Discours 2005-2013 352

352 De par sa nature, la vie consacrée constitue donc une réponse à Dieu totale et définitive, inconditionnée et passionnée (cf. Vita consecrata VC 17). Et lorsque l'on renonce à tout pour suivre le Christ, lorsqu'on lui donne ce que l'on possède de plus cher en affrontant tous les sacrifices, alors, comme cela s'est produit pour le divin Maître, la personne consacrée qui en suit les traces devient aussi nécessairement un "signe de contradiction", car sa façon de penser et de vivre est souvent en opposition avec la logique du monde, tel qu'il se présente, presque toujours, dans les moyens de communication sociale. On choisit le Christ, ou plutôt on se laisse "conquérir" par Lui sans réserve. Face à un tel courage, combien de personnes assoiffées de vérité restent frappées et sont attirées par ceux qui n'hésitent pas à donner la vie, leur propre vie, pour ce en quoi ils croient. N'est-ce pas là la fidélité évangélique radicale à laquelle est appelée, également à notre époque, toute personne consacrée? Nous rendons grâce au Seigneur car de nombreux religieux et religieuses, de nombreuses personnes consacrées, dans tous les lieux de la terre, continuent d'offrir un témoignage fidèle et suprême d'amour à Dieu et à leurs frères, un témoignage qu'il n'est pas rare de voir se teinter du sang du martyre. Nous rendons également grâce à Dieu parce que ces exemples continuent à susciter dans l'âme de nombreux jeunes le désir de suivre le Christ pour toujours, de façon profonde et totale.

Chers frères et soeurs, n'oubliez jamais que la vie consacrée est un don divin, et que c'est en premier lieu le Seigneur qui, selon ses projets, la conduit à bon port. Cette certitude que le Seigneur nous conduit à bon port, malgré nos faiblesses, doit être un réconfort pour vous, en vous préservant de la tentation et du découragement face aux inévitables difficultés de la vie et aux multiples défis de l'époque moderne. En effet, à l'époque difficile où nous vivons, de nombreux Instituts peuvent ressentir une sensation d'égarement face aux faiblesses qu'ils trouvent en leur sein et aux nombreux obstacles qu'ils rencontrent en menant à bien leur mission. Cet Enfant Jésus, qui est aujourd'hui présenté au Temple, est vivant parmi nous aujourd'hui. Il nous soutient de manière invisible pour que nous coopérions fidèlement avec Lui à l'oeuvre du salut, et il ne nous abandonne pas.

La liturgie de ce jour est particulièrement suggestive car elle se caractérise par le symbole de la lumière. La solennelle procession des cierges, que vous avez effectuée au début de la célébration, indique le Christ, véritable lumière du monde, qui resplendit dans la nuit de l'histoire et qui illumine chaque personne à la recherche de la vérité. Chères personnes consacrées, brûlez de cette flamme et faites-la resplendir à travers votre vie, pour que brille partout un fragment de l'éclat dont rayonne Jésus, splendeur de la vérité. En vous consacrant exclusivement à Lui (cf. Vita consecrata VC 15), vous témoignez de l'attrait de la vérité du Christ et de la joie qui naît de l'amour pour Lui. Dans la contemplation et dans l'activité, dans la solitude et dans la fraternité, dans le service aux pauvres et aux derniers, dans l'accompagnement personnel et dans les aréopages modernes, soyez prêts à proclamer et à témoigner que Dieu est Amour, qu'il est doux de l'aimer. Que Marie, la Tota pulchra, vous enseigne à transmettre aux hommes et aux femmes d'aujourd'hui cet attrait divin, qui doit transparaître de vos paroles et de vos actions. En vous exprimant ma satisfaction reconnaissante pour le service que vous rendez à l'Eglise, je vous assure de mon souvenir constant dans la prière et je vous bénis de tout coeur.


AUX PARTICIPANTS À LA CONFÉRENCE MONDIALE DES INSTITUTS SÉCULIERS Salle Clémentine Samedi 3 février 2007



Chers frères et soeurs,

Je suis heureux de me trouver aujourd'hui parmi vous, membres des Instituts séculiers, que je rencontre pour la première fois depuis mon élection sur la Chaire de l'Apôtre Pierre. Je vous salue tous avec affection. Je salue le Cardinal Franc Rodé, Préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, et je le remercie des expressions de dévotion filiale et de proximité spirituelle qu'il m'a adressées également en votre nom. Je salue le Cardinal Cottier et le Secrétaire de votre Congrégation. Je salue la Présidente de la Conférence mondiale des Instituts séculiers, qui s'est faite l'interprète des sentiments et des attentes de vous tous, qui êtes venus de divers pays, de tous les continents, pour célébrer un Symposium international sur la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia.

Soixante ans se sont écoulés, comme on l'a déjà dit, depuis le 2 février 1947, date à laquelle mon Prédécesseur Pie XII promulgua cette Constitution apostolique, donnant ainsi une configuration théologique et juridique à une expérience préparée au cours des décennies précédentes, et reconnaissant dans les Instituts séculiers l'un des innombrables dons avec lesquels l'Esprit Saint accompagne le chemin de l'Eglise et la renouvelle au cours des siècles. Cet acte juridique ne représenta pas le point d'arrivée, mais plutôt le point de départ d'un chemin visant à définir une nouvelle forme de consécration: celle de fidèles laïcs et de prêtres diocésains, appelés à vivre de manière radicalement évangélique précisément ce sécularisme dans lequel ils sont plongés en vertu de leur condition existentielle ou de leur ministère pastoral. Vous êtes ici, aujourd'hui, pour continuer à tracer ce parcours commencé il y a soixante ans, qui vous voit comme les détenteurs toujours plus passionnés, dans le Christ Jésus, du sens du monde et de l'histoire. Votre passion naît de la découverte de la beauté du Christ, de sa façon unique d'aimer, de rencontrer, de guérir la vie, de la rendre joyeuse, de la réconforter. Et telle est la beauté que vos vies veulent chanter, pour que votre présence dans le monde soit le signe de votre existence dans le Christ.

En effet, ce qui fait de votre insertion dans les événements humains un lieu théologique est le mystère de l'Incarnation ("Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique" Jn 3,16). L'oeuvre de salut s'est accomplie non pas en opposition, mais dans et à travers l'histoire des hommes. La Lettre aux Hébreux observe à ce propos: "Souvent dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variées; mais dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, il nous a parlé par ce Fils" (1, 1-2a). Le même acte rédempteur a eu lieu dans le contexte du temps et de l'histoire, et il s'est caractérisé comme obéissance au dessein de Dieu inscrit dans l'oeuvre née de ses mains. C'est encore le même texte de l'Epître aux Hébreux, un texte inspiré, qui note: "Le Christ commence donc par dire: "Tu n'as pas voulu ni accepté les sacrifices et les offrandes, les holocaustes et les expiations pour le péché" que la Loi prescrit d'offrir. Puis il déclare: "Me voici, je suis venu pour faire ta volonté"" (10, 8-9a). Ces paroles du Psaume que la Lettre aux Hébreux voit exprimées dans le dialogue intratrinitaire, sont des paroles du Fils qui dit au Père: "Me voici, je suis venu pour faire ta volonté". Et ainsi se réalise l'Incarnation: "Me voici, je suis venu pour faire ta volonté". Le Seigneur nous interpelle par ses paroles qui deviennent les nôtres: voilà, je viens avec le Seigneur, avec le Fils, faire ta volonté.

Le chemin de votre sanctification est ainsi tracé avec clarté: l'adhésion oblative au dessein salvifique manifesté dans la Parole révélée, la solidarité avec l'histoire, la recherche de la volonté du Seigneur inscrite dans les événements humains gouvernés par sa providence. Et, dans le même temps, se déterminent les caractères de la mission séculière: le témoignage des vertus humaines, tels que "la justice, la paix, la joie" (Rm 14,17), la "conduite excellente", dont parle Pierre dans sa Première Lettre (cf. 2, 12) faisant écho aux paroles du Maître: "De même que brille votre lumière devant les hommes: alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux" (Mt 5,16). En outre, l'engagement pour l'édification d'une société reconnaissant, dans ses divers secteurs, la dignité de la personne et les valeurs incontournables pour sa pleine réalisation, appartient à la mission séculière: de la politique à l'économie, de l'éducation à l'engagement pour la santé publique; de la gestion des services à la recherche scientifique. Chaque réalité propre et spécifique vécue par le chrétien, son travail et ses intérêts concrets, tout en conservant leur consistance relative, trouvent leur fin ultime s'ils appartiennent au même objectif pour lequel le Fils de Dieu est entré dans le monde. Sentez-vous donc interpellés par chaque douleur, par chaque injustice, ainsi que par chaque recherche de la vérité, de la beauté et de la bonté, non parce que vous possédez les solutions de tous les problèmes, mais parce que chaque circonstance dans laquelle l'homme vit et meurt constitue pour vous l'occasion de témoigner de l'oeuvre salvifique de Dieu. Telle est votre mission. Votre consécration souligne, d'un côté, la grâce particulière qui vient de l'Esprit pour la réalisation de la vocation; de l'autre, elle vous engage à une totale docilité d'esprit, de coeur et de volonté au projet de Dieu le Père révélé en Jésus Christ, à la suite radicale duquel vous avez été appelés.

Chaque rencontre avec le Christ exige un profond changement de mentalité, mais pour certains, comme cela a été le cas pour vous, la requête du Seigneur est particulièrement exigeante: tout quitter, car Dieu est tout et sera tout dans votre vie. Il ne s'agit pas simplement d'une façon différente de vous référer au Christ et d'exprimer votre adhésion à Lui, mais d'un choix de Dieu qui, de manière stable, exige votre confiance absolument totale en Lui. Conformer sa propre vie à celle du Christ en entrant dans ces paroles, conformer sa propre vie à celle du Christ à travers la pratique des conseils évangéliques, est une caractéristique fondamentale et exigeante qui, dans sa spécificité, requiert des engagements et des gestes concrets, d'"alpinistes de l'esprit", comme vous appela le vénéré Pape Paul VI (Discours aux participants au I Congrès international des Instituts séculiers: Insegnamenti, VIII, 1970, p. 939).

353 Le caractère séculier de votre consécration souligne, d'un côté, les moyens avec lesquels vous vous prodiguez pour la réaliser, c'est-à-dire ceux qui sont propres à chaque homme et femme qui vivent dans des conditions ordinaires dans le monde, et, de l'autre, la forme de son développement, c'est-à-dire celle d'une relation profonde avec les signes des temps, que vous êtes appelés à discerner, de façon personnelle et communautaire, à la lumière de l'Evangile. On a plusieurs fois précisément identifié dans ce discernement, de manière faisant autorité, votre charisme, afin que vous puissiez être des laboratoires de dialogue avec le monde, ce "laboratoire expérimental dans lequel l'Eglise vérifie les modalités concrètes de ses relations avec le monde" (Paul VI, Discours aux responsables généraux des Instituts séculiers: Insegnamenti XIV, 1976, p. 676). C'est précisément de là que dérive l'actualité persistante de votre charisme, car ce discernement doit avoir lieu non en dehors de la réalité, mais à l'intérieur, à travers une pleine participation. Cela se réalise à travers des relations quotidiennes que vous pouvez tisser dans les relations familiales et sociales, dans l'activité professionnelle, dans le tissu des communautés civile et ecclésiale. La rencontre avec le Christ, se placer à sa suite, ouvre et exhorte à la rencontre avec chacun, car si Dieu ne se réalise que dans la communion trinitaire, ce n'est que dans la communion que l'homme trouvera aussi sa plénitude.

Il ne vous est pas demandé d'instituer des formes de vie, d'engagement apostolique et d'interventions sociales particulières, si ce n'est celles qui peuvent naître dans les relations personnelles, sources de richesse prophétique. Votre vie doit être comme le levain qui fait fermenter toute la farine (cf.
Mt 13,33), parfois silencieuse et cachée, mais toujours riche de propositions et encourageante, capable d'engendrer l'espérance. Le lieu de votre apostolat est donc tout ce qui est humain, non seulement au sein de la communauté chrétienne - où la relation se nourrit de l'écoute de la Parole et de la vie sacramentelle, à laquelle vous puisez pour soutenir l'identité baptismale -, je dis que le lieu de votre apostolat est tout ce qui est humain, que ce soit au sein de la communauté chrétienne, ou dans la communauté civile, où la relation se réalise dans la recherche du bien commun, dans le dialogue avec tous, appelés à témoigner de cette anthropologie chrétienne qui constitue une proposition de sens dans une société désorientée et confuse par le climat multiculturel et multireligieux qui la caractérise.

Vous venez de divers pays, et les situations culturelles, politiques et également religieuses dans lesquelles vous vivez, vous travaillez et avancez dans l'âge sont différentes. Dans toutes ces situations, soyez des chercheurs de la Vérité, de la révélation humaine de Dieu dans la vie. Il s'agit, nous le savons, d'une longue route, dont le présent est tourmenté, mais dont l'issue est certaine. Annoncez la beauté de Dieu et de sa création. A l'exemple du Christ, soyez obéissants à l'amour, soyez des hommes et des femmes doux et miséricordieux, capables de parcourir les routes du monde en ne faisant que le bien. Que vos vies placent les Béatitudes en leur centre, contredisant la logique humaine, pour exprimer une confiance inconditionnée en Dieu qui désire le bonheur de l'homme. L'Eglise a également besoin de vous pour que sa mission soit complète. Soyez des semences de sainteté, jetées à pleines mains dans les sillons de l'histoire. Enracinés dans l'action gratuite et efficace avec laquelle l'Esprit du Seigneur guide les événements humains, puissiez-vous donner des fruits de foi authentique, en écrivant avec votre vie et avec votre témoignage des paraboles d'espérance, en les écrivant avec les oeuvres suggérées par l'"imagination de la charité" (Jean-Paul II, Lett. ap. Novo millennio ineunte, n. 50).

Avec ces voeux, en vous assurant de ma prière constante, je vous donne une Bénédiction apostolique spéciale pour soutenir vos initiatives d'apostolat et de charité.


AUX ÉVÊQUES AMIS DU MOUVEMENT DES FOCOLARI ET DE LA COMMUNAUTÉ DE SANT'EGIDIO Salle Clémentine Jeudi 8 février 2007



Vénérés frères dans l'épiscopat!

Je suis heureux de vous accueillir à l'occasion de cette audience particulière et je vous salue tous cordialement, vous qui venez de divers pays du monde. J'adresse également une pensée particulière à ceux qui sont ici avec nous et qui appartiennent à d'autres Eglises. Certains d'entre vous participent à la rencontre annuelle des Evêques amis du Mouvement des "Focolari", qui a pour thème: "Le Christ crucifié et abandonné, lumière dans la nuit culturelle". Je saisis volontiers cette occasion pour adresser à Chiara Lubich mes voeux et ma Bénédiction, que j'étends à tous les membres du Mouvement qu'elle a fondé. D'autres prennent part au IX Congrès des Evêques amis de la Communauté de Saint'Egidio, qui affronte un sujet plus que jamais actuel: "La mondialisation de l'amour". Je salue Mgr Vincenzo Paglia, et avec lui le professeur Andrea Riccardi et toute la communauté qui, à l'occasion de l'anniversaire de sa fondation, se réunira ce soir dans la Basilique Saint-Jean-de-Latran pour une Célébration eucharistique solennelle.

Je n'ai pas ici tous vos noms, mais je salue naturellement tous les chers frères, Evêques, Cardinaux, et tous les chers frères de l'Eglise orthodoxe, et chacun de vous de tout coeur.

Chers frères dans l'épiscopat, je voudrais vous dire tout d'abord que votre proximité à l'égard de ces deux Mouvements, tout en soulignant la vitalité de ces nouvelles associations de fidèles, manifeste également cette communion entre les charismes qui constitue un "signe des temps" caractéristique. Il me semble que ces rencontres des charismes de l'unité de l'Eglise dans ces diversité des dons est un signe extrêmement encourageant et important. L'Exhortation post-synodale Pastores gregis rappelle que "les rapports mutuels entre les Evêques vont bien au-delà de leurs rencontres institutionnelles" (n. 59). C'est ce qu'il advient également lors des Congrès comme les vôtres, où l'on fait l'expérience non seulement de la collégialité, mais également d'une fraternité épiscopale qui tire du partage des idéaux promus par les Mouvements un élan afin de rendre plus intense la communion des coeurs, plus fort le soutien réciproque et mieux partagé l'engagement à montrer l'Eglise comme un lieu de prière et de charité, comme une maison de miséricorde et de paix. Mon vénéré prédécesseur, Jean-Paul II, a présenté les Mouvements et les Communautés nouvelles apparus ces dernières années come un don providentiel de l'Esprit Saint à l'Eglise pour répondre de manière efficace aux défis de notre époque. Et vous savez que j'en suis également convaincu. Lorsque j'étais encore professeur, puis Cardinal, j'ai eu l'occasion d'exprimer cette conviction personnelle que les Mouvements sont réellement un don de l'Esprit Saint à l'Eglise. Et c'est précisément dans la rencontre des charismes qu'ils montrent également la richesse des dons et de l'unité dans la foi.

Comment oublier par exemple l'extraordinaire Veillée de Pentecôte de l'année dernière, qui a vu la participation de nombreux mouvements et associations ecclésiales? Je conserve encore le souvenir de l'émotion éprouvée en participant Place Saint-Pierre à une expérience spirituelle aussi intense. Je vous répète ce que j'ai dit alors aux fidèles venus de toutes les régions du monde: que le caractère multiforme et l'unité des charismes et des ministères sont inséparables dans la vie de l'Eglise. L'Esprit Saint veut la pluralité des formes des Mouvements au service de l'unique Corps qui est justement l'Eglise. Et il réalise cela à travers le ministère de ceux qu'il a placés pour diriger l'Eglise de Dieu: les Evêques en communion avec le Successeur de Pierre. Cette unité et multiplicité, qui sont dans le peuple de Dieu, se manifestent également d'une certaine manière aujourd'hui, puisque sont réunis autour du Pape de nombreux Evêques qui sont proches de deux Mouvements ecclésiaux différents, caractérisés par une forte dimension missionnaire. Dans le riche monde occidental où, même si est présente une culture relativiste, ne manque pas non plus dans le même temps un large désir de spiritualité, vos Mouvements témoignent de la joie de la foi et de la beauté d'être chrétiens dans une grande ouverture oecuménique. Dans les vastes régions en difficulté de la terre, ils transmettent le message de la solidarité et ils se font proches des pauvres et des faibles à travers cet amour, humain et divin, que j'ai voulu reproposer à l'attention de tous dans l'Encyclique Deus caritas est. De la communion entre les Evêques et les Mouvements peut en effet naître un élan précieux pour un engagement renouvelé de l'Eglise au service de l'annonce et du témoignage de l'Evangile de l'espérance et de la charité partout à travers le monde.

354 Le Mouvement des "Focolari", en partant justement du coeur de sa spiritualité, c'est-à-dire de Jésus crucifié et abandonné, souligne le charisme et le service de l'unité, qui se réalise dans les divers milieux sociaux et culturels, comme par exemple le milieu économique avec l'"économie de la communion", et à travers les voies de l'oecuménisme et du dialogue interreligieux. La Communauté de Sant'Egidio, en mettant au centre de son existence la prière et la liturgie, veut être proche de ceux qui vivent des situations de difficultés et de marginalisation sociale. Pour le chrétien, même s'il est éloigné, l'homme n'est jamais un étranger. Ensemble, il est possible d'affronter avec un élan plus fort les défis qui nous interpellent de manière pressante en ce début de troisième millénaire: je pense en premier lieu à la recherche de la justice et de la paix et à l'urgence de construire un monde plus fraternel et solidaire, précisément à partir des pays dont proviennent un certain nombre d'entre vous, et qui sont frappés par des conflits sanguinaires. Je fais référence en particulier à l'Afrique, un continent que je porte dans mon coeur et dont j'espère qu'il pourra connaître une période de paix stable et de développement véritable. Le prochain Synode des Evêques africains sera assurément un moment propice pour montrer le grand amour que Dieu porte aux bien-aimées populations africaines.

Chers amis, la fraternité originale qui existe entre vous et les Mouvements dont vous êtes les amis vous pousse à porter ensemble "les fardeaux les uns des autres" (
Ga 6,2), comme l'Apôtre le recommande, surtout en ce qui concerne l'évangélisation, l'amour pour les pauvres et la cause de la paix. Que le Seigneur rende toujours plus fécondes vos initiatives spirituelles et apostoliques. Je vous accompagne par la prière et je vous donne volontiers la Bénédiction apostolique à vous ici présents, au Mouvement des "Focolari" et à la Communauté de Sant'Egidio, ainsi qu'aux fidèles confiés à vos soins pastoraux.


À S.E. M. JUAN GÓMEZ MARTÍNEZ NOUVEL AMBASSADEUR DE COLOMBIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Vendredi 9 février 2007



Monsieur l'Ambassadeur,

Je suis heureux de recevoir de vos mains les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Colombie près le Saint-Siège. Je vous souhaite la plus cordiale bienvenue à cette rencontre, par laquelle vous commencez votre mission et je vous remercie des paroles courtoises que vous m'avez adressées, ainsi que du salut respectueux que le Président de la République, M. Alvaro Uribe Vélez, a voulu me faire parvenir par votre intermédiaire, comme expression de la proximité spirituelle du peuple colombien au Pape.

Votre Excellence vient auprès du Saint-Siège pour représenter une nation qui, au cours de l'histoire, s'est distinguée par son identité catholique. Vos paroles m'ont rappelé, et m'ont permis de constater une fois de plus, la vive affection et la dévotion filiale des Colombiens au Successeur de Pierre, comme fruit d'une existence enracinée dans la foi chrétienne, et qui se manifeste également dans l'appréciation des fidèles à l'égard des Evêques et de leurs collaborateurs, lorsqu'il s'agit de conserver les traditions et les vertus héritées de leurs aînés.

2. Les efforts importants que votre pays a accomplis pour rechercher la paix et la réconciliation, ainsi que l'engagement pour promouvoir le progrès et des institutions démocratiques plus solides, ne passent pas inaperçus aux yeux du monde. Il faut se réjouir des objectifs atteints en vue d'une plus grande sécurité et stabilité sociale, ainsi que dans le domaine de la lutte contre la pauvreté. Il faut également souligner la préoccupation constante en matière d'éducation, en favorisant l'accès de tous les citoyens aux programmes scolaires et universitaires, car l'éducation est le ciment d'une société plus humaine et solidaire.

Malgré tout, comme vous l'avez souligné, des situations complexes dans le domaine politique et social continuent à exister dans votre pays. Je connais les défis qu'entraîne la poursuite d'un dialogue de paix, nécessaire malgré les multiples obstacles qui surgissent sur le chemin. D'autres problèmes persistent également dans la société, portant atteinte à la dignité des personnes, à l'unité des familles, à un juste développement économique et à une qualité de vie adéquate. En tenant compte aussi bien des succès que des difficultés, j'encourage tous les Colombiens à poursuivre leurs efforts pour parvenir à la concorde et à une croissance harmonieuse de la nation. Ces aspirations ne peuvent parvenir à leur pleine réalisation que lorsque Dieu est considéré comme le centre de la vie et de l'histoire humaine.

3. C'est pourquoi, j'apprécie que Votre Excellence ait souligné le travail important de l'Eglise catholique en vue de la réconciliation nationale. En effet, outre la participation directe de certains Evêques, prêtres et religieux dans les actions en vue d'édifier la paix, sa voix a également retenti dans les moments décisifs de la vie de la Colombie, rappelant quelles sont les bases irremplaçables du véritable progrès humain et de la coexistence pacifique, exhortant les catholiques et les hommes de bonne volonté à suivre le chemin du pardon et de la responsabilité commune pour instaurer la justice.

4. En tant que Pasteur de l'Eglise universelle, je ne peux manquer d'exprimer à Votre Excellence ma préoccupation pour les lois qui concernent des questions très délicates, telles que la transmission et la défense de la vie, la maladie, l'identité de la famille et le respect du mariage. Sur ces thèmes, et à la lumière de la raison naturelle et des principes moraux et spirituels qui proviennent de l'Evangile, l'Eglise catholique continuera à proclamer sans se lasser l'inaliénable grandeur de la dignité humaine. Il est également nécessaire d'appeler à la responsabilité des laïcs présents dans les organes législatifs, dans le gouvernement et dans l'administration de la justice, afin que les lois expriment toujours les principes et les valeurs qui sont conformes au droit naturel et qui promeuvent le bien commun authentique.

5. Le début de votre mission auprès du Saint-Siège m'offre aussi l'opportunité de rappeler ce que j'ai dit par le passé, dans mon discours au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège. En parlant de différentes pays, je faisais notamment référence à "la Colombie, où le long conflit interne a provoqué une crise humanitaire, surtout en ce qui concerne les personnes déplacées. Tous les efforts doivent être faits pour pacifier le pays, pour restituer aux familles leurs proches qui ont été enlevés, pour redonner sécurité et vie normale à des millions de personnes. De tels signes donneront confiance à tous, y compris à ceux qui ont été impliqués dans la lutte armée" (8 janvier 2007).

355 Mon désir ardent est que l'on mette fin, dans votre pays, au fléau cruel des enlèvements de personnes, qui portent atteinte de manière si grave à la dignité et aux droits des personnes. J'accompagne de mes prières ceux qui ont été injustement privés de la liberté et j'exprime ma proximité à leurs familles, dans l'espoir de leur libération prochaine.

A ce propos, les nombreuses institutions consacrées à la charité, conformément aux projets pastoraux de la Conférence épiscopale et des diocèses, sont appelées à prêter une assistance humanitaire aux plus démunis, en particulier aux personnes déplacées, si nombreuses en Colombie, ainsi qu'aux victimes de la violence. De cette manière, ils témoignent également de l'effort de l'Eglise qui, toujours dans le cadre de sa propre mission et dans les circonstances que vit la nation, est l'artisan de la communion et de l'espérance.

6. Au terme de cette rencontre, je désire vous manifester à nouveau mes voeux pour que, dans votre pays, la paix si désirée soit consolidée, ainsi que la réconciliation. Je prie Dieu le Père pour qu'il fasse fructifier tous les efforts réalisés dans ce but. J'invoque également l'intercession de Notre-Dame du Rosaire de Chiquinquirá sur le cher peuple colombien, sur le Président et les autres membres du gouvernement, en particulier Votre Excellence et sa famille, vous souhaitant la plus grande réussite dans l'accomplissement de la haute mission qui vous a été confiée.


À UN GROUPE DE MINISTRES DES FINANCES ET D'AUTRES PERSONNALITÉS DE DIVERS PAYS LORS DE LA PRÉSENTATION DU PROJET "ADVANCE MARKET COMMITMENT" Vendredi 9 février 2007



Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue, Ministres des Finances d'Italie, du Royaume-Uni, du Canada et de Russie, ainsi qu'à d'autres ministres, éminents responsables internationaux et importantes personnalités internationales, parmi lesquels la Reine de Jordanie et le Président de la Banque mondiale. Je remercie Monsieur le Ministre Tommaso Padoa Schioppa pour les aimables paroles de salut qu'il m'a adressées en votre nom. Notre rencontre d'aujourd'hui est très opportune, car elle a lieu dans le cadre du lancement d'un programme-pilote, visant à développer et à produire des vaccins contre les maladies pandémiques et à les rendre accessibles aux pays les plus pauvres. Cette initiative digne d'éloges, intitulée Advance Market Commitment, a pour but de contribuer à résoudre l'un des défis les plus urgents dans le domaine de la médecine préventive, qui touche en particulier les nations qui souffrent déjà de la pauvreté et de graves carences. Elle a également le mérite d'unir les Institutions publiques et le secteur privé dans leurs efforts en vue de trouver les moyens les plus efficaces pour intervenir dans ce domaine.

Notre rencontre a lieu juste avant la Journée mondiale des Malades, qui se tient chaque année le 11 février, en la fête de Notre-Dame de Lourdes. C'est l'occasion pour l'Eglise d'attirer l'attention publique sur le fléau de la souffrance, et cette année, elle concentre son attention sur les personnes atteintes de maladies incurables, dont un grand nombre se trouvent en phase terminale. Dans ce contexte, j'encourage de tout coeur vos efforts dans ce nouveau programme et dans son objectif de promouvoir la recherche scientifique en vue de la découverte de nouveaux vaccins. De tels vaccins sont urgents et nécessaires pour éviter que des millions d'êtres humains, y compris d'innombrables enfants, ne meurent chaque année de maladies infectieuses, en particulier dans les régions du monde le plus à risque. En ce temps de mondialisation, nous sommes tous préoccupés par l'écart croissant entre le niveau de vie dans les pays bénéficiant d'une grande richesse et d'un degré élevé de développement technologique, et celui des pays en voie de développement, où la pauvreté non seulement persiste, mais s'aggrave.

L'initiative créative et prometteuse lancée aujourd'hui cherche à inverser cette tendance, en visant à créer de "futurs" marchés pour les vaccins, en particulier ceux en mesure de prévenir la mortalité infantile. Je vous assure du soutien sans condition du Saint-Siège à l'égard de ce projet, qui est inspiré par l'esprit de solidarité humaine dont notre monde a besoin pour surmonter toutes les formes d'égoïsme et pour promouvoir la coexistence pacifique entre les peuples. Comme je l'ai dit dans mon message pour la Journée mondiale de la Paix de cette année, chaque service rendu aux pauvres est un service rendu à la paix, car "à l'origine des nombreuses tensions qui menacent la paix, il y a assurément les innombrables et injustes inégalités qui sont encore tragiquement présentes dans le monde".

Mesdames et Messieurs, je prierai pour chacun de vous afin que Dieu tout-puissant assiste vos efforts dans l'accomplissement de ce travail important. Sur vous et sur vos proches, j'invoque cordialement ses Bénédictions de sagesse, de force et de paix.


AUX MEMBRES DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES DE PARIS Samedi 10 février 2007



Monsieur le Secrétaire perpétuel,
356 Monsieur le Cardinal,
Chers Amis Académiciens, Mesdames et Messieurs,

C’est avec plaisir que je vous accueille aujourd’hui, vous les membres de l’Académie des Sciences morales et politiques. En premier lieu, je remercie Monsieur Michel Albert, Secrétaire perpétuel, des paroles par lesquelles il s’est fait l’interprète de votre délégation, ainsi que pour la médaille évoquant mon entrée comme membre associé étranger de votre noble Institution.

L’Académie des Sciences morales et politiques est un lieu d’échanges et de débats, proposant à l’ensemble des citoyens et au législateur des réflexions pour aider à «trouver les formes d’organisations politiques les plus favorables au bien public et à l’épanouissement de l’individu». En effet, la réflexion et l’action des Autorités et des citoyens doivent être centrées autour de deux éléments: le respect de tout être humain et la recherche du bien commun. Dans le monde actuel, il est plus que jamais urgent d’inviter nos contemporains à une attention renouvelée à ces deux éléments. En effet, le développement du subjectivisme, qui fait que chacun a tendance à se prendre comme seule référence et à considérer que ce qu’il pense a le caractère de la vérité, nous incite à former les consciences sur les valeurs fondamentales, qui ne peuvent être bafouées sans mettre en danger l’homme et la société elle-même, et sur les critères objectifs d’une décision, qui supposent un acte de raison.

Comme je l’avais souligné lors de ma conférence sur la nouvelle Alliance, donnée devant votre Académie en 1995, la personne humaine est «un être constitutivement en relation», appelé à se sentir chaque jour davantage responsable de ses frères et soeurs en humanité. La question posée par Dieu, dès le premier texte de l’Écriture, doit sans cesse résonner dans le coeur de chacun: «Qu’as-tu fait de ton frère ?» Le sens de la fraternité et de la solidarité, et le sens du bien commun reposent sur une vigilance par rapport à ses frères et par rapport à l’organisation de la société, donnant une place à chacun, afin qu’il puisse vivre dans la dignité, avoir un toit et le nécessaire pour son existence et pour celle de la famille dont il a la charge. C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre la motion que vous avez votée, au mois d’octobre dernier, concernant les droits de l’homme et la liberté d’expression, qui fait partie des droits fondamentaux, ayant toujours à coeur de ne pas bafouer la dignité fondamentale des personnes et des groupes humains, et de respecter leurs croyances religieuses.

Qu’il me soit permis d’évoquer aussi devant vous la figure d’Andreï Dimitrijevitch Sakharov, auquel j’ai succédé à l’Académie. Cette haute personnalité nous rappelle qu’il est nécessaire, dans la vie personnelle comme dans la vie publique, d’avoir le courage de dire la vérité et de la suivre, d’être libre par rapport au monde ambiant qui a souvent tendance à imposer ses façons de voir et les comportements à adopter. La véritable liberté consiste à marcher dans la voie de la vérité, selon sa vocation propre, sachant que chacun aura à rendre compte de sa vie à son Créateur et Sauveur. Il importe que nous sachions proposer aux jeunes un tel chemin, leur rappelant que le véritable épanouissement n’est pas à n’importe quel prix et les invitant à ne pas se contenter de suivre toutes les modes qui se présentent. Ainsi, ils sauront avec courage et ténacité discerner le chemin de la liberté et du bonheur, qui suppose de vivre un certain nombre d’exigences et de réaliser les efforts, les sacrifices et les renoncements nécessaires pour agir bien.

Un des défis pour nos contemporains, et particulièrement pour la jeunesse, consiste à accepter de ne pas vivre simplement dans l’extériorité, dans le paraître, mais à développer la vie intérieure, lieu unificateur de l’être et de l’agir, lieu de la reconnaissance de notre dignité d’enfants de Dieu appelés à la liberté, non pas en se séparant de la source de la vie, mais en y demeurant relié. Ce qui réjouit le coeur de l’homme, c’est de se reconnaître fils et filles de Dieu, c’est une vie belle et bonne sous le regard de Dieu, ainsi que les victoires réalisées sur le mal et contre le mensonge. En permettant à chacun de découvrir que sa vie a un sens et qu’il en est responsable, nous ouvrons la voie à une maturation des personnes et à une humanité réconciliée, soucieuse du bien commun.

Le savant russe Sakharov en est un exemple; alors que, sous la période communiste, sa liberté extérieure était entravée, sa liberté intérieure, que nul ne pouvait lui enlever, l’autorisait à prendre la parole pour défendre avec fermeté ses compatriotes, au nom même du bien commun. Aujourd’hui encore, il importe que l’homme ne se laisse pas entraver par des chaînes extérieures, telles que le relativisme, la recherche du pouvoir et du profit à tout prix, la drogue, des relations affectives désordonnées, la confusion au niveau du mariage, la non-reconnaissance de l’être humain dans toutes les étapes de son existence, de sa conception à sa fin naturelle, laissant penser qu’il y a des périodes où l’être humain n’existerait pas vraiment. Nous devons avoir le courage de rappeler à nos contemporains ce qu’est l’homme et ce qu’est l’humanité. J’invite les Autorités civiles et les personnes qui ont une fonction dans la transmission des valeurs à avoir toujours ce courage de la vérité sur l’homme.

Au terme de notre rencontre, permettez-moi de souhaiter que, par ses travaux, l’Académie des Sciences morales et politiques, avec d’autres institutions, puisse toujours aider les hommes à construire une vie meilleure et à édifier une société où il est bon de vivre en frères. Ce souhait s’accompagne de la prière que je fais monter vers le Seigneur pour vous-mêmes, pour vos familles et pour tous les membres de l’Académie des Sciences morales et politiques.



Discours 2005-2013 352