Ad gentes 2 9


Chapitre II. L’oeuvre missionnaire elle-même

10 L’Église, envoyée par le Christ pour manifester et communiquer la charité de Dieu à tous les hommes et à toutes les nations, a conscience de l’oeuvre missionnaire énorme qu’elle a encore à accomplir. Car deux milliards d’hommes dont le nombre s’accroît de jour en jour, qui croissent ensemble pour former des groupes importants, nettement délimités et liés par des liens stables de vie culturelle, par d’antiques traditions religieuses, par les liaisons solides des relations sociales, n’ont pas encore entendu ou ont à peine entendu le message de l’Évangile ; parmi eux, les uns suivent l’une des grandes religions, les autres demeurent étrangers à la connaissance de Dieu lui-même, d’autres nient expressément son existence, parfois même la combattent. Afin de pouvoir présenter à tous le mystère du salut et la vie apportée par Dieu, l’Église doit s’insérer dans tous ces groupes du même mouvement que celui par lequel le Christ lui-même, par son incarnation, s’est engagé dans le réseau des conditions sociales et culturelles déterminées des hommes avec lesquels il a vécu.


Article 1 Le témoignage chrétien

11 L’Église doit être présente dans ces groupes humains par ses enfants, qui y vivent ou qui sont envoyés vers eux. Car tous les fidèles, partout où ils vivent, sont tenus de manifester, par l’exemple de leur vie et le témoignage de leur parole, l’homme nouveau qu’ils ont revêtu par le baptême, et la puissance de l’Esprit Saint, par lequel ils ont été fortifiés par la confirmation, de façon à ce que les autres, en considérant leurs bonnes oeuvres, glorifient le Père 1 et perçoivent plus pleinement le sens authentique de la vie humaine et le lien universel de communion entre les hommes.

Pour qu’ils puissent rendre avec fruit ce témoignage au Christ, ils se joindront à ces hommes dans l’estime et la charité, se reconnaîtront comme membres du groupe humain dans lequel ils vivent, et prendront part à la vie culturelle et sociale au moyen des diverses relations et affaires de la vie de ces hommes ; ils seront familiarisés avec leurs traditions nationales et religieuses ; ils découvriront avec joie et respect les semences du Verbe qui y sont cachées ; en même temps, ils seront attentifs à la transformation profonde qui s’opère parmi les nations et ils s’emploieront à éviter que les hommes de notre temps, trop appliqués à la science et à la technologie du monde moderne, ne deviennent étrangers aux choses divines, mais qu’au contraire ils soient éveillés à un désir plus intense de la vérité et de la charité divinement révélées. Tout comme le Christ lui-même a scruté le coeur des hommes et les a amenés à la lumière divine par un dialogue vraiment humain, de même ses disciples, profondément pénétrés de l’Esprit du Christ, doivent connaître les hommes parmi lesquels ils vivent et se comporter envers eux, de façon à ce qu’ils apprennent, dans un dialogue sincère et patient, quelles richesses Dieu, dans sa munificence, a dispensées aux nations ; en même temps, ils doivent s’efforcer d’éclairer ces richesses de la lumière de l’Évangile, de les libérer et de les ramener sous la Seigneurie du Dieu Sauveur.

1 Cf. Mt 5. 16.


12 La présence des chrétiens dans les groupes humains doit être animée de cette charité dont nous a aimés Dieu, qui veut que nous aussi nous nous aimions mutuellement de cette même charité  2 .

La charité chrétienne s’étend en réalité à tous les hommes, sans distinction de race, de condition sociale ou de religion ; elle n’attend aucun profit ni aucune reconnaissance. Tout comme Dieu nous a aimés d’un amour gratuit, de même les fidèles doivent être préoccupés dans leur charité de l’homme lui-même, en l’aimant du même mouvement que celui dont Dieu a cherché l’homme. De même que le Christ parcourait toutes les villes et bourgades en guérissant toutes les maladies et infirmités en signe de l’avènement du Règne de Dieu 3, de même aussi l’Église est, par ses enfants, en liaison avec les hommes de quelque condition qu’ils soient, mais surtout avec les pauvres et les affligés, et elle se dépense volontiers pour eux 4. Elle participe à leurs joies et à leurs souffrances, connaît leurs aspirations et les problèmes de leur vie, compatit avec eux dans les angoisses de la mort. A ceux qui cherchent la paix elle désire répondre dans un dialogue fraternel, en leur apportant la paix et la lumière provenant de l’Évangile.

Les chrétiens s’emploieront donc, en collaboration avec tous les autres, à organiser de manière convenable les affaires économiques et sociales. Ils se dévoueront avec un soin spécial à l’éducation des enfants et des adolescents au moyen d’écoles de toutes sortes, qui doivent être considérées non seulement comme un moyen éminent pour former et faire progresser la jeunesse chrétienne, mais en même temps comme un service de la plus haute valeur au bénéfice des hommes, surtout des nations en voie de développement, pour promouvoir la dignité humaine et préparer des conditions plus humaines. En outre, ils assumeront leur part dans les efforts des peuples qui, en luttant contre la faim, l’ignorance et la maladie, s’appliquent à créer des conditions de vie meilleures et à affermir la paix dans le monde. Dans cette activité, les fidèles souhaiteront apporter, de façon prudente, leur contribution aux initiatives qui sont lancées par les institutions privées ou publiques, par les gouvernements, par les organismes internationaux, par les diverses communautés chrétiennes et par les religions non chrétiennes.

Mais l’Église ne veut d’aucune manière s’ingérer dans le gouvernement de la cité terrestre. Elle ne revendique pour elle-même aucune autre forme d’autorité que celle d’être au service des hommes, avec l’aide de Dieu, par sa charité et son fidèle dévouement 5.

Dans leur vie et leur activité, les disciples du Christ, étroitement unis aux hommes, espèrent leur présenter un vrai témoignage au sujet du Christ et oeuvrer en vue de leur salut, même là où ils ne peuvent pas annoncer pleinement le Christ. En effet, ils ne recherchent pas un progrès et une prospérité purement matériels des hommes, mais ils travaillent à la promotion de leur dignité humaine et de leur union fraternelle, en enseignant les vérités religieuses et morales que le Christ a éclairées de sa lumière, et ainsi ils procurent progressivement un accès plus plénier à Dieu. De cette façon, les hommes sont aidés dans l’obtention du salut par la charité envers Dieu et envers le prochain ; de cette façon commence à luire le mystère du Christ, en qui est apparu l’homme nouveau, créé selon Dieu6, dans lequel se révèle la charité de Dieu.

2 Cf. 1 Jn 4, 11.
3 Cf. Mt 9, 35 s. ; Ac 10. 38.
4 2 Co 12, 15.
5 Cf. Mt 20, 26 ; 23, 11 ; discours de Paul VI au concile, 21 nov. 1964, AAS 56 (1964), p. 1013.
6 Cf. Ep 4, 24.


Article 2 La prédication de l’Évangile et le rassemblement du Peuple de Dieu

13 Partout où Dieu ouvre une porte à la prédication pour la proclamation du mystère du Christ7 il faut annoncer8 à tous les hommes avec assurance et constance 10, le Dieu vivant, et celui qu’il a envoyé pour le salut de tous, Jésus-Christ 11, pour que, grâce à l’Esprit Saint qui ouvre leur coeur  12, les non-chrétiens, trouvant la foi, se convertissent librement au Seigneur et s’attachent sincèrement à lui qui, étant la « voie, la vérité et la vie » (Jn 14,6), comble toutes leurs attentes spirituelles, bien plus, dépasse celles-ci infiniment.

Cette conversion doit s’entendre comme une conversion certes initiale, suffisante toutefois pour que l’homme comprenne que, détourné du péché, il est introduit dans le mystère de l’amour de Dieu, qui l’appelle à entrer en relation personnelle avec lui-même dans le Christ. En effet, sous l’action de la grâce de Dieu, le nouveau converti entreprend un cheminement spirituel par lequel, communiant déjà par la foi au mystère de la mort et de la résurrection, il passe du vieil homme au nouvel homme qui trouve sa perfection dans le Christ 13. Ce passage, qui entraîne avec lui un changement progressif de la mentalité et des moeurs, doit devenir manifeste avec ses conséquences sociales et se développer graduellement pendant le temps du catéchuménat. Comme le Seigneur en qui il croit est un signe de contradiction  14, le converti fait souvent l’expérience de la rupture et de la séparation, mais éprouve aussi les joies que Dieu donne sans les mesurer 15.

L’Église interdit sévèrement de forcer qui que ce soit à embrasser la foi, ou de l’y amener ou de l’y attirer par des pratiques déplacées, tout comme elle revendique avec insistance le droit pour qui que ce soit de ne pas être détourné de la foi par des vexations injustes 16.

Selon la très antique coutume de l’Église, il faut s’enquérir des motifs de conversion et, si c’est nécessaire, les purifier.

7 Cf. Col 4, 3.
8 Cf. Mc 16, 15.
9 Cf. Ac 4, 13, 29, 31 ; 9, 27-28 ; 13, 46 ; 14, 3 ; 19, 8 ; 26, 26 ; 28, 31 ; 1 Th 2, 2 ; 2 Co 3, 12 ; 7, 4 ; Ph 1, 20 ; Ep 3, 12 ; 6, 19-20.
10 Cf. 1 Cor 9, 15 ; Rm 10, 14.
11 Cf. 1 Th 1, 9-10 ; 1 Co 1, 18-21 ; Ga 1, 31 ; Ac 14, 15-17 ; 17, 22-31.
12 Cf. Ac 16, 14.
13 Cf. Col 3, 5 10 ; Ep 4, 20-24.
14 Cf. Lc 2, 34 ; Mt 10, 34-39.
15 Cf. 1 Th 1,6.
16 Cf. Conc. Vat. II, décr. sur la liberté religieuse Dignitatis Humanae, n. 2, 4, 10, p. 372-374, 376, 380-382 ; const. past. sur l’Église dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, n. 21. (Voir plus haut p. 328-530.)


14 Ceux qui ont reçu de Dieu, par l’intermédiaire de l’Église la foi au Christ17, seront admis au catéchuménat par des cérémonies liturgiques ; ce catéchuménat n’est pas un simple exposé des dogmes et des préceptes, mais une formation à la vie chrétienne tout entière et un apprentissage suffisamment prolongé, par lesquels les disciples sont unis au Christ leur Maître. Les catéchumènes seront donc initiés, de façon appropriée, au mystère du salut et seront introduits par la pratique des moeurs évangéliques, ainsi que par des rites sacrés à célébrer à des époques successives 18, dans la vie de la foi, de la liturgie et de la charité du Peuple de Dieu.

Ensuite, délivrés de la puissance des ténèbres par les sacrements de l’initiation chrétienne 19, morts avec le Christ, ensevelis avec lui et ressuscités avec lui20, ils reçoivent l’Esprit d’adoption filiale 21 et célèbrent avec tout le Peuple de Dieu le mémorial de la mort et de la résurrection du Seigneur.

Il faut souhaiter que la liturgie du temps du Carême et du temps de Pâques soit restaurée de telle façon qu’elle prépare l’âme des catéchumènes à la célébration du mystère pascal pendant les solennités duquel ils sont régénérés par le baptême dans le Christ.

De cette initiation chrétienne au cours du catéchuménat doivent s’occuper non pas les seuls catéchistes ou les seuls prêtres, mais toute la communauté des fidèles et de façon spéciale les parrains, et marraines, de telle sorte que dès le début les catéchumènes sentent qu’ils appartiennent au Peuple de Dieu. Et comme la vie de l’Église est apostolique, les catéchumènes apprendront aussi à coopérer activement par le témoignage de leur vie et la profession de leur foi à la proclamation de l’Évangile et à l’édification de l’Église.

Le statut juridique des catéchumènes doit être clairement défini dans le nouveau Code. En effet, ils sont déjà unis à l’Église22, ils sont déjà de la maison du Christ23, et il n’est pas rare qu’ils mènent une vie de foi, d’espérance et de charité.

17 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 17, AAS 57 (1965), p. 20-21. (Voir plus haut p. 92.)
18 Cf. Conc. Vat. II, const. sur la liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 64-65, AAS 56 (1964), p. 117. (Voir plus haut p. 34.)
19 Cf. Col 1, 13. Sur la libération de l’esclavage du démon et des ténèbres dans l’Évangile, cf. Mt 12, 28 ; Jn 8, 44 ; 12, 31 (cf.
1Jn 3,8 Ep 2,1-2). Dans la liturgie du baptême, cf. le Rituel romain.
20 Cf. Rm 6, 4-11 , Col 2, 12-13 ; 1 P 3, 21-22 ; Mc 16, 16.
21 Cf. 1 Th 3, 5-7 ; Ac 8, 14-17.
22 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 14, AAS 57 (1965), p. 19. (Voir plus haut p. 88.)
23 Cf. Augustin, Tract, in Joan 11, 4, PL 35, 1476 ; BA 71.


Article 3 La formation de la communauté chrétienne

15 Quand l’Esprit Saint, qui appelle tous les hommes au Christ par les semences du Verbe et la prédication de l’Évangile et suscite dans les coeurs l’obéissance de la foi, engendre à une vie nouvelle dans le sein de la fontaine baptismale ceux qui croient au Christ, il les rassemble en un seul Peuple de Dieu qui est « race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple acquis » (1P 2,9)24.

En tant que coopérateurs de Dieu 25, les missionnaires susciteront donc des assemblées de fidèles telles que, se comportant d’une manière digne de l’appel qu’elles ont reçu26, elles puissent exercer les fonctions que Dieu leur a confiées, à savoir les fonctions sacerdotale, prophétique et royale. De cette façon, une communauté chrétienne devient signe de la présence de Dieu dans le monde : par le sacrifice eucharistique, en effet, elle-même passe incessamment au Père avec le Christ27 ; nourrie avec soin de la Parole de Dieu28, elle présente le témoignage du Christ 29; et enfin elle marche dans la charité et brûle de l’ardeur de l’esprit apostolique 30. Une communauté chrétienne doit dès le début être constituée de telle sorte qu’elle puisse, dans la mesure du possible, pourvoir elle-même à ses besoins.

Cette assemblée de fidèles, dotée des richesses culturelles de sa propre nation, doit être profondément enracinée dans le peuple : les familles, imprégnées de l’esprit évangélique, doivent y être florissantes 31 et avoir à leur disposition des écoles appropriées ; des associations et des groupes seront constitués, grâce auxquels l’apostolat des laïcs pourra pénétrer de l’esprit évangélique toute la société. Enfin la charité entre les catholiques de rites différents doit y briller de tout son éclat 32. L’esprit oecuménique doit aussi être nourri parmi les néophytes qui doivent reconnaître honnêtement que des frères qui croient au Christ sont des disciples du Christ, régénérés par le baptême, ayant part à de nombreux biens du Peuple de Dieu. Autant que le permettent les conditions religieuses, l’action oecuménique doit être promue de façon telle que, toute apparence d’indifférentisme, de confusionisme ou de rivalité malsaine étant bannie, les catholiques collaborent fraternellement avec les frères séparés dans une commune profession de foi en Dieu et en Jésus-Christ devant les nations, si elle est possible, et dans la coopération en matière sociale et technique, culturelle et religieuse, selon les dispositions du décret sur l’oecuménisme. Qu’ils collaborent surtout à cause du Christ, leur Seigneur commun : que son Nom les unisse ! Cette collaboration doit être établie non seulement entre personnes privées, mais aussi, au jugement de l’Ordinaire du lieu, entre Eglises ou communautés ecclésiales et entre leurs oeuvres.

Les chrétiens, provenant de tous les peuples et rassemblés dans l’Eglise, « ne se distinguent des autres hommes ni par le gouvernement, ni par la langue, ni par les institutions de la vie de la cité 33 » et doivent donc vivre pour Dieu et pour le Christ selon les coutumes honorables de leur pays ; en tant que bons citoyens ils doivent cultiver vraiment et efficacement l’amour de la patrie, tout en évitant absolument le mépris des races étrangères et le nationalisme exacerbé, et en faisant progresser l’amour universel des hommes.

Pour obtenir tous ces résultats, les laïcs, c’est-à-dire les fidèles qui, incorporés au Christ par le baptême, vivent dans le monde, ont un rôle très important et sont dignes d’une attention particulière. Il appartient en propre aux laïcs, pénétrés de l’esprit du Christ, d’animer de l’intérieur, à la manière d’un ferment, les réalités temporelles et de les ordonner pour qu’elles soient toujours selon le Christ 34.

Cependant, il ne suffit pas que le peuple chrétien soit présent et établi dans un pays, et il ne suffit pas qu’il exerce l’apostolat de l’exemple ; il est établi, il est présent à cette fin, qui est d’annoncer le Christ aux concitoyens non chrétiens par la parole et par l’action et de les aider à accueillir pleinement le Christ.

Mais, pour la plantation de l’Église et pour la croissance de la communauté chrétienne, il faut divers ministères qui, suscités par l’appel divin du sein même de l’assemblée des fidèles, doivent être encouragés et soutenus par tous avec un soin empressé ; parmi eux, il y a les fonctions des prêtres, des diacres et des catéchistes ainsi que l’action catholique. De même, les religieux et les religieuses, par la prière ou par leur engagement actif, exercent une fonction indispensable pour enraciner dans les coeurs le règne du Christ, l’y fortifier et l’étendre plus loin.

24 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 9, AAS 57 (1965), p. 13. (Voir plus haut p. 78-80.)
25 Cf. 1 Co 3, 9.
26 Cf. Ep 4, 1.
27 Cf. Conc. Vat. Il, const. dogm. Lumen Gentium, n. 10, 11, 34, AAS 57 (1965), p. 10-17 ; 39-40. (Voir plus haut p. 80-82 ; 122.)
28 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 21, AAS 58 (1966), p. 827. (Voir plus haut p. 326.)
29 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 12, 35, AAS 57 (1965), p. 16, 40-41. (Voir plus haut p. 84 ; 122-124.)
30 Ibid., n. 23, 36, AAS 57 (1965), p. 28, 41-42 (voir p. 102-104 ; 124-126).
31 Ibid., n. 11, 35, 41, AAS 57 (1965), p. 15-16, 40-41, 47 (voir p. 82-84 ; 122-124 ; 130-134).
32 Cf. Conc. Vat. II, décret sur les Églises orientales catholiques Orientalium Ecclesiarum, n. 4, AAS 57 (1965), p. 77-78. (Voir plus haut p. 170.)
33 Épître à Diognète, 5, PG 2, 1.173 ; cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 38, AAS 57 (1965), p. 43. (Voir plus haut p. 128.)
34 Cf. Conc. Vat. Il, const. dogm. Lumen Gentium, n. 32, AAS 57 (1965), p. 38 (voir plus haut p. 118-120) ; décret sur l’apostolat des laies Apostolicam AEctuositatem, n. 5-7, AAS 58 (1966), p. 842-844. (Voir plus haut p. 338-340).


16 Avec une grande joie, l’Église rend grâces pour le don inappréciable de la vocation sacerdotale, que Dieu a accordé largement à tant de jeunes parmi les peuples récemment convertis au Christ. En effet, l’Église s’enracine plus solidement dans chaque groupe humain, quand les diverses communautés de fidèles ont, provenant de leurs membres, leurs propres ministres du salut, dans l’ordre des évêques, des prêtres * et des diacres, qui sont au service de leurs frères, de telle sorte que les jeunes Églises acquièrent peu à peu une structure diocésaine avec un clergé propre.

Ce qui a été décidé par le Concile au sujet de la vocation et de la formation sacerdotales doit être observé consciencieusement là où l’Église vient d’être implantée et aussi dans les jeunes Églises. Il faut attacher la plus grande importance à ce que le Concile a dit au sujet de la formation spirituelle qui doit être en lien étroit avec la formation doctrinale et pastorale, de la vie à mener en conformité avec l’Évangile sans considération de l’intérêt personnel ou familial, de l’approfondissement du sens intime du mystère de l’Église. Ils apprendront ainsi, de façon merveilleuse, à s’adonner tout entiers au service du Corps du Christ et à l’oeuvre de l’Évangile, à s’attacher à leur propre évêque comme de fidèles collaborateurs, et à apporter leur concours à leurs confrères 35.

Pour parvenir à cette fin générale, toute la formation des élèves doit être organisée à la lumière du mystère du salut tel qu’il est présenté dans les Écritures ; qu’ils découvrent et vivent ce mystère du Christ et du salut des hommes présent dans la liturgie 36.

Ces exigences communes de la formation sacerdotale, même pastorale et pratique, selon les directives du Concile37, doivent s’accorder avec le souci de prendre en considération la manière particulière de penser et d’agir de son propre peuple. Les esprits des élèves doivent s’ouvrir et devenir assez pénétrants pour pouvoir bien connaître et juger la culture de leur pays ; dans les disciplines philosophiques et théologiques, ils doivent discerner les raisons qui fondent les différences entre les traditions et la religion de leur pays et la religion chrétienne38. La formation sacerdotale doit également tenir compte des besoins pastoraux de la région ; les élèves doivent apprendre l’histoire, le but et les méthodes de l’action missionnaire de l’Église, et les conditions spéciales d’ordre social, économique et culturel de leur propre peuple. Ils doivent être éduqués dans un esprit d’oecuménisme et préparés de façon appropriée au dialogue fraternel avec les non-chrétiens 39. Tout cela exige que les candidats accomplissent les études menant au sacerdoce, autant que possible, en pratiquant les coutumes et en partageant le mode de vie de leur propre peuple40. Enfin, on prendra soin d’assurer une formation à une administration ecclésiastique bien organisée, et même une formation économique.

En outre, il faut choisir des prêtres ayant les aptitudes requises qui, après une pratique pastorale d’une certaine durée, pourront mener à bonne fin des études supérieures dans des universités même étrangères, surtout à Rome, et dans d’autres instituts scientifiques, de telle sorte que les jeunes Eglises disposent de prêtres venant du clergé local, bénéficiant d’une science et d’une expérience convenables, pour remplir des fonctions ecclésiastiques plus ardues.

Là où les Conférences épiscopales le jugeront opportun, l’ordre du diaconat comme état de vie permanent sera rétabli selon les normes de la Constitution sur l’Église41. Car il convient que les hommes qui accomplissent un ministère vraiment diaconal, en annonçant la Parole de Dieu comme catéchistes, ou en dirigeant au nom du curé et de l’évêque des communautés chrétiennes éloignées, ou en exerçant la charité dans les oeuvres sociales ou caritatives, soient fortifiés par l’imposition des mains transmise depuis les apôtres et qu’ils soient unis plus étroitement à l’autel, afin qu’ils exercent leur ministère plus efficacement au moyen de la grâce sacramentelle du diaconat.

35 Cf. Conc. Vat. II, décret sur la formation des prêtres Optatam totius, n. 4, 8, 9, AAS 58 (1966), p. 716, 718, 719. (Voir plus haut p. 270-272.)
36 Cf. Conc. Vat. II, const. sur la liturgie Sacrosantum Concilium, n. 17, AAS 56 (1964), p. 105. (Voir plus haut p. 18.)
37 Cf. Conc. Vat. II, décret sur la formation des prêtres Optatam totius, n. 1, AAS 58 (1966), p. 713. (Voir plus haut p. 264.)
38 Cf. Jean XXIII, encycl. Princeps Pastorum, 28 nov. 1959, AAS 51 (1959), p. 843-844.
39 Cf. Conc. Vat. II, décret sur l’oecuménisme Unitatis Redintegratio, n. 4, AAS 57 (1965), p. 94-96. (Voir plus haut p. 190-192.)
40 Cf. Jean XXIII, encycl. Princeps Pastorum, 28 nov. 1959, AAS 51 (1959), p. 842.
41 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 29, AAS 57 (1965), p. 36. (Voir plus haut p. 116.)


17 Elle est aussi digne d’éloge cette armée qui a si bien mérité de l’oeuvre des missions auprès des nations, celle des catéchistes hommes et femmes qui, pénétrés d’esprit apostolique, apportent par leurs lourds labeurs un concours singulier et absolument nécessaire en vue de la diffusion de la foi et de l’expansion de l’Église.

De nos jours, vu que pour évangéliser de si grandes multitudes et pour exercer le ministère pastoral il n’y a qu’un petit nombre de clercs, la fonction des catéchistes a une très grande importance. Leur formation doit être améliorée et adaptée au progrès culturel de façon à ce que, en tant que coopérateurs efficaces de l’ordre sacerdotal, ils puissent s’acquitter au mieux de leur fonction qui s’alourdit de charges nouvelles et plus étendues.

Il faut donc multiplier les écoles diocésaines et régionales dans lesquelles les futurs catéchistes étudieront avec soin tant la doctrine catholique, surtout en matière biblique et liturgique, que la méthode catéchétique et la pratique pastorale, et se formeront aux moeurs des chrétiens 42, s’appliquant sans cesse à pratiquer la piété et la sainteté de vie. En outre, on organisera des sessions et des cours qui permettront aux catéchistes de se renouveler, à des moments déterminés, dans les disciplines et techniques utiles à leur ministère, de nourrir et de fortifier leur vie spirituelle. De plus, à ceux qui se dévouent entièrement à cette oeuvre, il faut assurer par une juste rémunération un état de vie décent et la sécurité dans le domaine social 43. Il est souhaité qu’il soit pourvu de façon appropriée à la formation et à l’entretien des catéchistes par des subsides spéciaux du saint Dicastère de la Propagation de la foi. Si cela apparaît nécessaire et approprié, une oeuvre pour les catéchistes sera fondée. En outre, les Églises reconnaîtront avec reconnaissance le travail généreux des catéchistes auxiliaires, dont l’aide sera nécessaire. Ceux-ci président les prières dans leurs communautés et enseignent la doctrine. Il faut donc se soucier comme il convient de leur formation doctrinale et spirituelle. Par ailleurs, il faut souhaiter que, là où cela paraîtra opportun, la mission canonique soit confiée publiquement, au cours d’une action liturgique, aux catéchistes dûment formés, pour qu’ils soient au service de la foi auprès du peuple avec une plus grande autorité.

42 Cf. Jean XXIII, encycl. Princeps Pastorum, 28 nov. 1959, AAS 51 (1959), p. 855.
43 II s’agit de « catéchistes à plein temps ».


18 Dès le temps de la plantation de l’Église, il faut apporter tout son soin à promouvoir la vie religieuse, qui non seulement apporte des secours précieux et absolument nécessaires à l’activité missionnaire, mais, par la consécration plus intime à Dieu faite dans l’Église, manifeste et signifie aussi, de façon claire, la nature intime de la vocation chrétienne 44.

Les instituts religieux, qui travaillent à la plantation de l’Église, profondément pénétrés des richesses spirituelles qui sont un titre de gloire pour la tradition religieuse de l’Église, s’efforceront de les exprimer et de les transmettre en fonction du génie et du caractère propre de chaque peuple. Ils examineront de façon attentive comment les traditions ascétiques et contemplatives, dont les germes ont été parfois déposés par Dieu dans des civilisations antiques déjà avant la prédication de l’Évangile, peuvent être assumées dans la vie religieuse chrétienne.

Dans les jeunes Églises, les diverses formes de vie religieuse doivent être développées avec soin, de façon à ce que les instituts présentent les divers aspects de la mission du Christ et de la vie de l’Église, se vouent aux différentes oeuvres pastorales et préparent, de façon appropriée, leurs membres à s’en acquitter. Cependant les évêques, dans leurs conférences, veilleront à ce que les Congrégations qui poursuivent la même fin apostolique ne se multiplient pas au détriment de la vie religieuse et de l’apostolat.

Sont dignes d’une mention spéciale les diverses initiatives visant à enraciner la vie contemplative, qui amènent certains instituts à s’efforcer d’implanter la très riche tradition de leur ordre en gardant les éléments essentiels de l’institution monastique, et qui en conduisent d’autres à revenir aux formes plus simples du monachisme antique : mais tous doivent s’appliquer à chercher une authentique adaptation aux conditions locales. Comme la vie contemplative relève de la présence plénière de l’Église, elle doit être instaurée partout dans les jeunes Églises.

44 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 31, AAS 57 (1965), p. 37, 50-51. (Voir plus haut p. 118 ; 138-140.)


Chapitre III. Les Églises particulières

19 L’oeuvre de plantation de l’Église dans un groupe humain déterminé atteint certes son terme quand l’assemblée des fidèles, déjà enracinée dans la vie sociale et ayant épousé dans une certaine mesure les formes de la culture locale, jouit d’une certaine stabilité et solidité : disposant de ressources propres, même si elles sont insuffisantes, en prêtres originaires du pays, en religieux et laïcs, elle est dotée de ces ministères et institutions qui sont nécessaires pour diriger et développer la vie du Peuple de Dieu sous la conduite d’un évêque propre.

Dans les jeunes Églises de ce genre, la vie du Peuple de Dieu doit tendre vers sa maturité dans tous les domaines de la vie chrétienne, qui doit être renouvelée selon les directives de ce Concile : les assemblées de fidèles deviennent toujours plus consciemment des communautés vivantes de foi, de liturgie et de charité ; les laïcs s’efforcent, par leur activité civile et apostolique, d’instaurer dans la cité un ordre de charité et de justice ; les moyens de communication sociale sont utilisés de façon opportune et prudente ; les familles deviennent, grâce à une vie vraiment chrétienne, des séminaires d’apostolat des laïcs et de vocations sacerdotales et religieuses. La foi enfin est enseignée selon une catéchèse adaptée, célébrée dans une liturgie en harmonie avec le génie du peuple, et introduite par une législation canonique appropriée dans les institutions honorables et dans les coutumes du pays.

Les évêques, chacun avec son presbyterium, toujours davantage pénétrés du sens du Christ et de l’Église, doivent sentir et vivre avec l’Église universelle. Que demeure intime la communion des jeunes Églises avec l’Église tout entière, dont elles reprendront des éléments traditionnels pour les joindre à leur culture propre, en vue d’accroître la vie du Corps mystique par des échanges mutuels 1. On tirera donc soigneusement parti des éléments théologiques, psychologiques et humains qui peuvent contribuer à favoriser ce sens de la communion avec l’Église universelle.

Ces Églises, situées souvent dans les régions plus pauvres du monde, souffrent encore, le plus souvent très gravement, d’une pénurie de prêtres et d’un manque de ressources matérielles. C’est pourquoi elles ont besoin au plus haut point qu’une action missionnaire incessante de toute l’Église leur fournisse les secours qui servent tout d’abord au développement de l’Église locale et à la maturation de leur vie chrétienne. Cette action missionnaire doit aussi apporter une aide à des Églises, fondées depuis longtemps, mais qui se trouvent dans un certain état de régression et de faiblesse.

Cependant, ces Églises doivent mettre en oeuvre un zèle pastoral commun et des initiatives appropriées, qui permettent que les vocations pour le clergé diocésain et les instituts religieux s’accroissent en nombre, soient discernées de façon plus sûre, et cultivées avec plus d’efficacité 2, de façon à ce que ces Églises soient en état de se pourvoir elles-mêmes progressivement et d’apporter de l’aide à d’autres.

1 Jean XXIII, encycl. Princeps Pastorum, 28 nov. 1959, AAS 51 (1959), p. 838.
2 Cf. Conc. Vat. II, décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum Ordinis, n. 11 (voir plus bas p. 480-482). Décret sur la formation des prêtres Optatam totius, n. 2. (Voir plus haut p. 264-266.)



20 Comme l’Église particulière est tenue de représenter le plus parfaitement possible l’Église universelle, elle doit avoir la claire conscience d’être aussi envoyée à ceux qui, ne croyant pas au Christ, habitent avec elle sur le même territoire, afin qu’elle soit, par le témoignage de la vie de chacun des fidèles et de toute la communauté, un signe qui leur montre le Christ.

Par ailleurs, le ministère de la parole est nécessaire pour que l’Évangile parvienne à tous. Il faut donc qu’en premier lieu l’évêque proclame la foi, qui amène au Christ de nouveaux disciples ’. Pour accomplir comme il se doit cette tâche éminente, il doit connaître à fond les conditions de vie de son troupeau et aussi les représentations intimes qu’ont de Dieu ses concitoyens, en tenant également soigneusement compte des changements qui ont été introduits par ce qu’on nomme l’urbanisation, par les migrations et l’indifférentisme religieux.

Dans les jeunes Églises, les prêtres * originaires du pays doivent s’engager avec ardeur dans l’oeuvre d’évangélisation, en pratiquant la collaboration avec les missionnaires étrangers avec lesquels ils forment un seul presbyterium, uni sous l’autorité de l’évêque, non seulement pour paître les fidèles et célébrer le culte divin, mais aussi pour annoncer l’Évangile à ceux qui sont au-dehors. Ils doivent se montrer prêts, et à l’occasion se proposer d’eux-mêmes à l’évêque, d’un coeur ardent, pour le travail missionnaire à entreprendre dans les régions éloignées et délaissées de leur propre diocèse ou dans d’autres diocèses.

Les religieux et les religieuses, et de même les laïcs, doivent brûler du même zèle à l’égard de leurs concitoyens, surtout de ceux qui sont plus pauvres.

Les conférences épiscopales doivent veiller à ce que, à des dates fixes, soient organisés des cours de renouvellement biblique, théologique, spirituel et pastoral, dont la visée est de faire acquérir au clergé, au milieu des changements et des transformations, une connaissance plus pleine de la science théologique et des méthodes pastorales.

Pour le reste, on observera consciencieusement les décisions prises par ce Concile, notamment dans le Décret sur le ministère et la vie des prêtres.

Pour que cette oeuvre missionnaire d’une Eglise particulière puisse être accomplie, il faut des ministres qui, ayant les aptitudes requises, doivent être préparés à temps de la manière adaptée aux conditions de chaque Eglise. Mais comme les hommes s’assemblent de plus en plus pour former des groupes, il est de la plus haute convenance que les conférences épiscopales engagent des délibérations communes au sujet du dialogue à instaurer avec ces groupes. Mais si dans certaines régions il se rencontre des groupes d’hommes qui sont dissuadés d’embrasser la foi catholique, du fait qu’ils ne peuvent s’accommoder aux formes particulières que l’Église y a revêtues, il est souhaitable qu’on pourvoie de manière spéciale 4 à une telle situation, jusqu’à ce que tous les chrétiens puissent être rassemblés dans une seule communauté. Les évêques appelleront, chacun dans son diocèse, des missionnaires dont le Siège apostolique pourrait disposer à cette fin ou les accueilleront volontiers, en soutenant efficacement leurs initiatives.

Pour que ce zèle missionnaire fleurisse chez les frères de la même patrie, il convient grandement que les jeunes Eglises participent, au plus vite et activement, à la mission de l’Eglise universelle, en envoyant elles-mêmes des missionnaires pour annoncer l’Evangile partout sur terre, même si elles souffrent d’une pénurie de clergé. La communion avec l’Église universelle sera en quelque sorte consommée lorsque, elles aussi, participeront de façon active à l’action missionnaire auprès des autres nations.

3 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 25, AAS 57 (1965), p. 29 (voir p. 106-108).
4 Cf. Conc. Vat. II, Décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum Ordinis, n. 10 (voir plus bas p. 480-482), où, en vue de faciliter la pastorale pour divers groupes sociaux, on prévoit l’établissement de prélatures personnelles dans la mesure où une meilleure organisation de l’apostolat le demandera.


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