Africae munus FR 146


CHAPITRE III

« LÈVE-TOI, PRENDS TON GRABAT ET MARCHE ! »

(Jn 5,8)


I. L’ENSEIGNEMENT DE JÉSUS À LA PISCINE DE BETHESDA

147 Chers frères dans l’épiscopat, chers fils et filles d’Afrique, après avoir fait le tour des principales actions et des quelques moyens proposés par l’Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques pour l’accomplissement de la mission de l’Église, je souhaiterais revenir sur certains points qui ont déjà été abordés auparavant de manière diffuse.

148 L’évangile de saint Jean nous présente au chapitre 5 une scène saisissante, près de la piscine de Bethesda. « Sous ces portiques gisaient une multitude d’infirmes, aveugles, boiteux, impotents, qui attendaient le bouillonnement de l’eau » (Jn 5,3), c’est-à-dire l’occasion de la guérison. Il se trouvait parmi eux « un homme qui était infirme depuis trente-huit ans » (Jn 5,5), mais qui n’avait personne pour l’aider à se plonger dans la piscine. Et voici que Jésus entre dans sa vie. Tout change lorsque Jésus lui dit : « Lève-toi, prends ton grabat et marche ! » (Jn 5,8). « Et aussitôt, dit l’évangéliste, l’homme fut guéri » (Jn 5,9). Il n’avait plus besoin de l’eau de la piscine.

149 L’accueil de Jésus offre à l’Afrique une guérison plus efficace et plus profonde que toute autre. Comme l’apôtre Pierre l’a déclaré dans les Actes des Apôtres (Ac 3,6), je redis que ce n’est ni d’or, ni d’argent que l’Afrique a d’abord besoin ; elle désire se mettre debout comme l’homme de la piscine de Bethesda ; elle désire avoir confiance en elle-même, en sa dignité de peuple aimé par son Dieu. C’est donc cette rencontre avec Jésus que l’Église doit offrir aux coeurs meurtris et blessés, en mal de réconciliation et de paix, assoiffés de justice. Nous devons offrir et annoncer la Parole du Christ qui guérit, libère et réconcilie.

II. LA PAROLE DE DIEU ET LES SACREMENTS

A. LES SAINTES ÉCRITURES

150 Selon saint Jérôme, « ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ ».[199] La lecture et la méditation de la Parole de Dieu nous donnent non seulement « la science éminente de Jésus-Christ » (Ph 3,8), mais encore, elles nous enracinent plus profondément dans le Christ et orientent notre service de la réconciliation, de la justice et de la paix. La célébration de l’Eucharistie dont la première partie est la liturgie de la Parole, en constitue la source et le sommet. Je recommande donc que l’apostolat biblique soit promu dans chaque communauté chrétienne, dans la famille et dans les mouvements ecclésiaux.

[199] Commentaire sur Isaïe, prologue : PL 24, 17.

151 Que chaque fidèle du Christ prenne l’habitude de la lecture quotidienne de la Bible ! Une lecture attentive de ma récente Exhortation apostolique Verbum Domini, fournira des indications pastorales utiles. On veillera donc à initier les fidèles à la vénérable et fructueuse tradition de lalectio divina. C’est la Parole de Dieu qui peut aider à la connaissance de Jésus Christ et opérer les conversions qui aboutissent à la réconciliation, puisqu’elle passe au crible « les sentiments et les pensées du coeur » (He 4,12). Les Pères du Synode encouragent les communautés chrétiennes paroissiales, les CEV (CCS), les familles et les associations et les mouvements ecclésiaux à des moments de partage de la Parole de Dieu.[200] Ils deviendront ainsi davantage des lieux où la Parole de Dieu qui édifie la communauté des disciples du Christ, est lue ensemble, méditée et célébrée. Cette Parole régénère sans cesse la communion fraternelle (cf. 1P 1,22-25).

[200] Cf. Prop. n. 46 : DC 2434 (2009), p. 1051.

B. L’EUCHARISTIE

152 Pour bâtir une société réconciliée, juste et pacifique, le moyen le plus efficace est une vie d’intime communion avec Dieu et avec les autres. En effet, autour de la table du Seigneur sont réunis des hommes et des femmes d’origines, de cultures, de races, de langues, et d’ethnies différentes. Ils forment une seule et même unité grâce au Corps et au Sang du Christ. À travers le Christ-Eucharistie, ils deviennent consanguins, et donc authentiquement frères et soeurs, grâce à la Parole, au Corps et au Sang de Jésus-Christ lui-même. Ce lien de fraternité est plus fort que celui de nos familles humaines, celui de nos tribus. « Car ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’Aîné d’une multitude de frères » (Rm 8,29). L’exemple de Jésus les rend capables de s’aimer, de donner leur vie les uns pour les autres, car l’amour dont chacun est aimé doit se communiquer en acte et en vérité.[201] Il est donc indispensable de célébrer en communauté le dimanche, Jour du Seigneur, comme aussi les fêtes de précepte.

[201] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 82 : AAS 99 (2007), pp. 168-169; DC 2377 (2007), p.337 ; Lett. enc. Deus caritas est (25 décembre 2005), n. : AAS 98 (2006), pp. 228-229 ; DC 2429 (2009), p. 758.

153 Je ne désire pas faire ici un exposé théologique sur l’Eucharistie. Dans l’Exhortation apostolique post-synodale Sacramentum caritatis, j’en ai esquissé les grands traits. J’exhorte, ici, toute l’Église en Afrique à soigner tout particulièrement la célébration de l’Eucharistie, mémorial du Sacrifice du Christ Jésus, signe d’unité et lien de charité, banquet pascal et gage de la vie éternelle. L’Eucharistie doit être célébrée avec dignité et beauté en suivant les normes établies. L’Adoration eucharistique, personnelle et communautaire, permettra d’approfondir ce grand mystère. Dans cette ligne, un Congrès eucharistique continental pourrait être célébré. Il soutiendrait l’effort des chrétiens dans leur souci de témoigner des valeurs fondamentales de communion dans toutes les sociétés africaines.[202]

[202] Cf. Prop. n. 8 : DC 2434 (2009), p. 1037.

154 Pour que le mystère eucharistique soit respecté, les Pères synodaux rappellent que les églises et les chapelles sont des lieux sacrés à réserver uniquement aux célébrations liturgiques en évitant, autant que possible, qu’elles deviennent de simples espaces de socialisation ou des espaces culturels. Il convient de promouvoir leur fonction première qui est celle d’être un lieu privilégié de rencontre entre Dieu et son peuple, entre Dieu et sa créature fidèle. Il convient en outre de veiller à ce que l’architecture de ces édifices cultuels soit digne du mystère célébré et conforme à la législation ecclésiastique et au style local. Ces constructions doivent être faites sous la responsabilité des Évêques, après avoir entendu l’avis de personnes compétentes en liturgie et en architecture. Que l’on puisse dire en en franchissant le seuil : « En vérité, le Seigneur Dieu est en ce lieu […] Ce n’est rien de moins qu’une Maison de Dieu et la porte du ciel » (Gn 28,16-17) ! Ces lieux atteindront également leur finalité s’ils sont une aide à la communauté, régénérée dans l’Eucharistie et les autres Sacrements, pour prolonger leur action dans la vie sociale en perpétuant l’exemple même du Christ (cf. Jn 13,15).[203] Cette « cohérence eucharistique »[204] interpelle toute conscience chrétienne (cf. 1Co 11,17-34).

[203] Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 51 : AAS 99 (2007), p. 144 ; DC 2377 (2007), p. 324.
[204] Ibidem, n. 83 : AAS 99 (2007), p. 169 ; DC 2377 (2007), p. 337.

C. LA RÉCONCILIATION

155 Pour aider les sociétés africaines à guérir des blessures de la division et de la haine, les Pères du Synode invitent l’Église à se souvenir qu’elle porte en son sein les mêmes blessures et amertumes. Dès lors, elle a besoin que le Seigneur l’en guérisse pour qu’elle atteste, de manière crédible, que le Sacrement de la Réconciliation panse et guérit les coeurs meurtris. Ce Sacrement renoue les liens rompus entre la personne humaine et Dieu et restaure les liens dans la société. Il éduque aussi nos coeurs et nos esprits pour que nous apprenions à vivre « en esprit d’union, dans la compassion, l’amour fraternel, la miséricorde, l’esprit d’humilité » (1P 3,8).

156 Je rappelle l’importance de la confession individuelle qu’aucun autre acte de réconciliation ou aucune autre paraliturgie ne peut remplacer. J’encourage, donc, tous les fidèles de l’Église, clergé, personnes consacrées et laïcs, à redonner sa place véritable au Sacrement de la Réconciliation dans sa double dimension personnelle et communautaire.[205] Les communautés qui n’ont pas de prêtres, à cause des distances ou pour d’autres raisons, peuvent vivre le caractère ecclésial de la pénitence et de la réconciliation à travers des formes non sacramentelles. Les chrétiens en situation d’irrégularité peuvent se joindre ainsi à la démarche pénitentielle de l’Église. Comme l’ont indiqué les Pères synodaux, la forme non sacramentelle peut être considérée comme un moyen de préparation des fidèles à une réception fructueuse du Sacrement,[206]mais elle ne pourra pas devenir une norme habituelle, et encore moins remplacer le Sacrement lui-même. J’exhorte de tout coeur les prêtres à vivre ce Sacrement personnellement, et à se rendre vraiment disponibles pour sa célébration.

[205] Cf. Prop. n. 5 : DC 2434 (2009), p. 1036.
[206] Cf. Prop. n. 6 : DC 2434 (2009), p. 1036 ; Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodaleReconciliatio et Poenitentia (2 décembre 1984), n.
RP 23 : AAS77 (1985), pp.233-235 ; DC 1887 (1985), pp. 15-16.

157 Pour encourager la réconciliation, à titre collectif, je recommande vivement, comme l’ont souhaité les Pères synodaux, de célébrer tous les ans dans chaque pays africain « un jour ou une semaine de réconciliation, particulièrement pendant l’Avent ou le Carême ».[207] Le S.C.E.A.M. pourra contribuer à sa réalisation et, en accord avec le Saint-Siège, promouvoir une Année de la réconciliation au niveau continental pour demander à Dieu un pardon spécial pour tous les maux et blessures que les êtres humains se sont infligés les uns aux autres en Afrique, et pour que se réconcilient les personnes et les groupes qui ont été blessés dans l’Église et dans l’ensemble de la société.[208] Il s’agirait d’une Année jubilaire extraordinaire « pendant laquelle l’Église en Afrique et dans les îles adjacentes rend grâce avec l’Église universelle et prie pour recevoir les dons de l’Esprit Saint »,[209] spécialement le don de la réconciliation, de la justice et de la paix.

[207] Prop. n. 8 : DC 2434 (2009), p. 1037.
[208] Cf. Idem.
[209] Idem.

158 Pour de telles célébrations, il sera utile de suivre le conseil des Pères synodaux : « Que la mémoire des grands témoins qui ont donné leur vie au service de l’Évangile et du bien commun ou pour la défense de la vérité et des droits humains soit gardée et fidèlement rappelée ».[210] À cet égard, les saints sont les véritables étoiles de notre vie, eux « qui ont su vivre dans la droiture. Ils sont des lumières d’espérance. Certes, Jésus Christ est la lumière par antonomase, le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l’histoire. Mais pour arriver jusqu’à Lui nous avons besoin aussi de lumières proches – de personnes qui donnent une lumière en la tirant de sa lumière et qui offrent ainsi une orientation pour notre traversée ».[211]

[210] Prop. n. 9 : DC 2434 (2009), p. 1037
[211] Benoît XVI, Lett. enc. Spe salvi (30 novembre 2007), n. : AAS 99 (2007), p. 1025 ; DC 2493 (2008), p.36.


III. LA NOUVELLE ÉVANGÉLISATION

159 Avant de conclure ce document, je désire revenir à nouveau sur la tâche de l’Église en Afrique qui est celle de s’engager dans l’évangélisation, dans la missio ad gentes, ainsi que dans la nouvelle évangélisation, afin que la physionomie du continent africain se modèle toujours plus sur l’enseignement toujours actuel du Christ, vraie « lumière du monde » et authentique « sel de la terre ».

A. PORTEURS DU CHRIST « LUMIÈRE DU MONDE »

160 L’oeuvre urgente de l’évangélisation se réalise de manière différente, selon la diversité des situations de chaque pays. « Au sens propre, il y a la mission ad gentes pour ceux qui ne connaissent pas le Christ. Au sens large, on parle d’ “évangélisation” pour ce qui concerne l’aspect ordinaire de la pastorale, et de la “nouvelle évangélisation” pour ceux qui ne suivent plus une conduite chrétienne ».[212] Seule l’évangélisation qui est animée par la force de l’Esprit-Saint, devient la « loi nouvelle de l’Évangile » et porte des fruits spirituels.[213] Le coeur de toute activité évangélisatrice est l’annonce de la personne de Jésus, le Verbe de Dieu incarné (cf. Jn 1,14), mort et ressuscité, pour toujours présent dans la communauté des fidèles, dans son Église (cf. Mt 28,20). Il s’agit d’une tâche urgente non seulement pour l’Afrique, mais pour le monde entier, car la mission que le Christ rédempteur a confiée à son Église n’a pas encore atteint sa pleine réalisation.

[212] Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note doctrinale sur certains aspects de l’Évangélisation (3 décembre 2007), n. 12 : AAS 100 (2008), p. 501.
[213] Cf. S. Thomas d’Aquin, S. Th. I-II 106,1.

161 L’« Évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu » (Mc 1,1) est le chemin sûr pour rencontrer la Personne du Seigneur Jésus. Scruter les Écritures nous permet de découvrir toujours plus le véritable visage de Jésus, révélation de Dieu le Père (cf. Jn 12,45), et son oeuvre de salut. « Redécouvrir la centralité de la Parole divine dans la vie chrétienne nous fait retrouver la signification la plus profonde de ce que le Pape Jean-Paul II a rappelé avec force : poursuivre lamissio ad gentes et entreprendre de toutes nos forces la nouvelle évangélisation ».[214]

[214] Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Verbum Domini (30 septembre 2010), n. 122 :AAS 102 (2010), p. 785.

162 Conduite par l’Esprit-Saint, l’Église en Afrique doit annoncer – en le vivant – le mystère du salut à ceux qui ne le connaissent pas encore. L’Esprit Saint que les chrétiens ont reçu au Baptême est le feu d’amour qui pousse à l’action évangélisatrice. Après la Pentecôte, les disciples « remplis de l’Esprit Saint » (Ac 2,4) sont sortis du Cénacle, où, par peur, ils s’étaient enfermés, pour proclamer la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. L’évènement de la Pentecôte, nous permet de mieux comprendre la mission des chrétiens, « lumière du monde » et « sel de la terre » sur le continent africain. Le propre de la lumière est de se diffuser et d’éclairer de nombreux frères et soeurs qui sont encore dans les ténèbres. La missio ad gentes engage tous les chrétiens d’Afrique. Animés par l’Esprit, ils doivent être porteurs de Jésus-Christ, « lumière du monde », partout sur le continent, dans tous les domaines de la vie personnelle, familiale et sociale. Les Pères synodaux ont souligné « l’urgence et la nécessité de l’évangélisation qui est la mission et la véritable identité de l’Église ».[215]

[215] Prop. n. 34 : DC 2434 (2009), p. 1047.

B. TÉMOINS DU CHRIST RESSUSCITÉ

163 Le Seigneur Jésus exhorte encore aujourd’hui les chrétiens d’Afrique à prêcher en son nom « à tous les peuples, la conversion et le pardon des péchés » (Lc 24,47). Pour cela, ils sont appelés à être témoins du Seigneur ressuscité (cf. Lc Lc 24,48). Les Pères synodaux ont souligné que l’évangélisation « consiste essentiellement à rendre témoignage au Christ dans la puissance de l’Esprit par la vie, puis par la parole, dans un esprit d’ouverture aux autres, de respect et de dialogue avec eux, en s’en tenant aux valeurs de l’Évangile ».[216] Pour ce qui est de l’Église en Afrique, ce témoignage doit être au service de la réconciliation, de la justice et de la paix.

[216] Prop. n. 34 : DC 2434 (2009), p. 1047. Cf. Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. EN 21 : AAS 68 (1976), pp. 19-20 ; DC 1689 (1976), p. 5.

164 L’annonce de l’Évangile doit retrouver l’ardeur des débuts de l’évangélisation du continent africain, attribuée à l’évangéliste Marc, suivi par une « foule innombrable de saints, de martyrs, de confesseurs et de vierges ».[217] Avec gratitude, il faut se mettre à l’école de l’enthousiasme de nombreux missionnaires qui, pendant plusieurs siècles, ont sacrifié leur vie pour apporter la Bonne Nouvelle à leurs frères et soeurs africains. Au cours de ces dernières années, l’Église a commémoré en différents pays le centenaire de l’évangélisation. Elle s’est justement engagée à diffuser l’Évangile à ceux qui ne connaissent pas encore le nom de Jésus-Christ.

[217] Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Ecclesia in Africa (14 septembre 1995), n. :AAS 88 (1996), p. 21 ; DC 2123 (1995), p. 824.

165 Afin que cet effort devienne toujours plus efficace, la missio ad gentes doit aller de pair avec la nouvelle évangélisation. En Afrique aussi, les situations qui requièrent une nouvelle présentation de l’Évangile, « nouvelle dans son ardeur, dans ses méthodes et dans ses expressions »,[218] ne sont pas rares. En particulier, la nouvelle évangélisation doit intégrer la dimension intellectuelle de la foi dans l’expérience vive de la rencontre avec Jésus-Christ présent et agissant dans la communauté ecclésiale. Car à l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive. La catéchèse doit donc intégrer la partie théorique, constituée de notions apprises par coeur, à celle pratique, vécue au niveau liturgique, spirituel, ecclésial, culturel et caritatif, afin que la semence de la Parole de Dieu, tombée sur une terre fertile, laisse de profondes racines et puisse grandir et parvenir à maturité.

[218] Jean-Paul II, Discours aux Évêques membres du Conseil épiscopal latino-américain (Port-au-Prince, 9 mars 1983) : AAS 75 (1983), p.778 ; DC 1850 (1983), p. 438.

166 Pour que cela advienne, il est indispensable d’employer de nouvelles méthodes qui sont à notre disposition aujourd’hui. Quand il s’agit des moyens de communication sociale dont j’ai déjà parlé, il ne faut pas oublier ce que j’ai noté récemment dans l’Exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini : « Saint Thomas d’Aquin, en mentionnant saint Augustin, insiste avec force : “Même la lettre de l’Évangile tue s’il manque, à l’intérieur de l’homme, la grâce de la foi qui guérit” ».[219] Conscients de cette exigence, il faut aussi toujours se rappeler qu’aucun moyen ne peut ni ne doit se substituer au contact personnel, à l’annonce verbale, ainsi qu’au témoignage d’une vie chrétienne authentique. Ce contact personnel et cette annonce verbale doivent exprimer la foi vive qui engage et transforme l’existence, et l’amour de Dieu qui touche et rejoint chacun tel qu’il est.

[219] N. 29 : AAS 102 (2010), p. 785.


C. MISSIONNAIRES À LA SUITE DU CHRIST

167 L’Église qui chemine en Afrique est appelée à contribuer à la nouvelle évangélisation également dans les pays sécularisés, d’où provenaient auparavant de nombreux missionnaires et qui aujourd’hui manquent malheureusement de vocations sacerdotales et à la vie consacrée. Entre-temps, un grand nombre d’Africains et d’Africaines ont accueilli l’invitation du Maître de la moisson (cf. Mt 9,37-38) à travailler à sa vigne (cf. Mt 20,1-16). Sans diminuer l’élan missionnaire ad gentes dans les différents pays, et même sur le continent tout entier, les Évêques d’Afrique doivent accueillir avec générosité l’invitation de leurs confrères des pays qui manquent de vocations, et venir en aide aux fidèles privés de prêtres. Cette collaboration, qui doit être réglementée par des accords entre l’Église qui envoie et celle qui reçoit, devient un signe concret de fécondité de la mission ad gentes. Bénie par le Seigneur, Bon Pasteur (cf. Jn 10,11-18), elle soutient ainsi de façon précieuse la nouvelle évangélisation dans les pays d’ancienne tradition chrétienne.

168 L’annonce de la Bonne Nouvelle fait naître dans l’Église de nouvelles expressions,appropriées aux nécessités du temps, des cultures, et aux attentes des hommes. L’Esprit Saint ne manque pas de susciter aussi en Afrique des hommes et des femmes qui, rassemblés en différentes associations, mouvements, et communautés, consacrent leur vie à la diffusion de l’Évangile de Jésus-Christ. Selon l’exhortation de l’Apôtre des nations – « n’éteignez pas l’Esprit, ne dépréciez pas les dons de prophéties ; mais vérifiez tout : ce qui est bon, retenez-le ; gardez-vous de toute espèce de mal » (1Th 5,19-22) – les Pasteurs ont le devoir de veiller afin que ces nouvelles expressions de la fécondité pérenne de l’Évangile s’insèrent dans l’action pastorale des paroisses et des diocèses.

169 Chers frères et soeurs, à la lumière du thème de la deuxième Assemblée spéciale pour l’Afrique, la nouvelle évangélisation concerne, en particulier, le service de l’Église en vue de la réconciliation, de la justice et de la paix. Par conséquent, il est nécessaire d’accueillir la grâce de l’Esprit Saint qui nous invite : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2Co 5,20). Les chrétiens sont donc tous invités à se réconcilier avec Dieu. Alors, vous serez en mesure de devenir des artisans de la réconciliation au sein des communautés ecclésiales et sociales dans lesquelles vous vivez et oeuvrez. La nouvelle évangélisation suppose la réconciliation des chrétiens avec Dieu et avec eux-mêmes. Elle exige la réconciliation avec le prochain, le dépassement des barrières de toutes sortes comme celles provenant de la langue, de la culture et de la race. Nous sommes tous fils d’un seul Dieu et Père « qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45).

170 Dieu bénira un coeur réconcilié, en lui accordant sa paix. Le chrétien deviendra ainsi un artisan de paix (cf. Mt 5,9) dans la mesure où, enraciné dans la grâce divine, il collabore avec son Créateur à la construction et à la promotion du don de la paix. Le fidèle réconcilié deviendra aussi promoteur de la justice en tout lieu, surtout dans les sociétés africaines divisées, en proie à la violence et à la guerre, qui ont faim et soif de la vraie justice. Le Seigneur nous invite : « Cherchez d’abord le Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît » (Mt 6,33).

171 La nouvelle évangélisation est une tâche urgente pour les chrétiens en Afrique, car eux aussi doivent ranimer leur enthousiasme d’appartenir à l’Église. Sous l’inspiration de l’Esprit du Seigneur ressuscité, ils sont appelés à vivre, au niveau personnel, familial et social, la Bonne Nouvelle et à l’annoncer avec un zèle renouvelé aux personnes proches et lointaines, en employant pour sa diffusion les nouvelles méthodes que la Providence divine met à notre disposition. En louant Dieu le Père pour les merveilles qu’il continue d’accomplir dans son Église en chacun de ses membres, les fidèles sont invités à vivifier leur vocation chrétienne dans la fidélité à la Tradition ecclésiale vivante. Ouverts à l’inspiration de l’Esprit Saint, qui continue de susciter différents charismes dans l’Église, les chrétiens doivent poursuivre ou entreprendre avec détermination le chemin de la sainteté pour devenir toujours plus apôtres de la réconciliation, de la justice et de la paix.


CONCLUSION :

« AIE CONFIANCE ! LÈVE-TOI, IL T'APPELLE ! »

(Mc 10,49)#172
Chers frères et soeurs, le dernier mot du Synode a été un appel à l’espérance, lancé à l’Afrique. Un tel appel sera vain s’il ne s’enracine pas dans l’amour trinitaire. De Dieu, Père de tous, nous recevons la mission de transmettre à l’Afrique l’amour dont nous a aimés le Christ, leFils aîné, afin que notre action, animée par son Esprit Saint, soit portée par l’espérance et devienne, en même temps, source d’espérance. Tout en désirant faciliter la mise en pratique des orientations du Synode sur des sujets aussi brûlants que sont la réconciliation, la justice et la paix, je souhaite que les « théologiens continuent d’explorer la profondeur du mystère trinitaire et sa signification pour le quotidien africain ».[220] Puisque la vocation de tout homme est unique, ne laissons pas s’essouffler en nous l’élan vital de la réconciliation de l’humanité avec Dieu par le mystère de notre salut dans le Christ. La rédemption est la raison de la fiabilité et de la fermeté de notre espérance « en vertu de laquelle nous pouvons affronter notre présent : le présent, même un présent pénible, peut être vécu et accepté s’il conduit vers un terme et si nous pouvons être sûrs de ce terme, si ce terme est si grand qu’il peut justifier les efforts du chemin ».[221]

[220] Benoît XVI, Discours aux membres du Conseil spécial pour l’Afrique du Synode des Évêques (Yaoundé, 19 mars 2009) : AAS 101 (2009), p. 312 ; DC 2422 (2009), p.387.
[221] Benoît XVI, Lett. enc. Spe salvi (30 novembre 2007), n. : AAS 99 (2007), p. 985 ; DC 2393 (2008), p. 14.

173 Je le redis à nouveau : « Lève-toi, Église en Afrique […] parce que le Père céleste t’appelle, Lui que tes ancêtres invoquaient comme Créateur, avant d’en connaître la proximité miséricordieuse, révélée dans son Fils unique, Jésus-Christ. Entreprends le chemin d’une nouvelle évangélisation avec le courage qui te vient de l’Esprit Saint ».[222]

[222] Benoît XVI, Homélie à la messe de conclusion de la deuxième Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques (25 octobre 2009) : AAS 101 (2009), p. 918 ; DC 2434 (2009), p. 1024.

174 Le visage de l’évangélisation prend aujourd’hui le nom de réconciliation, « condition indispensable pour instaurer en Afrique des rapports de justice entre les hommes et pour construire une paix équitable et durable dans le respect de chaque individu et de tous les peuples ; une paix qui […] s’ouvre à l’apport de toutes les personnes de bonne volonté au-delà des appartenances religieuses, ethniques, linguistiques, culturelles et sociales respectives ».[223] Que l’Église catholique tout entière accompagne de son affection les frères et soeurs du continent africain ! Que les saints de l’Afrique les soutiennent par leur prière d’intercession ![224]

[223] Idem.
[224] Cf. Idem.

175 Que « le bon maître de maison, saint Joseph, qui sait bien personnellement ce que signifie réfléchir, dans une attitude de sollicitude et d’espérance, sur les chemins futurs de la famille, [et qui] nous a écoutés avec amour et nous a accompagnés jusqu’au Synode »,[225] protège et accompagne l’Église dans sa mission au service de l’Afrique, terre où il trouva, pour la Sainte Famille, refuge et protection (cf. Mt 2,13-15) ! Que la Bienheureuse Vierge Marie, Mère du Verbe de Dieu et Notre-Dame d’Afrique, continue d’accompagner toute l’Église par son intercession et ses invitations à faire tout ce que nous dira son Fils (cf. Jn 2,5) ! Que la prière de Marie, Reine de la Paix, dont le coeur est toujours orienté vers la volonté de Dieu, soutienne tout effort de conversion, qu’elle consolide toute initiative de réconciliation, et affermisse tout effort en faveur de la paix dans un monde qui a faim et soif de justice (cf. Mt 5,6) ![226]

[225] Benoît XVI, Discours à la Curie romaine à l’occasion de l’échange des voeux (21 décembre 2009) : AAS 102 (2010), p. 34 ; DC 2439 (2010), p. 109.
[226] Cf. Prop. n. 57 : DC 2434 (2009), p. 1055.

176 Chers frères et soeurs, par la deuxième Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques, le Seigneur, bon et miséricordieux, vous rappelle de façon pressante que « vous êtes le sel de la terre… la lumière du monde » (Mt 5,13-14). Que ces paroles vous redisent la dignité de votre vocation d’enfants de Dieu, membres de l’Église une, sainte, catholique et apostolique ! Cette vocation consiste à répandre dans un monde souvent enténébré la clarté de l’Évangile, la splendeur de Jésus-Christ, vraie lumière qui « éclaire tout homme » (Jn 1,9). En outre, les chrétiens doivent offrir aux hommes le goût de Dieu le Père, la joie de sa présence créatrice dans le monde. Ils sont aussi appelés à collaborer avec la grâce de l’Esprit Saint, afin que le miracle de la Pentecôte se poursuive sur le continent africain, et que chacun devienne toujours plus un apôtre de la réconciliation, de la justice et de la paix.

177 Puisse l’Église catholique en Afrique être toujours un des poumons spirituels de l’humanité, et devenir chaque jour davantage une bénédiction pour le noble continent africain et pour le monde entier !

Donné à Ouidah, au Bénin, le 19 novembre 2011, en la septième année de mon pontificat.

BENEDICTUS PP. XVI



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