Africae munus FR 55

D. LES FEMMES

55 Les femmes en Afrique apportent une grande contribution à la famille, à la société et à l’Église avec leurs nombreux talents et leurs dons irremplaçables. Comme le disait Jean-Paul II : « La femme est celle en qui l’ordre de l’amour dans le monde créé des personnes trouve le lieu de son premier enracinement ».[91] L’Église et la société ont besoin que les femmes aient toute leur place dans le monde « afin que l’être humain puisse y vivre sans se déshumaniser complètement ».[92]

[91] Lett. apost. Mulieris dignitatem (15 août 1988), n.
MD 29 : AAS 80 (1988), p. 1722 ; DC 1972 (1988), pp. 1085-1086 ; cf. Benoît XVI, Rencontre avec les Associations catholiques pour la promotion de la femme (Luanda, 22 mars 2009) : Insegnamenti, V/1 (2009), p.484 ; DC 2422 (2009), pp. 402-404.
[92] Benoît XVI, Rencontre avec les Associations catholiques pour la promotion de la femme(Luanda, 22 mars 2009) : Insegnamenti, V/1,2009, p.484 ; DC 2422 (2009), pp. 402-404.

56 S’il est indéniable que des progrès ont été accomplis pour favoriser l’épanouissement et l’éducation de la femme dans certains pays africains, il reste cependant que, dans l’ensemble, sa dignité, ses droits ainsi que son apport essentiel à la famille et à la société ne sont pas pleinement reconnus ni appréciés. Ainsi la promotion des jeunes filles et des femmes est-elle souvent moins favorisée que celle des garçons et des hommes. Trop nombreuses sont encore les pratiques qui humilient les femmes, les avilissent au nom de la tradition ancestrale. Avec les Pères synodaux, j’invite instamment les disciples du Christ à combattre tous les actes de violence contre les femmes, à les dénoncer et à les condamner.[93] Dans ce contexte, il conviendrait que les comportements à l’intérieur même de l’Église soient un modèle pour l’ensemble de la société.

[93] Cf. Prop. n. 47 : DC 2434 (2009), p. 1052.

57 Lorsque je me suis rendu en terre africaine, j’ai rappelé fortement qu’il « faut reconnaître, affirmer et défendre l’égale dignité de l’homme et de la femme : tous les deux sont des personnes, à la différence de tout autre être vivant dans le monde autour d’eux ».[94] L’évolution des mentalités en ce domaine est hélas trop lente. L’Église se doit de contribuer à cette reconnaissance et à cette libération de la femme en suivant l’exemple donné par le Christ qui la valorisait (cf. Mt 15,21-28 Lc 7,36-50 Lc 8,1-3 Lc 10,38-42 Jn 4,7-42). Créer pour elle un espace de prise de parole et d’expression de ses talents par des initiatives qui affermissent sa valeur, son estime de soi et sa spécificité, lui permettrait alors d’occuper dans la société une place égale à celle de l’homme – sans confusion ni nivellement de la spécificité de chacun –, car ils sont tous les deux « image » du Créateur (cf. Gn 1,27). Puissent les Évêques encourager et promouvoir la formation des femmes pour qu’elles assument « leur propre part de responsabilité et de participation dans la vie communautaire de la société et […] de l’Église ».[95] Elles contribueront ainsi à l’humanisation de la société.

[94] Benoît XVI, Rencontre avec les associations catholiques pour la promotion de la femme(Luanda, 22 mars 2009): Insegnamenti, V/1 (2009), p.484 ; DC 2422 (2009), pp. 402-404.
[95] Deuxième Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, Doc. Justitia in mundo (30 novembre 1971), n. 45 : AAS 63 (1971) p. 933 ; cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodaleEcclesia in Africa (14 septembre 1995), n. 121: AAS 88 (1996), pp. 71-72 : cf. DC 2123 (1995), p. 847.

58 Vous, les femmes catholiques, vous vous inscrivez dans la tradition évangélique des femmes qui assistaient Jésus et les apôtres (cf. Lc 8,3) ! Vous êtes pour les Églises locales comme leur « colonne vertébrale »,[96] car votre nombre, votre présence active et vos organisations sont d’un grand soutien pour l’apostolat de l’Église. Quand la paix est menacée et la justice bafouée, quand la pauvreté est grandissante, vous êtes debout pour défendre la dignité humaine, la famille et les valeurs de la religion. Puisse l’Esprit Saint susciter sans cesse dans l’Église des femmes saintes et courageuses qui apportent leur précieuse contribution spirituelle à la croissance de nos communautés !

[96] Deuxième Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour l’Afrique, Message final (23 octobre 2009), n. 25 : ORF 3107 (2009), p. 25; DC 3424 (2009), pp. 1030-1031.

59 Chères filles de l’Église, mettez-vous constamment à l’école du Christ comme Marie de Béthanie pour savoir reconnaître sa Parole (cf. Lc 10,39). Formez-vous au catéchisme et à la Doctrine sociale de l’Église pour vous doter des principes qui vous aideront à agir en véritables disciples. Ainsi vous pourrez vous engager avec discernement dans les différents projets relatifs aux femmes. Continuez de défendre la vie car Dieu vous a constituées réceptacles de la vie. L’Église sera toujours votre soutien. Aidez par vos conseils et votre exemple les jeunes filles afin qu’elles abordent sereinement la vie adulte. Soutenez-vous mutuellement ! Vénérez les plus âgées d’entre vous. L’Église compte sur vous pour créer une « écologie humaine »[97] par l’amour et la tendresse, l’accueil et la délicatesse, et enfin la miséricorde, valeurs que vous savez inculquer aux enfants et dont le monde a tant besoin. Ainsi, par la richesse de vos dons proprement féminins,[98]vous favoriserez la réconciliation des hommes et des communautés.

[97] Benoît XVI, Message pour la Journée mondiale de la paix 2010, n. 12 : AAS 102 (2010) p. 49; DC 2437 (2010), p. 7 ; cf. Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate (29 juin 2009), n. 51 :AAS 101 (2009), p. 687 ; DC 2429 (2009), p. 780.

E. LES JEUNES

60 Les jeunes constituent en Afrique la majorité de la population. Cette jeunesse est un don et un trésor de Dieu dont toute l’Église est reconnaissante au Maître de la vie.[99] Il faut aimer cette jeunesse, l’estimer et la respecter. Elle « aspire profondément, malgré de possibles ambiguïtés, aux valeurs authentiques qui ont dans le Christ leur plénitude. Le Christ n’est-il pas le secret de la vraie liberté et de la joie profonde du coeur ? Le Christ n’est-il pas l’ami suprême et en même temps l’éducateur de toute amitié authentique ? Si le Christ est présenté aux jeunes avec son vrai visage, ils le voient comme une réponse convaincante et ils sont capables de recevoir son message, même s’il est exigeant et marqué par la Croix ».[100]

[98] Cf. Jean-Paul II, Lett. apost. Mulieris dignitatem (15 août 1988), n.
MD 31 : AAS 80 (1988), pp. 1727-1729 ; DC1972 (1988), pp. 1087-1088; Lettre aux femmes (29 juin 1995), n. 12 : AAS 87 (1995), p. 812 ; DC 2121 (1995), pp. 721-722.
[99] Cf. Deuxième Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour l’Afrique, Message final (23 octobre 2009), nn. 27-28 : ORF 3107 (2009), p. 25; DC 2434 (2009), p. 1031.
[100] Jean-Paul II, Lett. apost. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), n. NM 9 : AAS 93 (2001), p. 272 ; DC 2240 (2001), pp. 71-72.

61 En pensant aux jeunes, j’avais écrit dans l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini : « C’est durant la période de la jeunesse qu’émergent de façon irrépressible et sincère les questions sur le sens de la vie personnelle et sur l’orientation à donner à sa propre existence. Seul Dieu sait apporter une véritable réponse à ces questions. Cette attention au monde des jeunes implique le courage d’une annonce claire ; nous devons aider les jeunes à acquérir l’intimité et la familiarité avec les Saintes Écritures, pour qu’elle soit comme une boussole qui leur indique la route à suivre. C’est pourquoi ils ont besoin de témoins et de maîtres, qui marchent avec eux et qui les forment à aimer et à communiquer à leur tour l’Évangile surtout aux jeunes de leur âge, devenant ainsi eux-mêmes des annonciateurs authentiques et crédibles ».[101]

[101] N. 104 : AAS 102 (2010), p. 772.

62 Dans sa Règle, saint Benoît demande à l’abbé du monastère, d’écouter les plus jeunes, en disant : « Souvent le Seigneur inspire à un plus jeune un avis meilleur ».[102] N’omettons donc pas d’impliquer directement la jeunesse dans la vie de la société et de l’Église, afin qu’elle ne s’abandonne pas à des sentiments de frustration et de rejet devant l’impossibilité de prendre en mains son avenir, particulièrement dans les situations où la jeunesse est rendue vulnérable par le manque de formation, le chômage, l’exploitation politique et toutes sortes d’addictions … .[103]

[102] Règle
RB 3,3 ; cf. Jean-Paul II, Lett. apost. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), n. NM 45 :AAS 93 (2001), pp. 298-299 ; DC 2240 (2001), p. 84.
[103] Cf. Prop. n. 48 : DC 2434 (2009), p. 1052.

63 Chers jeunes, des sollicitations de toutes sortes : idéologies, sectes, argent, drogue, sexe facile, violences…, peuvent vous tenter. Soyez vigilants : ceux qui vous font ces propositions veulent détruire votre futur ! En dépit des difficultés, ne vous laissez pas décourager et ne renoncez pas à vos idéaux, à votre application et à votre assiduité dans la formation humaine, intellectuelle et spirituelle ! Pour acquérir le discernement, la force nécessaire et la liberté de résister à ces pressions, je vous encourage à mettre Jésus-Christ au centre de toute votre vie par la prière, mais aussi par l’étude des Saintes Écritures, la pratique des Sacrements, la formation à la Doctrine sociale de l’Église, ainsi que par votre participation active et enthousiaste aux rassemblements et aux mouvements ecclésiaux. Cultivez en vous l’aspiration vers la fraternité, la justice et la paix. L’avenir est entre les mains de ceux qui savent trouver de fortes raisons de vivre et d’espérer. Si vous le voulez, l’avenir est entre vos mains, car les dons que le Seigneur a déposés en chacun de vous, façonnés par la rencontre avec le Christ, peuvent apporter une espérance authentique au monde ![104]

[104] Cf. Benoît XVI, Message pour la XXV° Journée mondiale de la jeunesse (22 février 2010),n. 7 : AAS102 (2010), pp. 253-254 ; DC2444 (2010), p. 355 ; Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Verbum Domini (30 septembre 2010), n. 104 : AAS 102 (2010), pp. 772-773.

64 Quand il s’agit de vous orienter dans votre choix de vie, quand la question d’une consécration totale se pose à vous – par le sacerdoce ministériel ou la vie consacrée –, appuyez-vous sur le Christ, prenez-le pour modèle, écoutez sa Parole en la méditant régulièrement. Durant l’homélie de la messe inaugurale de mon pontificat, je vous ai exhortés par ces paroles qu’il me semble bon de vous redire car elles sont toujours actuelles : « Celui qui fait entrer le Christ dans sa vie, ne perd rien, rien – absolument rien de ce qui rend la vie libre, belle et grande. Non ! Dans cette amitié seulement s’ouvrent largement les portes de la vie. Dans cette amitié seulement, se libèrent réellement les grandes potentialités de la condition humaine. […] Chers jeunes : n’ayez pas peur du Christ ! Il n’enlève rien, et il donne tout. Celui qui se donne à lui, reçoit le centuple. Oui, ouvrez, ouvrez tout grand les portes au Christ – et vous trouverez la vraie vie ».[105]

[105] AAS 97 (2005), p. 712 ; DC 2337 (2005), p. 549.

F. LES ENFANTS

65 Tout comme la jeunesse, les enfants sont un don de Dieu à l’humanité, ils doivent donc être l’objet d’un soin particulier de la part de leurs familles, de l’Église, de la société et des gouvernements car ils sont une source d’espérance et de renouvellement dans la vie. Dieu leur est particulièrement proche, et leur vie est précieuse à ses yeux, même lorsque les circonstances semblent contraires ou impossibles (cf. Gn 17,17-18 Gn 18,12 Mt 18,10).

66 En effet, « en ce qui concerne le droit à la vie, tout être humain innocent est absolument égal à tous les autres. Cette égalité est la base de tous les rapports sociaux authentiques qui, pour être vraiment tels, ne peuvent qu’être fondés sur la vérité et sur la justice, reconnaissant et défendant chaque enfant, chaque homme et chaque femme, comme une personne et non comme une chose dont on peut disposer ».[106]

[106] Jean-Paul II, Lett. enc. Evangelium vitae (25 mars 1995), n.
EV 57 : AAS 87 (1995), p. 466 ; DC 2114 (1995), p. 380.

67 Comment alors ne pas déplorer et dénoncer avec force les traitements intolérables infligés en Afrique à tant d’enfants ?[107] L’Église est Mère et ne saurait les abandonner, quels qu’ils soient. Il nous revient de projeter sur eux la lumière du Christ en leur offrant son amour afin qu’ils s’entendent dire : « Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime » (Is 43,4). Dieu veut le bonheur et le sourire de tout enfant et sa faveur est avec lui « car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume de Dieu » (Mc 10,14).

[107] Les Pères synodaux se sont référés à diverses situations, comme, par exemple : les enfants tués avant de naître, les enfants non désirés, les orphelins, les albinos, les enfants de la rue, les enfants abandonnés, les enfants-soldats, lesenfants prisonniers, les enfants forcés à travailler, les enfants maltraités à cause d’un handicap physique ou mental, les enfants dits sorciers, les enfants dits serpents, les enfants vendus comme esclaves sexuels, les enfants traumatisés, sans perspectives d’avenir… (cf. Prop. n. 49).
68 Le Christ Jésus a toujours manifesté sa préférence envers les plus petits (cf. Mc 10,13-16). L’Évangile lui-même est traversé en profondeur par la vérité sur l’enfant. Que veut dire en effet : « Si vous ne changez pas pour devenir comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le Royaume des cieux » (Mt 18,3) ? Jésus ne fait-il pas de l’enfant un modèle, même pour les adultes ? Chez l’enfant, il y a quelque chose qui ne doit jamais faire défaut à celui qui veut entrer dans le Royaume des cieux. Le ciel est promis à tous ceux qui sont simples comme les enfants, à tous ceux qui, comme eux, sont remplis d’un esprit d’abandon dans la confiance, purs et riches de bonté. Eux seuls peuvent trouver en Dieu un Père et devenir, grâce à Jésus, des fils de Dieu. Fils et filles de nos parents, Dieu veut que nous soyons tous ses fils adoptifs par grâce ![108]

[108] Cf. Jean-Paul II, Lettre aux enfants (13 décembre 1994) : Insegnamenti, XVII/2,1994, p. 1077 ; DC 2108 (1995), p. 54.


III. LA VISION AFRICAINE DE LA VIE

69 Dans la vision africaine du monde, la vie est perçue comme une réalité qui englobe et inclut les ancêtres, les vivants et les enfants à naître, toute la création et tous les êtres : ceux qui parlent et ceux qui sont muets, ceux qui pensent et ceux qui n’ont point de pensée. L’univers visible et invisible y est considéré comme un espace de vie des hommes, mais aussi comme un espace de communion où des générations passées côtoient invisiblement les générations présentes, elles-mêmes mères des générations à venir. Cette ample ouverture du coeur et de l’esprit de la tradition africaine vous prédispose, chers frères et soeurs, à entendre et à recevoir le message du Christ et comprendre le mystère de l’Église pour donner toute sa valeur à la vie humaine et aux conditions de son épanouissement.

A. LA PROTECTION DE LA VIE

70 Au nombre des dispositions visant à protéger la vie humaine sur le continent africain, les membres du Synode ont pris en considération les efforts déployés par les institutions internationales en faveur de certains aspects du développement.[109] Ils ont noté toutefois avec préoccupation l’existence d’un manque de clarté éthique lors des rencontres internationales, voire d’un langage confus véhiculant des valeurs contraires à la morale catholique. L’Église cultive le souci constant du développement intégral de « tout homme et de tout l’homme », comme disait le Pape Paul VI.[110] C’est pourquoi, les Pères synodaux ont tenu à souligner les aspects discutables de certains documents émanant d’organismes internationaux: en particulier ceux concernant la santé reproductive des femmes. La position de l’Église ne souffre aucune ambiguïté quant à l’avortement. L’enfant dans le sein maternel est une vie humaine à protéger. L’avortement, qui consiste à supprimer un innocent non-né, est contraire à la volonté de Dieu, car la valeur et la dignité de la vie humaine doivent être protégées depuis la conception jusqu’à la mort naturelle. L’Église en Afrique et dans les îles voisines doit s’engager à aider et à accompagner les femmes et les couples tentés par l’avortement, et à être proche de ceux qui en ont fait la triste expérience afin de les éduquer au respect de la vie. Elle salue le courage des gouvernements qui ont légiféré contre la culture de mort, dont l’avortement est une expression dramatique, au bénéfice de la culture de la vie.[111]

[109] Cf. Deuxième Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour l’Afrique, Message final (23 octobre 2009), n. 30 : ORF 3107 (2009), p. 25 ; DC 2434 (2009), p. 1031.
[110] Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio (26 mars 1967), n.
PP 14 : AAS 59 (1967), p. 264 ; DC 1492 (1967), col. 679 ; cf. Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate (29 juin 2009), n. : AAS101 (2009), pp. 653-654 ; DC 2429 (2009), p. 760.
[111] Cf. Prop. n. 20 : DC 2434 (2009), pp. 1041-1042.

71 L’Église sait que nombreux sont ceux – individus, associations, bureaux spécialisés ou États – qui rejettent une doctrine saine à ce sujet. « Nous ne devons pas craindre l’hostilité ou l’impopularité mais refuser tout compromis et toute ambiguïté qui nous conformeraient à la mentalité de ce monde (cf. Rm 12,2). Nous devons être dans le monde mais non du monde (cf. Jn 15,19 Jn 17,16), avec la force qui nous vient du Christ, vainqueur du monde par sa mort et sa résurrection (cf. Jn 16,33) ».[112]

[112] Jean-Paul II, Lett. enc. Evangelium vitae (25 mars 1995), n. EV 82 : AAS 87 (1995), p. 495 ; DC2114 (1995), p. 393.

72 Sur la vie humaine en Afrique pèsent de lourdes menaces. Il faut déplorer, comme ailleurs, les ravages de la drogue et les abus de l’alcool qui détruisent le potentiel humain du continent et affligent surtout les jeunes.[113] Le paludisme,[114] ainsi que la tuberculose et le sida, déciment les populations africaines et compromettent gravement leur vie socio-économique. Le problème du sida, en particulier, exige certes une réponse médicale et pharmaceutique. Celle-ci est cependant insuffisante car le problème est plus profond. Il est avant tout éthique. Le changement de comportement qu’il requiert – par exemple : l’abstinence sexuelle, le refus de la promiscuité sexuelle, la fidélité dans le mariage –, pose en dernière analyse la question du développement intégral qui demande une approche et une réponse globales de l’Église. Car pour être effective, la prévention du sida doit s’appuyer sur une éducation sexuelle elle-même fondée sur une anthropologie ancrée dans le droit naturel, et illuminée par la Parole de Dieu et l’enseignement de l’Église.

[113] Cf. Prop. n. 53 : DC 2434 (2009), p. 1054.
[114] Cf. Prop. n. 52 : DC 2434 (2009), pp. 1053-1054.

73 Au nom de la vie – qu’il est du devoir de l’Église de défendre et de protéger – et en union avec les Pères synodaux, je renouvelle mon soutien et je m’adresse à toutes les institutions et à tous les mouvements d’Église qui travaillent dans le domaine de la santé et spécialement du sida. Vous réalisez un travail merveilleux et important. Je demande aux agences internationales de vous reconnaître et de vous aider dans le respect de votre spécificité et dans un esprit de collaboration. J’encourage vivement de nouveau les instituts et les programmes de recherches thérapeutiques et pharmaceutiques en cours pour éradiquer les pandémies. N’épargnez pas vos fatigues pour aboutir au plus vite à des résultats, par amour pour le don précieux de la vie.[115] Puissiez-vous trouver des solutions et rendre accessibles à tous les traitements et les médicaments tenant compte des situations de précarité ! L’Église plaide depuis longtemps pour un traitement médical de haute qualité et au moindre coût pour toutes les personnes concernées.[116]

[115] Cf. Prop. n. 51 : DC 2434 (2009), p. 1053.
[116] Cf. Deuxième Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour l’Afrique, Message final (23 octobre 2009), n. 31 : ORF 3107 (2009), p. 25 ; DC 2434 (2009), p. 1031.

74 La défense de la vie comporte également l’éradication de l’ignorance par l’alphabétisation des populations et par une éducation qualifiée qui englobe toute la personne. Au long de son histoire, l’Église catholique a prêté une attention particulière à l’éducation. Elle a toujours sensibilisé, encouragé et aidé les parents à vivre leur responsabilité de premiers éducateurs de vie et de foi de leurs enfants. En Afrique, ses établissements – comme les écoles, les collèges, les lycées, les écoles professionnelles, les universités – mettent à la disposition de la population des outils pour accéder au savoir, sans discrimination d’origine, de fortune ou de religion. L’Église apporte sa contribution pour permettre de valoriser et faire fructifier les talents que Dieu a mis dans le coeur de tout homme. De nombreuses Congrégations religieuses sont nées dans ce but. D’innombrables saints et saintes ont compris que sanctifier l’homme signifiait avant tout promouvoir sa dignité par l’éducation.

75 Les membres du Synode ont constaté que l’Afrique connaît, tout comme le reste du monde d’ailleurs, une crise de l’éducation.[117] Ils ont souligné la nécessité d’un programme éducatif qui allie la foi et la raison pour préparer les enfants et les jeunes à la vie adulte. Des bases et de sains jalons ainsi posés leur permettraient d’affronter les choix quotidiens caractérisant toute vie adulte sur le plan affectif, social, professionnel et politique.

[117] Cf. Prop. n. 19 : DC 2434 (2009), p. 1041.

76 L’analphabétisme représente l’un des freins majeurs au développement. C’est un fléau égal à celui des pandémies. Certes, il ne tue pas directement, mais il contribue activement à la marginalisation de la personne – qui est une forme de mort sociale –, et lui rend impossible d’accéder à la connaissance. Alphabétiser l’individu, c’est en faire un membre à part entière de lares publica, à la construction de laquelle il pourra contribuer,[118] et c’est permettre au chrétien d’accéder au trésor inestimable des Saintes Écritures qui alimentent sa vie de foi.

[118] Cf. Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate (29 juin 2009), n. : AAS 101 (2009), pp. 655-656 ; DC 2429 (2009), pp. 754-755.

77 J’invite les communautés et les institutions catholiques à répondre généreusement à ce grand défi, qui est un réel laboratoire d’humanisation, et à intensifier leurs efforts, selon leurs moyens, pour développer, seules ou en collaboration avec d’autres organisations, des programmes efficaces et adaptés aux populations. Les communautés et les institutions catholiques ne relèveront ce défi qu’en maintenant leur identité ecclésiale et en demeurant jalousement fidèles au message évangélique et au charisme de leur fondateur. L’identité chrétienne est un bien précieux qu’il faut savoir préserver et entretenir de crainte que le sel ne s’affadisse et ne finisse par être foulé aux pieds (cf . Mt 5,13).
78 Il convient, certainement, de sensibiliser les gouvernements afin qu’ils accroissent leur aide en faveur de la scolarisation. L’Église reconnaît et respecte le rôle de l’État dans le domaine éducatif. Elle affirme cependant son droit légitime à y participer en y apportant sa contribution particulière. Et il peut être bon de rappeler à l’État que l’Église a le droit d’éduquer selon ses règles propres et dans ses édifices. Il s’agit là d’un droit qui se situe dans la liberté d’action « dont elle a besoin pour veiller au salut des hommes ».[119] De nombreux États africains reconnaissent le rôle éminent et désintéressé que joue l’Église, à travers ses structures éducatives, dans l’édification de leur nation. J’encourage donc vivement les gouvernants dans leurs efforts pour appuyer cette oeuvre éducative.

[119] Conc. oecum. Vat. II, Déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanae, n.
DH 13.

B. LE RESPECT DE LA CRÉATION ET DE L'ÉCOSYSTÈME

79 Avec les Pères du Synode, j’invite tous les membres de l’Église à oeuvrer et à plaider en faveur d’une économie soucieuse des pauvres et résolument opposée à un ordre injuste qui, sous prétexte de réduire la pauvreté, a souvent contribué à l’aggraver.[120] Dieu a donné à l’Afrique d’importantes ressources naturelles. Face à la pauvreté chronique de ses populations, victimes d’exploitation et de malversations locales et étrangères, l’opulence de certains groupes choque la conscience humaine. Edifiés pour la création de richesses dans leurs propres nations et souvent avec la complicité de ceux qui exercent le pouvoir en Afrique, ces groupes assurent trop souvent leur propre fonctionnement au détriment du bien-être des populations locales.[121] Agissant en collaboration avec toutes les autres composantes de la société civile, l’Église doit dénoncer l’ordre injuste qui empêche les peuples africains de consolider leurs économies[122] et « de se développer selon leurs caractéristiques culturelles ».[123] Il est, en outre, du devoir de l’Église de lutter pour « que chaque peuple puisse être lui-même le principal artisan de son progrès économique et social[…] et puisse prendre part à la réalisation du bien commun universel comme membre actif et responsable de la société humaine, sur un plan d’égalité avec les autres peuples ».[124]

[120] Cf. Prop. nn. 17.29 : DC 2434 (2009), pp. 1040 et 1045.
[121] Cf. Deuxième Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour l’Afrique, Message final (23 octobre 2009), n. 32 : ORF 3107 (2009), p. 26 ; DC 2434 (2009), p. 1032.
[122] Cf. Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate (29 juin 2009), n. : AAS 101 (2009), pp. 677-678 : DC 2429 (2009), pp. 773-774 ; Prop. n. 15 : DC 2434 (2009), p. 1040.
[123] Deuxième Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, Doc. Justitia in mundo (30 novembre 1971), Propositio 8a : AAS 63 (1971), p. 941 ; DC 1600 (1972), p. 18.
[124] Ibidem. Propositio 8b.8c : AAS 63 (1971), p. 941 ; DC 1600 (1972), p. 18.

80 Des hommes et des femmes d’affaires, des gouvernements, des groupes économiques s’engagent dans des programmes d’exploitation, qui polluent l’environnement et causent une désertification sans précédent. De graves atteintes sont portées à la nature et aux forêts, à la flore et à la faune, et d’innombrables espèces risquent de disparaître à tout jamais. Tout cela menace l’écosystème tout entier et, par conséquence la survie de l’humanité.[125] J’exhorte l’Église en Afrique à encourager les gouvernants à protéger les biens fondamentaux que sont la terre et l’eau, pour la vie humaine des générations présentes et futures[126] et pour la paix entre les populations.

[125] Cf. Prop. n. 22 : DC 2434 (2009), pp. 1042-1043.
[126] Cf. Prop. n. 30 : DC 2434 (2009), p. 1046.

C. LA BONNE GOUVERNANCE DES ÉTATS

81 Un instrument majeur au service de la réconciliation, de la justice et de la paix, peut être l’institution politique dont le devoir essentiel est la mise en place et la gestion de l’ordre juste.[127]Cet ordre est à son tour au service de la « vocation à la communion des personnes ».[128] Pour concrétiser un tel idéal, l’Église en Afrique doit contribuer à édifier la société en collaboration avec les autorités gouvernementales et les institutions publiques et privées engagées dans l’édification du bien commun.[129] Les chefs traditionnels peuvent contribuer de manière très positive à la bonne gouvernance. L’Église, pour sa part, s’engage à promouvoir en son sein et dans la société une culture soucieuse de la primauté du droit.[130] À titre d’exemple, les élections constituent un lieu d’expression du choix politique d’un peuple et sont un signe de la légitimité pour l’exercice du pouvoir. Elles sont le moment privilégié pour un débat politique public sain et serein, caractérisé par le respect des différentes opinions et des différents groupes politiques. Favoriser un bon déroulement des élections, suscitera et encouragera une participation réelle et active des citoyens à la vie politique et sociale. Le non respect de la Constitution nationale, de la loi ou du verdict des urnes, là où les élections ont été libres, équitables et transparentes, manifesterait une défaillance grave dans la gouvernance et signifierait un manque de compétence dans la gestion de la chose publique.[131]

[127] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note doctrinale à propos de questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique (24 novembre 2002).
[128] Le Catéchisme de l’Église catholique, n.
CEC 2419.
[129] Cf. Prop. n. 24 : DC 2434 (2009), p. 1043 ; Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate (29 juin 2009), nn. : AAS 101 (2009), pp. 693-694, 695 et 700-701 ; DC 2429 (2009), pp. 783-784 et 787-788 ; Le Catéchisme de l’Église catholique, nn. CEC 1883 CEC 1885.
[130] Cf. Prop. n. 25 : DC 2434 (2009), pp. 1043-1044.
[131] Cf. Prop. n. 26 : DC 2434 (2009), p. 1044.

82 Aujourd’hui de nombreux décideurs, tant politiques qu’économiques, prétendent ne rien devoir à personne, si ce n’est à eux-mêmes. « Ils estiment n’être détenteurs que de droits et ils éprouvent souvent de grandes difficultés à grandir dans la responsabilité à l’égard de leur développement personnel intégral et de celui des autres. C’est pourquoi il est important de susciter une réflexion sur le fait que les droits supposent des devoirs sans lesquels ils deviennent arbitraires ».[132]

[132] Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate (29 juin 2009), n. : AAS 101 (2009), p. 679; DC 2429 (2009), p. 774.

83 La croissance du taux de la criminalité dans les sociétés de plus en plus urbaines est un grand sujet de préoccupation pour tous les responsables et pour les gouvernants. Il est urgent que soient donc mis en place des systèmes judiciaires et carcéraux indépendants, pour rétablir la justice et pour rééduquer les coupables. Il faut aussi bannir les cas d’erreurs de justice et les mauvais traitements des prisonniers, les nombreuses occasions de non application de la loi qui correspondent à une violation des droits humains[133] et les incarcérations qui n’aboutissent que tardivement ou jamais à un procès. « L’Église en Afrique […] reconnaît sa mission prophétique vis-à-vis de tous ceux et celles qui sont touchés par la criminalité et leur besoin de réconciliation, de justice et de paix ».[134] Les prisonniers sont des personnes humaines qui méritent, malgré leur crime, d’être traitées avec respect et dignité. Ils ont besoin de notre sollicitude. Pour cela, l’Église doit organiser la pastorale du monde carcéral pour le bien matériel et spirituel des prisonniers. Cette activité pastorale est un service réel que l’Église offre à la société et que l’État doit favoriser pour le bien commun. Avec les membres du Synode, j’attire l’attention des responsables de la société sur la nécessité de faire tout ce qui est possible pour arriver à l’élimination de la peine capitale,[135] ainsi que sur la réforme du système pénal pour que la dignité humaine du prisonnier soit respectée. Aux agents pastoraux revient la tâche d’étudier et de proposer la justice restaurative comme un moyen et un processus pour favoriser la réconciliation, la justice et la paix, et la réinsertion dans les communautés des victimes et des offenseurs.[136]

[133] Cf. Prop. n. 54 : DC 2434 (2009), p. 1054.
[134] Idem.
[135] Cf. Prop. n. 55 : DC 2434 (2009), p. 1055.
[136] Cf. Prop. n. 54 : DC 2434 (2009), pp. 1054-1055.


Africae munus FR 55