Pie XII 1958 - III - LA MISSION À ROME


IV - EXHORTATION FINALE

Un dernier mot, chers fils !

Désireux comme Nous le sommes que Rome soit telle que Dieu la veut, comme l'exigent son passé, son présent et son avenir, Nous vous conjurons de faire tous vos efforts afin que les fruits que vous recueillerez de la Mission ne soient pas provisoires ni éphémères, mais apportent à la cité des bienfaits vraiment durables.

C'est l'heure de l'action, de l'action la plus urgente ; travaillez sans trêve et appelez à votre aide les âmes les plus généreuses. Il y en a, grâce à Dieu, de tout âge et de toute condition ; il y en a dans tout quartier, dans toute maison, souvent dans toute famille. Faites d'elles autant de missionnaires et demandez-leur de se vouer à toute sorte d'héroïsme pour se préparer à soutenir le heurt inévitable avec le monde de l'indifférence, de l'apostasie, de la haine antireligieuse. Dites-leur avec courage et confiance, qu'il y a un besoin de saints dans le monde : de saints prêtres, de saints religieux, de saintes religieuses. Mais qu'il y a également besoin, spécialement aujourd'hui, de saints laïcs. Que tous entrevoient l'enchantement d'une vie secrète avec le Christ en Dieu et, toutefois, consacrée à Le faire connaître, à Le faire aimer, à Le faire servir dans le monde ! Multipliez, chers fils, les saintes avant-gardes d'une armée héroïque, dont l'action, si Dieu le veut, peut préparer une victoire et un triomphe difficilement imaginables aujourd'hui.

Et puis, employez-vous par tous les moyens à coordonner les efforts de tous, afin que de l'intention unique, de la volonté unique naisse une action unique.

Cette unité est aujourd'hui absolument indispensable. Soyez persuadés que seul l'apostolat constant, ordonné et coordonné pourra faire de Rome une cité sainte ; c'est-à-dire digne de sa mission éternelle : une cité où l'on cherche Dieu, où l'on connaît Dieu, où l'on aime Dieu, où l'on sert Dieu.

Rome doit être une cité où tous et tout coopèrent à l'exécution des desseins de Dieu, qui veut posséder toutes les choses, en les élevant dans la mesure où elles se tournent vers Lui. Car un jour II sera tout en toutes choses ; et seront consommées la sanctification de l'individu, l'harmonie des individus entre eux, dans l'unique volonté du Seigneur, laquelle a >en vue tout ensemble la plus grande gloire du Père et la félicité éternelle de ses fils. Ainsi soit-il !






RADIOMESSAGE AUX ÉLÈVES CATHOLIQUES DES ÉTATS-UNIS (19 février 1958)

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Voici la traduction française du radiomessage que le Souverain Pontife a adressé en anglais, le mercredi des Cendres, aux élèves des écoles catholiques des Etats-Unis. Chaque année, au début du Carême, depuis 1945, le Pape a fait appel à la générosité et aux prières des enfants américains, en faveur de leurs petits frères nécessiteux dans le monde.

Est-il possible qu'un autre Carême soit arrivé et que Nous ayons été prié de parler de nouveau à Nos très chers élèves des écoles en Amérique ? Certainement rien ne Nous est plus agréable que de Nous entretenir avec les jeunes du cher troupeau qui appartient au divin Pasteur. Durant l'année, des centaines et centaines d'enfants viennent Nous voir ici à Rome et, sur la colline, aux environs de la ville ; Nous leur parlons et souvent ils répondent à Nos questions. Nous ne pouvons le faire ce matin parce que vous êtes beaucoup trop loin. Mais au moins, Notre voix peut traverser l'océan et, en quelque sorte, Nous amener réellement dans vos salles de classe.

Quel message vous apporte-t-elle ? Laissez-Nous vous le dire brièvement. La semaine prochaine, vous commencerez le mois de saint Joseph. Or Nous avons décidé cette année, de lui confier la charge de tout ce que Nous désirons et attendons vivement de vous.

Le rôle merveilleux de saint Joseph, comme chef de la Sainte famille...

Saint Joseph, comme vous l'avez tous appris chez vous et à l'école était un homme très saint. Il devait l'être puisqu'il était marié à la Vierge Marie, la plus pure, la plus sainte, la plus sublime de toutes les créatures de Dieu. De plus le Père Eternel confia aux soins de saint Joseph son Fils unique, devenu homme sur la terre, Jésus-Christ. Marie était la Mère de Jésus, la plus tendre et la plus aimante de toutes les mères ; et Joseph, bien qu'il ne fût pas son père, avait pour Lui, par un don spécial du Ciel, tout l'amour naturel, toute l'affectueuse sollicitude que peut connaître un coeur de père. Avec Marie, son épouse, il partageait toutes les joies et les peines, les projets et les anxiétés qu'a une mère en élevant son enfant. Jour après jour, au foyer et dans l'atelier de menuisier, ses yeux étaient fixés sur Jésus ; il Le protégeait contre les dangers de l'enfance ; il guidait ses années de croissance, et, par un dur travail et avec un dévouement religieux, il pourvoyait aux besoins croissants de la Mère et du Fils.

Quelle magnifique vie de famille il y avait là à Nazareth ! Vous l'appelez la Sainte Famille et c'est bien juste. Dans cette petite maison, vous trouvez Jésus, plus saint que quiconque puisse l'imaginer, qui est venu pour vous aider ainsi qu'à chacun à devenir saint et agréable au Père. Vous y trouvez sa Mère, votre Mère bénie ; et comme vous le savez, depuis son premier souffle et tous les jours de sa vie, son âme était tout simplement une chose merveilleuse et indicible de beauté, comme un précieux joyau, dont chaque facette reflétait clairement, librement, la sainteté infinie de Dieu. Et enfin il y avait Joseph, modeste, effacé, et cependant exerçant une autorité sur cette famille. Combien doit-il avoir été saint ! Sous sa protection paternelle et sa sollicitude incessante et inlassable, l'Enfant devint un homme, qui, plus tard, sur la croix du Calvaire, en mourant, devait rendre la vie à l'homme et attirer tous les hommes à Lui au moyen de la grâce. Avec Lui comme Chef, ils devaient ensuite former une grande, très grande famille répandue à travers le monde entier. Vous appelez cette famille l'Eglise, l'unique, la vraie Eglise catholique, dont vous êtes des membres, et c'est là votre plus riche trésor sur la terre.



. comme Père et Protecteur de l'Eglise

Maintenant laissez-Nous vous demander, chers enfants, si Joseph s'appliquait avec tant de coeur et d'âme à assurer la protection et à pourvoir aux besoins de cette petite famille de Nazareth, ne pensez-vous pas que, maintenant, dans le Ciel, il est le même père et gardien affectueux de toute l'Eglise, de tous ses membres, comme il l'était pour le Chef de celle-ci sur la terre ? Nous entendons votre réponse : oui. Et ne sait-il pas que tant de ses enfants ont terriblement besoin d'aide ? Ils ont besoin d'aide pour leurs âmes, — la grâce du repentir, la grâce de la persévérance, la grâce de l'humble et incessante soumission à la sainte volonté de Dieu ; et Joseph se tourne vers Jésus, autrefois son Enfant de Nazareth, et aussitôt les grâces coulent avec abondance pour les âmes des hommes. Ils ont besoin d'aide aussi pour leurs corps ; des pères sont sans travail, des mères ploient sous des charges trop lourdes, des enfants manquent de nourriture suffisante, de vêtements et, quand ils sont malades, de remèdes ; et Joseph se tourne vers vous. Oui, c'est vers vous qu'il se tourne. Il doit s'adresser à vous pour aider et réconforter ces enfants, qui sont aussi vos jeunes frères et soeurs. Nous savons que vous ne le décevrez pas. Votre dévotion pour lui vous stimulera à faire de petits sacrifices et des grands aussi, de telle sorte que la vaste famille humaine, que Jésus désire unir dans la foi et la charité, saura que saint Joseph est toujours le vigilant et généreux gardien et protecteur, agissant maintenant par l'intermédiaire de ses fidèles dévots. Et ainsi, comme Nous le disions au commencement, Nous lui remettons avec confiance la charge de solliciter la généreuse affection qui remplit vos coeurs pour ceux qui ont besoin d'assistance et la demandent.

Nous vous quittons maintenant, chers enfants ; mais avant, Nous désirons vous donner une preuve de la sollicitude paternelle que Nous avons pour vous tous. Aussi avec toute l'affection de Notre coeur, Nous vous donnons, à vous ainsi qu'à vos chers parents et à tout le monde chez vous, à vos maîtres et à vos pasteurs, Notre Bénédiction apostolique. Puisse-t-elle attirer dans vos âmes la puissante grâce d'une fidélité constante à Dieu et à son Eglise ; et ne jamais vous laisser oublier que saint Joseph est toujours là pour vous protéger.


ALLOCUTION AUX ARTISTES DE LA « COMÉDIE FRANÇAISE *

(21 février 1958) 1




Le vendredi 21 février, le Saint-Père a reçu en audience un groupe de dirigeants et d'acteurs de la Comédie Française, et leur a adressé dans leur langue maternelle la brève allocution que voici :

Encore une fois, Messieurs, c'est pour Nous un plaisir de vous accueillir à l'occasion de votre venue dans cette ville. Héritiers d'une tradition plusieurs fois séculaire, vous avez pris l'habitude d'apporter à la Rome moderne, à la fois si proche et si lointaine de l'ancienne, quelques-uns des fruits choisis que la culture gréco-latine a produits sur le sol français. L'art du théâtre classique, créé sur les rives de la Méditerranée, a pris chez vos grands maîtres une existence nouvelle, plus raffinée et plus complexe, « moderne » en un mot. Mais il n'en reste pas moins universel, prêt à jaillir, impérissable, sous tous les cieux pour rappeler à chacun cette part de vérité qu'il croit pouvoir ignorer.

1 D'après le texte français de l'Osservatore Romano, du 7 mars 1058.

2 « ETtâjiepoc ti ôè zcs ; r: d'où z:s ; oxcàs àvap âvd-pamos. 'AXXotav aîyla ôcôadoros èX§rj, kajinpbv (psyyos litsortv àvdpâv xai (isiÀi%os alév ».

Pindare, Pyth. VIII, v. 135-139.




En présentant ici les chefs-d'oeuvre de la scène française, loin de parler un langage étranger, c'est Rome que vous révélerez à elle-même, en quelque trait de son visage éternel, si simplement humain, mais transfiguré pourtant par une lumière qui vient d'ailleurs, une lumière qui vient d'en haut comme le pressentait déjà le poète 2, et comme le clamait de sa voix puissante l'apôtre Paul : « Le Dieu qui a dit — Que du sein des ténèbres brille la lumière ! — est celui qui a brillé dans nos

coeurs, pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu qui est sur la face du Christ» (2Co 4,6).

Nous aimons à croire que votre art, cultivé par un labeur austère, restera toujours digne de la noble fin qu'il se propose. En arrêtant pour peu de temps la course haletante des hommes d'aujourd'hui, vous les aidez à retrouver le point d'attache immuable de leur destinée, ce Dieu qu'ils invoquent parfois, hélas ! sans le connaître, et qui ne cesse de les appeler du fond de leur coeur.

Nous implorons sur vous, sur vos familles, sur vos collaborateurs, sa grâce et ses faveurs et vous en donnons pour gage Notre Bénédiction apostolique.


DISCOURS A DES CHEMINOTS ITALIENS

(22 février 195S) 1






Plus de 10.000 cheminots italiens furent reçus, dans la Basilique Saint-Pierre, en audience spéciale par le Souverain Pontife, qui leur adressa un discours en italien, dont voici la traduction :

Ce n'est pas la première fois que votre catégorie — si nombreuse et si méritante — vient à la maison du Père commun, pour Lui demander une parole de lumière, d'encouragement et de bénédiction.

Vous venez de toute l'Italie pour représenter, autant que possible, les 140000 agents affectés au service ferroviaire, organisme vaste et complexe dans lequel s'unissent en une admirable harmonie les inventions les plus modernes de la science, la sage et ferme discipline, la collaboration active d'une multitude de personnes travaillant dans les secteurs les plus divers. Dans son ensemble, il représente le but atteint en un peu plus d'un siècle par les efforts continus de pensée et de travail accomplis par plusieurs milliers d'hommes.



Les multiples responsabilités des cheminots

L'apparition des transports ferroviaires fut un des signes annonciateurs de la naissance d'une ère nouvelle pour la société humaine. Ce fut le premier moyen terrestre qui permit de transporter de nombreux groupes de voyageurs à des vitesses moyennes jusqu'alors inconnues. En un temps relativement bref, il est devenu possible de parcourir un chemin qui n'était même pas imaginable auparavant, en commençant par les premiers convois et en arrivant aux trains électriques modernes, des premières





gares munies d'aiguillages actionnés à la main et de signaux éclairés par des lanternes à pétrole jusqu'aux constructions les plus modernes pourvues de systèmes d'automation. Vous avez enfermé l'espace et le temps dans des liens de discipline absolue ; votre programme quotidien s'appelle l'horaire ferroviaire, et tout citoyen peut, aussitôt qu'il le veut, constater combien il est difficile de trouver dans la vie civile une fidélité mise aussi continuellement et sans repos à une dure épreuve et toutefois admirablement observée.

Il suffirait de monter sur une de ces grandes tours, qui dominent, de leur hauteur, le trafic des dizaines de voies formant l'ossature d'une grande gare moderne. Sur cette tour se trouve le cerveau de la circulation ; des lampes qui s'allument, s'éteignent, donnent les indications par les différentes couleurs : chaque train est suivi, surveillé, commandé, arrêté et mis en marche. Les nouvelles arrivent là de centaines de kilomètres de distance ; on donne les ordres, on pourvoit aux déviations. Que l'on pense à tout ce qui est organisé tout le long de la ligne : gares principales et secondaires, croisements, sémaphores et signaux, aiguillages, vérification des installations. Il ne peut manquer même un seul anneau de la chaîne. Chaque section est importante et fondamentale, comme chaque mètre ; une section de voie non vérifiée, un retard dans l'abaissement des barrières à un passage à niveau, un portail qui n'est pas fermé à temps, un signal qui ne fonctionne pas, un aiguillage qui se coince, et c'est le danger de la tragédie pour des dizaines et parfois des centaines de personnes.

Soyez donc les bienvenus, très chers fils ; bienvenus les techniciens et ouvriers des services des travaux, à qui il appartient de prendre soin avec vigilance de l'efficience de la voie ferrée avec toutes les oeuvres disséminées le long de celle-ci ; bienvenus les gardes-voies, qui surveillent mètre par mètre les plus petites structures de la voie ; bienvenus les employés du service des équipements électriques, qui effectuent le même travail exact pour les conduites électriques et les appareils de sécurité ; bienvenus les chefs de gare, les aiguilleurs, les manoeuvres et tous ceux qui sont affectés au mouvement des trains, qui en règlent la circulation sans interruption, en veillant sur la sécurité des voyageurs ; bienvenus les machinistes, qui pilotent les trains d'une main experte ; bienvenus les ouvriers chargés de la conservation du matériel de traction et des véhicules, dont le travail scrupuleux est une condition essentielle pour la régularité et la sécurité du trafic ; bienvenus les responsables des communications télégraphiques ; bienvenus tous ceux à qui sont confiés les services pour les voyageurs et les marchandises dans les gares.

En recevant les travailleurs en des audiences pour ainsi dire innombrables, Nous avons parlé tant de fois et sous divers aspects du problème qui les préoccupe à juste titre ; personne n'ignore que l'Eglise, loin d'être et de se montrer indifférente à l'égard de la question sociale, a manifesté avec précision et clarté les principes sur lesquels elle base la juste solution de celle-ci. Aussi sommes-Nous vivement satisfait des améliorations notables qui viennent d'être obtenues au sujet de l'état juridique et des rétributions de votre catégorie.

Laissez-Nous donc, chers fils, en cette rencontre si simple et affectueuse, Nous adresser directement à vos âmes pour vous dire une parole paternelle d'exhortation spirituelle. Votre vie même de personnes affectées aux voyages ferroviaires Nous en offre l'occasion.

La vie : un voyage vers Dieu

i. — Celui qui voyage en train doit avoir une finalité bien précise à poursuivre ; atteindre un but, descendre à la gare d'arrivée. C'est à cette fin évidemment que devront être subordonnées les autres exigences voire justes, du voyage : la rapidité, par exemple, la commodité, la beauté du parcours. Cela signifie que tout voyageur devra être disposé à renoncer à ces avantages, s'ils représentaient un obstacle pour arriver au but fixé. Que diriez-vous d'un homme qui, n'ayant pas trouvé une place commode dans son train, en prendrait un autre qui lui offre des conditions plus confortables de voyage, mais va dans une direction opposée ?

Ce qui ne se produit pas normalement dans les gares, sur les trains, se produit, malheureusement, plus d'une fois, dans le voyage de la vie. Il y a en effet pour tous, sur la terre, un but bien établi : arriver à la vision de Dieu, à l'amour et à la possession de Dieu. Ce but a été assigné à tous et pour y arriver chacun a un certain temps, dont Dieu seul connaît la durée. C'est vers cette fin que chacun doit se diriger à tout prix, même si la façon d'y parvenir n'était pas celle que l'on aurait désirée et préférée.

Il faut donc aussi écarter ces moyens — même commodes et plus agréables — qui, au lieu de conduire au but, en éloignent ou, tout au moins, causent des haltes indues. Donc si une personne, une chose, un événement se présentaient comme des obstacles sur le chemin qui doit conduire à Dieu, il sera nécessaire et raisonnable de se comporter comme on ferait dans les voyages terrestres ; il faut éviter ces obstacles ou les dépasser ; il ne faut pas changer de route à cause d'eux et il est encore moins permis de sortir des rails ; il faut au contraire rester aux ordres de Celui qui préside au trafic complexe de l'existence humaine. Se comporter autrement signifierait s'éloigner du but, perdre Dieu et s'engloutir dans l'abîme de la perdition.



La coopération au salut des autres

2. — Le bon chemin assuré, vous devez être soucieux du sort de tous ceux qui voyagent avec vous.

Certains ne savent peut-être plus quel est le but vers lequel ils se dirigent : il faudra le leur montrer. D'autres s'attardent à des arrêts inutiles et dangereux ; il faut les exhorter à partir. D'autres courent — parfois si vite — mais dans le sens opposé à celui qu'ils devraient suivre : il faut les arrêter à temps. De même faudra-t-il éclairer ceux qui tâtonnent dans l'obscurité de l'erreur, guider ceux qui sont sur le point de s'égarer dans les brouillards du doute et de l'incertitude, réconforter ceux qui seraient fatigués, relever ceux qui seraient tombés.

Chers fils, ne dites pas : nous n'avons pas à nous intéresser du sort d'autrui : ne s'agit-il pas en effet d'étrangers ? Ne dites pas comme Cain que vous n'êtes pas les gardiens de vos frères (Gn 4,9) ; ne passez pas outre (Lc 10,32) quand vous voyez un de vos frères dans le besoin : ce ne serait pas une attitude humaine et encore moins chrétienne.

Les hommes ne doivent pas se considérer comme des êtres indifférents les uns envers les autres ; mais comme des membres d'une sorte de grande famille unique, voire des membres de l'unique Corps mystique du Christ. Des membres qui ont, certes, leur individualité — ils sont en effet de vraies personnes, cons,-cientes, libres, responsables — mais aussi une vie commune, une vie qui les fait tous participer aux joies, aux douleurs, aux angoisses de chacun.

Un chrétien est donc celui qui ne regarde personne, dans le monde entier, comme on regarde un étranger ; un chrétien est celui qui s'empresse dans la mesure du possible auprès de tous, comme tout membre du corps pour tous les autres membres ; un chrétien est celui qui se fait « tout à tous », selon la vigoureuse expression de l'Apôtre (1Co 9,22).

Cette solidarité, qui est déjà prescrite quand il s'agit de nécessités concernant la vie terrestre, est exigée à plus forte raison quand les intérêts et le destin des âmes sont en jeu.

Et il ne sert à rien de dire — comme certains le répètent parfois — que l'homme se sauve ou se perd selon qu'il dirige librement ses propres pas dans un sens ou dans l'autre. Qui ne sait que pour tant d'âmes — qui connaissent maintenant la joie des cieux — le moment décisif fut la rencontre avec un apôtre, qui les aida à retrouver la bonne voie, à se relever, à se remettre en route ? Et n'est-il pas vrai aussi que d'autres âmes sont dans les tourments parce qu'elles n'eurent pas ce sort ? Il n'en est pas autrement dans les voyages terrestres : un conducteur plus expérimenté, un télégraphiste plus attentif, un garde-voie plus diligent peuvent empêcher un désastre et décider de l'heureux résultat d'un voyage.

Dans la joie du bon exemple A l'oeuvre, chers fils !

Quiconque vit avec vous — en famille ou sur le lieu du travail — quiconque vous rencontre seulement pour quelques instants ou même passe à côté de vous, doit sentir l'influence de votre âme : ce sera votre parole, avec laquelle vous insisterez en temps opportun et même hors de ce temps, en reprenant, en suppliant, en exhortant avec une grande patience et doctrine (1Tm 4,2) ; ce sera le témoignage de votre vie, témoignage courageux et par conséquent total, qui n'est pas impérieux mais qui ne craint pas non plus les incompréhensions et l'hostilité des méchants, la haine du monde ; ce sera votre prière continue, une prière récitée avec une insistance confiante et avec une ferveur sans cesse renouvelée, une prière vécue par l'offrande de votre vie, spécialement de votre travail, de vos souffrances grandes et petites.

Voilà, chers fils, ce que Nous avons voulu vous dire en cette rencontre qui Nous a été procurée par l'amour prévoyant de Dieu. Ecoutez la voix de votre Père ; vous vous sauverez et, en même temps, vous serez les sauveurs de tant de vos frères.

Vous coopérerez de la sorte à renforcer la confiance en la possibilité que, dans le monde du travail aussi, l'hiver finisse et que commence un nouveau printemps. Les temps s'éloigneront, où un spectacle désolé et désolant se présentait au regard parce qu'on fuyait Jésus, on demeurait loin de Lui, on craignait de s'approcher de Lui, comme si le fait de se trouver avec Lui signifiait trahir ses intérêts légitimes.

Il n'en sera plus ainsi. Si Nous ne sommes pas aveuglé par le désir d'une nouvelle ère de bien, il y a lieu de croire que bientôt toute opposition, même minime, devra cesser entre le monde du travail et la doctrine de rédemption du Christ.


ALLOCUTION A SON EXC. M. JAMES DAVID ZELLERBACH AMBASSADEUR DES ÉTATS-UNIS

(22 février 1958) 1






Son Exc. M. James David Zellerbach, ambassadeur des Etats-Unis en Italie, avait sollicité une audience du Saint-Père dans l'intention de remettre à Sa Sainteté, par mission spéciale du « George Washington Carver Mémorial Institute », la grande Médaille d'or conférée chaque année par cet Institut à des personnalités qui ont acquis des mérites spéciaux en faveur de la famille humaine.

Le Souverain Pontife accepta volontiers cette marque de gratitude et y répondit par les considérations suivantes, traduites de l'anglais :

Nous remercions Votre Excellence pour les gracieuses paroles prononcées en Nous remettant ce prix et Nous vous demandons de dire au président du « George Washington Carver Mémorial Institute » combien Nous apprécions l'aimable pensée qui l'a incité à Nous l'accorder.

1 D'après le texte anglais de Discorsi e radiomessaggi, XIX ; traduction française de 'Osservatore Romano, du 7 mars 1958.




Il est bien vrai que l'Eglise — et elle en a toujours été très profondément consciente — a une mission universelle, qui lui a été confiée par Dieu, notre Sauveur, dont la volonté est, comme le dit saint Paul, « que tous les hommes se sauvent, et qu'ils parviennent à la connaissance de la vérité » (1Tm 11,4). Tout au long des siècles, elle a continué à faire sien le message que le même intrépide Apôtre adressa de cette ville de Rome à ses frères : « Comportez-vous... en toute humilité, mansuétude et longanimité, vous supportant charitablement les uns les autres, appliqués à garder l'unité spirituelle par le lien de la paix» (Ep 4, 2, 3).

On s'attendra donc à ce qu'une association qui vise à encourager la compréhension et la concorde entre les peuples, inspire la sympathie de l'Eglise ; et, en acceptant volontiers ce prix, Nous sommes heureux d'exprimer Nos voeux fervents pour le succès de ce que le « George Washington Carver Mémorial Institute » se propose de faire pour la réalisation d'un but si ardemment désiré par tous les hommes de bonne volonté.


ALLOCUTION A DES RELIGIEUSES ÉDUCATRICES ET A LEURS ÉLÈVES

(3 mars 1958) 1






Le lundi 3 mars, le Saint-Père a reçu en audience spéciale plusieurs membres de l'« Association des Dames Adoratrices » et un groupe d'élèves de l'école de taille et couture « Raffaella Maria ». Les deux délégations étaient accompagnées de religieuses « Servantes du Sacré-Coeur de Jésus », dont dépendent ces oeuvres.

Le Souverain Pontife eut pour toutes, élèves et maîtresses, des paroles de bienvenue et d'encouragement. En voici le texte original français :

Comme un symbole expressif d'une charité chrétienne intelligente et active, le groupe que vous formez ici, chères filles, présente à Nos yeux les membres de 1'« Association des Dames Adoratrices », les élèves de l'école « Raffaella Maria » et les Religieuses « Servantes du Sacré Coeur de Jésus », venues ensemble Nous offrir le témoignage d'un attachement sincère et filial.

1 D'après le texte français de Discorsi e radiomessaggi, t. XX.




Aussi voulons-Nous vous accueillir avec les paroles, que l'apôtre saint Paul adressait à ses fidèles de Thessalonique : « Nous devons sans cesse remercier Dieu pour vous... ; parce que vous débordez de charité les uns envers les autres » (11 Thess., 1, 3). Oui, Nous remercions le Seigneur de ce qu'il ait inspiré, il y a quatre ans, l'idée généreuse de fonder l'école de coupe et de couture « Raffaella Maria » et qu'il ait suscité chez les « Dames Adoratrices » la volonté de la soutenir moralement et matériellement.



L'excellence de la charité envers les pauvres.

Permettre à des jeunes filles aux ressources modestes d'apprendre un métier, qui leur assurera une honnête subsistance, et leur donner en même temps la formation religieuse, morale et sociale qui, en développant leurs qualités profondes, les rendra capables de mieux assumer plus tard leur rôle de mères de famille ; voilà certes un témoignage indéniable de vraie charité, une oeuvre qui honore des chrétiennes ferventes et animées d'un amour tout particulier pour le Coeur de Jésus. Non contentes de pourvoir aux frais de cette entreprise, vous vous intéressez directement aux élèves, les aidez de votre sympathie et de votre expérience, les soutenez de vos encouragements et de vos exemples ; ainsi traduisez-vous en actes une leçon essentielle du divin Maître. Souvent, en effet, en l'adorant dans l'Eucharistie, vous méditez sur son infinie condescendance, sur l'humilité qui l'a poussé à se mêler aux hommes, à partager leur vie laborieuse, à compatir à leurs peines quotidiennes, à se faire accueillant à tous, surtout aux enfants et aux pauvres ; vous aspirez alors à reproduire, dans votre vie personnelle, ces mêmes traits de douceur, de bonté, de délicatesse secourable, par lesquels vous pouvez continuer à transmettre son message et à le faire connaître aux hommes. Restez donc fidèles par un dévouement caché, mais vigilant et inlassable, à Celui que vous invoquez comme « doux et humble de coeur » et soyez sûres que, de la sorte, il ne manquera pas de rendre votre coeur semblable au sien.

Nous vous remercions tout particulièrement pour les ornements et vases sacrés, que vous avez voulu offrir pour les églises pauvres et les missions ; ils seront un signe tangible de l'universalité de la charité catholique et, en conférant à la liturgie eucharistique plus de noblesse et de beauté, ils traduiront d'une manière non moins expressive votre dévotion à la Victime offerte sur l'autel en sacrifice de Rédemption.

Et vous, chères enfants, si vous entendez prouver à vos bienfaitrices une reconnaissance sincère, mettez votre zèle et votre application à suivre avec profit l'enseignement qui vous est donné. Apprenez sérieusement un métier qui vous sera très utile ; efforcez-vous aussi de devenir des chrétiennes plus ferventes et de vous préparer aux tâches, difficiles peut-être, que la vie vous réserve, en acquérant dès maintenant l'esprit de piété, de travail, de sacrifice, sans lequel vous ne pourrez rien faire de grand ni de beau. Apprenez surtout à aimer et à servir davantage le Coeur de Jésus qui sera toujours, dans vos difficultés et vos peines, la lumière qui apaise et le plus fidèle des consolateurs.



Le troisième an de probation.

Nous saluons aussi en particulier le groupe des religieuses « Servantes » du troisième an de probation. Vous avez maintenant l'occasion, chères filles, d'approfondir dans la prière et la réflexion le dessein, que le Seigneur a formé sur vous, en vous donnant la grâce de la vocation. Ce dessein divin, que peut-il être, sinon de vous voir toujours plus conformes à l'image de son Fils Jésus (Rm 8,29), courageuses à porter la Croix avec lui, à vous dépenser sans mesure à son service dans les tâches que l'obéissance vous assigne ? Demandez-lui donc instamment la lumière et les forces surnaturelles nécessaires pour persévérer sur le chemin qu'il vous trace et pour répondre à tout ce que l'Eglise attend de vous. Que votre zèle se purifie et s'affine à l'école de vie intérieure, qu'est le troisième an de probation, et que votre charité rayonne davantage, d'abord sur votre communauté, puis sur toutes les âmes de ceux qui vous approchent et qui, à votre exemple, apprendront à mieux aimer et servir Dieu !

En gage des faveurs célestes et d'une influence spirituelle encore plus bienfaisante que Nous souhaitons à l'école « Raffaella Maria », Nous accordons bien volontiers à son corps enseignant, à ses élèves, à 1'« Association des Dames Adoratrices » qui en assure la subsistance, et aux religieuses «Servantes du Sacré Coeur de Jésus », Notre paternelle Bénédiction apostolique.






PRIÈRE POUR LA JEUNESSE FÉMININE CATHOLIQUE D'ITALIE

(y mars 1958) 1






Voici la traduction française d'une prière composée en italien par le Souverain Pontife, à l'intention de la jeunesse féminine catholique d'Italie :

L'âme remplie des plus douces aspirations, nous, « jeunesse en fleur », nous nous prosternons à vos pieds, ô Seigneur Jésus, qui « réjouissez notre jeunesse », pour vous offrir les battements de nos coeurs, comme quelqu'un qui dépose d'une main tremblante une fleur devant votre autel ; nous désirons vous mieux connaître — vérité infinie, seule capable d'étancher notre soif d'idéal — ; vous aimer toujours davantage — bien ineffable, ultime objet de nos désirs les plus élevés — ; et vous suivre de près — modèle suprême de toute perfection.

Que votre présence, comme un souffle suave, nous accompagne dans notre chemin, au milieu d'un monde agité et violent ; que votre pureté immaculée, comme une aube céleste, ne s'efface jamais devant nos yeux, au milieu des bassesses dont le matérialisme régnant nous offense et voudrait nous éblouir ; que votre force toute-puissante et douce soutienne, comme un sûr appui, notre fragilité et secoure notre faiblesse, dans le réseau de malices et de flatteries par lesquelles on voudrait nous séduire.

Nous voulons être comme un rayon lumieux qui éclaire et qui montre ce qu'est une vie de foi ardente et attirante. Dans l'intimité de nos demeures, nous nous appliquerons à être toujours des éléments d'union et d'affection élevés surnaturellement par la grâce ; dans nos relations sociales, nous nous emploierons à tenir toujours bien haut l'emblème de la justice et de l'amour, comme symbole visible d'un programme chrétien de vie ; dans nos études et dans notre travail, nous chercherons à respirer et à inspirer sérénité et joie, comme celui qui répand dans un jardin la plus précieuse des semences ; dans le choix de notre état de vie, nous nous abandonnerons avec la confiance la plus aimante à votre divine volonté. Et, à chaque instant, nous ferons tout ce que nous pouvons pour vivre de prière et de grâce sacramentelle, d'union avec vous et de soumission à votre volonté, et de ce sentiment filial qui doit donner à toutes nos actions une couleur, un arôme, un sceau, qui les rendent saintes et méritoires.

2 S. S. Pie XII a bien voulu attacher à la récitation de cette prière une indulgence-partielle de trois ans.




Et vous, ô Marie, Mère très aimante, lis immaculé, écoutez les supplications de vos filles, humbles fleurs des champs comme perdues dans les prairies du monde, mais qui dressent leurs tiges pour s'offrir devant l'autel du Seigneur ; présentez-nous, vous notre toute-puissante avocate, et donnez-nous, toute notre vie, de pouvoir imiter très fidèlement vos vertus, pour la plus grande gloire de votre très cher Fils, qui, avec le Père et le Saint-Esprit, vit et règne dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il !2.


Pie XII 1958 - III - LA MISSION À ROME