Discours 2005-2013 23

23 Le présupposé dont il faut partir, pour pouvoir comprendre la mission de la famille dans la communauté chrétienne et ses devoirs de formation de la personne et de transmission de la foi, demeure toujours celui de la signification que le mariage et la famille revêtent dans le dessein de Dieu, créateur et sauveur. Cela constituera donc le coeur de ma réflexion de ce soir, en me référant à l'enseignement de l'Exhortation apostolique Familiaris consortio (Deuxième partie, nn. 12-16).



Le fondement anthropologique de la famille

Mariage et famille ne sont pas en réalité une construction sociologique due au hasard, et fruit de situations historiques et économiques particulières. Au contraire, la question du juste rapport entre l'homme et la femme plonge ses racines dans l'essence la plus profonde de l'être humain et ne peut trouver sa réponse qu'à partir de là. C'est-à-dire qu'elle ne peut être séparée de la question ancienne et toujours nouvelle de l'homme sur lui-même: qui suis-je? Qu'est-ce que l'homme? Et cette question, à son tour, ne peut être séparée de l'interrogation sur Dieu: Dieu existe-t-il? Et qui est Dieu? Quel est son visage véritable? La réponse de la Bible à ces deux questions les unit et en fait une conséquence l'une de l'autre: l'homme est créé à l'image de Dieu, et Dieu lui-même est amour. C'est pourquoi la vocation à l'amour est ce qui fait de l'homme l'authentique image de Dieu: il devient semblable à Dieu dans la mesure où il devient quelqu'un qui aime.



De ce lien fondamental entre Dieu et l'homme en découle un autre: le lien indissoluble entre esprit et corps. L'homme est en effet une âme qui s'exprime dans le corps et un corps qui est vivifié par un esprit immortel. Le corps de l'homme et de la femme revêt donc également, pour ainsi dire, un caractère théologique, ce n'est pas uniquement un corps, et ce qui est biologique chez l'homme n'est pas seulement biologique, mais est l'expression et la réalisation de notre humanité. De même, la sexualité humaine n'est pas séparée de notre nature de personne, mais lui appartient. Ce n'est que lorsque la sexualité est intégrée dans la personne qu'elle réussit à acquérir un sens.



Ainsi, des deux liens, celui de l'homme avec Dieu et, dans l'homme, celui du corps avec l'esprit, en découle un troisième: celui entre personne et institution. La totalité de l'homme inclut en effet la dimension du temps, et le "oui" de l'homme est un dépassement du moment présent: dans son intégrité, le "oui" signifie "toujours", et constitue l'espace de la fidélité. Ce n'est qu'au sein de celui-ci que peut croître la foi qui donne un avenir et qui permet que les enfants, fruits de l'amour, croient en l'homme et en son avenir en des temps difficiles. La liberté du "oui" se révèle donc comme une liberté capable d'assumer ce qui est définitif: la plus grande expression de la liberté n'est alors pas la recherche du plaisir, sans jamais parvenir à une véritable décision. En apparence, cette ouverture permanente semble être la réalisation de la liberté, mais ce n'est pas vrai: la véritable expression de la liberté est la capacité à se décider pour un don définitif, dans lequel la liberté, en se donnant, se retrouve pleinement elle-même.



De façon concrète, le "oui" personnel et réciproque de l'homme et de la femme ouvre les portes à l'avenir, à l'authentique humanité de chacun, et, dans le même temps, est destiné au don d'une nouvelle vie. C'est pourquoi ce "oui" personnel ne peut être qu'un "oui" publiquement responsable, à travers lequel les conjoints assument la responsabilité publique de la fidélité qui garantit également l'avenir de la communauté. En effet, aucun de nous n'appartient exclusivement à soi-même: c'est pourquoi chacun est appelé à assumer au plus profond de soi sa responsabilité publique. Le mariage comme institution n'est donc pas une ingérence indue de la société ou de l'autorité, l'imposition d'une forme extérieure dans la réalité la plus privée de la vie; il s'agit au contraire d'une exigence intrinsèque du pacte de l'amour conjugal et de la profondeur de la personne humaine.



Les diverses formes actuelles de dissolution du mariage, comme les unions libres et le "mariage à l'essai", jusqu'au pseudo-mariage entre personnes du même sexe, sont au contraire l'expression d'une liberté anarchique, qui se fait passer à tort pour une libération de l'homme. Une telle pseudo-liberté repose sur une banalisation du corps, qui inclut inévitablement la banalisation de l'homme. Son présupposé est que l'homme peut faire ce qu'il veut de lui-même: son corps devient ainsi une chose secondaire, manipulable du point de vue humain, qui peut être utilisé comme bon lui semble. Le libertinage, qui se fait passer pour la découverte du corps et de sa valeur, est en réalité un dualisme qui rend le corps méprisable, le plaçant pour ainsi dire en dehors de l'être authentique et de la dignité de la personne.



Mariage et famille dans l'histoire du salut

La vérité du mariage et de la famille, qui plonge ses racines dans la vérité de l'homme, a trouvé sa réalisation dans l'histoire du salut, qui a en son centre la parole: "Dieu aime son peuple". La révélation biblique, en effet, est avant tout l'expression d'une histoire d'amour, l'histoire de l'Alliance de Dieu avec les hommes: c'est pourquoi l'histoire de l'amour et de l'union d'un homme et d'une femme dans l'alliance du mariage a pu être assumée par Dieu comme symbole de l'histoire du salut. Le caractère inexprimable, le mystère de l'amour de Dieu pour les hommes, reçoit sa forme linguistique dans le vocabulaire du mariage et de la famille, dans le sens positif et négatif: le rapprochement de Dieu à l'égard de son peuple est en effet présenté à travers le langage de l'amour sponsal, tandis que l'infidélité d'Israël, son idolâtrie, est désignée comme un adultère et une forme de prostitution.



Dans le Nouveau Testament, Dieu radicalise son amour jusqu'à devenir Lui-même, dans son Fils, chair de notre chair, vrai homme. De cette façon, l'union de Dieu avec l'homme a assumé sa forme suprême, irréversible et définitive. Et ainsi est tracée pour l'amour humain également, sa forme définitive, ce "oui" réciproque qui ne peut être révoqué: cette forme n'aliène pas l'homme, mais le libère des aliénations de l'histoire pour le ramener à la vérité de la création. Le caractère sacramentel que le mariage revêt dans le Christ signifie donc que le don de la création a été élevé au niveau de la grâce de la rédemption. La grâce du Christ ne vient pas s'ajouter de l'extérieur à la nature de l'homme, elle ne lui fait pas violence, mais la libère et la restaure, précisément en l'élevant au-delà de ses propres limites. Et, de même que l'incarnation du Fils de Dieu révèle sa véritable signification dans la croix, ainsi, l'authentique amour humain est don de soi, il ne peut exister s'il veut se soustraire à la croix.



Chers frères et soeurs, ce lien profond entre Dieu et l'homme, entre l'amour de Dieu et l'amour humain, trouve une confirmation également dans certaines tendances et développements négatifs, dont nous ressentons le poids. L'avilissement de l'amour humain, la suppression de l'authentique capacité d'aimer se révèle en effet, à notre époque, l'arme la plus adaptée et la plus efficace pour chasser Dieu de l'homme, pour éloigner Dieu du regard et du coeur de l'homme. De façon analogue, la volonté de "libérer" la nature de Dieu conduit à perdre de vue la réalité même de la nature, y compris la nature de l'homme, en la réduisant à un ensemble de fonctions dont on peut disposer à souhait pour édifier un monde supposé meilleur et une humanité supposée plus heureuse; au contraire, on détruit le dessein du Créateur et, ainsi, la vérité de notre nature.



Les enfants

24 En ce qui concerne la procréation des enfants, le mariage reflète également son modèle divin, l'amour de Dieu pour l'homme. Chez l'homme et chez la femme la paternité et la maternité, comme le corps et comme l'amour, ne se laissent pas cerner par la biologie: la vie n'est donnée entièrement que lorsqu'à la naissance sont également donnés l'amour et le sens qui permettent de dire oui à cette vie. C'est précisément de ce fait qu'apparaît tout à fait clairement combien il est contraire à l'amour humain, à la vocation profonde de l'homme et de la femme, de fermer systématiquement sa propre union au don de la vie, et encore plus de supprimer ou de manipuler la vie qui naît.



Cependant, aucun homme et aucune femme ne peuvent à eux seuls et uniquement avec leurs propres forces donner aux enfants de manière adaptée l'amour et le sens de la vie. En effet, pour pouvoir dire à quelqu'un "ta vie est bonne, bien que je ne connaisse pas ton avenir", une autorité et une crédibilité supérieures à celles que l'individu peut se donner tout seul sont nécessaires. Le chrétien sait que cette autorité est conférée à cette famille plus vaste, que Dieu, à travers son Fils Jésus Christ et le don de l'Esprit Saint, a créée dans l'histoire des hommes, c'est-à-dire à l'Eglise. Il reconnaît ici à l'oeuvre cet amour éternel et indestructible qui assure à la vie de chacun de nous son sens permanent, même si nous ne connaissons pas l'avenir. C'est pour cette raison que l'édification de chaque famille chrétienne se situe dans le contexte de la famille plus vaste de l'Eglise, qui la soutient et la conduit avec elle et qui garantit qu'elle a un sens et qu'à l'avenir également le "oui" du Créateur sera présent sur elle. Et, réciproquement, l'Eglise est édifiée par les familles, "petites Eglises domestiques", comme les a appelées le Concile Vatican II (Lumen gentium
LG 11 Apostolicam actuositatem AA 11), en redécouvrant une antique expression patristique (Saint Jean Chrysostome, In Genesim serm. VI, 2; VII, 1). Dans la même optique, Familiaris consortio affirme que "le mariage chrétien... constitue le lieu naturel où s'accomplit l'insertion de la personne humaine dans la grande famille de l'Eglise" (n. 15).



La famille et l'Eglise

Une conséquence évidente découle de tout cela: la famille et l'Eglise, de manière concrète les paroisses et les autres formes de communautés ecclésiales, sont appelées à la plus étroite collaboration pour la tâche fondamentale que constituent, de manière indissociable, la formation de la personne et la transmission de la foi. Nous savons bien que pour une oeuvre d'éducation authentique il ne suffit pas d'avoir une théorie juste ou une doctrine à transmettre. Il y a besoin de quelque chose de beaucoup plus grand et humain, de la proximité, quotidiennement vécue, qui est propre à l'amour et qui trouve son milieu le plus propice avant tout dans la communauté familiale, mais ensuite également dans une paroisse, ou un mouvement ou une association ecclésiale, où se rencontrent des personnes qui prennent soin de leurs frères, en particulier des enfants et des jeunes, mais également des adultes, des personnes âgées, des malades, des familles elles-mêmes car elles les aiment dans le Christ. Le grand Patron des éducateurs, saint Jean Bosco, rappelait à ses fils spirituels, que l'"éducation est une chose du coeur et que Dieu seul en est le patron" (Epistolario, 4, 209).



Au centre de l'oeuvre éducative, et en particulier dans l'éducation à la foi, qui est le sommet de la formation de la personne et son horizon le plus adapté, se trouve de manière concrète la figure du témoin: il devient un point de référence précisément dans la mesure où il sait rendre raison de l'espérance qui soutient sa vie (cf. 1P 3,15), il est personnellement concerné par la vérité qu'il propose. D'autre part, le témoin ne renvoie jamais à lui-même mais à quelque chose, ou mieux, à Quelqu'un plus grand que lui, qu'il a rencontré et dont il a éprouvé la bonté à laquelle on peut faire confiance. Ainsi, chaque éducateur et témoin trouve son modèle indépassable en Jésus Christ, le grand témoin du Père, qui ne disait rien de lui-même, mais qui parlait comme le Père le lui avait enseigné (cf. Jn 8,28).



Tel est le motif pour lequel à la base de la formation de la personne chrétienne et de la transmission de la foi se trouve nécessairement la prière, l'amitié personnelle avec le Christ et la contemplation en Lui du visage du Père. Cela vaut évidemment pour tout notre engagement missionnaire, en particulier pour la pastorale de la famille: que la Famille de Nazareth soit donc pour nos familles et pour nos communautés l'objet d'une prière constante et confiante, ainsi qu'un modèle de vie.



Chers frères et soeurs, et en particulier vous, chers prêtres, je connais la générosité et le dévouement avec lesquels vous servez le Seigneur et l'Eglise. Votre travail quotidien pour la formation à la foi des nouvelles générations, en lien étroit avec les sacrements de l'initiation chrétienne, ainsi que pour la préparation au mariage et pour l'accompagnement des familles sur leur chemin souvent difficile, en particulier dans la grande tâche de l'éducation des enfants, est la route fondamentale pour régénérer toujours à nouveau l'Eglise et également pour vivifier le tissu social de notre bien-aimée ville de Rome.



La menace du relativisme

Continuez donc, sans vous laisser décourager par les difficultés que vous rencontrez. Le rapport éducatif est de par sa nature quelque chose de délicat: il met en effet en jeu la liberté de l'autre qui, pour autant que ce soit avec douceur, est cependant toujours invitée à prendre une décision. Ni les parents, ni les prêtres ou les catéchistes, ni les autres éducateurs ne peuvent se substituer à la liberté de l'enfant, de l'adolescent ou du jeune auquel ils s'adressent. Et la proposition chrétienne interpelle de manière particulièrement profonde la liberté, l'appelant à la foi et à la conversion. Aujourd'hui, un obstacle extrêmement menaçant pour l'oeuvre d'éducation est constitué par la présence massive, dans notre société et notre culture, de ce relativisme qui, en ne reconnaissant rien comme définitif, ne laisse comme ultime mesure que son propre moi avec ses désirs, et sous l'apparence de la liberté devient une prison pour chacun, séparant l'un de l'autre et réduisant chacun à se retrouver enfermé dans son propre "Moi". Dans un tel horizon relativiste une véritable éducation n'est donc pas possible: en effet, sans la lumière de la vérité toute personne est condamnée, à un moment ou à un autre, à douter de la bonté de sa vie même et des relations qui la constituent, de la valeur de son engagement pour construire quelque chose en commun avec les autres.



Il est donc clair que nous devons non seulement chercher à surmonter le relativisme dans notre travail de formation des personnes, mais que nous sommes également appelés à nous opposer à sa domination destructrice dans la société et dans la culture. A côté de la parole de l'Eglise, le témoignage et l'engagement public des familles chrétiennes sont donc très importants, en particulier pour réaffirmer le caractère intangible de la vie humaine de sa conception jusqu'à son terme naturel, la valeur unique et irremplaçable de la famille fondée sur le mariage et la nécessité de mesures législatives et administratives qui soutiennent les familles dans leur tâche d'engendrer et d'éduquer les enfants, une tâche essentielle pour notre avenir commun. Je vous remercie cordialement également pour cet engagement.



Sacerdoce et vie consacrée

25 Un dernier message que je voudrais vous confier concerne le soin pour les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée: nous savons tous combien l'Eglise en a besoin! Pour que ces vocations naissent et parviennent à maturation, pour que les personnes appelées restent toujours dignes de leur vocation, la prière tout d'abord est décisive, une prière qui ne doit jamais manquer dans chaque famille et communauté chrétienne. Mais le témoignage de vie des prêtres, des religieux et des religieuses, la joie qu'ils expriment pour avoir été appelés par le Seigneur sont également fondamentaux. L'exemple que les enfants reçoivent au sein de leur propre famille et la conviction des familles elles-mêmes que, pour elles aussi, la vocation de leurs enfants est un grand don du Seigneur sont également essentiels. Le choix de la virginité par amour de Dieu et des frères, qui est demandé pour le sacerdoce et la vie consacrée, accompagne en effet la valorisation du mariage chrétien: l'un et l'autre, de deux manières différentes et complémentaires, rendent d'une certaine façon visible le mystère de l'alliance entre Dieu et son peuple.



Chers frères et soeurs, je vous confie ces réflexions comme contribution à votre travail au cours des soirées du Congrès et, ensuite, pendant la prochaine année pastorale. Je demande au Seigneur de vous donner du courage et de l'enthousiasme, afin que notre Eglise de Rome, chaque paroisse, chaque communauté religieuse, association ou mouvement participe plus intensément à la joie et aux efforts de la mission et, ainsi, que chaque famille et toute la communauté chrétienne redécouvre dans l'amour du Seigneur la clef qui ouvre la porte des coeurs et qui rend possible une véritable éducation à la foi et à une formation des personnes. Que mon affection et ma Bénédiction vous accompagnent aujourd'hui et à l'avenir.


À UNE DÉLÉGATION DE L’"INTERNATIONAL JEWISH COMMITTEE ON INTERRELIGIOUS CONSULTATIONS" Jeudi 9 juin 2005



Eminents hôtes,
Chers amis,

Je suis heureux d'accueillir au Vatican une délégation de l'International Jewish Committee on Interreligious Consultations.

Notre rencontre a lieu en cette année qui marque le 40 anniversaire de la Déclaration Nostra aetate du Concile Vatican II, dont l'enseignement a servi, depuis, de base pour les relations de l'Eglise avec le peuple juif. Le Concile a affirmé la conviction de l'Eglise selon laquelle, dans le mystère de l'élection divine, les origines de sa foi peuvent déjà se trouver chez Abraham, Moïse et les prophètes. Sur la base de ce patrimoine spirituel et de l'enseignement de l'Evangile, elle a appelé à une plus grande compréhension et estime mutuelles entre les chrétiens et les juifs et a déploré toute sorte de haine, de persécution et d'antisémitisme (cf. Nostra aetate NAE 4). Au tout début de mon Pontificat, je désire vous affirmer que l'Eglise demeure fermement engagée, dans sa catéchèse et dans chaque aspect de sa vie, à appliquer cet enseignement décisif.

Au cours des années qui ont suivi le Concile, mes prédécesseurs, le Pape Paul VI et, de façon particulière, le Pape Jean-Paul II, ont accompli des pas importants vers l'amélioration des relations avec le peuple juif. J'ai l'intention de poursuivre sur ce chemin. L'histoire des relations entre nos deux communautés a été difficile et parfois douloureuse, mais je suis convaincu que le "patrimoine spirituel" préservé par les chrétiens et les juifs constitue en lui-même la source de la sagesse et de l'inspiration capable de nous guider vers un "avenir d'espérance" conformément au dessein divin (cf. Jr 29,11). Dans le même temps, rappeler le passé demeure pour les deux communautés un impératif moral et une source de purification dans nos efforts en vue de prier et d'oeuvrer pour la réconciliation, la justice, le respect de la dignité humaine et pour la paix qui est, en définitive, un don du Seigneur lui-même. De par sa nature même, cet impératif doit comporter une réflexion permanente sur les profondes questions historiques, morales et théologiques soulevées par l'expérience de la Shoah.

Au cours des trente-cinq dernières années, l'International Jewish Committee on Interreligious Consultations a rencontré à dix-huit reprises des délégations de la Commission du Saint-Siège pour les Rapports religieux avec le Judaïsme, dont la plus récente fut la Rencontre à Buenos Aires, en juillet 2004, consacrée au thème "Justice et charité".

Je rends grâce au Seigneur pour les progrès qui ont été accomplis au cours de ces années, et je vous encourage à persévérer dans votre travail important, jetant les bases pour un dialogue permanent et l'édification d'un monde réconcilié, un monde toujours plus en harmonie avec la volonté du Créateur. Sur vous tous et sur tous ceux qui vous sont chers, j'invoque cordialement les Bénédictions divines de sagesse, de force et de paix.


AUX ÉVÊQUES D'AFRIQUE DU SUD, DU BOTSWANA, DU SWAZILAND, DE NAMIBIE ET DU LESOTHO EN VISITE «AD LIMINA APOSTOLORUM» Vendredi 10 juin 2005



26 Chers frères Evêques,

1. "Voyez! Qu'il est bon, qu'il est doux d'habiter en frères tous ensemble!" (
Ps 133,1). Dans cet esprit d'harmonie je vous souhaite la bienvenue, Evêques d'Afrique du Sud, du Botswana, du Swaziland, de Namibie et du Lesotho, avec joie et avec affection. A travers vous, j'étends mes salutations cordiales au clergé, aux religieux et aux laïcs dans vos pays. Vous avez reçu la bénédiction d'accomplir en cette année consacrée à l'Eucharistie votre solennelle visite "ad limina Apostolorum". "L'Eucharistie, coeur de la vie chrétienne et source de la mission évangélisatrice de l'Eglise, ne peut que constituer le centre permanent et la source du service pétrinien" (Message à l'occasion de la Missa pro Ecclesia, 20 avril 2005). De même, celle-ci doit toujours se trouver au centre de votre ministère épiscopal et constituer une inspiration pour ceux qui vous assistent dans votre saint devoir.

2. La communion avec le Christ est la source intarissable de tout élément de vie ecclésiale, "en premier lieu la communion entre tous les fidèles, l'engagement d'annoncer et de témoigner l'Evangile, l'ardeur de la charité envers tous, en particulier envers les pauvres et les petits" (ibid.). Les catholiques constituent une minorité dans votre région. Cela suscite de nombreux défis qui requièrent un grand dévouement de la part de l'Eglise pour s'occuper avec soin de son troupeau et, dans le même temps, pour rester fidèle à son engagement missionnaire. C'est pour cette raison qu'il est essentiel que les Evêques promeuvent l'oeuvre cruciale de la catéchèse, afin de garantir que le Peuple de Dieu soit vraiment prêt à témoigner, à travers ses paroles et ses actes, de l'enseignement authentique de l'Evangile. Lorsque je regarde l'Eglise qui est en Afrique, et tout ce qui a été obtenu au cours du siècle dernier, je rends grâce à notre Père céleste pour les nombreux prêtres, religieux et laïcs, hommes et femmes, qui ont consacré leur vie à cette noble tâche. Les Evêques ont la responsabilité particulière de garantir que ces "irremplaçables évangélisateurs" reçoivent la préparation spirituelle, doctrinale et morale nécessaire (cf. Ecclesia in Africa ).

3. Bien que votre région ait encore davantage besoin de prêtres, nous ne pouvons que rendre grâce à Dieu pour le nombre élevé de vocations au sacerdoce dont vous êtes les témoins dans l'Afrique sub-saharienne. En tant que Pasteurs du troupeau du Christ, vous avez la grande responsabilité de les aider à devenir des hommes de l'Eucharistie. Les prêtres sont appelés à tout quitter et à éprouver une dévotion toujours plus grande à l'égard du Très Saint Sacrement, en conduisant les hommes et les femmes vers ce mystère et la paix que celui-ci renferme en lui (cf. Homélie du Dimanche de Pentecôte 2005). Je vous encourage donc dans vos efforts constants visant à sélectionner consciencieusement les candidats au sacerdoce. Ces jeunes hommes doivent également être formés avec un grand zèle, afin de garantir qu'ils soient prêts aux nombreux défis qu'ils devront affronter, en les aidant à manifester à travers leurs paroles et leurs actes la paix et la joie de Notre Seigneur et Sauveur. Un monde rempli de tentations a besoin de prêtres entièrement consacrés à leur propre mission. En conséquence, il leur est demandé de façon très particulière de s'ouvrir complètement au service des autres, comme le fit le Christ en accueillant le don du célibat. Les Evêques devraient les assister en faisant en sorte que ce don ne devienne jamais un fardeau, mais reste toujours une source de vie. Une façon d'atteindre cet objectif est de réunir les ministres de la parole et des Sacrements, afin qu'ils reçoivent une formation permanente et participent à des retraites et à des journées de recueillement.

4. La vie familiale a toujours été un élément unificateur de la société africaine. En effet, c'est au sein même de l'"Eglise domestique", "construite sur les bases culturelles solides et les riches valeurs de la tradition familiale africaine" que les enfants peuvent apprendre le caractère central de l'Eucharistie dans la vie chrétienne (cf. Ecclesia in Africa ). Il est très préoccupant que le tissu de la vie africaine, sa source même d'espérance et de stabilité, soit menacée par le divorce, par l'avortement, par la prostitution, par le trafic d'êtres humains et par une mentalité en faveur de la contraception, qui contribuent à l'effondrement de la morale sexuelle. Chers frères Evêques, je partage votre profonde préoccupation pour les ravages causés par le virus du SIDA et par les maladies qui y sont liées. Je prie en particulier pour les veuves, pour les orphelins, pour les jeunes mères et pour les personnes dont la vie a été détruite par cette cruelle épidémie. Je vous exhorte à poursuivre vos efforts pour combattre ce virus qui non seulement est meurtrier, mais menace sérieusement la stabilité économique et sociale du continent. L'Eglise catholique a toujours été en première ligne dans la prévention et dans le soin de cette maladie. L'enseignement traditionnel de l'Eglise a démontré être la seule façon intrinsèquement sûre pour prévenir la diffusion du SIDA. C'est pourquoi "l'affection, la joie, le bonheur et la paix apportés par le mariage chrétien et la fidélité, ainsi que la sécurité que donne la chasteté, doivent être continuellement présentés aux fidèles, spécialement aux jeunes" (Ecclesia in Africa ).

5. Chers frères, alors que vous continuez à célébrer une année consacrée à la Sainte Eucharistie, je prie afin que vous soyez soutenus par la promesse du Seigneur "Je suis avec vous pour toujours" (Mt 28,19). Que votre témoignage d'hommes pleins d'espérance eucharistique aide vos troupeaux à parvenir à une reconnaissance toujours plus grande de ce mystère. Je donne de tout coeur à chacun de vous, et à ceux qui sont confiés à votre sollicitude pastorale, ma Bénédiction apostolique.


À S.E. M. GEOFFREY KENYON WARD, NOUVEL AMBASSADEUR DE NOUVELLE-ZÉLANDE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Jeudi, 16 juin 2005

À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Votre Excellence,

Je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui et d'accepter les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de Nouvelle-Zélande près le Saint-Siège. Je vous remercie de vos aimables paroles de salut, et je vous prie de transmettre au gouvernement et au peuple de Nouvelle-Zélande mes voeux sincères et l'assurance de mes prières pour le bien-être de la nation.

Je sais que le peuple de votre pays est profondément conscient du devoir de promouvoir la paix et la solidarité dans notre monde. L'an dernier, votre Premier ministre, accompagné d'un groupe de vétérans, a visité le site historique du Mont-Cassin pour rendre hommage aux innombrables jeunes hommes qui ont sacrifié courageusement leur vie pour défendre les valeurs universelles fondamentales qui étaient menacées par de fausses idéologies nationalistes. Aujourd'hui encore, cette disponibilité à protéger et à promouvoir les valeurs de la justice et de la paix, qui transcendent les frontières culturelles ou nationales, représentent un trait caractéristique et louable de votre peuple. Cela est exprimé de façon concrète dans la participation de votre nation aux projets d'assistance et aux opérations de maintien de la paix, qui s'étendent des Iles Salomon à l'Afghanistan et au Moyen-Orient, ainsi que dans la disponibilité à défendre les causes du développement durable et de la protection de l'environnement. A son niveau le plus significatif, cette générosité suscite une reconnaissance de la nature essentielle de la vie humaine comme un don et de notre monde en tant que famille des nations.

Le désir de promouvoir le bien commun est fondé sur la croyance selon laquelle l'homme vient au monde en tant que don du Créateur. C'est de Dieu que chaque homme et chaque femme - faits à son image - reçoivent leur dignité inviolable commune et leur appel à la responsabilité. Aujourd'hui, lorsque les personnes oublient leurs origines, comme c'est souvent le cas, et perdent ainsi de vue leur objectif, elles deviennent facilement la proie de tendances sociales fantaisistes, de la déformation de la vérité par des groupes d'intérêt particulier, et d'un individualisme exacerbé. Face à cette "crise du sens" (cf. Lettre encyclique Fides et ratio FR 81), les autorités civiles et religieuses sont appelées à travailler ensemble, en encourageant chacun, y compris les jeunes, afin de "diriger leurs pas vers une vérité qui les transcende" (ibid., n. 5). Détachés de cette vérité universelle, qui est la seule garantie de liberté et de bonheur, les personnes sont à la merci de leurs caprices et perdent progressivement la capacité de découvrir la signification profondément satisfaisante de la vie humaine.

27 Les Néo-zélandais reconnaissent et accordent depuis toujours une place importante au mariage et à la vie familiale stable au sein de leur société et ils continuent même d'attendre de la part des forces politiques et sociales un soutien aux familles et une protection de la dignité des femmes, en particulier les plus vulnérables. Ils reconnaissent que les déformations séculières du mariage ne peuvent jamais offusquer la splendeur de l'alliance de toute une vie fondée sur le don généreux de soi et sur l'amour inconditionnel. La raison leur dit que "l'avenir de l'humanité passe par la famille" (Exhortation apostolique Familiaris Consortio FC 86), qui offre à la société une base sûre pour ses aspirations. J'encourage donc le peuple d'Aotearoa, à travers vous, Monsieur l'Ambassadeur, à continuer de relever le défi de construire un programme de vie, tant sur le plan individuel que communautaire, qui soit en relation avec le dessein de Dieu pour toute l'humanité.

Un processus de sécularisation inquiétant a lieu dans de nombreuses parties du monde. Là où les fondements chrétiens de la société risquent d'être oubliés, la tâche de préserver la dimension transcendante présente dans chaque culture et de renforcer l'exercice authentique de la liberté individuelle contre le relativisme devient toujours plus difficile. Un tel problème exige que l'Eglise et les responsables civils garantissent à la question de la moralité une large place dans le débat public. A cet égard, il existe un profond besoin aujourd'hui de retrouver une vision de la relation réciproque entre le droit civil et le droit moral, qui, en plus d'être proposée par la tradition chrétienne, est également une partie du patrimoine des grandes traditions juridiques de l'humanité (cf. Lettre encyclique Evangelium Vitae EV 71). Ce n'est que de cette façon que les exigences multiples découlant des "droits" peuvent être reliées à la vérité et que la nature de la liberté authentique peut être correctement comprise dans le cadre de la vérité, qui fixe ses limites et révèle ses objectifs.

Pour sa part, l'Eglise catholique en Nouvelle-Zélande continue de faire tout ce qu'elle peut pour défendre les fondements chrétiens de la vie civile. Elle est pleinement engagée dans la formation spirituelle et intellectuelle des jeunes, en particulier à travers ses écoles. De plus, son apostolat caritatif s'étend à ceux qui vivent en marge de la société et je suis certain que, à travers sa mission de service, elle répondra de façon généreuse aux nouveaux défis sociaux au fur et à mesure qu'ils se présenteront.

Votre Excellence, je suis assuré que que vous vous attacherez à renforcer encore plus les liens d'amitié qui existent déjà entre la Nouvelle-Zélande et le Saint-Siège. Tandis que vous vous apprêtez à assumer vos responsabilités, je vous assure que les divers bureaux de la Curie romaine vous assisteront dans l'accomplissement de vos fonctions. Sur vous, sur votre famille et sur vos concitoyens, j'invoque cordialement une abondance de Bénédictions de Dieu tout-puissant.



Discours 2005-2013 23