Apostolicam actuositatem 2 12


12 Les jeunes exercent une influence de la plus haute importance dans la société d’aujourd’hui7. Leurs conditions de vie, leur mentalité et les rapports avec leurs propres familles ont connu un changement assez complet. Souvent ils passent trop rapidement à une nouvelle condition sociale et économique. Mais alors que grandit toujours plus leur importance sociale et même politique, ils semblent comme incapables de porter convenablement le poids de ces charges nouvelles.

Cet accroissement de leur poids dans la société exige d’eux une activité apostolique proportionnellement accrue, et leur caractère naturel les y dispose. A mesure que mûrit la conscience de leur propre personnalité, poussés par leur ardeur de vivre et par leur activité débordante, ils assument leurs propres responsabilités et aspirent à jouer leur rôle dans la vie sociale et culturelle ; si ce zèle est pénétré de l’esprit du Christ et animé par l’obéissance et l’amour à l’égard des pasteurs de l’Église, il est permis d’en espérer des fruits surabondants. Les jeunes doivent devenir les premiers apôtres des jeunes, directement en contact avec eux, exerçant l’apostolat par eux-mêmes et entre eux, compte tenu du milieu social dans lequel ils vivent8.

Les adultes veilleront à instaurer avec les jeunes un dialogue amical qui permette aux deux parties, en dépassant la différence d’âge, de se connaître mutuellement et de se communiquer entre eux les richesses propres à chacun. C’est par exemple d’abord et, à l’occasion, par un conseil avisé et une aide efficace que les adultes stimuleront les jeunes à l’apostolat. Les jeunes, de leur côté, entretiendront le respect et la confiance à l’égard des adultes, et, bien qu’ils soient naturellement enclins aux nouveautés, ils estimeront comme il convient les traditions louables.

Les enfants ont également une activité apostolique qui leur est propre. Selon leurs possibilités, ils seront de vrais témoins vivants du Christ au milieu de leurs camarades.

7 Cf. S. Pie X, alloc. à l'Association catholique de la jeunesse française : piété, science, action, 25 sept. 1904, AAS 37 (1904-1905), p. 296-300.
8 Cf. Pie XII, lettre Dans quelques semaines, à l’archevêque de Montréal : Sur les Congrès organisés par les jeunes ouvriers chrétiens du Canada, 24 mai 1947, AAS 39 (1947), p. 257 ; message radiodiffusé à la JOC, Bruxelles, 3 sept. 1950, AAS 42 (1950), p. 640-641.



13 L’apostolat dans le milieu social, c’est-à-dire l’effort qui est fait pour pénétrer d’esprit chrétien la mentalité et les moeurs, les lois et les structures de la communauté dans laquelle chacun vit, est tellement la tâche et la charge propres des laïcs que celles-ci ne peuvent jamais être accomplies comme il se doit par d’autres que les laïcs. Dans ce domaine, les laïcs peuvent exercer leur apostolat du semblable envers le semblable. Ils y complètent le témoignage de la vie par le témoignage de la parole 9. C’est là, dans le domaine du travail, de la profession, de l’étude, de l’habitation, des loisirs, de la vie en commun, qu’ils sont plus aptes à aider leurs frères.

Cette mission de l’Église dans le monde, les laïcs l’accomplissent avant tout par cette cohérence entre leur vie et leur foi, grâce à laquelle ils deviennent lumière du monde ; par leur honnêteté dans toutes leurs activités, par laquelle ils gagnent tous à l’amour du vrai et du bien et enfin au Christ et à l’Église ; par la charité fraternelle, par laquelle ils partagent les conditions de vie, le travail, les souffrances et les aspirations de leurs frères et disposent les coeurs de tous, insensiblement et progressivement, à l’action de la grâce du salut ; par la pleine conscience de leur rôle dans la construction de la société, avec laquelle ils s’appliquent à exercer leurs activités familiales, sociales et professionnelles dans un esprit de générosité chrétienne. Ainsi, leur manière d’agir marque peu à peu de son empreinte leur milieu de vie et de travail. Cet apostolat doit avoir en vue tous ceux qui vivent dans ce milieu, quel que soit leur nombre, et il ne doit exclure aucun bien spirituel ou temporel qu’il est possible de leur procurer. Mais les vrais apôtres, ne se contentant pas de cette seule action, tendent aussi à annoncer à leurs prochains le Christ par la parole. Beaucoup d’hommes en effet ne peuvent recevoir l’Évangile et connaître le Christ que par les laïcs qui leur sont proches.

9 Cf. Pie XI, encycl. Quadragesimo Anno, 15 mai 1931, AAS 23 (1931), p. 225-226.



14 Immense est le champ d’apostolat, dans le domaine national et international, où ce sont surtout les laïcs qui sont au service de la sagesse chrétienne. Dans l’amour à l’égard de leur pays et dans le fidèle accomplissement des devoirs civiques, les catholiques se sentiront tenus de promouvoir le vrai bien commun, et feront valoir le poids de leur opinion pour que le pouvoir civil soit exercé justement et que les lois correspondent aux exigences morales et au bien commun. Les catholiques compétents dans les affaires publiques et affermis, comme il convient, dans la foi et la doctrine chrétiennes, ne refuseront pas de s’occuper des affaires publiques, car, par une gestion honnête de ces affaires, ils peuvent travailler au bien commun et, en même temps, préparer la voie à l’Évangile.

Les catholiques s’efforceront de coopérer avec tous les hommes de bonne volonté pour promouvoir tout ce qui est vrai, tout ce qui est juste, tout ce qui est saint, tout ce qui est digne d’être aimé (cf.
Ph 4,8). Ils engageront le dialogue avec eux, allant à leur rencontre avec prudence et délicatesse, et ils chercheront comment parfaire les institutions sociales et publiques selon l’esprit de l’Évangile.

Parmi les signes de notre temps, il convient de relever spécialement le sens croissant et inéluctable de la solidarité de tous les peuples, que l’apostolat des laïcs a le devoir de promouvoir soigneusement et de transformer en un sentiment sincère et vrai de fraternité. En outre, les laïcs doivent être attentifs au domaine international, aux questions et aux solutions doctrinales ou pratiques qui s’y font jour, surtout en ce qui concerne les peuples qui font effort en vue du développement 10.

Tous ceux qui travaillent dans des pays étrangers ou leur viennent en aide se rappelleront que les relations entre peuples doivent être un véritable échange fraternel, dans lequel l’une et l’autre partie donne et reçoit en même temps. Ceux qui voyagent en raison d’oeuvres internationales ou d’affaires ou de loisir doivent se rappeler qu’ils sont partout également les messagers itinérants du Christ et ils se comporteront effectivement comme tels.

10 Cf. Jean XXIII, encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961, AAS 53 (1961), p. 448-450.


Chapitre IV. Les divers modes d’apostolat

15 Les laïcs peuvent exercer leur action apostolique soit individuellement, soit regroupés en communautés ou associations diverses.


16 L’apostolat que chacun doit exercer à titre personnel et qui a sa source dans une vie vraiment chrétienne d’où il découle avec abondance (cf. Jn 4,14), est l’origine et la condition de tout apostolat des laïcs, même collectif, et rien ne peut s’y substituer.

À cet apostolat, toujours et partout fécond, et en certaines circonstances le seul approprié et possible, sont appelés et tenus tous les laïcs de toute condition, même s’il leur manque l’occasion ou la possibilité de collaborer dans des associations.

Nombreuses sont les formes d’apostolat par lesquelles les laïcs édifient l’Église et sanctifient le monde et l’animent dans le Christ.

La forme spécifique de l’apostolat des laïcs à titre individuel - qui est d’ailleurs un signe, tout à fait adapté à notre temps, pour manifester le Christ vivant dans ses fidèles -, est le témoignage de toute la vie d’un laïc s’originant dans la foi, l’espérance et la charité. Par l’apostolat de la parole, absolument nécessaire dans certaines circonstances, les laïcs annoncent le Christ, expliquent et répandent sa doctrine, chacun selon sa condition et sa compétence, et la professent avec fidélité.

En outre, comme ils collaborent, en tant que citoyens de ce monde, à ce qui a trait à la construction et à la gestion de l’ordre temporel, les laïcs doivent chercher, à la lumière de la foi, des raisons d’agir plus élevées dans leur vie familiale, professionnelle, culturelle et sociale et, à l’occasion, les faire connaître à d’autres, en étant conscients de devenir ainsi les coopérateurs du Dieu créateur, rédempteur et sanctificateur, et de lui offrir ainsi un hommage de louange.

Enfin, les laïcs vivifieront leur vie par la charité et l’exprimeront, selon leurs moyens, sous forme d’oeuvres.

Tous se souviendront que par le culte public et la prière, par la pénitence et la libre acceptation des peines, et des tribulations de la vie, par laquelle ils se conforment au Christ souffrant (2Co 4,10 Col 1,24), ils peuvent atteindre tous les hommes et contribuer au salut du monde entier.


17 Cet apostolat à titre individuel est d’une pressante nécessité dans les régions où la liberté de l’Église est gravement entravée. Dans ces circonstances très difficiles, les laïcs prenant la place des prêtres, dans la mesure du possible, et mettant en danger leur propre liberté et parfois leur vie, enseignent la doctrine chrétienne à ceux qui les entourent, les forment à la vie religieuse et à l’esprit catholique, les incitent à la réception fréquente des sacrements et à la piété, surtout au culte eucharistique 1. Le saint Concile, tout en rendant grâces, du fond du coeur, à Dieu qui ne cesse de susciter, de nos jours encore, des laïcs d’un courage héroïque au milieu des persécutions, les entoure de sa gratitude et de sa paternelle affection.

L’apostolat à titre individuel a un champ d’action spécial dans les régions où les catholiques sont peu nombreux et dispersés. Dans ces circonstances, les laïcs qui exercent seulement un apostolat individuel, soit pour les raisons susdites, soit pour des raisons particulières qui peuvent tenir aussi à leur activité professionnelle, peuvent cependant se réunir utilement en vue du dialogue dans de petits groupes, sans aucune forme stricte d’institution ou d’organisation, de façon à ce que le signe de la communauté de l’Eglise apparaisse toujours aux autres comme un vrai témoignage d’amour. De cette manière, s’entraidant spirituellement par leur amitié et l’échange de leurs expériences, ils trouvent des forces pour surmonter les inconvénients d’une vie et d’une action trop isolées et pour produire des fruits apostoliques plus abondants.

1 Cf. Pie XII, alloc. Au Ier Congrès mondial de l’Apostolat des laïcs, 14 oct. 1951, AAS 43 (1951), p. 788.



18 C’est certes à titre individuel que les chrétiens sont appelés à exercer l’apostolat dans leurs diverses conditions de vie ; cependant ils se rappelleront que l’homme, par nature, est un être social et qu’il a plu à Dieu d’unir ceux qui croient au Christ pour en faire le Peuple de Dieu (cf. 1P 2,5-10) et un seul Corps (cf. 1Co 12,12). L’apostolat exercé en commun par les fidèles correspond donc, de façon heureuse, à une exigence humaine et chrétienne, et représente en même temps le signe de la communion et de l’unité de l’Église dans le Christ, qui a dit : « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18,20). C’est pourquoi les fidèles exerceront leur apostolat dans un esprit d’union et d’unanimité 2. Ils seront apôtres tant dans leurs communautés familiales que dans les paroisses et les diocèses qui par eux-mêmes expriment le caractère communautaire de l’apostolat, et dans les groupements libres dans le cadre desquels ils auront décidé de se réunir.

L’apostolat exercé ensemble est aussi d’une grande importance du fait que souvent, soit dans les communautés ecclésiales, soit dans les divers milieux, l’apostolat exige d’être exercé sous forme d’actions communes. Les associations créées pour les actions apostoliques communes soutiennent leurs membres, les forment à l’apostolat, ordonnent et dirigent leur action apostolique de façon judicieuse, pour qu’on puisse en espérer des fruits beaucoup plus abondants que si chacun agissait de son côté.

Mais dans les circonstances présentes, il est tout à fait nécessaire que la forme commune et organisée de l’apostolat soit renforcée dans les domaines d’activité des laïcs ; en effet, seule une union étroite des forces permet d’atteindre pleinement tous les buts de l’aspostolat d’aujourd’hui et d’en protéger efficacement les fruits 3. Sous ce rapport, il importe tout particulièrement que l’apostolat exerce aussi son influence sur les mentalités collectives et les conditions sociales de ceux auxquels il s’adresse ; sinon ceux-ci seront souvent incapables de résister à la pression de l’opinion publique ou bien des institutions.

2 Cf. Pie XII, alloc. Au Ier Congrès mondial de l’Apostolat des laïcs, 14 oct. 1951, AAS 43 (1951), p. 787-788.
3 Cf. Pie XII, encycl. Le Pèlerinage de Lourdes, 2 juill. 1957, AAS 49 (1957), p. 615.



19 Parmi les associations d’apostolat il existe une grande variété4 ; les unes se proposent de poursuivre le but apostolique général de l’Église ; d’autres des buts d’évangélisation et de sanctification sous un aspect particulier ; d’autres poursuivent des buts d’animation chrétienne de l’ordre temporel ; d’autres rendent témoignage au Christ, de façon spéciale, par les oeuvres de miséricorde et de charité.

Parmi ces associations, il faut considérer en premier lieu celles qui encouragent et mettent en valeur une union plus intime entre la vie pratique et la foi de leurs membres. Les associations ne sont pas des fins en soi, mais elles doivent être au service de la mission de l’Église envers le monde ; leur rayonnement apostolique dépend de leur conformité aux buts de l’Eglise, ainsi que du témoignage chrétien et de l’esprit évangélique de chacun des membres et de l’ensemble de l’association.

La tâche universelle de la mission de l’Église, vu le développement des institutions et l’évolution impétueuse de la société d’aujourd’hui, exige que les initiatives apostoliques catholiques prennent des formes associatives de plus en plus adéquates au plan international. Les organisations internationales catholiques parviendront mieux à leur fin, si les groupes qui sont rassemblés en elles et leurs membres leur sont plus étroitement unis.

Étant sauf le lien nécessaire avec l’autorité ecclésiastique 5, les laïcs ont le droit de fonder des associations6, de les diriger et d’adhérer à celles qui ont été fondées. Cependant il faut éviter la dispersion des forces qui se produit lorsque l’on promeut de nouvelles associations et oeuvres sans raison suffisante, ou que l’on fait durer des associations ou des méthodes périmées, qui ne sont plus utiles ; et il ne sera pas toujours opportun que des formes d’apostolat pratiquées dans un pays soient transplantées sans discernement dans un autre pays7.

4 Cf. Pie XII, alloc. Au Conseil de la Fédération internationale des hommes catholiques, 8 déc. 1956, AAS 49 (1957 ), p. 26-27.
5 Cf. infra, chap. V, n. 24.
6 Cf. Résolution de la Congrégation du Concile Corrienten., 13 nov. 1920, AAS 13 (1921), p. 139.
7 Cf. Jean XXIII, encycl. Princeps Pastorum, 10 déc. 1959, AAS 51 (1959), p. 856.


20 Depuis quelques décennies, dans un grand nombre de pays, des laïcs, s’adonnant de plus en plus intensément à l’apostolat, se sont assemblés en des formes diverses d’actions et d’associations qui, en gardant une union assez étroite avec la hiérarchie, ont poursuivi et poursuivent encore des buts proprement apostoliques. Parmi ces institutions, comme parmi d’autres semblables et plus anciennes, il faut mentionner surtout celles qui, tout en mettant en oeuvre des méthodes d’action diverses, ont cependant produit des fruits très abondants pour le règne du Christ et qui, recommandées et favorisées, à juste titre, par les Souverains Pontifes et par beaucoup d’évêques, ont reçu le nom d’Action catholique et ont été le plus souvent présentées comme collaboration des laïcs à l’apostolat hiérarchique 8.

8 Cf. Pie XI, lettre Quae nobis au cardinal Bertram, 13 nov. 1928, AAS 20 (1928), p. 385. Cf. aussi Pie XII, alloc. À l'Action catholique italienne, 4 sept. 1940, AAS 32 (1940), p. 362.



Ces formes d’apostolat, qu’elles portent le nom d’Action catholique ou un autre nom, qui exercent à notre époque un apostolat précieux, sont caractérisées par les points suivants qu’il faut prendre dans leur ensemble :

a. Le but immédiat des organisations de ce genre est le but apostolique de l’Église, c’est-à-dire son but ordonné à l’évangélisation des hommes, à leur sanctification, à la formation chrétienne de leur conscience de telle sorte qu’ils puissent marquer de l’esprit de l’Évangile les diverses communautés et les divers milieux ;

b. Les laïcs qui collaborent selon un mode propre avec la hiérarchie apportent leur expérience et assument leur responsabilité dans la direction de ces organisations, dans l’évaluation des conditions dans lesquelles doit être exercée l’action pastorale de l’Église, et dans l’élaboration et dans l’exécution de leur programme d’action ;

c. Les laïcs agissent dans l’union à la manière d’un ensemble organique, de telle sorte que la communauté de l’Église soit mieux signifiée et que l’apostolat devienne plus efficace ;

d. Les laïcs, qu’ils aient offert spontanément leur concours ou qu’ils aient été invités à l’action et à la coopération directe avec l’apostolat hiérarchique, agissent sous la haute direction de la hiérarchie elle-même, qui peut même sanctionner cette collaboration par un mandat explicite.

Les organisations, dans lesquelles l’ensemble de ces caractères se trouvent réunis au jugement de la hiérarchie, doivent être considérées comme d’Action catholique, même si elles prennent des formes et des noms variés, en raison des exigences des lieux et des peuples.

Le saint Concile recommande instamment ces institutions, qui correspondent certainement aux besoins de l’apostolat de l’Église en beaucoup de pays ; et il invite les prêtres et les laïcs qui y travaillent à faire que les caractéristiques susmentionnées deviennent de plus en plus effectives et à collaborer toujours fraternellement dans l’Église avec toutes les autres formes de l’apostolat.


21 Toutes les associations d’apostolat sont à apprécier à leur juste valeur ; mais celles que la hiérarchie, selon les besoins des temps et des lieux, aura louées ou recommandées ou qu’elle aura décidé de fonder comme plus urgentes, seront tenues dans la plus grande estime par les prêtres, les religieux et les laïcs, et développées selon le mode qui convient à chacun. Parmi ces associations, il faut compter aujourd’hui surtout les associations ou groupes internationaux de catholiques.


22 Sont dignes d’un honneur et d’une recommandation spécifiques dans l’Église les laïcs, célibataires ou mariés, qui, pour toujours ou pour un temps, se vouent, avec leur compétence professionnelle, au service de ces institutions et de leurs activités. C’est un sujet de grande joie pour l’Église que de voir s’accroître toujours plus le nombre des laïcs qui offrent leurs services aux associations et aux oeuvres apostoliques, soit à l’intérieur des frontières de leur pays, soit dans le domaine international, soit surtout dans les communautés catholiques des missions et des jeunes Églises.

Les pasteurs de l’Église accueilleront ces laïcs de bon coeur et avec reconnaissance, veilleront à ce que leur condition satisfasse le plus possible aux exigences de la justice, de l’équité et de la charité, surtout en ce qui concerne les moyens d’une honnête subsistance pour eux-mêmes et pour leurs familles, et ils veilleront aussi à ce que ces laïcs disposent de la formation, du soutien et de l’encouragement spirituels nécessaires.


Chapitre V. De l’ordre à respecter

23 L’apostolat des laïcs exercé par les fidèles, à titre individuel ou en association, doit être inséré à sa juste place dans l’apostolat de toute l’Église ; bien plus, son lien avec ceux que l’Esprit Saint a constitués pour gouverner l’Église de Dieu (cf. Ac 20,28) est un élément essentiel de l’apostolat chrétien. Non moins nécessaire est la coopération au niveau des différentes entreprises apostoliques qui doit être organisée par la hiérarchie d’une manière appropriée.

En effet, une estime mutuelle de toutes les formes d’apostolat dans l’Église et, étant sauf le caractère propre de chacune d’elles, une judicieuse coordination entre elles, sont exigées pour promouvoir l’esprit d’unité, afin que la charité fraternelle brille de tout son éclat dans tout l’apostolat de l’Église, que les buts communs soient atteints, et que les rivalités néfastes soient évitées '. Cela s’impose au plus haut point, lorsqu’une action particulière requiert, dans l’Église, l’harmonie et la coopération apostolique des deux clergés, des religieux et des laïcs.

1 Cf. Pie XI, encycl. Quamvis Nostra, 30 avr. 1936, AAS 28 (1936), p. 160-161.



24 Il appartient à la hiérarchie de favoriser l’apostolat des laïcs, de lui fournir des principes d’action et des secours spirituels, d’ordonner l’exercice de cet apostolat au bien commun de l’Église, et de veiller à ce que la doctrine et l’ordre soient sauvegardés.

À la vérité, l’apostolat des laïcs peut comporter des modes divers de relations avec la hiérarchie selon la diversité des formes et des objectifs de cet apostolat.

On trouve dans l’Église de très nombreuses oeuvres apostoliques qui sont nées de la libre initiative des laïcs et sont dirigées selon leur jugement avisé. Grâce à des initiatives de ce genre, la mission de l’Église peut être mieux remplie dans certaines circonstances, et il n’est pas rare que la hiérarchie les loue et les recommande, à cause de cela2. Mais aucune initiative ne peut revendiquer le nom de « catholique », sans qu’il y ait consentement de l’autorité ecclésiastique légitime.

Certaines formes d’apostolat des laïcs sont reconnues explicitement par la hiérarchie, même si c’est selon des modalités diverses.

En outre, à cause des exigences du bien commun de l’Église, l’autorité ecclésiastique peut choisir certaines associations et oeuvres apostoliques parmi celles qui visent directement une fin spirituelle et les promouvoir d’une façon particulière, en assumant ainsi une responsabilité spéciale à leur égard. De cette façon, la hiérarchie, organisant l’apostolat de diverses manières selon les circonstances, unit plus étroitement à sa propre charge apostolique l’une des formes d’apostolat, tout en sauvegardant la nature propre et la distinction des deux tâches et sans supprimer la nécessaire faculté des laïcs d’agir de leur propre gré. Cet acte de la hiérarchie est appelé mandat dans divers documents ecclésiastiques. Enfin, la hiérarchie confie aux laïcs certaines charges qui sont liées plus étroitement aux devoirs des pasteurs, comme c’est le cas pour l’enseignement de la doctrine chrétienne, pour certains actes liturgiques, pour la pastorale. En vertu de cette mission, les laïcs sont pleinement soumis à la direction de l’autorité ecclésiastique en ce qui concerne l’exercice de cette charge. Pour ce qui touche aux oeuvres et aux institutions d’ordre temporel, la fonction de la hiérarchie ecclésiastique est d’enseigner et d’interpréter authentiquement les principes moraux qu’il faut suivre dans le domaine des réalités temporelles ; il leur est aussi permis de juger, après avoir tout bien pesé et après avoir fait appel à des gens compétents, de la conformité de telles oeuvres et institutions avec les principes moraux, et de décider de ce qui est exigé pour sauvegarder et promouvoir les biens de l’ordre surnaturel.

2 Cf. Résolution de la sacrée congrégation du Concile Corrienten., AAS 13 (1921), p. 137-140.



25 Les évêques, les curés et les auires prêtres du clergé séculier et du clergé régulier ne perdront jamais de vue le fait que le droit et le devoir d’exercer l’apostolat sont communs à tous les fidèles clercs ou laïcs, et que les laïcs aussi ont un rôle propre à jouer dans l’édification de l’Église 3. C’est pourquoi ils travailleront fraternellement avec les laïcs dans l’Église et pour l’Église, et ils auront un souci particulier des laïcs dans leurs oeuvres apostoliques 4.

Pour le soutien des formes spéciales de l’apostolat des laïcs, des prêtres ayant les aptitudes et une formation appropriées seront choisis avec grand soin \ Ceux qui s’adonnent à ce ministère représentent dans leur action pastorale la hiérarchie en vertu de la mission que celle-ci leur a confiée ; toujours fidèlement attachés à l’esprit et à la doctrine de l’Église, ils favoriseront les relations qui conviennent entre les laïcs et la hiérarchie ; ils s’emploieront à nourrir la vie spirituelle et le sens apostolique dans les associations catholiques qui leur sont confiées ; ils les assisteront dans leur activité apostolique par leurs sages conseüs et ils encourageront leurs initiatives. Grâce à un dialogue incessant avec les laïcs, ils rechercheront attentivement queUes sont les formes capables de rendre l’action apostolique plus féconde ; ils développeront l’esprit d’unité à l’intérieur même d’une association et aussi entre telle association et les autres.

Enfin les religieux, frères et soeurs, auront de l’estime pour les oeuvres apostoliques des laïcs ; selon l’esprit et les règlements de leur institut respectif, ils s’emploieront volontiers à développer les oeuvres des laïcs 6 ; ils s’efforceront de soutenir, d’aider les prêtres dans leurs tâches et de compléter leur action.

3 Cf. Pie XII, alloc. Au II' Congrès mondial de l’Apostolat des laïcs, 5 oct. 1957, AAS 49 (1957), p. 927.
4 Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen Gentium, n. 37, AAS 57 (1965), p. 42-43 (voir plus haut p. 126-128).
5 Cf. Pie XII, exhort. apost. Menti Nostrae, 23 sept 1950, AAS 42 (1950), p. 660.
6 Cf. Conc. Vat. II, décret Sur le renouveau et l’adaptation de la vie religieuse, n. 8. (Voir plus haut p. 252.)



26 Autant que possible, il y aura dans les diocèses des conseils qui apportent leur concours pour le travail apostolique de l’Église, soit dans le domaine de l’évangélisation et de la sanctification, soit dans les domaines caritatif, social, et autres, dans le cadre d’une collaboration appropriée des clercs et religieux avec les laïcs. Ces conseils pourront servir à la coordination mutuelle des diverses associations et initiatives des laïcs, étant sauf le caractère propre et l’autonomie de chacune7.

Des conseils de ce genre doivent exister aussi, autant que possible, au plan paroissial, interparoissial, interdiocésain, et même au plan national et international8.

En outre, auprès du Saint-Siège, sera constitué un secrétariat particulier pour le service et la promotion de l’apostolat des laïcs, en tant que centre qui fournit grâce à des moyens appropriés des informations au sujet des diverses initiatives apostoliques des laïcs, qui s’applique aux recherches sur les questions qui se posent aujourd’hui dans ce domaine, et qui assiste de ses conseils la hiérarchie et les laïcs dans les oeuvres apostoliques. Les différents mouvements et oeuvres d’apostolat des laïcs du monde entier devront jouer leur rôle dans ce secrétariat et les clercs et religieux y collaboreront aussi avec les laïcs.

7 Cf. Benoît XIV, Du synode diocésain, liv. III, c. IX, a. VII-VIII ; Opera omnia in tomos XVII distributa, t. XI, Prati, 1844, p. 96-99.
8 Cf. Pie XI, encycl. Quamvis Nostra, 30 avr. 1936, AAS (1936), p. 160-161.


27 Le patrimoine évangélique qui leur est commun et le devoir commun qui en résulte de rendre un témoignage chrétien recommandent et souvent exigent la collaboration entre des catholiques et d’autres chrétiens, laquelle doit être pratiquée par des individus ou par des communautés ecclésiales dans le cadre d’activités ou d’associations, au plan national ou international 9.

Les valeurs humaines communes exigent aussi assez souvent une semblable coopération des chrétiens qui poursuivent des fins apostoliques avec ceux qui ne professent pas le christianisme, mais reconnaissent ces valeurs.

Par cette coopération dynamique et prudente 10, qui est d’une grande importance dans les activités temporelles, les laïcs apportent un témoignage au Christ, Sauveur du monde, et à l’unité de la famille humaine.

9 Cf. Jean XXIII, encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961, AAS 53 (1961), p. 456-457. Cf. Conc. Vat. II, décret Unitatis Redintegratio, sur l’OEcuménisme, n. 12, AAS 57 (1965), p. 99-100, voir p. 198.
10 Cf. Conc. Vat. II, décret Unitatis Redintegratio, sur l’OEcuménisme, n. 12, AAS 57 (1965), p. 100, voir p. 198 ; cf. aussi Const. dogm. Lumen Gentium, n. 15, 57 (1965), p. 19-20 (voir p. 88-90).


Chapitre VI. La formation à l’apostolat

28 L’apostolat ne peut atteindre sa pleine efficacité que moyennant une formation multiforme et complète ; celle-ci est exigée non seulement par les continuels progrès d’ordre spirituel et doctrinal du laïc lui-même, mais aussi par les diverses circonstances liées aux réalités, aux personnes et aux obligations auxquelles son activité doit s’adapter. Cette formation à l’apostolat doit reposer sur les fondements au sujet desquels le Concile s’est prononcé et a fait des déclarations ailleurs 1. En plus de la formation commune à tous les chrétiens, une formation spécifique et particulière est exigée par un certain nombre de formes d’apostolat, en raison de la diversité des personnes et des situations.

1 Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen Gentium, chap. II, IV, V, AAS 57 (1965), p. 12-21 ; 37-49 (voir p. 78-92, 116-136) ; cf. aussi décret Unitatis Redintegratio, sur l’OEcuménisme, n. 4, 6, 7, 12, AAS 57 (1965), p. 94, 96, 97, 99, 100 (voir p. 190, 194, 198) ; cf. aussi le décret sur l’Apostolat des laïcs, n. 4.


29 Du moment que les laïcs participent à la mission de l’Église à leur manière, leur formation apostolique reçoit des marques spéciales tenant au caractère séculier propre au laïcat et à la forme de vie spirituelle qui leur est propre.

Cette formation à l’apostolat suppose une formation humaine complète adaptée aux dons et à la situation de chacun. En effet, le laïc, moyennant une bonne connaissance du monde de ce temps, doit être un membre bien intégré dans sa propre société et culture.

Mais, avant tout, le laïc doit apprendre à remplir la mission du Christ et de l’Église en vivant par la foi dans le divin mystère de la création et de la rédemption, sous la motion de l’Esprit Saint qui vivifie le Peuple de Dieu et qui pousse tous les hommes à aimer Dieu le Père et à aimer le monde et les hommes en Lui. Cette formation doit être considérée comme le fondement et la condition même de tout apostolat fécond.

En plus de la formation spirituelle, une solide formation doctrinale est requise, à savoir une formation théologique, morale, philosophique en fonction de la diversité des âges, de la situation et des aptitudes de chacun. On ne négligera aucunement l’importance d’une culture générale jointe à une formation pratique et technique.

Pour cultiver les bonnes relations humaines, il faut chercher à développer les valeurs vraiment humaines, en particulier l’art de vivre ensemble, de collaborer et de pratiquer le dialogue dans un esprit fraternel.

Parce que la formation à l’apostolat ne peut consister dans la seule formation théorique, le laïc apprendra, progressivement et prudemment, dès le début de cette formation, à tout voir, à juger et à agir à la lumière de la foi, à se former et à se perfectionner soi-même avec les autres par l’action, et à s’engager ainsi dans un service actif de l’Église2. Cette formation, qui est sans cesse à compléter à cause de la maturation croissante de la personne humaine et à cause de l’évolution des problèmes, exige une connaissance toujours plus profonde et une action appropriée. Dans tous les efforts pour répondre à ces exigences de formation, il faut toujours avoir devant les yeux l’unité et l’intégrité de la personne humaine, de façon à en sauvegarder et en consolider l’harmonie et l’équilibre.

De cette manière, le laïc s’insère activement et en profondeur dans la réalité même de l’ordre temporel et prend une part efficace dans la gestion des choses, et en même temps, en tant que membre vivant et témoin de l’Église, il rend celle-ci présente et agissante au sein des réalités temporelles 3.

2 Cf. Pie XII, alloc. À la VI' Conférence internationale des scouts, 6 juin 1952, AAS 44 (1952), p. 579-580 ; Jean XXIII, encycl. Mater et Magistra, 15 mai 1961, AAS 53 (1961), p. 456.
3 Cf. Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen Gentium, n. 33, AAS 57 (1965), p. 39. (Voir plus haut p. 120-122.)


Apostolicam actuositatem 2 12