Discours 2005-2013 179

RENCONTRE AVEC UNE DÉLÉGATION DE LA MAISON D'ÉDITION "ZNAK" DE CRACOVIE (POLOGNE) Samedi 8 avril 2006

Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie de votre présence, ainsi que des paroles qui viennent de m'être adressées. Je me souviens de nos précédentes rencontres et je suis heureux de pouvoir vous accueillir ici.

Vous représentez le groupe qui existe depuis des années autour de la Maison d'édition ZNAK. Je sais que ce groupe ne se limite pas à l'activité liée à la publication des livres, mais qu'il s'engage dans la promotion de la culture chrétienne, entendue au sens large, et qu'il entreprend également des oeuvres caritatives. Il s'agit d'une contribution précieuse apportée à la formation du visage spirituel de Cracovie, de la Pologne et de l'Eglise.

Je souhaite profiter de cette opportunité pour remercier votre Maison d'édition de la publication de mes livres en polonais. Je suis reconnaissant pour le soin avec lequel ces textes ont été préparés et imprimés.

Vous êtes venus à Rome à l'occasion de l'anniversaire de la mort de mon grand prédécesseur Jean-Paul II. Je sais qu'en tant qu'Evêque de Cracovie, il a déjà fait preuve à l'égard de ZNAK d'une sollicitude particulière. Il est resté fidèle à ce groupe, également lorsque le Providence divine l'a appelé sur le Siège de Pierre. Il a toujours apprécié la participation active des laïcs à la vie de l'Eglise et a soutenu leurs initiatives opportunes. Ce n'est pas un hasard s'il a précisément confié à votre Maison d'édition son dernier livre intitulé "Mémoire et identité". Il a accueilli avec reconnaissance les premiers exemplaires, alors qu'il était hospitalisé à la Polyclinique "Gemelli", peu avant son départ pour la Maison du Père. Je suis certain qu'il continue de nous offrir sa protection et qu'il implore pour vous la Bénédiction et les grâces de Dieu. Je vous demande - pour honorer sa mémoire - de rester fidèles au Christ et à son Eglise. Que votre zèle ne s'éteigne pas en diffusant la culture fondée sur les valeurs éternelles!

180 Encore une fois, je vous remercie de votre visite et je vous bénis de tout coeur: au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.


AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE INTERNATIONALE "UNIV 2006" Aula Paolo VI Lunedì, 10 aprile 2006

Chers amis,

J'adresse un salut cordial à vous tous qui, poursuivant une tradition établie désormais depuis plusieurs années, êtes venus à Rome pour vivre la Semaine Sainte et pour participer à la rencontre internationale UNIV. Vous êtes originaires, comme on peut le voir, de nombreux pays et vous vous intéressez de manière assidue aux activités de formation chrétienne que la Prélature de l'Opus Dei promeut dans vos villes. Je vous souhaite la bienvenue à cette rencontre et je vous remercie de votre visite. Je salue en particulier votre Prélat, Mgr Javier Echevarría Rodríguez, ainsi que le jeune homme qui vous représente, en leur exprimant ma gratitude pour les sentiments manifestés au nom de tous.

Votre présence à Rome, coeur du monde chrétien, vous donne l'occasion, au cours de la Semaine Sainte, de vivre intensément le mystère pascal. Elle vous permet, en particulier, de rencontrer le Christ de manière plus intime, notamment à travers la contemplation de sa passion, de sa mort et de sa résurrection. C'est Lui qui, comme je l'ai écrit dans le Message pour la XXI Journée mondiale de la Jeunesse, oriente vos pas, vos études universitaires et vos amitiés, dans le "va-et-vient" de la vie quotidienne. Pour chacun de vous également, comme ce fut le cas pour l'Apôtre, la rencontre personnelle avec le divin Maître qui vous appelle amis (cf. Jn 15,15) peut être le début d'une aventure extraordinaire: celle de devenir des apôtres parmi les jeunes de votre âge, pour les conduire à vivre votre même expérience d'amitié avec Dieu fait Homme, avec Dieu qui s'est fait votre ami. Chers jeunes, n'oubliez jamais que de la rencontre et de l'amitié avec Jésus dépend, en fin de compte, votre bonheur, notre bonheur.

Le thème que vous approfondissez au cours de votre Congrès, à savoir la culture et les moyens de communication sociale, est selon moi d'un grand intérêt. Nous devons malheureusement constater qu'à notre époque, les nouvelles technologies et les mass media ne favorisent pas toujours les relations personnelles, le dialogue sincère, l'amitié entre les personnes; ils n'aident pas toujours à cultiver l'intériorité de la relation avec Dieu. Pour vous, je le sais bien, l'amitié et les contacts avec les jeunes de votre âge, représentent une partie importante de la vie de chaque jour. Il est nécessaire que vous considériez Jésus comme l'un de vos amis les plus chers, et même le premier. Vous verrez alors comment l'amitié avec Lui vous conduira à vous ouvrir aux autres, que vous considérerez comme des frères, en entretenant avec chacun d'eux un rapport d'amitié sincère. En effet, Jésus Christ est précisément "l'amour incarné de Dieu" (cf. Deus caritas est ), et ce n'est qu'en Lui qu'il est possible de trouver la force pour offrir à nos frères de l'affection humaine et une charité surnaturelle, dans un esprit de service qui se manifeste surtout dans la compréhension. C'est une grande chose que de se voir compris par l'autre et de commencer à comprendre l'autre.

Chers jeunes, permettez-moi de vous répéter ce que j'ai déjà dit aux jeunes de votre âge, rassemblés à Cologne en août de l'année dernière: celui qui a découvert le Christ ne peut pas ne pas conduire d'autres personnes vers Lui, étant donné qu'une grande joie ne doit pas être gardée pour soi, mais être communiquée. Telle est la tâche à laquelle vous appelle le Seigneur; tel est l'"apostolat d'amitié", que saint Josémaria, Fondateur de l'Opus Dei, décrit comme "amitié "personnelle", sacrifiée, sincère: être à tu et à toi, parler à coeur ouvert" (Sillon, n. 191). Chaque chrétien est invité à être l'ami de Dieu et, avec sa grâce, à attirer à Lui ses propres amis. L'amour apostolique devient de cette façon une passion authentique qui s'exprime en communiquant aux autres le bonheur que l'on a trouvé en Jésus. C'est encore Josemaría qui vous rappelle quelques paroles clefs de votre itinéraire spirituel: "Communion, union, communication, confiance: Parole, Pain, Amour" (Chemin, n. 535), les grands mots qui expriment les points essentiels de notre chemin. Si vous cultivez l'amitié avec Jésus, si vous êtes assidus dans la pratique des Sacrements, et en particulier des sacrements de la Pénitence et de l'Eucharistie, vous serez en mesure de devenir la "nouvelle génération d'apôtres enracinés dans la Parole du Christ, capables de répondre aux défis de notre temps et prêts à répandre partout l'Evangile" (Message pour la XXI Journée mondiale de la Jeunesse).

Que la Sainte Vierge vous aide à prononcer toujours votre "oui" au Seigneur qui vous appelle à le suivre, et que saint Josémaria intercède pour vous. En vous souhaitant de passer la Semaine Sainte dans la prière et dans la réflexion, au contact des nombreux vestiges de foi chrétienne présents à Rome, je vous bénis avec affection, ainsi que ceux qui s'occupent de votre formation et toutes les personnes qui vous sont chères.

VIA CRUCIS AU COLISÉE

Vendredi Saint, 14 avril 2006
Chers frères et soeurs,

181 Nous avons accompagné Jésus sur la "Via Crucis". Nous l'avons accompagné ici, sur la route des martyrs, au Colisée, où tant de personnes ont souffert pour le Christ, ont donné leur vie pour le Seigneur, où le Seigneur lui-même a souffert à nouveau à travers tant de personnes.

Et nous avons ainsi compris que la "Via Crucis" n'est pas une chose qui appartient au passé, et à un endroit déterminé de la terre. La Croix du Seigneur embrasse le monde; sa "Via Crucis" traverse les continents et les temps. Dans la "Via Crucis" nous ne pouvons pas être que des spectateurs. Nous sommes interpellés nous aussi, nous devons donc chercher notre place: où sommes-nous?

Dans la "Via Crucis" il n'existe pas la possibilité d'être neutre. Pilate, l'intellectuel sceptique, a cherché à être neutre, à rester en dehors; mais, précisément ainsi, il a pris position contre la justice, pour ne pas mettre sa carrière en péril.

Nous devons chercher notre place.

Dans le reflet de la Croix nous avons vu toutes les souffrances de l'humanité d'aujourd'hui. Dans la Croix du Christ nous avons vu aujourd'hui la souffrance des enfants abandonnés, abusés; les menaces contre la famille; la division du monde due à l'orgueil des riches, qui ne voient pas Lazare devant leur porte, et la misère des nombreuses personnes qui souffrent de faim et de soif.

Mais nous avons également vu des "stations" de consolation. Nous avons vu la Mère, dont la bonté reste fidèle jusqu'à la mort, et au-delà de la mort. Nous avons vu la femme courageuse, qui se trouve devant le Seigneur et qui n'a pas peur de montrer sa solidarité avec cet Homme qui souffre. Nous avons vu Simon de Cyrène, un africain, qui porte la Croix avec Jésus. A travers ces "stations" de consolation, nous avons enfin vu que, de même que la souffrance ne prend pas fin, les consolations aussi ne connaissent pas de fin. Nous avons vu comment, sur la "voie de la Croix", Paul a trouvé le zèle de sa foi et a allumé la lumière de l'amour. Nous avons vu comment saint Augustin a trouvé sa route: de même que saint François d'Assise, saint Vincent de Paul, saint Maximilien Kolbe et Mère Teresa de Calcutta. Et, nous aussi, nous avons ainsi été invités à trouver notre place, à trouver, avec ces saints grands et courageux, la route avec Jésus et pour Jésus: la route de la bonté, de la vérité; le courage de l'amour.

Nous avons compris que la "Via Crucis" n'est pas simplement un succession des choses sombres et tristes du monde. Ce n'est pas non plus, à la fin, un moralisme inefficace. Ce n'est pas un cri de protestation qui ne change rien. La "Via Crucis" est la voie de la miséricorde, et de la miséricorde qui pose une limite au mal: c'est ce que nous avons appris du Pape Jean-Paul II. C'est la voie de la miséricorde et, ainsi, la voie du salut. Et nous sommes ainsi invités à emprunter la voie de la miséricorde et à poser, avec Jésus, une limite.

Prions le Seigneur pour qu'il nous aide, pour qu'il nous aide à être "contaminés" par sa miséricorde. Prions la Sainte Mère de Jésus, la Mère de la Miséricorde, afin que nous aussi nous puissions être des hommes et des femmes de miséricorde et contribuer ainsi au salut du monde; au salut des créatures; pour être des hommes et des femmes de Dieu.

Amen!

CONCERT OFFERT PAR LA VILLE DE ROME

EN HONNEUR DU SAINT-PÈRE

À L'OCCASION DU 2759 "NOËL DE ROME"

Auditorium-Parc de la Musique Vendredi 21 avril 2006
182 Monsieur le Président de la République et éminentes Autorités,
Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs!

J'ai accueilli avec une grande joie l'invitation à assister à ce concert dans le nouvel Auditorium et je me sens le devoir d'adresser un vif remerciement à Monsieur le Maire, qui s'est fait le promoteur de l'initiative. Alors que je le salue cordialement, je lui manifeste également ma sincère gratitude pour les paroles courtoises qu'il m'a adressées au nom de toutes les personnes présentes. Mon salut cordial va ensuite au Président de la République italienne, qui me fait l'honneur d'être présent, avec les autres Autorités ici réunies. J'adresse enfin un remerciement particulier au Professeur Bruno Cagli, Surintendant de l'Académie nationale de "Santa Cecilia", à l'orchestre et au choeur dirigé par le Maître Vladimir Jurowski et à Laura Aikin, soprano, qui ont interprété les célèbres partitions et arias de ce génie musical que fut Wolfgang Amadeus Mozart. J'ai accepté très volontiers de participer à la manifestation de ce soir, que diverses raisons concourent à rendre à la fois solennelle et familiale.

On célèbre précisément aujourd'hui le "Noël de Rome", en souvenir de l'anniversaire traditionnel de la fondation de l'Urbs, événement historique qui, nous ramenant en pensées aux origines de la Ville, devient l'occasion propice pour mieux comprendre la vocation de Rome à être un phare de civilisation et de spiritualité pour le monde entier. Grâce à la rencontre entre ses traditions et le christianisme, Rome a accompli au cours des siècles une mission particulière, et elle continue aujourd'hui encore à être un pôle d'attraction important pour les nombreux visiteurs attirés par un aussi riche patrimoine artistique, en grande partie lié à l'histoire chrétienne de la Ville.

Le concert de ce soir désire ensuite rappeler le premier anniversaire de mon Pontificat. Depuis un an la communauté catholique de Rome, après la mort du bien-aimé et inoubliable Pape Jean-Paul II, a été confiée, de manière surprenante je dois le dire, par la Providence à mes soins pastoraux. J'ai pu moi-même faire l'expérience dès la première rencontre avec les fidèles rassemblés Place Saint-Pierre, le soir du 19 avril de l'année dernière, de combien le peuple romain est généreux, ouvert et accueillant. D'autres occasions m'ont ensuite permis de rencontrer encore cette chaleur humaine et spirituelle particulière. Comment ne pas rappeler, par exemple, la rencontre avec tant de personnes qui se renouvelle chaque dimanche lors du traditionnel rendez-vous de la prière de midi? Je saisis également cette opportunité pour remercier de la cordialité dont je me sens entouré et que je manifeste moi aussi en retour.

Je voudrais ce soir adresser un sincère remerciement à toute la communauté de la ville, qui a voulu unir le souvenir du "Noël de Rome" à celui de l'anniversaire de mon élection comme Evêque de Rome. Je vous remercie de ce geste que j'apprécie vivement. Je vous remercie également du choix du programme musical tiré des oeuvres de Mozart, grand compositeur qui a laissé un signe indélébile dans l'histoire. On fête cette année le 250 anniversaire de sa naissance et pour cette raison différentes initiatives sont programmées tout au long de 2006, qui est à juste titre également appelée "Année Mozart". Les compositions interprétées par l'orchestre et le choeur de l'Académie nationale de "Santa Cecilia" sont des pièces du répertoire de Mozart, merveilleux et très célèbres, dont certains possèdent un grand souffle religieux. L'"Ave verum", par exemple, qui est souvent chanté dans les célébrations liturgiques, est un motet aux paroles riches de théologie et possède un accompagnement musical qui touche le coeur et invite à la prière. Ainsi la musique, élevant l'âme à la contemplation, nous aide à saisir également les nuances les plus profondes du génie humain, dans lequel se reflète quelque chose de la beauté sans égale du Créateur de l'Univers.

Je remercie encore une fois ceux qui à divers titres ont rendu possible la manifestation d'aujourd'hui d'une haute valeur artistique, en particulier les interprètes, les musiciens et ceux qui travaillent dans cet Auditorium. J'assure chacun de mon souvenir dans la prière, confirmé par une Bénédiction spéciale que je donne à présent volontiers à chacun, l'étendant à toute la chère ville de Rome.


AUX PÈRES ET FRÈRES DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS Basilique Vaticane Samedi 22 avril 2006


Chers pères et frères de la Compagnie de Jésus,

C'est avec une grande joie que je vous rencontre dans cette Basilique historique de Saint-Pierre, au terme de la Messe célébrée pour vous par le Cardinal Angelo Sodano, mon Secrétaire d'Etat, à l'occasion des diverses célébrations jubilaires de la Famille ignatienne. J'adresse à tous un salut cordial. Je salue en premier lieu le Préposé général, le Père Peter Hans Kolvenbach, et je le remercie des paroles cordiales à travers lesquelles il a manifesté vos sentiments communs. Je salue Messieurs les Cardinaux, ainsi que les Evêques et les prêtres et tous ceux qui ont voulu participer à la manifestation d'aujourd'hui. Avec les Pères et les frères, je salue également les amis de la Compagnie de Jésus ici présents, et parmi eux, les nombreux religieux et religieuses, les membres des Communautés de Vie chrétienne et de l'Apostolat de la Prière, les élèves et anciens élèves, avec leurs familles de Rome, d'Italie et de Stonyhurst en Angleterre, les professeurs et les étudiants des Institutions académiques, ainsi que les nombreux collaborateurs et collaboratrices. Votre visite d'aujourd'hui m'offre l'opportunité de rendre grâce avec vous au Seigneur pour avoir accordé à votre Compagnie le don d'hommes d'une extraordinaire sainteté et d'un zèle apostolique exceptionnel, tels que saint Ignace de Loyola, saint François-Xavier et le bienheureux Pierre Favre. Ils sont pour vous des pères et des fondateurs: il est donc juste qu'en ce centenaire, vous les commémoriez avec gratitude et que vous les considériez comme des guides lumineux et sûrs sur votre chemin spirituel et dans votre activité apostolique.

183 Saint Ignace de Loyola fut avant tout un homme de Dieu, qui réserva dans sa vie la première place à Dieu, à sa gloire suprême et à son plus grand service; ce fut un homme de profonde prière, qui avait pour centre et sommet la Célébration eucharistique quotidienne. De cette façon, il a laissé à ses fidèles un précieux héritage spirituel, qui ne doit pas être perdu ni oublié. Précisément parce qu'il était un homme de Dieu, saint Ignace fut un serviteur fidèle de l'Eglise, dans laquelle il voyait et vénérait l'épouse du Seigneur et la mère des chrétiens. Et du désir de servir l'Eglise de la façon la plus utile et efficace est né le voeu d'obéissance spéciale au Pape, qu'il qualifia lui-même de "notre principe et principal fondement" (MI, Série III 1P 162). Que ce caractère ecclésial, si spécifique de la Compagnie de Jésus, continue d'être présent dans vos personnes et dans votre activité apostolique, chers Jésuites, afin que vous puissiez répondre fidèlement aux nécessités urgentes et actuelles de l'Eglise. Parmi celles-ci, il me semble important de signaler l'engagement culturel dans les domaines de la théologie et de la philosophie, milieux traditionnels de présence apostolique de la Compagnie de Jésus, ainsi que le dialogue avec la culture moderne qui, si elle vante, d'une part, de merveilleux progrès dans le domaine scientifique, reste toutefois fortement marquée par le scientisme positiviste et matérialiste. Certes, l'effort de promouvoir à travers une collaboration cordiale avec les autres réalités ecclésiales une culture qui s'inspire des valeurs de l'Evangile, exige une intense préparation spirituelle et culturelle. C'est précisément pour cela que saint Ignace voulut que les jeunes jésuites fussent formés pendant de longues années à la vie spirituelle et aux études. Il est bon que cette tradition soit maintenue et renforcée, étant donné également la complexité et l'étendue croissantes de la culture moderne. Une autre grande préoccupation pour lui fut l'éducation chrétienne et la formation culturelle des jeunes: d'où l'impulsion qu'il donna à l'institution des "collèges", qui, après sa mort, se diffusèrent en Europe et dans le monde. Chers Jésuites, continuez cet apostolat important en conservant authentique l'esprit de votre fondateur.

En parlant de saint Ignace, je ne peux manquer de rappeler saint François-Xavier, dont a été célébré le 7 avril dernier le V centenaire de la naissance: non seulement leur histoire s'est croisée pendant de nombreuses années à Paris et à Rome, mais un désir unique - et on pourrait dire, une passion unique - les a poussés et soutenus dans leurs vies humaines, bien qu'elles fussent différentes: la passion de rendre à Dieu-Trinité une gloire toujours plus grande et de travailler pour l'annonce de l'Evangile du Christ aux peuples qui l'ignoraient. Saint François-Xavier, que mon prédécesseur de vénérée mémoire Pie XI a proclamé "Patron des Missions catholiques", ressentit comme sa mission d'"ouvrir de nouvelles voies" à l'Evangile "dans l'immense continent asiatique". Son apostolat en Orient dura à peine dix ans, mais sa fécondité s'est révélée admirable au cours des quatre siècles et demi de la vie de la Compagnie de Jésus, étant donné que son exemple a suscité parmi les jeunes jésuites de très nombreuses vocations missionnaires, et qu'il demeure encore un appel à poursuivre l'action missionnaire dans les grands pays du continent asiatique.

Si saint François-Xavier oeuvra dans les pays d'Orient, son confrère et ami depuis les années parisiennes, le bienheureux Pierre Favre, savoyard, né le 13 avril 1506, oeuvra dans les pays européens, où ses frères chrétiens aspiraient à une véritable réforme de l'Eglise. Homme modeste, sensible, à la vie intérieure profonde, et doté du don de nouer des relations d'amitié avec des personnes de tout genre, attirant de cette façon de nombreux jeunes à la Compagnie, le bienheureux Favre passa sa brève existence dans divers pays européens, en particulier en Allemagne, où, sur ordre de Paul III, il participa, dans les diètes de Worms, de Ratisbonne et de Spire, aux entretiens avec les chefs de la Réforme. Il eut ainsi l'occasion de pratiquer de façon exceptionnelle le voeu d'obéissance particulière au Pape "en ce qui concerne les missions", devenant pour tous les jésuites à venir un modèle à suivre.

Chers Pères et frères de la Compagnie, aujourd'hui, vous contemplez avec une dévotion particulière la bienheureuse Vierge Marie, en rappelant que le 22 avril 1541, Ignace et ses premiers compagnons prononcèrent des voeux solennels devant l'image de Marie dans la Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs. Que Marie continue à veiller sur la Compagnie de Jésus, afin que chacun de ses membres porte dans sa personne l'"image" du Christ crucifié pour participer à sa résurrection. Je vous assure pour cela de mon souvenir dans la prière, tandis que je donne volontiers à chacun de vous ici présent et à toute votre famille spirituelle, ma Bénédiction, que j'étends également à toutes les autres personnes religieuses et consacrées qui ont participé à cette audience.


AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU GHANA EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"


Lundi 24 avril 2006



Chers frères Evêques,

En ces jours de joyeuse célébration de la résurrection de notre Seigneur et Sauveur, je vous souhaite la bienvenue, Evêques du Ghana, à l'occasion de votre pèlerinage à Rome pour la visite ad limina Apostolorum. A travers vous, j'exprime mon affection profonde aux prêtres, aux religieux et aux fidèles laïcs de votre diocèse. Je remercie de façon spéciale S.Exc. Mgr Lucas Abadamloora des paroles courtoises de salut qu'il a prononcées en votre nom. Je désire mentionner, en particulier, un fils du Ghana, le Card. Peter Poreku Dery, qui est entré récemment au sein du Collège des Cardinaux, et je saisis également cette occasion pour saluer le Card. Peter Turkson, Archevêque de Cape Coast. Vous êtes tous venus à Rome, dans cette ville où les Apôtres Pierre et Paul se sont donnés complètement à l'imitation du Christ: Pierre, précisément près du lieu où nous nous trouvons aujourd'hui et Paul, le long de la "Via Ostiense". En tant que serviteurs bons et fidèles de l'Evangile, je prie afin que, comme les Princes des Apôtres, "Dieu vous rende dignes de son appel, qu'il mène à sa bonne fin par sa puissance toute intention de faire le bien et toute activité de votre foi; de la sorte, le nom de notre Seigneur Jésus sera glorifié en vous, et vous en lui, conformément à la grâce de notre Dieu et du Seigneur Jésus Christ" (2Th 1,11-12).

Au cours des dernières années, votre pays a accompli de grands progrès dans la lutte contre la plaie de la pauvreté et dans la consolidation de l'économie. Malgré ce progrès louable, il reste encore beaucoup à faire pour surmonter cette situation qui porte atteinte à une vaste partie de la population. La pauvreté extrême et diffuse produit souvent un déclin moral général qui conduit au crime, à la corruption, à des attaques contre la sainteté de la vie humaine, voire à un retour des pratiques superstitieuses du passé. Dans cette situation, les personnes peuvent facilement perdre confiance dans l'avenir. Toutefois, l'Eglise resplendit en tant que phare d'espérance dans la vie du chrétien. L'une des façons les plus efficaces dont elle le fait est en aidant les fidèles à mieux comprendre les promesses de Jésus Christ. En conséquence, l'Eglise, en tant que phare d'espérance, a un besoin urgent et particulier d'intensifier ses efforts pour offrir aux catholiques des programmes exhaustifs de formation qui les aident à approfondir leur foi chrétienne et qui leur permettent donc d'assumer leur juste place, que ce soit dans l'Eglise de Jésus ou dans la société.

Une partie essentielle de tout processus adapté de formation est le rôle du catéchiste laïc. Il est donc juste d'exprimer une parole de gratitude aux nombreux laïcs, hommes et femmes, qui servent avec abnégation votre Eglise locale de cette manière. Comme l'a observé le Pape Jean-Paul II dans son Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa: "Au sein de la communauté chrétienne, leur charge sera reconnue et honorée" (n. 91). Je sais que ces hommes et ces femmes fidèles rencontrent souvent des obstacles dans l'accomplissement de leur tâche, à cause du manque de ressources ou des milieux hostiles, mais ils restent toutefois les messagers courageux de la joie du Christ. Conscient de la gratitude des Eglises locales pour l'assistance offerte par les catéchistes, je vous encourage, ainsi que vos prêtres, à continuer à faire ce qui est en votre pouvoir pour garantir que ces évangélisateurs reçoivent le soutien spirituel, doctrinal, moral et matériel dont ils ont besoin afin d'accomplir correctement leur mission.

Dans de nombreux pays, y compris le vôtre, les jeunes constituent presque la moitié de la population. L'Eglise au Ghana est jeune. Pour atteindre les jeunes d'aujourd'hui, l'Eglise doit affronter leurs problèmes d'une manière sincère et pleine d'amour. Un solide fondement catéchistique renforcera leur identité catholique et leur donnera les instruments nécessaires pour affronter les défis des réalités économiques en mutation, de la mondialisation et de la maladie. Il les aidera également à répondre aux arguments souvent présentés par les sectes religieuses. En conséquence, il est important que la future planification pastorale, au niveau national et local, prenne attentivement en considération les nécessités des jeunes et élabore des programmes pour la jeunesse qui satisfassent de manière appropriée ces nécessités (cf. Christifideles laici CL 46).

L'Eglise a également la tâche d'aider les familles chrétiennes à vivre de manière fidèle et généreuse, comme d'authentiques "Eglises domestiques" (cf. Lumen gentium LG 11). En effet, une saine catéchèse se fonde sur le soutien de solides familles chrétiennes qui ne sont jamais égoïstes, qui sont toujours tournées vers leur prochain et fondées sur le sacrement du mariage. En examinant vos rapports quinquennaux, j'ai observé que beaucoup d'entre vous sont préoccupés par la célébration correcte du mariage chrétien au Ghana. Je partage votre préoccupation et j'invite donc les fidèles à placer le sacrement du mariage au centre de votre vie familiale. Bien que le christianisme cherche toujours à respecter les vénérables traditions des cultures et des peuples, il cherche également à purifier les pratiques qui sont contraires à l'Evangile. C'est pourquoi il est essentiel que toute la communauté ecclésiale continue à souligner l'importance de l'union monogame et indissoluble entre un homme et une femme, consacrée dans le saint mariage. Pour le chrétien, les formes traditionnelles du mariage ne peuvent jamais remplacer le mariage sacramentel.

184 Le don de soi à l'autre est également au centre du Sacrement des Ordres sacrés. Ceux qui reçoivent ce Sacrement sont configurés de manière particulière au Christ, Chef de l'Eglise. Ils sont donc appelés à se donner complètement eux-mêmes pour le bien de leurs frères et de leurs soeurs. Cela ne peut se produire que si la volonté de Dieu n'est plus considérée comme quelque chose d'imposé de l'extérieur, mais devient "ma propre volonté, sur la base de l'expérience que, de fait, Dieu est plus intime à moi-même que je ne le suis à moi-même" (Deus caritas est ). Le sacerdoce ne doit jamais être considéré comme une façon d'améliorer sa propre position sociale ou sa propre qualité de vie. S'il en était ainsi, le don sacerdotal de soi et la disponibilité envers le dessein de Dieu donnerait libre cours à des désirs personnels, ôtant toute efficacité au prêtre et ne permettant pas sa réalisation. C'est pourquoi je vous encourage dans vos efforts constants visant à garantir l'aptitude des candidats au sacerdoce et une correcte formation sacerdotale à ceux qui étudient en vue du saint ministère. Nous devons les aider à discerner la volonté du Christ et à nourrir ce don de manière à pouvoir devenir des ministres efficaces et accomplis de sa joie.

Mes chers frères, je sais que cette année marque un Jubilé spécial pour l'Eglise qui est au Ghana. En effet, précisément hier, le 23 avril, a été célébré le centenaire de l'arrivée des missionnaires dans la partie septentrionale de votre pays. Je prie en particulier afin que le zèle missionnaire continue à vous animer, ainsi que votre peuple bien-aimé, vous renforçant dans vos efforts visant à diffuser l'Evangile. En retournant dans votre pays, je vous demande de puiser un réconfort dans les paroles de l'Apôtre Pierre aux premiers chrétiens: "Béni soit Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ: dans sa grande miséricorde, il nous a engendrés de nouveau par la Résurrection de Jésus Christ d'entre les morts" (
1P 1,3). En confiant votre ministère à Marie, Reine des Apôtres, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique, ainsi qu'à tous ceux qui sont confiés à votre soin pastoral.


AUX MEMBRES DE LA COMMISSION PONTIFICALE BIBLIQUE Salles des Papes Jeudi 27 avril 2006

Monsieur le Cardinal,
chers membres de la Commission biblique pontificale,

C'est pour moi un motif de grande joie de vous rencontrer au terme de votre Assemblée plénière annuelle. Je me souviens avec affection de chacun de vous, pour vous avoir connus personnellement pendant les années de ma mission comme Président de cette même Commission. Je souhaite vous exprimer mes sentiments de reconnaissance et d'estime pour le travail important que vous accomplissez au service de l'Eglise et pour le bien des âmes, en harmonie avec le Successeur de Pierre. Je remercie Monsieur le Cardinal William Joseph Levada pour son adresse d'hommage et pour la présentation concise du thème qui a fait l'objet d'une réflexion attentive au cours de votre réunion.

Vous vous êtes réunis une nouvelle fois pour approfondir un argument très important: la relation entre la Bible et la morale. Il s'agit d'un thème qui ne concerne pas seulement le croyant, mais toute personne en tant que telle. Et il nous concerne particulièrement à une époque de crise des cultures et de crise morale. En effet, l'élan primordial de l'homme réside dans son désir de bonheur et d'une vie pleinement réussie. Aujourd'hui, toutefois, beaucoup pensent que cette réalisation doit être obtenue de manière absolument autonome, sans aucune référence à Dieu et à sa loi. Certains sont allés jusqu'à théoriser une souveraineté absolue de la raison et de la liberté dans le domaine des normes morales, ces normes constitueraient le cadre d'une éthique uniquement "humaine", elles seraient ainsi l'expression d'une loi que l'homme se donne de manière autonome à lui-même: les partisans de cette "morale laïque" affirment que l'homme, en tant qu'être rationnel, non seulement peut, mais doit même décider librement de la valeur de ses comportements.

Cette conviction erronée se fonde sur un présumé conflit entre la liberté et toute forme de loi. En réalité, le Créateur - parce que nous sommes des créatures - a inscrit dans notre être même la "loi naturelle", reflet de son idée créatrice dans notre coeur, comme une boussole et une mesure intérieure de notre vie. C'est précisément pour cette raison que l'Ecriture Sainte, la Tradition et le Magistère de l'Eglise nous disent que la vocation et la pleine réalisation de l'homme résident non pas dans son refus de la loi de Dieu, mais dans la vie selon la loi nouvelle, qui consiste dans la grâce de l'Esprit Saint: avec la Parole de Dieu et l'enseignement de l'Eglise, celle-ci se manifeste dans la "foi opérant par la charité" (Ga 5,6). Et c'est précisément dans cet accueil de la charité qui vient de Dieu (Deus caritas est!) que la liberté de l'homme trouve son expression la plus élevée. Entre la loi de Dieu et la liberté de l'homme, il n'existe pas de contradiction: la loi de Dieu correctement interprétée ne réduit pas, pas plus qu'elle n'annule, la liberté de l'homme, mais, au contraire, elle la garantit et elle la promeut puisque, comme le rappelle le Catéchisme de l'Eglise catholique: "La liberté atteint sa perfection quand elle est ordonnée à Dieu, notre béatitude" (n. 1731). La loi morale, établie par Dieu dans la création et confirmée par la révélation vétéro-testamentaire, trouve dans le Christ son accomplissement et sa grandeur. Jésus Christ est la voie de la perfection, la synthèse vivante et personnelle de la parfaite liberté dans l'obéissance totale à la volonté de Dieu. La fonction originelle du Décalogue n'est pas annulée par la rencontre avec le Christ, mais conduite à sa plénitude. Une éthique qui, dans l'écoute de la révélation, veut aussi être authentiquement rationnelle, trouve sa perfection dans la rencontre avec le Christ, qui nous donne la nouvelle alliance.

Le modèle de cette action morale authentique est le comportement du Verbe incarné lui-même, qui fait coïncider sa volonté avec la volonté de Dieu le Père dans l'acceptation et dans l'accomplissement de sa mission: sa substance est de faire la volonté du Père (cf. Jn 4,34); il fait toujours les choses qui sont agréables au Père en mettant en pratique sa parole (cf. Jn 8,29 Jn 8,55); il rapporte ce que le Père lui commande de dire et d'annoncer (cf. Jn 12,49). En révélant le Père et sa manière d'agir, Jésus révèle dans le même temps les normes de l'action humaine juste. Il affirme ce lien de façon explicite et exemplaire lorsque, en concluant son enseignement sur l'amour pour nos ennemis (cf. Mt 5,43-47), il dit: "Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait" (Mt 5,48). Cette perfection divine, divine et humaine, devient possible pour nous si nous sommes étroitement unis au Christ, notre Sauveur.

Le chemin tracé par Jésus à travers son enseignement n'est pas une norme imposée de l'extérieur. Jésus lui-même parcourt ce chemin et ne nous demande rien d'autre que de le suivre. D'ailleurs, il ne se limite pas à demander: il nous donne avant tout dans le Baptême la participation à sa propre vie, en nous rendant ainsi capables d'accueillir et de mettre en pratique ses enseignements. Cela apparaît avec une évidence croissante dans les écrits du Nouveau Testament. Sa relation avec les disciples ne consiste pas en un enseignement extérieur, mais vital: il les appelle ses "petits enfants" (Jn 13,33 Jn 21,5), "amis" (Jn 15,14-15), "frères" (Mt 12,50 Mt 28,10 Jn 20,17), en les invitant à entrer en communion de vie avec Lui et à accueillir dans la foi et dans la joie son "joug" aisé et son fardeau "léger" (cf. Mt 11,28-30). Dans la recherche d'une éthique inspirée christologiquement, il faut donc toujours avoir à l'esprit que le Christ est le Logos incarné qui nous fait participer à sa vie divine et nous soutient par sa grâce sur le chemin vers notre véritable réalisation. Ce qu'est réellement l'homme apparaît de façon définitive dans le Logos qui s'est fait homme; la foi dans le Christ nous offre l'accomplissement de l'anthropologie. C'est pourquoi la relation avec le Christ définit la plus haute réalisation de l'action morale de l'homme. Cette action humaine est directement fondée sur l'obéissance à la loi de Dieu, sur l'union avec le Christ et sur la présence de l'Esprit dans l'âme du croyant. Ce n'est pas une action dictée par des normes uniquement extérieures, mais elle provient de la relation vitale qui unit les croyants au Christ et à Dieu.


Discours 2005-2013 179