Pie XII 1958 - LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU « CENTRE DES VOLONTAIRES DE LA SOUFFRANCE» D'ITALIE


PRIÈRE POUR LE CONGRÈS EUCHARISTIQUE DE CATANIA

(24 juin 1958) 1






Le Souverain Pontife a composé, en italien, la prière suivante, en préparation du Congrès eucharistique national italien, qui aura lieu à Catania, en 1959. Voici la traduction de ce document :

O Pain des anges, descendu du ciel, qui avez daigné vous faire aliment de nos âmes, afin qu'elles ne défaillent pas le long du chemin, acceptez le tribut d'amour, de vénération et d'adoration publique, que la nation italienne, si privilégiée par vous, veut vous présenter en ce Congrès eucharistique national, pour lequel nous vous demandons protection et aide.

Faites que parvienne jusqu'aux derniers lambeaux de cette terre d'Italie la flamme que vous êtes venu apporter au monde, afin que tous ses enfants connaissent la grandeur et la profondeur de votre amour, s'enflamment ainsi de la gratitude la plus intime pour votre don si précieux et brûlent du désir de vous recevoir souvent pour se joindre à vous dans cette union ineffable, qui est un prélude et un gage de la possession indestructible qui sera leur félicité éternelle.

Oh ! soyez l'aspiration et le centre de toutes les âmes ! Attirez-les à vous et nourrissez-les de votre chair et de votre sang, pour qu'elles demeurent fortes dans la lutte spirituelle de chaque jour et ne perdent pas la bonne voie au milieu de tant de tromperies et d'embûches. Ainsi la jeunesse grandira saine et pure, la famille résistera ferme et unie, et toutes les classes sociales se sentiront un seul corps, appelé à un destin commun,





D'après le texte italien des A. A. S., 50, 1958, p. 547 ; traduction française de l'Osservatore Romano, du 11 juillet 1958.

qu'elles doivent réaliser déjà sur cette terre par une collaboration fraternelle.

Lumière très claire, splendeur du soleil éternel, illuminez tous les enfants de cette Italie bien-aimée, afin que, devant le matérialisme envahissant, ils comprennent la nécessité de l'ordre spirituel et de l'au-delà, unique explication satisfaisante de toutes les douleurs de cette vie. Force invincible et toute-puissante venue du ciel, donnez-leur également la capacité de supporter avec sérénité les coups de l'incompréhension et des hostilités d'un monde, qui ne se contente pas de vous ignorer, mais veut vous combattre obstinément. Ardeur divine, qui élève, fond et purifie tout, ne permettez pas que devienne stérile un jour cette terre qui fut toujours féconde en saints, et faites, au contraire, qu'y vive sans cesse la charité active, éliminant les impuretés et les scories qui voudraient obscurcir de leur présence ce jardin fleuri.

2 S. S. Pie XII a daigné accorder une indulgence de trois ans aux fidèles qui, d'un cceur contrit, réciteront cette prière durant le Congrès eucharistique national italien qui se tiendra à Catane l'an prochain.




Et puisque vous êtes Père et Frère, Protecteur et Ami, veuillez enfin tourner un regard de bienveillance particulière vers ceux d'entre nous qui se tourmentent encore, afin que ne leur manque pas le pain quotidien. Accordez-le leur en abondance ; et à nous pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ; ne nous laissez pas succomber à la tentation et délivrez-nous du mal. Ainsi soit-il !2

LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT A LA 45e SEMAINE SOCIALE DE FRANCE

(28 juin 1958) 1






Par une Lettre de Son Excellence Mgr Dell'Acqua, Substitut de la Secrétairerie d'Etat, le Saint-Père a fait parvenir ses directives à la 45e Session des Semaines sociales de France.

Voici ce document pontifical, rédigé en français, et adressé au Président des Semaines sociales, M. Charles T-lory :

1 D'après le texte français' de l'Osservatore Romano, du 25 juillet 1058. Les sous-titres de la Documentation Catholique, t. LV, col. 977 et suiv.




Le sujet de la prochaine Semaine Sociale de Versailles — « Enseignement, problème social » — a l'avantage de se situer à un carrefour de préoccupations multiples. Il intéresse en effet parents et enseignants, hommes d'Eglise et hommes d'Etat, intellectuels, économistes ou sociologues ; à cet égard, il ne manquera pas de retenir l'attention d'un large public, heureux d'aborder sous un jour neuf et dans un climat d'objectivité et de sérénité une question déjà souvent débattue. Pour traiter ce sujet, vous trouverez un guide averti en la personne de Son Exc. Mgr Renard. La ville de Versailles évoque elle-même par son histoire les traditions françaises les plus classiques et, de nos jours, elle anime une région en plein essor démographique et économique : n'est-elle pas, à ce double titre, représentative des deux exigences qui s'imposent à l'enseignement contemporain, celles de s'ouvrir largement sur l'avenir sans cesser d'être enraciné dans le passé ? Autant de motifs de souhaiter plein succès à cette Semaine Sociale, et il m'est agréable de me faire auprès de vous l'interprète des voeux personnels du Saint-Père, de ses encouragements et de ses directives.

L'enseignement, problème social...

Une nation qui regarde son avenir se doit de réfléchir à l'enseignement donné à sa jeunesse et à l'éducation qu'elle reçoit. Les enfants d'aujourd'hui seront-ils demain des adultes capables, par leur valeur morale et leur instruction, de servir ensemble les grandes tâches de la patrie ? Auront-ils bénéficié de la formation la plus conforme à leurs propres aptitudes et seront-ils en même temps engagés de façon assez judicieuse vers les carrières les plus utiles au pays et les moins encombrées ? Les meilleurs d'entre eux surtout pourront-ils aborder, avec la maîtrise de jugement et la capacité d'adaptation qui caractérisent la vraie culture, les problèmes nouveaux qui, dans dix ou vingt ans, se poseront aux élites d'alors ? Telle sera la portée de vos débats, et il est juste de dire que renseignement, pris en ce sens large qui englobe l'équipement scolaire du pays, la répartition des disciplines, la formation des maîtres, l'orientation des élèves et leur préparation à la vie, est vraiment un problème social, et fort important. Pour l'étudier, votre Session a fait appel à des hommes de valeur aux compétences variées et à des représentants de l'enseignement tant public que privé (selon qu'il est ou non géré par l'Etat) ; elle est ouverte à tous ; elle veut pour tous les jeunes de France, faire, dans la paix, une oeuvre constructive.

Abordant en chrétiens ces questions si complexes, où tant de principes religieux et moraux se trouvent engagés, les maîtres de la Semaine Sociale auront à coeur de prendre pour bases de réflexion et pour normes de jugement celles mêmes que l'Eglise n'a cessé de proclamer. Pie XI les a rappelées avec fermeté dans l'encyclique Divini illius Magistri et le Saint-Père, en plusieurs circonstances, a confirmé et précisé cet enseignement magistral. En 1955, lors du XXVe anniversaire de l'encyclique, il écrivait notamment ces phrases qu'il est bon de relire ici : « Les principes infrangibles que ce document énonce... ne sauraient être ébranlés par le flux et le reflux des événements. Quant aux normes fondamentales qu'il prescrit, elles ne sauraient pas davantage subir l'usure du temps, puisqu'elles ne sont qu'un fidèle écho du Maître divin, dont les paroles ne passent pas. Véritable charte de l'éducation chrétienne, en dehors de laquelle il ne peut y avoir d'éducation complète et parfaite, cette encyclique s'offre, aujourd'hui, comme hier, a



l'étude de tous ceux qui, loyalement, désirent connaître sur ce point, dans son authentique et sereine expression, la pensée de l'Eglise » 2.



. . . parce que l'institution scolaire tient ses droits de la famille et des divers corps sociaux.

En ce qui concerne l'aspect particulier du problème de l'enseignement traité par votre Session, on sait que « la mission de l'école lui vient non de l'Etat seul, mais de la famille d'abord, puis de la communauté sociale à laquelle elle appartient »3. Et Sa Sainteté précise sa pensée en ces termes : « Dans la mesure où l'école communique un savoir, un ensemble de connaissances ordonnées à l'activité extérieure des individus et surtout à l'exercice de leur profession, elle dépend aussi de la communauté, de ses traditions, de ses besoins, de son niveau de culture, de l'orientation de ses tendances. Les exigences de la communauté seront interprétées, au niveau de l'école, par des individus, des groupes organisés, des institutions culturelles ou religieuses, qui se proposent précisément, comme fin propre, la formation des jeunes gens à leurs tâches futures »4. Ces paroles pontificales situent exactement l'école dans son vrai cadre ; elles manifestent pourquoi, foncièrement, renseignement est un problème social : la raison en est que l'institution scolaire tient essentiellement ses droits des familles et des divers corps sociaux, qui la mandatent et devant qui elle est responsable de la formation des nouvelles générations.

2 Message du 24 août 1955 à Son Eminence le cardinal archevêque de Malines ; A. A. S-, XXXXVII, p. 607 ; cf. Documents Pontificaux 1955, pp. 271-272.

3 Discours du 10 novembre 1957, A. A. S., XXXXIX, p. 1025 ; cf. Documents Pontificaux 1957, p. 675.

* Ibid.




C'est avec sécurité qu'un catholique s'appuie sur cette doctrine pour faire les discernements nécessaires et tracer les voies d'un authentique service de la jeunesse. Mais, en même temps, l'analyse de la conjoncture présente apporte sur plus d'un point à ces principes supérieurs la confirmation de l'expérience. Elle met en lumière l'ampleur de la tâche actuelle en matière d'enseignement, les motifs de la complexité nouvelle de cette tâche dans le contexte de la vie sociale contemporaine et, finalement, la nécessité où l'on se trouve, si l'on veut correspondre à l'attente générale, de faire appel dans un esprit de vraie liberté à la coopération de tous les responsables de la formation de l'enfant. Un rapide tour d'horizon suffit à nous en convaincre.



Pour une collaboration étroite entre l'école et la famille...

Si l'on se tourne du côté des familles, on recueille le voeu, souvent formulé, d'être associées davantage à l'action éducative qui s'exerce à l'école. Et ce souhait, l'Eglise le fait sien : « Nous encourageons volontiers, déclare Sa Sainteté, ce qui facilitera et rendra toujours plus étroite la collaboration de l'école et de la famille. Celle-ci... ne doit ni ne peut abdiquer sa fonction directive ; la collaboration est naturelle et nécessaire » 5. De nombreuses initiatives ont déjà été prises à cet égard et peuvent être poussées plus avant. Car comment les pères et mères se désintéresseraient-ils de tant de questions relatives à la tenue — religieuse, morale, intellectuelle, sanitaire — des établissements scolaires auxquels ils confient leurs enfants ? Comment en particulier pères et mères ne voudraient-ils pas engager leur inaliénable responsabilité quand il s'agit de l'orientation professionnelle de leurs enfants, si lourde de conséquences pour leur avenir ? Nul sans doute ne peut contester les avantages de mutuels rapports entre maîtres et parents, ni le bénéfice d'informations réciproques. Mais il est en outre capital qu'au principe même de cette collaboration — et des institutions qu'elle viendrait a susciter — soit reconnue la mission éducatriee primordiale de la famille, qui fait d'elle bien plus qu'une simple collaboratrice occasionnelle de l'école. C'est parce qu'il est d'abord un problème familial que l'enseignement est un problème social, débordant le cadre des questions purement intellectuelles et scolaires.



. . . entre l'enseignement et les divers secteurs de la vie économique.

5 Discours du 5 janvier 1954, A. A. S., XXXXVI, p. 54 ; cf. Documents Pontifi' 19S4, P- 27-




Un regard sur l'avenir économique du pays conduit à un semblable élargissement des perspectives. Car, dans la mesure où l'on peut prévoir cet avenir et ses orientations majeures, il importe d'y préparer avec soin la jeunesse. Certes, il faut icl




SEMAINE SOCIALE DE FRANCE



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se garder des outrances de la technicité, éviter toute spécialisation prématurée et maintenir les droits de la culture ; celle-ci, outre sa valeur permanente, n'est-elle pas d'ailleurs, dans une période incertaine et mouvante comme la nôtre, le capital le plus sûr d'un peuple, qui lui donnera en temps utile les plus larges possibilités face aux situations nouvelles ? Néanmoins, il est normal d'envisager des relations régulières entre les responsables de l'enseignement et les divers secteurs de la vie industrielle, agricole ou commerciale. Dans ces milieux, en effet, l'initiative privée a déjà obtenu, pour la formation professionnelle des jeunes, des résultats appréciables. L'art d'instruire y a fait souvent de réels progrès. Et l'on peut estimer à juste titre qu'aux différents niveaux d'enseignement, des échanges seraient fructueux, tant pour le perfectionnement des méthodes pédagogiques que pour l'amélioration des programmes et l'ouverture progressive des élèves aux grands problèmes de la vie économique. Dans les campagnes, en particulier, la liaison étroite existant fréquemment entre la famille et l'exploitation agricole offre à l'école une raison supplémentaire de collaborer avec ces milieux de vie où l'enfant grandit et qu'il doit apprendre à mieux comprendre et à mieux servir au fur et à mesure que s'accroissent ses connaissances générales. D'intéressantes expériences ont été tentées à cet égard, qu'il convient d'encourager. La jeunesse ne peut que bénéficier de cette ouverture d'esprit et d'une commune volonté de libre coopération.



. entre l'école et les institutions civiques et sociales du pays.

Des observations analogues peuvent être faites à plus forte raison en ce qui concerne la vie civique et sociale du pays. L'enseignement reçu doit disposer les jeunes à aborder plus tard avec un sens social averti les différents milieux de travail et à s'insérer sans peine dans la communauté nationale et internationale. On ne peut dire que ce soit toujours le cas présentement, et vous vous rappelez à ce sujet les exhortations du Saint-Père à une précédente Semaine Sociale de France sur le civisme : « S'il est vrai, disait-il, que, dans un Etat démocratique, la vie civique impose de hautes exigences à la maturité morale de chaque citoyen, il ne faut pas craindre de reconnaître que beaucoup d'entre eux, parmi ceux mêmes qui se disent chrétiens, ont leur part de responsabilité dans le désarroi actuel de la société. Les faits sont là, qui exigent un redressement certain » 6. C'est principalement au niveau de la jeunesse qu'il faut opérer ce redressement. Les membres du corps enseignant qui fort légitimement s'en préoccupent reconnaissent volontiers les avantages qu'ils trouvent à recueillir sur ce point la collaboration des diverses institutions propres à la vie de la cité, au monde du travail, aux relations entre peuples. Des initiatives prises avec discernement, à l'appui de l'instruction scolaire, initieront l'enfant à des structures collectives qu'il ignore trop souvent et à des devoirs moraux de grande portée. Par son insertion dans la communauté humaine et par les répercussions de son enseignement, l'école offre au pays de réelles possibilités de santé civique et de paix sociale.



Ecole et mouvements ou oeuvres de jeunesse.

On pourrait multiplier les considérations de cet ordre ; mais il est un dernier secteur, d'importance capitale, où les maîtres doivent à la fois reconnaître les limites de leur compétence professionnelle et savoir collaborer : c'est celui des mouvements et oeuvres de jeunesse. Autant il serait faux de considérer ceux-ci comme l'apanage des maisons d'enseignement, comme un complément normal de leur tâche d'instruction, autant en revanche il est souhaitable que l'éducation réalisée dans la famille, complétée à l'école et poursuivie simultanément dans les divers mouvements de jeunesse, où se fait comme un apprentissage de la vie, soit une oeuvre continue, animée d'un esprit commun, fondée sur les mêmes principes moraux et ouverte sur les mêmes perspectives d'avenir. Pourquoi faudrait-il que l'enfant soit exposé à de sourdes luttes, entre ces divers milieux éducatifs ? Là encore, des services mutuels, dans le respect des justes libertés, apparaissent d'un grand prix pour une saine formation de la jeunesse et pour son unité au sein de la nation.

6 Lettre du 14 juillet 1954, A. A. S., XXXXVI, p. 485 ; cf. Documents Pontificaux 1954> P- 274-




Les maîtres de la Semaine Sociale de Versailles poursuivront dans d'autres directions encore cette analyse. Mais déjà la leçon des faits a rejoint les enseignements de la doctrine, et des conclusions s'imposent, qu'au nom du Saint-Père je voudrais maintenant dégager pour éclairer vos propres travaux. Elles se résument dans cette affirmation que seul un esprit de vraie liberté et de collaboration peut permettre de faire face, dans le respect des droits légitimes, à la complexité et à l'ampleur des problèmes d'enseignement et d'éducation qui viennent d'être évoqués.



Une vraie liberté exclut les monopoles de droit et de fait.

7 Discours du lo novembre 1957, A. A. S., XXXXIX, p. 1025 ; cf. Documents Pontificaux 1957, pp. 674-675.




Certes, il ne saurait être question de contester l'originalité de la fonction enseignante, ni sa grandeur, ni ses mérites. Mais l'expérience tend de plus en plus à prouver que, pour offrir à toute la jeunesse, au bénéfice de tout le pays, une formation aussi riche, aussi diversifiée et aussi adaptée que l'époque le requiert, il est hautement souhaitable de faire appel à l'initiative privée, de favoriser une saine liberté des échanges et l'émulation dans la recherche, de s'enrichir, en un mot, du libre concours de toutes les forces vives de la nation. II revient aux Pouvoirs Publics, le cas échéant, d'harmoniser ces efforts multiples et de les ordonner au bien commun, mais ils doivent aussi savoir les respecter et les encourager de mille manières. « Un Etat, observe le Saint-Père, qui s'attribue exclusivement la tâche de l'éducation et interdit aux particuliers ou aux groupes indépendants d'assumer en ce domaine aucune responsabilité propre, manifeste une prétention incompatible avec les exigences fondamentales de la personne humaine » 1. Et chacun sait qu'à côté des (monopoles de droit, il existe aujourd'hui, par suite des conditions économiques, des monopoles de fait qui ne sont pas moins rigoureux. C'est au contraire dans une voie de juste liberté qu'il faut avancer si l'on veut, pour le bien de la communauté nationale, rénover les cadres institutionnels de l'enseignement pour les mieux adapter à leur fin. Cette voie est d'ailleurs celle de la concorde entre tous ceux qui veulent vraiment les progrès de l'enseignement. Et à ce titre, on peut espérer beaucoup de la présente Semaine Sociale, qui offre l'exemple d'une fraternelle rencontre entre catholiques des deux secteurs, public et privé, dans la commune préoccupation de résoudre selon tes principes chrétiens des questions qui leur tiennent à coeur.

mission de l'enseignement catholique.

Qu'il nous soit permis, au terme de cette lettre, de rendre un hommage spécial — parmi toutes les institutions scolaires privées — aux écoles, collèges et universités catholiques, qui tiennent en France une place si honorable et rendent à l'Eglise et au pays un service si important. Dans les perspectives de liberté que nous avons contemplées leur tâche est considérable ; et, tant d'initiatives déjà prises en divers domaines, tant de résultats obtenus, font souhaiter que, dans les années qui viennent, le développement d'une mission si bénéfique puisse être assuré, grâce à l'intelligente compréhension des hommes qui sont responsables du bien du pays et de son avenir. « Ceux qui joueront demain un rôle de premier plan dans la vie publique, déclare le Saint-Père, sortiront, Nous en sommes convaincu, des écoles qui honorent davantage l'idéal de liberté et d'initiative personnelle et n'hésitent pas à mettre au cceur de leur enseignement de solides convictions morales et religieuses, celles surtout de la foi chrétienne qui, à travers les siècles, n'a cessé de modeler l'âme des peuples de l'Occident » 8. La Semaine Sociale de Versailles, dont les travaux diront les bienfaits de l'esprit de liberté dans l'enseignement, ne sera pas insensible à la situation difficile de trop d'écoles catholiques ; elle entendra l'appel lancé à maintes reprises par l'épiscopat de France.

A tous les maîtres de la Semaine Sociale, parmi lesquels Sa Sainteté est heureuse de noter la présence de Mgr le Recteur de l'Institut catholique de Paris, à tous vos collaborateurs qui, dans les carrefours et autres rencontres, assurent le rayonnement croissant de votre institution, aux auditeurs et à vous-même, le Saint-Père accorde de grand cceur, en gage des grâces qu'il appelle sur la prochaine Session, une très paternelle Bénédiction apostolique.



DISCOURS AU Xlle CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ LATINE D'OTO-RHINO-LARYNGOLOGIE (29 juin 1958)


1

Le dimanche 29 juin, le Saint-Père a reçu en audience les participants au 12e Congrès de la Société latine d'Oto-rhino-laryngologie, qui s'est tenu à Rome, du 28 juin au Ie' juillet.
Voici le discours que le Souverain Pontife prononça en français, à cette occasion :


II Nous est agréable, Messieurs, de recevoir aujourd'hui les membres du XIIe Congrès de la Société latine d'oto-rhino-'laryn-gologie qui, pour la première fois depuis sa fondation, a choisi Rome comme siège de sort assemblée biennale. Nous sommes très sensible au témoignage de votre déférent attachement et formons les meilleurs souhaits pour le succès de vos travaux.

Nous n'ignorons pas l'importance de la Société latine d'oto-rhincHlaryngologie, qui réunit les spécialistes les plus qualifiés, professeurs d'Université, médecins-chefs des hôpitaux, praticiens renommés, de toutes les nations latines d'Europe et d'Amérique. En cette rencontre, vous abordez un sujet de synthèse très complexe et peu exploré encore : « les troubles hormonaux et neurovégétatifs en oto-rhino-laryngologie ». Bien que l'annonce de votre Congrès et la documentation qui l'illustre, ne Nous soient parvenues que bien récemment, Nous ne pouvions manquer d'y apporter tout l'intérêt qu'il mérite, et de vous faire part des réflexions qu'il Nous suggère.


Le rôle de l'analyse et de la synthèse dans la science médicale.

Quelle que soit la spécialité considérée, le progrès médical s'accomplit suivant deux directions fondamentales : la première pousse l'étude analytique de la structure et de la fonction d'un organe ou d'un appareil déterminé ; la seconde examine les relations de celui-ci avec tous les autres, afin de préciser son rôle physiologique propre, de déterminer les causes lointaines de ses troubles et leur influence sur le reste de l'organisme.

Ces deux orientations, qui s'imposent à la recherche médicale en général, intéressent particulièrement les spécialistes. Elles conditionnent en effet le progrès réel de chacune des branches, qui se sont partagé le champ de la médecine moderne, afin de mieux servir les intérêts de l'individu et ceux de la science. Et quand il s'agit d'une spécialité comme l'oto-rlùno-laryngologie, qui s'occupe de structures hautement différenciées et de certains organes des sens supérieurs, essentiels pour l'équilibre psychophysique de l'individu, c'est une nécessité absolue de ne point séparer les deux directions fondamentales de la recherche. En effet, quiconque s'intéresse à roto-rhino-laryngologie moderne, constate bien vite que l'effort incessant de collaboration avec les autres disciplines et l'étude des corrélations entre les organes furent et restent les facteurs essentiels, qui en déterminent les progrès. Les difficultés d'un tel travail, on les aperçoit sans peine, car si l'étude des organes séparés demande un esprit bien doué pour l'analyse, celle de leurs corrélations suppose un ensemble de connaissances médicales fort diverses et une intelligence bien au fait des problèmes généraux de la médecine.


Etat actuel de l'oto-rhino-laryngologie.

Le programme de votre Congrès, consacré aux « troubles hormonaux et neuro-végétatifs en oto-rhino-laryngologie », touche en fait de nombreuses questions de la pathologie spéciale et s'efforce de les rattacher à leurs causes fondamentales, c'est-a-dire aux troubles du système endocrinien et du système neurovégétatif, illustrant ainsi les remarques que Nous venons de faire.

C'est la première fois que ce sujet est abordé d'une façon synthétique. D'ailleurs, même pour chaque secteur de l'oto-rhino-laryngologie considéré séparément, l'oreille, le nez et la gorge, il n'existe guère de travaux consacrés spécialement aux troubles ayant leur origine dans les systèmes endocrinien et neurovégétatif. En s'efforçant de remédier à cette lacune, votre présent Congrès se heurte d'abord à la difficulté de délimiter avec exactitude des sujets analogues et qui parfois se recouvrent partiellement.

La limite qui sépare le système endocrinien du système neuro-végétatif est elle-même incertaine, parce que ce n'est pas une frontière locale bien définie et que ces deux systèmes jouent l'un et l'autre un rôle fondamental dans tous les processus vitaux, le premier avec les hormones qui, par la voie sanguine, atteignent tous les organes et tissus, le second par ses ramifications présentes dans tout l'organisme. Il est malaisé par conséquent de distinguer les cas, où ils ont la responsabilité première des symptômes observés, de ceux où ils restent au premier plan, mais sans être la cause principale du désordre en question.

Il vaut la peine de passer rapidement en revue, afin d'en mieux souligner l'importance, quelques aspects de la pathologie oto-rhino-laryngologique, qui ont pour origine des troubles hormonaux et neuro-végétatif s.

Nombreux sont les malaises de l'oreille, c'est-à-dire de l'appareil acoustique proprement dit et de l'appareil vestibu-laire, qui proviennent d'altérations primaires des systèmes neurovégétatif et hormonal. En certains de ces cas, la fonction acoustique subit une diminution sensible, qui peut aller même jusqu'à la surdité complète, tandis que se manifestent parfois des troubles, comme les acouphènes, capables d'altérer profondément l'équilibre psychique du patient, et même de l'entraîner à des décisions désespérées.

On pourrait dire, d'une manière générale, que les désordres acoustiques d'origine hormonale ou neuro-végétative, sans être moins connus, suscitent certainement en oto-rhino-laryngologie courante moins d'intérêt que ceux de l'appareil vestibulaire, organe de l'équilibre. Ceux-ci en effet se manifestent d'une manière tellement dramatique, qu'ils s'imposent d'emblée à l'attention, même si les affections de la fonction auditive ne manquent pas.

C'est le cas des syndromes dits de Menière, dont plusieurs ont une origine hormonale et neuro-végétative ; ces mêmes facteurs entrent aussi en ligne de compte dans les syndromes similaires d'ordre allergique et vasculaire, connus depuis plus longtemps, mais encore difficiles à interpréter dans la pratique clinique.


Le médecin spécialiste doit rester humain.

L'extension du champ des connaissances acquises en ce domaine et le perfectionnement des techniques capables de secourir le patient s'imposent comme un devoir au médecin spécialiste, mais doivent aller de pair avec des sentiments de compréhension humaine et de profonde charité, qui l'aideront à deviner l'angoisse du malade, à participer à sa souffrance et à la soulager. A côté des cas extrêmes, dont les plus graves sont, d'une part, la surdité imprévue, et, de l'autre, les malaises graves d'un état vertigineux persistant, combien d'autres, grâce à Dieu, moins spectaculaires, mais accompagnés d'inconvénients sociaux sérieux, se résolvent par des difficultés fonctionnelles et l'invalidité partielle !

Le médecin dispose aujourd'hui de moyens d'action plus efficaces que jadis ; il peut intervenir avec succès en certains cas naguère encore désespérés. Quand les soins médicaux n'obtiennent pas le résultat attendu, la chirurgie moderne et la thérapie physique viennent à la rescousse et, sans autoriser la restitutio in integrum, permettent toutefois d'atténuer ou de faire disparaître les désordres fondamentaux. Il importe donc davantage de déterminer exactement l'étiologie de chaque cas pour n'employer qu'à bon escient le riche arsenal thérapeutique mis actuellement à votre disposition par la science.

Dans les autres secteurs de l'oto-rhino-laryngologie, les manifestations cliniques peuvent ne pas être aussi mouvementées que celles dont Nous venons de parler à propos de l'ouïe ; mais elles révèlent cependant des troubles fonctionnels et cénesthe-siques graves. Au niveau des fosses nasales, par exemple, les troubles fonctionnels et neuro-végétatifs se présenteront sous diverses formes, qui vont de la rhinite vasomotrice aux syndromes sphénopalatins, des algies réflexes et des céphalalgies d'origine endocrinienne ou neuro-végétative aux épistaxis et aux rhinites atrophiques. Ce domaine, vous le savez, est tres vaste et continue à s'agrandir à mesure que la science progresse.

La fosse nasale remplit en réalité des fonctions bien supérieures à celles de simple conducteur du flux d'air. Au point de vue de la fonction respiratoire, elle se comporte plutôt comme un sphincter, un organe de régulation du flux respiratoire, selon les exigences de l'organisme individuel. On peut la considérer aussi comme antichambre du sens de l'odorat, dont l'importance n'est guère moindre pour l'homme que pour les animaux. La sensibilité du trijumeau et celle de l'odorat constituent une source de renseignements non négligeables pour la vie de relation ; l'odorat pour sa part, à cause de son étroite association avec le goût, compte parmi les éléments principaux de l'auto-régulation végétative et conditionne d'une certaine manière l'utilisation de la nourriture. Ces fonctions ne sont donc pas secondaires et justifient l'intérêt qui s'attache aux maladies de ce secteur.

Des considérations similaires se présentent au sujet des troubles endocriniens et neuro-végétatifs du pharynx ; certains d'entre eux au stade ultime de la pharyngite hypertrophique ou atrophique, constituent des infirmités assez lourdes ; de même pour les fosses nasales, certaines rhinites atrophiques, capables de mener à l'exclusion de la vie sociale et d'atteindre ainsi gravement l'équilibre psycho-physique du sujet.

Le larynx, dans son double rôle de voie respiratoire et de générateur de la voix, peut être frappé assez souvent lui aussi. Ce sont en général des troubles guérissables, mais susceptibles pourtant, comme certains oedèmes aigus de type neuro-végétatif et hormonal, de provoquer des situations dramatiques du point de vue respiratoire.

Les relations entre les glandes endocrines, le système neurovégétatif et l'appareil bronehial sont très étroites ; elles se révèlent d'habitude en cas d'asthme bronehial, entretenu très fréquemment par des déséquilibres hormonaux et des troubles de l'appareil neuro-végétatif. Les mêmes causes se retrouvent dans la pathogénèse des manifestations dites allergiques, dont le nom seul Nous dispensera de donner des définitions plus précises. Notons encore que ces manifestations et ces troubles sont tels, qu'ils constituent par leur fréquente répétition une cause d'invalidité, et provoquent chez le patient un complexe d'infériorité, qui le pousse souvent à s'écarter de la société.

Ces brèves indications suffisent à souligner l'importance non seulement doctrinale, mais pratique du sujet de vos discussions. Elles mettent en évidence le fait que, dans le domaine oto-rhino-laryngologique, des altérations minimes en soi peuvent provoquer, dans ces structures délicates, des effets capables de compromettre, avec la fonction elle-même, l'équilibre psycho-physique du malade.



La charité du Christ, modèle et soutien de la profession médicale.

Nous avons souligné, au début de cette allocution, la nécessité de poursuivre la recherche scientifique médicale sur deux plans distincts et complémentaires, celui de l'analyse et celui des corrélations entre les organes. Mais cette recherche elle-même appelle un idéal professionnel, une conception de l'homme et du monde, qui couronne des efforts aussi ardus et leur confère une valeur permanente. Votre activité, déjà si bienfaisante en elle-même, prend alors un sens nouveau ; elle reflète non seulement la haute compétence patiemment acquise par un labeur acharné, mais aussi la volonté profonde de servir des fins spirituelles incomparablement plus nobles encore. Vous vous rappelez la réponse que le divin Maître fit aux disciples de Jean-Baptiste, qui lui demandaient de sa part : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?» — « Allez rapporter à Jean, répondit Jésus, ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les boîteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres » (Lc 7,20 Lc 7,22).

Les miracles du Seigneur étaient donc des signes de son origine divine et de sa mission ; ils n'en étaient pas moins, pour les malades qui en bénéficiaient, d'immenses faveurs. Nous osons croire qu'en ces heures privilégiées, où vous réfléchissez au but ultime qui oriente vos efforts, vous évoquez parfois le passage du Christ parmi les souffrances humaines. Que de cris angoissés, d'appels insistants montaient jusqu'à lui et le suppliaient d'accorder la santé, de rendre l'usage d'un membre paralysé, d'un organe déficient ! Comme les gestes du Christ délivraient ces affligés, que les vôtres sachent aussi alléger la peine des hommes et surtout, qu'ils prolongent la volonté du divin Rédempteur de préparer ainsi les coeurs à l'avènement du Royaume de Dieu et les disposent à l'humilité et à la gratitude. Puissiez-vous également guérir les infirmités spirituelles, en remédiant à celles du corps, et goûter la joie d'une vie comblée des seuls biens qui ne passeront pas.

Nous vous renouvelons, Messieurs, l'assurance de Notre estime pour la contribution que vous apportez au progrès de roto-rhino-laryngologie, et pour le dévouement que vous déployez auprès de vos malades. Que le Seigneur daigne vous en récompenser et vous combler de ses bienfaits ! Nous l'en prions avec instance, en même temps que Nous vous en accordons comme gage pour vous-mêmes, pour vos familles et pour tous ceux qui sont l'objet de votre sollicitude, Notre Bénédiction apostolique.




Pie XII 1958 - LETTRE DE LA SECRÉTAIRERIE D'ÉTAT AU « CENTRE DES VOLONTAIRES DE LA SOUFFRANCE» D'ITALIE