Discours 2005-2013 147


XIV JOURNÉE MONDIALE DU MALADE

MESSE POUR LES MALADES

EN MÉMOIRE DE NOTRE-DAME DE LOURDES


AUX MALADES À LA FIN DE LA MESSE Samedi 11 février 2006

Chers frères et soeurs!

148 C'est avec une grande joie que je suis venu parmi vous et je vous remercie de votre accueil chaleureux. Mon salut s'adresse de manière particulière à vous, chers malades, qui êtes réunis ici dans la Basilique Saint-Pierre, et je voudrais l'étendre à tous les malades qui nous suivent à travers la radio et la télévision, et à ceux qui n'ont pas cette possibilité, mais qui sont unis à nous par les liens plus profonds de l'esprit, dans la foi et dans la prière. Je salue le Cardinal Camillo Ruini, qui a présidé l'Eucharistie, et le Cardinal Francesco Marchisano, Archiprêtre de cette Basilique vaticane. Je salue les autres Evêques et les prêtres présents. Je remercie l'UNITALSI et l'Oeuvre romaine des pèlerinages, qui ont préparé et organisé cette rencontre, avec la participation de nombreux volontaires. Ma pensée va également de l'autre côté de la planète, en Australie, où, dans la ville d'Adélaïde, a déjà eu lieu depuis quelques heures la célébration qui a constitué le sommet de la Journée mondiale du Malade, présidée par mon Envoyé, le Cardinal Javier Lozano Barragán, Président du Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé.

Il y a quatorze ans, le 11 février, fête liturgique de Notre-Dame de Lourdes, est également devenue la Journée mondiale du Malade. Nous savons tous que, dans la Grotte de Massabielle, la Vierge a manifesté la tendresse de Dieu pour les personnes qui souffrent. Cette tendresse, cet amour attentif est ressenti de manière particulièrement vive dans le monde précisément le jour de la fête de la Sainte Vierge de Lourdes, en réactualisant dans la liturgie, et en particulier dans l'Eucharistie, le mystère du Christ rédempteur de l'homme, dont la Vierge Immaculée représente une anticipation. En se présentant à Bernadette comme l'Immaculée Conception, la Très Sainte Vierge Marie est venue rappeler au monde moderne, qui risquait de l'oublier, le primat de la Grâce divine, plus forte que le péché et la mort. Et voilà que le lieu de son apparition, la Grotte de Massabielle à Lourdes, est devenu un lieu de pèlerinage pour tout le Peuple de Dieu, en particulier pour ceux qui se sentent opprimés et qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit. "Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai" (
Mt 11,28), a dit Jésus. A Lourdes, il continue de répéter cette invitation, à travers la médiation maternelle de Marie, à tous ceux qui y accourent avec confiance.

Chers frères, cette année, avec mes collaborateurs du Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, nous avons voulu placer au centre de l'attention les personnes atteintes de maladies mentales. "Santé mentale et dignité humaine" a été le thème du congrès qui s'est déroulé à Adelaïde, approfondissant à la fois les aspects scientifiques, éthiques et pastoraux. Nous savons tous comment Jésus se plaçait face à l'homme dans tout son être, pour le guérir complètement, dans le corps, dans la psyché et dans l'esprit. En effet, la personne humaine est un tout, et ses différentes dimensions peuvent et doivent être distinguées, mais pas être séparées. Ainsi, l'Eglise se propose elle aussi toujours de considérer les personnes comme telles et cette conception caractérise les institutions médicales catholiques, ainsi que l'esprit des professionnels de la santé qui oeuvrent au sein de celles-ci. En ce moment, je pense de manière particulière aux familles dont un membre est atteint de maladie mentale et qui vivent les difficultés et les divers problèmes que cela engendre. Nous nous sentons proches de toutes ces situations, à travers la prière et les innombrables initiatives que la Communauté ecclésiale met en oeuvre partout dans le monde, en particulier là où la législation fait défaut, où les structures publiques sont insuffisantes, et où les catastrophes naturelles ou, malheureusement, les guerres et les conflits armés produisent de graves traumatismes psychiques chez les personnes. Ce sont des formes de pauvreté qui attirent la charité du Christ, Bon Samaritain, et de l'Eglise, indissolublement unie à lui dans le service à l'humanité qui souffre.

A tous les médecins, les infirmières et les autres professionnels de la santé, à tous les volontaires engagés dans ce domaine, je voudrais aujourd'hui remettre symboliquement l'Encyclique Deus caritas est, avec le souhait que l'amour de Dieu soit toujours vivant dans leurs coeurs, de façon à animer le travail quotidien, les projets, les initiatives, et surtout leurs relations avec les personnes malades. Chers amis, en agissant au nom de la charité et dans l'esprit de la charité, vous offrez votre précieuse contribution également à l'évangélisation, car l'annonce de l'Evangile a besoin de signes cohérents qui l'accompagnent. Et ces signes parlent le langage de l'amour universel, un langage compréhensible par tous.

Dans quelques instants, recréant le climat spirituel de Lourdes, les lumières s'éteindront dans la Basilique et nous allumeront nos cierges, symbole de foi et d'invocation ardente à Dieu. Le chant de l'Ave Maria de Lourdes, nous invitera à nous rendre spirituellement devant la Grotte de Massabielle, aux pieds de la Vierge Immaculée. Avec une foi profonde nous voulons lui présenter notre condition humaine, nos maladies, signes du besoin que nous avons tous, alors que nous avançons dans notre pèlerinage terrestre, d'être sauvés par son Fils Jésus Christ. Que Marie garde notre espérance vivante, pour que, fidèles à l'enseignement du Christ, nous renouvelions l'engagement de soulager nos frères dans leurs maladies. Que le Seigneur fasse en sorte qu'au moment où elle en aura besoin aucune personne ne soit seule ni abandonnée, mais, au contraire, qu'elle puisse vivre la maladie en conservant également sa dignité humaine. Avec ces sentiments, je donne de tout coeur à chacun de vous, malades, agents de la santé et volontaires, ma Bénédiction apostolique.


AU COLLÈGE DES RÉDACTEURS DE LA REVUE "LA CIVILTÀ CATTOLICA Salle des Papes Vendredi 17 février 2006

Chers rédacteurs du Collège de La Civiltà Cattolica!

Je suis heureux de vous accueillir en même temps que tous ceux qui, sous différentes formes, collaborent avec vous. Je connais et j'apprécie l'oeuvre accomplie par la Revue au service de l'Eglise depuis 1850, lorsque mon Prédécesseur de vénérée mémoire, le bienheureux Pie IX, l'institua "de manière perpétuelle", en la dotant de Statuts particuliers, dans lesquels est établi un lien spécial avec le Saint-Siège. On trouve ici l'expression d'une confiance particulière à l'égard de la Revue de la part des Souverains Pontifes qui m'ont précédé, mais on y trouve aussi l'appel à votre fidélité à l'égard des directives du Saint-Siège. Même dans les changements tumultueux des situations historiques, ce lien n'a jamais fait défaut, comme le montrent les démonstrations de bienveillance que les Pontifes romains ont exprimées à la Revue au cours de ses 155 ans d'histoire. En effet, dans ces documents, apparaît l'intérêt avec lequel ils ont suivi et continuent de suivre le travail de La Civiltà Cattolica, en reconnaissant son utilité pour le bien de l'Eglise et en appréciant sa fidélité constante aux directives du Magistère.

A notre époque, où le Seigneur Jésus appelle son Eglise à annoncer avec un nouvel élan l'Evangile du salut, on ne peut toutefois pas manquer de rechercher de nouvelle approches de la situation historique dans laquelle vivent aujourd'hui les hommes et les femmes, afin de leur présenter sous une forme concrète l'annonce de la Bonne Nouvelle. Pour être fidèle à sa nature et à sa tâche, La Civiltà Cattolica ne manquera donc pas de se renouveler continuellement en lisant correctement les "signes des temps". En réalité, aujourd'hui, est en train de s'affirmer toujours davantage une culture marquée par le relativisme individualiste et par le scientisme positiviste; une culture par conséquent qui a tendance à se fermer à Dieu et à sa loi morale, même si elle n'est pas toujours hostile au christianisme a priori. Les catholiques sont donc appelés à accomplir un grand effort pour développer le dialogue avec la culture actuelle et l'ouvrir aux valeurs éternelles de la Transcendance.

C'est un effort pour lequel le croyant peut recourir aux instruments offerts par la foi et par la raison: des instruments peu adaptés à première vue, mais rendus efficace par la présence de Dieu, qui suit des chemins éloignés du pouvoir et du succès. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui il existe dans le monde de nombreux signes d'espérance, fruits de l'action de l'Esprit dans l'histoire. Ainsi, par exemple, la nouvelle sensibilité pour les valeurs religieuses de la part d'un grand nombre d'hommes et de femmes, l'attention renouvelée à l'égard de l'Ecriture Sainte, le respect des droits de l'homme dans une mesure bien supérieure à ce qui avait encore lieu dans un passé récent, la volonté de dialogue avec les autres religions. En particulier, la foi en Jésus Christ peut aider un grand nombre de personnes à saisir le sens de la vie et de l'aventure humaine, en leur offrant ces points de référence qui manquent souvent dans un monde si frénétique et désorienté.

149 C'est donc ici que s'inscrit la mission d'une revue culturelle comme La Civiltà Cattolica: participer au débat culturel contemporain, à la fois pour proposer, avec sérieux et dans un esprit de vulgarisation, les vérités de la foi chrétienne de façon claire et en même temps fidèle au Magistère de l'Eglise, et pour défendre, sans esprit polémique, la vérité, parfois déformée également à travers des accusations sans fondements à la communauté ecclésiale. Je voudrais indiquer le Concile Vatican II comme un phare sur la route que La Civiltà Cattolica est appelée à parcourir. Les richesses doctrinales et pastorales qu'il contient - et, par dessus tout, son inspiration fondamentale - n'ont pas encore été pleinement assimilées par la communauté chrétienne, même si 40 ans se sont écoulés depuis sa conclusion. Indubitablement, il a donné à l'Eglise un élan capable de la renouveler et de la disposer à répondre de manière adaptée aux problèmes nouveaux que la culture contemporaine pose aux hommes et aux femmes de notre époque. Par ailleurs, le Concile Vatican II a été enrichi par de nombreux documents doctrinaux et pastoraux, que le Saint-Siège et les Conférences épiscopales de nombreuses nations ont publiés sur des problèmes apparus récemment. Ils constituent une source toujours vivante à laquelle La Civiltà Cattolica peut puiser dans son travail. Il s'agit de faire connaître et de soutenir l'action de l'Eglise dans tous les domaines de sa mission. La Revue doit consacrer une attention particulière à la diffusion de la Doctrine sociale de l'Eglise, l'un des thèmes dont, au cours de ses 155 années d'existence, elle a traité le plus amplement.

Je souhaite conclure notre rencontre en confirmant la confiance du Saint-Siège à l'égard de votre Revue, dans la certitude que tous ses rédacteurs et collaborateurs, à l'exemple de ceux qui les ont précédés, sauront répondre à cette confiance avec une joyeuse fidélité et un esprit de service. Tout en confiant à Marie, Siège de la Sagesse, l'oeuvre de La Civiltà Cattolica, je vous donne à tous, rédacteurs et collaborateurs de la Revue, ainsi qu'à ses fidèles lecteurs, une Bénédiction apostolique particulière.


AUX DIACRES PERMANENTS DU DIOCÈSE DE ROME Salle Clémentine Samedi 18 février 2006

Chers diacres romains,

Je suis particulièrement heureux de la rencontre d'aujourd'hui, qui se déroule à l'occasion du 25 anniversaire du rétablissement du diaconat permanent dans le diocèse de Rome. Je salue avec affection le Cardinal-Vicaire, que je remercie des paroles qu'il m'a adressées au nom de tous. Je salue également Mgr Vincenzo Apicella, jusqu'à présent responsable du centre diocésain pour le diaconat permanent, et Mgr Francesco Peracchi, Délégué du Cardinal-Vicaire, qui suit votre formation depuis des années. Je souhaite à chacun de vous et à vos familles ma plus cordiale bienvenue.

Dans un célèbre passage de la Lettre aux Philippiens, l'Apôtre Paul affirme que le Christ "s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave" (Ph 2,7). C'est Lui, le Christ, l'exemple que nous devons suivre. Dans l'Evangile, il a dit à ses disciples qu'il était venu "non pour être servi mais pour servir" (cf. Mt 20,28). Au cours de la Dernière Cène, en particulier, après avoir à nouveau expliqué aux Apôtres qu'il est parmi eux "comme celui qui sert" (Lc 22,27), il a accompli l'humble geste, réservé aux esclaves, de laver les pieds aux Douze, montrant ainsi l'exemple pour que ses disciples puissent l'imiter dans le service et dans l'amour réciproque. L'union avec le Christ, qui doit être cultivée à travers la prière, la vie sacramentelle et en particulier l'adoration eucharistique, est de la plus haute importance pour votre ministère, afin que celui-ci puisse réellement témoigner de l'amour de Dieu. En effet, comme je l'ai écrit dans l'Encyclique Deus caritas est, "l'amour peut être commandé [par Dieu] parce qu'il est d'abord donné" (n. 14). Chers diacres, accueillez avec joie et gratitude l'amour que le Seigneur nourrit pour vous et qu'il répand dans votre vie, et donnez avec générosité aux hommes ce que vous avez reçu gratuitement. L'Eglise de Rome possède une longue tradition de service aux pauvres de la ville. Ces dernières années, de nouvelles formes de pauvreté sont apparues: en effet, de nombreuses personnes ont égaré le sens de la vie et ne possèdent aucune vérité sur laquelle construire leur existence; de nombreux jeunes demandent de rencontrer des hommes qui sachent les écouter et les conseiller face aux difficultés de la vie. A côté de la pauvreté matérielle, nous trouvons également une pauvreté spirituelle et culturelle. Notre diocèse, conscient que la rencontre avec le Christ "donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive" (Deus caritas est ), consacre une attention particulière au thème de la transmission de la foi.

Chers diacres, je vous remercie des services que vous accomplissez avec une grande générosité dans de nombreuses communautés paroissiales de Rome, en vous consacrant en particulier à la pastorale baptismale et familiale. En enseignant l'Evangile du Christ, qui vous a été remis par l'Evêque le jour de votre ordination, vous aidez les parents qui demandent le baptême pour leurs enfants à approfondir le mystère de la vie divine qui nous a été donnée et celui de l'Eglise, la grande famille de Dieu; et vous annoncez la vérité sur l'amour humain aux fiancés qui désirent célébrer le sacrement du mariage, en expliquant que "le mariage fondé sur un amour exclusif et définitif devient l'icône de la relation de Dieu avec son peuple et réciproquement" (Deus caritas est ). Un grand nombre d'entre vous exercent une activité professionnelle dans des bureaux, des hôpitaux et des écoles: dans ces milieux, vous êtes appelés à être les serviteurs de la Vérité. En annonçant l'Evangile, vous pourrez transmettre la Parole capable d'éclairer et de donner une signification au travail de l'homme, à la souffrance des malades, et vous aiderez les nouvelles générations à découvrir la beauté de la foi chrétienne. De cette façon, vous serez diacres de la Vérité qui rend libres, et vous conduirez les habitants de cette ville à rencontrer Jésus Christ. Accueillir le Rédempteur dans sa vie représente pour l'homme une source de joie profonde, une joie qui peut apporter la paix également dans les moments d'épreuve. Soyez donc les serviteurs de la Vérité pour être porteurs de la joie que Dieu veut donner à chaque homme.

Il n'est cependant pas suffisant d'annoncer la foi uniquement à travers les paroles car, comme le rappelle l'Apôtre Jacques, la foi "si elle n'a pas les oeuvres, [elle] est tout à fait morte" (Jc 2, 17). Il est donc nécessaire d'ajouter à l'annonce de l'Evangile le témoignage concret de la charité, qui "n'est pas pour l'Eglise une sorte d'activité d'assistance sociale... mais [elle] appartient à sa nature, [elle] est une expression de son essence elle-même à laquelle elle ne peut renoncer" (Deus caritas est ). L'exercice de la charité appartient dès le début au mystère diaconal: les sept, dont parlent les Actes des Apôtres, furent élus pour servir à la table. Vous, qui appartenez à l'Eglise de Rome, êtes les héritiers d'une longue tradition, qui trouve chez le diacre Laurent une figure particulièrement belle et lumineuse. Un grand nombre de pauvres, souvent originaires de pays très éloignés de l'Italie, frappent aux portes des communautés paroissiales pour demander une aide nécessaire afin de de surmonter des moments de graves difficultés. Accueillez ces frères avec une grande cordialité et disponibilité, et cherchez, autant que possible, à les aider dans leurs besoins, en vous rappelant toujours des paroles du Seigneur: "Dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25,40). J'exprime ma vive gratitude à ceux d'entre vous qui sont engagés dans ce témoignage quotidien et silencieux de la charité. En effet, à travers votre service, les pauvres ressentent eux aussi leur appartenance à la grande famille des fils de Dieu, qui est l'Eglise.

Chers diacres romains, en vivant et en témoignant de la charité infinie de Dieu, que votre ministère puisse toujours être au service de l'édification de l'Eglise comme communion. Soyez soutenus dans votre travail par l'affection et par la prière de vos familles. Votre vocation est une grâce particulière pour votre vie familiale, qui est ainsi appelée à s'ouvrir toujours plus à l'accueil de la volonté du Seigneur et des besoins de l'Eglise. Que le Seigneur récompense la disponibilité avec laquelle vos femmes et vos enfants vous accompagnent dans votre service à toute la communauté ecclésiale.

Que Marie, l'humble servante du Seigneur, qui a donné le Sauveur au monde, et le diacre Laurent, qui a aimé le Seigneur jusqu'à donner sa vie pour lui, vous accompagnent toujours par leur intercession. Avec ces sentiments, je donne de tout coeur à chacun de vous la Bénédiction apostolique, que j'étends volontiers à ceux qui vous sont chers et à ceux que vous rencontrez dans votre ministère.


À S.E. M. ALI ACHOUR, AMBASSADEUR DU MAROC PRÈS LE SAINT-SIÈGE Lundi 20 février 2006

À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Monsieur l’Ambassadeur,

Il m’est agréable d’accueillir Votre Excellence à l’occasion de la présentation des Lettres qui L’accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Maroc près le Saint-Siège.

Je vous remercie des aimables paroles que vous m’avez adressées et des salutations courtoises que Sa Majesté le roi Mohammed VI m’a fait parvenir par votre intermédiaire. En retour, redisant mon estime pour la tradition d’accueil et de compréhension qui, depuis des siècles, caractérise les relations du Royaume du Maroc avec l’Église catholique, je vous saurais gré d’assurer Sa Majesté de mes souhaits fervents pour sa personne ainsi que pour le bonheur et la prospérité du noble peuple marocain.

Monsieur l’Ambassadeur, vous m’avez fait part des efforts réalisés par votre pays, qui vient de célébrer le cinquantième anniversaire de son indépendance, pour progresser vers un avenir moderne, démocratique et prospère. On ne peut que se réjouir de ces avancées qui devraient permettre à tous les Marocains de vivre dans la sécurité et dans la dignité, de sorte que chacun puisse participer activement à la vie sociale et politique du pays. En effet, une démocratie authentique exige un consensus sur un certain nombre de valeurs essentielles telles que la dignité transcendante de la personne humaine, le respect des droits de l’homme, le «bien commun» comme fin et critère de régulation de la vie politique (cf. Compendium de la Doctrine sociale de l’Église, n. 407).

D’autre part, une collaboration toujours plus étroite entre les pays riverains de la Méditerranée, déjà entreprise depuis plusieurs années, doit permettre d’affronter avec détermination et persévérance non seulement les questions concernant la sécurité et la paix dans la région, mais aussi la question du développement des sociétés et des personnes, avec une prise de conscience renouvelée du devoir de solidarité et de justice. Pour cela, plus que jamais, la Méditerranée est appelée à être un lieu de rencontre et de dialogue entre les peuples et entre les cultures.

Parmi les graves problèmes auxquels doivent faire face les pays riverains de la Méditerranée, le phénomène migratoire constitue une donnée sensible dans les relations entre les États. Les migrants en provenance de régions moins favorisées et en quête de meilleures conditions de vie viennent de plus en plus nombreux frapper aux portes de l’Europe, ce qui place dans l’illégalité un nombre toujours croissant d’entre eux et qui crée parfois des situations mettant gravement en cause la dignité et la sécurité des personnes. Aussi est-il nécessaire que les institutions des pays d’accueil ou de transit veillent à ne pas les considérer comme une marchandise ou une simple force de travail, et à respecter leurs droits fondamentaux et leur dignité humaine. La situation précaire de tant d’étrangers devrait favoriser la solidarité entre les nations concernées, afin de contribuer au développement des pays d’origine des migrants. En effet, ces problèmes ne peuvent être résolus par des politiques uniquement nationales. C’est par une collaboration toujours plus intense entre tous les pays concernés que progressera efficacement la recherche de solutions à ces douloureuses situations.

Monsieur l’Ambassadeur, vous avez souligné la contribution de votre pays à la consolidation du dialogue entre les civilisations, les cultures et les religions. Pour sa part, dans le contexte international que nous connaissons actuellement, l’Église catholique demeure convaincue que, pour favoriser la paix et la compréhension entre les peuples et entre les hommes, il est nécessaire et urgent que les religions et leurs symboles soient respectés, et que les croyants ne soient pas l’objet de provocations blessant leur démarche et leurs sentiments religieux. Cependant, l’intolérance et la violence ne peuvent jamais se justifier comme des réponses aux offenses, car ce ne sont pas des réponses compatibles avec les principes sacrés de la religion; c’est pourquoi on ne peut que déplorer les actions de ceux qui profitent délibérément de l’offense causée aux sentiments religieux pour fomenter des actes violents, d’autant plus que cela se produit à des fins étrangères à la religion. Pour les croyants comme pour tous les hommes de bonne volonté, la seule voie qui peut conduire à la paix et à la fraternité est celle du respect des convictions et des pratiques religieuses d’autrui, afin que, de manière réciproque dans toutes les sociétés, soit réellement assuré pour chacun l’exercice de la religion librement choisie.

Par votre intermédiaire, Monsieur l’Ambassadeur, je voudrais aussi adresser un chaleureux salut aux membres de la communauté catholique du Maroc et à ses Pasteurs. Qu’ils aient à coeur de vivre avec joie leur vocation chrétienne, en témoignant avec toujours plus de générosité de l’amour de Dieu pour tous les hommes, dans une collaboration fructueuse avec tous ! Au moment où Votre Excellence commence sa mission auprès du Saint-Siège, je Lui offre mes voeux les meilleurs pour la noble tâche qui L’attend. Auprès de mes collaborateurs, Elle trouvera toujours l’accueil attentif et la compréhension cordiale dont Elle pourra avoir besoin.

Sur Votre Excellence, sur sa famille, sur ses collaborateurs, sur le peuple marocain et sur ses dirigeants, j’invoque de grand coeur l’abondance des Bénédictions du Très-Haut.


AUX MEMBRES DE LA FONDATION JEAN-PAUL II POUR LE SAHEL Lundi 20 février 2006

151 Chers Amis de la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel,

Je suis heureux de vous accueillir, vous et tous ceux qui collaborent aux diverses activités de la Fondation, saluant particulièrement Mgr Jean-Pierre Bassène, Évêque de Kolda au Sénégal, Président du Conseil d’administration.

La Fondation Jean-Paul II pour le Sahel est née de la solidarité des fidèles, notamment d’Allemagne, qui avaient répondu généreusement à l’appel de Ouagadougou, lancé par mon Vénéré Prédécesseur en faveur des peuples du Sahel alors affrontés aux conséquences d’une dramatique sécheresse. Confiée à la responsabilité des Évêques des pays concernés pour lutter contre la désertification de cette région d’Afrique, la Fondation s’est développée pleinement comme une oeuvre d’Église, manifestant, à travers de très nombreux projets soutenus et mis en oeuvre depuis plus de vingt ans, que l’amour du prochain, qui est une tâche pour chaque fidèle mais aussi pour la communauté ecclésiale tout entière (cf. Deus caritas est ), doit s’exprimer en des gestes concrets. Je vous encourage à poursuivre avec détermination, grâce au soutien actif du Conseil pontifical Cor unum, cette oeuvre de fraternité chrétienne, qui est un service de l’homme tout entier et qui contribue aussi au dialogue interreligieux et à la révélation de l’amour de Dieu aux habitants de cette terre. Elle fait donc partie intégrante de l’action d’évangélisation.

En vous confiant à l’intercession de la Vierge Marie, Reine de l’Afrique, je vous accorde de grand coeur, ainsi qu’à tous les collaborateurs de la Fondation et aux peuples du Sahel, une particulière et affectueuse Bénédiction apostolique.


AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU SÉNÉGAL, DE LA MAURITANIE, DU CAP-VERT ET DE LA GUINEÉ BISSAU EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Lundi 20 février 2006



Chers Frères dans l’épiscopat,

Je suis heureux de vous accueillir alors que vous accomplissez votre pèlerinage aux tombeaux des Apôtres, pour raffermir votre communion avec le Successeur de Pierre et pour consolider les liens de foi et d’unité entre vos Églises particulières et l’Église de Rome, ainsi qu’avec le corps ecclésial tout entier.

Je remercie le Président de votre Conférence épiscopale, Mgr Jean Noël Diouf, Évêque de Tambacounda, pour la présentation qu’il a faite des réalités de l’Église dans votre région. À travers vous, Pasteurs de l’Église qui est au Sénégal, en Mauritanie, en Guinée Bissau et au Cap-Vert, je rejoins par le coeur et par la prière les peuples dont vous avez la charge pastorale. Que Dieu bénisse les artisans de paix et de fraternité qui, dans vos pays, construisent des relations de confiance et de soutien mutuel entre les communautés humaines et religieuses.

Vos Églises particulières présentent une grande diversité de situations humaines et ecclésiales qui rend parfois difficile une bonne harmonisation du travail des Pasteurs. Pour accomplir la mission que vous avez reçue du Seigneur et lui donner une fécondité apostolique toujours plus grande, les liens de communion effectifs demeurent essentiels. Ainsi, en participant aux rencontres de votre Conférence épiscopale, vous trouvez non seulement un soutien pour l’exercice du ministère épiscopal, mais vous manifestez concrètement que l’Évêque n’est pas un homme seul, car il est toujours et continuellement avec celui que le Seigneur a choisi comme Successeur de Pierre et avec ses frères dans l’épiscopat.

Cheminant avec son peuple, l’Évêque doit susciter, guider et coordonner l’action évangélisatrice, afin que la foi grandisse et se répande parmi les hommes. Dans cette perspective, l’Évangile doit être pleinement enraciné dans la culture de vos peuples. Le retour à certaines pratiques de la religion traditionnelle, que vous constatez parfois chez les chrétiens, doit inciter à chercher des moyens appropriés pour raviver et fortifier la foi à la lumière de l’Évangile, et pour consolider les fondements théologiques de vos Églises particulières tout en prenant le meilleur de l’identité africaine. En effet, par son Baptême, le chrétien ne doit pas se considérer comme exclu de la vie de son peuple ou de sa famille, mais son existence doit demeurer en totale harmonie avec les engagements qu’il a pris; et dès lors, cela comporte nécessairement des ruptures avec les moeurs et les coutumes de sa vie d’autrefois, car l’Évangile est un don qui lui est fait, venant d’en-haut. Pour vivre dans la fidélité aux engagements baptismaux, chacun doit avoir une solide formation de la foi, afin de faire face aux phénomènes nouveaux de la vie contemporaine comme le développement de l’urbanisation, le désoeuvrement de nombreux jeunes, les séductions matérialistes de toutes sortes, ou l’influence d’idées provenant de tous horizons. L’Abrégé du Catéchisme de l’Église catholique donne désormais aux fidèles un exposé renouvelé et sûr des vérités de la foi de l’Église catholique, permettant à chacun de poser en toute clarté les gestes conformes à l’engagement chrétien.

Chers frères dans l’Épiscopat, dans cette difficile tâche d’évangélisation, vos prêtres sont des collaborateurs généreux que j’encourage cordialement dans leurs engagements apostoliques. Je souhaite vivement que leur formation initiale et permanente fasse d’eux des hommes équilibrés humainement et spirituellement, capables de répondre aux défis auxquels ils sont affrontés, tant dans leur vie personnelle que pastorale. Aussi, tout en donnant à la formation humaine et intellectuelle la place qui lui revient, aura-t-on soin de leur donner une solide formation spirituelle, pour renforcer leur vie d’intimité avec Dieu dans la prière et dans la contemplation, et pour leur permettre de discerner la présence et l’action du Seigneur dans les personnes qui sont confiées à leur soin pastoral. Dans la mesure où ils feront une authentique expérience personnelle du Christ, ils seront capables d’accueillir avec générosité l’exigence du don de soi à Dieu et aux autres, et de le réaliser dans le service humble et désintéressé de la charité. Pour favoriser l’harmonie dans l’Église et contribuer à son dynamisme missionnaire, je souhaite que les membres des Instituts de Vie consacrée, dont je salue avec reconnaissance le service constant apporté à la mission dans vos diocèses, entretiennent des relations de confiance et de collaboration avec les Pasteurs, en vivant une communion profonde, non seulement à l’intérieur de chaque communauté, mais avec l’Église diocésaine et universelle. Dans la fidélité à sa vocation particulière, puisse chaque Institut manifester toujours que ses oeuvres sont d’abord une expression de la foi en l’amour de Dieu et que c’est en mettant cet amour au coeur de la vie qu’il répond réellement aux besoins des hommes !

152 L’une des tâches par lesquelles l’Église dans votre région manifeste le plus visiblement l’amour du prochain est son engagement en vue du développement social. De nombreuses structures ecclésiales permettent à vos communautés de se mettre avec efficacité au service des plus pauvres, signe de leur conscience que l’amour du prochain, enraciné dans l’amour de Dieu, est constitutif de la vie chrétienne. Ainsi, «toute l’activité de l’Église est l’expression d’un amour qui cherche le bien intégral de l’homme» (Deus caritas est ). Mais le christianisme ne doit pas être réduit pour autant à une sagesse purement humaine ni se confondre avec un service social, car il s’agit aussi d’un service spirituel. Cependant, pour le disciple du Christ, l’exercice de la charité ne peut être un moyen au service du prosélytisme, car l’amour est gratuit (cf. ibid., n. 31). Vous exercez le service de l’homme souvent en collaboration avec des hommes et des femmes qui ne partagent pas la foi chrétienne, notamment avec des musulmans. Les efforts ainsi déployés pour une rencontre en vérité des croyants de différentes traditions religieuses contribuent à la réalisation concrète du bien authentique des personnes et de la société. Il est impératif d’approfondir toujours plus les relations fraternelles entre les communautés, afin de favoriser un développement harmonieux de la société, reconnaissant la dignité de chaque personne et permettant à tous le libre exercice de sa religion.

Esta tarefa de favorecer o desenvolvimento harmonioso da sociedade reveste-se de particular urgência na Guiné-Bissau, cuja população, no meio de não pequenas tensões e dilacerações, aguarda ainda por um correcto encaminhamento das estruturas políticas e administrativas, consolidando a sua operacionalidade e funcionamento ao serviço de uma sociedade onde todos possam ser artífices de um projecto comum. Sei que a Igreja local se encontra em primeira linha na promoção do diálogo e da cooperação entre todas as componentes da Nação; através da palavra iluminada pela fé, do testemunho constante de fidelidade ao Evangelho e do generoso serviço pastoral, continuai a ser, amados Pastores, pontos de segura referência e orientação para todos os vossos compatriotas.

Alargando agora o olhar aos vários países, vejo que uma das prioridades pastorais das vossas dioceses é a família cristã; e justamente! Sem ela, faltaria a unidade básica de vida e de construção àquela «Família de Deus» que a Igreja no vosso continente se reconheceu e propôs ser, na Assembleia Sinodal de 1994. Ela não poderá considerar-se realmente inserida ou encarnada, enquanto o ideal cristão de vida familiar não tiver criado raízes no seio do povo africano. O caminho para isso passa, não por mudanças que subvertam o núcleo central da doutrina sacramental e familiar da Igreja, mas por uma fidelidade radical dos esposos à vida nova abraçada no Baptismo e na recondução ao Evangelho de Jesus Cristo do matrimónio africano tradicional, dado relevante das culturas locais. Estas, para alcançarem a sua medida mais alta, precisam do encontro com Cristo, mas também Ele espera por este encontro para o evento da Encarnação chegar à sua plenitude, dando a «estatura completa» (Ef 4, 13) ao Corpo de Cristo que é a Igreja. Esta, assumindo os valores das diversas culturas, torna-se aquela noiva adornada com as suas jóias, de que fala o profeta Isaías (61, 10); é assim também que me apraz ver-vos, amadas dioceses desta Conferência Episcopal. Adornai-vos das vossas jóias melhores para Cristo Senhor!

Chers Frères dans l’épiscopat, en achevant notre rencontre, je confie chacune de vos communautés diocésaines à la Vierge Marie, Reine de l’Afrique. Portez le salut chaleureux du Pape et ses encouragements aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes et à tous les fidèles laïcs de vos diocèses. Que Dieu donne à tous d’être de fidèles témoins de son amour pour les hommes! De grand coeur, je vous accorde à tous une affectueuse Bénédiction apostolique.



Discours 2005-2013 147