Pie XII 1958 - AU CONGRÈS MONDIAL DE LA FAMILLE


MESSAGE AU PÈLERINAGE MILITAIRE INTERNATIONAL A LOURDES

(ïo juin 1958)1






Le Saint-Père a fait parvenir le message suivant, en français, au pèlerinage militaire international à Lourdes, qui a réuni au pied de la grotte de Massabielle plus de 40.000 soldats :

Chers fils, militaires des différentes armes pèlerins de Notre-Dame, Nous sommes heureux de reconnaître dans vos rangs, fraternellement unis par une foi commune, d'importants contingents de nombreux pays. Une même prière vous assemble pour confier à Dieu, par l'intercession de la Vierge Immaculée de Lourdes, les intentions de vos patries, les intentions de la paix. Vos malades sont là qui joignent à vos supplications l'offrande de leurs souffrances. Vos aumôniers vous accompagnent et vous assistent de leur ministère. De grand cceur, en cette année jubilaire, Nous saluons votre pèlerinage militaire international.

Quel contraste apparent offre aux premiers regards votre foule d'hommes jeunes, adonnés pour un temps ou par carrière au métier des armes, venant à cent années de distance retrouver sur les bords du Gave les traces d'une pauvre enfant, recueillir sur ses lèvres les exhortations de la Vierge Sainte qui l'a choisie pour confidente, méditer son message et ses exemples ! Ne renouvelez-vous pas, en quelque manière, l'admirable aventure de ces guerriers du moyen âge dociles eux aussi aux appels d'une humble fille de Lorraine ? Comme Jeanne autrefois, Bernadette vous convie au service de Dieu, qui est le premier des services et comporte de votre part une perpétuelle conversion du cceur.

Quelle espérance aussi fait naître en Notre âme ce magnifique spectacle de fraternité chrétienne entre militaires de diverses nations ! N'est-il pas le signe que, malgré tant d'obstacles accumulés, la cause de la paix progresse dans le cceur des hommes ? Chers fils, aimez vos patries respectives, et servez-les, comme c'est votre devoir et le mouvement spontané de vos coeurs. Mais, si vos coeurs sont pacifiques, cet attachement légitime deviendra source de richesses pour le monde et non motif de rivalités ou de divisions. Or, disions-Nous récemment, il n'y a qu'un moyen de regarder au-delà de ses frontières tout en continuant d'aimer sa patrie : il faut prendre conscience d'une réalité suprême, l'Eglise. Il faut en être une partie vivante 2. Par votre fidélité au Christ et à son Eglise, vous ajouterez aux traditions d'honneur et de grandeur, dont vos propres armées se font gloire, un fleuron précieux : celui de l'amour et du service de la paix, d'une vraie paix fondée sur l'ordre et la justice et ennoblie par la charité chrétienne.

Que l'Esprit de Dieu comble vos âmes, qu'il vous rende plus forts dans la pratique du devoir, plus fraternels entre vous ! Nous appelons l'effusion de ses grâces sur vous tous, chers fils, sur les personnalités qui président votre pèlerinage, et Nous vous en accordons pour gage Notre très paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION A DES JOURNALISTES DES ÉTATS-UNIS

(12 juin 1958) 1






Le Saint-Père a reçu en audience un groupe de journalistes américains, effectuant un voyage d'information en Europe, et leur a adressé un discours en anglais, dont voici la traduction :

Très souvent durant ces récentes années Nous avons reçu des membres de votre profession. Et ce fut toujours avec plaisir : parce que si un mot de Notre part doit, même de la plus petite façon vous encourager à mesurer la fin élevée et les principes impérieux d'une presse honnête, Nous éprouvons alors un sentiment de satisfaction plus profond pour l'accomplissement d'un bien d'importance mondiale. Qui pèsera la portée de bien ou de mal des moyens modernes de communication ? et le journalisme joue encore un rôle prépondérant et considérable dans ce domaine.

Votre voyage actuel a été patronné par le gouvernement de votre pays et vous êtes accompagnés par des officiers de haut rang de l'Armée de l'air, auxquels Nous étendons également Nos paroles de bienvenue. Le but de votre voyage semble être d'acquérir sur place la connaissance de certaines situations qui intéressent vos lecteurs. Abordez toute situation sérieuse, dans ce cas comme dans d'autres semblables, avec un esprit ouvert et une conscience indépendante et éclairée ; essayez de saisir des faits éclaircis par toutes les circonstances qui ont une répercussion sur eux ; ensuite, avec honnêteté et prudence, présentez vos

constatations, sans jamais oublier votre responsabilité envers le plus grand bien de votre patrie et du monde.

Vérité, justice, bonté authentique, amour fraternel — combien l'humanité aspire-t-elle à la sûre possession de ces bénédictions d'un Dieu juste et aimant ! Nous savons que la presse peut faire beaucoup pour satisfaire ce désir universel, et Nous vous renouvelons l'expression de la confiance qui est Nôtre, que vous saurez, messieurs, faire face à la tâche. Pour que vous puissiez l'accomplir avec succès, Nous implorons pour vous, avec une affection paternelle, la grâce de l'inspiration de Dieu.

LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT POUR LE 60e ANNIVERSAIRE DE LA FÉDÉRATION SPORTIVE DE FRANCE

(iS juin 1958) 1




Du 27 juin au 6 juillet, se sont déroulées à Paris les fêtes du 60e anniversaire de la Fédération sportive de France. A cette occasion, le Souverain Pontife fit parvenir ses voeux et directives au Président de la F.S.F., par la lettre suivante en français, de S. Exc. Mgr Dell'Aequa, Substitut de la Secrétairerie d'Etat :

La Fédération sportive de France s'apprête à célébrer le 60e anniversaire de sa fondation et vous avez tenu, en un geste de filiale déférence, à informer le Souverain Pontife de ces prochaines fêtes jubilaires. Du 27 juin au 6 juillet, une « Semaine fédérale », marquée par de nombreuses compétitions sportives, réunira à Paris plus de 20 000 jeunes gens et une messe solennelle, célébrée le jour de la clôture, exprimera publiquement la foi de toute cette jeunesse et les actions de grâce des membres et amis de l'institution.

Fondée au moment où le sport commençait à peine à prendre, dans la vie des peuples, la place importante qu'il tient actuellement, la Fédération sportive de France a connu, sous l'impulsion de vos deux prédécesseurs, le fondateur Paul Michaux et M. François Hébrard, un essor remarquable. Elle compte aujourd'hui plus de 400 000 membres groupés en quelque 80 unions régionales ou départementales, et, malgré cette extension, elle est vraiment demeurée fidèle au but qu'elle s'était fixé dès les origines : l'éducation physique et morale de la jeunesse chrétienne. C'est de tout cceur que le Souverain Pontife l'en félicite et forme des voeux paternels pour son avenir.

D'après le texte français de la Documentation Catholique, t. LV, col. 912.

En plusieurs circonstances, le Saint-Père a dit son estime pour une saine pratique du sport. Il en a déterminé les conditions de moralité et en a loué la vertu formatrice. « Quand on respecte soigneusement le contenu religieux et moral du sport, observait-il naguère, celui-ci est appelé à prendre sa place dans la vie de l'homme comme un élément d'équilibre, d'harmonie et de perfection, et comme une aide efficace dans l'accomplissement de ses autres devoirs 2. » C'est dans cet esprit qu'au cours de ces soixante ans furent formées de nombreuses générations au sein de la F. S. F. Les convictions religieuses de ceux qui la dirigent, le concours d'un conseiller ecclésiastique désigné par la hiérarchie, le zèle de tant de prêtres qui, dans les institutions scolaires et les patronages, se dévouent à l'éducation de la jeunesse, sont autant de gages de l'esprit chrétien qui anime la Fédération, et d'assurances de fidélité à cet idéal dans l'avenir.

2 Discours du 8 novembre 1952 ; A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 876 ; Documents Pontificaux 1952, p. 521.




Aux milliers de jeunes qui participent à ces fêtes jubilaires, aux personnalités religieuses et civiles qui les président, aux dirigeants et aux aumôniers de toutes les sociétés membres de la Fédération, le Saint-Père accorde de grand cceur, ainsi qu'à vous-même, à votre cher président d'honneur et à tous vos collaborateurs, une large et paternelle Bénédiction apostolique.


ALLOCUTION AU COLLÈGE PONTIFICAL PIO-BRASILEIRO

(20 juin 1958) 1






A l'occasion du 25e anniversaire de la fondation du Collège pontifical Pio-Brasileiro, le Souverain Pontife a prononcé une allocution en portugais, devant les professeurs et élèves de cet Institut. Voici la traduction des paroles pontificales :

A la veille du premier centenaire du Ponteficio Colegio Pio-Latino-Americano où, durant soixante-quinze années, les élèves du Brésil ont reçu leur formation, et à l'occasion du 25e anniversaire du Pio-Brasileiro, où ils la reçoivent actuellement, vous avez voulu venir jusqu'à Nous, pour Nous présenter vos hommages filiaux et implorer, avec Notre Bénédiction apostolique, les bénédictions du ciel, afin que la prochaine solennité contribue à faire progresser toujours davantage le collège en nombre, en science et en vertu.

Cent ans de vie d'un Séminaire constituent certes une belle période, surtout quand ils sont visiblement bénis par Dieu et féconds en toutes sortes de biens, comme c'est le cas pour votre Institut.



Le rayonnement apostolique du Séminaire

1 D'après le texte portugais de Discorsi e radiomessaggi, XX ; traduction française de Sa Documentation Catholique, t. LV, col. 905 et suiv.




Fondé en vue de fournir au Brésil des ministres choisis du sacerdoce, non seulement apôtres, mais encore modèles et formateurs d'apôtres, il a déjà pu renvoyer à ce pays plus de 650 sujets excellemment formés. C'est peu, assurément, pour l'immense moisson qui les attend, mais c'est quand même un chiffre consolant pour la vie du Séminaire, surtout si l'on songe que tous parmi eux, presque sans exception, peuvent représenter un magnifique tableau de services dans les secteurs les plus divers que leur a assignés la Providence.

Destinés principalement à l'enseignement dans les Séminaires, collèges et Facultés universitaires récentes, ils se distinguent comme professeurs, et maints d'entre eux comme recteurs, supérieurs et directeurs spirituels. Mais la tâche est immense et combien d'entre eux, multipliant leurs énergies, doivent cumuler d'autres fonctions en qualité de membres du Chapitre cathédral, de curés, de vicaires, d'aumôniers zélés et même de collaborateurs actifs, et, s'il le faut, de lutteurs intrépides dans les batailles de la presse ! On peut même affirmer qu'il n'y a pas de formes d'apostolat, depuis les hauts emplois dans les curies diocésaines jusqu'au très récent apostolat par la radio et la télévision dans lesquelles ne se distinguent les Pio-Brasileiros.

Plus d'un, craignant les dangers du siècle ou aspirant à une immolation plus complète d'eux-mêmes, en tout cas obéissant à une vocation spéciale du ciel, se sont réfugiés dans le silence du cloître. Mais ils n'en ont pas moins de mérite aux yeux de l'Eglise du Brésil, et pas moindre est la gloire qui en rejaillit sur le collège où jadis ils entendirent le premier appel : si vis perfectus esse ; car on les a vus et on les voit encore travailler inlassablement : ceux-ci comme directeurs de l'Apostolat de la prière, ceux-là comme promoteurs de l'activité des Congrégations mariales, véritables corps d'armée spécialisés dans les batailles du Seigneur.

A la tête de ces phalanges qu'elles dirigent, animent, enflamment d'ardeur par leur exemple vivant, se distinguent les vénérables figures de deux éminentissimes cardinaux, quorum memoria in benedictione est, et de près de trente prélats : archevêques et évêques, en grande partie en pleine activité, portraits fidèles du Bon Pasteur dans leur soin vigilant pour leurs troupeaux respectifs; tout prêts, si des circonstances imprévues l'exigent — desseins supérieurs de la Providence ! — à offrir généreusement leur vie en holocauste pour le triomphe de la bonne cause, ou à sceller de leur sang l'accomplissement héroïque du devoir.

Devant ce consolant panorama, avec vous, Nous louons, bénissons et remercions le Seigneur ; en même temps Nous implorons du ciel pour le collège Pio-Brasileiro de nouvelles et plus abondantes bénédictions, afin que chaque jour et toujours davantage vivat, floreat, crescat !



l'expansion de l'Eglise au Brésil

Nous le faisons d'autant plus volontiers que Nous voyons les besoins de l'Eglise dans votre grande patrie croître rapidement et démesurément. Beaucoup de Séminaires requièrent du personnel dirigeant et enseignant plus nombreux et plus spécialisé. Les diocèses se multiplient : pour qu'ils vivent et puissent fleurir davantage, il est urgent de les pourvoir de petits et de grands Séminaires, d'établissements d'éducation de la jeunesse, d'éléments bien formés pour la direction et l'épanouissement de tant d'ceuvres.

Il y a plus encore, l'Eglise du Christ est et doit être en tous lieux, jusqu'à la consommation des siècles et la victoire finale, une Eglise militante. Avec les forces qui maintiennent l'ordre et collaborent au progrès dans la paix, il est indispensable de recruter continuellement et de renforcer les troupes de choc, pour contrecarrer l'avance des forces du mal qui, aujourd'hui, sont partout terriblement actives et formidablement organisées.

Or, à cette fin aussi, pour soutenir la lutte sur ce grand front qu'est le Brésil, l'Eglise compte sur vous, très chers élèves de Pio-Brasileiro, certaine que parmi vous ne manqueront pas les champions de la vérité, parfaitement pourvus de science et de vertu.



Le Seigneur n'abandonnera jamais son Eglise

Aussi est-ce avec un profond sentiment d'appréhension que Nous voyons diminuer l'effectif du collège, précisément à l'heure où il est plus urgent et plus nécessaire qu'il augmente et fleurisse.

Il est certain que l'inquiétude dans laquelle vit le monde et particulièrement la crise économique qui afflige le Brésil font sentir leurs effets et sont même l'une des causes principales d'une si pénible diminution.

Cependant, il ne faut pas se décourager ! Le collège et ceux qui y travaillent avec tant de dévouement ne recherchent pas leurs intérêts personnels et ne se sacrifient pas pour des fins terrestres. C'est avant tout et uniquement pour le royaume de Dieu ! Or, la parole infaillible de l'éternelle vérité résonne constamment à nos oreilles. Abandonnez toute préoccupation inquiétante et exagérée qui tourmente l'âme et paralyse l'activité ! Quaerite primum Regnum Dei... et le reste vous sera donné par surcroît. Quand les apôtres partirent pour leur mission, ce fut sine sacculo et pera (Lc 22,35) ; et malgré cela ils purent affirmer allègrement que rien ne leur manquait, car dans les moments critiques et à l'heure opportune, la Providence était là, avec la bourse suffisamment garnie, pour les pourvoir du nécessaire.

Nous avons confiance que les très dignes prélats du Brésil, toujours exemplairement déférents envers le Saint-Siège apostolique et conscients de la gravité de l'heure présente, concentreront tous leurs efforts pour que leur collège, qui est aussi le Nôtre, puisse non seulement se maintenir au niveau qu'il a atteint, mais encore le dépasser en proportion des besoins auxquels il doit subvenir.



L'immense besoin de solides vocations sacerdotales

Y aurait-il crise de vocations ? En tout cas, le Seigneur qui, même aux heures les plus critiques, n'abandonnera jamais son Eglise jusqu'à la consommation des siècles, fera en sorte qu'elle ait toujours la possibilité de maintenir au collège deux élèves, et dans les diocèses les plus dépourvus, au moins un, dignes de se former à Rome, conformément au programme tracé et si souvent rappelé par le grand Pontife Fondateur.

Quant à l'aspect économique, comptant sur l'obole spontanée due à la proverbiale générosité des catholiques brésiliens, il est bien certain que ne manqueront pas les subsides nécessaires pour leur entretien.

Nous n'ignorons pas que dans ce domaine aussi, sinon dans tous, la plupart sont aux prises avec des difficultés ; il est donc bien naturel que chacun désire tout d'abord et en premier rang secourir sa propre maison. Cependant, la confiance en Dieu et en sa Providence, le vif sentiment de catholicité et la prudence des dirigeants feront comprendre que, dans l'impossibilité de remédier à tout, il faut, autant qu'il se peut, donner la préférence aux besoins dont les conséquences sont les plus préjudiciables, dont le remède est plus facile à trouver et le résultat plus durable.

En plus d'une circonstance, il faudra compter sur la bienveillance des autorités civiles. Nous sommes certain que celles-ci, animées d'un saint patriotisme et conscientes de l'honneur et des avantages exceptionnels qu'offre le Pio-Brasileiro ne se récuseront pas, et que les élèves revenus dans leur patrie riches de science et de vertu, compenseront la faveur reçue par un capital inappréciable, immensément précieux et fécond pour le bien commun et même pour le progrès temporel du pays.

Nous terminons en implorant, par l'intercession de votre protecteur spécial, saint Louis de Gonzague, les bénédictions du Cceur divin et de la Vierge immaculée sur tous ceux qui se sacrifient généreusement à la direction et au bon fonctionnement du collège pontifical Pio-Brasileiro ; sur tous les bienfaiteurs et amis ; sur les anciens élèves, et tout particulièrement sur vous, chers fils, les élèves actuels, afin que, appréciant comme il se doit et suivant généreusement la grande grâce du Seigneur, vous ne faiblissiez pas dans l'effort pour la conquête de la perfection spéciale, tant morale que scientifique, à laquelle vous êtes tenus en vertu de la grâce elle-même, de manière que la célébration du 25e anniversaire soit l'aube d'un nouveau, riche et florissant printemps dans la vie du collège.


DISCOURS A LA FÉDÉRATION ITALIENNE DES COURTIERS ET AGENTS D'AFFAIRES

(22 juin 1958) 1






Recevant en audience les participants au 2e Congrès national de la Fédération italienne des courtiers et agents d'affaires, le Souverain Pontife prononça un discours en italien, dont voici la traduction :

Le désir de contribuer — dans la mesure de Nos forces — à la constitution d'un patrimoine d'idées justes et qui servent à donner comme une âme nouvelle au monde moderne, Nous a fait accepter de vous dire quelques paroles, à vous aussi, chers fils, réunis à Rome pour le Ile Congrès de la Fédération italienne des courtiers et agents d'affaires.

1 D'apès le texte italien des A. A. S., 50, 1958, p. 514 ; traduction française de l'Osservatore Romano, du 4 juillet 1958.




Votre Fédération est très jeune, mais elle peut déjà se vanter d'un passé important par la somme de travail, par l'honnêteté et par la bonne volonté de ses membres. Elle fut constituée pour réunir toutes les forces saines de la catégorie, dans le but de pourvoir à la protection de ses intérêts dans les limites de la morale et dans le cadre des lois ; et comme la grande majorité d'entre vous — ainsi que cela Nous a été rapporté — est formée d'hommes qui adhèrent aux principes et à la pratique catholiques, Nous nourrissons la confiance que votre morale est la morale chrétienne et non pas une des nombreuses autres, fausses et nocives, qui prétendirent autrefois et prétendent encore aujourd'hui établir, mais en vain, la juste norme de la vie individuelle et de la vie sociale entre les divers membres de la société.

Il y a une morale des affaires.

1° L'affaire — c'est-à-dire toute opération tendant à l'échange de valeurs et de biens pour en retirer un avantage — est exposée à la tentation facile d'être conclue en faisant abstraction des maximes de la morale chrétienne, ou même en les reniant et en les contestant. Quand, par exemple, on dit « business is business », on formule une règle qui, érigée en principe absolu et universel, doit être comptée parmi les maximes qu'aucune conscience humaine ne peut accepter : en effet, est valable pour les opérations économiques ce qui vaut pour toute attitude humaine : qu'elles soient soumises à la loi divine, naturelle et positive.

Le courtage, qui est destiné à faciliter la conclusion des affaires, est également une activité humaine consciente et libre ; le problème moral se pose donc pour lui aussi et vous ave* voulu le faire publiquement, chrétiennement, en venant demander pour votre oeuvre Notre bénédiction.



L'évidente utilité du courtage.

2°' Le terme de courtier (médiateur) dans l'acceptation moderne n'est pas d'origine latine et, à l'époque médiévale également, son emploi se borne à indiquer une forme spéciale de fidéjusseur. En ce qui concerne la substance de l'institut même, on sait bien peu de choses de la façon dont il était réglé dans le droit romain, bien que l'opinion commune est que, durant la période classique, l'institut de la médiation ne dut avoir une application que dans les formes les plus nobles de nature civile (par ex. l'intervention pour éliminer les causes de discordes entre amis). On ne connaît pas davantage l'organisation du courtage dans le haut moyen âge, alors que l'on trouve des informations plus abondantes et plus précises dans tous les statuts des villes. Dans ceux-ci le courtage est considéré non seulement comme un acte légitime privé, mais aussi comme une fonction publique, dont l'exercice était soumis à une limite d'âge, ainsi que subordonné à des preuves de capacité technique et de moralité, souvent même à l'obligation d'un serment. A l'époque moderne, à la suite d'une élaboration approfondie de la conception et des finalités de l'institut dans les multiples et diverses législations, le courtier se présente de plus en plus comme celui qui « met en relation deux ou trois parties pour la



conclusion d'une affaire, sans être lié à aucune d'elles par des rapports de collaboration, de dépendance ou de représentation »2. La cause ou raison juridique du courtage est dans l'échange entre un service (c'est-à-dire l'activité visant à procurer au « bénéficiaire de l'entremise » la conclusion de l'affaire) et une compensation qui est attribuée au médiateur. On peut donc affirmer que la médiation est un contrat, en vertu duquel le courtier promet au client de prêter ses services pour lui faire conclure l'affaire, et celui-ci à son tour promet au médiateur de lui verser une rétribution appropriée « si l'affaire est conclue grâce à son intervention »3.

L'utilité du courtier quant aux effets de la conclusion d'une affaire apparaît évidente pour quiconque considère le nombre et la variété des obstacles que l'on peut rencontrer sur le chemin qui mène à cette conclusion. Ils ne sont pas seulement de nature objective (comme lorsque manque le contractant désiré), mais aussi et plus souvent de nature subjective (comme lorsque le contractant existe bien, mais doit être encore convaincu de l'utilité de l'affaire et encouragé à la conclure) ; dans ce cas, l'absence du courtier signifierait tout simplement la non-conclusion de l'affaire, et les conséquences de caractère économique et moral seraient facilement imaginables pour quiconque sait que l'augmentation du bien-être individuel et social demeure souvent liée à la conclusion même d'affaires : d'affaires licites, bien entendu, et obtenues par des moyens licites. Lorsqu'on affirme que le courtier doit être compté parmi les éléments bienfaisants de la société humaine, on dit la vérité : le courtier a donc droit non seulement à l'estime, mais aussi à la gratitude des honnêtes gens.



Les qualités d'un bon courtier.

3° De la responsabilité du courtier et de l'importance de sa fonction dérive la nécessité d'avoir certaines capacités et vertus, sans lesquelles la médiation pourrait être moralement mauvaise, outre que socialement nocive.

2 Coi. Civ. It., art. 1754. s Ibid., art. 1755.




Vous devez être, avant tout, sérieusement préparés grâce à l'étude continue, profonde et organique des secteurs dans lesquels vous exercez votre profession. Vous devez en outre être corrects envers le client, et pas seulement dans le sens générique requis par toute matière contractuelle, mais aussi dans le sens spécifique, en ce qui concerne l'intérêt manifesté et le but économique particulier poursuivi au moyen de la conclusion de l'affaire.

Le courtier doit être également diligent en considérant tous les aspects de l'affaire, pour éviter qu'elle ait, parfois, des conséquences nuisibles pour le client ; ce qui arriverait, par exemple, si le courtier avait connaissance que l'acquéreur trouvé offre bien un prix avantageux, mais ne donne pas de garanties suffisantes de solvabilité. Dans ce cas, la conclusion de l'affaire obtiendrait un effet contraire à celui que désirait le client. La préparation, la correction et la diligence doivent s'accompagner chez le courtier d'une loyauté absolue « en communiquant aux parties les circonstances qu'il connaît, relatives à l'évaluation et à la sécurité de l'affaire, qui peuvent influer dans la conclusion de celle-ci »4. Un manque dans ce sens pourrait représenter pour lui l'obligation morale et juridique de l'indemnisation des dommages et, en outre, revêtir même, dans certaines circonstances particulières, le caractère d'illégalité pénale. Il va de soi que le médiateur a également le devoir de la discrétion nécessaire, en harmonie également avec tout ce qui a été indiqué plus haut : celle-ci doit, de toute façon, se manifester chaque fois que la nécessité et l'opportunité de cette discrétion résultent de la nature de l'affaire ou de la volonté du client.



Le vrai Médiateur : Jésus-Christ.

4° Et maintenant, chers fils, qu'il ne vous déplaise pas que le Père et Pasteur des âmes termine par une pensée propre à vous donner l'occasion d'une brève méditation chrétienne.

Aujourd'hui, en prononçant souvent le mot de « médiateur »,. Notre pensée est allée naturellement à Celui qui est le seul Médiateur parfait entre Dieu et les hommes, l'homme-Christ Jésus (1Tm 2,5).

L'homme étant déchu à cause du péché originel, une rupture s'était produite entre le Créateur divin et la créature humaine ; mais aucune des trois personnes divines et, à plus forte raison,



4 Ibid., art. 1759.

aucune personne humaine n'aurait pu être médiatrice entre Dieu et les hommes pour obtenir qu'ils se rapprochent et se réunissent. Le Verbe divin également, en tant que Dieu, était « maxime immortale, maxime beatum » et, par conséquent, « longe a mortalibus miseris » 5. D'autre part, tout individu humain, en tant que tel, était absolument incapable de se trouver « au milieu » entre l'humanité et Dieu, par l'effet même de sa misère et de son péché.

« Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous » (Jn 1,14) et « Dieu a réconcilié le monde avec lui dans le Christ » (2Co 5,19), et l'humanité eut en Dieu incarné, en tant qu'homme 6 le Médiateur qui traita et conclut avec Dieu l'affaire de notre salut. Le Christ, en tant qu'homme, « est éloigné de Dieu par la nature et des hommes par la dignité et de grâce et de gloire » 7. D'autre part, note saint Augustin, le Christ eut en commun avec Dieu la béatitude, avec les hommes la mortalité ; il put donc s'interposer pour rendre immortels les morts et bienheureux les miséreux. Il est donc un « bon Médiateur parce qu'il réconcilie les ennemis » : bonus medius, qui réconciliât inimicos 8.

Le démon, au contraire, s'interpose pour obtenir que l'homme ne parvienne pas à l'immortalité bienheureuse et tombe au contraire dans la misère éternelle. Il est donc comme un mauvais médiateur : medius malus, qui separat amicos 9.

Mais il y a une autre médiation du Christ qui devient chaque jour plus urgente. En effet, les hommes sont malheureusement divisés entre eux et souvent se haïssent et se combattent : seul le Christ peut s'interposer in medio eorum et dire Pax vobis, que la paix soit avec vous (Jn 20,26).

S'il était entre nous et si tous le regardaient et cherchaient en lui la vérité, la voie, la vie, nous verrions cesser comme par enchantement les différends et les luttes iurgia maligna et lites I0.

Soyez, chers fils, intermédiaires entre les hommes et cherchez à ce que soit rendue possible la rencontre, à ce que soit rendu possible l'accord. Soyez-y comme y serait Jésus, le « Médiateur » ; alors votre profession — comme toutes les autres, du reste — pourra être un instrument de salut et de sanctification pour vous et pour les autres. Et le monde des affaires, si complexe et si exposé à de faciles et graves tentations, sera également un monde qui appartient au Christ, un monde vraiment chrétien.






Aug. De Civit. Dei, lib. 9, chap. 15 ; Migne, P. L., t. 41, col. 269. Saint Thomas, 3 p. q. 26, a. 2. Saint Thomas, 3 p. q. 26, a. 2 in c. Aug. De Civit. Dei, 1. c. Ibid., 1. c.

Liturg. Feria in Cena Domini.



RÉPONSE A UN MESSAGE DU GÉNÉRAL DE GAULLE

(23 juin 1958) 1






Le Saint-Père a bien voulu répondre par le Message suivant en français à la déférente communication2 que lui avait fait parvenir le Général de Gaulle, Président du Conseil des Ministres de France :

1 D'après le texte français de l'Osservatore Romano, du 4 juillet 1958.

2 Voici le texte de cette communication : « Très Saint Père,

La Mission vient de m'être donnée de diriger à nouveau la France en une période grave pour son destin.

Au moment où j'assume cette lourde responsabilité, ma pensée respectueuse se porte vers Votre Sainteté.

En toute piété j'appelle Son soutien spirituel sur mon action et lui demande de bénir la France. »

Ch. de Gaulle




A son Excellence le Général Charles de Gaulle, Président du Conseil des Ministres, Paris. — Vivement sensible au noble message que vous Nous adressez, Nous faisons monter vers Dieu Nos prières pour qu'il vous assiste dans votre importante et lourde tâche et Nous appelons sur votre patrie, qui Nous est si chère, un avenir de paix et de prospérité, en gage duquel Nous vous accordons bien volontiers Notre paternelle Bénédiction apostolique.


LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU « CENTRE DES VOLONTAIRES DE LA SOUFFRANCE» D'ITALIE

(23 juin 1958) 1






Pour commémorer d'une façon particulière le centenaire des Apparitions de Lourdes, le « Centre des Volontaires de la souffrance », d'Italie, a invité ses membres à prononcer leur acte de consécration à Notre-Dame ; il a de plus offert deux roses d'or à la Grotte de Massabielle, en reconnaissance à la Vierge Immaculée.

Une telle initiative a touché le Souverain Pontife, qui a fait parvenir ses encouragements et ses félicitations par Ventremise de Son Exc. Mgr Dell'Aequa, Substitut de la Secrétairerie d'Etat. Voici la traduction de ce document d'après le texte original italien :

Le « Centre des Volontaires de la souffrance », par ses heureuses initiatives visant à seconder l'oeuvre sanctificatrice de la grâce dans l'âme de ses adhérents, a toujours été pour le coeur du Saint-Père une source de consolation et de réconfort. A ces motifs de joie vient encore s'ajouter la nouvelle non moins réconfortante de la consécration à la Sainte Vierge que prononceront, le deux août prochain, les malades d'Italie, en union spirituelle par le moyen de la radio, avec leurs frères, prêtres pour la plupart, qui feront ou renouvelleront cette même consécration auprès de la Grotte de Massabielle.

1 Traduction française d'après le texte de l'Osservatore Romano, du 6 juillet 1958.




Le Souverain Pontife, qui ne manquera pas d'être présent en esprit, par ses voeux paternels et ses ferventes prières, à cet acte de si haute piété, bénit dès aujourd'hui et avec toute l'effusion de son coeur votre propos de présenter à la Mère de Dieu cette

grande richesse qu'est la souffrance humaine, pour qu'elle se transforme en source abondante de miséricordes célestes.

Un tel don de soi, le plus précieux de tous, est vraiment un motif de grande joie, selon que l'enseigne saint Pierre, « bien qu'il vous faille encore quelque temps être affligés par diverses épreuves, afin que la valeur de votre foi, plus précieuse que l'or périssable que l'on vérifie par le feu, devienne un sujet de louange, de gloire et d'honneur... et que la récompense en soit le salut des âmes » (1P 1,6-9). Vous faites plus encore : les deux roses d'or que le « Centre des Volontaires de la souffrance » offrira à Notre-Dame veulent rappeler celles que la Vierge a choisies comme ornement de ses pieds immaculés, lorsqu'elle s'est montrée à la petite confidente de Lourdes.

Le Saint-Père se réjouit donc que de si nombreuses souffrances, loin de se perdre et de rester vaines, soient par l'action de la Sainte Vierge rendues fécondes en valeur de rédemption, pour la réparation des péchés, la sanctification des âmes et le salut du monde. Le Pape exprime sa reconnaissance aux « Volontaires de la souffrance » qui, en promouvant la consécration à la Sainte Vierge, ont fait de cette invitation un véritable apostolat, dans l'esprit même de l'appel à la pénitence et à la mortification, que Notre-Dame a renouvelé à Lourdes et à Fatima. Comme sa gratitude est non moins grande envers ceux qui écouteront cet appel, répondront à cette invitation, et qui, travaillant à augmenter le précieux dépôt de souffrances méritoires, en recueilleront pour eux-mêmes et pour les autres des fruits abondants de grâce et de joie dans le Seigneur.

C'est dans ces sentiments que le Vicaire du Christ accorde à toutes les chères personnes mentionnées dans cette lettre une particulière et réconfortante Bénédiction apostolique.


Pie XII 1958 - AU CONGRÈS MONDIAL DE LA FAMILLE