Pie XII 1957 - ALLOCUTION AUX MINISTRES EUROPÉENS DES TRANSPORTS


RADIOMESSAGE POUR L'INAUGURATION DU NOUVEL ÉMETTEUR DE RADIO-VATICAN

(27 octobre 1957) 1






Le dimanche 27 octobre, fête du Christ-Roi, a été marqué par un événement d'une grande importance : le Souverain Pontife s'est rendu à Radio-Vatican pour en bénir et inaugurer les nouvelles installations. A l'entrée de l'édifice, il a été accueilli par de nombreux cardinaux, archevêques, evêques et prélats de la Curie, par le Corps diplomatique accrédité près le Vatican, plusieurs hauts personnages des autorités italiennes, ainsi que les dirigeants des sociétés qui ont participé à l'installation du Centre.

Au terme de la cérémonie, le Saint-Père s'est adressé au monde entier en un message en latin, dont voici la traduction :

« Prêtez l'oreille, peuples lointains » (Isaïe, xlix, x), écoutez tous ; de la nouvelle station radiophonique du Vatican, de cette forêt d'antennes surmontée de la croix victorieuse, signe de vérité et de charité, « Nous vous adressons la parole » (2Co 6,11). Avant toutes choses, Nous désirons rendre grâces perpétuelles à Dieu très bon et très grand, qui non seulement a créé le ciel et la terre dans une cohérence et une harmonie admirables, mais qui a doué aussi tous les éléments de forces cachées que l'esprit de l'homme poursuit de sa recherche, découvre à force de travail et réduit à son service. C'est ainsi que la voix humaine, captée par des appareils d'une construction délicate, excite des ondes électriques qui après avoir survolé l'immensité des terres et des mers sont recueillies par d'autres appareils et restituent cette même voix comme si ceux qui parlent au loin





étaient présents. Telle est l'invention de la radiophonie, qui constitue certainement l'une des plus grandes parmi les heureuses découvertes de notre époque, bien qu'il y en ait d'autres non moins admirables parmi celles aujourd'hui exploitées, et qui se perfectionnent de jour en jour.



Le regard de la science doit aller jusqu'à Dieu, créateur et source la sagesse.

2 Cf. A. A. S., XXXXVI, 1954, pp. 6-7 ; Documents Pontificaux 1953, p. 646.

3 Physic, lib. I, tract. 1, cap. 1.

4 Cf. A. A. S., XXXXVI, 1954, pp. 6-9 ; Documents Pontificaux 1953, pp. 646-650.




Ces titres de gloire d'un siècle de progrès, il n'y a personne qui ne les célèbre avec Nous, mais il faut cependant affirmer que les avantages et les services que procurent les techniques de tout genre ne peuvent profiter à la prospérité et au vrai bonheur de l'homme s'ils n'augmentent les biens de l'âme, qui sont plus précieux, s'ils ne sont conformes aux lois de la nature et s'ils n'obéissent enfin entièrement aux commandements du Dieu éternel2. C'est à Lui en effet — comme l'écrit saint Albert le Grand, qui fut un chercheur très ardent même dans le domaine de la physique — c'est à Lui « qui est la source de la sagesse, le créateur, l'éducateur et le guide de la nature »3, que tout doit être rapporté. Aussi bien que de toutes les choses créées, il faut assurément se servir des forces que les savants d'aujourd'hui dominent ; mais de façon convenable et raisonnable, sans y attacher une telle importance qu'on en vienne presque à oublier son âme née pour l'immortalité : il faut au contraire faire de toutes choses comme des degrés pour s'élever à l'intelligence et à la conquête des réalités célestes 4. Que tous discernent dans les choses et les forces de la nature la présence de Dieu, et qu'ils admirent avec respect le rayonnement permanent de sa gloire. Tout comme dans la frêle beauté des fleurs et dans la merveilleuse harmonie des choeurs des astres, qui parcourent docilement au gré de Dieu les espaces infinis des cieux, que dans les mystères des atomes, où pénètre le regard de la science et dont la technique en les brisant tire une force nouvelle, ils adorent et vénèrent sa sagesse éternelle et sa puissance créatrice. Si les hommes adoptent cette ligne de pensée et d'action, toutes les inventions que l'époque actuelle introduit de façon merveilleuse ne conduiront ni à la ruine des corps ni à celle des âmes, mais à une vie plus prospère, plus belle et plus heureuse, aussi bien pour les individus que pour les familles et pour la société.



Les nouvelles techniques de diffusion peuvent et doivent servir à Vavancement du règne de Jésus-Christ.

Ces inventions, en effet, — c'est une chose évidente — peuvent engendrer également beaucoup de biens et beaucoup de maux. En ce qui concerne la radiophonie, qui donc ignore qu'elle peut propager et disséminer partout des vérités ou des erreurs, des vertus ou des crimes, la concorde ou la discorde, la charité fraternelle ou une haine mortelle ? Combien donc il importe — ce que d'ailleurs Nous avons écrit dans Notre récente Encyclique Miranda prorsus 5 — combien il importe, disons-Nous, que les chrétiens ou même simplement les honnêtes gens se soucient très sérieusement d'une telle question ; et qu'ils aient avant tout à coeur de faire, selon leurs forces, que les appareils de radio, qui se trouvent désormais dans un grand nombre de maisons, n'écartent pas les esprits de la vérité en dissimulant l'erreur, n'entraînent pas les âmes aux vices en ornant ceux-ci des appâts d'un art trompeur, mais suggèrent plutôt la vertu, propagent la juste doctrine, récréent aussi les auditeurs par de saines attractions et les soulagent même des soucis qui aujourd'hui plus que jamais inquiètent et angoissent si vivement les hommes.

B Cf. ci-dessus, pp. 455 et suiv.




En outre — et cela Nous intéresse de façon spéciale, Nous-même, les evêques et tous les catholiques — la radio fournit de nouvelles ressources et de nouvelles forces pour étendre et faciliter l'accomplissement du commandement de Jésus-Christ à ses Apôtres et à leurs successeurs : « Prêchez l'Evangile à toute créature» (Mc 16,15). Pourquoi donc l'Eglise n'userait-elle pas de cette aide si puissante pour remplir plus aisément un office qui, reçu de Dieu, peut mieux que tout autre contribuer au bien de chacun des citoyens, des familles et de la société ? Les doctrines qu'enfante l'esprit humain ne peuvent jamais être parfaites ; c'est pourquoi il arrive souvent qu'elles naissent les unes des autres, fleurissent, puis cèdent le pas à de nouvelles et disparaissent peu à peu ; tandis que « la parole du Seigneur demeure à jamais » (1P 1,25). La vérité qui vient de Dieu ne connaît pas de déclin ; et ses commandements, s'ils sont correctement observés, ont la force de conduire non seulement les individus mais aussi toute l'humanité à un état meilleur et plus heureux. L'Evangile de Jésus-Christ suscite des vertus qu'aucune philosophie des païens de l'antiquité n'a même pu soupçonner. Grâce à lui — l'histoire nous l'apprend — l'esprit et la pensée, les desseins de la volonté, la vie et les moeurs ont pris un autre cours ; lorsque la connaissance du divin Rédempteur et sa doctrine se furent largement répandues et que sa force qui chasse les vices et développe les vertus eut pénétré jusqu'au coeur des nations, « il en résulta une révolution qui, avec la naissance de la civilisation chrétienne, transforma complètement la face de la terre » 6. Or, ce qui est arrivé autrefois doit de nouveau se produire aujourd'hui et porter des fruits abondants. Que la religion de Jésus-Christ soit donc propagée chaque jour davantage ; qu'elle atteigne toutes les régions, même celles dont l'accès est rendu difficile par la distance ou par d'autres raisons ; qu'elle pénètre et règne dans les foyers et les coeurs pour y régler la conduite ; et que la voix de Jésus-Christ, doucement attirante, retentisse sur toute la terre par le ministère de ses prêtres pour y porter la vie. L'Evangile de Jésus-Christ doit être propagé non seulement par les moyens habituels et traditionnels, nécessaires à la vérité, mais aussi à l'aide des ressources récemment entrées en usage, si nous voulons — et tous nous devons réellement le vouloir — qu'aujourd'hui finalement s'exerce et triomphe partout plus fortement son Règne, « Règne de vérité et de vie, Règne de sainteté et de grâce, Règne de justice, d'amour et de paix » 7.

• Léon XIII, Encycl. Tametsi ; cf. Acta Leonis XIII, 20, a. 1901, p. 299. 7 Préface de la Messe pour la fête du Christ-Roi.




Le désir que Nous avons de voir les catholiques employer ces armes nouvelles et pacifiques de la vérité est la raison pour laquelle Nous avons voulu construire une station radiophonique plus puissante et plus parfaite qui Nous permît de faire entendre Notre voix à la terre entière et d'adresser Nos ordres, Nos exhortations et Nos voeux à la communauté chrétienne. De ce fait, les membres du Corps mystique de Jésus-Christ, dont le divin Rédempteur est le chef, se trouveront reliés par de nouveaux liens ; tous les catholiques — et Nous savons qu'ils le désirent vivement — pourront entendre le Pontife romain jusqu'aux extrémités du monde ; même ceux que des obstacles et des barrières empêchent aujourd'hui d'entendre la voix du Pontife romain.

C'est pourquoi Nous désirons vivement exprimer Notre reconnaissance non seulement à tous ceux qui, à travers tout le monde catholique, ont procuré soit des aumônes soit le matériel nécessaire à la construction et à l'achèvement de cette grande installation, mais aussi à chacun des techniciens qui Nous ont libéralement et généreusement prêté le concours de leur haute compétence. Tous remarqueront certainement — et ce sera pour chacun une consolation — qu'ils ont apporté leurs ressources, leurs forces, leurs talents, à une cause qui non seulement contribue à la culture intellectuelle, à la distinction et aux plaisirs de l'esprit, mais qui fait aussi aimer et qui répand la vérité et la vertu chrétiennes, fortifiant chaque jour davantage selon ses moyens la religion catholique dans le monde entier.



Exhortation à la paix et la concorde fraternelle.

Nous ne voulons pas terminer cette brève allocution sans exhorter avec instance tous les hommes, les nations et les races à la paix et à la concorde fraternelle. Les guerres — c'est un fait que les événements récents attestent avec combien de force ! — engendrent des massacres, des ruines et des misères de toute sorte. Les mêmes conséquences — tout le monde le sait — résultent des guerres civiles, des haines et des discordes, dont ne peuvent naître ni la prospérité privée, ni la prospérité publique, s'il est vrai que « dans la concorde, les biens modestes s'accroissent ; dans la discorde, les plus grandes fortunes s'écroulent » 8.

8 Salluste, Jugurtha, lo.




Nous donc, que ne pousse aucun désir de domination terrestre, car la charge qui Nous est confiée concerne avant tout les âmes immortelles et le bonheur éternel à conquérir, Nous, qui « n'avons pas d'armes humaines, mais dont la puissance est consacrée à Dieu » (2Co 10,4), et qui n'avons rien plus à coeur que d'embrasser dans la charité les hommes et les peuples de toute race, Nous élevons de nouveau Notre voix paternelle pour les inviter tous à la paix fraternelle. Que ceux surtout dans les mains de qui repose le sort des nations pensent devant leur conscience et devant Dieu à l'extrême gravité de leur devoir. Qu'ils sachent vivre ensemble dans un esprit de compréhension basé sur la justice et la vérité ; qu'ils fassent tout, d'abord pour diminuer les discordes et les rivalités qui pourraient exister, mais ensuite pour les régler dans l'équité et les supprimer complètement ; de telle sorte que les individus et les collectivités puissent être libérés de la crainte des guerres, se prendre à espérer en des temps meilleurs et appliquer à des oeuvres fructueuses et pacifiques et à la prospérité commune les ressources qui auraient été dépensées et dissipées en préparatifs de guerre.

Ces voeux et ces exhortations jaillissent d'autant plus spontanément de Notre coeur qu'actuellement, comme chacun sait, de sombres nuages semblent obscurcir le ciel du Proche Orient, non loin de ces lieux où, sur le berceau du divin Rédempteur, les troupes des anges chantèrent l'annonce de la paix aux hommes de bonne volonté (Luc, u, 14 . Nous qui, depuis le début de Notre Pontificat9 avons toujours conseillé la paix à tous. Nous voulons dire la juste paix, ce don si beau de Dieu « en comparaison duquel, selon la parole de saint Augustin, même s'il ne s'agit que des réalités terrestres et passagères, on ne peut nommer rien de plus agréable, souhaiter rien de plus désirable, trouver enfin rien de meilleur »10, Nous invitons avec instance tous les hommes à la consolider et à la fortifier. Que prévale le conseil honnête et prudent de ceux qui méritent vraiment le nom d'hommes de bonne volonté ; et que tous considèrent quelle quantité immense de ruines irréparables pourrait sortir d'une nouvelle guerre, non seulement pour les Nations mais même pour le genre humain tout entier. C'est pourquoi ceux surtout qui sont Nos fils dans le Christ doivent adresser à Dieu des prières pour que ces nuages soient dissipés le plus vite possible et qu'une fois les esprits calmés et les intérêts et les droits légitimes reconnus, le ciel se fasse heureusement de nouveau serein.

Que Dieu daigne faire cela, et que « sa paix... qui surpasse tout sentiment, garde vos coeurs et vos esprits dans le Christ Jésus » (Ph 4,7). Ainsi soit-il.



Cf. A. A. S., 31, 1039, pp. 86-87. De Civ. Dei, lib. XIX, cap. XI.




CONSTITUTION APOSTOLIQUE ACCORDANT L'INDULGENCE DU JUBILÉ AUX PÈLERINS DE LOURDES

(ier novembre 1957) 1






Par la Constitution « Primo exacto saeculo », le Saint-Père rappelle les célébrations qui marqueront le centenaire des apparitions de la Vierge Marie à Lourdes, exhorte les chrétiens à entendre le message de Notre-Dame transmis à Bernadette et accorde l'indulgence plénière du Jubilé à ceux qui visiteront, pieusement et dans les conditions établies, la Grotte de Massabieïle près de Lourdes, du 11 février 1958 au 11 février inclus de l'année 1959.

Le Souverain Pontife y donne également des instructions précises concernant les fidèles frappés de censure réservée au Saint-Siège.

Voici la traduction du document, dont le texte original est en latin :

Un siècle s'est écoulé depuis que la Vierge Marie, Mère de Dieu, qui, depuis son origine n'a pas connu la moindre tache, est apparue dans la grotte de Lourdes ; mû par Notre piété très ardente envers Marie, Nous désirons que dans le monde entier tous les catholiques célèbrent dignement cet événement. Nous pensons que cela ne peut se faire de manière plus fructueuse que si tous s'efforcent de prendre en exemple et d'imiter selon leur pouvoir les excellentes vertus de la souveraine Mère de Dieu. A cela contribueront les pieux pèlerinages par lesquels sans nul doute de partout les fidèles, soit individuellement soit en groupes, se rendront à Lourdes pour l'année jubilaire toute proche ; et là, sans nulle distinction de race ou de peuples, mais unis par les liens mêmes du christianisme, qui sont raffermis grâce à la même foi et à la même charité agissante, secourus par l'intercession de la Vierge Immaculée, ils adresseront à Dieu d'ardentes supplications ; à cela contribuera de même — Nous n'en doutons pas — le comité spécial déjà constitué, que préside Notre Vénérable Frère Eugène Tisserant, évêque d'Ostie, Porto et Sainte-Rufine, et doyen du Sacré Collège ; y contribueront les deux congrès, l'un mariologique, l'autre mariai, qui seront tenus, comme il Nous fut annoncé, en septembre prochain.; et y contribueront enfin les célébrations qui se feront, dans tous les lieux du monde, et les prières qui y seront adressées à Dieu ainsi qu'à la Mère du divin Rédempteur en cette occasion. Nous désirons en effet instamment — Nous l'avons du reste dit en passant dans l'Encyclique « Le pèlerinage de Lourdes » du 2 juillet dernier2 — que les fêtes commémoratives du centenaire soient célébrées non seulement à Lourdes, aux pieds de l'image vénérable de la Vierge Immaculée, mais encore partout où est vénérée notre Mère du ciel très aimante, et davantage en tous lieux où, soit dans les villes et les bourgs, soit dans les villages et les hameaux les plus reculés, des églises sont dédiées au Dieu très bon et souverain en l'honneur de la Vierge. De la sorte, il adviendra sans doute — il faut l'espérer et le demander instamment — que la haute dignité de la Bienheureuse Vierge Marie soit mise en lumière aux yeux de tous, que la piété à son égard soit nourrie chaque jour davantage, et que les moeurs chrétiennes, menacées de nos jours par tant de maux divers, refleurissent en privé et en public et soient pour les autres, qui se sont éloignés de la vérité et de la vertu, un exemple et un stimulant.

Comme il y a vingt-cinq ans, lors de célébrations de même genre, Notre prédécesseur d'heureuse mémoire Pie XI, écrivant à l'évêque de Tarbes et Lourdes, affirma3 que les fidèles ne peuvent célébrer semblables solennités de manière plus apte et plus digne que si, dûment purifiés par le sacrement de pénitence, ils s'approchent de la sainte Table avec une piété fervente et s'associent de façon salutaire au sacrifice du Calvaire, renouvelé chaque jour de façon non sanglante ; ainsi Nous formulons d'un coeur paternel les mêmes exhortations. L'Eucharistie en effet est comme le centre et la raison majeure de la vie chré-



Cf. pp. 348-360.

Lettre Quod tam alacri ; cl. A. A. S., 27, 1935, p. 5.



tienne, car en vérité c'est de l'Eucharistie que découlent plus abondamment en nos âmes les forces d'en-haut et les grâces divines qui nous soutiennent et nous permettent de triompher des périls de la vie présente et d'obtenir un jour les joies de la vie future. Le sacrement de l'Eucharistie et l'auguste sacrifice de l'autel sont de tels bienfaits que non seulement l'humaine pensée est incapable de rien concevoir de plus grand, mais qu'ils semblent même avoir répondu en perfection à la charité infinie du Christ en personne, avoir épuisé sa miséricorde4 ; c'est pourquoi, ils sollicitent de nous un amour agissant et efficace ; un amour, disons-Nous, qui soutienne et façonne la volonté, la manière d'agir, tout le cours de notre vie. En outre, nous ne pouvons, durant les solennités du centenaire, rien faire de plus agréable à Marie, notre très douce Mère, que de puiser à ces trésors de la divine Rédemption, nous unissant chaque jour davantage à son Fils unique, qui seul est pour tous les mortels « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14,6).

i Ibid.




Puisque la Bienheureuse Vierge Marie, quand elle apparut en la grotte de Lourdes à une enfant tout innocente et candide, l'exhorta, et tout le monde par elle, non seulement à prier avec ferveur, mais aussi à supporter spontanément et volontiers les désagréments qu'implique la pénitence chrétienne, Nous désirons que, durant toute l'année jubilaire, tous les fidèles s'appliquent non seulement à refréner et dominer leurs passions, mais aussi — autant que possible — à supporter volontairement les douleurs et les adversités de la vie. Tous se souviendront d'ailleurs que les premières et nécessaires oeuvres de pénitence à supporter par chacun, sont les peines, les souffrances et ennuis qui ne manquent dans aucune vie humaine. Que les chrétiens portent le poids de ces travaux, de ces difficultés et soucis de telle sorte qu'ils offrent à Dieu comme les hosties d'un sacrifice mystique, toutes ces choses pénibles, gênantes et même très douloureuses. En agissant ainsi, non seulement ils rendront justement favorable Celui qui fut offensé par leurs fautes et celles d'autrui, non seulement ils obtiendront de lui bienfaits et consolations célestes, mais même ce qui les tourmente deviendra plus léger, selon ces très douces paroles du divin Rédempteur : « Venez à moi, vous tous qui peinez et portez un fardeau accablant, et je vous soulagerai... et vous trouverez du repos pour vos âmes » (Mt 11,28-29).

Nous accordons volontiers des bienfaits et privilèges particuliers à ceux qui au cours de la prochaine année jubilaire se rendront à la grotte de Lourdes par dévotion et voudront s'y conformer aux conditions que Nous indiquerons ci-dessous. Les voici : de par Notre autorité apostolique Nous accordons à tous et chacun des fidèles de l'un et l'autre sexe qui, dûment purifiés par le sacrement de pénitence et ayant communié, auront — durant l'année qui va du 11 février 1958, jour anniversaire de l'apparition de la Vierge Marie, Mère de Dieu, jusque et y compris le 11 du même mois de l'an 1959 — visité avec piété la grotte de Massabielle près de Lourdes, en y priant à Nos intentions, de pouvoir gagner une fois seulement, au jour de leur choix, l'indulgence plénière du Jubilé. Nos intentions sont les suivantes : que du Dieu très miséricordieux l'on implore pour ceux qui se sont séparés de la vérité chrétienne — laquelle seule peut donner lumière aux esprits et paix aux coeurs — qu'ils reviennent le plus tôt possible à cette vérité et veuillent s'y attacher ; que les pécheurs chargés de leurs fautes et gisant misérablement sous l'esclavage du démon, se purifient de leurs souillures et rentrent dans la bonne voie ; que tous ceux qui sont bons se sanctifient davantage ; que la concorde, la paix soit pleinement restaurée parmi les individus comme entre les nations et fleurisse au plus haut point ; que l'Eglise catholique enfin, jouisse partout de la liberté réclamée par l'accomplissement de sa mission, afin d'être en mesure de pourvoir, de façon plus convenable et plus prompte, au salut éternel des hommes et d'apporter son concours à l'obtention et au développement d'une véritable prospérité générale.

Pour que les fidèles puissent participer plus facilement à ces bienfaits célestes, Nous accordons à l'évêque de Tarbes et Lourdes la faculté de choisir pour le ministère de la confession un certain nombre de prêtres séculiers dans son propre diocèse ou encore de tout Ordre, Congrégation, Institut religieux : ils pourront absoudre les fidèles, bien disposés, des censures et cas réservés au Siège apostolique, au for de la conscience toutefois et dans la seule confession sacramentelle ; imposant en outre à quiconque, selon leur jugement prudent, une pénitence convenable et salutaire. Mais l'absolution des censures de cette sorte n'opère point au for externe en faveur de ces fidèles. Demeurent toutefois soustraites à ces pouvoirs très amples les censures réservées soit personnellement au Pontife romain, soit de façon très spéciale au Siège apostolique, lesquelles ne peuvent être absoutes que conformément aux prescriptions du can. 2254 du Code de Droit canonique ; de même la censure dont il est question au can. 2388, § 1, réservée au Saint-Siège en conformité avec le Décret Lex sacri caelibatus publié par la Sacrée Pénitencerie le 18 avril 1936 5, et avec la déclaration faite aussi par la Sacrée Pénitencerie le 4 mai 19376 : en vertu de ce décret et de cette déclaration cette censure, dans le cas spécial dont il s'agit, est réservée à la Sacrée Pénitencerie au point que nul jamais, sauf lorsqu'il y a péril de mort, ne puisse en absoudre, même pas en vertu du can. 2254.

En outre, les fidèles qui auraient été frappés nommément de quelque censure, ou qui auraient vu cette sentence déclarée publique, ne peuvent jouir de ce bénéfice de l'absolution aussi longtemps qu'ils n'auront pas satisfait au for externe, comme il est requis par le droit. Toutefois, s'ils ont renoncé sincèrement à la contumace au for interne et se sont montrés bien disposés, ils pourront, le scandale étant écarté, être absous au for sacramentel aux seules fins de gagner l'indulgence du Jubilé, avec l'obligation de se soumettre le plus tôt possible, également au for externe, à la règle du droit.

Toutes ces choses qui d'autorité apostolique ont été décrétées par Nous en ces lettres, Nous voulons et ordonnons qu'elles soient tenues pour valables et valides, nonobstant toutes choses contraires, même dignes de mention spéciale.

o A. A. S., 28, 1936, pp. 242-243. « A. A. S., 29, 1937, pp. 283-284.




Aux exemplaires ou extraits de ces lettres, même imprimés, souscrits toutefois de la main d'un officier public et munis du sceau d'une personne ayant autorité dans l'Eglise, Nous voulons que soit accordé le crédit même dont jouiraient les présentes, si elles étaient exhibées ou montrées.




DISCOURS

AUX PARLEMENTAIRES DE LA C. E. C. A.

(4 novembre 1937) 1






Leur session devant s'ouvrir à Rome le 5 novembre, les parlementaires membres de VAssemblée de la Communauté Europénne du Charbon et de l'Acier (CECA) ont exprimé leur désir de pouvoir présenter auparavant un hommage spécial de gratitude à Sa Sainteté.

Le Saint-Père a daigné recevoir l'insigne assemblée le 4 novembre et a donné, en français, les directives suivantes :

C'est avec plaisir que Nous vous accueillons, Messieurs, et que Nous saluons en vous la première, et jusqu'ici l'unique institution parlementaire européenne régulièrement constituée de représentants d'Etats différents. Nul n'ignore avec quel intérêt Nous avons suivi les efforts de fédération, qui se poursuivent depuis la fin du dernier conflit mondial, et en particulier le projet qui devait aboutir à la constitution de cette Communauté européenne du charbon et de l'acier, munie de véritables pouvoirs gouvernementaux dans son propre domaine. L'idée en fut lancée au mois de mai 1950 dans un esprit à la fois audacieux et réalisateur, et dès l'année suivante un traité signé par les six pays, que vous représentez, lui donnait son expression ; ce traité entrait en vigueur le 25 juillet 1952, et bientôt les premiers résultats économiques s'en faisaient sentir de façon favorable.

Un événement, comme la réunion de votre parlement à Rome, contribuera, Nous en sommes sûr, à développer l'intérêt public pour les bienfaits d'une unité plus large que celle de la nation au sens traditionnel, et les esprits ne manqueront pas d'être frappés par l'augmentation de la production du charbon et de l'acier, par les prix plus justes dus à la suppression des barrières douanières et des mesures restrictives, par la réadaptation professionnelle des travailleurs, la libre circulation de la main-d'oeuvre, dont les premières formes viennent si heureusement d'entrer en vigueur.



Nécessité pour les nations d'Europe de se fédérer.

Une nécessité économique vitale impose aux Etats modernes de moyenne puissance de s'associer étroitement, s'ils veulent poursuivre les activités scientifiques, industrielles et commerciales, qui conditionnent leur prospérité, leur véritable liberté et leur rayonnement culturel. Mais il est tout un ensemble de raisons, qui invitent aujourd'hui les nations d'Europe à se fédérer réellement. Les ruines matérielles et morales causées par le dernier conflit mondial ont mieux fait percevoir l'inanité des politiques étroitement nationalistes : l'Europe meurtrie et amoindrie sent le besoin de s'unir et de mettre fin aux rivalités séculaires ; elle voit les territoires jadis en tutelle arriver rapidement à l'âge de l'autonomie ; elle constate que le marché des matières premières est passé de l'échelle nationale à l'échelle continentale ; elle sent enfin, et le monde entier avec elle, que tous les hommes sont frères et appelés à s'unir dans le travail, pour prendre en charge toute la misère de l'humanité, pour faire cesser le scandale de la famine et de l'ignorance. Comment oser encore se retrancher dans un protectionnisme à courte vue, quand l'expérience a prouvé que de semblables mesures entravent finalement l'expansion économique et diminuent les ressources disponibles pour améliorer le sort de l'humanité ?



Bienfaits d'ordre économique et social de la CECA.

Il serait erroné de croire que l'ordre nouveau naîtra de lui-même sous la pression des seuls facteurs économiques. La nature humaine, alourdie par le péché, n'engendre que le désordre, si on la livre à ses seuls appétits. Il faut un droit reconnu, il faut un pouvoir capable de le faire observer. C'est un des avantages de la Communauté européenne du charbon et de l'acier d'avoir prouvé son utilité par des résultats tangibles. La plus grande stabilité des prix a fait prendre aux acheteurs et



aux vendeurs l'habitude de commercer sur toute l'étendue du marché, et le climat de confiance qui a été créé donne l'espoir que le traité sera bientôt élargi à des secteurs de plus en plus vastes. Actuellement en effet il ne peut assurer qu'un équilibre partiel, car une partie trop importante des échanges économiques lui échappe encore.

Un autre bienfait de la CECA, sur lequel Nous voulons insister, c'est le progrès social qu'elle amorce dans les Etats intéressés, en veillant à l'amélioration des conditions de vie des travailleurs, en assurant l'occupation des ouvriers licenciés par suite d'une mécanisation plus poussée, en maintenant le niveau des salaires, en procurant aux intéressés des indemnités d'attente, de transfert et d'adaptation technique, en fournissant des investissements destinés à créer de nouveaux postes de travail, ou à construire des habitations pour les familles ouvrières. Nous aimons en particulier à souligner la création récente d'une carte de travail de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, permettant à une première catégorie d'ouvriers qualifiés la libre circulation d'un pays à l'autre. Ce résultat, qui peut sembler tout simple au grand public, est en réalité le fruit de tractations laborieuses nécessitées par la diversité des législations du travail dans les pays de la Communauté, mais sa valeur symbolique et son importance pratique n'échappent à personne. L'égalité des conditions sociales, qu'elle doit établir progressivement entre ouvriers de la même catégorie à travers l'Europe nouvelle, aura certainement de profondes répercussions humaines, et Nous formons le voeu qu'elle contribue à rapprocher les esprits et les coeurs dans une véritable fraternité.

Outre son profit d'ordre surtout matériel, l'oeuvre de la Communauté mérite encore de retenir l'attention dans le domaine de l'information sociale. En effet, la publication régulière des renseignements de première main obtenus sur la situation du marché et de la production, la possibilité offerte à des syndicats de travailleurs de participer à des enquêtes sur les salaires à l'intérieur des entreprises, le financement de recherches sur la sécurité du travail ou sur les maladies spécifiques, comme la silicose des mineurs, constituent de très notables services rendus au monde du travail et un titre de plus à Notre bienveillance.

Ce n'est pas que tout soit parfait encore, ni que tous les progrès récemment réalisés puissent être attribués à la CECA ; mais les initiatives prises dans l'esprit du traité par les organismes qu'elle anime suscitent des expériences fructueuses et provoquent des changements qui, sans elle, auraient tardé davantage. Certains échecs même, par exemple dans le transfert de la main-d'oeuvre de régions économiquement moins favorisées vers d'autres plus favorisées, ont fait apparaître aux yeux d'experts désintéressés la nécessité d'une politique économique plus hardie, plus compréhensive et à plus longue échéance en faveur des régions sous-développées d'Europe.

Une leçon morale d'énergie et de patience se dégage de la situation actuelle de la CECA, car elle n'a pu aboutir aux résultats substantiels déjà acquis que grâce à une longue préparation juridique et technique, faute de quoi jamais elle n'aurait triomphé des difficultés de tous ordres, qui se dressaient en face d'elle durant les premiers mois. Aujourd'hui bien des appréhensions sont calmées, qui pouvaient paraître irréductibles, et l'on entrevoit que le mouvement créé ne peut plus s'arrêter, qu'il faut donc y entrer à fond et consentir les sacrifices temporaires, sans lesquels il ne saurait réussir.



Bienfaits d'ordre spirituel et humain d'une communauté plus vaste entre les pays d'Europe.

Aussi est-ce une joie pour Nous de penser aux fruits d'ordre spirituel et humain, qui peuvent résulter de la mise en commun du patrimoine si riche de l'Europe. Quand Nous parlons de patrimoine, Nous employons à dessein une parole de sens très large, qui comprend avant tout des valeurs intellectuelles et morales. Il est nécessaire sans doute de baser l'entreprise d'union politique sur des données économiques certaines ; mais il faut compter encore davantage sur l'enrichissement et la stimulation, que provoqueront certainement le brassage de cultures anciennes et profondes, la rencontre de tempéraments et de traditions complémentaires, l'exploitation commune d'un capital d'énergies personnelles et sociales accumulé par de longs siècles de conquêtes pacifiques : conquêtes sur les forces de la nature, qui ont aménagé, enrichi et embelli le territoire, conquêtes sur l'ignorance et l'erreur, qui ont donné naissance à la culture, à la science et à la vie spirituelle de l'Occident. Il ne s'agit pas d'abolir les patries, ni de fondre arbitrairement les races. L'amour de la patrie découle directement des lois de la nature, résumées dans le texte traditionnel des commandements de Dieu : « Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent sur le sol que te donne le Seigneur, ton Dieu » (Ex. xx, 12) ; toutefois, le devoir de reconnaissance pour les mérites et les travaux des aïeux engendre le plus souvent une préférence instinctive pour certaines formes de vie et de pensée, un attachement à des privilèges qui n'ont pas toujours, ou qui n'ont plus leur raison d'être en face des obligations nouvelles créées par l'évolution rapide et profonde du monde moderne. Entrer dans une communauté plus vaste ne va jamais sans sacrifices, mais il est nécessaire et urgent d'en comprendre le caractère inéluctable et finalement bienfaisant. On constate d'ailleurs à cet égard un heureux changement dans l'opinion publique, mieux informée désormais grâce à la facilité des voyages, à l'abondance de la documentation écrite et audio-visuelle dont chacun peut profiter à moindres frais. Pour favoriser cette ouverture, l'apport d'un long atavisme chrétien assurera, Dieu aidant, la part de désintéressement sans laquelle il n'est pas d'union profonde et durable.

De même qu'on n'est arrivé aux accords actuellement en vigueur qu'au prix de longs efforts et d'une persévérance souple et tenace, on ne pourra franchir de nouvelles étapes sans déployer une grande énergie. Les résultats obtenus Nous font bien augurer de l'avenir, et Nous formons pour les travaux de votre assemblée les voeux les plus sincères. Les pays d'Europe, qui ont admis le principe de déléguer une partie de leur souveraineté à un organisme supranational, entrent, croyons-Nous, dans une voie salutaire, d'où peut sortir pour eux-mêmes et pour l'Europe une vie nouvelle dans tous les domaines, un enrichissement non seulement économique et culturel, mais aussi spirituel et religieux. Aussi appelons-Nous sur votre assemblée la lumière et la force d'en-haut, en gage desquelles Nous accordons de grand coeur, à vous-mêmes ici présents, à tous ceux qui vous sont chers et que vous désirez recommander à Nos prières, Notre Bénédiction apostolique.






Pie XII 1957 - ALLOCUTION AUX MINISTRES EUROPÉENS DES TRANSPORTS