Pie XII 1957 - VOUS ÊTES DES JEUNES


II



VOUS ÊTES DES TRAVAILLEURS

Faites triompher la conception chrétienne du travail.

Vous venez à Nous, chers fils et chères filles, comme délégués des jeunes travailleurs, non seulement parce que vous partagez leur condition de vie, mais aussi parce qu'ils vous ont investis de leur confiance et choisis pour venir les représenter ici ; ils ont assumé, par l'épargne collective, les frais de votre voyage et vous ont remis les documents, qui contiennent les informations sur leur situation religieuse et matérielle et sur leurs activités jocistes. Certes, vous n'ignorez pas de quelle affection l'Eglise et les Souverains Pontifes entourent les travailleurs, avec quelle insistance ils ont inculqué les principes de la justice sociale, avec quelle ferveur ils ont encouragé tous ceux qui, conscients de la gravité de l'heure, s'efforçaient de les faire appliquer. La JOC aborde le problème de la vie ouvrière en son point le plus délicat peut-être, c'est-à-dire au moment où il commence à se poser au jeune homme, à la jeune fille. Quand ceux-ci quittent l'école pour aller au travail, ils sont d'habitude fiers d'assumer à leur tour un rôle actif dans la société et débordent de confiance en eux-mêmes. Mais bien vite, de cruelles déceptions s'abattent sur eux ; trop souvent ils se heurtent à des conditions de vie difficiles, ils ne rencontrent qu'incompréhension, dureté, mauvais exemple ; ils absorbent lentement le poison de doctrines matérialistes, d'attitudes faussées par l'opposition des classes et la haine ; ils perdent ainsi rapidement et parfois irrémédiablement leur fraîcheur, leur joie, leurs aspirations les plus légitimes, et bientôt s'aigrissent et se révoltent.

Tel est le désastre que la JOC veut absolument empêcher. Et c'est pourquoi elle s'emploie à restaurer dans toute sa noblesse la notion chrétienne du travail, de sa dignité, de sa sainteté. Vous aimez à considérer les gestes du travailleur comme des actes personnels d'un fils de Dieu et d'un frère de Jésus-Christ, comme un effort librement consenti, par l'esprit et par le corps, pour le service de Dieu et de la communauté humaine. Puissent les membres de votre mouvement, par leur présence et leur collaboration avec les autres groupes animés aussi d'intentions généreuses, faire pénétrer cette conception du travail dans les usines, dans les bureaux, dans les écoles professionnelles. C'est là un apostolat à un très haut degré pratique et nécessaire.



Améliorez le sort des travailleurs de toutes races et de tous pays.

Si, dans les vieux pays d'Europe, les problèmes sociaux posés par l'industrialisation sont encore loin d'être résolus, qu'en sera-t-il des pays en pleine évolution industrielle, où des populations considérables affluent vers les grands centres et s'y entassent comme elles peuvent. En particulier, la jeunesse d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud doit faire face avec courage aux difficultés qui naissent de ces formes nouvelles de leur vie de travail.

Vos enquêtes vous ont déjà révélé et continuent à vous manifester chaque jour les souffrances des travailleurs des divers continents : problèmes de la mise au travail des jeunes au sortir de l'école et des périls de l'oisiveté prolongée ; problèmes du chômage, de l'habitation, des transports, des délassements ; problèmes surtout des conditions mêmes de leur labeur quotidien, des périls qu'y courent leur santé et leur moralité. Pour que les Jocistes des pays plus favorisés puissent intervenir activement et tendre à leurs compagnons en difficultés la main fraternelle, qui les sauvera du naufrage et les orientera vers un avenir prometteur, il importe que se multiplient les contacts de toutes sortes par la correspondance, les bulletins d'informations, mais surtout par les relations personnelles, dont ce Congrès international vous donne une merveilleuse occasion. La solidarité qui vous assemble a transformé et élevé votre vie, comme le rayon de soleil traversant un vitrail le fait flamboyer de mille feux. Aussi ne refuserez-vous pas de participer à l'effort considérable, que requiert l'amélioration de la situation des jeunes travailleurs de toutes races et de toutes nations. Vous vous montrerez vrais fils de l'Eglise, en portant aux autres comme « missionnaires jocistes », par l'exercice plénier de votre responsabilité de jeunes ouvriers chrétiens, le salut qui vous a été annoncé.

III

VOUS ÊTES DES CATHOLIQUES

Et c'est ainsi que Nous en venons à parler du troisième caractère qui distingue la JOC : vous êtes des catholiques, et vous l'êtes au plein sens du terme, c'est-à-dire, non seulement comme individus professant les vérités révélées par le Christ et vivant personnellement de la grâce de la Rédemption, mais en tant que membres de la communauté chrétienne et remplissant dans cette communauté une tâche propre, indispensable à sa vie et à son équilibre. L'Eglise a besoin aujourd'hui plus que jamais des jeunes travailleurs pour construire vaillamment, dans la joie et dans la peine, dans les succès et les épreuves, un monde tel que Dieu le veut, une société fraternelle dans laquelle la souffrance du plus humble sera partagée et allégée par tous. Que votre apostolat s'exerce donc dans une perspective d'universalité et toujours, comme il convient, dans la filiale soumission à la hiérarchie ecclésiastique ; qu'il trouve là la source de son efficacité et de sa fidélité aux intentions du Christ.

Collaborez avec les autres organisations internationales pour le bien de vos frères.

Les années d'après-guerre ont vu se créer de nouvelles organisations internationales, chargées de remédier aux détresses économiques et culturelles des peuples les plus besogneux. Des sommes importantes, mais encore insuffisantes, sont consacrées à mettre sur pied des services d'aide technique et pédagogique ; des spécialistes se rendent sur place pour travailler au relèvement économique et intellectuel de ces populations. L'Eglise elle aussi, par sa nature même et son histoire, par le dévouement et la compétence que ses missionnaires ont déployés sous toutes les latitudes, a prouvé qu'elle était spécialement qualifiée pour exercer avec succès une oeuvre civilisatrice. La JOC est riche de son expérience en matière d'éducation de la jeunesse ouvrière, et possède une méthode qui a fait ses preuves et démontré sa capacité d'adaptation aux circonstances les plus variées. Elle est donc capable d'exercer, partout où elle est présente, une action large et durable sur l'éducation populaire, en collaboration avec les autres organismes officiels ou privés qui poursuivent le même objectif. Ses contacts immédiats avec la réalité ouvrière lui permettent de tracer en chaque cas un plan d'action complet répondant aux exigences des situations et de donner à ses membres, et par eux à tous les jeunes ouvriers, l'aide la plus efficace. Nous souhaitons donc que les pouvoirs publics reconnaissent de plus en plus largement ses services et lui assurent, particulièrement dans les régions où se fait sentir l'urgence d'une intervention en matière d'éducation, les moyens matériels nécessaires à cette oeuvre capitale.



Gagnez au Christ l'âme de vos frères, qui ne le connaissent pas ncore.

Nous désirons, chers fils et chères filles, que ce rassemblement mondial de la jeunesse ouvrière chrétienne manifeste davantage à vos propres yeux et à ceux du monde les possibilités concrètes de votre mouvement, lorsque ses membres restent à la hauteur de leurs engagements. Point de victoire sans lutte, vous le savez. Et les conquêtes d'ordre spirituel, encore plus que les autres, exigent le renoncement, l'abnégation, l'oubli de soi pour la cause que l'on prétend servir. Vous n'êtes pas engagés dans un combat temporel, pour l'obtention de quelques avantages d'ordre économique et social seulement, mais vous visez avant tout à la conquête des âmes. C'est dans l'âme de vos frères qui ne le servent pas fidèlement, que se livre la partie décisive ; c'est à vous qu'il appartient de faire connaître le Sauveur, de faire pénétrer sa loi d'amour dans tous les secteurs de la vie privée et publique. Son précepte de charité et d'union fraternelle doit s'accomplir d'abord chez les jeunes, et pour cela il faut que croisse en vous sans cesse le sens de l'Eglise, l'esprit missionnaire, la connaissance des travailleurs des autres pays et la volonté de répondre généreusement à leur attente. Vous n'oublierez pas la dette de reconnaissance, que vous avez envers vos aumôniers qui ne ménagent pas leur peine au service de la JOC. Conscients de ce que vous avez reçu d'eux, vous continuerez à leur accorder une confiance et une affection bien méritées. N'est-ce pas notamment à leur action qu'est due l'éclosion de vocations sacerdotales parmi les jocistes ?




EXHORTATION FINALE



L'apôtre saint Jean raconte, dans un passage célèbre de son Evangile, comment Jésus, arrivé devant le tombeau de son ami Lazare, se mit à pleurer. Les Juifs témoins de ces larmes se dirent entre eux : « Voyez comme il l'aimait ! » (Jean xi, 36). Mais Jésus fit plus que s'émouvoir : ayant invoqué son Père, il s'approcha du sépulcre et cria d'une voix forte : « Lazare, viens dehors ! ». Alors le cadavre se leva et Lazare sortit vivant du tombeau. Chers fils et chères filles, des millions de jeunes sont encore prisonniers de liens pires que la mort : ceux de la misère, de l'erreur, de la corruption morale. Ne vous contentez pas de pleurer sur eux ! Le Christ est en vous avec sa puissance qui fait reculer l'ennemi. Allez donc hardiment vers ces âmes et criez-leur la bonne nouvelle de l'Evangile, les paroles de résurrection et de vie, dont Dieu vous a faits, pour elles, dépositaires : « Mon frère, viens à la vérité ! viens à la lumière ! viens a l'amour ! » Et bientôt, en foule innombrable autour de vous, comme dans la vision de l'Apocalypse que Nous évoquions au début de ce discours, le monde ouvrier chantera l'hymne de sa résurrection spirituelle : Jocistes bien-aimés, par vous nous avons trouvé la vraie vie et nous rendons gloire à Dieu le Père et à l'Agneau immolé sur l'autel » (Apoc. vu, 10, 12). Chers fils et chères filles, quand vous serez rentrés chez vous, puissiez-vous continuer, chacun dans le champ d'apostolat qui lui est assigné, une action encore plus décidée et vigoureuse, parce que vous aurez mieux compris le prix inestimable de la cause que vous défendez. Maintenant, comme par le passé, Nous comptons sur vous et attendons de vous de grandes choses.

Comme gage des faveurs divines, Nous allons vous donner la Bénédiction apostolique : pour vous d'abord et pour tous les Jocistes du monde, ceux qui de loin Nous écoutent, ceux qui ont aidé votre pèlerinage par leurs prières, leurs cotisations, leurs sacrifices ; spécialement ceux qui, plongés dans la souffrance, offrent pour la JOC les mérites d'une résignation humblement filiale, parfois héroïquement joyeuse ; pour vos bienfaiteurs aussi, tous les sympathisants de votre grande entreprise, pour vos aumôniers, pour vos familles, enfin pour les personnes présentes à votre pensée ou à votre coeur, et en particulier ces frères et ces soeurs de travail que vous rêvez de conquérir.

DISCOURS

AUX JEUNES SÉMINARISTES DE FRANCE

(5 septembre 1957)1






Plus de 4.000 jeunes gens du Mouvement « Jeunes Séminaristes » de France, venus en pèlerinage à Rome, furent reçus en audience par le Souverain Pontife qui leur adressa en français le discours suivant :

C'est une grande joie pour Nous, chers fils, de vous accueillir ce matin, au terme de votre pèlerinage à Rome. Depuis des mois en effet, Nous étions au courant de vos efforts et de la générosité, avec laquelle vous prépariez ce dixième anniversaire du mouvement qui vous unit. Nous savions vos sacrifices, vos prières, vos recherches dans les trésors du dogme, de la liturgie, de l'histoire, pour faire de ce beau voyage beaucoup plus qu'un déplacement de vacances, une étude enrichissante, une grâce surnaturelle, une étape décisive dans votre vie et dans la vie du mouvement « Jeunes Séminaristes ».

En saluant ici les maîtres nombreux, qui vous ont accompagnés et qui représentent avec vous les quelque cent petits séminaires de France, comment ne pas évoquer l'idéal sublime, qui vous rassemble et qui vous a conduits par un élan du coeur, non moins que par une vue de foi, vers le successeur de saint Pierre ?



Un pèlerinage aux sources du sacerdoce.

Elèves et maîtres, ne pensez-vous pas uniquement au sacerdoce, les uns pour y aspirer, les autres pour le servir ? Or, vous le saviez, en venant à Rome, c'est un véritable pèlerinage aux sources du sacerdoce, que vous accomplissiez. Dès le troisième siècle en effet, saint Cyprien, évêque de Carthage, ne parlait-il pas au pape saint Corneille de « cette chaire de Pierre et cette église principale, d'où l'unité du sacerdoce tire son origine » ad Petri Cathedram atque ad ecclesiam principalem unde unitas sacerdotalis exorta est ? 2. Cette formule qui renferme une des affirmations les plus précieuses pour l'histoire de la primauté pontificale, vous l'aurez lue en lettres gigantesques au-dessus de la tombe de saint Pierre : Hinc sacerdotii unitas exoritur.

D'ici, de cette humble sépulture d'un témoin du Christ, se répandent à travers le monde des fleuves de grâces. D'ici de cette chaire de Pierre, ses successeurs exercent, avec l'assistance infaillible de l'Esprit-Saint, leur rôle de docteur et de guide ; ils conservent le dépôt de la tradition, commentent l'Ecriture, gouvernent et sanctifient toute l'Eglise catholique par l'exercice de leurs pouvoirs d'ordre et de juridiction.

L'ancienne capitale de l'empire romain, dont vous avez visité les ruines prestigieuses, a été la terre d'élection, dans laquelle le grain de sénevé de l'Evangile s'est fixé. Pierre lui-même était, à l'image de son Maître, le fondement de l'Eglise, car il portait en lui une force unique. Ce rude pêcheur de Galilée est le seul homme, à qui Dieu ait confié les clefs du Royaume, le seul à qui ait été garantie la victoire définitive sur le mal, le seul qui ait reçu la charge de conduire l'humanité entière vers la vérité totale et vers la vie éternelle, en nom et place de Jésus-Christ lui-même.



Sollicitude de l'Eglise pour les aspirants au sacerdoce.

2 S. Cypriani Ep.f LIX, c. 14 ; Ed. Hartel. Corp. Script. Eccl. Lnf., vol. 3, p. 2, pag. 683.




C'est au sacerdoce du Christ que vous espérez participer, pour rendre à Dieu le plus grand honneur et à vos frères les hommes le plus grand service qu'on puisse imaginer. De quoi donc les hommes ont-ils le plus besoin, aujourd'hui comme toujours ? De quoi, sinon de connaître et d'aimer Dieu, le vrai Dieu, tel qu'il s'est historiquement révélé. Or, vous le savez, donner Dieu aux hommes et les hommes à Dieu est une tâche si haute qu'on ne peut l'aborder sans une grâce particulière. Notre-Seigneur cependant a voulu faire cet honneur non seulement à quelques-uns de ses contemporains, mais à tous ceux qui, répondant à sa volonté de sauver tous les hommes et de les amener



à la connaissance de la vérité (I Tim. n, 4), seraient acceptés par l'Eglise pour cette mission.

Le sacerdoce catholique est à juste titre l'une des gloires les plus pures de l'Eglise et l'une des marques les plus frappantes de sa sainteté. Aussi l'a-t-elle entouré au cours des siècles de soins toujours plus attentifs. Malgré la faiblesse de la nature humaine, elle a maintenu très haut son idéal de vie, sans épargner aucune peine pour faire de ses prêtres des hommes de Dieu et des hommes d'Eglise, vraiment capables de prendre en charge une partie du troupeau du Christ et d'en rendre compte à Dieu au jour du jugement. Elle a ordonné de façon toujours plus précise et plus exigeante leur formation, intellectuelle, morale et pastorale. Après avoir imposé l'érection des grands séminaires dans les diocèses, elle a créé ensuite des établissements spéciaux destinés aux candidats à la vie ecclésiastique, et, bien loin de se repentir d'une telle institution, elle s'en félicite en constatant les heureux fruits des petits séminaires, aussi bien pour les études que pour la formation du caractère.



L'importance des études classiques pour le futur prêtre.

Vous devez vous réjouir tout d'abord de faire des études classiques, car elles demeurent inégalées pour exercer et développer les plus précieuses qualités de l'esprit : pénétration du jugement, largeur de vues, finesse de l'analyse et dons d'expression. Rien n'aide à comprendre l'homme d'aujourd'hui comme l'étude approfondie de son histoire ; rien n'apprend à peser la valeur des mots, à saisir les nuances d'une pensée, la logique d'une composition et la solidité d'un raisonnement, comme le travail de la version et du thème sur les langues classiques. Pour vous, Français, latin et grec sont d'ailleurs à l'origine de la langue et de la littérature nationales ; mais tout homme d'Eglise se doit de pouvoir lire dans l'original les documents les plus importants et les plus vénérables de l'Ecriture et de la Tradition.

Durant le bref séjour que vous venez de faire à Rome, vous avez vu beaucoup d'inscriptions grecques et latines, qui demeurent dans les anciens cimetières et les musées, sur les monuments païens et chrétiens. Vous savez que la littérature chrétienne ancienne constitue un immense trésor de science et de piété, sur lequel se penchent avec admiration de nombreux savants du monde entier. Il ne sera pas possible à chacun de vous de se livrer à des études spéciales et approfondies ; mais quelle joie pour un chrétien d'entrer en contact immédiat avec ces textes et d'entendre résonner aujourd'hui la voix puissante des Pères de l'Eglise, d'un Chrysostome ou d'un Augustin !



Une solide formation spirituelle est encore plus nécessaire.

Les études solides ne sont pas toutefois le seul bienfait ni la raison d'être principale des petits séminaires. Une saine pédagogie chrétienne enseigne que la personnalité véritable, la vertu solide, les convictions profondes, ne se forment pas au hasard et comme à l'aventure. La vie est trop brève, les années de l'adolescence et de la jeunesse trop décisives et trop délicates, pour n'avoir pas un impérieux besoin de direction et de protection. Le jeune homme, qui porte au coeur le désir du sacerdoce, doit mûrir dans le climat le plus favorable à un choix lucide ; l'éducation de sa volonté encore fragile demande à être conduite avec prudence et respect. Aussi trouvera-t-il dans les petits séminaires des conseillers et des maîtres pleins d'expérience et de sollicitude, qui guideront ses pas, stimuleront son intelligence, développeront sa générosité et le sentiment de sa responsabilité dans la bonne marche du séminaire.

Chacun de vous sait par expérience les vicissitudes de la vie intérieure. C'est une flamme irrégulière, parfois dévorante, parfois languissante, sur laquelle influent non seulement les vents du dehors, mais aussi les troubles et les tempêtes de l'âme, l'inexpérience ou les simples appréhensions et maladresses du sujet. Il est donc bien inutile, il serait le plus souvent imprudent, et parfois même téméraire, de l'exposer à des tentations supplémentaires. Si les petits séminaires sont tellement utiles et bienfaisants, c'est que leur institution repose sur une connaissance exacte des besoins de l'adolescence et de la jeunesse chrétienne. Les familles peuvent donc faire confiance à la sagesse de l'Eglise pour juger des aptitudes au sacerdoce et des moyens les plus adaptés pour y préparer.

Les maîtres, qui se dévouent sans compter à créer dans les petits séminaires de véritables foyers de culture solide et de vie spirituelle profonde méritent les éloges et les encouragements de leurs évêques, et c'est une consolation pour le Pasteur suprême de penser au zèle de ces hommes de confiance, sur qui repose pour une bonne part la valeur future du clergé de France.

Le Mouvement « Jeunes Séminaristes ».

Le mouvement « Jeunes Séminaristes », qui aide les aspirants au sacerdoce à mieux servir dès maintenant, n'a pas peu contribué à augmenter leur fierté et leur ardeur, à les faire entrer plus profondément dans la vie catholique de l'Eglise, à leur donner une conscience plus vive des besoins des âmes, des exigences de leur vocation, de la part qu'ils doivent prendre au souci pastoral de leur évêque. Que le Maître de la moisson daigne envoyer des recrues de choix dans les petits séminaires. Certes il ne restera pas sourd aux prières des jeunes, qui l'implorent à cette intention.

En vous disant adieu, Nous vous remercions, chers fils, d'avoir donné un bel exemple de foi et de générosité dans la préparation et la réalisation de ce pèlerinage. Emportez de Rome une ardeur renouvelée et quelque chose aussi de sa patience séculaire pour mieux comprendre et accepter le rythme de la vie intérieure et ses exigences : il faut de longues années pour former un prêtre, mais elles ne suffiraient pas encore, si un effort constant et humble ne venait chaque jour continuer et pousser inlassablement vers une plus grande perfection l'oeuvre entreprise. Le Christ est la vigne, vous êtes ses rameaux ; c'est en Lui et en Lui seul, que vous portez du fruit (Jean xv, 1-5). Aussi est-ce à Notre-Seigneur que Nous vous confions, en appelant sur vous, sur tous les petits séminaristes de France, sur leurs familles et sur tous ceux qui contribuent à leur formation, la plus ample et la plus paternelle Bénédiction apostolique.




ALLOCUTION AUX MEMBRES DE LA FÉDÉRATION DENTAIRE INTERNATIONALE

(8 septembre 1957) 1






Les membres du XIIe Congrès de la Fédération dentaire internationale, qui s'est ouvert à Rome le 7 septembre, furent reçus en audience, au nombre de 10.000, dans la Basilique vaticane par le Souverain Pontife qui prononça en français l'allocution suivante :

La grande manifestation, que constitue le XIIe Congrès de la Fédération dentaire internationale, réunit cette année à Rome plusieurs milliers de délégués provenant de toutes les parties du monde, et nous sommes heureux de répondre aux désirs qui Nous ont été exprimés, en accueillant aujourd'hui, Messieurs, cette imposante représentation d'une branche si importante des sciences médicales.

La documentation, qui Nous a gracieusement été communiquée, donne une haute idée du programme de votre congrès ; il comporte en effet, outre les relations scientifiques, des expositions et des démonstrations cliniques et techniques, destinées à donner une idée aussi complète que possible des travaux réalisés depuis cinq ans dans tous les domaines de votre compétence.

Nous ne saurions passer en revue cette véritable somme d'information ; mais il Nous plaît de signaler quelques points, dont l'intérêt humain Nous a frappé en parcourant les rapports qui Nous sont parvenus.

Une des plus heureuses conséquences du développement universel des disciplines médicales est en effet de les rapprocher en manifestant davantage leur interdépendance ; et s'il est une partie de l'organisme au sujet de laquelle cette constatation se



vérifie de façon plus frappante, c'est bien la région buccale, point de départ du système digestif, siège du sens gustatif, partie essentielle des organes d'élocution. Mais on resterait en deçà de la réalité en songeant aux seules fonctions mécaniques et physiologiques localisées dans cette région ; on a constaté que les structures et l'état de la cavité orale influent, et parfois de façon décisive, sur la santé à la fois physique, nerveuse et même mentale de l'individu ; ce qui d'ailleurs se comprend aisément, si l'on envisage les conséquences d'une mauvaise occlusion dentaire sur des opérations aussi essentielles pour la vie du corps et de l'esprit que la respiration, la mastication, l'articulation de la parole.



L'orthopédie dento-faciale et le développement de l'enfant.

Des observations cliniques de nombreux praticiens et des recherches méthodiques poursuivies scientifiquement est donc née l'orthopédie dento-faciale, dont une branche importante, la pédo-dontie, se consacre aux enfants. Ces spécialités nouvelles sont à la vérité encore loin de réunir leurs acquisitions en un corps de doctrine bien constitué : trop de facteurs difficilement mesurables entrent en ligne de compte, et l'on se trouve en face d'enquêtes trop sporadiques, ou trop restreintes, pour arriver à des conclusions générales. L'étiologie a fait cependant de sérieux progrès dans le domaine si complexe de la croissance des différents tissus, des anomalies de constitution, de conformation ou de fonctionnement, à partir desquelles on tente d'expliquer les troubles ultérieurs et de suggérer les remèdes préventifs. Tous les spécialistes tombent d'accord pour déclarer que, là comme ailleurs, la prévention est le seul moyen de porter secours à de vastes ensembles sociaux. Or, en ce qui concerne l'orthodontie, les maux à prévenir ou à guérir peuvent avoir une origine antérieure ou postérieure à la naissance, héréditaire ou accidentelle. Une prévention efficace doit donc commencer par soigner la mère avant la naissance de l'enfant ; elle surveillera ensuite la croissance du sujet à toutes les étapes, depuis l'apparition des premières dents jusqu'à l'établissement de la dentition définitive. Sur ce long trajet de la petite enfance à l'âge adulte le spécialiste se trouve amené à examiner les indices les plus variés : c'est ainsi que les études morphologiques des organes à la naissance constatent que certains d'entre eux, tels le cerveau, le globe de l'oeil et la langue, sont proportionnellement plus développés que l'ensemble de la tête ; en ce qui concerne la langue, cette disposition providentielle correspond au besoin qu'aura l'enfant de fournir, dès ses premiers jours, un travail de déglutition abondant pour absorber le lait maternel. Mais il arrive parfois que la taille de la langue anticipe trop sur celle des mâchoires et provoque des pressions déformatrices susceptibles d'élargir à l'excès le maxillaire supérieur et de lui faire enclore complètement la mandibule ; de là résulte une mauvaise occlusion dentaire. Les inconvénients de cette malformation peuvent se faire sentir, ainsi que Nous le notions à l'instant, à la fois sur la mastication, la déglutition, la respiration et parfois même l'élocrution. Aussi les parents doivent-ils faire examiner de bonne heure leurs enfants par un stomatologiste et s'efforcer, avec son aide, de corriger des habitudes, qui peuvent sembler anodines, mais ne le sont pas toujours : les enfants qui respirent par la bouche, ou continuent à sucer leur pouce après le premier âge, ceux qui mastiquent mal ou avalent trop vite, ceux qui rongent leurs ongles ou contractent continuellement certains muscles du visage, manifestent par là des symptômes qu'il convient de combattre et de faire disparaître sans tarder. Ce contrôle, excellent facteur d'éducation, ne contribue pas peu à corriger des défauts de caractère et à fortifier la volonté. On doit se réjouir de l'aide apportée ainsi aux parents dans la tâche si délicate de guider la croissance et de former harmonieusement la personnalité de leurs enfants.

L'orthopédie dento-faciale peut, on le voit, améliorer grandement le développement de certains enfants et adolescents. Plusieurs Etats en ont profité, en intégrant les services dans les programmes de prévention sanitaire et d'assurances sociales. Une organisation rationnelle des inspections médicales dès la petite enfance permet ainsi d'obvier à temps aux malformations congénitales, de déceler et de traiter sans tarder les premiers symptômes de désordres locaux ou même généraux, car il en est, comme le diabète, qui parfois se manifestent en premier lieu dans la bouche.



Limites et bienfaits des interventions chirurgicales.

A mesure que la science médicale progresse, elle constate qu'elle ignorait encore certaines ressources de la nature et qu'elle avait parfois eu tort de vouloir se substituer aux forces de régénération pour corriger les maux qu'elle découvrait. Dans la guérison des corps, on ne commande à la nature qu'en lui obéissant, ce qui suppose d'abord qu'on la connaisse à fond et qu'on se conforme à ses lois. Il est souvent plus opportun de favoriser les processus naturels de défense que de chercher à détruire directement les foyers d'infection.

C'est ainsi qu'on a pu mettre en évidence les possibilités de guérison de certaines caries profondes en nombre de cas, où les techniques précédentes auraient conseillé de dévitaliser la dent pour éviter toute complication. On s'efforce aujourd'hui de préserver la pulpe par des précautions adaptées et l'on permet ainsi à la nature de se défendre elle-même avec plus d'efficacité.

Mais il restera toujours un très grand nombre de cas, où les interventions thérapeutiques auront à soigner ou réparer des maux déjà anciens. Travail de routine et souvent accablant, qui ne va pas sans poser parfois au praticien certains cas de conscience. S'il dispose aujourd'hui d'un matériel de plus en plus perfectionné, dont la précision et l'adaptation permettent un gain de temps considérable, il faut s'en réjouir ; car nombre de patients, pressés par leurs occupations, craignent souvent la durée prolongée des traitements. Cependant le résultat des actions opératoires et des restaurations dépendra toujours de la science du dentiste, de son habileté professionnelle et de son sens de la responsabilité. Tout apprenti sait, par exemple, qu'avant de procéder à une obturation à l'aide d'amalgame métallique, il doit préparer très soigneusement la cavité dentaire et y ménager des angles et des bords capables de retenir l'obturation sans laisser pénétrer d'infiltration. Ce travail délicat requiert un finissage minutieux, redouté des patients, malgré le perfectionnement des abrasifs modernes. Si donc le chirurgien n'a pas la maîtrise et la conscience professionnelle suffisantes, il sera tenté de faire sommairement les choses, ou même de renoncer à la solution plus rationnelle, pour lui substituer un appareil plus facile à confectionner, mais plus coûteux et peut-être moins indiqué du point de vue technique et médical.



Le problème de la douleur.

Nous avons appris récemment, avec une bien vive satisfaction, qu'on venait de mettre au point un nouvel instrument capable d'effectuer pratiquement sans douleur le nettoyage des cavités. Doué d'une vitesse exceptionnelle, atteignant les 200.000 tours à la minute, ce trépan est non seulement plus efficace que les appareils ordinaires, mais il évite au dentiste tout effort de pression, élimine la chaleur et épargne au patient les sensations désagréables accompagnant d'habitude cette opération. Nous osons espérer que les premiers résultats si prometteurs trouveront pleine confirmation et que le nouvel équipement permettra de soulager beaucoup de souffrances.

L'appréhension bien connue des clients pour la douleur des interventions sur les dents, et les conséquences fâcheuses qui s'ensuivent, n'ont pas manqué d'attirer l'attention des psychologues. La partie de votre art, qui étudie les soins dentaires à donner aux enfants ou pédodontique, s'occupe tout particulièrement de ce problème. Il est facile de comprendre par exemple, que l'attitude de l'enfant vis-à-vis du dentiste commandera presque toujours les réflexes de l'adulte. Si, grâce au judicieux concours des parents et du chirurgien lui-même, celui-ci apparaît à l'enfant comme un ami, qui rend un service important à sa santé, à son développement, et même à son travail, il est vraisemblable qu'il continuera à le consulter, dès que le besoin ou la prudence le conseilleront. Il n'est personne qui ne voie combien une attitude confiante facilite l'organisation rationnelle des soins individuels, et contribue plus encore au bon résultat des mesures sociales destinées à améliorer l'état général des populations, spécialement dans les régions ou l'on obéit encore trop souvent à l'instinct plus qu'à la raison.



La connaissance et le respect de la personnalité du patient.

Les aspects auxquels Nous venons de faire allusion indiquent assez que l'intérêt des spécialistes de l'art dentaire et de la stomatologie, comme aussi des autres branches de la médecine, s'est porté de façon plus intense, ces dernières années, sur la personnalité du patient et sur les problèmes humains. Ces préoccupations sont passées d'ailleurs dans l'enseignement des facultés universitaires, et constituent désormais une partie nécessaire de la formation du savant et du praticien. Les spécialités réputées jusqu'ici les plus techniques sont amenées ainsi, en s'approfon-dissant, à s'insérer dans le grand tableau, toujours plus riche et plus admirable, de la connaissance de l'homme, de cet être qui s'appelle volontiers centre et roi de l'univers assujetti sans doute aux servitudes du monde matériel, mais capable de les dominer, d'en comprendre les lois et de les utiliser en s'y soumettant. Ces lois du monde biologique restent, malgré leur complexité, relativement simples et faciles à formuler, si on les compare aux lois psychologiques et sociales qui régissent l'homme sur le plan spirituel. Toutefois, pour mystérieuse qu'elle demeure, la condition de l'esprit incarné se définit de jour en jour avec plus de précision, et l'on ne peut l'ignorer ni la sous-estimer sans méconnaître l'homme réel, tel que le Créateur l'a voulu et l'a fait. Cette découverte méthodique est due à la probité des chercheurs et à leur volonté d'aborder leur matière propre avec rigueur et pénétration, mais sans perdre de vue l'ensemble concret dans lequel leur travail s'insère. Ainsi les progrès de la pensée et de la science doivent-ils tendre à réduire l'écart qui les sépare et qui risque toujours d'entraîner de graves préjudices pour l'une comme pour l'autre.

Nous vous félicitons du souci d'exactitude et de la patiente continuité, avec lesquels vous poursuivez vos travaux, et vous adressons tous Nos encouragements pour l'avenir. En priant le Maître de l'univers de couronner vos efforts au service de la science et de l'humanité, Nous vous accordons, en gage de ses faveurs, à vous tous ici présents, à vos familles et à tous ceux que vous désirez recommander à Dieu, Notre Bénédiction apostolique.

DISCOURS AU Ille CONGRÈS DE L'ÉPIGRAPHIE GRECQUE ET LATINE
(g septembre 1957)1






Le IIIe Congrès de l'Epigraphie grecque et latine a rassemblé à Rome des savants et spécialistes de seize nations. Les participants ont été reçus à Castelgandolfo, le 9 septembre, et Sa Sainteté leur a adressé, en français, le discours suivant :

Au terme du IIIe Congrès international d'Epigraphie grecque et latine qui vous a rassemblés à Rome, Nous sommes heureux, Messieurs, d'accueillir l'hommage de votre visite et de vous manifester l'intérêt que Nous portons à vos travaux. Us constituent en effet un secteur important parmi les diverses sciences, qui se proposent de mieux faire connaître le monde antique grec et romain.



Rôle de l'êpigraphie dans les recherches historiques et les efforts qu'elle suppose.

Pour riches que soient les textes littéraires transmis par la tradition manuscrite et l'abondance des renseignements qu'on y trouve sur les événements et les institutions de l'antiquité, ils sont encore loin de saisir dans toute leur complexité les faits historiques et les détails de la vie publique et privée. En général, ils répondent aux intentions précises d'un auteur déterminé, dont l'information est forcément limitée et les affirmations d'objectivité bien souvent sujettes à caution. L'êpigraphie, en s'intéressant à toutes les inscriptions, même les plus modestes en apparence, permet souvent de saisir l'écho direct des événements qui en furent l'occasion, de compléter, confirmer et corriger les documents plus subjectifs des écrivains.

Auxiliaire indispensable de l'archéologie, de l'histoire, de la linguistique, l'épigraphie, après avoir déchiffré correctement les textes qui se présentent souvent dans un état très endommagé, doit encore les interpréter, en faisant appel à une vaste et précise érudition, puis les rendre accessibles au monde savant, les publier dans des revues spécialisées, les rassembler de manière systématique dans des collections générales ou des anthologies répondant à un but particulier. Nul n'ignore la somme d'efforts déployés dans ce domaine au dix-neuvième et au vingtième siècles, depuis que se sont constituées les collections fameuses du Corpus Inscriptionum Graecarum, repris dans les Inscrip-tiones Graecae, et du Corpus Inscriptionum Latinarum.

Alors que Mommsen publiait les premiers recueils partiels qui préludaient à son oeuvre monumentale, Jean-Baptiste de Rossi s'employait déjà avec passion à explorer la « Roma sot-terranea », en même temps qu'il recherchait dans les manuscrits de la Bibliothèque Vaticane et d'autres bibliothèques d'Italie et d'Europe la trace des inscriptions disparues au cours des siècles ; de ce grand travail sortait, il y a juste un siècle, le premier volume des lnscriptiones christianae Urbis Romae saeculo septimo antiquiores, point de départ de tant de fructueuses recherches.

Quel que soit cependant l'effort accompli jusqu'ici, l'épi-graphie voit son domaine s'étendre constamment, comme en témoignent les publications en cours. Sans trêve les archéologues exhument de nouvelles inscriptions, matériel immense qui resterait quasi inutilisable sans le secours de votre laborieuse activité. Le programme de votre Congrès Nous a montré l'étendue et la diversité des études actuelles. Nous sommes certain que les savantes communications et les échanges personnels vous auront fourni de nouvelles raisons de poursuivre avec ardeur vos passionnants travaux. Nous espérons en particulier que les graffiti découverts autour de la tombe de saint Pierre, objets d'un examen attentif et savant, apporteront encore d'utiles contributions au culte très ancien de l'Apôtre et à la gloire de son nom.





L'épigraphie nous permet de communier parfaitement à la vie, aux sentiments et convictions de la communauté chrétienne des premiers siècles.

Le travail de l'épigraphiste, qui requiert beaucoup d'érudition et de sagacité, met aussi sa patience à dure épreuve, mais il réserve parfois des surprises très agréables, qui récompensent des mois et des années de labeur monotone. A mesure que les inscriptions s'alignent dans les musées, on voit se préciser davantage le cadre des institutions politiques, sociales, religieuses et celui de la vie de tous les jours. Les idées, les convictions, les sentiments qui animaient l'humanité d'alors, on les retrouve, dans leur jaillissement spontané, parfois étonnamment identiques à ceux d'aujourd'hui. Les inscriptions sépulcrales chrétiennes surtout traduisent avec une simplicité et une constance admirables la foi en l'immortalité et l'adhésion confiante au Christ, qui la promet et qui l'assure. En contemplant telles pierres tombales ou de simples fragments, dont certains ne portent que des jambages ou quelque dessin malhabile, on ne peut échapper parfois à l'impression de retrouver, telle qu'elle était, la communauté chrétienne des premiers siècles et de se sentir en parfaite communion d'esprit avec elle. Ces personnages qui paraissaient si lointains, voici tout à coup qu'ils sont devenus tout proches, comme on évoque auprès d'une tombe la figure d'un parent ou d'un ami. Dans la crypte des Papes, au cimetière de Calliste, chaque dalle de marbre s'orne d'un simple nom : Pontien, Antère, Fabien, Lucius, Eutychien, suivi de la mention « Episcopos » et, pour Pontien et Fabien, des trois lettres M T P qui attestent leur glorieux martyre.

Nous vous savons gré, Messieurs, pour la contribution que l'épigraphie apporte à l'histoire de la vie et des institutions de la chrétienté primitive. De la masse des volumineux in-folio, où s'alignent les textes relevés par vos illustres devanciers et par vous-mêmes, se dégage une vue d'ensemble extrêmement riche de la société grecque et romaine et l'éclatante confimation que la foi chrétienne du XXe siècle reste identique à celle des origines. Aussi vous souhaitons-Nous de poursuivre avec une ardeur toujours égale vos recherches si fécondes pour la connaissance du passé et, en gage des faveurs divines que Nous implorons pour vous-mêmes, pour vos collègues et vos collaborateurs et pour tous ceux qui vous sont chers, Nous vous accordons bien volontiers Notre Bénédiction apostolique.


Pie XII 1957 - VOUS ÊTES DES JEUNES