Africae munus FR 112


III. LES MISSIONNAIRES

113 Les missionnaires non africains, répondant généreusement à l’appel du Seigneur avec un zèle apostolique ardent, sont venus partager le bonheur de la Révélation. À leur suite, des Africains sont aujourd’hui missionnaires sur d’autres continents. Comment, à ce point, ne pas leur rendre un hommage particulier ? Les missionnaires venus en Afrique – prêtres, religieux, religieuses et laïcs – ont construit des églises, des écoles et des dispensaires, et contribué fortement à la visibilité actuelle des cultures africaines, mais ils ont surtout édifié le Corps du Christ et enrichi la demeure de Dieu. Ils ont su partager la saveur du sel de la Parole et faire resplendir la lumière des Sacrements. Et par-dessus tout, ils ont donné à l’Afrique ce qu’ils possédaient de plus précieux : le Christ. Grâce à eux de nombreuses cultures traditionnelles ont été libérées de peurs ancestrales et d’esprits immondes (cf. Mt 10,1). Du bon grain qu’ils ont semé (cf. Mt 13,24), ont surgi de nombreux saints africains qui sont autant de modèles dont il faut s’inspirer davantage. Il serait souhaitable que leur culte soit ravivé et promu. Leur engagement pour la cause de l’Évangile s’est parfois réalisé avec héroïsme, au prix même de leur vie. Une fois encore s’est vérifiée l’affirmation de Tertullien : « Le sang des martyrs est semence de chrétiens».[166] Je rends grâce au Seigneur pour ces saints et saintes, signes de la vitalité de l’Église en Afrique.

[166] Cf. Apologeticum, 50, 13 : PL 1, 603 ; trad. J.-P. Waltzing, Collection des Universités de France, Paris 1971, p. 108.

114 J’encourage les Pasteurs des Églises locales à reconnaître parmi les serviteurs africains de l’Évangile, ceux qui pourraient être canonisés, selon les normes de l’Église, non seulement pour augmenter le nombre des saints africains, mais aussi pour obtenir de nouveaux intercesseurs au ciel afin qu’ils accompagnent l’Église dans son pèlerinage terrestre et intercèdent auprès de Dieu pour le continent africain. Je confie à Notre-Dame d’Afrique et aux saints de ce cher continent, l’Église qui s’y trouve.


IV. LES DIACRES PERMANENTS

115 La grandeur de l’appel reçu par les diacres permanents mérite d’être soulignée. Dans la fidélité à la mission reçue il y a des siècles, je les invite à oeuvrer avec humilité en étroite collaboration avec les évêques.[167] Avec affection je leur demande de continuer de proposer à la jeunesse ce que nous enseigne le Christ dans l’Évangile : la rigueur dans le travail bien fait,[168] la force morale dans le respect des valeurs, l’honnêteté, le respect de la parole donnée, la joie d’apporter sa pierre à l’édification de la société et de l’Église, la protection de la nature, le sens du bien commun. Chers diacres, aidez la société africaine dans toutes ses composantes à valoriser la responsabilité des hommes en tant qu’époux et pères, à respecter la femme qui est égale à l’homme en dignité, à avoir le souci des enfants livrés à eux-mêmes et sans éducation.

[167] Cf. Congrégation pour l’éducation catholique, Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents (22 février 1998), n. 8 ; Congrégation pour le Clergé, Directoire pour le ministère et la vie des diacres permanents (22 février 1998), nn. 6.8.48.
[168] Cf. Deuxième Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques, Lineamenta (3 décembre 2007), n. 89 : ORF 2940 (2006), p. XI supplément ; DC2365 (2009), p. 858.

116 Ne manquez pas de prêter une attention particulière aux personnes infirmes mentales ou physiques,[169] à celles qui sont les plus faibles, et aux plus pauvres de vos communautés. Puisse votre charité se faire inventive ! Dans la pastorale paroissiale, souvenez-vous qu’une saine spiritualité permet à l’Esprit du Christ de libérer l’être humain pour qu’il agisse efficacement dans la société. Les Évêques veilleront à parfaire votre formation afin qu’elle contribue à l’exercice de votre charisme.[170] Comme saint Étienne, saint Laurent et saint Vincent, diacres et martyrs, efforcez-vous de reconnaître et de rencontrer le Christ dans l’Eucharistie et dans les pauvres. Ce service de l’autel et de la charité vous fera aimer la rencontre du Seigneur présent sur l’autel et dans le pauvre. Vous serez alors disposés à donner votre vie pour Lui jusqu’à la mort.

[169] Cf. Prop. n. 50 : DC 2434 (2009), p. 1053.
[170] Cf. Prop. n. 41 : DC 2434 (2009), p. 1050.


V. LES PERSONNES CONSACRÉES

117 Par les voeux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, la vie des personnes consacrées est devenue un témoignage prophétique. Elles peuvent être ainsi des modèles en matière de réconciliation, de justice et de paix, même dans des circonstances de fortes tensions.[171] La vie communautaire montre qu’il est possible de vivre fraternellement et d’être unis, même là où les origines ethniques ou raciales sont différentes (cf. Ps 133,1). Elle peut et doit donner à voir et à croire qu’aujourd’hui en Afrique, ceux et celles qui suivent le Christ Jésus trouvent en Lui le secret de la joie du vivre ensemble : l’amour mutuel et la communion fraternelle, quotidiennement consolidés par l’Eucharistie et la Liturgie des Heures.

[171] Cf. Prop. n. 42 : DC 2434 (2009), p. 1050.

118 Puissiez-vous, chères personnes consacrées, continuer à vivre votre charisme avec un zèle vraiment apostolique dans les différents domaines indiqués par vos fondateurs ! Vous mettrez ainsi plus de soin à garder votre lampe allumée ! Vos fondateurs ont voulu suivre le Christ en vérité en répondant à son appel. Diverses oeuvres qui en sont les fruits, sont des joyaux qui ornent l’Église.[172] Il convient donc de les développer en suivant le plus fidèlement possible le charisme de vos fondateurs, leurs pensées et leurs projets. Je voudrais ici souligner la part importante des personnes consacrées dans la vie ecclésiale et missionnaire. Elles sont une aide nécessaire et précieuse à l’activité pastorale mais aussi une manifestation de la nature intime de la vocation chrétienne.[173] C’est pourquoi je vous invite, chères personnes consacrées, à rester en communion étroite avec l’Église locale et son premier responsable, l’Évêque. Je vous invite également à fortifier votre communion avec l’Évêque de Rome.

[172] Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n.
LG 46.
[173] Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret sur l’activité missionnaire de l’Église Ad gentes, n. AGD 18.

119 L’Afrique est le berceau de la vie contemplative chrétienne. Toujours présente en Afrique du Nord et particulièrement en Égypte et en Éthiopie, elle a pris racine en Afrique subsaharienne au siècle dernier. Puisse le Seigneur bénir les hommes et les femmes qui ont décidé de Le suivre de manière inconditionnelle ! Leur vie cachée est comme le levain dans la pâte. Leur prière continuelle soutiendra l’effort apostolique des Évêques, des prêtres, des autres personnes consacrées, des catéchistes et de toute l’Église.

120 Les rencontres des différentes Conférences nationales des Supérieurs Majeurs et celles de la CO.S.M.A.M. permettent d’unir les réflexions et les forces non seulement pour assurer les finalités de chacun des Instituts, en préservant toujours leur autonomie, leur caractère et leur esprit propre, mais aussi pour traiter des affaires communes dans un souci de fraternité et de solidarité. Il est bon de cultiver un esprit ecclésial en assurant une saine coordination et une juste coopération avec les Conférences des Évêques.

VI. LES SÉMINARISTES

121 Les Pères synodaux ont accordé une attention particulière aux séminaristes. Sans négliger la formation théologique et spirituelle, évidemment prioritaire, ils ont souligné l’importance de la croissance psychologique et humaine de chaque candidat. Les futurs prêtres doivent développer en eux une juste compréhension de leurs cultures sans s’enfermer dans leurs limites ethniques et culturelles.[174] Ils devront également s’enraciner dans les valeurs évangéliques pour fortifier leur engagement, dans la fidélité et la loyauté envers le Christ. La fécondité de leur future mission dépendra beaucoup de leur profonde union au Christ, de la qualité de leur vie de prière et de leur vie intérieure, des valeurs humaines, spirituelles et morales qu’ils auront assimilées durant leur formation. Puisse chaque séminariste devenir un homme de Dieu en recherchant et en vivant « la justice, la piété, la foi, la charité, la constance, la douceur »(1Tm 6,11) !

[174] Cf. Prop. n. 40 : DC 2434 (2009), p. 1050.

122 « Les séminaristes doivent apprendre la vie communautaire de telle manière que la vie fraternelle entre eux, par la suite, devienne la source d’une authentique expérience du sacerdoce comme intime fraternité sacerdotale ».[175] Les directeurs et les formateurs du séminaire travailleront ensemble, en suivant les indications des Évêques, afin de garantir une formation intégrale aux séminaristes qui leur sont confiés. Dans la sélection des candidats, il faudra procéder à un discernement soigneux et à un accompagnement de qualité afin que ceux qui seront admis au sacerdoce soient de vrais disciples du Christ et d’authentiques serviteurs de l’Église. On aura à coeur de les initier aux innombrables richesses du patrimoine biblique, théologique, spirituel, liturgique, moral et juridique de l’Église.

[175] Ibidem.

123 Je me suis adressé aux séminaristes en leur écrivant une Lettre à la suite de l’Année sacerdotale qui s’est achevée en juin 2010.[176] J’y ai insisté sur l’identité, la spiritualité et l’apostolat du prêtre. Je recommande vivement à chaque séminariste de lire et de méditer ce bref document qui lui est destiné personnellement et que les formateurs mettront à sa disposition. Le séminaire est un temps de préparation au sacerdoce, un temps d’étude. C’est un temps de discernement, de formation et de maturation humaine et spirituelle. Puissent les séminaristes utiliser judicieusement ce temps qui leur est offert pour accumuler des réserves spirituelles et humaines dans lesquelles ils pourront puiser durant leur vie sacerdotale.

[176] Cf. Lettre aux séminaristes (18 octobre 2010) : Osservatore Romano 45.585 (2010), p. 12 ;DC 2456 (2010), pp. 974-977.

124 Chers séminaristes, soyez des apôtres auprès des jeunes de votre génération en les invitant à se mettre à la suite du Christ dans la vie sacerdotale. N’ayez pas peur ! La prière de nombreuses personnes vous accompagne et vous soutient (cf. Mt 9,37-38).

VII. LES CATÉCHISTES

125 Les catéchistes sont de précieux agents pastoraux dans la mission d’évangélisation. Leur rôle a été très important dans la première évangélisation, l’accompagnement catéchuménal, l’animation et le soutien des communautés. « Avec naturel, ils ont opéré une inculturation réussie qui a porté de merveilleux fruits (cf. Mc 4,20). Ce sont les catéchistes qui ont permis que la ‘lumière brille devant les hommes’ (Mt 5,16), car en voyant le bien qu’ils font, des populations entières ont pu rendre gloire à Notre Père qui est aux cieux. Ce sont des Africains qui ont évangélisé des Africains ».[177] Ce rôle important dans le passé, reste essentiel pour le présent et le futur de l’Église. Je les remercie pour leur amour de l’Église.

[177] Benoît XVI, Discours aux membres du Conseil spécial pour l’Afrique du Synode des Évêques (Yaoundé, 19 mars 2009) : AAS 101 (2009), pp. 311-312 ; DC 2422 (2009), p. 386.

126 J’invite les Évêques et les prêtres à prendre soin de la formation humaine, intellectuelle, doctrinale, morale, spirituelle et pastorale des catéchistes, en prêtant grande attention à leurs conditions de vie pour sauvegarder leur dignité. Qu’ils n’oublient pas leurs légitimes besoins matériels,[178] car l’ouvrier fidèle de la vigne du Seigneur a droit à une juste rétribution (cf. Mt 20,1-16) en attendant celle que donnera le Seigneur de manière équitable, car c’est lui seul qui est juste et qui connaît les coeurs.

[178] Prop. n. 44 : DC 2434 (2009), p.1051 ; Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodaleEcclesia in Africa (14 septembre 1995), n. : AAS 88 (1996), p. 57 ; DC 2123 (1995), p. 840.

127 Chers catéchistes, souvenez-vous que, pour un grand nombre de communautés, vous êtes le visage concret et immédiat du disciple zélé et le modèle de la vie chrétienne. Je vous encourage à proclamer, par l’exemple, que la vie familiale mérite une très grande considération, que l’éducation chrétienne prépare les enfants à être, dans la société, honnêtes et fiables dans leurs rapports avec autrui. Accueillez quiconque sans discrimination : pauvres et riches, autochtones et étrangers, catholiques et non catholiques (cf. Jc 2,1). Ne faites acception de personne (cf. Ac 10,34 Rm 2,11 Ga 2,6 Ep 6,9). En assimilant vous-mêmes les Saintes Écritures et les enseignements du Magistère, vous parviendrez à offrir une catéchèse solide, à animer des groupes de prière et à proposer la lectio divina aux communautés dont vous avez le soin. Votre action deviendra alors cohérente, persévérante et source d’inspiration. En évoquant avec reconnaissance le souvenir glorieux de vos devanciers, je vous salue et je vous encourage à oeuvrer aujourd’hui avec la même abnégation, le même courage apostolique et la même foi. En cherchant à être fidèles à votre mission, vous contribuerez aussi non seulement à votre sainteté personnelle, mais aussi efficacement à la construction du Corps Mystique du Christ, l’Église.

VIII. LES LAÏCS

128 Par ses membres laïcs, l’Église se rend présente et active dans la vie du monde. Les laïcs ont un grand rôle à jouer dans l’Église et dans la société. Pour qu’ils puissent bien assumer ce rôle, il convient que des écoles ou des centres de formation biblique, spirituelle, liturgique et pastorale soient organisés dans les diocèses. Je souhaite de tout coeur que les laïcs qui ont des responsabilités d’ordre politique, économique et social, s’arment d’une solide connaissance de la Doctrine sociale de l’Église qui fournit des principes d’action conformes à l’Évangile. En effet, ils sont des « ambassadeurs du Christ » (2Co 5,20) dans l’espace public, au coeur du monde.[179]Leur témoignage chrétien ne sera crédible que s’ils sont des professionnels compétents et honnêtes.

[179] Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), nn. CL 15 CL 17 : AAS 81 (1989), pp. 413-416 et 418-421 ; DC 1978 (1989), pp. 159-160 et 160-161.

129 Les laïcs, hommes et femmes, sont appelés avant tout à la sainteté et à vivre cette sainteté dans le monde. Chers fidèles, cultivez avec soin votre vie intérieure et votre relation à Dieu afin que l’Esprit Saint vous éclaire en toute circonstance. Pour que la personne humaine et le bien commun demeurent effectivement au centre de l’action humaine, politique, économique ou sociale, attachez-vous profondément au Christ pour le connaître et l’aimer, consacrant du temps à Dieu en priant et en recevant les Sacrements. Laissez-vous éclairer et instruire par Dieu et par sa Parole.

130 Je voudrais revenir sur la particularité de la vie professionnelle du chrétien. Brièvement, il s’agit de témoigner du Christ dans le monde en montrant, par l’exemple, que le travail peut être un lieu de réalisation personnelle très positif, et qu’il n’est pas d’abord un moyen de profits. Le travail vous permet de participer à l’oeuvre de la création et d’être au service de vos frères et soeurs. En agissant ainsi, vous serez « le sel de la terre » et « la lumière du monde » comme nous le demande le Seigneur. Dans votre vie quotidienne, pratiquez l’option préférentielle pour les pauvres, quelle que soit votre position dans la société, selon l’esprit des Béatitudes (cf. Mt 5,3-12), pour voir en eux le visage concret de Jésus qui vous appelle à le servir (cf. Mt 25,31-46).

131 Il peut être utile de vous organiser en associations pour continuer à former votre conscience chrétienne et vous soutenir mutuellement dans la lutte pour la justice et la paix. Les Communautés Ecclésiales Vivantes (CEV) ou les Small Christian Communities (SCC), et les « Communautés nouvelles »[180] sont des cadres porteurs pour entretenir la flamme vivante de votre Baptême. Apportez également vos compétences à l’animation des Universités catholiques qui ne cessent de se développer depuis les recommandations de l’Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa.[181] Je voudrais également vous encourager à avoir une présence active et courageuse dans le monde de la politique, de la culture, des arts, des médias et des diverses associations. Que cette présence soit sans complexe ni honte, fière et consciente de la précieuse contribution qu’elle peut apporter au bien commun !

[180] Prop. n. 37 : DC 2434 (2009), p. 1048.
[181] Cf. : AAS 88 (1996), pp. 62-63 ; DC 2123 (1995), pp. 842-843.


CHAPITRE II

PRINCIPAUX CHAMPS D'APOSTOLAT

132 Le Seigneur nous a confié une mission particulière et il ne nous a pas laissés dépourvus de moyens pour l’accomplir. Non seulement il a revêtu chacun de dons personnels pour l’édification de son Corps qu’est l’Église, mais il a confié aussi à toute la communauté ecclésiale des dons particuliers pour lui permettre de continuer sa mission. Le don par excellence, c’est l’Esprit Saint. C’est par lui que nous formons un seul corps et « c’est seulement dans la force de l’Esprit Saint que nous pouvons trouver ce qui est droit et le mettre ensuite en pratique ».[182] Des moyens sont nécessaires pour nous permettre d’agir, mais ils demeurent insuffisants si, à travers « nos capacités de penser, de parler, de sentir, d’agir »,[183] ce n’est pas Dieu lui-même qui nous dispose à collaborer à son oeuvre de réconciliation. C’est grâce à l’Esprit Saint que nous devenons vraiment « le sel de la terre » et « la lumière du monde » (Mt 5,13 Mt 5,14).

[182] Benoît XVI, Deuxième Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques, Méditation durant l’heure de tierce (5 octobre 2009) : AAS 101 (2009), p. 920 ; ORF 3104 (2009), p. 5.
[183] Ibidem.


I. L’ÉGLISE COMME PRÉSENCE DU CHRIST

133 L’Église est « dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ».[184] En tant que communauté de disciples du Christ, nous pouvons laisser voir et communiquer l’amour de Dieu. L’amour « est la lumière – en réalité l’unique – qui illumine sans cesse à nouveau un monde dans l’obscurité et qui nous donne le courage de vivre et d’agir ».[185] Cette réalité devient manifeste dans l’Église universelle, diocésaine, paroissiale, dans les CEV (SCC),[186] dans les mouvements et les associations, jusque dans la famille chrétienne, « appelée à être ‘une Église domestique’, un lieu de foi, de prière et de souci affectueux pour le bien véritable et durable de chacun de ses membres »,[187] une communauté où se vit le geste de paix.[188] Les CEV (SCC), les mouvements et les associations peuvent être des lieux propices, au sein des paroisses, pour accueillir et vivre le don de la réconciliation offert par le Christ, notre paix. Chaque membre de la communauté doit devenir le gardien de l’autre : c’est une des significations du geste de la paix dans la célébration de l’Eucharistie.[189]

[184] Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n.
LG 1.
[185] Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est (25 décembre 2005), n. : AAS 98 (2006), p. 250 ; DC 2352 (2006), p. 185.
[186] Cf. Prop. n. 35 : DC 2434 (2009), p. 1047.
[187] Benoît XVI, Homélie à Nazareth (14 mai 2009) : AAS 101 (2009), p. 480 ; DC 2425 (2009), p. 583.
[188] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 49 : AAS 99 (2007), p. 143 ; DC 2377 (2007), p. 323.
[189] Cf. Prop. n. 36 : DC 2434 (2009), p. 1048.

II. LE MONDE DE L'ÉDUCATION

134 Les écoles catholiques sont de précieux instruments pour apprendre à tisser dans la société, dès l’enfance, des liens de paix et d’harmonie par l’éducation aux valeurs africaines assumées par celles de l’Évangile. J’encourage les Évêques et les Instituts de personnes consacrées à oeuvrer pour que les enfants en âge de scolarisation puissent fréquenter une école : c’est une question de justice pour tout enfant et, bien plus, l’avenir de l’Afrique en dépend. Que les chrétiens, les jeunes en particulier, se dédient aux sciences de l’éducation en vue de transmettre un savoir épris de vérité, un savoir-faire et un savoir-être animés par une conscience chrétienne formée à la lumière de l’enseignement social de l’Église. Il conviendra de veiller également à assurer une rémunération juste au personnel des institutions éducatives de l’Église et à l’ensemble du personnel des structures d’Église pour renforcer la crédibilité de l’Église.

135 Dans le contexte actuel du grand brassage des populations, des cultures et des religions, le rôle des universités et institutions académiques catholiques est essentiel à la recherche patiente, rigoureuse et humble de la lumière qui vient de la Vérité. Seule une vérité qui transcende la mesure humaine, conditionnée par des limites, pacifie les personnes et réconcilie les sociétés entre elles. À cet effet, il convient de créer des universités catholiques nouvelles là où elles n’existent pas encore. Chers frères et soeurs engagés dans les universités et les institutions académiques catholiques, c’est à vous qu’il revient, d’une part, d’éduquer l’intelligence et l’esprit des jeunes générations à la lumière de l’Évangile, et, d’autre part, d’aider les sociétés africaines à mieux comprendre les défis auxquels l’Afrique est confrontée aujourd’hui, en fournissant la lumière nécessaire par vos recherches et vos analyses.

136 La mission confiée par l’Exhortation apostolique Ecclesia in Africa aux institutions universitaires catholiques conserve toute sa pertinence. Mon bienheureux prédécesseur y a écrit : « Les Universités et les Instituts supérieurs catholiques en Afrique ont un rôle important à jouer dans la proclamation de la Parole salvifique de Dieu. Ils sont un signe de la croissance de l’Église dans la mesure où ils intègrent dans leurs recherches les vérités et les expériences de la foi, et aident à les intérioriser. Ils se mettent ainsi au service de l’Église en lui fournissant du personnel bien préparé; en étudiant des questions théologiques et sociales d’importance; en développant la théologie africaine; en promouvant la tâche de l’inculturation […] en publiant des livres et en diffusant la pensée catholique; en entreprenant toutes les recherches que leur confient les Évêques et en contribuant à une étude scientifique des cultures […]. Les centres culturels catholiquesoffrent à l’Église des possibilités de présence et d’action dans le domaine des mutations culturelles. Ils constituent, en effet, des forums publics qui permettent de faire connaître très largement, dans un dialogue créatif, les convictions chrétiennes sur l’homme, la femme, la famille, le travail, l’économie, la société, la politique, la vie internationale, l’environnement. Ils sont ainsi des lieux d’écoute, de respect et de tolérance ».[190] Les Évêques veilleront à ce que ces institutions universitaires conservent leur nature catholique, en prenant toujours des orientations fidèles à l’enseignement du Magistère de l’Église.

[190] N. : AAS 88 (1996), pp. 62-63 ; DC 2123 (1995), p. 843.

137 Pour apporter une contribution forte et qualifiée à la société africaine, il est indispensable de proposer aux étudiants une formation à la Doctrine sociale de l’Église. Cela aidera ainsi l’Église en Afrique à préparer, avec sérénité, une pastorale qui rejoint l’être de l’Africain et le réconcilie avec lui-même dans l’adhésion au Christ. Il incombe aux Évêques, encore une fois, de soutenir une pastorale de l’intelligence et de la raison qui crée une habitude de dialogue rationnel et d’analyse critique dans la société et dans l’Église. J’avais dit à Yaoundé : « Ce siècle permettra peut-être, avec la grâce de Dieu, la renaissance, sur votre continent, mais certainement sous une forme différente et nouvelle, de la prestigieuse École d’Alexandrie. Pourquoi ne pas espérer qu’elle puisse fournir aux Africains d’aujourd’hui et à l’Église universelle de grands théologiens et des maîtres spirituels qui contribueraient à la sanctification des habitants de ce continent et de l’Église entière ? ».[191]

[191] Benoît XVI, Discours aux membres du Conseil spécial pour l’Afrique du Synode des Évêques (Yaoundé, 19 mars 2009) : AAS 101 (2009), p. 312 ; DC 2422 (2009), p. 387.

138 Il est bon que les Évêques encouragent les aumôneries à l’intérieur des universités et des institutions éducatives de l’Église, et en créent dans les établissements publics. La chapelle de l’aumônerie en sera comme le coeur. Elle permettra à l’étudiant de rencontrer Dieu et de se placer sous son regard. Elle permettra également à l’aumônier qui sera choisi avec soin pour ses vertus sacerdotales, d’exercer son ministère pastoral d’enseignement et de sanctification.



III. LE MONDE DE LA SANTÉ

139 L’Église, de tout temps, s’est préoccupée de la santé. L’exemple vient du Christ lui-même qui, après avoir proclamé la Parole et guéri les malades, a confié à ses disciples la même autorité afin « qu’ils guérissent toute maladie et toute infirmité » (Mt 10,1 cf. Mt 14,35 Mc 1,32 et Mc 34 Mc 6,13 et Mc 55). C’est ce même souci des malades que l’Église, à travers ses institutions de santé, continue de manifester aux souffrants. Comme l’ont souligné les Pères synodaux, l’Église est résolument engagée dans la lutte contre les infirmités, les maladies et les grandes pandémies.[192]

[192] Cf. Deuxième Assemblée spéciale du Synode des Évêques pour l’Afrique, Message final (23 octobre 2009), n. 31 : ORF 3107 (2009), pp. 25-26 ; DC 2434 (2009), p. 1031.

140 Que les institutions de santé de l’Église et toutes les personnes qui y travaillent à divers titres, s’efforcent de voir en chaque malade un membre souffrant du Corps du Christ. Des difficultés de toute sorte se dressent sur votre chemin : le nombre croissant des malades, l’insuffisance des moyens matériels et financiers, la défection des organismes qui vous ont longtemps soutenus et vous abandonnent, tout cela vous donne parfois l’impression d’un travail sans résultats tangibles. Chers personnels de la santé, soyez les porteurs de l’amour compatissant de Jésus aux personnes qui souffrent ! Soyez patients, soyez forts et gardez courage ! Pour ce qui concerne les pandémies, les moyens financiers et matériels sont indispensables mais attachez-vous aussi sans relâche à informer et à former la population et surtout les jeunes.[193]

[193] Idem.

141 Il convient que les institutions de santé soient gérées selon les règles éthiques de l’Église, y assurant les services en conformité avec son enseignement et exclusivement en faveur de la vie. Qu’elles ne deviennent pas une source d’enrichissement pour les particuliers. La gestion des fonds octroyés doit viser à la transparence et servir surtout le bien du malade. Enfin, chaque institution de santé devrait avoir une chapelle. Sa présence rappellera au personnel (direction, gestionnaires, médecins et infirmiers ...) et au malade que Dieu seul est le Maître de la vie et de la mort. Il convient également de multiplier, dans la mesure du possible, les petits dispensaires qui assurent des soins de proximité et de premiers secours.




IV. LE MONDE DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION

142 L’Exhortation apostolique Ecclesia in Africa considérait que les médias modernes ne sont pas seulement des instruments de communication, mais aussi un monde à évangéliser.[194] Ils doivent servir une communication authentique qui est une priorité en Afrique, car ils sont un levier important pour le développement du continent[195] et pour l’évangélisation. Les « médias peuvent constituer une aide puissante pour faire grandir la communion de la famille humaine et l’ethos des sociétés, quand ils deviennent des instruments de promotion de la participation de tous à la recherche commune de ce qui est juste ».[196]

[194] Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Ecclesia in Africa (14 septembre 1995), n. : AAS 88 (1996), pp. 72-73 ; DC 2123 (1995), p. 847.
[195] Cf. Prop. n. 56 : DC 2434 (2009), p. 1055.
[196] Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate (29 juin 2009), n. : AAS 101 (2009), p. 705 ; DC2429 (2009), p. 790.

143 Nous savons tous que les nouvelles technologies de l’information peuvent devenir de puissants instruments de cohésion et de paix ou bien des promoteurs efficaces de destruction et de division. Ils peuvent servir ou desservir sur le plan moral, propager le vrai comme le faux, proposer le laid comme le beau. La masse de nouvelles ou de contre-nouvelles, ainsi que celle d’images, peut être intéressante tout comme elle peut conduire à une forte manipulation. L’information peut très facilement devenir de la désinformation, et la formation de la déformation. Les médias peuvent promouvoir une humanisation authentique, mais ils peuvent tout autant entraîner une déshumanisation.

144 Les médias éviteront cet écueil s’ils « sont structurés et orientés à la lumière d’une image de la personne et du bien commun qui en respecte les valeurs universelles. Les moyens de communication sociale ne favorisent pas la liberté de tous et n’universalisent pas le développement et la démocratie pour tous simplement parce qu’ils multiplient les possibilités d’interconnexion et de circulation des idées. Pour atteindre de tels objectifs, il faut qu’ils aient pour visée principale la promotion de la dignité des personnes et des peuples, qu’ils soient expressément animés par la charité et mis au service de la vérité, du bien et d’une fraternité naturelle et surnaturelle ».[197]

[197] Ibidem, n. : AAS 101 (2009), pp. 704-705 ; DC 2429 (2009), p. 790.

145 L’Église doit être davantage présente dans les médias afin d’en faire non seulement un instrument de diffusion de l’Évangile mais aussi un outil pour la formation des peuples africains à la réconciliation dans la vérité, à la promotion de la justice et à la paix. Pour cela, une solide formation des journalistes à l’éthique et au respect de la vérité, les aidera à éviter l’attrait du sensationnel, ainsi que la tentation de la manipulation de l’information et de l’argent vite gagné. Que les journalistes chrétiens n’aient pas peur de manifester leur foi ! Qu’ils en soient fiers ! Il est bon également d’encourager la présence et l’activité de fidèles laïcs compétents dans le monde des communications publiques et privées. Tel le levain dans la pâte, ils continueront à témoigner de l’apport positif et constructif que l’enseignement du Christ et de son Église apporte au monde.

146 Aussi, l’option prise par la première Assemblée Spéciale pour l’Afrique de considérer la communication comme un axe majeur de l’évangélisation s’est-elle avérée fructueuse pour le développement des médias catholiques. Il conviendrait, peut-être aussi, de coordonner les structures existantes comme cela se fait déjà dans certains endroits. Améliorer de cette façon l’utilisation des médias contribuera à une plus grande promotion des valeurs défendues par le Synode : la paix, la justice et la réconciliation en Afrique,[198] et permettra à ce continent de participer au développement actuel du monde.

[198] Cf. Prop. n. 56 : DC 2434 (2009), p. 1055.


Africae munus FR 112