Discours 2005-2013 357

À LA CONFÉDÉRATION NATIONALE "MISERICORDIE" D’ITALIE ET DES DONNEURS DE SANG "FRATRES" Aula Paul VI Samedi 10 février 2007



357 Chers amis des "Misericordie" d'Italie!

Je suis heureux de vous accueillir et je souhaite une cordiale bienvenue à vous tous ici présents, en vous exprimant ma reconnaissance pour cette visite, qui m'offre l'occasion de mieux vous connaître. Je salue le Président de votre Confédération et je remercie le cher Cardinal Antonelli des paroles courtoises qu'il m'a adressées en votre nom à tous. Les "Misericordie" - c'est un devoir de le souligner - sont la plus ancienne forme de volontariat organisé née dans le monde. En effet, elles remontent à l'initiative de saint Pierre martyr de Vérone, qui, en 1244, à Florence, rassembla plusieurs habitants, de tous âges et milieux sociaux, désireux d'"honorer Dieu par des oeuvres de miséricorde envers leur prochain", dans l'anonymat le plus absolu et de manière totalement gratuite. Aujourd'hui, la Confédération des "Misericordie" d'Italie réunit plus de 700 "confraternités" - comme vous les appelez de manière éloquente -, spécialement concentrées en Toscane, mais présentes sur tout le territoire national, en particulier dans les régions centrales et méridionales. Il faut y ajouter les nombreux groupes de donneurs de sang appelés "Fratres". Les volontaires rassemblés dans votre organisation bénéfique sont donc plus de cent mille; ils sont engagés de manière permanente dans le domaine socio-médical. La variété de vos interventions constitue non seulement une réponse aux besoins émergents dans la société, mais aussi le signe d'un zèle, d'une "imagination" dans la charité qui dérive d'un coeur battant, dont le "moteur" est l'amour pour l'homme en difficulté.

C'est précisément pour cela que vous méritez l'appréciation de tous: à travers votre présence et votre action, vous contribuez à diffuser l'Evangile de l'amour de Dieu pour tous les hommes. En effet, comment ne pas rappeler l'impressionnante page évangélique dans laquelle saint Matthieu nous présente la rencontre définitive avec le Seigneur? Ainsi, comme Jésus lui-même nous l'a dit, le Juge du monde nous demandera si, au cours de notre existence, nous avons donné à manger à celui qui avait faim, à boire à celui qui avait soif; si nous avons accueilli l'étranger et ouvert les portes de notre coeur à l'indigent. En un mot, lors du Jugement dernier, Dieu nous demandera si nous avons aimé non de manière abstraite, mais concrète, à travers des faits (cf.
Mt 25,31-46). Et cela touche toujours véritablement mon coeur, en lisant à nouveau ces lignes, que Jésus, le Fils de l'homme et Juge final, nous précède par cette action, se faisant lui-même homme, se faisant pauvre et assoiffé et, à la fin, nous embrasse en nous serrant sur son coeur. Et ainsi, Dieu fait ce qu'il désire que nous fassions: être ouverts pour les autres et vivre l'amour non pas avec les mots, mais à travers les actes. A la fin de notre vie, aimait à répéter saint Jean de la Croix, nous serons jugés sur l'amour. Combien il est nécessaire qu'aujourd'hui aussi, en particulier à notre époque marquée par de nombreux défis humains et spirituels, les chrétiens proclament à travers les oeuvres l'amour miséricordieux de Dieu! Chaque baptisé devrait être un "Evangile vécu". En effet, de nombreuses personnes qui n'accueillent pas facilement le Christ et ses enseignements exigeants, sont cependant sensibles au témoignage de ceux qui transmettent son message à travers le témoignage concret de la charité. L'amour est un langage qui touche directement le coeur et l'ouvre à la confiance. Je vous exhorte alors, comme le faisait saint Pierre avec les premiers chrétiens, à être toujours prêts "à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l'espérance qui est en vous" (1P 3,15).

Je voudrais ensuite ajouter une autre réflexion: votre réalité associative constitue un exemple typique de l'importance que possède le fait de conserver ses propres "racines chrétiennes" en Italie et en Europe. Vos confraternités, les "Misericordie", sont une présence vivante et vivace, très réaliste, de ces racines chrétiennes. A l'heure actuelle, les "Misericordie" ne sont pas un regroupement ecclésial, mais leurs racines historiques restent sans aucun doute chrétiennes. Leur nom même l'exprime: "Misericordie", et le fait, déjà rappelé, qu'à vos origines se trouve l'initiative d'un saint, le manifeste également. Or, les racines, pour continuer à porter des fruits, doivent être maintenues vivantes et solides. C'est pour cette raison que vous proposez de manière opportune à vos membres des occasions régulières de préparation et de formation, pour approfondir toujours davantage les motivations humaines et chrétiennes de vos activités. En effet, le risque est que le volontariat puisse se réduire à un simple activisme. Si, en revanche, le contenu spirituel reste vital, il peut transmettre à l'autre bien plus que les choses matériellement nécessaires: il peut offrir au prochain en difficulté le regard d'amour dont il a besoin (cf. Enc. Deus caritas est ).

Enfin, je désire vous présenter un troisième motif d'appréciation: avec les autres associations de volontariat, vous accomplissez une importante fonction éducative. C'est-à-dire que vous contribuez à garder vivante la sensibilité à l'égard des valeurs les plus nobles, telles que la fraternité et l'aide désintéréssée à celui qui se trouve en difficulté. Les jeunes peuvent en particulier tirer profit de l'expérience du volontariat, car, s'il est bien organisé, il devient pour eux une "école de vie", qui les aide à conférer à leur propre existence un sens et une valeur plus élevée et féconde. Puissent les "Misericordie" les encourager à croître dans la dimension du service au prochain et à découvrir une grande vérité évangélique: c'est-à-dire, "qu'il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir" (Ac 20,35 cf. Deus caritas est ).

Chers amis, demain, 11 février, fête de la Madone de Lourdes, sera célébrée la Journée mondiale des Malades, désormais parvenue à sa 15 édition. Cette année, l'attention se tourne de manière particulière vers les personnes atteintes de maladies incurables. Chers amis, vous consacrez vous aussi vos services à un grand nombre d'entre eux. Que la Vierge Immaculée, Mère de la Miséricorde, veille sur chacune de vos confraternités, et même sur chacun des membres des "Misericordie" d'Italie. Qu'Elle vous aide à accomplir votre mission avec un amour authentique, en contribuant ainsi à diffuser dans le monde l'amour de Dieu, source de vie pour chaque être humain. A vous qui êtes ici présents, à toutes les "Misericordie" d'Italie et aux Donneurs de sang Fratres, je donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique.


À S.E. M. LUIS PARÍS CHAVERRI NOUVEL AMBASSADEUR DU COSTA RICA PRÈS LE SAINT-SIÈGE Samedi 10 février 2007



Monsieur l'Ambassadeur,

1. Je suis heureux de vous recevoir à l'occasion de cette audience au cours de laquelle vous me remettez les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Costa Rica près le Saint-Siège, et je vous remercie sincèrement des paroles aimables que vous m'avez adressées au cours de cet acte solennel par lequel vous commencez la mission que votre gouvernement vous a confiée. Je vous prie de faire parvenir mon salut respectueux au Président de la République, M. Oscar Arias, en réponse aux paroles que vous m'avez transmises, à travers lesquelles il exprimait la proximité et l'affection du peuple costaricain pour le Successeur de Pierre.

2. Le Costa Rica possède une profonde empreinte religieuse, qui reflète la foi de son peuple depuis le début de son évangélisation, il y a plus de cinq siècles. C'est pourquoi l'Eglise catholique, fidèle à sa mission d'apporter le message du salut à toutes les nations et en accord avec sa doctrine sociale, cherche à favoriser le développement intégral de l'être humain et la défense de sa dignité, en collaborant à la consolidation des valeurs fondamentales afin que la société puisse jouir de stabilité et d'harmonie, en accord avec sa profonde aspiration à vivre dans la paix, la liberté et la démocratie.

Les différentes communautés ecclésiales, soutenues par leur désir de conserver le message évangélique vivant, collaborent dans des domaines très importants tels que l'enseignement, l'assistance aux plus défavorisés, les services de santé, ainsi que la promotion de la personne dans sa condition de citoyen et de fils de Dieu. C'est pourquoi, les Evêques du Costa Rica considèrent avec attention et préoccupation les situations sociales présentes dans le pays, tels que le niveau croissant de pauvreté, l'insécurité publique et la violence familiale, ainsi qu'une immigration importante des pays proches. Face à des situations parfois conflictuelles et pour défendre le bien commun, ils offrent leur collaboration à travers des initiatives qui favorisent l'entente et la réconciliation, et ils soutiennent la promotion de la justice et de la solidarité, encourageant si nécessaire le dialogue national entre les responsables de la vie publique.

358 D'autre part, et comme Votre Excellence l'a souligné, ce dialogue doit exclure toute forme de violence dans ses diverses expressions et aider à construire un avenir plus humain avec la collaboration de tous. A cet égard, il est opportun de rappeler que les améliorations sociales ne s'obtiennent pas en appliquant uniquement les moyens techniques nécessaires, mais en promouvant également des réformes qui tiennent compte d'une considération éthique de la personne, de la famille et de la société. C'est pourquoi l'on doit cultiver des valeurs morales comme l'honnêteté, l'austérité et la responsabilité à l'égard du bien commun. On pourra ainsi éviter l'égoïsme personnel et collectif, comme la corruption dans quelque domaine que ce soit, qui empêche toute forme de progrès.

3. On sait bien que l'avenir d'une nation doit se fonder sur la paix, fruit de la justice (cf. Jc
Jc 3,18), en construisant un type de société qui, à commencer par les responsables de la vie politique, parlementaire, administrative et judiciaire, favorise la concorde, l'harmonie et le respect de la personne, ainsi que la défense de ses droits fondamentaux. C'est pourquoi il faut louer les initiatives que le gouvernement du Costa Rica a menées à bien dans le domaine international en vue de promouvoir la paix et les droits de l'homme dans le monde, ainsi que sa traditionnelle proximité avec les positions prises par le Saint-Siège dans plusieurs forums internationaux, sur des questions aussi importantes que la défense de la vie humaine et la promotion du mariage et de la famille.

Tous les Costaricains, avec les qualités qui les distinguent, doivent être les acteurs et les artisans du progrès du pays, en coopérant à une stabilité politique qui permette à tous de participer à la vie publique. Chacun, selon sa capacité et ses possibilités personnelles, est appelé à apporter sa contribution au bien de la patrie, fondé sur un ordre social plus juste et participatif. A cet égard, les enseignements moraux de l'Eglise offrent des valeurs et des orientations qui, prises en considération en particulier par ceux qui travaillent au service de la nation, constituent une aide précieuse pour affronter de manière appropriée les nécessités et les aspirations des citoyens.

Le douloureux et vaste problème de la pauvreté, avec de graves conséquences dans le domaine de l'éducation, de la santé et du logement, constitue un défi urgent pour les gouvernants et les responsables de l'administration publique face à l'avenir de la nation. Une prise de conscience plus profonde est nécessaire, qui permette d'affronter fermement la situation présente dans toutes ses dimensions, en coopérant ainsi à un véritable engagement pour le bien de tous. Comme dans d'autres pays, les pauvres manquent des biens de base et ne trouvent pas les moyens indispensables qui permettent leur promotion et leur bien intégral. Cela concerne en particulier les immigrés à la recherche d'un meilleur niveau de vie. Face à cela, l'Eglise, à la lumière de sa doctrine sociale, cherche à encourager et à favoriser des initiatives visant à surmonter les situations d'exclusion qui touchent tant de nos frères dans le besoin, car la préoccupation pour le domaine social fait également partie de son action évangélisatrice (cf. Sollicitudo rei socialis, n. 41).

4. Monsieur l'Ambassadeur, avant de conclure cette rencontre, je désire vous exprimer mes meilleurs voeux pour que la mission que vous commencez aujourd'hui soit féconde en fruits et en résultats. Je vous prie à nouveau de vous faire l'interprète de mes sentiments et de mes espérances auprès du Président de la République et des autres autorités de votre pays, alors que j'invoque sur vous, sur votre noble famille et sur vos collaborateurs, ainsi que sur tous les bien-aimés fils et filles du Costa Rica, la Bénédiction de Dieu et la protection de votre Patronne, Notre-Dame des Anges.

XV JOURNÉE MONDIALE DES MALADES

MESSE POUR LES MALADES

À L'OCCASION DE LA FÊTE DE LA MADONE DE LOURDES



AUX MALADES AU TERME DE LA MESSE Basilique Vaticane Dimanche 11 février 2007

Chers frères et soeurs,

C'est avec une grande joie que je vous rencontre ici, dans la Basilique vaticane, à l'occasion de la fête de la Madone de Lourdes et de la Journée mondiale des Malades annuelle, au terme de la célébration eucharistique présidée par le Cardinal Camillo Ruini. C'est à lui, en premier lieu, que j'adresse mon salut cordial, que j'étends à vous tous ici présents: à l'Archiprêtre de la Basilique, Mgr Angelo Comastri, aux autres Evêques, aux prêtres, aux religieux et aux religieuses. Je salue les responsables et les membres de l'UNITALSI, qui s'occupent du transport et du soin des malades lors des pèlerinages et en d'autres moments significatifs. Je salue les responsables et les pèlerins de l'OEuvre romaine des pèlerinages et ceux qui prendront part au XV Congrès national théologique et pastoral, auquel participeront un grand nombre de personnes d'Italie et de l'étranger. En outre, je salue la délégation des représentants des "Chemins d'Europe". Mais c'est à vous, chers malades, à vos familles et aux volontaires qui vous suivent et vous accompagnent avec amour, aujourd'hui aussi, que je voudrais adresser le salut le plus cordial. Avec vous tous, je désire m'unir à ceux qui, en ce même jour, prennent part aux divers moments de la Journée mondiale des Malades qui se tient dans la ville de Séoul, en Corée. Là-bas, le Cardinal Javier Lozano Barragán, Président du Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, préside les célébrations en mon nom.
C'est donc aujourd'hui la fête de la Bienheureuse Vierge Marie de Lourdes, qui, il y a un peu moins de cent-cinquante ans, apparut à une simple jeune fille, sainte Bernadette Soubirous, se présentant comme l'Immaculée Conception. Dans cette apparition également, la Vierge s'est manifestée comme une mère tendre envers ses enfants, rappelant que les petits, les pauvres, sont les préférés de Dieu et que le mystère du Royaume des cieux leur est révélé. Chers amis, Marie, qui avec sa foi a accompagné son Fils jusque sous la croix, Elle qui fut associée par un mystérieux dessein aux souffrances du Christ son Fils, ne se lasse jamais de nous exhorter à vivre et à partager avec une confiance sereine l'expérience de la douleur et de la maladie, en l'offrant avec foi au Père, complétant ainsi ce qui manque dans notre chair aux souffrances du Christ (cf. Col Col 1,24). A cet égard, me reviennent en esprit les paroles avec lesquelles mon vénéré prédécesseur Paul VI concluait l'Exhortation apostolique Marialis cultus: "A l'homme d'aujourd'hui souvent tiraillé entre l'angoisse et l'espérance, prostré par le sentiment de ses limites et assailli par des aspirations sans bornes, la Vierge Marie, contemplée dans sa vie terrestre et dans la réalité qu'elle possède déjà dans la Cité de Dieu, offre une vision sereine et une parole rassurante: la victoire de l'espérance sur l'angoisse, de la communion sur la solitude, de la paix sur le trouble, de la joie et de la beauté sur le dégoût et la nausée, des perspectives éternelles sur les perspectives temporelles, de la vie sur la mort" (n. 57). Ce sont des paroles qui éclairent notre chemin, même lorsque semble disparaître le sens de l'espérance et la certitude de la guérison; ce sont des paroles que je voudrais réconfortantes, en particulier pour ceux qui sont frappés par des maladies graves et douloureuses.

Et c'est précisément à nos frères particulièrement éprouvés que la Journée mondiale des Malades d'aujourd'hui consacre son attention. C'est à eux que nous voudrions communiquer la proximité matérielle et spirituelle de la communauté chrétienne tout entière. Il est important de ne pas les laisser dans l'abandon et dans la solitude, alors qu'ils doivent affronter un moment aussi délicat de leur vie. C'est pourquoi ceux qui, avec patience et amour, mettent au service de ces derniers leurs compétences professionnelles et leur chaleur humaine, sont donc dignes d'éloges. Je pense aux médecins, aux infirmiers, aux agents de la santé, aux volontaires, aux religieux et aux religieuses, aux prêtres qui se prodiguent pour eux sans s'épargner, comme le Bon Samaritain, sans prendre en considération leur condition sociale, la couleur de leur peau ou leur appartenance religieuse, mais seulement ce dont ils ont besoin. Sur le visage de chaque être humain, encore davantage s'il est éprouvé et défiguré par la maladie, brille le visage du Christ, qui a dit: "Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25,40).

359 Chers frères et soeurs, d'ici peu une retraite aux flambeaux suggestive fera revivre l'atmosphère qui se crée entre les pèlerins et les fidèles à Lourdes, à la tombée de la nuit. Notre pensée va vers la grotte de Massabielle, où se mêle la douleur humaine et l'espérance, la peur et la confiance. Combien de pèlerins, réconfortés par le regard de la Mère, trouvent à Lourdes la force d'accomplir plus facilement la volonté de Dieu, même lorsqu'elle exige renoncement et douleur, conscients que, comme l'affirme l'Apôtre Paul, tout concourt au bien de ceux qui aiment le Seigneur (cf. Rm 8,28). Chers frères et soeurs, que le cierge que vous tenez allumé entre les mains soit aussi pour vous le signe d'un désir sincère de marcher avec Jésus, lumière de paix qui éclaire les ténèbres et nous pousse, à notre tour, à être lumière et soutien pour ceux qui vivent à nos côtés. Que personne, en particulier ceux qui se trouvent dans des conditions de dure souffrance, ne se sente jamais seul et abandonné. Ce soir, je vous confie tous à la Vierge Marie. Après avoir connu d'indicibles souffrances, Elle a été élevée au ciel, où elle nous attend et où nous espérons nous aussi, pouvoir partager un jour la gloire de son divin Fils, la joie sans fin. Avec ces sentiments, je vous donne à tous, ici présents, ainsi qu'à ceux qui vous sont chers, ma Bénédiction apostolique.


AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS INTERNATIONAL SUR LA LOI MORALE NATURELLE, ORGANISÉ PAR L'UNIVERSITÉ DU LATRAN Salle Clémentine Lundi 12 février 2007



Vénérés Frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce!
Illustres professeurs,
Mesdames et Messieurs!

C'est avec un plaisir particulier que je vous accueille au début des travaux de votre Congrès, au cours duquel vous vous consacrerez dans les prochains jours à un thème d'une grande importance pour les temps actuels, celui de la loi morale naturelle. Je remercie Mgr Rino Fisichella, Recteur magnifique de l'Université pontificale du Latran, pour les sentiments qu'il a exprimés dans l'hommage par lequel il a voulu introduire cette rencontre.

Il ne fait aucun doute que nous vivons une période de développement extraordinaire en ce qui concerne la capacité humaine de déchiffrer les règles et les structures de la matière et la domination de l'homme sur la nature, qui en découle. Nous voyons tous les grands bénéfices de ce progrès, ainsi que les menaces d'une destruction de la nature à cause de la force de nos actions. Il existe un autre danger, moins visible, mais non moins inquiétant: la méthode qui nous permet de connaître toujours plus à fond les structures rationnelles de la matière nous rend toujours moins capables de percevoir la source de cette rationalité, la Raison créatrice. La capacité de voir les lois de l'être matériel nous rend incapables de voir le message éthique contenu dans l'être, message appelé par la tradition lex naturalis, loi morale naturelle. Il s'agit d'un terme devenu aujourd'hui presque incompréhensible pour de nombreuses personnes, à cause d'un concept de nature non plus métaphysique, mais seulement empirique. Le fait que la nature, l'être même, ne soit plus transparent pour un message moral, crée un sentiment de désorientation qui rend précaires et incertains les choix de la vie quotidienne. Naturellement, l'égarement frappe en particulier les générations les plus jeunes, qui doivent dans ce contexte effectuer des choix fondamentaux pour leur vie.

C'est précisément à la lumière de ces constatations qu'apparaît dans toute son urgence la nécessité de réfléchir sur le thème de la loi naturelle, et de retrouver sa vérité commune à tous les hommes. Cette loi, qu'évoque également l'apôtre Paul (cf. Rm 2,14-15), est inscrite dans le coeur de l'homme et elle n’est donc pas, aujourd'hui également, tout simplement inaccessible. Cette loi a comme principe premier et fondamental celui de « faire le bien et éviter le mal ». Il s'agit d'une vérité dont l'évidence s'impose immédiatement à chacun. De cette loi découlent les autres principes plus particuliers, qui règlementent le jugement éthique sur les droits et les devoirs de chacun. C'est le cas du principe du respect de la vie humaine, de sa conception jusqu'à son terme naturel, ce bien de la vie n'étant pas la propriété de l'homme, mais un don gratuit de Dieu. C'est le cas également du devoir de rechercher la vérité, présupposé nécessaire à toute maturation authentique de la personne. Une autre instance fondamentale du sujet est la liberté.En tenant compte, toutefois, du fait que la liberté humaine est toujours une liberté partagée par les autres, il est clair que l'harmonie des libertés ne peut être trouvée que dans ce qui est commun à tous: la vérité de l'être humain, le message fondamental de l'être même, la lex naturalis précisément. Et comment ne pas évoquer, d'une part, l'exigence de justice qui se manifeste dans le fait de donner unicuique suum, et, de l'autre, l'attente de solidarité qui alimente en chacun, spécialement chez les personnes en difficulté, l'espérance d'une aide de la part de ceux que le destin a favorisés? Dans ces valeurs s'expriment des normes inéluctables et coercitives qui ne dépendent pas de la volonté du législateur ni du consensus que les États peuvent y apporter. Il s'agit en effet de normes qui précèdent toute loi humaine: en tant que telles, elles n'admettent de la part de personne d'interventions pour y déroger.

La loi naturelle est la source dont jaillissent également, avec les droits fondamentaux, les impératifs éthiques qu'il est nécessaire de respecter. Dans l'éthique et la philosophie actuelle du Droit, les postulats du positivisme juridique sont largement présents. La conséquence est que la législation ne devient souvent qu'un compromis entre divers intérêts: on tente de transformer en droits des intérêts privés ou des désirs qui s'opposent aux devoirs découlant de la responsabilité sociale. Dans cette situation, il est opportun de rappeler que toute ordonnancement juridique, tant sur le plan interne qu'international, tire en ultime analyse sa légitimité de son enracinement dans la loi naturelle, dans le message éthique inscrit dans l'être humain lui-même. La loi naturelle est, en définitive, le seul rempart valable contre l'abus de pouvoir ou les pièges de la manipulation idéologique. La connaissance de cette loi inscrite dans le coeur de l'homme croît avec le développement de la conscience morale. La première préoccupation de chacun, et en particulier de ceux qui ont des responsabilités publiques, devrait donc être de promouvoir la maturation de la conscience morale. Tel est le progrès fondamental sans lequel tous les autres progrès finissent par ne pas être authentiques. La loi inscrite dans notre nature est la véritable garantie offerte à chacun pour pouvoir vivre libre et respecté dans sa dignité. Ce qui a été dit jusqu'à présent possède des applications très concrètes si l'on se réfère à la famille, c'est-à-dire à la «communauté intime de vie et d'amour dans le mariage, […] fondée et dotée de ses propres lois par le Créateur» (Const. past. Gaudium et spes GS 48). À cet égard, le Concile Vatican II a répété de façon opportune que le mariage est une institution «que la loi divine confirme », et donc «en considération du bien des époux et des enfants aussi bien que de la société, ce lien sacré n’est pas laissé à l’arbitraire de l'homme » (ibid.). Aucune loi faite par les hommes ne peut donc renverser la norme écrite par le Créateur, sans que la société ne soit dramatiquement blessée dans ce qui constitue son fondement même. L'oublier signifierait fragiliser la famille, pénaliser les enfants et rendre précaire l'avenir de la société.

Je ressens enfin le devoir de réaffirmer que tout ce qui est réalisable sur le plan scientifique n'est pas pour autant licite sur le plan éthique. La technique, lorsqu'elle réduit l'être humain à un objet d'expérimentations, finit par abandonner le sujet faible à la volonté du plus fort. Se fier aveuglément à la technique comme unique garante de progrès, sans offrir dans le même temps un code éthique qui plonge ses racines dans cette même réalité qui est étudiée et développée, reviendrait à porter atteinte à la nature humaine, avec des conséquences dévastatrices pour tous. La contribution des hommes de science est d'une importance primordiale. Outre le progrès de nos capacités de domination sur la nature, les scientifiques doivent également contribuer à nous aider à comprendre en profondeur notre responsabilité envers l'homme et envers la nature qui lui a été confiée. Sur cette base il est possible de développer un dialogue fécond entre croyants et non-croyants, entre théologiens, philosophes, juristes et hommes de science, qui peuvent offrir également aux législateurs des éléments précieux pour la vie personnelle et sociale. Je souhaite donc que ces journées d'étude puissent non seulement conduire à une plus grande sensibilité des experts à l'égard de la loi morale naturelle, mais qu'elles encouragent également à créer les conditions pour parvenir, sur ce thème, à une conscience toujours plus forte de la valeur inaliénable que la lex naturalis possède pour un développement réel et cohérent de la vie personnelle et de l'ordre social. Avec ce voeu, je vous assure de mon souvenir dans la prière pour vous et pour votre engagement académique de recherche et de réflexion, tandis que je donne à tous avec affection ma Bénédiction apostolique.


AUX REPRÉSENTANTS PONTIFICAUX EN AMÉRIQUE LATINE Salle du Consistoire Samedi 17 février 2007

17207

Vénérés frères,

Je suis très heureux de vous accueillir, au terme de votre réunion en préparation à la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain. J'adresse à chacun mon salut cordial, en commençant par Monsieur le Cardinal Tarcisio Bertone, mon Secrétaire d'Etat, que je remercie des paroles à travers lesquelles il s'est fait l'interprète des sentiments communs. Je remercie Messieurs les Cardinaux présidents de la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain, ainsi que les responsables des dicastères de la Curie Romaine, qui ont offert leur contribution à vos travaux. Je saisis en particulier cette occasion pour vous renouveler, à vous, Nonces apostoliques présents, ainsi qu'à tous les Représentants pontificaux, l'expression de ma reconnaissance pour l'important service ecclésial que vous accomplissez, souvent au prix de nombreuses difficultés, dues à l'éloignement de votre patrie d'origine, aux fréquents déplacements et parfois aux tensions socio-politiques présentes dans les lieux où vous oeuvrez. Dans le déroulement de votre délicate fonction, qui est certainement toujours animée d'un profond esprit de foi, que chacun de vous se sente accompagné par l'estime, l'affection et la prière du Pape.

Chaque Nonce apostolique est appelé à consolider les liens de communion entre les Eglises particulières et le Successeur de Pierre. C'est à lui qu'est confiée la responsabilité de promouvoir, avec les pasteurs et tout le peuple de Dieu, le dialogue et la collaboration avec la société civile pour réaliser le bien commun. Les Représentants pontificaux sont la présence du Pape, qui se fait proche à travers eux de tous ceux qu'il ne peut rencontrer en personne et, en particulier, de tous ceux qui vivent dans des conditions de difficulté et de souffrance. Chers Frères, votre ministère est un ministère de communion ecclésiale et votre service est un service à la paix et à la concorde dans l'Eglise et entre les peuples. Soyez toujours conscients de l'importance de la grandeur et de la beauté de votre mission et efforcez-vous sans vous lasser de la réaliser avec un dévouement généreux.

La Providence divine vous a appelés, vous tous ici présents, à accomplir votre service en Amérique latine, définie par le bien-aimé Jean-Paul II - qui l'a visitée à plusieurs reprises - "continent de l'espérance", comme cela a déjà été dit. Si Dieu le veut, j'aurai la joie de prendre personnellement contact avec la réalité de ces pays en étant présent, s'il plaît à Dieu, à l'ouverture de la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain, à Aparecida, au Brésil, au mois de mai prochain. Dans un certain sens, cette Assemblée résume et s'inscrit dans la continuité des Conférences générales précédentes, tandis qu'elle s'enrichit des nombreux dons "post-conciliaires" du Magistère pontifical - je pense en particulier à l'Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in America - comme également des fruits du chemin synodal de l'Eglise catholique. On se propose de définir les grandes priorités et de susciter un élan renouvelé à la mission de l'Eglise au service des peuples latino-américains dans les situations concrètes du début de ce XXI siècle. Cette synthèse renvoie à la tradition de la catholicité, qui, grâce à une extraordinaire épopée missionnaire, s'est faite présente et a marqué de son empreinte la structure culturelle qui caractérise jusqu'à aujourd'hui l'identité latino-américaine. Telle est la vocation originelle - comme le disait mon regretté prédécesseur Jean-Paul II à Saint-Domingue -, "de peuples que la géographie elle-même, la foi chrétienne, la langue et la culture ont unis définitivement dans le cheminement de l'histoire" (Discours d'ouverture de la IV Conférence générale de l'Episcopat latino-américain, 12 octobre 1992).

Précisément à partir du thème de cette importante réunion: "Discípulos y misioneros de Jesucristo para que nuestros pueblos en Él tengan vida" (Disciples et missionnaires de Jésus Christ, pour que notre peuple ait la vie en Lui), vous aussi, ces jours-ci, vous avez eu l'occasion de souligner certains défis que l'Eglise rencontre dans votre vaste milieu latino-américain, insérée dans les dynamiques mondiales et toujours plus conditionnée par les effets de la mondialisation. Face à ce défi, les nations qui la composent cherchent de diverses façons à affirmer leur identité et leur poids sur le chemin historique du monde d'aujourd'hui; elles s'efforcent, souvent au prix de nombreuses difficultés, de consolider la paix intérieure de leur nation. Se sentant "soeurs", elles visent à devenir également une communauté, unie dans la paix et dans le développement culturel et économique. L'Eglise, signe et instrument d'unité pour tout le genre humain (cf. Lumen gentium
LG 1), se trouve naturellement en accord avec toutes les aspirations légitimes des peuples à une plus grande harmonie et coopération, et apporte la contribution qui lui est propre, c'est-à-dire celle de l'Evangile. Elle souhaite que dans les pays latino-américains où les Chartes constitutionnelles se limitent à "accorder" la liberté de croyance et de culte, mais ne "reconnaissent" pas encore la liberté religieuse, on puisse définir au plus tôt les relations réciproques fondées sur les principes d'autonomie et de saine et respectueuse collaboration. Cela permettra à la communauté ecclésiale de développer toutes ses potentialités au bénéfice de la société et de toute personne humaine, créée à l'image de Dieu. Une correcte formulation juridique de ces relations ne pourra pas manquer de tenir compte du rôle historique, spirituel, culturel et social joué par l'Eglise catholique en Amérique latine.

Ce rôle continue d'être fondamental, notamment grâce à l'heureuse fusion entre l'antique et riche sensibilité des peuples autochtones et le christianisme et la culture moderne. Certains milieux, nous le savons, dénoncent une opposition entre la richesse et la profondeur des cultures pré-colombiennes et la foi chrétienne, présentée comme une imposition extérieure ou une aliénation pour les peuples d'Amérique latine. En vérité, la rencontre entre ces cultures et la foi dans le Christ fut une réponse attendue intérieurement par ces cultures. Cette rencontre ne doit donc pas être niée, mais approfondie, car elle a créé la véritable identité des peuples d'Amérique latine. En effet, l'Eglise catholique est l'institution qui jouit du plus grand crédit auprès des populations latino-américaines. Elle est active dans la vie des peuples, estimée en vertu du travail qu'elle accomplit dans les domaines de l'éducation, de la santé et de la solidarité à l'égard des personnes dans le besoin. L'aide aux pauvres et la lutte contre la pauvreté sont et demeurent une priorité fondamentale dans la vie des Eglises en Amérique latine. L'Eglise est également active dans les interventions de médiation qui lui sont souvent demandées à l'occasion de conflits internes. Une présence aussi forte doit toutefois tenir compte aujourd'hui, entre autres, du prosélytisme des sectes et de l'influence croissante du sécularisme hédoniste post-moderne. Nous devons sérieusement réfléchir sur les causes de l'attraction des sectes pour trouver la réponse juste. Face aux défis du moment historique actuel, nos communautés sont appelées à renforcer leur adhésion au Christ pour témoigner d'une foi mûre et pleine de joie et - en dépit de tous les problèmes - dont les potentialités sont véritablement immenses. Et tout aussi immenses sont les potentiels spirituels auxquels peut puiser l'Amérique latine, où les mystères de la foi sont célébrés avec une dévotion fervente et où la confiance en l'avenir est alimentée par la croissance des vocations sacerdotales et religieuses. Il est naturellement nécessaire d'accompagner avec une grande attention les jeunes sur le chemin de la vocation, et d'aider les prêtres, les religieux et les religieuses à persévérer dans leur vocation. Un immense potentiel missionnaire et évangélisateur est également offert par les jeunes, qui constituent plus des deux tiers de la population, tandis que la famille demeure "une caractéristique primordiale de la culture latino-américaine", comme l'a dit mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II lors de la rencontre de Puebla, au Mexique, en janvier 1979.

Une attention prioritaire doit être accordée à la famille, qui montre des signes de faiblesse sous les pressions de lobbies capables d'influencer de façon négative les processus législatifs. Les divorces et les unions libres sont en augmentation, tandis que l'adultère est considéré avec une tolérance injustifiable. Il faut répéter que le mariage et la famille trouvent leur fondement dans le noyau le plus intime de la vérité sur l'homme et sur son destin; ce n'est que sur le roc de l'amour conjugal, fidèle et stable, entre un homme et une femme, que peut s'édifier une communauté digne de l'être humain. Je souhaiterais aborder d'autres thèmes religieux et sociaux sur lesquels vous avez eu l'occasion de réfléchir. Je me limite à citer le phénomène des migrations, étroitement lié à la famille; l'importance de l'école et l'attention aux valeurs et à la conscience, en vue de former des laïcs mûrs, capables d'offrir une contribution qualifiée à la vie sociale et civile; l'éducation des jeunes avec des programmes de vocation adaptés qui accompagnent de façon particulière les séminaristes et les aspirants à la vie consacrée sur leur chemin de formation; l'engagement en vue d'informer de façon adéquate l'opinion publique sur les grandes questions éthiques selon les principes du Magistère de l'Eglise, et une présence efficace dans le domaine des moyens de communication, également pour répondre aux défis des sectes. Les mouvements ecclésiaux constituent certainement une ressource précieuse pour l'apostolat, mais il faut toujours les aider à demeurer fidèles à l'Evangile et à l'enseignement de l'Eglise, même lorsqu'ils oeuvrent dans le domaine social et politique. En particulier, je ressens le devoir de répéter qu'il n'appartient pas aux ecclésiastiques de prendre la tête d'associations sociales ou politiques, mais à des laïcs mûrs et préparés professionnellement.

Chers frères, en ces jours, vous avez réfléchi et dialogué ensemble; vous avez surtout prié ensemble. Nous demandons au Seigneur, par l'intercession de Marie, que les fruits de votre réunion et de la prochaine Conférence générale de l'épiscopat latino-américain aillent au bénéfice de toute l'Eglise. Je vous remercie une fois de plus pour tout le travail que vous avez accompli. De retour dans vos pays, faites-vous les interprètes de mes sentiments cordiaux auprès des pasteurs et des communautés chrétiennes, des gouvernements et des populations. Transmettez l'assurance de la proximité spirituelle du Pape en particulier à vos collaborateurs, aux religieuses et à tous ceux qui coopèrent au bon fonctionnement des sièges de vos Nonciatures. A tous et à chacun, je donne de tout coeur une Bénédiction apostolique particulière.

Discours 2005-2013 357