Catéchèses Paul VI 28268

28 février 1968 : CAREME ET RENOVATION SPIRITUELLE

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Chers Fils et Chères Filles,



Aujourd'hui, Mercredi des Cendres, commence le Carême ; c'est une importante période liturgique qui se déploie avec une ampleur de formes, de prières, de rites, de pratiques ascétiques nombreuses, toutes choses que la voix du Concile recommande d'une façon particulière à l'estime de l'Eglise (cf. Sacrosanctum Concilium
SC 109 SC 110).


Enseignement de la liturgie


Cette recommandation Nous vous l'adressons aussi, chers visiteurs, en recourant, avant tout, à cette affirmation qui a valeur de principe général pour la vie chrétienne : « La liturgie de l'Eglise renferme une réserve énorme de pédagogie humaine, d'orientation chrétienne, de maîtrise de vie, et jusqu'à maintenant, on a usé de cette réserve d'une façon imparfaite » (Jungmann).

La liturgie nous apprend à vivre, elle nous fait vivre en hommes et en chrétiens, à condition qu'on la comprenne et qu'on y participe. Nous pourrions rappeler comment et avec quelle force elle nous oriente vers Dieu, comment elle nous unit au Christ, comment elle nous donne le « sens de l'Eglise ». Nous pourrions facilement voir reflétées dans la célébration de la liturgie les pensées qui ont guidé nos entretiens hebdomadaires sur l'Eglise, sur la foi, et dernièrement sur le laïcat catholique. La liturgie est la vie du Corps Mystique en acte. Bien sûr, la vie spirituelle ne se limite pas à la participation à la liturgie (cf. Sacr. Conc. SC 12), mais celle-ci « est la source première et indispensable à laquelle les fidèles doivent puiser un esprit vraiment chrétien » (ibid. SC 14).


Prière, pénitence, parole de Dieu


Quels sont les termes de la liturgie de carême ? Ils sont très nombreux, tissent un long poème qui, à la fin, devient drame, tragédie et enfin triomphe dans la célébration du mystère pascal. Dans la liturgie du carême, comme dans une catéchèse, nous pouvons trouver différents thèmes, et d'abord le thème de la véritable condition humaine. Celle-ci nous est présentée à contre-jour, dans la lumière de Dieu qui, en se projetant sur l'homme, sa créature et son chef-d'oeuvre, fait apparaître ses ruines, son inquiétude, son partage entre la chair et l'esprit, sa déformation, son besoin de restauration et en même temps son incapacité de la réaliser, sa misère foncière, c'est-à-dire son péché et donc la nécessité pour lui d'être sauvé, racheté, appelé à une vie nouvelle. Cette triste réalité constitue la trame des autres thèmes de Carême. Une place primordiale y est donnée à la prière naissant d'une conscience affligée et humiliée que seule l'espérance dans le Christ sauveur et médiateur préserve du désespoir, préserve de ce cynisme, de ce vertige de l'absurde et de l'anarchie dans lesquels se manifeste souvent, de nos jours, la phénoménologie de l'esprit moderne. Et la prière s'accompagne de la pénitence, qui est l'expression d'une profonde amertume intérieure éprouvant le besoin de se traduire en signes extérieurs de repentir et d'expiation. Nous savons que le jeûne du Carême interprétait avec une sévérité réaliste ce besoin de la conscience convaincue de sa condition pécheresse. Or à l'exception du Mercredi des Cendres et du Vendredi-Saint, le jeûne n'est plus obligatoire (cf. Paenitemini, 2, 3). Mais l'obligation de la pénitence, à laquelle la liturgie du Carême nous exhorte tellement, demeure toujours et pour tous.

Autre terme de cette liturgie : la parole de Dieu. Il faut l'écouter d'abord dans un esprit de pénitence, mais tout de suite après nous est donné le premier élément de l'économie du salut: c'est dans la Parole de Dieu que nous est donnée l'annonce de la foi, de la miséricorde, des moyens de régénération qui nous sont offerts et d'abord le baptême. Les éléments baptismaux caractérisent la liturgie du carême ; ils imprègnent sa catéchèse, tant orale que rituelle. Nous rappeler notre baptême, c'est nous rappeler que nous sommes chrétiens, comment et pourquoi nous le sommes. Le Christ nous apparaît alors comme le centre de cette pédagogie liturgique ; non pas un Christ idéalisé et vague, mais le Christ dans la double réalité de son apparition historique se terminant par sa passion et sa résurrection ; et le Christ dans la réalité de sa mission de salut. En nous faisant participer sacramentellement à sa vie humaine et divine, il nous donne une vie nouvelle : la grâce, l'Esprit-Saint qui nous rend vivants et chrétiens.

Tel est le cadre du Carême. Nous ne devons pas l'oublier ; nous ne devons pas nous contenter de jeter sur lui, du dehors, un regard distrait et fugitif. La pédagogie liturgique est existentialiste, pourrait-on dire ; elle tend à devenir une réalité humaine, personnelle, à attirer chacun de nous par son charme salutaire qui nous montre le caractère illusoire de tant d'autres charmes des sens et du monde et qui nous porte à vivre dans la réalité du Christ.

Que ferons-nous pendant ce carême qui commence aujourd'hui ? A vous de répondre à cette question, mais Nous avons confiance que votre réponse sera consciente et courageuse, comme vous y encourage Notre Bénédiction Apostolique.





13 mars 1968 : LE VRAI VISAGE DE L'EGLISE

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Chers Fils et Chères Filles, Nous saluons nos visiteurs, spécialement les groupes de jeunes, par cette question : quelle est votre impression intime, en vous trouvant réunis dans cette basilique ? Nous ne parlons pas de l'impression esthétique que chacun peut éprouver devant cette église monumentale dont la richesse historique et artistique n'est pas toujours facilement perçue, mais plutôt du rapport subjectif existant entre vous dans ce temple. Vous sentez-vous, ici, comme des hôtes de passage, des étrangers, des touristes qui visitent un musée, intéressant certes, mais sans rapport avec la vie ; ou bien vous sentez-vous ici chez vous, comme si cette basilique avait été construite spécialement pour vous, pour vous accueillir et vous parler, pour susciter en vous des sentiments de foi, de piété, d'unité ? Et cette question, qui se pose ici plus nettement que partout ailleurs, nous l'appliquerons à l'Eglise en général, à la société religieuse de ceux qui croient et qui prient, cette société que nous appelons spécialement l'Eglise : quelles sont vos dispositions par rapport à elle ? Si vous êtes baptisés, si vous êtes catholiques — vous le savez — vous appartenez à l'Eglise, vous êtes membres de cette société religieuse à la fois visible et spirituelle qui constitue le « Corps Mystique » du Christ. Eh bien, permettez-moi d'insister, quelle conscience avez-vous de l'Eglise ?


L'Eglise est-elle incompréhensible pour le monde d'aujourd'hui?


Est-il facile de répondre à cette question ? Non, ce n'est pas facile, parce que si vous vous demandez quelle idée vous vous faites de l'Eglise, vous vous heurtez tout de suite à cette difficulté que l'Eglise se présente revêtue d'images, de formes, de signes peu compréhensibles. Que signifient ses rites, ses vêtements, ses paroles, ses ministres, ses formes de vie ? Il semble que l'Eglise parle un langage incompréhensible. On regarde, on écoute, mais si l'on ne comprend pas, où est l'intérêt ? L'Eglise donne, elle-même, l'impression d'être étrangère à son temps. On la juge comme un phénomène anachronique d'une autre époque. Ou bien on la juge faite pour un petit nombre d'initiés, excluant, comme l'antique temple païen (odi profanum vulgus, et arceo), le peuple et par dessus tout la jeunesse, tout entière tendue vers d'autres objectifs, vers d'autres intérêts, fort compréhensibles et attrayants. On dit volontiers : l'Eglise, qui intéresse-t-elle ? Elle est un monde fermé à la mentalité de notre temps. Et ce sentiment, qui la rendrait étrangère au monde, ne s'accompagne-t-il pas facilement de défiance, d'hostilité, d'antipathie, ou du moins d'indifférence ? Il est tellement facile d'adopter la mentalité laïque pour échapper à certains grands problèmes religieux et moraux ! Il est plus facile de ne pas croire que de croire.

Eh bien ! la visite que vous faites à cette basilique, image de l'Eglise, et à celui qui vous y accueille, le Pape, vous invite et vous aide à réfléchir. Oui, c'est vrai, tout ce que l'on voit ici n'est pas facilement compréhensible : tout cela est difficile. Mais il est également vrai que tout ce que l'on voit ici a une signification. Tout est signe, tout est symbole ; tout parle ; tout incite à s'élever au dessus du monde sensible, et pour cela il faut de l'intelligence. Cette observation devrait déjà suffire à vous inspirer (spécialement à vous, étudiants, qui en êtes à la période de formation de votre pensée) un peu de respect et de sympathie. Il y a beaucoup à découvrir ici, abondante matière à réflexion et, si vous voulez faire appel à votre intelligence, vous devrez vous dire que l'Eglise — aussi bien cette construction matérielle que ce mystérieux édifice spirituel qu'elle constitue — est une grande invitation, un grand stimulant à penser, à comprendre, à aller au-delà de l'expérience sensible et scientifique pour élever la raison vers des conquêtes plus hautes que seules la parole révélée de Dieu et la foi qui y correspond peuvent atteindre. Le premier degré de la conscience ecclésiale n'éloigne donc pas la mentalité moderne, si celle-ci veut se caractériser par le développement de l'intelligence humaine, mais il se rencontre avec elle et il l'élève vers des sommets bien dignes d'elle.

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Dans l'Eglise chacun est chez soi


Le cadre sensible et spirituel qui nous entoure nous appelle à d'autres hauteurs auxquelles nous pouvons facilement accéder à condition que nous y prêtions attention. Celui-ci par exemple : pour qui est fait, pour qui est présent ce que j'observe ici ? Chacun peut répondre d'un coeur tranquille : pour moi. Oui, dans l'Eglise (Nous passons toujours de la signification sensible de l'Eglise, construction matérielle, à sa signification spirituelle de société de croyants), chacun est aimé. Celui qui entre dans l'Eglise entre dans une atmosphère d'amour. Que personne ne dise: je suis ici étranger. Mais que chacun dise : je suis ici chez moi. Si je suis dans l'Eglise, je suis dans la charité. Ici je suis aimé, parce que je suis attendu, accueilli, respecté, instruit, entouré de soins, préparé à cette rencontre inestimable, la rencontre avec le Christ, qui est la voie, la vérité et la vie. Pour rencontrer vraiment le Christ, il faut l'Eglise. Et si votre attention se fait plus vive, vous vous entendrez peut-être appelés par votre nom ; oui, par votre nom personnel, parce que, dans l'Eglise, le Christ engage avec ceux qui le suivent un dialogue mystérieux, un dialogue qui ne trompe pas. L'Eglise est le bercail du Christ où le Bon Pasteur, comme dit l'Evangile, fait entendre sa voix. L'Eglise est l'auditoire du Christ. Tout fidèle peut y percevoir le sens et la valeur de son existence, s'y sentir appeler à une mission qui lui est propre, à une destinée, à la fois humaine et surhumaine.

Arrêtons ici ce simple discours, mais non sans répondre à la question que nous avons posée au début. L'impression que vous devez emporter de cette audience, c'est que vous êtes placés à un des niveaux les plus heureux pour contempler le panorama de la vie et pour rencontrer celui qui l'illumine tout entière : le Christ Nôtre-Seigneur.

C'est en son nom, très chers fils, que, de tout coeur, Nous vous bénissons.






19 mars 1968 : BIENFAITS DE LA FOI ET DEVOIRS QU'ELLE IMPOSE

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A l'issue de la messe qu'il a célébrée dans la basilique Saint-Pierre, à l'occasion de la -fête de Saint Joseph, le Saint-Père, ayant d'abord salué longuement un pèlerinage de 6500 piémontais, s'est adressé à l'ensemble de l'assistance pour traiter un des aspects de la vertu de foi.



Chers Fils et Chères Filles,



Et maintenant que vous dire ? Notre coeur déborde de sujets qui mériteraient de longs développements. Mais Nous devons Nous borner à des paroles très simples et très brèves. En effet, Nous ne voulons pas perdre l'occasion que Nous offre un auditoire exceptionnel comme le vôtre.

Nous vous invitons à fixer votre pensée sur deux questions. Et d'abord, que pouvons-nous recevoir de la foi ? Que nous donne-t-elle ? Cette question correspond à l'esprit utilitaire qui caractérise notre temps. On parle toujours de valeurs. Notre mentalité est déterminée plus par ce qui vaut que par ce qui est; dans le domaine religieux, plus par ce qui vaut que par ce qui a sur nous des exigences et qui mériterait d'être considéré en tout premier lieu, parce que correspondant à nos intérêts supérieurs. A quoi sert la foi ?


Un obstacle ?...


Vous savez combien sont irréfléchies et négatives les réponses que tant de gens donnent à cette question. Certains répondent, avec un simplisme désastreux : elle ne sert à rien. D'autres (et ils sont nombreux) raisonnent d'une façon plus dangereuse encore et répondent : non seulement la foi ne sert pas à l'homme moderne, mais elle est un obstacle à sa libération, elle freine sa recherche scientifique, elle oblige à respecter un passé que l'on voudrait oublier et ensevelir, elle oblige à des pratiques rituelles incompréhensibles et inutiles, etc. N'est-ce pas ainsi que l'on pense dans beaucoup de milieux, dans le monde du travail comme dans celui de la culture ou des affaires ? Oui, hélas ! Mais cette mentalité est-elle raisonnable ? Pourquoi ne pas croire ? Et ici se pose un problème grave et délicat, celui de la nature de la foi, de sa genèse et de son aspect le plus mystérieux, bien qu'il soit le plus beau: la foi est un don de Dieu ; son développement implique donc une double liberté : la liberté très haute de Dieu et notre liberté personnelle. La seule évocation de cet aspect de la foi nous invite à courber humblement la tête, en repensant à cette parole de saint Paul : malheureusement, « tous n'ont pas obéi à l'Evangile » (
Rm 12,16).

La foi est offerte à tous, mais tous ne l'accueillent pas. Cependant, compte tenu de cette possibilité attristante que la foi soit rejetée, nous pouvons franchement porter un jugement de valeur sur la foi. A quoi sert la foi ? Que nous donne-t-elle ? Rappelez-vous, Frères et Fils très chers, la réponse que chacun de nous, en recevant le baptême, a donné au ministre qui nous demandait : « Que vous donne la foi ? », « la vie éternelle », avons-nous répondu. Si cette réponse est vraie — et elle l'est — quel bien plus désirable et plus grand peut être promis à la foi ? Ici les apologistes devraient parler et nous dire tous les biens que la foi nous donne, non seulement dans la vie éternelle, mais aussi dans la vie terrestre. Nous laissons ce bilan à votre réflexion.


... Ou une certitude


Qu'il suffise de dire que la foi assure à l'homme cette confiance dans la pensée, dans la vérité, que l'esprit humain laissé à lui-même (après avoir accusé la foi d'illogisme) ne trouve plus en lui. La foi est la lumière de la vie et s'il ne lui appartient pas de résoudre les problèmes de la spéculation scientifique et philosophique, loin de mettre obstacle à leur solution rationnelle, elle leur apporte la certitude de ses enseignements supérieurs. La foi est le réconfort de la vie. Et quelle serait l'attitude de l'homme devant les interrogations les plus graves sur notre destinée si la foi ne nous gardait pas de la folie ou du désespoir ?

Frères et Fils très chers, ici sur la tombe de l'Apôtre, allumons à nouveau la flamme faiblissante ou éteinte de notre foi, dans la certitude définitive que le Christ a établi un rapport entre sa parole et la vie : celui qui croit, vivra (cf. Jn 6,47).


Vivre par la foi


Réfléchissez maintenant sur la deuxième question : que pouvons-nous donner à la foi ? Avoir et donner : notre bilan sur la foi s'établit en ces deux termes. Mais quels termes immenses ! S'il ne nous est pas possible de faire le calcul des bienfaits que nous recevons de la foi, il nous est difficile de faire le calcul des devoirs auxquels la foi nous oblige. Vous les connaissez heureusement et vous les accomplissez déjà. Ils se résument dans cette phrase bien connue de l'apôtre Paul : « Le juste vivra par la foi » (Ga 3,11). Par la foi et non pas seulement avec la foi, remarquez-le bien. C'est-à-dire que le croyant doit tirer de sa foi les principes qui inspirent sa vie.

Il faut donc connaître la foi et l'assimiler par un processus continuel d'osmose spirituelle : elle doit imprimer à la personnalité de celui qui la possède une authenticité caractéristique, celle précisément du fidèle qui, après s'être imprégné de la certitude, de la beauté, de la profondeur, de la force normative de la foi, l'exprime, la professe, la défend, la vit et en témoigne !






27 mars 1968 : ANNIVERSAIRE DE « POPULORUM PROGRESSIO »

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Chers Fils, et Chères Filles,



Votre visite trouve notre esprit occupé par une pensée dont il Nous paraît bon de vous faire part, comme à des fils. Il y a un an (l'anniversaire exact était hier, le 26 mars), Nous publiions la lettre encyclique « Populorum progressio », adressée à l'Eglise et au monde entier, pour attirer l'attention de tous sur un fait caractéristique et capital de notre temps : la nouvelle conscience que les peuples prennent de leur besoin de progrès. Il s'agit là d'un réveil qui semble découvrir une loi générale de l'humanité, celle d'être plus, de posséder plus, de profiter davantage des biens que la vie et le monde mettent à la disposition de l'homme.

Cette idée de progrès n'est pas nouvelle pour les nations déjà évoluées et développées. Elle constitue même pour elles une de ces formules magiques et mythiques dans lesquelles l'homme se complaît et qu'il porte aux nues, comme si elle était une religion, une conception très élevée des temps nouveaux. Mais l'idée de progrès a gagné les populations qui stagnaient dans leur état primitif ou dont la civilisation restait imparfaite. Ce sont les populations qui étaient privées des prodigieuses ressources économiques et sociales apportées par les découvertes scientifiques (pensons, par exemple, à l'électricité) et par l'application des ressources de la nature à la machine, ce puissant auxiliaire du travail humain qui multiplie son rendement, en même temps qu'il diminue sa peine. Alors une inquiétude énorme a soulevé et continue de soulever ces populations. Elles ont pris conscience de leur besoin, de leur droit de passer de leur niveau de vie modeste et souvent misérable à un niveau de vie plus élevé, plus riche, plus digne, plus humain. Cette aspiration reste entière ; elle fermente dans la majeure partie de l'humanité, où elle produit les effets multiples que chacun connaît : le désir d'indépendance, politique d'abord, économique et culturelle ensuite, mettant en évidence les conditions parfois très tristes de ces peuples neufs qui souffrent de la faim, de la maladie, de l'ignorance, de leur incapacité de sortir de cet état par leurs propres moyens. Sensibilisés comme ils le sont à tout ce qui évoque le colonialisme, il arrive parfois qu'ils ne reconnaissent même pas les avantages que l'époque coloniale leur a apportés. Ils mesurent ainsi le degré de leur infériorité devant les peuples développés et ils éprouvent un sentiment de rébellion contre toute forme de tutelle de la part des peuples riches, un sentiment d'hostilité pour ce bien-être même, que d'autres produisent parmi eux et qui reste encore l'apanage de quelques-uns, étrangers ou indigènes, pour leur profit presque exclusif.


Le problème se pose maintenant au plan international


La plupart du temps, ce sont les larmes et la colère qui caractérisent la psychologie de ces peuples jeunes. Ils souffrent d'un mal nouveau, qui d'abord passait inaperçu et qui aujourd'hui est devenu intolérable : l'humiliante inégalité économique et sociale qui les sépare des peuples favorisés.

C'est là un problème crucial et mondial. Avec lui la question sociale qui se posait au sein des différentes sociétés, se pose maintenant sur le plan international et s'étend à l'humanité tout entière. C'est aux relations internationales que s'applique maintenant la justice sociale, qui tend à instaurer une répartition plus équitable de la richesse et de la culture entre les différentes classes d'une société, en sorte que personne ne jouisse d'une façon exagérée et égoïste des biens temporels, alors que d'autres souffrent d'en être privés. Et alors on comprend l'ampleur et l'importance des problèmes posés par le progrès moderne, aujourd'hui où chaque peuple a acquis la notion de cette justice sociale et la revendique pour lui d'une façon qui, sous tant d'aspects, est légitime.


L'apport irremplaçable de l'Eglise au problème


L'Eglise peut-elle se désintéresser de ce gigantesque aspect de la vie des hommes d'aujourd'hui ? Il ne lui appartient certainement pas de s'occuper de la solution technique des problèmes économiques et politiques posés par l'admission des peuples en voie de développement à un niveau de vie suffisant et à la dignité légitime. Mais ces problèmes trouvent leur logique et leur force humaine dans une conception de la vie des hommes que seule la religion peut donner. La religion en effet, et la religion chrétienne tout spécialement, voit dans le progrès humain une intention divine : Dieu a créé l'homme pour qu'il domine la terre, et pour que la terre profite à tous d'une façon ordonnée. La religion donne un fondement de justice aux revendications des non-possédants lorsqu'elle rappelle que tous les hommes sont fils d'un même Père céleste, et donc frères. Seule la religion peut rappeler au riche qu'il est l'intendant de ses biens et non leur maître despotique, et que les fruits de ses biens doivent, dans une mesure équitable, profiter à celui qui en a besoin. La religion catholique, la nôtre, proclame la loi suprême de la charité, de cette charité qui sait voir les souffrances et les besoins du prochain et qui incite à secourir les autres, sous la libre et douce impulsion de l'amour. La religion du Christ, dont le principe et la fin en ce monde sont le bon ordre, l'équilibre, la concorde des hommes, rappelle que le développement des peuples est le nom actuel de la paix.


Réponses à trois critiques faites à l'Encyclique


Pouvions-Nous Nous taire devant cet état de choses ? Non. Et c'est pourquoi Nous avons parlé.

Nos paroles ont semblé à certains sévères et injustes à l'égard des systèmes économiques qui par eux-mêmes ne tendent pas à créer des conditions égales entre les hommes, parce qu'ils favorisent les uns et condamnent les autres à un état permanent d'infériorité. Notre intention n'était certainement pas de méconnaître les termes naturels des processus économiques, ni d'offenser leurs promoteurs, lorsque Nous disions que dans une perspective qui ne soit pas partielle ou égoïste, mais globale et humaine, ces processus s'insèrent dans les exigences du bien commun.

Il a semblé à d'autres qu'en dénonçant, au nom de Dieu, les très graves besoins dont souffre une si grande partie de l'humanité, Nous ouvrions la voie à ce que l'on appelle la théologie de la révolution et de la violence. Une semblable aberration était bien éloignée de Notre pensée et de Nos paroles. Combien différente est l'activité positive, courageuse et énergique qui est nécessaire, dans de nombreux cas, pour instaurer de nouvelles formes de progrès social et économique.

Il a également semblé à beaucoup, et peut-être aussi à vous qui Nous écoutez, qu'une question aussi complexe et immense que celle qui consiste à promouvoir le progrès des peuples avec équité et résolution, n'était du ressort ni des individus, ni des initiatives privées, ni de celle des corps intermédiaires. Certes, cette question relève de ceux qui ont entre leurs mains le sort de la politique générale et des relations internationales. Cependant, elle peut et elle doit retenir l'attention de tous. Elle doit intéresser l'opinion publique, elle doit entrer dans la mentalité de tous, elle doit être un problème de conscience pour tout chrétien. Avec les communications modernes, même celui qui est très loin est devenu notre prochain. Et partout où sévit la faim, la misère, partout où les hommes ne peuvent pas mener une vie libre et digne, notre charité est sollicitée.

Lorsque vous aidez les missions, lorsque vous contribuez à soulager la faim dans le monde, lorsque vous soutenez les oeuvres en faveur de l'alphabétisation etc., vous répondez à l'appel de la charité universelle qui aspire au juste progrès des peuples.

Nous avons voulu vous rappeler ce grand sujet qui préoccupe l'Eglise et qui fait l'objet de l'intelligente et fervente activité de Notre Commission postconciliaire « Justice et Paix », afin que vous sachiez combien le coeur de l'Eglise est ardent aujourd'hui. Et si le vôtre bat à l'unisson du sien, Notre Bénédiction Apostolique vous est assurée.




3 avril 1968 : LE TEMOIGNAGE DE PIERRE GARANTIE DE LA FOI

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Chers fils et chères filles, et vous surtout, chers étudiants qui aujourd'hui avez la première place dans cette grande audience et vers qui se tourne Notre pensée, Nous aurions tant de choses à vous dire ! Si Nos paroles doivent être simples et brèves elles n'en demeurent pas moins importantes, en raison de votre formation intellectuelle, et aussi de celle de Nos autres auditeurs. Nous vous poserons une question : avez-vous compris le sens du nom symbolique de Pierre donné par Jésus à son principal disciple, Simon, fils de Jonas : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise » (
Mt 16,18), c'est-à-dire la société de ceux qui croient en moi et sont rassemblés en mon nom autour de toi et dont tu es le fondement ? L'idée que Jésus voulait exprimer est claire tout en étant extrêmement complexe et profonde pour celui qui veut bien y réfléchir : c'est l'idée de la solidité, de la fixité, de la permanence, Nous dirons même de l'immobilité. Simon, fils de Jonas, était un homme bon, mais — d'après ce que nous connaissons de lui — enthousiaste, changeant, généreux et timide. En lui donnant le titre, le don, le charisme de la force, de la solidité, de la résistance, de la constance, qui sont les qualités de la pierre, du rocher, Jésus associait le message de sa parole à la force nouvelle et prodigieuse de cet apôtre, lequel devait avoir — lui et ses légitimes successeurs — la mission de témoigner, avec une assurance sans pareille, ce message que nous appelons l'Evangile.


Le temps peut-il engendrer puis détruire la vérité ?


Pensez-y : Nous nous trouvons ici sur la tombe de Simon devenu Pierre. Nous expérimentons la vérité de la parole de Jésus : c'est ici qu'est cette pierre (image découlant de celle de la pierre d'angle, centre, fondement, force de tout le christianisme, et qui est le Christ lui-même) ; et cette pierre, elle est encore ferme, solide, sûre. C'est là un merveilleux prodige historique, psychologique, théologique : c'est la preuve — que nous pouvons appeler expérimentale — de la réalité d'une autre parole prophétique et solennelle de Jésus : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas » (Mt 24,35). Et, sous un aspect pédagogique et idéologique, cette réalité singulière revêt une importance toute spéciale, pour vous très chers fils, étudiants ou chercheurs, qui par fonction vous efforcez de mettre en lumière la vérité. Qu'est ce que l'étude sinon la recherche d'une vérité grande, belle, merveilleuse ? Mais que vous dit sur ce point l'esprit moderne, y compris l'esprit scientifique ? Il vous dit que la vérité n'est ni immobile, ni définitive, ni sûre ; à tel point qu'aujourd'hui les études se définissent comme une recherche de la vérité plutôt que comme une possession et une conquête de la vérité. En effet, tout change, tout progresse, tout se transforme. La pensée humaine est caractérisée par son mouvement, par son processus historique, par ce que l'on appelle l'historicisme érigé en système, allant jusqu'à faire du temps l'élément qui engendre puis dévore les vérités, au fur et à mesure que l'école les enseigne. La « chronolâtrie » domine la culture, et le résultat c'est qu'il n'y a plus rien de certain, rien de stable, rien qui soit digne d'être accepté et cru comme valeur à laquelle on puisse se confier pour donner une orientation et un sens à la vie.


L'« aggiornamento » consiste-t-il à altérer la doctrine traditionnelle ?


Ce phénomène envahit également la religion, que beaucoup voudraient soumettre à une révision radicale, en essayant de la dépouiller des dogmes, c'est-à-dire des enseignements qui semblent dépasser par le progrès scientifique et sont incompréhensibles à la pensée moderne. Lorsque l'on essaie de donner à la religion catholique une expression plus conforme au langage actuel et à la mentalité courante, c'est-à-dire de mettre à jour l'enseignement de la religion, il est malheureusement fréquent que l'on bouleverse sa réalité intime. On cherche à rendre l'enseignement de la religion « compréhensible ». Pour ce faire, on change d'abord les formules dont l'Eglise enseignante l'a revêtu et avec lesquelles elle l'a, pour ainsi dire, scellé, afin de lui permettre de traverser les siècles en demeurant lui-même. Et puis, ensuite, on altère le contenu même de la doctrine traditionnelle en la soumettant à la loi dominante de l'historicisme transformateur. Alors la parole du Christ n'est plus la vérité immuable, toujours identique et pareille à elle-même, toujours vivante, lumineuse, féconde, même si souvent elle dépasse notre compréhension rationnelle ; elle se réduit à une vérité partielle, comme les autres, que l'esprit mesure et modèle selon ses propres limites, en étant tout prêt à lui donner une autre expression, à la génération suivante, selon un libre examen qui lui enlève toute objectivité et toute autorité transcendante.


Telle n'était pas la pensée de Jean XXIII en convoquant le Concile


On objectera que le Concile a amorcé et autorisé cette façon de traiter l'enseignement traditionnel. Il n'y a rien de plus faux. Rappelons-nous les paroles de Jean XXIII, Notre vénéré Prédécesseur, l'« inventeur », si l'on peut s'exprimer ainsi, de cet « aggiornamento » au nom duquel on ose infliger au dogme catholique des interprétations dangereuses et parfois hasardeuses. Dans son célèbre discours d'ouverture du II° Concile oecuménique du Vatican, le Pape. Jean a proclamé que celui-ci devait réaffirmer toute la doctrine catholique, « sans rien en soustraire », bien qu'il doive rechercher la façon la meilleure — et correspondant le mieux à la maturité des études modernes — de donner à cette doctrine une expression moderne plus adéquate et plus profonde (cf. A.A.S. 1963, 791-792). De sorte que la fidélité au Concile, nous encourage, d'une part à une étude nouvelle et attentive des vérités de la foi, et d'autre part nous ramène au témoignage sans équivoque, permanent et consolateur de Pierre, dont Jésus a voulu que la voix infaillible garantisse au sein de l'Eglise la stabilité de la foi, comme pour défier l'inconstance arbitraire et l'usure du temps.

C'est pourquoi, très chers Fils et Filles, qui venez déposer sur la tombe de l'inébranlable Pierre l'acte confiant et filial de votre adhésion à la vraie foi catholique, vous sentez, en même temps, la force qui émane de sa stabilité et qui soutient, en notre siècle également, la vitalité toujours féconde et joyeuse de la parole du Christ. Et afin que ne vous manque pas cette double expérience spirituelle si merveilleuse, Nous vous donnons, à tous et de tout coeur, Notre Bénédiction Apostolique.





10 avril 1968 : MEDITATION SUR LA LITURGIE DE LA SEMAINE SAINTE

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Chers Fils et Chères Filles,


Nous vous saluons tous, en vous considérant comme participant avec Nous aux cérémonies de la Semaine Sainte dont la célébration est si importante. Non seulement cette semaine évoque le souvenir de la mort et de la résurrection du Seigneur, mais elle renouvelle l'efficacité de l'oeuvre rédemptrice du Christ. Elle actualise le mystère pascal de la façon la plus authentique ; elle le reflète dans sa liturgie, elle le reproduit dans son efficacité divine ; elle le rend accessible aux fidèles qui veulent vivre des exemples et de la grâce du Christ ; elle constitue, dans le cours du temps, le moment le plus rempli de la présence du Christ parmi nous, et dans le cours de l'année l'heure centrale vers laquelle tend et de laquelle part toute l'activité liturgique de l'Eglise. Elle concerne le Christ mort et ressuscité ; mais elle concerne aussi chacun de nous, parce que chacun de nous doit mourir et ressusciter avec le Christ. C'est pour nous que le Christ a vécu le drame de la Rédemption ; c'est avec nous qu'il veut la revivre. Ne laissons pas passer la fête de Pâques sans nous pénétrer de sa réalité et de ses exigences.

Nous savons que beaucoup d'entre vous sont actuellement à Rome en visiteurs, en touristes, pour admirer les souvenirs et les monuments de la Ville éternelle, pour faire une excursion de printemps, voir un peu de soleil et de ciel bleu. Mais Nous voulons croire qu'aucun de vous ne manquera de réserver quelque pensée à la Semaine Sainte et, si possible, quelques instants pour assister aux grandes cérémonies religieuses des églises romaines. Si vous êtes touristes, vous marchez, le guide en main, pour tout bien voir et tout bien connaître ; de même, Nous voudrions, d'une façon sommaire, vous indiquer certains aspects de ces cérémonies auxquelles Nous vous exhortons à participer, afin que vous les compreniez mieux et que vous y assistiez avec plus de fruit.


Aspect historique


Le premier aspect est celui que nous pourrions appeler l'aspect historique, c'est-à-dire le caractère d'évocation que revêtent ces cérémonies. Elles se réfèrent aux derniers jours de la vie temporelle du Christ, comme chacun le sait. Mais en les replaçant, à nouveau devant nos yeux, l'Eglise veut réveiller, préciser ces souvenirs, retenir notre attention. Ce n'est pas sans raison que le récit de la passion est répété quatre fois pendant la Semaine Sainte. Et les trois derniers jours sont caractérisés par un fait dominant, particulier à chacun : le Jeudi-Saint par la Cène pascale, qui devient la Cène Eucharistique ; le Vendredi-Saint par le procès, la crucifixion et la mort du Seigneur ; le Samedi-Saint par le souvenir de sa sépulture, avant d'arriver à la nuit de la résurrection pascale. La seule évocation de ces événements est déjà attirante par elle-même, et il n'est pas difficile d'en faire la première méditation, même si elle est uniquement descriptive.


Les personnages du drame


La seconde méditation porte sur les personnages du drame. Chacun d'eux est typique et représentatif. L'action dans laquelle ils se trouvent engagés, les uns et les autres, soit dans la passion, soit dans l'événement pascal, prend un relief impressionnant. L'humanité s'y révèle sous son jour le plus intéressant ; la psychologie éternelle des hommes nous y apparaît, non pas certes avec la majesté et la subtilité, souvent trop recherchées, des scènes célèbres du théâtre classique et du cinéma moderne, mais avec une sincérité et un naturel sans pareils, au point que l'on est tenté de répéter : voici l'homme. Cette exclamation fut prononcée par Pilate, à propos de Jésus. Et si nous arrêtons notre attention sur sa personne, quelle stupeur, quel attrait, quel trouble, quel amour envahissent les âmes attentives et fidèles ! La passion du Christ est la révélation la plus profonde et la plus exacte qui nous soit donnée de lui. Pensons, par exemple, aux paroles de Pierre qui se refuse au geste d'humilité de Jésus, penché devant lui pour lui laver les pieds : « Toi, Seigneur, me laver les pieds ! » (
Jn 13,6). Que n'y a-t-il pas dans ce « toi » ! Et, au terme de la tragédie la parole du Centurion : « Vraiment celui-ci était le Fils de Dieu ! » (Mt 27,54). Mais pensons surtout au double témoignage de Jésus qui affirme être le Christ, Fils de Dieu (Mt 26,64), au cours du procès religieux ; et être le roi de l'histoire messianique, pendant le procès civil (Jn 18,37), témoignages à cause desquels il sera crucifié. Les fidèles, les saints, s'efforcent d'explorer dans toute sa profondeur la psychologie de Jésus, et ils ne peuvent qu'en être enivrés d'émerveillement et d'amour.


Les raisons du drame


Puis la méditation devient plus large, plus profonde, plus théologique, plus cosmique, lorsqu'elle s'interroge sur les raisons de ce drame divin. Les lectures, spécialement celles de la vigile pascale, nous introduisent dans ce mystère où le péché de l'homme se rencontre avec la justice et la miséricorde de Dieu, où « la mort et la vie s'affrontent en un duel prodigieux » (Séquence pascale), et où la victoire du Christ ressuscité se présente comme une source de notre salut et prototype de la vie chrétienne.

Notre contemplation doit faire encore un pas de plus: celui de l'expérience émotive, dramatique et aimante de cette histoire, de cette célébration. Dans les magnifiques répons de l'office de matines des trois grandes journées qui précèdent Pâques, nous trouvons, par exemple, les cris les plus nobles et les plus profonds, les plus forts et les plus tendres, les plus violents et les plus doux qu'ait su exprimer l'âme de l'Eglise devant le mystère pascal. C'est dire que ces célébrations non seulement permettent une symphonie de sentiments, mais invitent à ajouter à la contemplation du drame pascal ses notes les plus hautes et les plus émouvantes, où la liturgie de la Semaine Sainte atteint à la beauté suprême.

Il y aurait trop à dire sur ce sujet. Mais sachez seulement que le grand coeur de l'Eglise, et avec lui l'humble coeur du Pape, vibre d'une émotion intense pendant la célébration du mystère pascal, et qu'il invite vos coeurs à vibrer avec lui. C'est à cela que vous encourage et vous exhorte Notre Bénédiction Apostolique.

Salutations:


Chers Fils et Filles de langue française,

A tous et à toutes Nous souhaitons la bienvenue en cette basilique, érigée en l’honneur du Prince des Apôtres, celui qui après avoir prêché la bonne nouvelle de l’Evangile, a donné sa vie en témoignage de Jésus-Christ, le Sauveur des hommes. En vous exhortant à renouveler, en cette Année de la Foi, votre adhésion filiale à ce que l’Eglise catholique croit et enseigne, Nous vous souhaitons une sainte et joyeuse fête de Pâques.

Et maintenant Nous désirons adresser un mot particulier à divers groupes spéciaux présents à cette audience.

D’abord à vous, jeunes universitaires provenant de plusieurs pays d’Europe et réunis sous l’égide de l’«Institut de la Coopération Universitaire» pour étudier ensemble ce que les jeunes d’aujourd’hui attendent de l’Université de demain. Le Concile a donné à ce propos des principes et des lignes de conduite fort opportuns et judicieux et Nous-même, soit personnellement soit par I’entremise de Nos collaborateurs immédiats, avons eu l’occasion à plusieurs reprises, et encore récemment, de les préciser. Nous avons confiance que vous voudrez vous y tenir et trouver là une voie sûre dans votre recherche, pour surmonter la crise actuelle et participer activement à la construction d’un monde plus juste, plus humain et plus fraternel.

C’est à vous ensuite, chères Filles qui participez ces jours-ci à Rome aux «Jeux internationaux» organisés par la «Fédération internationale sportive de l’Enseignement catholique», que Nous adressons la bienvenue. Le sport, Nous-même à la suite de Nos Prédécesseurs avons eu mainte occasion de le souligner, permet non seulement d’accroître les capacités physiques et athlétiques de ceux et celles qui le pratiquent, mais contribue encore à leur formation totale, en leur donnant le sens de l’équipe et en les ouvrant aux beautés et aux merveilles de la Création, de l’amitié humaine, de la collaboration franche et saine dans tous les secteurs de la vie.

Et maintenant c’est à vous, lycéennes et collégiennes du diocèse de Strasbourg, accompagnées de vos professeurs et de vos aumôniers, que va Notre salut affectueux et paternel. Puissiez-vous, à l’occasion de votre pèlerinage, découvrir davantage le sens de l’Eglise, de son unité comme de sa catholicité, la mission particulière que le Seigneur lui a confiée, sous la conduite de celui qui est l’humble Successeur de Pierre, pour les hommes de notre temps.

Après Strasbourg, c’est Paris et toute la France que Nous voudrions saluer en la personne des enfants venus à Rome avec le pèlerinage organisé par l’«Enfance missionnaire». A vous chers enfants, et à ceux qui vous accompagnent, Nous voulons exprimer Notre satisfaction pour tout ce que vous avez réalisé en faveur des Missions. Continuez à vous sentir pleinement d’Eglise, en union étroite avec les missionnaires, en apprenant à mieux les connaître, à leur venir en aide matériellement et spirituellement, à ouvrir ainsi vos coeurs et vos esprits à tous vos frères du vaste monde, sans distinction de race ni de couleur.

En dernier lieu Nous saluons le pèlerinage organisé par l’OEuvre belge «Lumière et Charité pour les aveugles». Au sein de cette OEuvre, Nous a-t-on dit, règne la plus parfaite collaboration et un esprit de compréhension mutuelle, malgré la diversité d’origine ethnique et linguistique de ses membres. Chers aveugles, vous le savez, votre cécité ne doit pas vous empêcher d’être pour ceux qui vous entourent et vous côtoient - et dont beaucoup hélas sont aveuglés dans leur coeur et dans leur âme - des témoins de la lumière et de la charité qui nous viennent du Christ, joyeuse clarté du Père et illuminant tout homme venant en ce monde.

A tous et à chacun, chers Fils et Filles, Nous donnerons au terme de cette rencontre, en témoignage de Notre affection paternelle, Notre Bénédiction Apostolique.






Catéchèses Paul VI 28268