Ad gentes 2 21


21 L’Église n’est pas vraiment fondée, elle ne vit pas pleinement, elle n’est pas le signe parfait du Christ parmi les hommes, si un laïcat au vrai sens de ce mot n’existe pas et ne travaille pas avec la hiérarchie. En effet, l’Évangile ne peut s’enraciner profondément dans les esprits, la vie et le travail d’un peuple sans la présence active des laïcs. Par conséquent, dès la fondation d’une Église, il faut se montrer extrêmement attentif à constituer un laïcat chrétien ayant sa maturité.

En effet, les fidèles laïcs appartiennent en même temps au Peuple de Dieu et à la société civile : ils appartiennent à leur peuple, au sein duquel ils sont nés, aux trésors culturels duquel ils ont commencé à avoir part par l’éducation, à la vie duquel ils sont liés par de multiples liens sociaux, au progrès duquel ils concourent par leurs efforts dans leur vie professionnelle, aux problèmes duquel, les sentant comme les leurs propres, ils s’appliquent à trouver des solutions ; d’autre part, ils appartiennent aussi au Christ, parce qu’ils ont été régénérés dans l’Église par la foi et le baptême, afin d’être au Christ par la nouveauté de leur vie et de leur action 5, afin aussi que dans le Christ tout soit soumis à Dieu et qu’enfin Dieu soit tout en tous 6.

Le principal devoir de ces laïcs, hommes et femmes, est le témoignage du Christ qu’ils doivent rendre par leur vie et leurs paroles, dans leur famille, dans leur groupe social, dans leur milieu professionnel. Il faut donc qu’apparaisse en eux l’homme nouveau qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté véritables7. Cette nouveauté de vie, ils doivent l’exprimer dans le milieu social et culturel de leur patrie, selon les traditions de leur propre peuple. Ils doivent connaître cette culture, la purifier, la conserver et la faire s’épanouir en fonction des situations récentes, et enfin lui donner sa perfection dans le Christ, afin que la foi au Christ et la vie de l’Éghse ne soient plus étrangères à la société dans laquelle ils vivent, mais commencent à la pénétrer et à la transformer. Ils doivent être unis à leurs concitoyens par une charité sincère, afin que dans leur comportement se manifeste un nouveau lien d’unité et de solidarité universelle, puisées dans le mystère du Christ. Ils doivent aussi répandre la foi au Christ parmi ceux auxquels ils sont liés par la vie et la profession ; cette obligation est d’autant plus urgente que la plupart des hommes ne peuvent entendre l’Evangile et connaître le Christ que par l’intermédiaire des laïcs proches d’eux. Bien plus, là où c’est possible, les laïcs doivent être prêts, dans une collaboration encore plus directe avec la hiérarchie, à remplir une mission spéciale pour annoncer l’Évangile et communiquer la doctrine chrétienne, afin de donner plus de vigueur à l’Église naissante.

Les ministres de l’Église tiendront l’apostolat difficile des laïcs en grande estime ; ils formeront les laïcs à prendre conscience, en tant que membres du Christ, de leur responsabilité à l’égard de tous les hommes ; ils leur feront comprendre en profondeur le mystère du Christ, les initieront aux méthodes pratiques et les assisteront dans leurs difficultés, dans l’esprit de la Constitution Lumen Gentium et du décret Apostolicam actuositatem.

Les fonctions et les responsabilités propres aux pasteurs et aux laïcs étant sauvegardées, la jeune Église tout entière rendra au Christ un seul et unique témoignage, vivant et ferme, afin de devenir un signe éclatant du salut qui nous arrive dans le Christ.

5 Cf. 1 Co 15, 23.
6 Cf. 1 Co 15, 28.
7 Cf. Ep 4, 24.


22 La semence qu’est la Parole de Dieu germe dans une bonne terre arrosée par la rosée divine, y puise la sève, la transforme et l’assimile pour porter enfin un fruit abondant. De fait, d’une façon semblable à celle de l’économie de l’Incarnation, les jeunes Églises enracinées dans le Christ et édifiées sur le fondement des apôtres, assument, en vue d’un admirable échange, toutes les richesses des peuples qui ont été données au Christ en héritage 8. Elles empruntent aux coutumes et aux traditions, à la sagesse et à la science, aux arts et aux disciplines de leurs peuples tout ce qui peut contribuer à confesser la gloire du Créateur, à mettre en lumière la grâce du Sauveur et à ordonner dûment la vie chrétienne9.

Pour réaliser ce dessein, il est nécessaire que dans chaque grand territoire socioculturel, comme on dit, soit stimulée une réflexion théologique qui soumette à de nouvelles investigations, menées à la lumière de la Tradition de l’Église universelle, les faits et les paroles révélés par Dieu, consignés dans les saintes Écritures et expliqués par les Pères de l’Église et le magistère. Ainsi on percevra plus clairement par quelles voies la foi, en tenant compte de la philosophie ou de la sagesse des peuples, peut chercher l’intelligence, et de quelles manières les coutumes, la conception de la vie et l’ordre social peuvent être mis en accord avec les moeurs que fait connaître la Révélation divine. De cette façon s’ouvriront des voies menant à une adaptation allant plus en profondeur dans l’ensemble du domaine de la vie chrétienne. En procédant de cette manière, toute apparence de syncrétisme et de faux particularisme sera écartée, la vie chrétienne sera accommodée au génie et au caractère de chaque culture 10, les traditions particulières, avec les qualités propres de chaque famille des peuples, éclairées par la lumière de l’Évangile, seront assumées dans l’unité catholique. Enfin les jeunes Églises particulières, embellies des richesses de leurs traditions, auront leur place dans la communion ecclésiale, la primauté de la Chaire de Pierre, qui préside à l’universelle assemblée de la charité, demeurant intacte 11.

Il faut donc souhaiter, bien plus, il convient tout à fait, que les conférences épiscopales s’unissent, dans le cadre de chaque grand territoire socioculturel, de telle manière qu elles puissent, en mettant en commun leurs avis, poursuivre en plein accord ce dessein d’adaptation.

8 Cf. Ps 2, 8.
9 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 13, AAS 57 (1965), p. 17-18. (Voir plus haut p. 86.)
10 Cf. alloc. de Paul VI lors de la canonisation des martyrs de l’Ouganda, 18 oct. 1964, AAS 56 (1964), p. 908.
11 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 13, AAS 57 (1965), p. 18. (Voir plus haut p. 86.)


Chapitre IV. Les missionnaires

23 Bien qu’à tout disciple du Christ incombe, pour sa part, la charge de répandre la foi 1, le Christ Seigneur ne cesse cependant d’appeler parmi ses disciples ceux qu’il veut, pour qu’ils soient avec lui et afin de les envoyer prêcher aux nations 2. C’est pourquoi, par l’Esprit Saint qui répartit comme il l’entend les charismes selon les besoins 3, il fait naître la vocation missionnaire dans le coeur de certains individus et suscite en même temps dans l’Église des instituts 4 qui prennent en charge, comme un devoir propre, la mission d’évangélisation qui appartient à toute l’Église.

Ils sont en effet marqués d’une vocation spéciale, ceux qui, étant doués d’un caractère naturel approprié, ayant les aptitudes requises en raison de leurs qualités et de leur intelligence, sont prêts à s’adonner à l’oeuvre missionnaire 5, qu’ils soient autochtones ou étrangers, prêtres, religieux ou laïcs. Envoyés par l’autorité légitime, ils partent, dans la foi et l’obéissance, vers ceux qui sont loin du Christ, ayant été mis à part pour l’oeuvre en vue de laquelle ils ont été choisis 6 comme ministres de l’Évangile « pour que les nations deviennent une offrande agréable, sanctifiée dans l’Esprit Saint » (
Rm 15,16).

1 Cf. Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 17, AAS 57 (1965), p. 21. (Voir plus haut p. 92.)
2 Cf. Mc 3, 13 s.
3 Cf. 1 Co 12, 11.
4 Sous le nom d’instituts sont compris les ordres, les congrégations, les instituts et les associations qui travaillent dans les missions.
5 Cf. Pie XI, Rerum Ecclesiae, 28 févr. 1926, AAS 18 (1926), p. 69-71 ; Pie XII, Saeculo exeunte, 13 juin 1940, AAS 32 (1940), p. 256 ; Evangelii Praecones, 2 juin 1951, AAS 43 (1951), p. 506.
6 Cf. Ac 13, 2.




24 Mais au vrai Dieu qui l’appelle, l’homme doit répondre de telle manière que, sans consulter ni la chair ni le sang7, il s’attache entièrement à l’oeuvre de l’Évangile. Mais cette réponse, il ne peut la donner que si l’Esprit Saint l’y incite et lui en donne la force. En effet, celui qui est envoyé entre dans la vie et la mission de Celui qui « s’est anéanti en prenant la forme d’esclave » (Ph 2,7). Il doit donc être prêt à rester fidèle à sa vocation pendant toute sa vie, à renoncer à lui-même et à tout ce qu’il a tenu pour sien jusque-là, et à se faire « tout à tous 8 ».

En annonçant l'Évangile aux nations, il doit faire connaître avec assurance le mystère du Christ, de qui il est le délégué, de telle manière qu’en Lui il ait l’audace de parler comme il faut9, sans rougir du scandale de la croix. Suivant les traces de son Maître, qui était doux et humble de coeur, il fera comprendre que le joug de celui-ci est doux et son fardeau léger 10. Par une vie réellement évangélique n, par une grande patience, par la longanimité, par la douceur, par une charité non feinte 12, il rendra témoignage à son Seigneur, si nécessaire jusqu’à l’effusion du sang. Il obtiendra de Dieu le courage et la force si bien qu’il reconnaîtra que l’expérience des multiples tribulations et de l’extrême pauvreté est à l’origine d’une joie surabondante Il sera persuadé que l’obéissance est la vertu spécifique du ministre du Christ, qui par son obéissance a racheté le genre humain.

Pour éviter de négliger la grâce qui est en eux, les messagers de l’Évangile se renouvelleront de jour en jour par une transformation spirituelle 14. Les Ordinaires et les supérieurs réuniront à dates fixes les missionnaires, pour qu’ils soient fortifiés dans l’espérance de leur vocation et qu’ils se renouvellent dans leur ministère apostolique ; des maisons adaptées à ce projet pourront même être fondées.

7 Cf. Ga 1, 16.
8 Cf. 1 Co 9, 22.
9 Cf. Ep 6, 19 ; Ac 4, 31.
10 Cf Mt 11, 29 s.
11 Cf Benoît XV, Maximum illud, 30 nov. 1919, AAS 11 (1919), p. 449-450.
12 Cf. 2 Co 6, 4 s.
13 Cf 2 Co 8, 2.
14 Cf 1 Tm 4, 14 ; Ep 4, 23 ; 2 Co 4, 16.


25 Le futur missionnaire doit être préparé à une tâche si haute par une formation spirituelle et morale spéciale 15. Il doit être prêt à prendre des initiatives, avoir de la constance pour mener à leur terme ses oeuvres, se montrer persévérant dans les difficultés, supporter avec courage et patience la solitude, la fatigue, le travail stérile ; il ira à la rencontre des hommes avec largeur d’esprit et ouverture de coeur ; il assumera volontiers les tâches qui lui ont été confiées ; il s’adaptera généreusement aux moeurs des peuples étrangers et aux situations changeantes ; en accord avec ses frères, dans une charité réciproque, il apportera son concours à ceux-ci et à tous ceux qui se vouent à la même oeuvre, de telle sorte qu’ils soient, ensemble avec les fidèles, un seul coeur et une seule âme, à l’imitation de la communauté apostolique 16. Ces dispositions d’âme, il faut s’y exercer et les cultiver avec soin, les approfondir et les nourrir par la vie spirituelle, dès le temps de la formation. Pénétré d’une foi vive et d’une espérance inébranlable, le missionnaire doit être un homme de prière ; il doit brûler de l’esprit de force, d’amour et de prudence 17 ; il doit apprendre à se suffire en toute situation 18 ; il doit porter en lui, dans un esprit de sacrifice, les souffrances de mort de Jésus, afin que la vie de Jésus opère en ceux à qui il a été envoyé19 ; par zèle des âmes, il doit volontiers tout dépenser et de plus se dépenser lui-même pour les âmes 20, si bien que « par l’exercice quotidien de sa tâche il grandisse dans l’amour de Dieu et du prochain 21 ». Ainsi, en obéissant à la volonté du Père avec le Christ, il continuera la mission du Christ sous l’autorité hiérarchique de l’Église, et coopérera au mystère du salut.

15 Cf Benoît XV, Maximum illud, 30 nov. 1919, AAS 11 (1919), p. 448-449 ; Pie XII, Evangelii Praecones, 2 juin 1951, AAS 43 (1951), p. 507. Dans la formation des missionnaires prêtres, il faut aussi tenir compte de ce qui est décidé dans le décret sur la formation des prêtres, Optatam totius. (Voir p. 262-286.)
16 Cf. Ac 2, 42 ; 4, 32.
17 Cf. 2 Tm 1, 7.
18 Cf. Ph 4, 11.
19 Cf. 2 Co 4, 10 s.
20 Cf. 2 Co 12, 15 s.
21 Cf. Conc. Vat. II. const. dogm. Lumen Gentium, n. 41, AAS 57 (1965), p. 46. (Voir plus haut p. 130-132.)


26 Ceux qui seront envoyés vers les diverses nations doivent, en tant que bons ministres du Christ, être nourris « des enseignements de la foi et de la bonne doctrine » (1Tm 4,6), qu’ils puiseront avant tout dans les saintes Écritures, en scrutant le mystère du Christ, dont ils seront les hérauts et les témoins.

C’est pourquoi tous les missionnaires — prêtres, frères, soeurs, laïcs - doivent être préparés et formés, chacun selon sa condition, afin d’être trouvés à la hauteur des exigences de leur futur travail22. Dès le début, leur formation doctrinale doit être organisée de telle manière qu’elle prenne en considération l’universalité de l’Église et la diversité des peuples. Cela vaut pour toutes les disciplines par lesquelles ils sont préparés à exercer leur ministère et aussi pour les autres sciences, auxquelles ils seront utilement initiés, afin qu’ils aient une connaissance générale des peuples, des cultures, des religions, qui ne concerne pas uniquement le passé, mais aussi le présent. Quiconque est destiné à aborder un autre peuple doit tenir en estime son patrimoine, ses langues, ses moeurs. Il est donc nécessaire, en premier lieu, que le futur missionnaire s’adonne aux études missiologiques, c’est-à-dire apprenne à connaître la doctrine et les normes de l’Église concernant l’activité missionnaire, sache quelles voies ont empruntées les messagers de l’Évangile au cours des siècles, sache aussi quelle est la situation présente des missions et quelles sont les méthodes qui sont censées être les plus efficaces à l’heure actuelle 23.

Même si cette formation tout entière doit être pénétrée de l’esprit de sollicitude pastorale, il faut cependant assurer une formation apostolique particulière et bien structurée, tant par l’enseignement que par des exercices pratiques 24.

Le plus grand nombre possible de frères et de soeurs doivent être formés et préparés, de manière satisfaisante, aux techniques de la catéchèse, afin de pouvoir collaborer davantage encore à l’apostolat.

Même ceux qui assument pour un temps seulement un rôle dans l’activité missionnaire doivent nécessairement acquérir une formation appropriée à leur condition.

Ces différentes sortes de formation doivent être complétées dans les pays où ils sont envoyés, de sorte que les missionnaires connaissent de façon plus détaillée l’histoire, les structures sociales et les coutumes des peuples, qu’ils aient des idées plus précises sur l’ordre moral et les préceptes religieux ainsi que sur les convictions intimes que ces peuples ont acquises en fonction de leurs traditions sacrées sur Dieu, sur le monde et sur l’homme25. En outre, ils doivent apprendre les langues pour arriver à un niveau qui leur permette de les utiliser avec aisance et correction, et de trouver ainsi un accès plus facile à l’esprit et au coeur des hommes26. Par ailleurs, ils doivent être initiés de façon convenable aux besoins pastoraux particuliers.

Quelques-uns seront préparés de façon plus approfondie auprès d’instituts de missiologie ou d’autres facultés ou universités, afin de pouvoir s’acquitter plus efficacement de certaines tâches spéciales 27 et venir en aide, par leurs connaissances, aux autres missionnaires dans l’exercice de l’oeuvre missionnaire qui, de nos jours surtout, présente tant de difficultés et tant d’opportunités. Il faut en outre vivement souhaiter que les conférences épiscopales régionales aient à leur disposition un grand nombre d’experts de ce genre et qu’elles recourent avec fruit à leur science et à leur expérience pour les besoins de leur tâche. On ne devrait pas manquer non plus de personnes qui sachent utiliser au mieux les instruments techniques et les moyens de communication sociale, auxquels tous devraient attacher une grande importance.

22 Cf. Benoît XV, Maximum illud, 30 nov. 1919, AAS 11 (1919), p. 440 ; Pie XII, Euangelii Praecones, 2 juin 1951, AAS 43 (1951), p. 507.
23 Cf. Benoît XV, Maximum illud, 30 nov. 1919, AAS 11 (1919), p. 440 ; décret de la S. C. pour la Propagation, 20 mai 1923, AAS 15 (1923), p. 369-370 ; Pie XII, Saeculo exeunte, 2 juin 1940, AAS 32 (1940), p. 256 ; Evangelii Praecones, 2 juin 1951, AAS 43 (1951), p. 507. Jean XXIII, Princeps Pastorum, 28 nov. 1959, AAS 51 (1959), p. 843-844.
24 Cf. Conc. Vat. II, décret sur la formation des prêtres, Optatam totius, n. 19-21 (voir plus haut p. 282-284) ; cf. aussi const. apost. Sedes Sapientiae avec les statuts généraux, 31 mai 1956 : AAS 48 (1956), p. 354-365.
25 Pie XII, Evangelii Praecones, 2 juin 1951, AAS 43 (1951), p. 523-524.
26 Benoît XV, Maximum illud, 30 nov. 1919, AAS 11 (1919), p. 448 ; Pie XII, Evangelii Praecones, 2 juin 1951, AAS 43 (1951), p. 507.
27 Cf. Pie XII, Fidei donum, 15 juin 1957, AAS 49 (1957), p. 234.


27 Tout cela, tout en étant absolument nécessaire à quiconque est envoyé aux nations, peut à peine être vraiment atteint par les seuls individus. Comme l’oeuvre missionnaire elle-même, au témoignage de l’expérience, ne peut pas non plus être accomplie par des personnes à titre individuel, une vocation commune a rassemblé des individus dans des instituts dans lesquels, en mettant en commun leurs forces, ils seraient formés de façon appropriée et accompliraient cette oeuvre au nom de l’Église et selon la volonté de l’autorité hiérarchique. Ces instituts ont porté, depuis de nombreux siècles déjà, le poids du jour et de la chaleur, soit qu’ils se vouent entièrement au travail missionnaire, soit qu’ils s’y vouent partiellement. Souvent le Saint-Siège leur a confié de vastes territoires à évangéliser, dans lesquels ils ont rassemblé pour Dieu un nouveau peuple, une Église locale attachée à ses propres pasteurs. Aux Églises qu’ils ont fondées par leur sueur, bien plus aussi par leur sang, ils rendront service par leur zèle et leur expérience dans une fraternelle collaboration, ou bien en assumant une charge pastorale ou bien en s’acquittant de fonctions spéciales en vue du bien commun.

Quelquefois, pour toute l’étendue d’une région ils assumeront des tâches plus urgentes, par exemple l’évangélisation de groupes ou de peuples qui, pour des raisons spéciales, n’ont pas encore reçu le message évangélique ou qui lui ont résisté jusqu’à maintenant 28.

S’il en est besoin, ils doivent être disponibles pour former et aider de leur expérience ceux qui se vouent à l’activité missionnaire pour un temps.

Pour ces raisons, et parce qu’il existe encore de nombreux peuples qu’il faut amener au Christ, les instituts demeurent absolument nécessaires.

28 Cf. Conc. Vat. II, décret sur le ministère et la vie des prêtres, Presbyterorum Ordinis, n. 10 (voir p. 478-480), où l’on traite des diocèses, des prélatures et d’autres questions de ce genre.


Chapitre V. L’organisation de l’activité missionnaire

28 Comme les chrétiens ont des charismes différents 1, ils doivent collaborer à l’oeuvre de l’Évangile, chacun selon ses possibilités, son aptitude, son charisme et son ministère2 ; tous par conséquent, ceux qui sèment, et ceux qui moissonnent 3, ceux qui plantent et ceux qui arrosent, doivent être un 4, afin qu’« aspirant d’un commun accord, de façon libre et ordonnée, à la même fin 5 », ils dépensent leurs forces à édifier, dans l’unanimité, l’Église.

C’est pourquoi le travail des messagers de l’Évangile et l’aide des autres chrétiens doivent être dirigés et coordonnés de telle sorte que « tout se fasse dans l’ordre » (
1Co 14,40) dans tous les domaines de l’activité et de la coopération missionnaires.

1 Cf. Rm 12, 6.
2 Cf. 1 Co 3, 10.
3 Cf. Jn4, 37.
4 Cf. 1 Co 3, 8.
5 Cf Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 18, AAS 57 (1965), p. 22. (Voir plus haut p. 92.)


29 Comme la charge d’annoncer l’Évangile partout sur terre concerne d’abord le Corps des évêques 6, le synode des évêques, à savoir le « conseil stable d’évêques pour l’Église universelle 7 », doit, parmi les affaires d’importance générale 8, tenir spécialement compte de l’activité missionnaire, qui est une charge très importante et très sacrée de l’Église9.

Pour toutes les missions et pour toute l’activité missionnaire il ne doit y avoir qu’un seul dicastère compétent, celui de la « Propagation de la Foi », par lequel seront dirigées et coordonnées partout sur terre l’oeuvre missionnaire et la coopération missionnaire, étant sauf cependant le droit des Églises orientales 10.

Bien que l’Esprit Saint suscite de multiples façons l’esprit missionnaire dans l'Église de Dieu et qu’il ne soit pas rare qu’il devance l’action de ceux qui ont le devoir de gouverner la vie de l’Église, ce dicastère doit cependant, pour sa part, promouvoir la vocation et la spiritualité missionnaires, le zèle et la prière pour les missions, et fournir à ce sujet une information véridique et appropriée. C’est par ce dicastère que doivent être suscités et répartis les missionnaires, selon le degré d’urgence des besoins des régions. C’est par lui que doit être élaboré un plan d’action bien programmé ; c’est de lui que doivent émaner les normes directrices et les principes appropriés pour l’évangélisation ; c’est de lui que doivent partir les impulsions. C’est lui qui doit prendre l’initiative et assurer la coordination de la collecte efficace des subsides, qui seront distribués compte tenu des besoins ou de l’utilité et de l’étendue des circonscriptions, du nombre des fidèles et des infidèles, des oeuvres et des instituts, des ministres et des missionnaires.

Ensemble avec le Secrétariat pour favoriser l’unité des chrétiens, ce dicastère doit chercher les voies et les moyens de procurer et d’organiser la collaboration fraternelle et la bonne entente avec les oeuvres missionnaires d’autres communautés chrétiennes, afin que le scandale de la division soit supprimé autant que possible.

C’est pourquoi il est nécessaire que ce dicastère soit aussi bien un instrument d’administration qu’un organe de direction dynamique, qui a recours à des méthodes scientifiques et à des moyens adaptés aux conditions de notre temps, c’est-à-dire en tenant compte de la recherche actuelle en théologie, en méthodologie et en pastorale missionnaire. Dans la direction de ce dicastère, une part active, avec voix délibérative, doit revenir à des représentants choisis parmi tous ceux qui collaborent à l’oeuvre missionnaire : des évêques du monde entier, après consultation des conférences épiscopales, et des directeurs d’instituts ou d’oeuvres pontificales, selon des modes et des méthodes à établir par le Pontife romain. Tous ces représentants, qui seront convoqués à dates fixes, doivent assurer l’organisation suprême de toute l’oeuvre missionnaire sous l’autorité du Souverain Pontife. À la disposition de ce dicastère, il y aura un groupe permanent d’experts consulteurs, dont la science et l’expérience sont éprouvées, et à qui il appartiendra entre autres choses de recueillir des nouvelles opportunes sur la situation locale des différentes régions et sur les modes de pensée des divers groupes humains ainsi que sur les méthodes à mettre en oeuvre pour l’évangélisation, et aussi de proposer des conclusions scientifiquement fondées pour l’oeuvre et la coopération missionnaires.

Les instituts de religieuses, les oeuvres régionales pour les missions, les organisations de laïcs, surtout les organisations internationales, doivent être représentés de la manière qui convient.

6 Cf Conc. Vat. II, const. dogm. Lumen Gentium, n. 23, AAS 57 (1965), p. 28. (Voir plus haut p. 102.)
7 Cf motu proprio Apostolica Sollicitudo, 15 sept. 1965, AAS 57 (1965), p. 776.
8 Cf Paul VI, alloc. au concile, 21 nov. 1964, AAS 56 (1964), p. 1011.
9 Cf Benoît XV, Maximum illud, 30 nov. 1919, AAS 11 (1919), p. 39-40.
10 Si, pour des raisons particulières, des missions sont encore pour un temps soumises à d’autres dicastères, il est utile que ces dicastères aient des rapports avec la sacrée congrégation de la Propagande, pour que, dans l’organisation et la direction de toutes les missions, une méthode et une norme absolument constantes et uniformes puissent exister.


30 Pour que l’oeuvre missionnaire entreprise atteigne son but et obtienne ses effets, tous ceux qui s’adonnent à des activités missionnaires doivent être « un seul coeur et une seule âme » (Ac 4,32).

C’est le devoir de l’évêque, en tant que directeur et centre de l’unité dans l’apostolat diocésain, de promouvoir l’activité missionnaire, de la diriger et de la coordonner, de telle sorte cependant que soit sauvegardée et favorisée l’activité spontanée de ceux qui ont leur part dans cette oeuvre. Tous les missionnaires, même les religieux exempts, sont soumis à l’autorité de l’évêque dans les diverses oeuvres qui regardent l’exercice de l’apostolat sacré 11. En vue d’une meilleure coordination, l’évêque constituera, dans la mesure du possible, un conseil pastoral, dans lequel clercs, religieux et laïcs auront leur rôle à jouer par l’intermédiaire de délégués choisis. Il veillera, en outre, à ce que l’activité apostolique ne se limite pas seulement aux convertis, mais qu’une part équitable d’ouvriers et de subsides soit destinée à l’évangélisation des non chrétiens.

11 Cf. Conc. Vat. II, décret sur la charge pastorale des évêques, Christus Dominus, n. 35, 4. (Voir plus haut p. 238.)


31 Les conférences épiscopales doivent traiter par délibérations communes des questions plus graves et des problèmes plus urgents, en veillant toutefois à ne pas négliger les différences locales 12. Pour éviter que les ressources insuffisantes en personnes et en moyens soient dispersées et que les initiatives se multiplient sans nécessité, il est recommandé de fonder, en mettant en commun les forces, des oeuvres qui contribuent au bien de tous, par exemple des séminaires, des écoles supérieures et techniques, des centres pastoraux, catéchétiques, liturgiques ainsi que des centres de moyens de communication sociale.

Une coopération de ce genre doit être établie, selon l’opportunité, même entre diverses conférences épiscopales.

12 Cf. Conc. Vat. II, décret sur la charge pastorale des évêques, Christus Dominus, n. 36-38. (Voir plus haut p. 240-242.)


32 Il est aussi avantageux de coordonner les activités qui sont exercées par les instituts ou les associations ecclésiastiques. Tous, de quelque genre qu’ils soient, doivent déférer à la volonté de l’Ordinaire du lieu, dans tout ce qui concerne l’activité missionnaire elle-même. C’est pourquoi il sera très avantageux de conclure des conventions particulières qui régiront les relations entre l’Ordinaire du lieu et le directeur de l’institut.

Quand un territoire a été confié à un institut, le supérieur ecclésiastique et l’institut auront à coeur de tout mettre en oeuvre pour que la nouvelle communauté chrétienne grandisse pour devenir une Eglise locale qui, au moment opportun, sera gouvernée par son propre pasteur avec son clergé.

Lorsque prend fin le mandat sur un territoire, une nouvelle situation en résulte. Alors les conférences épiscopales et les instituts établiront, par délibération commune, les règles qui régiront les rapports entre les Ordinaires des lieux et les instituts 13. Il appartient au Saint-Siège de fixer les grands traits des principes généraux selon lesquels les conventions régionales ou même particulières doivent être conclues.

Même si les instituts devaient être prêts à continuer l’oeuvre commencée, en collaborant au ministère pastoral ordinaire, cependant, en cas d’accroissement du clergé local, il faudra veiller à ce que les instituts, dans la mesure où cela correspond à leur finalité, demeurent fidèles au diocèse lui-même, en y assumant généreusement des oeuvres spéciales ou une région déterminée.

13 Cf. Conc. Vat. II, décret sur la charge pastorale des évêques, Christus Dominus, n. 35, 5-6 (Voir plus haut p. 240.)


33 Les instituts, qui dans un même territoire s’adonnent à l’activité missionnaire, doivent trouver des voies et des modes permettant d’assurer la coordination de leurs oeuvres. Pour cette raison, des conférences de religieux et des unions de religieuses, dans lesquelles tous les instituts d’une même nation ou d’une même région ont leur part, offrent les plus grands avantages. Ces conférences doivent rechercher ce qui peut être réalisé dans un effort commun et doivent entretenir des relations étroites avec les conférences épiscopales.

Il convient d’étendre tout cela, de la même manière, à la collaboration des instituts missionnaires dans le pays dont ils sont originaires, de telle sorte que pour les questions et les initiatives communes on puisse trouver plus facilement et à moindres frais des solutions, comme par exemple la formation doctrinale des futurs missionnaires, les cours pour missionnaires, les rapports à adresser aux autorités publiques ou aux organismes internationaux et supranationaux.


34 Comme l’exercice correct et ordonné de l’activité missionnaire exige que les ouvriers évangéliques soient préparés scientifiquement à leurs tâches, surtout au dialogue avec les religions et les cultures non chrétiennes, et que dans l’exécution même de leur travail ils reçoivent une aide efficace, on désire que, en faveur des missions, s’instaure une collaboration fraternelle et généreuse de tous les instituts scientifiques qui cultivent la missiologie et d’autres disciplines ou techniques utiles aux missions, comme l’ethnologie et la linguistique, l’histoire et la science des religions, la sociologie, les techniques pastorales et autres.


Chapitre VI. La coopération

35 Comme l'Eglise tout entière est missionnaire et que l’oeuvre d’évangélisation est un devoir fondamental du Peuple de Dieu, le saint Concile invite tous les fidèles à une profonde rénovation intérieure, pour que, prenant vivement conscience de leur propre responsabilité dans la diffusion de l’Évangile, ils assument leur part dans l’oeuvre missionnaire auprès des nations.


36 En tant que membres du Christ vivant, auquel ils ont été incorporés et configurés par le baptême, ainsi que par la confirmation et l’Eucharistie, tous les fidèles sont tenus de coopérer à l’expansion et à l’accroissement de son Corps, pour lui faire atteindre au plus vite sa plénitude 1.

C’est pourquoi tous les enfants de l’Église doivent avoir une vive conscience de leur responsabilité à l’égard du monde, développer en eux un esprit vraiment catholique et dépenser leurs forces pour l’oeuvre d’évangélisation. Toutefois, tous doivent savoir que le premier et le plus important de leurs devoirs pour la diffusion de la foi, c’est de vivre une vie profondément chrétienne. Car leur ardeur à servir Dieu et leur charité à l’égard des autres apporteront un souffle spirituel nouveau à toute l’Église, qui apparaîtra comme signe levé sur les nations 2 , « lumière du monde » (
Mt 5,14) et « sel de la terre » (Mt 5,13). Ce témoignage de la vie obtiendra plus facilement son effet s’il est rendu conjointement avec d’autres groupes chrétiens, selon les normes du décret sur l’oecuménisme 3.

Sous l’effet de cet esprit renouvelé, des prières et des oeuvres de pénitence seront spontanément offertes à Dieu pour qu’il féconde de sa grâce l’oeuvre des missionnaires, des vocations missionnaires vont éclore, des ressources dont les missions ont besoin vont affluer. Pour que les chrétiens, tous ensemble et chacun pour sa part, connaissent exactement la situation présente de l’Église dans le monde et qu’ils entendent la voix des multitudes qui crient : « Viens à notre aide4 », on donnera sur les missions, en employant les moyens modernes de communication sociale, des informations telles que, comprenant que l’activité missionnaire est la leur, les fidèles ouvrent leur coeur aux besoins immenses et profonds des hommes et puissent leur venir en aide.

La coordination des informations et la coopération avec les organes nationaux et internationaux s’imposent aussi.

1 Cf. Ep 4, 13.
2 Cf. Is 11, 12.
3 Cf. Conc. Vat. II, décret sur l’oecuménisme, Unitatis Redintegratio, n. 12, AAS 57 (1965), p. 99. (Voir plus haut p. 198.)
4 Cf. Ac 16, 9.


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