppresseurs convertis — vous servir librement et vous adorer, vous qui, avec le Père et le Saint-Esprit, vivez et régnez dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il 2.

DISCOURS

A DES MAITRES CATHOLIQUES ESPAGNOLS

(18 juillet 1957) 1






Recevant en audience plus de 600 membres de la Fédération Catholique des Maîtres d'Espagne, le Souverain Pontife prononça un discours en espagnol, dont voici la traduction :

Une fois de plus, Nos très chers fils les maîtres catholiques espagnols, sur l'initiative de leur florissante section de Valence, viennent en Notre présence ; et une fois de plus Nous désirons également les accueillir les bras ouverts, comme ils le méritent, spécialement par la ferveur de leur affection filiale.

Et, précisément, parce que Nous vous avons révélé Notre pensée, en des occasions répétées, Nous désirons aujourd'hui, brièvement et aussi sous une forme résumée, vous suggérer quelques idées qui servent à répondre aux désirs que vous Nous avez manifestés et en même temps pour démontrer l'intérêt avec lequel Nous suivons vos travaux de chaque jour.



Conservez la plus haute idée de votre mission de Maîtres.

1. Tout d'abord, dans une société en pleine évolution, comme la société présente, conservez la plus haute idée de votre mission providentielle :

a) parce qu'elle est et sera toujours d'une nécessité inélucta-table, car la formation et l'éducation primaires des enfants est quelque chose qui précède toutes les autres différenciations sociales futures ;





b) parce qu'elle constitue la base naturelle de tout ce qu'on devra élaborer ensuite, en lui assurant un ton et un sens, dont l'influence ne pourra jamais être méconnue, mais dont on devra au contraire tenir compte comme quelque chose de définitif ;

c) parce que, bien que le domaine de la culture s'élargisse sans cesse, il est certain que, sous des formes et à des degrés déterminés, elle ne sera jamais absolument à la portée de tous, tandis que les premières phases de l'enseignement englobent nécessairement toute la société, et peuvent y imprimer un sceau de plus en plus net.



Ayez une idée claire du rôle que la Providence vous a confié.

2. Mais pour que votre mission obtienne son entière efficacité, il est indispensable que vous en ayez une claire idée, en vous rappelant toujours :

a ) que votre mission comme maîtres ne peut se réduire exclusivement à être des véhicules pour l'acquisition d'une science, plus ou moins profonde, plus ou moins vaste, mais que vous devez être avant tout les éducateurs de l'esprit et, dans une juste proportion, les modeleurs de l'âme de vos écoliers ; b) que votre travail ne peut se concevoir comme une tâche purement individuelle, mais comme une fonction sociale, en pleine coordination surtout avec les familles et avec les autorités légitimes, dans une communication mutuelle d'éléments de jugement, de moyens d'éducation et du prestige nécessaire, avec un but commun, qui est le bien social ;

c ) que votre vocation peut être considérée comme allant bien au-delà de ce qui est purement humain et terrestre, en faisant de vous des collaborateurs du prêtre et de l'Eglise même de Jésus, dans cette formation des âmes à laquelle vous pouvez contribuer si singulièrement, de la même manière que, si douloureusement, vous pourriez l'empêcher.

Les moyens d'accomplir dignement cette mission : conscience dans le devoir d'état ; exemple dans la conduite ; contact permanent avec le Seigneur.

3. Enfin, pour pouvoir accomplir de façon satisfaisante des devoirs si élevés il faut de votre part :

«) un dévouement assidu à votre travail, sans reculer devant le sacrifice et aussi en laissant de côté les avantages et les calculs personnels ;

b) une conduite exemplaire, parce que vos jeunes, qui ne vous quittent pas des yeux, apprendront davantage de vos oeuvres que de vos belles paroles ; surtout de la pureté de votre vie, de votre désintéressement, de votre patience et de votre piété sincère ;

c) un contact continu avec le Seigneur, spécialement au moyen de la prière et de la fréquentation des sacrements, parce que dans une chose si sublime et si délicate, comme l'est l'éducation primaire des enfants, la partie principale demeure réservée à la grâce qui vient d'en-haut.

Ce sont là, maîtres catholiques espagnols, les consignes que vous Nous avez demandées. Elles sont dictées uniquement par Notre affection paternelle envers vous, envers toute votre patrie et, spécialement, envers vos petits élèves. Et quand chacun de vous retournera à son école, qu'il dise à ses bambins : « Le Vicaire du Christ, votre Père de Rome, le Pape qui vous aime tant, m'a chargé de vous saluer et de vous apporter la meilleure de toutes ses Bénédictions. »

Une Bénédiction aussi pour Notre Vénérable Frère l'Archevêque de Valence, ici présent, pour vous, pour vos familles et pour tout ce que vous désirez, en ce moment, voir béni.


Pie XII 1957 - LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A LA VII\2e\0 SEMAINE ITALIENNE D'ADAPTATION PASTORALE