Discours 2005-2013 152

AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DE BOSNIE ET HERZÉGOVINE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Vendredi 24 février 2006



Vénérés frères dans l'épiscopat!

"Heureux les artisans de paix" (Mt 5,9). Je vous salue cordialement avec ces paroles de Jésus, au terme de votre visite "ad limina Apostolorum". A travers vous, je désire faire parvenir mon salut également aux fidèles que le divin Maître a confiés à vos soins pastoraux. Je vous remercie, Monsieur le Cardinal Vinko Puljic, des paroles que, également au nom des autres Evêques de Bosnie et Herzégovine, vous avez voulu m'adresser, en exprimant dans le même temps les sentiment de vos communautés respectives.

En m'informant de la situation de vos fidèles, vous avez fait apparaître, à côté des aspects problématiques de leur existence quotidienne, les éléments d'espérance que leur engagement justifie, et les programmes pastoraux que vous êtes en train de mettre en oeuvre. Lors de nos rencontres, j'ai perçu en vous un profond désir de conserver vivante la communion d'intention, pour affronter unis les défis actuels auxquels votre peuple doit faire face. Certes, les difficultés sont nombreuses, mais la confiance dans la Providence divine est grande de votre part, ainsi que celle de de vos prêtres et de vos fidèles. Aujourd'hui, après les tristes années de la récente guerre, vous êtes appelés en tant qu'artisans de paix à renforcer la communion et à diffuser la miséricorde, la compréhension et le pardon au nom du Christ, aussi bien à l'intérieur même des communautés chrétiennes que dans le tissu social complexe de la Bosnie et Herzégovine. Je sais que votre mission n'est pas facile, mais je sais également que vous gardez constamment le regard tourné vers le Christ, qui, ayant aimé les siens jusqu'à la fin, a confié à ses disciples une tâche fondamentale qui résume toutes les autres, celle d'aimer. L'amour, pour être fécond sur le plan spirituel, ne doit pas simplement suivre les lois terrestres, mais se laisser illuminer par la vérité, qui est Dieu, et se traduire en cette mesure supérieure de la justice qui est la miséricorde. Si vous oeuvrez dans cet esprit, vous pourrez poursuivre de manière profitable la mission qui vous a été confiée, en contribuant à guérir les blessures qui sont encore ouvertes et à résoudre les oppositions et les divisions, héritage des années passées.

Animés par l'amour du Christ, vous êtes décidés à ne pas perdre confiance, même face aux problèmes pressants qui vous assaillent. Je me réfère à la situation des exilés, pour lesquels je souhaite que l'on parvienne à la conclusion d'accords opportuns, garantissant le respect des droits de tous. Je pense, en particulier, à l'égalité nécessaire entre citoyens de différentes religions, à l'urgence de mesures répondant au manque de travail croissant pour les jeunes, à l'atténuation des ten-sions menaçantes entre ethnies, héritage des événements historiques complexes vécus dans vos terres. Le Siège apostolique est proche de vous, comme en témoigne également la récente nomination d'un Nonce résident, qui pourra entretenir un contact permanent avec les diverses instances du pays. Chers et vénérés frères, vous devez vous sentir une partie vivante du Corps mystique du Christ. Vous pouvez compter sur la solidarité concrète et affectueuse, dans la prière, du Saint-Siège et de toute l'Eglise catholique.

Alors que je vous remercie du ministère attentif que vous accomplissez, je voudrais m'arrêter sur certaines préoccupations, que vous avez vous-mêmes exprimées, à propos de plusieurs aspects de la vie de votre diocèse. Il est tout d'abord important que soient accomplis tous les efforts possibles pour que grandisse toujours davantage l'unité du troupeau du Christ: entre vous, pasteurs légitimes, et les religieux, en particulier ceux qui exercent un ministère pastoral sur le territoire du diocèse; entre le clergé diocésain et les personnes consacrées; enfin, entre tous ceux qui sont au service du peuple chrétien, en surmontant, si nécessaire, les incompréhensions et les difficultés liées aux événements du passé. L'Eglise poursuit donc un unique objectif, celui d'édifier le Royaume de Dieu dans chaque terre et dans le coeur de chaque personne. Aux Successeurs des Apôtres et à leurs collaborateurs est confiée la mission de garder intact l'héritage du Seigneur, en adhérant fidèlement au patrimoine doctrinal et spirituel de l'Eglise dans sa totalité.

Heureux les artisans de paix! Ces paroles s'appliquent non seulement à la mission de l'Eglise vers l'extérieur, mais également aux relations de ses membres en son sein. Les diverses instances ecclésiales, dans leurs articulations légitimes, sont réglementées par des normes canoniques qui sont l'expression d'une expérience séculaire, dont la maturation n'a pas manqué de l'aide d'en-Haut. Il revient à l'Evêque, Père de la communauté qui lui a été confiée par le Christ, de discerner ce qui est bénéfique pour l'édification de l'Eglise du Christ. En ce sens, l'Evêque est le pontife, c'est-à-dire "le constructeur de ponts" entre les diverses exigences de la communauté ecclésiale. Et cela constitue un aspect du ministère épiscopal particulièrement important en ce moment historique, qui voit la Bosnie et Herzégovine reprendre la voie de la collaboration pour édifier son avenir de développement social et de paix.

153 Vénérés frères, le Successeur de Pierre est à vos côtés et vous assure de son soutien constant. Ces journées que vous avez passées à Rome, les rencontres que vous avez eues avec moi et avec mes collaborateurs de la Curie romaine vous ont permis de constater à quel point notre proximité spirituelle est sincère et fraternelle. Je prie le Seigneur afin que sur vous, sur vos prêtres, sur les religieux et sur les religieuses, ainsi que sur tout le Peuple de votre pays, il déverse l'abondance de ses grâces. Je confie cette prière à l'intercession de Marie, Mère de Dieu et de l'Eglise, afin qu'elle intercède en faveur de tous ses fils. Avec ces sentiments, je vous donne ma Bénédiction, que j'étends de tout coeur à vos communautés et à toutes les personnes de bonne volonté de la bien-aimée Bosnie et Herzégovine.


AUX MEMBRES DU CERCLE DE SAINT-PIERRE Salle des Papes Samedi 25 février 2006



Chers amis!

Je suis heureux de vous accueillir et j'adresse à chacun de vous une salutation cordiale. Je salue tous les membres de la Présidence générale du Cercle de Saint-Pierre et en particulier le Président, dom Leopoldo de la famille des Ducs Torlonia, que je remercie pour les paroles courtoises par lesquelles il a ouvert notre rencontre. Ce rendez-vous traditionnel, qui a lieu immédiatement après la fête de la Chaire de Saint-Pierre apôtre, constitue un moment particulièrement significatif, au cours duquel votre association de grand mérite offre au Pape le "Denier de Saint-Pierre", recueilli dans le diocèse de Rome au cours de l'année écoulée. C'est donc pour moi une circonstance propice pour vous manifester ma profonde gratitude, en pensant à l'engagement que vous placez dans cette oeuvre et, plus encore, à l'esprit de foi et d'amour pour l'Eglise avec lequel vous l'accomplissez.

Le "Denier de Saint-Pierre" est l'expression la plus typique de la participation de tous les fidèles aux initiatives de bien de l'Evêque de Rome à l'égard de l'Eglise universelle. Il s'agit d'un geste d'une valeur non seulement concrète, mais également fortement symbolique, en tant que signe de communion avec le Pape et d'attention aux nécessités de vos frères; et c'est pour cela que votre service revêt une valeur proprement ecclésiale. Tout cela acquiert une plus grande importance encore à la lumière de mon Encyclique sur l'amour chrétien Deus caritas est, dans laquelle, comme vous le savez, la seconde partie est consacrée précisément à l'exercice de la charité de la part de l'Eglise comme "communauté d'amour". C'est donc à vous, chers responsables du Cercle de Saint-Pierre, que je voudrais remettre idéalement l'Encyclique, dont vous êtes, en tant que fidèles laïcs qui s'investissent également beaucoup dans des actions caritatives, parmi les premiers destinataires. En effet, c'est précisément en pensant à tous ceux qui, comme vous, collaborent à ce que nous pourrions appeler le ministère de la charité de la communauté chrétienne, que j'ai tracé un profil qui pourra vous être utile de reprendre, tant au niveau personnel que communautaire (cf. nn. 33-39). J'ai rappelé que la motivation principale de l'action doit toujours être l'amour du Christ; que la charité est plus qu'une simple activité, et qu'elle implique le don de soi; que ce don doit être humble, privé de tout sentiment de supériorité, et que sa force provient de la prière, comme le montre l'exemple des saints.

C'est aux saints de la charité, dont est riche l'histoire de l'Eglise de Rome, en commençant par le diacre Laurent, que je désire confier le Cercle de Saint-Pierre. Chers amis, je vous remercie à nouveau de votre visite et du service que vous accomplissez avec tant de dévouement depuis de nombreuses années au service du Pape. J'invoque sur chacun de vous la protection de la Très Sainte Vierge Marie, afin qu'elle vous accompagne et vous soutienne toujours. Quant à moi, je vous assure de mon souvenir dans la prière, tandis que je vous bénis de tout coeur, ainsi que tous les membres du Cercle et vos familles.

VISITE AU GRAND SÉMINAIRE PONTIFICAL ROMAIN

À L'OCCASION DE LA FÊTE DE LA MADONE DE LA CONFIANCE

Samedi 25 février 2006
Chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers séminaristes,
frères et soeurs!

154 C'est avec un grand plaisir que je me trouve ce soir parmi vous, au grand séminaire romain, en cette occasion si particulière qu'est la fête de votre Patronne, la Madone de la Confiance. Je vous salue tous avec affection et je vous remercie de m'avoir accueilli avec tant de chaleur. Je salue en particulier le Cardinal-Vicaire et les Evêques présents; je salue le Recteur, Mgr Giovanni Tani, et je le remercie des paroles qu'il m'a adressées au nom des autres prêtres et de tous les séminaristes, auxquels j'étends volontiers mon salut. Je salue également les jeunes et tous ceux qui, des diverses paroisses de Rome, sont venus passer avec nous ce moment de joie.

J'attendais depuis longtemps l'occasion de venir en personne vous rendre visite, à vous qui formez la communauté du séminaire, l'un des lieux les plus importants du diocèse. Il existe plusieurs séminaires à Rome, mais celui-ci est au sens propre le séminaire diocésain, comme le rappelle également sa situation ici, au Latran, aux côtés de la Cathédrale Saint-Jean, la Cathédrale de Rome. C'est pourquoi, selon une tradition chère au bien-aimé Pape Jean-Paul II, j'ai profité de la fête d'aujourd'hui pour vous rencontrer ici, où vous priez, étudiez et vivez en fraternité, vous préparant à votre futur ministère pastoral.

Il est vraiment très beau et significatif que vous vénériez la Vierge Marie, Mère des prêtres, sous le titre particulier de Madone de la Confiance. Cela fait penser à une double signification: à la confiance des séminaristes, qui, grâce à son aide, accomplissent leur chemin de réponse au Christ qui les a appelés; et à la confiance de l'Eglise de Rome, et en particulier de son Evêque, qui invoque la protection de Marie, Mère de toute vocation, sur ce vivier sacerdotal. C'est grâce à son aide que vous pouvez, chers séminaristes, vous préparer aujourd'hui à votre mission de prêtres au service de l'Eglise. Lorsque, il y a quelques instants, je me suis recueilli en prière devant l'image vénérée de la Madone de la Confiance dans votre Chapelle, qui représente le coeur de votre séminaire, j'ai prié pour chacun de vous. Je repensais également aux nombreux séminaristes qui ont séjourné au séminaire romain, et qui ont ensuite servi avec amour l'Eglise du Christ - je pense, entre autres, à Dom Andrea Santoro, tué récemment en Turquie tandis qu'il priait. Et ainsi, j'ai invoqué la Mère du Rédempteur, afin qu'elle obtienne pour vous aussi le don de la sainteté. Puisse l'Esprit Saint, qui a façonné le Coeur sacerdotal de Jésus dans le sein de la Vierge, puis dans la maison de Nazareth, opérer en vous à travers sa grâce, en vous préparant aux futures tâches qui vous seront confiées.

Il est également beau et approprié que, aux côtés de la Vierge Mère de la Confiance, nous vénérions aujourd'hui de façon particulière son époux, saint Joseph, auquel Mgr Marco Frisina s'est inspiré cette année pour son Oratorio. Je le remercie de sa délicatesse, ayant choisi d'honorer mon saint Patron, et je le félicite pour cette composition, tandis que je remercie de tout coeur les solistes, les choristes, l'organiste et tous les membres de l'orchestre. Cet Oratorio, intitulé de façon significative "Ombre du Père", m'offre l'occasion de souligner combien l'exemple de saint Joseph, "homme juste", dit l'Evangéliste, pleinement responsable face à Dieu et face à Marie, constitue pour tous un encouragement sur le chemin vers le sacerdoce. Il nous apparaît toujours plus attentif à la voix du Seigneur, qui guide les événements de l'histoire et qui est prêt à en suivre les indications; toujours fidèle, généreux et détaché dans le service; maître efficace de prière et de travail dans la vie cachée de Nazareth. Chers séminaristes, je peux vous assurer que, plus vous avancerez, avec la grâce de Dieu, sur la voie du sacerdoce, plus vous ressentirez combien se référer à saint Joseph et en invoquer le soutien dans l'accomplissement quotidien de son devoir est riche de fruits spirituels.

Chers séminaristes, recevez mes voeux les plus cordiaux pour le présent et l'avenir. Je les remets entre les mains de la Très Sainte Vierge Marie, Madone de la Confiance. Tous ceux qui sont formés au grand séminaire romain apprennent à répéter la belle invocation "Mater mea, fiducia mea", que mon vénéré prédécesseur Benoît XV définit comme leur formule distinctive. Je prie afin que ces paroles s'impriment dans le coeur de chacun de vous, et vous accompagnent toujours dans votre vie et votre ministère sacerdotal. Ainsi, vous pourrez diffuser autour de vous, partout où vous êtes, le parfum de la confiance de Marie, qui est la confiance dans l'amour providentiel et fidèle de Dieu. Je vous assure que chaque jour, vous serez présent dans ma prière, car vous êtes l'espérance de l'Eglise de Rome. Et à présent, je vous donne de tout coeur et avec joie ma Bénédiction apostolique, ainsi qu'à toutes les personnes présentes, à votre famille et à tous ceux qui sont proches de vous sur le chemin vers le sacerdoce.


À UN GROUPE DE PRÊTRES ET DE SÉMINARISTES DU COLLÈGE DE THÉOLOGIE "APOSTOLIKI DIAKONIA" DE L'ÉGLISE ORTHODOXE DE GRÈCE Salle du Consistoire Lundi 27 février 2006



Excellence,
Révérends Archimandrites,
Prêtres, séminaristes
et tous les participants
155 à cette "visite d'étude" à Rome,

En vous accueillant avec joie et gratitude à l'occasion de l'initiative de cette visite à Rome, je souhaite rappeler une exhortation que saint Ignace, le grand Evêque d'Antioche, adressait aux Ephésiens: "Ayez soin de vous réunir plus fréquemment pour rendre grâce à Dieu et célébrer ses louanges. Car, si vous vous réunissez souvent, les forces du mal seront vaincues et son oeuvre de mort détruite par la concorde de votre foi".

Pour nous chrétiens, d'Orient et d'Occident, au début du deuxième millénaire les forces du mal ont également agi à travers les divisions qui perdurent encore entre nous. Toutefois, ces quarante dernières années, de nombreux signes de consolation et d'espérance nous ont fait entrevoir une nouvelle aube, celle du jour où nous comprendrons pleinement qu'être enracinés et fondés dans la charité du Christ signifie trouver concrètement un chemin pour surmonter nos divisions à travers une conversion personnelle et communautaire, l'exercice de l'écoute de l'autre et la prière en commun pour notre unité.

Parmi les signes réconfortants sur ce chemin, difficile et inéluctable, j'ai plaisir à rappeler l'évolution récente et positive des relations entre l'Eglise de Rome et l'Eglise orthodoxe de Grèce. Après la mémorable rencontre à l'Aréopage d'Athènes entre mon bien-aimé prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, et Sa Béatitude Christodoulos, Archevêque d'Athènes et de toute la Grèce, ont suivi plusieurs gestes de collaboration et des initiatives utiles ont été menées visant à mieux nous connaître et à favoriser la formation des générations les plus jeunes. L'échange de visites, de bourses d'étude et la coopération dans le domaine éditorial se sont révélés des moyens efficaces pour promouvoir le dialogue et approfondir la charité qui est la perfection de la vie - comme l'affirmait encore saint Ignace - et qui, unie au principe, la foi, saura prévaloir sur les discordes de ce monde.

Je remercie de tout coeur l'Apostoliki Diakonia de cette visite à Rome, des projets de formation qu'elle est en train de développer avec le Comité catholique pour la Collaboration culturelle avec les Eglises orthodoxes dans le cadre du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens. Je suis certain que la charité réciproque saura alimenter notre imagination et nous fera parcourir des routes nouvelles. Nous devons affronter les défis qui menacent la foi, cultiver l'humus spirituel qui a nourri l'Europe pendant des siècles, réaffirmer les valeurs chrétiennes, promouvoir la paix et la rencontre même dans les conditions les plus difficiles, approfondir ces éléments de la foi et de la vie ecclésiale qui peuvent nous conduire au but de la pleine communion dans la vérité et dans la charité, surtout à présent que le dialogue théologique officiel entre l'Eglise catholique et l'Eglise orthodoxe dans son ensemble reprend son cours avec une vigueur renouvelée.

Foi, espérance et charité vont de pair dans la vie chrétienne. Combien notre témoignage dans le monde d'aujourd'hui serait plus authentique et efficace si nous comprenions que le chemin vers l'unité exige de nous tous une foi plus vive, une espérance plus solide et une charité qui soit vraiment l'inspiration la plus profonde qui nourrisse nos relations réciproques! L'espérance, toutefois, s'exerce dans la patience, dans l'humilité et dans la confiance en Celui qui nous guide. L'objectif de l'unité entre les disciples du Christ, même s'il ne semble pas immédiat, ne nous empêche pas de vivre entre nous dès à présent dans la charité, à tous les niveaux. Il n'y a pas de lieu ni d'époque où l'amour, façonné sur celui de notre Maître, le Christ, ne soit superflu; celui-ci ne pourra manquer de hâter le chemin vers la pleine communion.

Je vous confie la tâche de transmettre l'expression de mes sentiments de sincère charité fraternelle à Sa Béatitude Christodoulos. Il a été à nos côtés, ici à Rome, pour rendre le dernier salut au Pape Jean-Paul II. Le Seigneur nous indiquera les moyens et les temps pour renouveler notre rencontre dans l'atmosphère joyeuse d'une retrouvaille entre frères.

Puisse votre visite avoir tout le succès escompté. Que ma Bénédiction vous accompagne.


AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS INTERNATIONAL SUR L'EMBRYON HUMAIN PROMU PAR L'ACADÉMIE PONTIFICALE POUR LA VIE Salle Clémentine Lundi 27 février 2006



Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
156 Mesdames et Messieurs!

J'adresse à tous mon salut respectueux et cordial, à l'occasion de l'Assemblée générale de l'Académie pontificale pour la Vie et du Congrès international, qui vient de commencer, sur "L'embryon humain dans la phase de la préimplantion". Je salue de manière particulière le Cardinal Javier Lozano Barragán, Président du Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, ainsi que Mgr Elio Sgreccia, Président de l'Académie pontificale pour la Vie, que je remercie des paroles courtoises avec lesquelles il a souligné l'intérêt particulier des thématiques qui sont traitées en cette occasion, et je salue le Cardinal élu, mon ami depuis longtemps, Carlo Caffarra. En effet, le thème d'étude choisi par votre assemblée, "L'embryon humain dans la phase de préimplantation", c'est-à-dire dans les tout premiers jours qui suivent la conception, est une question extrêmement importante aujourd'hui, tant en raison des répercussions évidentes sur la réflexion philosophique, anthropologique et éthique, que des perspectives d'application dans le domaine des sciences bio-médicales et juridiques. Il s'agit, sans aucun doute, d'un argument fascinant, mais difficile et exigeant, en raison de la nature délicate du sujet étudié et de la complexité des problèmes épistémologiques qui concernent le rapport entre l'observation des faits au niveau des sciences expérimentales et la nécessaire réflexion sur les valeurs qui s'ensuit au niveau anthropologique.

Comme on peut bien le comprendre, ni l'Ecriture Sainte, ni la Tradition chrétienne la plus antique ne peuvent contenir des orientations explicites à propos de votre thème. Toutefois, lorsque saint Luc rapporte la rencontre de la Mère de Jésus, qui l'avait conçu en son sein virginal depuis quelques jours seulement, avec la mère de Jean-Baptiste, qui se trouvait déjà au sixième mois de grossesse, il témoigne de la présence active, bien que cachée, des deux enfants: "Et il advint, dès qu'Elisabeth eut entendu la salutation de Marie, que l'enfant tressaillit en son sein" (
Lc 1,41). Saint Ambroise commente: Elisabeth "perçut l'arrivée de Marie, lui (Jean) l'arrivée du Seigneur; la femme l'arrivée de la femme, l'enfant l'arrivée de l'enfant" (Comm. in Lc 2,19 Lc 2,22-26). Toutefois, malgré le manque d'enseignements explicites sur les tout premiers jours de vie de l'enfant à naître, il est possible de trouver dans l'Ecriture Sainte de précieuses indications qui motivent des sentiments d'admiration et de respect à l'égard de l'homme à peine conçu, en particulier pour ceux qui, comme vous, se proposent d'étudier le mystère de la procréation humaine. En effet, les livres sacrés entendent montrer l'amour de Dieu envers chaque être humain avant même qu'il prenne forme dans le sein de sa mère. "Avant même de te former au ventre maternel, je t'ai connu; avant même que tu sois sorti du sein, je t'ai consacré" (Jr 1,5), dit Dieu au prophète Jérémie. Et le Psalmiste reconnaît avec gratitude: "C'est toi qui m'as formé les reins, qui m'as tissé au ventre de ma mère: je te rends grâce pour tant de prodiges: merveille que je suis, merveille que tes oeuvres. Mon âme tu la connais bien" (Ps 139,13-14). Il s'agit de paroles qui acquièrent toute la richesse de leur signification quand on pense que Dieu intervient directement dans la création de l'âme de chaque nouvel être humain.

L'amour de Dieu ne fait pas de différence entre celui qui vient d'être conçu et se trouve encore dans le sein de sa mère, et l'enfant, ou le jeune, ou bien encore l'homme mûr ou âgé. Il ne fait pas de différence, car en chacun d'eux il voit l'empreinte de sa propre image et ressemblance (cf. Gn Gn 1,26). Il ne fait pas de différence, car il voit se refléter en tous le visage de son Fils unique, dans lequel "Il nous a élus, dès avant la fondation du monde... déterminant d'avance que nous serions pour lui des fils adoptifs... Tel fut le bon plaisir de sa volonté" (Ep 1,4-6). Cet amour infini et presque incompréhensible de Dieu pour l'homme révèle jusqu'à quel point la personne humaine est digne d'être aimée en elle-même, indépendamment de toute autre considération - intelligence, beauté, santé, jeunesse, intégrité et ainsi de suite. En définitive, la vie humaine est toujours un bien, car "elle est dans le monde une manifestation de Dieu, un signe de sa présence, une trace de sa gloire" (cf. Evangelium vitae EV 34). Une très haute dignité est en effet donnée à l'homme, qui a ses racines dans le lien intime qui l'unit à son Créateur: dans l'homme, en chaque homme, à chaque étape ou condition de sa vie, resplendit un reflet de la réalité même de Dieu. C'est pourquoi le Magistère de l'Eglise a constamment proclamé le caractère sacré et inviolable de chaque vie humaine, de sa conception jusqu'à son terme naturel (cf. Evangelium vitae EV 57). Ce jugement moral est déjà valable aux débuts de la vie d'un embryon, avant même qu'il se soit implanté dans le sein maternel, qui le protégera et le nourrira pendant neuf mois jusqu'au moment de la naissance: "La vie humaine est sacrée et inviolable dans tous les moments de son existence, même dans le moment initial qui précède la naissance" (ibid., n. 61).

Chers chercheurs, je sais bien avec quels sentiments d'émerveillement et de profond respect pour l'homme vous menez votre travail de recherche, difficile et fructueux, précisément sur l'origine même de la vie humaine: un mystère dont la science sera en mesure d'éclairer toujours davantage la signification, même si elle réussira difficilement à le déchiffrer totalement. En effet, à peine la raison réussit-elle à franchir une limite considérée comme insurmontable, qu'apparaissent d'autres limites jusqu'à présent inconnues. L'homme restera toujours une énigme profonde et impénétrable. Au IV siècle, saint Cyrille de Jérusalem présentait déjà aux catéchumènes qui se préparaient à recevoir le baptême la réflexion suivante: "Qui est celui qui a prédisposé la cavité de l'utérus pour la procréation des enfants? Qui a animé en lui le foetus inanimé? Qui nous a pourvus de nerfs et d'os en nous enveloppant, ensuite, de peau et de chair (cf. Jb Jb 10,11) et, à peine l'enfant est-il né, qui fait sortir du sein du lait en abondance? De quelle façon l'enfant, en grandissant, devient-il adolescent, se transforme-t-il d'adolescent en jeune, puis en homme et enfin en vieillard, sans qu'aucune personne ne réussisse à saisir le jour précis où a lieu le changement?" Et il concluait: "Tu es en train de voir, ô homme, l'artisan; tu es en train de voir le sage Créateur" (Catéchèse baptismale 9, 15-16). Au début du troisième millénaire, ces considérations demeurent encore valables, et ne s'adressent pas tant au phénomène physique ou physiologique, qu'à sa signification anthropologique et métaphysique. Nous avons immensément amélioré nos connaissances et mieux déterminé les limites de notre ignorance; mais il semble qu'il soit devenu trop difficile pour l'intelligence humaine de se rendre compte que, en regardant la création, on y découvre l'empreinte du Créateur. En réalité, celui qui aime la vérité, comme vous, chers chercheurs, devrait percevoir que la recherche sur des thèmes aussi profonds nous met en condition de voir, et presque même de toucher, la main de Dieu. Au-delà des limites de la méthode expérimentale, à la frontière du règne que certains appellent méta-analyse, là où la seule perception sensorielle ou la vérité scientifique ne suffisent plus, ou ne sont pas possibles, commence l'aventure de la transcendance, l'engagement d'"aller au-delà".

Chers scientifiques et chercheurs, je souhaite que non seulement vous réussissiez toujours plus à examiner la réalité qui est l'objet de votre travail, mais également à la contempler, de manière telle que, avec vos découvertes, naissent aussi les questions qui conduisent à découvrir dans la beauté des créatures le reflet du Créateur. Dans ce contexte, j'ai à coeur d'exprimer ma satisfaction et mes remerciements à l'Académie pontificale pour la Vie pour son précieux travail d'"étude, de formation et d'information", dont bénéficient les dicastères du Saint-Siège, les Eglises locales et les chercheurs attentifs à ce que l'Eglise propose dans le domaine de la recherche scientifique et autour de la vie humaine dans son rapport avec l'éthique et le droit. En raison de l'urgence et de l'importance de ces problèmes, je considère comme providentielle l'institution de cet Organisme de la part de mon vénéré Prédécesseur Jean-Paul II. Je désire donc vous exprimer avec une sincère cordialité à tous, Bureau de Présidence, personnel et membre de l'Académie pontificale pour la Vie, ma proximité et mon soutien. Avec ces sentiments, en confiant votre travail à la protection de Marie, je vous donne à tous la Bénédiction apostolique.

                                                 Mars 2006

RENCONTRE AVEC LE CLERGÉ DU DIOCÈSE DE ROME Salle des Bénédictions Jeudi 2 mars 2006

Je prends la parole immédiatement, sinon mon monologue risque de devenir trop long, si j'attends la fin de toutes les interventions. Je voudrais avant tout exprimer ma joie d'être ici avec vous, chers prêtres de Rome. C'est une joie réelle: celle de voir tant de bons pasteurs au service du "Bon Pasteur" ici, au premier Siège de la chrétienté, dans l'Eglise qui "préside à la charité" et qui doit être le modèle des autres Eglises locales. Merci pour votre service!

Nous avons l'exemple lumineux de dom Andrea, qui nous indique ce que signifie "être" prêtre jusqu'au bout: mourir pour le Christ au moment de la prière et ainsi, témoigner, d'un côté, de l'intériorité de sa propre vie dans le Christ et, de l'autre, donner son témoignage pour les hommes dans un lieu réellement "panpériphérique" du monde, entouré de la haine et du fanatisme des autres. Il s'agit d'un témoignage qui inspire chacun à suivre le Christ, à donner sa vie pour les autres et à trouver, précisément ainsi, la Vie.

157 En ce qui concerne la première intervention, je voudrais avant tout adresser un grand merci pour cette merveilleuse poésie! On trouve également des poètes et des artistes dans l'Eglise de Rome, parmi les prêtres de Rome, et j'aurai encore la possibilité de méditer et d'intérioriser ces belles paroles et de garder à l'esprit le fait que cette "fenêtre" est toujours "ouverte". Sans doute est-ce l'occasion de rappeler l'héritage fondamental du grand Pape Jean-Paul II, pour continuer d'assimiler toujours plus cet héritage.

Hier, nous sommes entrés en Carême. La liturgie d'aujourd'hui nous offre une profonde indication de la signification essentielle du Carême: il s'agit d'un indicateur sur le chemin de notre vie. C'est pourquoi il me semble - je parle en me référant au Pape Jean-Paul II - que nous devons insister un peu sur la première Lecture de la journée d'aujourd'hui. Le grand discours de Moïse au seuil de la Terre Sainte, après un pèlerinage de quarante ans dans le désert, est un résumé de toute la Torah, de toute la Loi. Nous trouvons ici l'essentiel non seulement pour le peuple juif, mais également pour nous. Cet élément essentiel est la parole de Dieu: "Je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction; choisis donc la vie" (
Dt 30,19). Cette parole fondamentale du Carême est également la parole fondamentale de l'héritage de notre grand Pape Jean-Paul II: choisir la vie. Telle est notre vocation sacerdotale: choisir nous aussi la vie et aider les autres à choisir la vie. Il s'agit de renouveler pendant le Carême notre "option fondamentale", pour ainsi dire, l'option pour la vie.

Mais une question se pose immédiatement: comment choisit-on la vie? Comment fait-on? En réfléchissant, il m'est venu à l'esprit que la grande défection du christianisme qu'a vécue l'Occident au cours des cent dernières années a été réalisée précisément au nom de l'option pour la vie. Il a été dit - je pense à Nietzsche, mais également à tant d'autres - que le christianisme est une option contre la vie. A travers la Croix, à travers tous les commandements, à travers tous les "Non" qu'il nous propose, il nous ferme la porte de la vie. Mais nous, nous voulons avoir la vie, et nous choisissons, nous optons, finalement, pour la vie en nous libérant de la Croix, en nous libérant de tous ces commandements et de tous ces "non". Nous voulons avoir la vie en abondance, rien d'autre que la vie. Ici vient immédiatement en mémoire la parole de l'Evangile d'aujourd'hui: "Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi, celui-là la sauvera" (Lc 9,24). Tel est le paradoxe que nous devons avant tout garder en mémoire dans l'option pour la vie. Ce n'est pas en nous arrogeant la vie pour nous-mêmes, mais seulement en donnant la vie, ce n'est pas en la possédant et en la prenant, mais en la donnant, que nous pouvons la trouver. Tel est le sens ultime de la Croix: ne pas garder pour soi, mais donner la vie.

Ainsi, Nouveau et Ancien Testament vont de pair. Dans la première Lecture du Deutéronome, la réponse de Dieu est: "Si tu écoutes les commandements de Yahvé ton Dieu, que je te prescris aujourd'hui, et que tu aimes Yahvé ton Dieu, que tu marches dans ses voies, que tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes, tu vivras" (30, 16). A première vue, cela ne nous plaît pas, mais telle est la voie: l'option pour la vie et l'option pour Dieu sont identiques. Le Seigneur le dit dans l'Evangile de saint Jean: "La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent" (Jn 17,3). La vie humaine est une relation. Ce n'est qu'au sein d'une relation, et non pas fermés sur nous-mêmes, que nous pouvons avoir la vie. Et la relation fondamentale est la relation avec le Créateur, sinon les autres relations sont fragiles. Choisir Dieu, donc: tel est l'essentiel. Un monde vide de Dieu, un monde qui a oublié Dieu, perd la vie et tombe dans une culture de la mort. Choisir la vie, faire le choix de la vie, signifie donc avant tout choisir l'option-relation avec Dieu. Mais ici, naît aussitôt la question: avec quel Dieu? Ici, à nouveau, l'Evangile nous vient en aide: avec ce Dieu qui nous a montré son visage dans le Christ, avec le Dieu qui a vaincu la haine sur la Croix, c'est-à-dire dans l'amour jusqu'à la fin. Ainsi, en choisissant ce Dieu, nous choisissons la vie.

Le Pape Jean-Paul II nous a donné la grande Encyclique Evangelium vitae.Dans celle-ci - qui est en quelque sorte un tour d'horizon des problèmes de la culture actuelle, de ses espérances et de ses dangers - il apparaît de façon visible qu'une société qui oublie Dieu, qui exclut Dieu, précisément pour avoir la vie, tombe dans une culture de la mort. C'est précisément en voulant avoir la vie que l'on dit "non" à l'enfant, car il ôte quelque chose à ma vie; on dit "non" à l'avenir, pour avoir tout le présent; on dit "non" tant à la vie qui naît qu'à la vie qui souffre, qui va vers la mort. Cette apparente culture de la vie devient l'anti-culture de la mort, dans laquelle Dieu est absent, dans laquelle est absent le Dieu qui n'ordonne pas la haine, mais qui vainc la haine. Ici, nous faisons le choix véritable de la vie. Tout est alors lié: l'option la plus profonde pour le Christ crucifié avec l'option la plus totale pour la vie, du premier au dernier moment.

Cela me semble, d'une certaine façon, également le centre de notre pastorale: aider à faire un véritable choix pour la vie, renouveler la relation avec Dieu comme la relation qui nous donne la vie et nous indique la voie vers la vie. Et ainsi, aimer à nouveau le Christ qui, de l'Etre le plus inconnu auquel nous n'arrivions pas et qui demeurait énigmatique, est devenu un Dieu connu, un Dieu au visage humain, un Dieu qui est amour. Nous gardons précisément à l'esprit ce point fondamental pour la vie et nous considérons que dans ce programme est présent tout l'Evangile, de l'Ancien au Nouveau Testament, qui a comme centre le Christ. Le Carême, pour nous aussi, devrait être un temps pour renouveler notre connaissance de Dieu, notre amitié avec Jésus, pour être ainsi capables de guider les autres de façon convaincante à l'option pour la vie, qui est avant tout une option pour Dieu. Il faut qu'il nous apparaisse clairement qu'en choisissant le Christ, nous n'avons pas choisi la négation de la vie, mais nous avons réellement choisi la vie en abondance.

L'option chrétienne est, au fond, très simple: il s'agit de l'option du "oui" à la vie. Mais ce "oui" ne se réalise qu'avec un Dieu qui n'est pas inconnu, avec un Dieu au visage humain. Il se réalise en suivant ce Dieu dans la communion de l'amour. Ce que j'ai dit jusqu'à présent veut être une façon de renouveler notre souvenir à l'égard du grand Pape Jean-Paul II.

Venons-en à présent à la deuxième intervention, si sympathique, à propos des mères de famille. Je dirais qu'à présent, je n'ai pas de grands programmes, de paroles que vous puissiez transmettre aux mères. Dites simplement: le Pape vous remercie! Il vous remercie, car vous avez donné la vie, car vous voulez aider cette vie qui croît et vous voulez ainsi construire un monde humain, contribuant à un avenir humain. Et vous le faites non seulement en donnant la vie biologique, mais en communiquant le centre de la vie, en voulant faire connaître Jésus, en introduisant vos enfants à la connaissance de Jésus, à l'amitié avec Jésus. Tel est le fondement de toute catéchèse. Il faut donc remercier les mères, surtout car elles ont eu le courage de donner la vie. Et il faut prier les mères de compléter ce don de la vie par le don de l'amitié avec Jésus.

La troisième intervention était du recteur de l'église Sainte-Anastasie. Je voudrais dire ici, entre parenthèses, que l'église Sainte-Anasthasie m'était déjà chère avant d'y rendre visite, car c'était l'église titulaire de notre cher Cardinal de Faulhaber. Il nous a toujours dit qu'à Rome, il avait une église, celle de Sainte-Anasthasie. Nous nous sommes toujours rencontrés avec cette communauté à l'occasion de la deuxième Messe de Noël, consacrée à la "station" de sainte Anasthasie. Les historiens disent que c'est là que le Pape devait rendre visite au gouverneur byzantin, qui y avait son siège. L'église nous fait penser également à cette sainte, et également à l'"Anastasis": à Noël, nous pensons également à la Résurrection. Je ne savais pas, et je suis content d'en avoir été informé, qu'à présent, cette église est le siège de l'"Adoration perpétuelle"; il s'agit donc d'un point central de la vie de foi à Rome. Je place avec confiance entre les mains du Cardinal-Vicaire cette proposition de créer, dans les cinq secteurs du diocèse de Rome, cinq lieux d'adoration perpétuelle. Je voudrais simplement dire que je rends grâce à Dieu, car après le Concile, après une période où le sens de l'adoration eucharistique manquait quelque peu, a été redécouverte la joie de cette adoration partout dans l'Eglise, comme nous l'avons vu et entendu au cours du Synode sur l'Eucharistie. Certes, à travers la Constitution conciliaire sur la Liturgie, a été redécouverte surtout toute la richesse de l'Eucharistie célébrée, dans laquelle se réalise le testament du Seigneur: Il se donne à nous et nous répondons en nous donnant à Lui. Mais à présent, nous avons redécouvert que cet aspect central que nous a donné le Seigneur en pouvant célébrer son sacrifice et entrer ainsi en communion sacramentelle, presque corporelle, avec Lui, perd de sa profondeur et également de sa richesse humaine s'il manque l'Adoration, comme acte découlant de la communion reçue: l'adoration consiste à entrer, au plus profond de notre coeur, en communion avec le Seigneur, qui est présent de façon corporelle dans l'Eucharistie. Dans l'Ostensoir, il se donne toujours entre nos mains, et nous invite à nous unir à sa Présence, à son Corps ressuscité.

A présent, venons-en à la quatrième question. Si j'ai bien compris, mais je n'en suis pas sûr, c'était la suivante: "Comment parvenir à une foi vivante, à une foi réellement catholique, à une foi concrète, vive et efficace?". La foi, en ultime analyse, est un don. La première condition consiste donc à se laisser donner quelque chose, ne pas être auto-suffisants, ne pas tout faire tout seul, car cela n'est pas possible, mais nous ouvrir dans la conscience que le Seigneur donne réellement. Il me semble que ce geste d'ouverture est également le premier geste de la prière: être ouvert à la présence du Seigneur et à son don. Il s'agit également du premier pas en vue de recevoir une chose que nous ne faisons pas nous-mêmes et que nous ne pouvons avoir si nous avons l'intention de la réaliser nous-mêmes. Ce geste d'ouverture, de prière - donne-moi la foi, Seigneur! - doit être réalisé de tout notre être. Nous devons entrer dans cette disponibilité d'accepter ce don et de laisser ce don imprégner notre pensée, nos sentiments, notre volonté. Il me semble très important ici de souligner un point essentiel: personne ne croit seul par lui-même. Nous croyons toujours dans et avec l'Eglise. Le credo est toujours un acte partagé, qui nous introduit dans une communion de chemin, de vie, de parole, de pensée. Nous n'"accomplissons" pas la foi, car c'est avant tout Dieu qui la donne. Mais nous ne l'"accomplissons" pas également au sens où elle ne doit pas être inventée par nous. Nous devons nous laisser entraîner, pour ainsi dire, dans la communion de la foi, de l'Eglise. Croire est un acte catholique en soi. C'est une participation à cette grande certitude, qui est présente dans le sujet vivant de l'Eglise. Ce n'est qu'ainsi que nous pouvons également comprendre l'Ecriture Sainte dans la diversité d'une lecture qui se développe depuis mille ans. Il s'agit d'une Ecriture, car c'est l'élément, l'expression de l'unique sujet - le Peuple de Dieu - qui, au cours de son pèlerinage, est toujours le même sujet. Naturellement, il s'agit d'un sujet qui ne parle pas en soi, mais c'est un sujet créé par Dieu - l'expression classique est "inspiré" -, un sujet qui reçoit, puis qui traduit et transmet cette parole. Cette synergie est très importante. Nous savons que le Coran, selon la foi islamique, est une parole donnée oralement par Dieu, sans médiation humaine. Le Prophète n'y est pour rien. Il l'a uniquement écrite et transmise. C'est la pure parole de Dieu. Tandis que pour nous, Dieu entre en communion avec nous, il nous fait coopérer, il crée ce sujet et c'est dans ce sujet que croît et se développe sa parole. Cette part humaine est essentielle, et nous donne également la possibilité de voir que les paroles individuelles ne deviennent réellement Parole de Dieu que dans l'unité de toute l'Ecriture dans le sujet vivant du Peuple de Dieu. Le premier élément est donc le don de Dieu; le second est la participation dans la foi du peuple en pèlerinage, la communion dans la Sainte Eglise, qui, pour sa part, reçoit le Verbe de Dieu, qui est le Corps du Christ, animé par la Parole vivante, par le Logos divin. Nous devons approfondir, jour après jour, notre communion avec la Sainte Eglise et ainsi avec la Parole de Dieu. Il ne s'agit pas de deux choses opposées, de telle sorte que je puisse dire: je préfère l'Eglise ou je préfère la Parole de Dieu. Ce n'est que de façon unie que l'on fait partie de l'Eglise, que l'on devient membre de l'Eglise, que l'on vit de la Parole de Dieu, qui est la force de vie de l'Eglise. Et celui qui vit de la Parole de Dieu ne peut la vivre que parce qu'elle est vivante et vitale dans l'Eglise vivante.

La cinquième intervention concernait Pie XII. Merci pour cette intervention. C'était le Pape de ma jeunesse. Nous l'avons tous vénéré. Comme il a été dit à juste titre, il a beaucoup aimé le peuple allemand, il l'a défendu également au cours de la grande catastrophe après la guerre. Et je dois ajouter qu'avant d'être Nonce à Berlin, il était Nonce à Munich, car au début, Berlin n'avait pas encore de représentation pontificale. Il était même très proche de nous. Cela me semble une occasion propice d'exprimer ma gratitude à tous les grands Papes du siècle dernier. Le siècle s'est ouvert avec saint Pie X, puis Benoît XV, puis Pie XI, Pie XII, Jean XXIII, Paul VI, Jean-Paul I et Jean-Paul II. Il me semble que cela représente un don spécial dans un siècle aussi difficile, avec deux Guerres mondiales, avec deux idéologies destructrices: le fascisme-nazisme et le communisme. C'est précisément au cours de ce siècle, qui s'est opposé à la foi de l'Eglise, que le Seigneur nous a donné une chaîne de grands Papes, et ainsi, un héritage spirituel qui a confirmé, dirais-je, historiquement la vérité du primat du Successeur de Pierre.

158 L'intervention suivante consacrée à la famille provenait du curé de Santa Silvia. Ici, je ne peux qu'être entièrement d'accord. Dans les visites "ad limina" également, je parle toujours avec les Evêques de la famille, menacée, de diverses façons, dans le monde. Elle est menacée en Afrique, car on rencontre des difficultés à passer du "mariage coutumier" au "mariage religieux" par peur de sa dimension définitive.

Alors qu'en Occident, la peur de l'enfant est motivée par la crainte de perdre quelque chose de la vie, là-bas, c'est le contraire: jusqu'à ce qu'il soit prouvé que la femme aura également des enfants, on ne peut oser le mariage définitif. C'est pourquoi le nombre de mariages religieux demeure relativement bas, et de nombreux "bons" chrétiens aussi, tout en ayant une très grande volonté d'être chrétiens, ne franchissent pas ce dernier pas. Le mariage est menacé également en Amérique latine pour d'autres raisons, et il est fortement menacé, comme nous le savons, en Occident. C'est pourquoi nous devons d'autant plus aider, en tant qu'Eglise, les familles qui représentent la cellule fondamentale de toute société saine. Ce n'est qu'ainsi que peut se créer dans la famille une communion des générations, dans laquelle la mémoire du passé vit dans le présent et s'ouvre à l'avenir. Ainsi, la vie se poursuit, se développe et va réellement de l'avant. Aucun véritable progrès n'est possible sans cette continuité de vie, et, de même, sans l'élément religieux. Sans la confiance en Dieu, sans la confiance dans le Christ qui nous donne également la capacité de la foi et de la vie, la famille ne peut survivre. Nous le voyons aujourd'hui. Seule la foi dans le Christ et seul le partage de la foi de l'Eglise sauve la famille et, d'autre part, ce n'est que si la famille est sauvée que l'Eglise peut vivre. Présentement, je ne possède pas la recette pour y parvenir. Mais il me semble que nous devons toujours le garder à l'esprit. C'est pourquoi nous devons faire tout ce qui est possible pour sauvegarder la famille: cercles familiaux, catéchèses familiales, enseigner la prière en famille. Cela me semble très important: là où l'on prie ensemble, là où est présent le Seigneur, est présente cette force qui peut également rompre la "sclérocardie", la dureté du coeur qui, selon le Seigneur, est le véritable motif du divorce. Rien d'autre, si ce n'est la présence du Seigneur, ne nous aide à vivre réellement ce qui était voulu dès le début par le Créateur et renouvelé par le Rédempteur. Enseigner la prière familiale et ainsi, inviter à la prière avec l'Eglise. Et trouver ensuite toutes les autres façons.
Je réponds à présent au vice-curé de Saint-Jérôme - je constate également qu'il est très jeune - qui nous parle de ce qu'accomplissent les femmes dans l'Eglise, également pour les prêtres. Je ne peux que souligner que je suis toujours très impressionné, dans le premier Canon, le Canon romain, par la prière spéciale pour les prêtres: "Nobis quoque peccatoribus". Voilà, dans cette humble réalité des prêtres, nous, précisément en tant que pécheurs, nous prions le Seigneur pour qu'il nous aide à être ses serviteurs. Dans cette prière pour les prêtres, et seulement dans celle-ci, apparaissent sept femmes qui entourent le prêtre. Celles-ci se présentent précisément comme les femmes croyantes qui nous aident sur notre chemin. Chacun a certainement vécu cette expérience. Et ainsi, l'Eglise a une grande dette de reconnaissance à l'égard des femmes. Et vous avez justement souligné que, au niveau charismatique, les femmes font beaucoup, j'oserais dire, pour le gouvernement de l'Eglise, à commencer par les religieuses, par les soeurs des grands Pères de l'Eglise, comme saint Ambroise, jusqu'aux grands noms du moyen-âge - sainte Hildegarde, sainte Catherine de Sienne, puis sainte Thérèse d'Avila - et jusqu'à Mère Teresa. Je dirais que ce secteur charismatique se distingue assurément du secteur ministériel au sens strict du terme, mais il s'agit d'une participation véritable et profonde au gouvernement de l'Eglise. Comment pourrait-on imaginer le gouvernement de l'Eglise sans cette contribution, qui devient parfois très visible, comme lorsque sainte Hildegarde critique les Evêques ou lorsque sainte Brigitte et sainte Catherine de Sienne lancent des admonestations et obtiennent le retour des Papes à Rome? Il s'agit toujours d'un facteur déterminant, sans lequel l'Eglise ne peut pas vivre. Toutefois, vous dites à juste titre: nous voulons voir de manière plus visible, également de façon ministérielle, les femmes dans le gouvernement de l'Eglise. Disons que la question est la suivante. Le ministère sacerdotal du Seigneur est, comme nous le savons, réservé aux hommes, dans la mesure où le ministère sacerdotal est un gouvernement au sens profond qui, en définitive, est le Sacrement qui gouverne l'Eglise. Voilà le point décisif. Ce n'est pas l'homme qui fait quelque chose, mais le prêtre fidèle à sa mission qui gouverne, dans le sens où il est le Sacrement; c'est-à-dire, qu'à travers le Sacrement, c'est le Christ lui-même qui gouverne, que ce soit à travers l'Eucharistie ou les autres Sacrements, et ainsi le Christ préside toujours. Toutefois, il est juste de se demander si, dans le service ministériel aussi - malgré le fait que le Sacrement et le charisme sont ici la voie unique par laquelle se réalise l'Eglise -, on ne peut pas offrir plus de postes, plus de positions de responsabilité aux femmes.

Je n'ai pas totalement compris les termes de la huitième intervention. En substance, j'ai compris qu'aujourd'hui, l'humanité, en marchant de Jérusalem à Jéricho, rencontre les voleurs sur son chemin. Le Bon Samaritain l'aide avec la miséricorde du Seigneur. Nous pouvons seulement souligner que, à la fin, c'est l'homme qui est tombé et qui retombe toujours à nouveau parmi les voleurs, et c'est le Christ qui nous guérit. Nous devons et nous pouvons l'aider, que ce soit dans le service de l'amour ou dans le service de la foi, qui est aussi un ministère d'amour.

Ensuite, les martyrs de l'Ouganda. Merci de cette contribution. Cela nous fait penser au continent africain, qui est la grande espérance de l'Eglise. J'ai reçu ces derniers mois une grande partie des Evêques africains en visite "ad limina". Cela a été très édifiant pour moi, et aussi réconfortant, de voir des Evêques de haut niveau théologique et culturel, des Evêques zélés, qui sont réellement animés par la joie de la foi. Nous savons que cette Eglise se trouve entre de bonnes mains, mais qu'elle souffre, car les nations ne se sont pas encore formées. En Europe, c'est précisément par l'intermédiaire du christianisme que, au-delà des ethnies qui existaient, se sont formés les grands corps des nations, les grandes langues, et ainsi des communions de cultures et des espaces de paix. Même si, ensuite, ces grands espaces de paix se sont opposés entre eux et ont aussi créé une nouvelle espèce de guerre qui n'existait pas auparavant. Toutefois, en Afrique, dans de nombreuses régions, cette situation existe encore, surtout là où il y a des ethnies dominantes. Le pouvoir colonial a ensuite imposé des frontières, entre lesquelles doivent à présent se former des nations. Mais il existe encore cette difficulté à se retrouver dans un grand ensemble et à trouver, au-delà des ethnies, l'unité du gouvernement démocratique et également la possibilité de s'opposer aux abus coloniaux qui continuent. De plus, l'Afrique continue à être toujours l'objet d'abus de la part des grandes puissances, et de nombreux conflits n'auraient pas pris cette forme si les intérêts des grandes puissances ne se trouvaient pas derrière. J'ai pu constater aussi que l'Eglise, dans toute cette confusion, avec son unité catholique, est le grand facteur qui unit face à la dispersion. Dans de nombreuses situations, surtout après la longue guerre dans la République démocratique du Congo, l'Eglise est restée l'unique réalité qui fonctionne et qui fait continuer la vie, qui apporte l'assistance nécessaire, qui garantit la coexistence et qui aide à trouver la possibilité de réaliser un grand ensemble. C'est pourquoi, dans ces situations, l'Eglise exerce également un service venant substituer le niveau politique, en donnant la possibilité de vivre ensemble et de reconstruire la communion, après les destructions, ainsi que de reconstruire l'esprit de réconciliation, après l'explosion de la haine. De nombreuses personnes m'ont dit que, précisément dans ces situations, le Sacrement de la Pénitence est d'une grande importance comme force de réconciliation et doit également être administré dans ce sens. Je voulais, en un mot, dire que l'Afrique est un continent de grande espérance, de grande foi, de réalités ecclésiales émouvantes, de prêtres et d'évêques zélés. Mais c'est également toujours un continent qui a besoin - après les destructions que l'Europe y a causées - de notre aide fraternelle. Et celle-ci ne peut que naître de la foi, qui crée également la charité universelle au-delà des divisions humaines. Telle est notre grande responsabilité en ce temps. L'Europe a importé ses idéologies, ses intérêts, mais elle a également importé, avec la mission, le facteur de la guérison. Aujourd'hui, nous avons encore davantage la responsabilité d'avoir nous aussi une foi zélée, qui puisse être communiquée, qui veut aider les autres, qui est bien consciente que donner la foi ne signifie pas introduire une force d'aliénation, mais apporter le don véritable dont l'homme a besoin, précisément pour être aussi une créature de l'amour.

Le dernier point était celui abordé par le vice-curé, de l'ordre des Carmes de Sainte-Thérèse d'Avila, qui nous a révélé à juste titre ses préoccupations. Un simple optimisme superficiel, qui ne tiendrait pas compte des grandes menaces à l'égard des jeunes d'aujourd'hui, des enfants, des familles, serait certainement erroné. Nous devons percevoir avec un grand réalisme ces menaces qui naissent là où Dieu est absent. Nous devons sentir toujours davantage notre responsabilité, afin que Dieu soit présent, et ainsi, l'espérance et la capacité d'avancer avec confiance vers l'avenir.
***


Après l'intervention de cinq autres prêtres, le Pape a conclu ainsi son discours:

Je reprends à présent la parole, en commençant par l'Académie pontificale. Ce que vous avez dit sur le problème des adolescents, sur leur solitude et sur l'incompréhension de la part des adultes, trouve en nous un écho concret aujourd'hui. Il est intéressant de voir que cette jeunesse, qui cherche une très grande proximité dans les discothèques, souffre en réalité d'une grande solitude, et naturellement aussi d'incompréhension. Cela me semble, d'une certaine façon, l'expression du fait que les pères, comme on l'a dit, sont en grande partie absents de la formation de la famille. Mais les mères aussi doivent travailler en dehors du foyer. La communion entre eux est très fragile. Chacun vit dans son monde: ce sont des îlots de la pensée, du sentiment, qui ne s'unissent pas. Le grand problème propre à notre époque - dans lequel chacun, en voulant avoir sa vie pour soi, la perd parce qu'il s'isole et isole l'autre de lui - est de retrouver la profonde communion qui, à la fin, ne peut venir que d'un fonds commun à toutes les âmes, de la présence divine qui nous unit tous. Il me semble que la condition est de surmonter la solitude et également de surmonter l'incompréhension, car celle-ci est aussi le résultat du fait que la pensée est aujourd'hui fragmentée. Chacun cherche sa façon de penser, de vivre, et il n'y a pas de communication dans une vision profonde de la vie. La jeunesse se sent exposée à de nouveaux horizons qui n'ont pas été transmis par la génération précédente, car il manque la continuité de la vision du monde, pris dans une séquence toujours plus rapide de nouvelles inventions. En dix ans ont été réalisés des changements qui, par le passé, ne s'étaient pas même produits en cent ans. C'est ainsi que se séparent réellement deux mondes. Je pense à ma jeunesse et à l'ingénuité, si je puis dire, dans laquelle nous avons vécu, dans une société entièrement agricole, par rapport à la société d'aujourd'hui. Nous voyons que le monde change toujours plus rapidement, si bien qu'il se fragmente également à cause de ces changements. C'est pourquoi, dans un moment de renouveau et de changement, l'élément de la permanence devient plus important. Je me souviens lorsque la Constitution conciliaire "Gaudium et spes" a été discutée. D'une part, il y avait la reconnaissance de l'aspect nouveau, de la nouveauté, le "oui" de l'Eglise à l'époque nouvelle avec ses innovations, le "non" au romantisme du passé, un "non" juste et nécessaire. Mais ensuite, les Pères - on en trouve également la preuve dans le texte - ont également dit que malgré cela, malgré la disponibilité nécessaire à aller de l'avant, à abandonner d'autres choses qui nous étaient chères, il existe quelque chose qui ne change pas: c'est ce qui est humain, lié à l'état de créature. L'homme n'est pas entièrement historique. Donner à l'histoire un caractère absolutiste, au sens où l'homme ne serait toujours qu'une créature fruit d'une certaine période, ne correspond pas à la vérité. Il y a la condition de créature et celle-ci nous donne précisément la possibilité de vivre dans le changement ou de rester identiques à nous-mêmes. Il ne s'agit pas d'une réponse immédiate à ce que nous devons faire, mais il me semble que le premier pas est d'établir un diagnostic. Pourquoi cette solitude dans une société qui, d'autre part, apparaît comme une société de masse? Pourquoi cette incompréhension dans une société dans laquelle tous cherchent à se comprendre, où la communication signifie tout et où la transparence de tout à tous est la loi suprême? La réponse se trouve dans le fait que nous voyons le changement dans notre propre monde, et que nous ne vivons pas suffisamment l'élément qui nous relie tous, l'élément de notre condition de créature, qui devient accessible et qui devient réalité dans une certaine histoire: l'histoire du Christ, qui n'est pas contre la condition de créature, mais qui restitue ce qui était voulu par le Créateur, comme le dit le Seigneur à propos du mariage. Le christianisme, précisément en soulignant l'histoire et la religion comme une donnée historique, donnée dans une histoire, à commencer par Abraham, et donc comme une foi historique, ayant ouvert sa porte à la modernité avec son sens du progrès, de la marche constante en avant, est aussi, dans le même temps, une foi qui se base sur le Créateur, qui se révèle et se rend présente dans une histoire à laquelle il donne sa continuité, et donc la possibilité de communication entre les âmes. Je pense donc, ici aussi, qu'une foi vécue en profondeur et avec toute l'ouverture à l'égard du moment actuel, mais aussi avec toute l'ouverture à l'égard de Dieu, unit les deux choses: le respect de l'altérité et de la nouveauté, et la continuité de notre être, la communicabilité entre les personnes et les temps.

L'autre point était: comment pouvons-nous vivre la vie comme un don? C'est une question que nous nous posons surtout à présent, pendant le Carême. Nous voulons renouveler l'option pour la vie qui est, comme je l'ai dit, une option non pour se posséder soi-même, mais pour se donner soi-même. Il me semble que nous ne pouvons le faire que grâce à un dialogue permanent avec le Seigneur et à un dialogue entre nous. Avec la "correctio fraterna" aussi, il est nécessaire de mûrir toujours plus face à une capacité de vivre le don de soi-même toujours insuffisante. Mais il me semble que, ici aussi, nous devons unir les deux choses. D'une part, nous devons accepter nos insuffisances avec humilité, accepter ce "Moi" qui n'est jamais parfait, mais qui tend toujours vers le Seigneur pour arriver à la communion avec le Seigneur et avec tous.

Cette humilité d'accepter également ses propres limites est très importante. Ce n'est qu'ainsi, d'autre part, que nous pouvons croître, mûrir et prier le Seigneur pour qu'il nous aide à ne pas nous fatiguer sur le chemin, tout en acceptant avec humilité que nous ne serons jamais parfaits, en acceptant aussi l'imperfection, surtout de l'autre. En acceptant la sienne, on peut accepter plus facilement celle de l'autre, en nous laissant former et réformer, toujours à nouveau, par le Seigneur.

159 A présent les hôpitaux. Merci pour le salut qui vient des hôpitaux. Je ne connaissais pas la mentalité selon laquelle un prêtre se retrouve dans la situation d'exercer son ministère dans un hôpital parce qu'il a fait quelque chose de mal... J'ai toujours pensé que le service premier du prêtre est de servir les malades, les personnes qui souffrent, car le Seigneur est surtout venu pour être avec les malades. Il est venu pour partager nos souffrances et pour nous guérir. A l'occasion de leur visite "ad limina", je dis toujours aux Evêques africains que les deux piliers de notre travail sont l'éducation - c'est-à-dire la formation de l'homme, qui implique de nombreuses dimensions comme l'éducation pour apprendre, le professionnalisme, l'éducation à l'intimité de la personne - et la guérison. Le service fondamental, essentiel de l'Eglise est donc celui de guérir. C'est précisément dans les pays africains que se réalise tout cela: l'Eglise offre la guérison. Elle présente les personnes qui aident les malades, qui aident à guérir dans le corps et dans l'âme. Il me semble donc que nous devons voir précisément dans le Seigneur, notre modèle de prêtre pour guérir, pour aider, pour assister, pour accompagner vers la guérison. Cela est fondamental pour l'engagement de l'Eglise; cela est la forme fondamentale de l'amour et cela est donc l'expression fondamentale de la foi. En conséquence, cela est aussi le point central du sacerdoce.

Je réponds ensuite au vice-curé des Saints-Patrons d'Italie, qui nous a parlé du dialogue avec les orthodoxes et du dialogue oecuménique en général. Dans la situation mondiale actuelle, nous voyons que le dialogue est fondamental à tous les niveaux. Il est encore plus important que les chrétiens ne soient pas renfermés sur eux-mêmes, mais ouverts, et précisément dans les rapports avec les orthodoxes, je vois à quel point les relations personnelles sont fondamentales. Du point de vue de la doctrine, nous sommes en grande partie unis sur tous les points fondamentaux, toutefois, toujours dans ce domaine, il semble très difficile d'accomplir des progrès. Mais se rapprocher dans la communion, dans l'expérience commune de la vie de la foi, constitue la façon de se reconnaître réciproquement comme fils de Dieu et disciples du Christ. Telle est mon expérience depuis au moins quarante ans, presque cinquante ans: cette expérience de partager la condition de disciples, que nous vivons finalement dans la même foi, dans la même succession apostolique, avec les mêmes sacrements et donc aussi avec la même grande tradition de prière; cette diversité et cette multiplicité des cultures religieuses, des cultures de foi est très belle. Avoir vécu cette expérience est fondamental et il me semble que la conviction de certains, d'une partie des moines du Mont Athos contre l'oecuménisme, découle aussi du fait de l'absence de cette expérience dans laquelle on voit et on se rend compte concrètement que l'autre aussi appartient au même Christ, appartient à la même communion avec le Christ dans l'Eucharistie. Cela est donc d'une grande importance: nous devons supporter la séparation qui existe. Saint Paul dit que les schismes sont nécessaires pendant un certain temps et que le Seigneur sait pourquoi: pour nous mettre à l'épreuve, pour nous exercer, pour nous faire mûrir, pour nous rendre plus humbles. Mais, dans le même temps, nous sommes obligés d'aller vers l'unité et aller vers l'unité est déjà une forme d'unité.

Nous répondons à présent au Père spirituel du séminaire. Le premier problème était la difficulté de la charité pastorale. D'une part, nous la vivons, mais, de l'autre, je voudrais aussi dire: courage. L'Eglise accomplit tant grâce à Dieu, en Afrique, mais aussi à Rome et en Europe! Elle accomplit tant et de nombreuses personnes lui sont reconnaissantes, que ce soit dans le secteur de la pastorale des malades, ou de la pastorale des pauvres et des laissés-pour-compte. Continuons avec courage et cherchons à trouver ensemble les meilleures voies.

L'autre point était centré sur le fait que la formation sacerdotale entre générations, même proches, semble être un peu différente pour de nombreuses personnes, et cela complique l'engagement commun pour la transmission de la foi. J'ai noté cela lorsque j'étais Archevêque de Munich. Quand nous sommes entrés au séminaire, nous avons tous eu une spiritualité catholique commune, plus ou moins mûre. Disons que le fondement spirituel était commun. A présent, les prêtres viennent d'expériences spirituelles très différentes. J'ai constaté dans mon séminaire qu'ils vivaient dans différentes "îlots" de spiritualité qui communiquaient difficilement. Nous en rendons d'autant plus grâce au Seigneur, car il a donné de nombreux et nouveaux élans à l'Eglise et aussi de nombreuses et formes de vie spirituelle, de découverte de la richesse de la foi. Il ne faut surtout pas négliger la spiritualité catholique commune, qui s'exprime dans la Liturgie et dans la grande Tradition de la foi. Cela me semble très important. Ce point est important également par rapport au Concile. Il ne faut pas vivre - comme je l'ai dit avant Noël à la Curie romaine - l'herméneutique de la discontinuité, mais vivre l'herméneutique du renouveau, qui est la spiritualité de la continuité, du mouvement en avant dans la continuité. Cela me semble très important. Ce point est important également par rapport à la Liturgie. Je prends un exemple concret, qui m'est venu précisément aujourd'hui avec la brève méditation de ce jour. La "Statio" de ce jour, le jeudi qui suit le Mercredi des Cendres, est la saint Georges. Il y avait autrefois deux lectures sur deux saints soldats correspondant à ce saint soldat. La première parle du roi Ezéchiel qui, malade, est condamné à mort et prie le Seigneur en pleurant: Donne-moi encore un peu de vie! Et le Seigneur est bon et lui accorde encore dix-sept ans de vie. C'est donc une belle guérison et ce soldat peut à nouveau reprendre en main son activité. La deuxième lecture est l'épisode de l'Evangile qui rapporte l'histoire de l'officier de Capharnaüm avec son serviteur malade. Nous avons ainsi deux motifs: celui de la guérison et celui de la "milice" du Christ, de la grande lutte. A présent, dans la liturgie actuelle, nous avons deux lectures totalement opposées. Nous avons celle du Deutéronome: "Choisis la vie" et celle de l'Evangile: "Suivre le Christ et prendre la croix avec soi", qui veut dire ne pas chercher sa propre vie, mais donner la vie, et c'est une interprétation de ce que signifie "choisis la vie". Je dois dire que j'ai toujours beaucoup aimé la liturgie. J'aimais vraiment le chemin quadragésimal de l'Eglise, avec ces "églises stations" et les lectures liées à ces églises: une géographie de la foi qui devient une géographie spirituelle du pèlerinage avec le Seigneur. Et j'avais été un peu déçu du fait que l'on nous ait enlevé ce lien entre la "station" et les lectures. Aujourd'hui, je vois que ces lectures sont vraiment très belles et expriment le programme du Carême: choisir la vie, c'est-à-dire renouveler le "oui" du Baptême, qui est précisément le choix de la vie. Dans ce sens, il existe une intime continuité et il me semble que nous devons l'apprendre de cela, qui n'est qu'un très petit exemple entre discontinuité et continuité. Nous devons accepter la nouveauté, mais également aimer la continuité et voir le Concile dans cette optique de la continuité. Cela nous aidera également à servir de médiateurs entre les générations dans leur façon de transmettre la foi.

Pour finir, le prêtre du Vicariat de Rome a terminé par un mot que je reprends entièrement, de façon à pouvoir conclure avec celui-ci: devenir plus simples. Cela me semble un très beau programme. Cherchons à le mettre en pratique et ainsi, nous serons plus ouverts au Seigneur et aux personnes.

Merci!

Discours 2005-2013 152