Discours 2005-2013 138

À M. RICCARDO DI SEGNI, GRAND RABBIN DE ROME Lundi 16 janvier 2006



Illustre Grand Rabbin,
chers amis, Shalom!

"Yahvé est ma force et mon chant, à lui je dois mon salut" (Ex 15,2): ainsi chanta Moïse avec les fils d'Israël, lorsque le Seigneur sauva son peuple à travers la mer. Ainsi chanta également Isaïe: "Voici le Dieu de mon salut: j'aurai confiance et je ne tremblerai plus, car ma force et mon chant, c'est Yahvé, il a été mon salut" (Is 12,2). Votre visite me procure une grande joie, et me pousse à renouveler avec vous ce même chant de gratitude pour le salut obtenu. Le peuple d'Israël a été libéré à diverses reprises des mains de ses ennemis, et au cours des siècles de l'antisémitisme, lors des moments dramatiques de la Shoah, la main du Tout-Puissant l'a soutenu et guidé. La prédilection du Dieu de l'Alliance l'a toujours accompagné, lui donnant la force de surmonter les épreuves. Votre communauté juive, présente dans la ville de Rome depuis plus de deux mille ans, peut également rendre témoignage de cette attention divine emplie d'amour.

L'Eglise catholique est proche de vous et elle est votre amie. Oui, nous vous aimons et nous ne pouvons manquer de vous aimer, à cause des Pères: selon eux, vous êtes pour nous de très chers et bien-aimés frères (cf. Rm 11,28). Après le Concile Vatican II, cette estime et cette confiance réciproque sont allées croissantes. Des contacts toujours plus fraternels et cordiaux se sont développés, qui se sont intensifiés au cours du pontificat de mon Prédécesseur Jean-Paul II.

Dans le Christ, nous participons de votre propre héritage des Pères, pour servir le Tout-Puissant "sous un même joug" (So 3,9), greffés sur l'unique tronc saint (cf. Is Is 6,13 Rm 11,16) du Peuple de Dieu. Cela fait de nous des chrétiens conscients qu'avec vous, nous avons la responsabilité de coopérer au bien de tous les peuples, dans la justice et dans la paix, dans la vérité et dans la liberté, dans la sainteté et dans l'amour. A la lumière de cette mission commune, nous ne pouvons pas manquer de dénoncer et de combattre de manière décidée la haine et les incompréhensions, les injustices et les violences qui continuent de semer l'inquiétude dans l'âme des hommes et des femmes de bonne volonté. Dans ce contexte, comment ne pas ressentir de la douleur et de l'inquiétude pour les manifestations renouvelées d'antisémitisme que l'on constate parfois?

Eminent Grand Rabbin, depuis peu vous a été confiée la conduite spirituelle de la communauté juive de Rome; vous avez assumé cette responsabilité riche de votre expérience de chercheur et de médecin, qui a partagé les joies et les souffrances de tant de personnes. Je forme de tout coeur des voeux fervents pour votre mission et je vous assure de mon estime et de mon amitié cordiale, ainsi que de celles de mes collaborateurs. Par ailleurs, un très grand nombre d'urgences et de défis, à Rome et dans le monde, nous engagent à unir nos mains et nos coeurs au service d'initiatives concrètes de solidarité, de tzedek (justice) et de tzedekah (charité). Ensemble, nous pouvons collaborer pour transmettre la flamme du Décalogue et de l'espérance aux jeunes générations.

Que l'Eternel veille sur vous et sur toute la communauté juive de Rome! En cette circonstance singulière, je fais mienne la prière du Pape Clément I, en invoquant les Bénédictions du ciel sur vous tous: "Donne la concorde et la paix à tous les habitants de la terre, comme tu les as données à nos pères, lorsqu'ils t'invoquaient pieusement dans la foi et dans la vérité" (Aux Corinthiens 60, 4). Shalom!


À UNE DÉLÉGATION OECUMÉNIQUE DE FINLANDE Jeudi 19 janvier 2006

139 Cher Evêque Heikka;
Cher Evêque Wróbel,
Eminents amis de Finlande,

Chers membres de la délégation oecuménique de Finlande, c'est pour moi une grande joie de vous accueillir à l'occasion de la célébration en ce jour de la fête de saint Erik, votre saint patron.

Je suis heureux de rappeler que pendant de nombreuses années mon bien-aimé prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, a accueilli avec joie et gratitude les participants au pèlerinage annuel à Rome, qui est devenu une expression de nos contacts étroits et de notre dialogue oecuménique fructueux. Ces visites sont l'occasion d'un travail encore plus productif, ainsi que d'un approfondissement de l'"oecuménisme spirituel" (cf. Ut unum sint
UUS 21) qui engage les chrétiens divisés à se rendre compte de tout ce qui les unit déjà.

L'actuelle Commission pour le Dialogue entre luthériens et catholiques en Finlande et en Suède poursuit le résultat important que représente la Déclaration conjointe sur la Doctrine de la justification. Dans le contexte spécifique des pays nordiques, la Commission continue d'étudier les succès et les implications pratiques de la Déclaration conjointe. De cette manière, elle tente d'aborder les différences encore existantes entre luthériens et catholiques au sujet de certaines questions de foi et de vie ecclésiale, tout en conservant un témoignage fervent à la vérité de l'Evangile.

En ces jours de la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens, nous sommes conscients que l'unité est une grâce, et que nous avons besoin de demander sans cesse ce don au Seigneur. Notre espérance est assurée par sa promesse: "De même, je vous le dis en vérité, si deux d'entre vous sur la terre, unissent leur voix pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux. Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d'eux" (Mt 18,19-20).

Rendons-grâce au Seigneur pour tout ce qui a déjà été accompli dans les relations entres catholiques et luthériens et prions pour qu'il nous emplisse de son Esprit qui nous guide vers la plénitude de la vérité et de l'amour.


À LA COMMUNAUTÉ DE L’"ALMO COLLEGIO CAPRANICA" DE ROME Salle Clémentine Vendredi 20 janvier 2006



Monsieur le Cardinal,
140 Vénérés frères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
Chers élèves de l'Almo Collegio Capranica,

Je suis heureux de vous accueillir à l'occasion de cette audience spéciale, la veille de la mémoire liturgique de sainte Agnès, votre patronne céleste. Je vous rencontre pour la première fois depuis mon élection sur la Chaire de l'Apôtre Pierre, et je profite volontiers de cette occasion pour adresser à tous un salut cordial. Je désire saluer tout d'abord le Cardinal Camillo Ruini et les autres prélats qui composent la Commission épiscopale responsable de votre Collège; je salue le Recteur, Mgr Ermenegildo Manicardi, et les autres formateurs; je vous salue, chers jeunes qui vous préparez à exercer le ministère sacerdotal. Vous vous trouvez à une période très importante de votre vie, qui est celle de votre formation, un temps propice pour croître sur les plans humain, culturel et spirituel.
Chers jeunes, dans l'organisation du Collège tout vous aide à bien vous préparer à votre future mission pastorale: la prière, le recueillement, l'étude, la vie communautaire et le soutien des formateurs. Vous pouvez bénéficier du fait que votre séminaire, riche d'histoire, se trouve inséré dans la vie du diocèse de Rome et que la famille du Collège Capranica s'est toujours engagée, avec fierté, à nourrir un lien profond de fidélité avec l'Evêque de Rome. La possibilité d'effectuer des études de théologie dans notre ville vous offre à vous aussi une opportunité unique de croissance et d'ouverture aux exigences de l'Eglise universelle. Au cours de ces années, que votre préoccupation soit de mettre à profit chaque occasion pour témoigner efficacement de l'Evangile parmi les hommes de notre temps.

Pour répondre aux attentes de la société moderne, pour coopérer à la vaste action évangélisatrice qui engage tous les chrétiens, nous avons besoin de prêtres préparés et courageux qui, sans ambitions ni craintes, mais convaincus de la Vérité évangélique, se soucient tout d'abord d'annoncer le Christ et, en son nom, soient prêts à se pencher sur les souffrances humaines, en permettant à tous de faire l'expérience du réconfort de l'amour de Dieu et de la chaleur de la famille ecclésiale, spécialement aux pauvres et à ceux qui traversent des difficultés. Ceci comporte, vous le savez bien, outre une maturité humaine et une ferme adhésion à la vérité révélée, que le Magistère de l'Eglise propose fidèlement, un engagement sérieux dans la sanctification personnelle et dans l'exercice des vertus, spécialement de l'humilité et de la charité; il convient également de nourrir la communion avec les différentes composantes du Peuple de Dieu, afin que grandisse en chacun la conscience d'appartenir à l'unique Corps du Christ, membres les uns des autres (cf.
Rm 12,4-6). Afin que tout cela puisse se réaliser, je vous invite, chers amis, à garder le regard fixé sur le Christ, qui est l'auteur de la foi et qui la mène à sa perfection (cf. He 12,2). En effet, plus vous demeurerez en communion avec lui, plus vous serez en mesure de suivre fidèlement ses traces, afin que dans "la charité, en laquelle se noue la perfection" (Col 3,14), mûrisse votre amour pour le Seigneur, sous la conduite de l'Esprit Saint. Vous avez devant les yeux des témoignages de prêtres remplis de zèle, que votre Collège "Almo" a comptés au cours des années parmi ses étudiants, des prêtres qui ont prodigué des trésors de science et de bonté dans la Vigne du Seigneur. Suivez leur exemple!

Chers amis, le Pape vous accompagne par sa prière, demandant au Seigneur de vous réconforter et de vous combler de dons abondants. Que sainte Agnès, qui, à un jeune âge, résistant aux séductions et aux menaces, choisit comme trésor la "perle" précieuse du Royaume, et aima le Christ jusqu'au martyre, intercède pour vous. Que la Vierge Marie fasse que vous puissiez porter des fruits abondants d'oeuvres de bien, pour la gloire de Dieu et le bien de la sainte Eglise. Pour confirmer ces voeux je vous donne avec affection, à vous et à toute la communauté du Collège Capranica, la Bénédiction apostolique, que j'étends volontiers à ceux qui vous sont chers.


AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE PROMUE PAR LE CONSEIL PONTIFICAL "COR UNUM" Salle Clémentine Lundi 23 janvier 2006



Eminences, Excellences, Mesdames et Messieurs,

L'excursion cosmique à laquelle Dante veut convier le lecteur dans sa "Divine Comédie" s'achève devant la Lumière éternelle qui est Dieu lui-même, devant cette Lumière qui est dans le même temps "l'Amour qui meut le soleil et les autres étoiles" (Par. XXXIII, v. 145). Lumière et amour sont une seule chose. Ils sont la puissance créatrice primordiale qui meut l'univers. Si ces paroles du Paradis de Dante laissent transparaître la pensée d'Aristote, qui voyait dans l'eros la puissance qui meut le monde, le regard de Dante distingue toutefois une chose totalement nouvelle et inimaginable pour le philosophe grec. Et pas seulement que la Lumière éternelle se présente en trois cercles auxquels il s'adresse avec ces vers intenses que nous connaissons: "O Lumière éternelle qui seule en toi reposes / Qui seule te connais et par toi connue / et te connaissant, aimes et souris!" (Par., XXXIII, vv. 124-126). En réalité, la perception d'un visage humain - le visage de Jésus Christ - qui apparaît à Dante dans le cercle central de la Lumière, est encore plus bouleversante, que cette révélation de Dieu en tant que cercle trinitaire de connaissance et d'amour. Dieu, Lumière infinie dont le philosophe grec avait perçu le mystère incommensurable, ce Dieu a un visage humain et - nous pouvons ajouter - un coeur humain. Dans cette vision de Dante on peut voir, d'une part, la continuité entre la foi chrétienne en Dieu et la recherche développée par la raison et le monde des religions; mais, dans le même temps, apparaît également la nouveauté qui dépasse toute recherche humaine - la nouveauté que seul Dieu lui-même pouvait nous révéler: la nouveauté d'un amour qui a poussé Dieu à prendre un visage humain, et même à devenir chair et sang, l'être humain tout entier. L'eros de Dieu n'est pas seulement une force cosmique primordiale; c'est un amour qui a créé l'homme et se penche vers lui, comme le bon Samaritain s'est penché sur l'homme blessé que l'on avait volé, gisant au bord de la route qui descendait de Jérusalem à Jéricho.

Aujourd'hui, le mot "amour" est tellement galvaudé, usé, on en a tellement abusé que l'on a presque peur de le laisser effleurer nos lèvres. Il s'agit pourtant d'un mot essentiel, l'expression de la réalité primordiale; nous ne pouvons pas l'abandonner tout simplement. Nous devons le reprendre, le purifier et le ramener à sa splendeur d'origine, afin qu'il puisse éclairer notre vie et la conduire sur le droit chemin. C'est cette conscience qui m'a conduit à choisir l'amour comme thème de ma première Encyclique.

141 Je voulais tenter d'exprimer pour notre époque et pour notre vie un peu de ce que Dante a récapitulé de manière audacieuse dans sa vision. Il parle d'une "puissance visuelle" qui "se fortifiait" tandis qu'il regardait et qui le changeait intérieurement (cf. Par., XXXIII, vv. 112-114). Il s'agit précisément de cela: que la foi devienne une vision-compréhension qui nous transforme. J'avais le désir de souligner le caractère central de la foi en Dieu - en ce Dieu qui a pris un visage humain et un coeur humain. La foi n'est pas une théorie que l'on peut faire sienne ou mettre de côté. Il s'agit d'une chose très concrète: c'est le critère qui décide de notre style de vie. A une époque où l'hostilité et l'avidité sont devenues des puissances supérieures, une époque où nous assistons à l'abus de la religion jusqu'à l'apothéose de la haine, la rationalité neutre n'est pas à elle seule en mesure de nous protéger. Nous avons besoin du Dieu vivant, qui nous a aimés jusqu'à la mort.

Ainsi, dans cette Encyclique, les thèmes "Dieu", "Christ" et "Amour" sont fondus ensemble comme guide central de la foi chrétienne. Je voulais montrer l'humanité de la foi, dont fait partie l'eros - le "oui" de l'homme à sa corporéité créée par Dieu, un "oui" qui dans le mariage indissoluble entre l'homme et la femme trouve sa forme enracinée dans la création. Et là, il advient également que l'eros se transforme en agape - que l'amour pour l'autre ne se cherche plus lui-même, mais devient préoccupation pour l'autre, disponibilité au sacrifice pour lui et également ouverture au don d'une nouvelle vie humaine. L'agape chrétienne, l'amour pour le prochain à la suite du Christ n'est pas quelque chose d'étranger, en marge, voire en opposition à l'eros; au contraire, dans le sacrifice que le Christ a fait de lui-même pour l'homme, elle a trouvé une nouvelle dimension qui s'est développée toujours davantage, dans l'histoire du dévouement plein de charité des chrétiens à l'égard des pauvres et des personnes souffrantes.

Une première lecture de l'Encyclique pourrait peut-être donner l'impression que celle-ci se divise en deux parties ne possédant guère de lien entre elles: une première partie théorique, qui parle de l'essence de l'amour, et une seconde qui traite de la charité ecclésiale, des organisations caritatives. Mais ce qui m'intéressait c'était justement l'unité de ces deux thèmes qui ne sont bien compris que s'ils sont considérés comme une seule chose. Tout d'abord, il fallait parler de l'essence de l'amour tel qu'il se présente à nous dans la lumière du témoignage biblique. En partant de l'image chrétienne de Dieu, il fallait montrer comment l'homme est créé pour aimer et comment cet amour qui au départ apparaît surtout comme eros entre un homme et une femme, doit ensuite se transformer intérieurement en agape, en don de soi à l'autre - et cela précisément pour répondre à la vraie nature de l'eros. Sur cette base, il fallait ensuite expliquer que l'essence de l'amour de Dieu et du prochain décrit dans la Bible est le centre de la vie chrétienne, le fruit de la foi. Ensuite, cependant, dans une deuxième partie, il fallait mettre en évidence que l'acte totalement personnel de l'agape ne peut jamais rester une chose uniquement individuelle, mais qu'il doit également devenir un acte essentiel de l'Eglise comme communauté: c'est-à-dire qu'il a aussi besoin de la forme institutionnelle qui s'exprime dans l'action communautaire de l'Eglise. L'organisation ecclésiale de la charité n'est pas une forme d'assistance sociale qui s'ajoute par hasard à la réalité de l'Eglise, une initiative que l'on pourrait également laisser à d'autres. Au contraire, celle-ci fait partie de la nature de l'Eglise. De même qu'au Logos divin correspond l'annonce humaine, la parole de la foi, à l'Agape, qui est Dieu, doit correspondre l'agape de l'Eglise, son activité caritative. Cette activité, au-delà de sa signification première très concrète d'aider le prochain, possède également et de manière fondamentale celle de communiquer aux autres l'amour de Dieu, que nous avons nous-mêmes reçu. Celle-ci doit rendre d'une certaine manière visible le Dieu vivant. Dans l'organisation caritative, Dieu et le Christ ne doivent pas être des noms étrangers l'un à l'autre; ceux-ci indiquent en réalité la source originelle de la charité ecclésiale. La force de la Caritas dépend de la force de la foi de tous ses membres et collaborateurs.

Le spectacle de l'homme qui souffre touche notre coeur. Mais l'engagement caritatif a un sens qui va bien au-delà de la simple philanthropie. C'est Dieu lui-même qui nous pousse au plus profond de nous-mêmes à soulager la misère. Ainsi, en définitive, c'est Lui-même que nous portons dans le monde de la souffrance. Plus nous porterons notre amour consciemment et clairement comme don, plus cet amour changera de manière efficace le monde et réveillera l'espérance - une espérance qui va au-delà de la mort et qui seulement ainsi, est une véritable espérance pour l'homme. Que le Seigneur bénisse votre Symposium.


AUX PARTICIPANTS À LA RÉUNION DES DÉLÉGUÉS DES ÉGLISE, CONFÉRENCES ÉPISCOPALES, COMMUNAUTÉS ET ORGANISMES OÉCUMÉNIQUE D'EUROPE Salle Clémentine Jeudi 26 janvier 2006



Chers frères et soeurs!

C'est avec joie que je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre présence. Je salue chacun de vous, et, à travers vous, je salue les Conférences épiscopales, les communautés et les Organismes oecuméniques d'Europe. J'adresse un salut particulier aux Présidents du Conseil des Conférences épiscopales d'Europe et de la Conférence des Eglises européennes, et je les remercie d'avoir voulu se faire les interprètes de vos sentiments fraternels. Votre visite représente une occasion supplémentaire de mettre en lumière les liens de communion qui nous lient dans le Christ, et de renouveler notre volonté d'oeuvrer ensemble afin de parvenir au plus tôt à la pleine unité.

Je suis particulièrement content de vous rencontrer à nouveau aujourd'hui, après avoir participé hier dans la Basilique Saint-Paul à la conclusion de la Semaine de prière pour l'unité des chrétiens. Vous avez voulu commencer votre pèlerinage oecuménique européen, dont le point culminant sera l'Assemblée de Sibiu, en Roumanie, en septembre 2007, précisément ici, à Rome, où eurent lieu la prédication et le martyre des Apôtres Pierre et Paul. Et cela est extrêmement significatif, car les Apôtres furent les premiers à nous annoncer cet Evangile que, en tant que chrétiens, nous sommes appelés à proclamer et à témoigner à l'Europe d'aujourd'hui. C'est précisément pour donner une plus grande efficacité à cette annonce que nous voulons procéder avec courage sur le chemin de la recherche de la pleine communion. Le thème que vous avez choisi pour cet itinéraire spirituel - "La lumière du Christ illumine chacun. Espérance de renouveau et unité en Europe" - indique que c'est là que réside la véritable priorité pour l'Europe: s'engager afin que la lumière du Christ resplendisse et illumine avec une vigueur renouvelée les pas du Continent européen au début du nouveau millénaire. Je souhaite que chaque étape de ce pèlerinage soit marquée par la lumière du Christ et que la prochaine Assemblée oecuménique européenne puisse contribuer à accroître la conscience des chrétiens de nos pays en ce qui concerne le devoir de témoigner de la foi dans le contexte culturel d'aujourd'hui, souvent marqué par le relativisme et par l'indifférence. Il s'agit d'un service indispensable à rendre à la Communauté européenne, qui a élargi ses frontières au cours de ces années.

En effet, afin que le processus d'unification qu'elle a entamé soit fructueux, l'Europe a besoin de redécouvrir ses racines chrétiennes en accordant une place aux valeurs éthiques qui font partie de son vaste et solide patrimoine spirituel. C'est à nous, disciples du Christ, que revient le devoir d'aider l'Europe à prendre conscience de sa responsabilité particulière dans l'assemblée des peuples. Toutefois, notre présence à nous, chrétiens, ne sera incisive et lumineuse que si nous avons le courage de parcourir avec décision la voie de la réconciliation et de l'unité. Il me revient à l'esprit la question que mon bien-aimé prédécesseur Jean-Paul II se posa dans son homélie au cours de la célébration oecuménique à l'occasion de la première Assemblée spéciale du Synode des Evêques pour l'Europe, le 7 décembre 1991: "Dans une Europe en route vers l'unité politique, pourrions-nous admettre que précisément l'Eglise du Christ soit un facteur de désunion et de discorde? Ne serait-ce pas là un des plus grands scandales de notre temps?". Combien il est important de trouver dans le Christ la lumière pour avancer de façon concrète vers l'unité! Cet effort est exigé de tous, chers représentants des Eglises et des communautés ecclésiales en Europe, car nous avons tous une responsabilité spécifique en ce qui concerne le chemin oecuménique des chrétiens sur notre continent et dans le reste du monde. Depuis la chute du Mur, qui divisait les pays de l'Est et de l'Ouest de l'Europe, la rencontre entre les peuples est plus facile; il existe davantage d'opportunités d'accroître la connaissance et l'estime réciproque à travers un échange enrichissant de dons; on ressent le besoin d'affronter en étant unis les grands défis du moment, en commençant par celui de la modernité et de la sécularisation. L'expérience démontre amplement que le dialogue sincère et fraternel engendre la confiance, élimine les peurs et les préjugés, aplanit les difficultés et ouvre à la confrontation sereine et constructive.

Chers amis, en ce qui me concerne, je renouvelle ici la ferme volonté, manifestée au début de mon Pontificat, de prendre comme engagement prioritaire celui d'oeuvrer de toutes mes forces à la reconstitution de l'unité pleine et visible de tous les fidèles du Christ. Je vous remercie encore pour votre visite appréciée et je demande à Dieu d'accompagner par son Esprit vos efforts en vue de préparer la prochaine Assemblée oecuménique européenne à Sibiu. Que le Seigneur bénisse vos familles, les communautés, les Eglises et tous ceux qui, dans toutes les régions d'Europe, se proclament disciples du Christ.


AUX ÉVÊQUES DU CONGO EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Vendredi 27 janvier 2006

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Monsieur le Cardinal,
Chers Frères dans l’Épiscopat,

Je suis heureux de vous adresser mes fraternelles salutations, au moment où vous accomplissez votre Visite ad limina Apostolorum. En venant resserrer vos liens de communion avec l’Évêque de Rome et, par là, avec tout le Collège épiscopal, vous désirez manifester votre attachement, ainsi que celui de tous vos fidèles, au Successeur de Pierre. Je souhaite que votre prière commune aux tombeaux des Apôtres Pierre et Paul, et que vos rencontres avec la Curie romaine vous apportent joie et réconfort dans votre ministère, et vous donnent un élan nouveau. J’exprime ma gratitude à Monsieur le Cardinal Etsou, qui m’a fait part de vos joies et de vos préoccupations de pasteurs. Je salue avec affection les pasteurs et les fidèles des provinces ecclésiastiques de Kinshasa, de Mbandaka-Bikoro et de Kananga, dans lesquelles vous êtes chargés d’édifier le Corps du Christ et de guider le peuple de Dieu. Au moment où les catholiques de la République démocratique du Congo, unis à toutes les personnes de bonne volonté, s’apprêtent à vivre des événements importants pour l’avenir de leur nation, je voudrais manifester ma proximité spirituelle, faisant monter vers le Seigneur une prière fervente pour qu’ils persévèrent, avec une ferme espérance, dans l’édification de la paix et de la fraternité !

Ces dernières années, votre pays a vécu au rythme de conflits meurtriers qui laissent de profondes cicatrices dans la mémoire des peuples. Au cours de cette tragédie, qui a touché en particulier l’est de votre pays, vous avez eu le souci de dénoncer, par de vigoureux messages, les exactions en cours, appelant les acteurs locaux à faire preuve de responsabilité et de courage, pour que les populations vivent dans la paix et la sécurité. J’encourage la Conférence épiscopale, dans un travail concerté et audacieux, à demeurer vigilante pour accompagner les progrès en cours.

Les temps forts de la vie ecclésiale ont rythmé ces années. Vous avez rappelé, Monsieur le Cardinal, le Grand Jubilé de l’Incarnation. Vous avez signalé aussi l’année 2005, au cours de laquelle a été célébré le dixième anniversaire de la publication de l’Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa. En convoquant cette Assemblée, le Pape Jean-Paul II souhaitait promouvoir une solidarité pastorale organique dans le continent africain, afin que l’Église porte un message de foi, d’espérance et de charité crédible à tous les hommes de bonne volonté, pour un nouvel élan missionnaire des Églises particulières. Alors que certains diocèses célèbrent les cent ans de leur évangélisation, je souhaite que chacun d’entre vous prenne les moyens de faire le point sur la question centrale de la proposition de l’Évangile et en tire les conséquences pastorales pour la vie des communautés locales, afin que l’ardeur apostolique des pasteurs et des fidèles en soit renouvelée et que la reconstruction morale, spirituelle et matérielle unisse les communautés en une seule famille, signe de fraternité pour vos contemporains.

C’est dans une attention toujours plus grande aux appels de l’Esprit et dans une intimité toujours plus étroite avec le Christ que l’Église accomplit sa mission prophétique d’annoncer l’Évangile avec courage et enthousiasme. Cette mission, à laquelle le Seigneur ressuscité appelle ses disciples, qui ne peuvent s’y dérober, vous revient à un titre spécial, chers Frères dans l’Épiscopat, car «l’activité évangélisatrice de l’Évêque, qui vise à amener les hommes à la foi et à les fortifier dans la foi, est une manifestation éminente de sa paternité» (Pastores gregis ).

Je vous encourage donc, par l’exemple et la probité de votre vie étroitement unie au Christ, à proclamer sans vous lasser l’Évangile du Christ et à vous laisser renouveler par lui, vous rappelant que l’Église vit de l’Évangile, en tirant sans cesse des orientations pour son chemin. L’Évangile ne peut éclairer en profondeur les consciences et transformer de l’intérieur les cultures que si chaque fidèle se laisse rejoindre dans sa vie personnelle et communautaire par la Parole du Christ, qui invite, par une conversion authentique et durable, à une réponse de foi personnelle et adulte, en vue d’une fécondité sociale et d’une fraternité entre tous. Que votre charité, votre humilité et votre simplicité de vie soient également pour vos prêtres et vos fidèles un témoignage stimulant, pour que tous progressent en vérité sur le chemin de la sainteté.

Vous soulignez la nécessité de travailler à une évangélisation en profondeur des fidèles. Les Communautés ecclésiales vivantes, présentes en tout point de vos diocèses, reflètent bien cette évangélisation de proximité qui rend les fidèles toujours plus adultes dans leur foi, dans un esprit de fraternité évangélique selon lequel tous s’efforcent de penser ensemble les divers aspects de la vie ecclésiale, notamment la prière, l’évangélisation, l’attention aux plus pauvres et l’autofinancement des paroisses. Ces communautés constituent aussi un précieux rempart contre l’offensive des sectes, qui exploitent la crédulité des fidèles et qui les égarent en leur proposant une fausse vision du salut et de l’Évangile, et une morale accommodante.

Dans cette perspective, je vous encourage à veiller avec une attention extrême à la qualité de la formation permanente des responsables de ces communautés, notamment les catéchistes dont je salue le dévouement et l’esprit ecclésial, et à faire en sorte qu’ils disposent de conditions spirituelles, intellectuelles et matérielles qui leur permettent d’accomplir au mieux leur mission, sous la responsabilité des Pasteurs. Soyez aussi attentifs à ce que ces Communautés ecclésiales vivantes soient vraiment missionnaires, soucieuses non seulement d’accueillir l’Évangile du Christ, mais aussi d’en rendre témoignage devant les hommes. Nourris par la Parole du Christ et par les Sacrements de l’Église, les fidèles trouveront la joie et la force nécessaires au témoignage courageux de l’espérance chrétienne. Puissiez-vous notamment, en ces temps particulièrement décisifs pour la vie de votre pays, rappeler aux fidèles laïcs l’urgence qui est la leur d’assumer le renouvellement de l’ordre temporel, les appelant à « exercer une influence sur le tissu social, pour transformer les mentalités et les structures de la société de telle sorte qu’elles reflètent toujours mieux les desseins de Dieu sur la famille humaine» (Ecclesia in Africa ).

Ma pensée se tourne affectueusement vers tous vos prêtres, diocésains et membres d’Instituts, collaborateurs de l’ordre épiscopal, établis par le Christ comme ministres au service du peuple de Dieu et de tous les hommes. Je connais les conditions difficiles dans lesquelles beaucoup d’entre eux exercent leur mission et je les remercie pour leur service souvent héroïque, en vue de la croissance spirituelle de leurs communautés. Par votre présence stable dans vos diocèses, manifestez-leur votre proximité, en développant une capacité de dialogue confiant à leur égard et en vous rendant attentifs à leur croissance humaine, intellectuelle et spirituelle, afin qu’ils soient, par la recherche de la sainteté dans l’exercice même de leur ministère, d’authentiques éducateurs de la foi et des modèles de charité pour les fidèles.

143 Il vous revient aussi d’exhorter vos prêtres à l’excellence dans la vie spirituelle et morale, leur rappelant en particulier le lien unique qui associe le prêtre au Christ et dont le célibat sacerdotal, vécu dans la chasteté parfaite, manifeste la profondeur et le caractère vital. Veillez aussi à leur formation permanente afin qu’ils puissent entrer toujours plus en profondeur dans le mystère du Christ. Puissent-ils éclairer la conscience des fidèles et édifier des communautés chrétiennes solides et missionnaires ayant leurs racines et leur centre dans l’Eucharistie, qu’ils président au nom du Christ.

«Tous les prêtres, en union avec les évêques, participent au seul et même sacerdoce et ministère du Christ, à tel point que l’unité de consécration et de mission requiert leur communion hiérarchique avec l’ordre des évêques» (Presbyterorum ordinis
PO 7). Dans cette perspective, je vous encourage aussi à développer toujours davantage les liens de communion au sein de votre presbyterium diocésain. Comme vous le signalez dans vos rapports quinquennaux, la permanence des conflits a parfois affecté négativement l’unité de ce presbyterium, favorisant le développement du tribalisme et de luttes de pouvoir néfastes à l’édification du Corps du Christ, et sources de confusion pour les fidèles. J’exhorte chacun à retrouver cette profonde fraternité sacerdotale qui est le propre des ministres ordonnés, afin qu’ils réalisent l’unité qui attire les hommes au Christ. Puissiez-vous encourager vos prêtres à se stimuler mutuellement dans l’exercice de la charité fraternelle, en leur proposant notamment certaines formes de vie communautaire, pour les aider à grandir ensemble en sainteté dans la fidélité à leur vocation et à leur mission, dans une pleine communion avec vous.

Il vous revient de porter une attention soutenue à la qualité de la formation des futurs prêtres.Avec vous, je rends grâce pour la générosité de nombreux jeunes qui, ayant entendu l’appel du Christ à le servir comme prêtres dans l’Église, sont admis à poursuivre leur discernement dans les séminaires. Mais il importe – c’est une exigence pastorale pour l’évêque, premier représentant du Christ dans la formation sacerdotale – que l’Église exerce toujours davantage sa grave responsabilité dans l’accompagnement et dans le discernement des vocations sacerdotales.

Cela vaut en particulier pour le choix des formateurs, dont je salue ici le travail exigeant, autour desquels, sous l’autorité du recteur, s’édifie la communauté du séminaire. Que leur maturité humaine et spirituelle, leur amour de l’Église et leur sagesse pastorale les aident à exercer avec justesse et sûreté la belle mission de vérifier les capacités spirituelles, humaines et intellectuelles des candidats au sacerdoce. Pour conclure, je fais miennes les remarques par lesquelles les Pères synodaux s’exprimaient très justement sur les aptitudes fondamentales à acquérir en vue d’un ministère sacerdotal fécond : «On aura soin de former les futurs prêtres aux vraies valeurs culturelles de leur pays, au sens de l’honnêteté, de la responsabilité et de la parole donnée [...] de manière (à ce qu’ils soient) des prêtres spirituellement solides et disponibles, dévoués à la cause de l’Évangile, capables de gérer avec transparence les biens de l’Église, et de mener une vie simple en conformité avec leur milieu» (Ecclesia in Africa ).

Chers Frères dans l’Épiscopat, au terme de notre rencontre, je vous invite à l’espérance. Depuis plus d’un siècle, la Bonne Nouvelle est annoncée sur votre terre. Je rends grâce au Seigneur pour le travail généreux de tous les acteurs de l’évangélisation, parmi lesquels de nombreux missionnaires, qui ont permis l’implantation et la croissance de votre Église. Aujourd’hui, je vous engage à poursuivre courageusement l’évangélisation que vos prédécesseurs ont lancée. Église de Dieu en République démocratique du Congo, ne perds jamais la joie de croire et de faire connaître l’Évangile du Christ Sauveur ! Puissent vos communautés, soutenues par les témoins de la foi dans votre pays, notamment la bienheureuse Marie-Clémentine Anuarite Nengapeta et le bienheureux Isidore Bakanja, être des signes prophétiques d’une humanité renouvelée par le Christ, humanité libérée de la rancune et de la peur. En vous confiant à la maternelle intercession de la Vierge Marie, je vous accorde bien volontiers une affectueuse Bénédiction apostolique, ainsi qu’aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes et à tous les fidèles laïcs de vos diocèses.



Discours 2005-2013 138