Discours 2005-2013 110

À S.E. M. ANTONI MORELL MORA, AMBASSADEUR D'ANDORRE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Jeudi 1 décembre 2005



Monsieur l'Ambassadeur,

Je suis heureux d'accepter les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur près le Saint-Siège. Soyez le bienvenu! Votre visite appréciée m'offre l'opportunité de transmettre mes salutations cordiales à tout le peuple d'Andorre, qui constitue depuis toujours une partie vivante de l'Eglise universelle en communion avec le Successeur de Pierre.

111 Un regard sur les belles vallées de votre pays témoigne de la façon dont la foi chrétienne a trouvé une demeure stable, également de façon visible, parmi tous ceux qui y habitent. Comment ne pas rappeler que, pendant des centaines d'années, les paroisses ont représenté la structure même de votre gouvernement autonome? On peut dire que, tout au long de l'histoire, la vie ecclésiale des citoyens d'Andorre a préservé leur identité et leur indépendance, en favorisant un développement harmonieux de la Principauté, qui a abouti, en 1993, à la première Constitution.

L'Eglise a donc toujours marché aux côtés du peuple d'Andorre, en promouvant les valeurs de la défense de sa propre particularité authentique, afin qu'il puisse instaurer des relations avec les peuples voisins dans la paix, fidèle à sa devise constitutionnelle "virtus unita, fortior", dans un esprit de liberté, d'égalité, de justice, dans la défense des droits de l'homme et de la dignité de la personne, comme vous avez voulu le souligner. Les liens étroits entre l'Eglise et le peuple constituent un motif de fierté et d'identité pour tous les habitants de la Principauté d'Andorre.

La riche tradition chrétienne l'inscrit dans l'ensemble des peuples qui ont trouvé dans l'Evangile de nombreuses sources pour leur culture, leur législation et leurs conquêtes humaines et morales. C'est pourquoi Andorre ne peut se passer des racines qui tirent de la Bonne Nouvelle leur nourriture et leur vigueur morale et civile. Je forme le souhait fervent que l'héritage chrétien continue d'être une source qui inspirera la communauté d'Andorre tout entière, en vue de la promotion d'un ordre social fondé sur les valeurs de la justice, de la vérité, de la liberté et de l'amour.

Même dans l'indépendance et la souveraineté réciproque, il est juste que l'Eglise et l'Etat trouvent un langage commun, qui, à travers des relations cordiales et sincères, favorise le bien-être spirituel et matériel des personnes envers lesquelles tous deux ont des obligations, dans le respect de leurs domaines respectifs distincts, et selon la méthode propre à chacun. Pour sa part, l'Eglise, n'ayant pas de privilèges à défendre ou d'avantages à revendiquer, veut toujours oeuvrer pour le bien commun de toute la famille humaine, en cherchant, à travers un dialogue structuré avec les Autorités civiles, à contribuer au progrès de tous les peuples et de toute l'humanité dans la justice et la paix (cf. Compendium de la Doctrine sociale de l'Eglise, n. 445). Les ententes éventuelles entre Eglise et Etat, stipulées en pleine liberté par les parties contractantes, ont pour objectif ultime de favoriser l'engagement commun au service du bien commun, sans autre intention que d'en faire profiter tous les citoyens.

De par sa nature universelle, l'Eglise se situe au-delà des intérêts individualistes ou régionaux, pour s'adresser à tous les peuples - petits ou grands - afin que l'homme, chaque homme, soit reconnu dans sa dignité inviolable. Dans le dialogue avec les Autorités civiles, l'Eglise "désire seulement promouvoir un Etat humain. Un Etat qui reconnaisse que son premier devoir est la défense des droits fondamentaux de la personne humaine, spécialement des droits du plus faible" (Evangelium vitae
EV 101). En effet, une démocratie sans valeurs se transforme en tyrannie du relativisme, en une perte d'identité et, à long terme, peut dégénérer en totalitarisme ouvert ou insidieux, comme l'histoire l'a enseigné à plusieurs reprises. Dans ce contexte, comment ne pas rappeler que le peuple d'Andorre, fidèle à ses traditions humaines et spirituelles, porte une grande considération à la valeur de la famille, du mariage tel que l'a voulu le Créateur, et à la défense de la vie, de son début à son terme naturel? Je forme le voeu qu'Andorre continue de préserver cet important héritage, garantie d'un authentique progrès.

Monsieur l'Ambassadeur, votre présence rend encore plus proche de mon coeur un peuple pour lequel s'élève ma prière fervente et reconnaissante au Seigneur. En vous présentant mes voeux les plus cordiaux pour la haute mission que vous a confiée votre pays, je désire vous assurer de la pleine et loyale collaboration de tous ceux qui collaborent auprès du Pape dans l'accomplissement du ministère apostolique qui lui est propre. Monsieur l'Ambassadeur, vous pourrez trouver en eux des interlocuteurs précieux en ce qui concerne les questions bilatérales et, plus généralement, une collaboration constante au service de la poursuite du bien commun dans la Communauté internationale. Tandis que je confie les membres du gouvernement et les concitoyens d'Andorre à la protection de la "Virgen de Meritxell", Patronne céleste de la Co-Principauté, j'élève mes prières afin qu'elle vous assiste, ainsi que les Autorités civiles et tous ceux qui sont au service du peuple d'Andorre, toujours proche du coeur du Pape, et j'envoie à tous ma Bénédiction.




À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE DES NOUVEAUX AMBASSADEURS PRÈS LE SAINT-SIÈGE Jeudi 1 décembre 2005



Excellences,

C’est avec plaisir que je vous reçois au moment de la présentation des Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires de vos pays respectifs: la Tanzanie, le Népal, la Finlande, Sainte-Lucie, le Salvador, le Danemark, l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Érythrée, le Togo et Andorre. Je vous remercie de m’avoir transmis les paroles courtoises de vos Chefs d’État et je vous saurais gré de leur exprimer en retour mes souhaits déférents pour leurs personnes et pour leur haute mission au service de leur pays. Votre présence me donne aussi l’occasion de saluer les différents Responsables civils et religieux de vos nations, ainsi que tous vos compatriotes, avec une pensée spéciale pour les communautés catholiques.

De toutes les parties du monde parviennent des informations concernant des conflits. Je voudrais ce matin lancer un nouvel appel pour que les Responsables des Nations et tous les hommes de bonne volonté se donnent la main pour faire cesser la violence, qui défigure l’humanité et qui hypothèque la croissance des peuples et l’espérance de nombreuses populations. Sans l’engagement de tous à faire la paix, à créer un climat de pacification et un esprit de réconciliation à tous les niveaux de la vie sociale, à commencer par le cadre de la famille, il ne sera pas possible d’avancer sur la voie d’une société pacifiée.

Dans cette perspective, pour un développement toujours plus harmonieux des peuples, il est important de porter une attention spéciale à la jeunesse, en donnant aux familles et aux différentes structures éducatives les moyens de former et d’éduquer les jeunes, de leur transmettre les valeurs spirituelles, morales et sociale essentielles, les préparant ainsi à un avenir meilleur et à une véritable conscience de leur rôle dans la société et des attitudes qu’ils doivent adopter pour servir le bien commun et pour être attentifs à tous. C’est une des voies essentielles pour que, à long terme, le monde sorte de l’engrenage de la violence. Pour sa part, l’Église catholique, présente sur tous les continents, ne cesse d’apporter son concours, en développant de nombreuses oeuvres éducatives et en formant le sens religieux des individus, qui ne peut que faire grandir en chacun le sens de la fraternité et de la solidarité.

112 Je sais l’intérêt que vous portez à cette question dans votre mission de diplomates, dont une des tâches essentielles est de favoriser le dialogue et les négociations, ainsi que le mieux-être des populations. Je forme aussi des souhaits pour que tous les hommes de notre temps s’engagent en faveur de la paix et de la réconciliation sur tous les continents, car il ne suffit pas de décider la paix pour y parvenir, encore faut-il tout mettre en oeuvre sur le plan concret, à tous les niveaux de la société, pour qu'elle puisse advenir.

Au terme de notre rencontre, je vous offre mes meilleurs voeux pour votre nouvelle mission, invoquant sur vous-mêmes, sur vos familles, sur vos collaborateurs et sur vos pays l’abondance des bienfaits divins.




AUX MEMBRES DE LA COMMISSION THÉOLOGIQUE INTERNATIONALE Jeudi 1 décembre 2005





Très Révérend Président,
Excellences,
Eminents professeurs,
chers collaborateurs!

Je suis heureux de vous accueillir à l'occasion de cette rencontre familiale, qui réveille en moi le souvenir d'une collaboration longue et profonde avec un grand nombre d'entre vous. J'ai été nommé membre de la Commission théologique internationale en 1969 et, en 1982, j'en suis devenu Président. Je désire avant tout exprimer mon profond remerciement pour les paroles d'hommage qui m'ont été adressées par Mgr Levada, qui participe pour la première fois en qualité de Président à une session de la Commission théologique internationale. Je lui adresse mes meilleurs voeux dans la prière afin que la lumière et la force de l'Esprit l'accompagnent dans l'accomplissement du devoir qui lui a été confié.

Avec la session plénière qui se déroule ces jours-ci, se poursuivent les travaux du septième "quinquennat" de la Commission, qui ont débuté l'an dernier, lorsque j'en étais encore le Président. Je profite volontiers de cette occasion pour encourager chacun de vous à poursuivre la réflexion sur les thèmes d'étude choisis pour les prochaines années. En recevant les membres le 7 octobre de l'an dernier, le regretté Pape Jean-Paul II avait souligné la grande importance de deux thèmes qui font actuellement l'objet d'étude: celui du sort des enfants morts sans baptême dans le contexte de la volonté salvifique universelle de Dieu, de la médiation unique de Jésus Christ et du caractère sacramentel de l'Eglise, et celui de la loi morale naturelle. Ce dernier thème est d'une importance particulière pour comprendre le fondement des droits enracinés dans la nature de la personne et, en tant que tels, découlant de la volonté même de Dieu Créateur. Antérieurs à toute loi positive des Etats, ceux-ci sont universels, inviolables et inaliénables, et doivent donc être reconnus par tous comme tels, en particulier par les Autorités civiles, appelées à en promouvoir et à en garantir le respect. Bien que dans la culture actuelle, le concept de "nature humaine" semble avoir disparu, il demeure le fait que les droits de l'homme ne peuvent être compris sans présupposer que l'homme, dans son être même, est porteur de valeurs et de normes qu'il faut redécouvrir et réaffirmer, et non pas inventer ou imposer de façon subjective et arbitraire. Sur ce point, le dialogue avec le monde laïc est d'une grande importance: il doit apparaître avec évidence que la négation d'un fondement ontologique des valeurs essentielles de la vie humaine tombe inévitablement dans le positivisme et soumet le droit aux courants de pensée dominants dans une société, pervertissant ainsi le droit en un instrument de pouvoir au lieu de subordonner le pouvoir au droit.

Le troisième thème, déterminé au cours de la Session plénière de l'an dernier, c'est-à-dire le statut et la méthode de la théologie catholique, est tout aussi important. La théologie ne peut naître que de l'obéissance à l'élan de la vérité et de l'amour, qui désire connaître toujours mieux celui qui aime, dans ce cas Dieu lui-même, dont nous avons reconnu la bonté dans l'acte de foi (cf. Donum veritatis, n. 7). Nous connaissons Dieu car, dans son infinie bonté, il s'est fait connaître à travers la création, mais surtout à travers son Fils unique, qui s'est fait homme pour nous, est mort et est ressuscité pour notre salut.

La révélation du Christ est, par conséquent, le principe normatif fondamental pour la théologie. Celle-ci s'exerce toujours dans l'Eglise et pour l'Eglise, Corps du Christ, sujet unique avec le Christ, et ainsi, également dans la fidélité à la Tradition apostolique. Le travail du théologien doit donc se dérouler en communion avec la voix vivante de l'Eglise, c'est-à-dire le Magistère vivant de l'Eglise, et sous son autorité. Considérer la théologie comme une affaire privée du théologien signifie méconnaître sa nature même. Ce n'est qu'au sein de la communauté ecclésiale, dans la communion avec les pasteurs légitimes de l'Eglise, que trouve son sens le travail théologique qui exige bien évidemment une compétence scientifique, mais également, et plus encore, l'esprit de foi et l'humilité propres à celui qui sait que le Dieu vivant et véritable, objet de sa réflexion, dépasse infiniment les capacités humaines. Ce n'est qu'à travers la prière et la contemplation que l'on peut acquérir le sens de Dieu et la docilité à l'action de l'Esprit Saint, qui rendront la recherche théologique féconde pour le bien de toute l'Eglise et, je dirais, de l'humanité. On pourrait objecter ici: mais une théologie ainsi définie est-elle encore science, et est-elle en conformité avec notre raison et notre liberté? Oui - rationalité, science et pensée dans la communion de l'Eglise non seulement ne s'excluent pas, mais vont de pair. L'Esprit Saint introduit l'Eglise dans la plénitude de la vérité (cf. Jn 16,13), l'Eglise est au service de la vérité et elle est guidée par l'éducation à la vérité.


En souhaitant que vos journées d'étude soient animées par la communion fraternelle dans la recherche de la Vérité que l'Eglise veut annoncer à tous les hommes, je supplie la Très Sainte Vierge Marie, Siège de la Sagesse, afin qu'elle guide vos pas dans la joie et dans l'espérance chrétienne. Avec ces sentiments, tandis que je vous renouvelle à tous l'expression de mon estime et de ma confiance, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique.


AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DE POLOGNE (II GROUPE) EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Samedi 3 décembre 2005

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Chers frères dans le ministère épiscopal,

Je vous souhaite une cordiale bienvenue à tous. Je suis heureux de pouvoir accueillir le deuxième groupe d'Evêques polonais venus ici en visite "ad limina Apostolorum".

1. La nouvelle évangélisation

Au cours de son premier pèlerinage en Pologne, Jean-Paul II a dit: "A partir de la croix à Nowa Huta la nouvelle évangélisation a commencé: l'évangélisation du second Millénaire. Cette Eglise en rend témoignage et en est la preuve. Elle est issue d'une foi vive, consciente et responsable et il faut qu'elle continue à servir la foi. L'évangélisation du nouveau millénaire doit se référer à la Doctrine du Concile Vatican II. Elle doit être, comme l'enseigne ce Concile, une oeuvre commune des Evêques, des prêtres, des religieux et des laïcs, l'oeuvre des parents et des enfants".

Ce fut l'une des premières interventions, si ce n'est la première, de mon grand Prédécesseur sur le thème de la nouvelle évangélisation. Il parla du deuxième millénaire, mais il ne fait aucun doute qu'il pensait désormais au troisième. Sous sa direction, nous sommes entrés dans ce nouveau millénaire du christianisme, en prenant conscience de la constante actualité de son exhortation à une nouvelle évangélisation. Il définissait l'objectif avec ces quelques mots: réveiller une foi "vivante, consciente et responsable". Par la suite, il affirma que cela devait être l'oeuvre commune des Evêques, des prêtres, des personnes consacrées et des laïcs.

Chers frères, je voudrais aujourd'hui m'arrêter avec vous sur ce thème. Nous savons bien que le premier responsable de l'oeuvre de l'évangélisation est l'Evêque, sur les épaules duquel reposent tria munera: prophétique, sacerdotal et pastoral. Dans son livre Levez-vous, allons!, en particulier dans les chapitres: "Pasteur", "Je connais mes brebis" et "L'administration des sacrements", Jean-Paul II, se référant à sa propre expérience, traça le projet du chemin du ministère épiscopal afin qu'il porte de saints fruits. Il n'est pas nécessaire de citer ici en détail les passages de ses réflexions. Nous pouvons tous avoir recours au patrimoine qu'il nous a laissé, et puiser abondamment à son témoignage. Que son sens des responsabilités pour l'Eglise et pour les croyants confiés à la sollicitude de l'Evêque soit pour nous un modèle et un encouragement.

2. Les prêtres diocésains

Les premiers collaborateurs de l'Evêque dans l'accomplissement de ses tâches sont les prêtres; c'est à eux, avant tout autre, que devrait s'adresser la sollicitude de l'Evêque. Jean-Paul II écrivait: "A travers son propre style de vie, l'Evêque montre que "le modèle du Christ" n'est pas dépassé et que, aujourd'hui encore, il reste toujours actuel. On peut dire qu'un diocèse reflète la façon d'être de son Evêque, dont les vertus - la chasteté, la pratique de la pauvreté, l'esprit de prière, la simplicité, la conscience sensible - s'inscrivent d'une certaine façon dans le coeur des prêtres. Ceux-ci, à leur tour, transmettent ces valeurs aux fidèles qui leur sont confiés, et c'est ainsi que des jeunes sont incités à donner une réponse généreuse à l'appel du Christ" (ibid., p. 101).

L'exemple de l'Evêque est extrêmement important: il ne s'agit pas seulement ici d'un style de vie irréprochable, mais également de sa sollicitude pleine d'attentions afin que les vertus chrétiennes, dont parla Jean-Paul II, pénètrent profondément dans l'âme des prêtres de son diocèse. C'est pourquoi l'Evêque devrait faire particulièrement attention à la qualité de la formation au séminaire. Il faut tenir compte non seulement de la préparation intellectuelle des futurs prêtres pour leurs tâches à venir, mais également de leur formation spirituelle et affective. Au cours du Synode de 1991, les Evêques exprimèrent la requête d'un plus grand nombre de pères spirituels dans les séminaires, qui soient bien préparés à exercer la tâche difficile de former les esprits et à s'assurer de la disponibilité affective des séminaristes à assumer les tâches sacerdotales. Il vaut la peine de revenir sur cette requête. Le document de la Congrégation pour l'Education catholique à propos de l'admission des candidats aux Ordres sacrés a récemment été publié. Je vous demande, chers frères, de mettre en application ce qui y est présenté.

114 Il est important que le processus de formation intellectuelle et spirituelle ne se termine pas avec le séminaire. Une formation sacerdotale permanente est nécessaire. Je sais que dans les diocèses polonais, l'on attribue une grande importance à cet aspect. On organise des cours, des journées de retraite, des exercices spirituels et d'autres rencontres, au cours desquels les prêtres peuvent partager leurs problèmes et leurs succès pastoraux, se confirmant réciproquement dans la foi et dans l'enthousiasme pastoral. Je vous demande de continuer cette pratique.

L'Evêque, pour sa part, en tant que pasteur, est appelé à entourer ses prêtres d'une attention paternelle. Il devrait organiser ses engagements de façon à avoir du temps pour ses prêtres, pour les écouter attentivement et pour les aider face aux difficultés. Dans le cas de crise de vocation, à laquelle les prêtres peuvent être sujets, l'Evêque devrait faire tout son possible pour les soutenir et leur redonner leur élan originel et leur amour pour le Christ et pour l'Eglise. L'amour paternel ne doit pas manquer, même lorsqu'une admonestation est nécessaire.

Je rends grâce à Dieu pour qu'il continue à dispenser à la Pologne la grâce de nombreuses vocations. Chers frères, la région méridionale que vous représentez est, de ce point de vue, d'une richesse particulière. Ayant à l'esprit les immenses besoins de l'Eglise universelle, je vous prie d'encourager vos prêtres à entreprendre le service missionnaire, ou bien l'engagement pastoral dans les pays où le clergé est peu nombreux. Il semble qu'aujourd'hui cela constitue une tâche spécifique et même, d'une certaine façon, un devoir pour l'Eglise qui est en Pologne. Toutefois, en envoyant les prêtres à l'étranger, en particulier dans les missions, n'oubliez pas de leur assurer un soutien spirituel et une aide matérielle suffisante.

3. Les Ordres religieux

Jean-Paul II écrivait: "Les Ordres religieux ne m'ont jamais rendu la vie difficile. J'ai eu de bonnes relations avec tous, reconnaissant en eux une aide précieuse pour la mission de l'Evêque. Je pense également à ces grandes réserves d'énergies spirituelles que sont les Ordres contemplatifs" (Levez-vous, allons!, p. 95).

La diversité des charismes et des services qu'accomplissent les religieux et les religieuses, ou bien les membres des instituts laïcs de vie consacrée, est une grande richesse de l'Eglise. L'Evêque peut et doit les encourager à s'insérer dans le programme diocésain d'évangélisation et à assumer des tâches pastorales, conformément à leur charisme, en collaboration avec les prêtres et avec les communautés de laïcs. Les communautés religieuses et chaque consacré, bien que sujets à leurs propres supérieurs selon le droit, "en ce qui concerne le soin des âmes, l'exercice public du culte divin et les autres oeuvres d'apostolat" sont "soumis au pouvoir des Evêques" comme le dit le Code de Droit canonique (can. 678 1). En outre, le Code invite les Evêques diocésains et les Supérieurs religieux à procéder "dans l'organisation des oeuvres d'apostolat des religieux... en agissant de concert" (can. 678 3).

Chers frères, je vous encourage vivement à entourer de votre attention les communautés religieuses féminines, qui se trouvent dans vos diocèses. Les soeurs qui effectuent différents services dans l'Eglise méritent le plus grand respect, et leur travail doit être reconnu et apprécié à sa juste valeur. Elles ne doivent pas être privées d'un soutien spirituel adapté et d'une possibilité de développement intellectuel et de croissance dans la foi.

Je vous recommande de manière particulière d'avoir à coeur le sort des Ordres contemplatifs. Que leur présence dans le diocèse, leur prière et leurs renoncements constituent toujours pour vous un soutien et une aide. Quant à vous, cherchez à aller au-devant de leurs nécessités, même matérielles.

Ces dernières années, on observe malheureusement une diminution des vocations religieuses, en particulier des vocations féminines. Il faut donc, avec les responsables supérieurs religieux, réfléchir sur les causes de cet état de fait et réfléchir à la façon dont on peut éveiller et soutenir de nouvelles vocations féminines.

4. Le laïcat

Les paroles de mon grand Prédécesseur nous introduisent dans la réflexion sur le rôle des laïcs dans l'oeuvre de l'évangélisation: "Les laïcs peuvent réaliser leur vocation dans le monde et atteindre la sainteté non seulement en s'engageant activement en faveur des pauvres et des indigents, mais également en animant la société avec un esprit chrétien, à travers l'accomplissement de leurs devoirs professionnels et le témoignage d'une vie familiale exemplaire" (Levez-vous, allons!, p. 91).

A une époque où - comme l'écrivait Jean-Paul II - "la culture européenne donne l'impression d'une "apostasie silencieuse" de la part de l'homme comblé qui vit comme si Dieu n'existait pas" (Ecclesia in Europa, n. 9), l'Eglise ne cesse d'annoncer au monde que Jésus Christ est son espérance. Dans cette oeuvre, le rôle des laïcs est irremplaçable. Leur témoignage de foi est particulièrement éloquent et efficace, car il est apporté dans la réalité quotidienne et dans les milieux auxquels un prêtre a difficilement accès.

L'un des buts principaux de l'activité du laïcat est le renouvellement moral de la société, qui ne peut pas être superficiel, partiel et immédiat. Il devrait se caractériser par une profonde transformation de l'éthos des hommes, c'est-à-dire par l'acceptation d'une opportune hiérarchie des valeurs, selon laquelle doivent se former les comportements.

La tâche spécifique du laïcat est la participation à la vie publique et à la vie politique. Dans l'Exhortation apostolique Christifideles laici, Jean-Paul II rappela que "tous et chacun ont le droit et le devoir de participer à la politique" (n. 42). L'Eglise ne s'identifie avec aucun parti, avec aucune communauté politique, ni avec un système politique, elle rappelle en revanche toujours que les laïcs engagés dans la vie politique doivent donner un témoignage courageux et lisible des valeurs chrétiennes, qui doivent être affirmées et défendues lorsqu'elles sont menacées. Ils doivent le faire publiquement, que ce soit dans les débats à caractère politique ou dans les mass media. L'une des tâches importantes, dérivant du processus d'intégration européenne, est un engagement courageux pour conserver l'identité catholique des Polonais. Le dialogue établi par le laïcat catholique au niveau des questions politiques se démontrera efficace et servira le bien commun s'il possède à sa base: l'amour de la vérité, l'esprit de service et la solidarité dans l'engagement en faveur du bien commun. Chers frères, je vous exhorte à soutenir ce service du laïcat, en respectant une juste autonomie politique.

Je n'ai mentionné que quelques formes de l'engagement du laïcat dans l'oeuvre de l'évangélisation. Les autres, comme la pastorale de la famille, la pastorale des jeunes ou l'activité caritative, constitueront le thème d'une réflexion ultérieure au cours de la rencontre avec le troisième groupe d'Evêques polonais. Je souhaite à présent qu'une collaboration harmonieuse avec tous les états de vie dans l'Eglise, sous votre direction éclairée, produise des fruits de transformation du monde, dans l'esprit de l'Evangile du Christ.

En confiant à la Vierge votre Ministère épiscopal, je vous bénis avec affection. Loué soit Jésus Christ!


AUX PRÉSIDENTS DES COMMISSIONS ÉPISCOPALES POUR LA FAMILLE ET LA VIE D'AMÉRIQUE LATINE Samedi 3 décembre 2005

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Chers frères dans l'épiscopat,

1. Je suis heureux de vous recevoir à l'occasion de la Troisième Rencontre des Présidents des Commissions épiscopales pour la Famille et la Vie d'Amérique latine. Je désire exprimer ma gratitude pour les paroles que m'a adressées le Cardinal Alfonso López Trujillo, Président du Conseil pontifical pour la Famille. Je suis le témoin, avec toute l'Eglise, de la sollicitude avec laquelle le Pape Jean-Paul II s'est consacré à ce thème si important. Pour ma part, je partage cette même préoccupation qui détermine dans une large mesure l'avenir de l'Eglise et des peuples, car, comme l'affirmait mon prédécesseur dans l'Exhortation apostolique Familiaris consortio: "L'avenir de l'humanité passe par la famille! Il est donc indispensable et urgent que tout homme de bonne volonté s'emploie de toutes ses forces à sauvegarder et à promouvoir les valeurs et les exigences de la famille. Je me sens poussé à demander à ce sujet un effort particulier aux fils de l'Eglise. Dans la foi, ils ont une pleine connaissance des merveilleux desseins de Dieu, ils ont donc une raison de plus de prendre à coeur la réalité de la famille, dans ce temps d'épreuve et de grâce qui est le nôtre". Et il ajoutait: "Les chrétiens ont en outre le devoir d'annoncer avec joie et conviction la "bonne nouvelle" sur la famille, laquelle a absolument besoin d'écouter encore et sans cesse, et de comprendre toujours plus profondément les paroles authentiques qui lui révèlent son identité, ses ressources intérieures, l'importance de sa mission dans la cité des hommes et dans celle de Dieu" (n. 86). L'Exhortation susmentionnée, la Lettre aux Familles Gratissimam sane et l'Encyclique Evangelium vitae constituent un triptyque lumineux qui doit inspirer votre tâche de pasteurs.

2. Je désire vous remercier de manière particulière pour votre sollicitude pastorale qui vise à sauvegarder les valeurs fondamentales du mariage et de la famille, menacées par le phénomène actuel de la sécularisation, qui empêche à la conscience sociale de découvrir de manière appropriée l'identité et la mission de l'institution familiale, et tout récemment par la pression de lois injustes qui ignorent ses droits fondamentaux.

Face à cette situation, j'observe avec plaisir la façon dont grandit et se consolide l'oeuvre des Eglises particulières en faveur de cette institution humaine, qui plonge ses racines dans le dessein plein d'amour de Dieu et qui représente le modèle irremplaçable pour le bien commun de l'humanité. De très nombreux foyers domestiques donnent une réponse généreuse au Seigneur et, en outre, se multiplient les expériences pastorales signe d'une nouvelle vitalité à travers lesquelles, grâce à une meilleure préparation au mariage, se renforce l'identité de la famille.

3. Votre devoir de pasteurs consiste à présenter dans toute sa richesse la valeur extraordinaire du mariage qui, en tant qu'institution naturelle, est un "patrimoine de l'humanité". D'autre part, son élévation à la très haute dignité de sacrement doit être considérée avec gratitude et émerveillement, comme je l'ai dit récemment en affirmant que "le caractère sacramentel que le mariage revêt dans le Christ signifie donc que le don de la création a été élevé au niveau de la grâce de la rédemption. La grâce du Christ ne vient pas s'ajouter de l'extérieur à la nature de l'homme, elle ne lui fait pas violence, mais la libère et la restaure, précisément en l'élevant au-delà de ses propres limites" (Discours à l'Ouverture du Congrès ecclésiastique du diocèse de Rome sur famille et communauté chrétienne, 6 juin 2005).

4. L'amour et le don total de soi des conjoints, avec leurs caractéristiques particulières d'exclusivité, de fidélité, de durée dans le temps et d'ouverture à la vie, sont à la base de cette communauté de vie et d'amour qui est le mariage (cf. Gaudium et spes
GS 48). Aujourd'hui, il faut aussi annoncer avec un enthousiasme renouvelé que l'Evangile de la famille est un chemin de réalisation humaine et spirituelle, en ayant la certitude que le Seigneur est toujours présent avec sa grâce. Cette annonce est souvent déformée par de fausses conceptions du mariage et de la famille qui ne respectent pas le projet originel de Dieu. Dans ce sens, on est arrivé à proposer de nouvelles formes de mariage, certaines inconnues à la culture des peuples, dans lesquelles on porte atteinte à sa nature spécifique.

Dans le domaine de la vie aussi sont en train d'apparaître de nouveaux points de vue qui mettent en discussion ce droit fondamental. En conséquence, on facilite l'élimination de l'embryon ou son usage arbitraire au nom du progrès de la science qui, ne reconnaissant pas ses limites et n'acceptant pas tous les principes moraux permettant de sauvegarder la dignité de la personne, devient une menace pour l'être humain lui-même, réduit à un objet ou à un pur instrument. Lorsque l'on parvient à de tels niveaux, la société elle-même s'en ressent et ses fondements en sont ébranlés, avec toutes sortes de risques.

5. En Amérique latine, comme en tout autre lieu, les enfants ont le droit de naître et de grandir au sein d'une famille fondée sur le mariage, où les parents sont les premiers éducateurs de la foi des enfants, et où ceux-ci peuvent atteindre leur pleine maturité humaine et spirituelle. Les enfants sont réellement la richesse la plus grande et le bien le plus précieux de la famille. C'est pourquoi il est nécessaire d'aider toutes les personnes à prendre conscience du mal intrinsèque du crime de l'avortement qui, en portant atteinte à la vie humaine à ses débuts, est également une agression contre la société elle-même. C'est pourquoi les hommes politiques et les législateurs, en tant que serviteurs du bien commun, ont le devoir de défendre le droit fondamental à la vie, fruit de l'amour de Dieu.

6. Pour l'action pastorale, dans un domaine si délicat et complexe, dans lequel interviennent plusieurs disciplines et où l'on affronte des questions fondamentales, il ne fait aucun doute qu'une préparation attentive des agents de pastorale dans les diocèses est nécessaire. C'est pourquoi les prêtres, en tant que collaborateurs directs des Evêques, doivent pouvoir recevoir une solide préparation dans ce domaine, leur permettant d'affronter avec compétence et conviction la problématique qui se présente dans leur activité pastorale. Quant aux laïcs, surtout ceux qui consacrent leurs énergies à ce service des familles, ils ont à leur tour besoin d'une formation valable et approfondie qui les aide à témoigner de la grandeur et de la valeur permanente du mariage dans la société actuelle.

7. Chers frères, comme vous le savez, la V Rencontre mondiale des Familles aura bientôt lieu à Valence, en Espagne, sur le thème: La transmission de la foi dans la famille. A ce propos, je désire adresser mon salut cordial à l'Archevêque de cette ville, Mgr Agustín García-Gasco, qui participe à cette rencontre et qui, avec le Conseil pontifical pour la Famille, s'occupe de la tâche difficile de sa préparation. Je vous encourage tous, afin que de nombreuses délégations des Conférences épiscopales, des diocèses et des mouvements de l'Amérique latine, puissent participer à cette important événement ecclésial. Pour ma part, je soutiens résolument la célébration de cette rencontre et je la place sous la protection pleine d'amour de la Sainte Famille.

Chers pasteurs, je vous donne de tout coeur, ainsi qu'à toutes les familles d'Amérique latine, ma Bénédiction apostolique.




Discours 2005-2013 110