Discours 2005-2013 25516

RENCONTRE AVEC LE CLERGÉ Cathédrale Saint-Jean à Varsovie, 25 mai 2006

25516
"Tout d'abord je rends grâce à mon Dieu par Jésus Christ pour vous tous. J'ai en effet un très vif désir de vous voir, pour vous communiquer un don de l'Esprit, afin de vous rendre forts, - je veux dire, afin de nous réconforter ensemble chez vous, moi par votre foi et vous par la mienne" (
Rm 1,8-12). Chers prêtres, je m'adresse à vous avec ces paroles de l'Apôtre Paul, car celles-ci reflètent parfaitement les sentiments et les pensées, les désirs et les prières qui sont les miens aujourd'hui. Je salue en particulier le Cardinal Józef Glemp, Archevêque de Varsovie et Primat de Pologne, auquel je présente mes plus cordiales félicitations pour le 50 anniversaire de son ordination sacerdotale, qui a lieu précisément aujourd'hui. Je suis venu en Pologne, dans la bien-aimée patrie de mon grand Prédécesseur Jean-Paul II, pour puiser - comme il avait l'habitude de le faire - à ce climat de foi dans lequel vous vivez et pour "vous communiquer un don de l'Esprit, afin de vous rendre forts". Je suis certain que mon pèlerinage au cours de ces journées "nous réconfortera ensemble chez vous, moi par votre foi et vous par la mienne".

Je vous rencontre aujourd'hui dans l'archicathédrale de Varsovie, dont chacune des pierres rappelle l'histoire douloureuse de votre capitale et de votre pays. Que d'épreuves avez-vous dû affronter à une époque qui n'est pas si lointaine! Nous nous souvenons des témoins héroïques de la foi, qui offrirent leur vie à Dieu et aux hommes, des saints canonisés et également des hommes ordinaires, qui persévérèrent dans la rectitude, dans l'authenticité et dans la bonté, sans jamais céder au découragement. Dans cette cathédrale, je rappelle en particulier la mémoire du Serviteur de Dieu, le Card. Stefan Wyszynski, que vous appelez "le primat du Millénaire", qui, en s'abandonnant au Christ et à sa Mère, sut servir fidèlement l'Eglise, malgré des épreuves douloureuses et prolongées. Nous rappelons avec reconnaissance et gratitude ceux qui ne se sont pas laissés anéantir par les forces des ténèbres, nous apprenons d'eux le courage de la cohérence et de la constance dans l'adhésion à l'Evangile du Christ.

Je vous rencontre aujourd'hui, prêtres appelés par le Christ à le servir au cours du nouveau millénaire. Vous avez été choisis au sein du peuple, constitués dans les choses qui concernent Dieu, pour offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Croyez dans la puissance de votre sacerdoce! En vertu du sacrement, vous avez reçu tout ce que vous êtes. Lorsque vous prononcez la parole "je" ou "mon" ("Je t'absous... Ceci est mon Corps..."), vous ne le faites pas en votre nom, mais au nom du Christ, "in persona Christi", qui veut se servir de votre bouche et de vos mains, de votre esprit de sacrifice et de votre talent. Au moment de votre ordination, à travers le signe liturgique de l'imposition des mains, le Christ vous a pris sous sa protection spéciale; vous êtes cachés sous ses mains et dans son Coeur. Plongez-vous dans son amour, et donnez-lui votre amour! Quand vos mains ont été ointes avec l'huile, signe de l'Esprit Saint, elles ont été destinées à servir le Seigneur comme étant ses mains dans le monde d'aujourd'hui. Elles ne peuvent plus servir à l'égoïsme, mais elles doivent transmettre au monde le témoignage de son amour.

La grandeur du sacerdoce du Christ peut provoquer la peur. On peut être tentés de s'exclamer avec Pierre: "Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un homme pécheur" (Lc 5,8), parce que nous avons du mal à croire que le Christ ait précisément appelé notre propre personne. N'aurait-il pas pu choisir quelqu'un d'autre, plus capable, plus saint? Mais Jésus a fixé son regard avec amour précisément sur chacun de nous, et nous devons avoir confiance dans son regard. Ne nous laissons pas prendre par la précipitation, comme si le temps consacré au Christ dans une prière silencieuse était du temps perdu. C'est précisément là, en revanche, que naissent les fruits les plus merveilleux du service pastoral. Il ne faut pas se décourager du fait que la prière exige un effort, ni de l'impression que Jésus se tait. Il se tait, mais il oeuvre. A ce propos, j'ai plaisir à rappeler l'expérience vécue l'année dernière à Cologne. Je fus alors le témoin d'un profond, inoubliable silence d'un million de jeunes, au moment de l'adoration du Très Saint Sacrement! Ce silence orant nous unit, nous apportant un grand réconfort. Dans un monde où il y a tant de bruit, tant d'égarement, nous avons besoin de l'adoration silencieuse de Jésus caché dans l'Hostie. Soyez assidus dans la prière d'adoration et enseignez-la aux fidèles. Dans celle-ci, les personnes éprouvées trouveront en particulier le réconfort et la lumière.

Les fidèles n'attendent qu'une chose des prêtres: qu'ils soient des spécialistes de la promotion de la rencontre de l'homme avec Dieu. On ne demande pas au prêtre d'être expert en économie, en construction ou en politique. On attend de lui qu'il soit expert dans la vie spirituelle. Dans ce but, lorsqu'un jeune prêtre accomplit ses premiers pas, il faut qu'il puisse faire référence à un maître expérimenté, qui l'aide à ne pas s'égarer face aux nombreuses propositions de la culture du moment. Face aux tentations du relativisme ou du permissivisme, il n'est pas du tout nécessaire que le prêtre connaisse tous les courants de pensée actuels et changeants; ce que les fidèles attendent de lui est qu'il soit le témoin de la sagesse éternelle, contenue dans la parole révélée. L'attention à la qualité de la prière personnelle et à une bonne formation théologique porte des fruits dans la vie. Vivre sous l'influence du totalitarisme peut avoir engendré une tendance inconsciente à se cacher sous un masque extérieur, ayant pour conséquence de céder à une certaine forme d'hypocrisie. Il est clair que cela n'est pas bénéfique à l'authenticité des relations fraternelles et peut conduire à une concentration exagérée sur soi-même. En réalité, on ne grandit dans la maturité affective que lorsque le coeur adhère à Dieu. Le Christ a besoin de prêtres qui soient mûrs, virils, capables de cultiver une authentique paternité spirituelle. Pour que cela se produise, il y a besoin d'honnêteté avec soi-même, d'ouverture envers le directeur spirituel et de confiance dans la miséricorde divine.

Le Pape Jean-Paul II, à l'occasion du grand Jubilé, a plusieurs fois exhorté les chrétiens à faire pénitence pour les infidélités passées. Nous croyons que l'Eglise est sainte, mais en elle se trouvent des hommes pécheurs. Il faut repousser le désir de s'identifier uniquement à ceux qui sont sans péché. Comment l'Eglise aurait-elle pu exclure les pécheurs de ses rangs? C'est pour leur salut que Jésus s'est incarné, est mort et ressuscité. Il faut donc apprendre à vivre avec sincérité la pénitence chrétienne. En la pratiquant, nous confessons les péchés individuels en union avec les autres, devant eux et devant Dieu. Il faut toutefois se garder de la prétention de s'ériger avec arrogance au rang de juges des générations précédentes, qui ont vécu en d'autres temps et en d'autres circonstances. Il faut une humble sincérité pour ne pas nier les péchés du passé, et toutefois ne pas tomber dans des accusations faciles en absence de preuves réelles ou en ignorant les différents préjugés de l'époque. En outre, la confessio peccati, pour reprendre une expression de saint Augustin, doit toujours être accompagnée par la confessio laudis - par la confession de la louange. En demandant pardon pour le mal commis dans le passé, nous devons également rappeler le bien accompli avec l'aide de la grâce divine qui, bien que déposée dans des vases d'argile, a souvent porté des fruits excellents.

Aujourd'hui, l'Eglise qui est en Pologne se trouve face à un grand défi pastoral: celui de prendre soin des fidèles qui ont quitté le pays. Le fléau du chômage oblige de nombreuses personnes à partir à l'étranger. C'est un phénomène qui existe à vaste échelle. Lorsque les familles sont ainsi divisées, lorsque les liens sociaux se désagrègent, l'Eglise ne peut pas rester indifférente. Il est nécessaire que les personnes qui partent soient accompagnées par des prêtres qui, en liaison avec les Eglises locales, se chargent du travail pastoral parmi les émigrés. L'Eglise qui est en Pologne a déjà donné de nombreux prêtres et religieuses, qui accomplissent leur service non seulement en faveur des Polonais en dehors des frontières du pays, mais également, et parfois dans des conditions très difficiles, dans les missions de l'Afrique, de l'Asie, de l'Amérique latine et dans d'autres régions. Chers prêtres, n'oubliez pas ces missionnaires. Le don de nombreuses vocations, avec lesquelles Dieu a béni votre Eglise, doit être accueilli dans une perspective véritablement catholique. Prêtres polonais, n'ayez pas peur de quitter votre monde sûr et connu, pour servir là où les prêtres manquent et où votre générosité peut porter des fruits abondants.

Demeurez forts dans la foi! A vous aussi je confie cette devise de mon pèlerinage. Soyez authentiques dans votre vie et dans votre ministère. En restant tournés vers le Christ, vivez une vie modeste, solidaire avec les fidèles auxquels vous êtes envoyés. Servez chacun; soyez accessibles dans les paroisses et les confessionnaux, accompagnez les mouvements nouveaux et les associations, soutenez les familles, ne négligez pas les liens avec les jeunes, rappelez-vous des pauvres et des laissés-pour-compte. Si vous vivez de foi, l'Esprit Saint vous suggérera ce que vous devrez dire et comment vous devrez servir. Vous pourrez toujours compter sur l'aide de Celle qui précède l'Eglise dans la foi. Je vous exhorte à l'invoquer toujours avec les paroles que vous connaissez bien: "Nous sommes proches de Toi, nous te rappelons, nous veillons".

Je donne à tous ma Bénédiction!


RENCONTRE OECUMÉNIQUE Varsovie, 25 mai 2006

25526
Chers frères et soeurs dans le Christ,

"Grâce et paix vous soient données par "Il est, Il était et Il vient", par les sept Esprits présents devant son trône, et par Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né d'entre les morts, le Prince des rois de la terre" (
Ap 1,4-5). C'est avec les paroles du Livre de l'Apocalypse, avec lesquelles Jean salue les sept Eglises d'Asie, que je veux adresser mes salutations chaleureuses à tous ceux qui sont ici présents, et avant tout aux représentants des Eglises et des communautés ecclésiales associées au sein du Conseil oecuménique polonais. Je remercie l'Archevêque Jeremiasz de l'Eglise orthodoxe autocéphale pour le salut et pour les paroles d'union spirituelle qu'il vient de m'adresser. Je salue l'Archevêque Alfons Nossol, Président du Conseil oecuménique de la Conférence épiscopale polonaise.

Nous sommes unis aujourd'hui par le désir de nous rencontrer, pour rendre, dans la prière commune, gloire et honneur à Notre Seigneur Jésus Christ: "Il nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang, il a fait de nous une Royauté de Prêtres, pour son Dieu et Père" (Ap 1,5-6). Nous sommes reconnaissants à notre Seigneur, parce qu'il nous réunit, il nous concède son Esprit et il nous permet - au-delà de ce qui nous sépare encore - d'invoquer "Abba, Père". Nous sommes convaincus qu'il intercède Lui-même incessamment en notre faveur, en demandant pour nous: "Qu'ils soient parfaits dans l'unité et que le monde reconnaisse que tu m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé" (Jn 17,23). Avec vous, je rends grâce pour le don de cette rencontre de prière commune. J'y vois l'une des étapes en vue de réaliser la ferme intention que j'ai annoncée au début de mon pontificat, à savoir de considérer comme une priorité de mon ministère le retour à l'unité pleine et visible entre les chrétiens. Mon bien-aimé prédécesseur, le serviteur de Dieu Jean-Paul II, lorsqu'il visita cette église de la Très-Sainte-Trinité, en 1991, souligna que: "Pour autant que nous cherchions à atteindre l'unité, elle n'en reste pas moins un don de l'Esprit Saint. Nous serons disposés à recevoir ce don dans la mesure où nous lui aurons ouvert nos esprits et nos coeurs par la vie chrétienne, et surtout par la prière". En effet, il ne nous sera pas possible de "faire" l'unité avec nos seules forces. Ainsi que je l'ai rappelé lors de la rencontre oecuménique de l'année dernière à Cologne: "Nous pouvons seulement l'obtenir comme un don de l'Esprit Saint". C'est pour cette raison que nos aspirations oecuméniques doivent être pénétrées par la prière, par le pardon réciproque et par la sainteté de la vie de chacun de nous. Je veux dire combien j'apprécie qu'ici, en Pologne, le Conseil oecuménique polonais et l'Eglise catholique romaine entreprennent de nombreuses initiatives dans ce domaine.

"Voici, il vient avec les nuées; chacun le verra, même ceux qui l'ont transpercé" (Ap 1,7). Les paroles de l'Apocalypse nous rappellent que nous sommes tous en chemin vers la rencontre définitive avec le Christ, lorsqu'il dévoilera devant nous le sens de l'histoire humaine, dont le centre est la croix de son sacrifice salvifique. En tant que communauté de disciples, nous sommes orientés vers cette rencontre avec l'espérance et la confiance que ce sera pour nous le jour du salut, le jour de l'accomplissement de tout ce à quoi nous aspirons, grâce à notre disponibilité à nous laisser guider par la charité réciproque que suscite en nous son Esprit. Nous édifions cette confiance non sur nos propres mérites, mais sur la prière à travers laquelle le Christ révèle le sens de sa venue sur terre et de sa mort rédemptrice: "Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu'ils contemplent ma gloire, que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde", (Jn 17,24). En chemin vers la rencontre avec le Christ qui "vient avec les nuées", nous annonçons sa mort par notre vie, nous proclamons sa résurrection, dans l'attente de sa venue. Nous sentons le poids de la responsabilité que tout cela comporte; le message du Christ, en effet, doit atteindre chaque homme sur la terre, grâce à l'engagement de ceux qui croient en Lui et qui sont appelés à témoigner qu'il est vraiment envoyé par le Père (cf. Jn 17,23). Il faut donc qu'en annonçant l'Evangile, nous soyons animés par l'aspiration à cultiver des relations réciproques de charité sincère, afin qu'à la lumière de celles-ci, tous sachent que le Père a envoyé son Fils et qu'il aime l'Eglise et chacun de nous, comme Lui-même a aimé (cf. Jn 17,23). La tâche des disciples du Christ, la tâche de chacun de nous est donc celle de tendre vers une telle unité, afin de devenir, en tant que chrétiens, le signe visible de son message salvifique, adressé à tout être humain.

Permettez-moi de rappeler encore une fois la rencontre oecuménique qui a eu lieu dans cette église avec votre grand concitoyen Jean-Paul II et son intervention, dans laquelle il traça de la manière suivante la vision des efforts visant à la pleine unité des chrétiens: "Le défi qui se présente consiste à surmonter peu à peu les obstacles (...) et grandir ensemble dans cette unité du Christ qui est unique, cette unité dont il a doté l'Eglise depuis le début. L'importance de la tâche interdit toute précipitation ou impatience, mais le devoir de répondre à la volonté du Christ exige que nous restions fermes sur la voie qui mène à la paix et à l'unité de tous les chrétiens. Nous savons bien que ce n'est pas nous qui guérirons les blessures de la division et qui rétablirons l'unité; nous sommes de simples instruments que Dieu pourra utiliser. L'unité entre les chrétiens sera un don de Dieu, à son moment de grâce. Nous attendons humblement ce jour, grandissant dans l'amour, dans le pardon et dans la confiance réciproques".

Depuis cette rencontre, beaucoup de choses ont changé. Dieu nous a permis de faire de nombreux pas vers la compréhension réciproque et le rapprochement. Permettez-moi de rappeler à votre attention certains événements oecuméniques, qui à cette époque eurent lieu dans le monde: la publication de l'Encyclique Ut unum sint; les concordances christologiques avec les Eglises préchalcédoniennes: la signature à Augsbourg de la "Déclaration commune sur la doctrine de la justification"; la rencontre à l'occasion du Grand Jubilé de l'An 2000 et la commémoration oecuménique des témoins de la foi du XX siècle; la reprise du dialogue entre catholiques et orthodoxes au niveau mondial, les funérailles de Jean-Paul II avec la participation de la quasi-totalité des Eglises et Communautés ecclésiales. J'ai appris qu'ici aussi, en Pologne, cette aspiration fraternelle à l'unité peut se réjouir de succès concrets. Je voudrais mentionner à cette occasion: la signature en l'An 2000, qui a également eu lieu dans ce temple, de la part de l'Eglise catholique romaine et des Eglises associées au sein du Conseil oecuménique polonais, de la déclaration de la reconnaissance réciproque de la validité du baptême; l'institution de la Commission pour les Relations entre la Conférence épiscopale polonaise et le Conseil oecuménique polonais, à laquelle appartiennent les Evêques catholiques et les Chefs d'autres Eglises; l'institution des commissions bilatérales pour le dialogue théologique entre catholiques et orthodoxes, luthériens, membres de l'Eglise nationale polonaise, mariavites et adventistes; la publication de la traduction oecuménique du Nouveau Testament et du Livre des Psaumes; l'initiative intitulée "Oeuvre de Noël d'aide aux Enfants", au sein de laquelle collaborent les organisations caritatives des Eglises: catholique, orthodoxe et évangélique.

Nous notons de nombreux progrès dans le domaine de l'oecuménisme et nous attendons toutefois toujours quelque chose de plus. Permettez-moi d'attirer aujourd'hui l'attention de manière peut-être un peu plus précise sur deux questions. La première touche au service caritatif des Eglises. Nombreux sont nos frères qui attendent de nous le don de l'amour, de la confiance, du témoignage, d'une aide spirituelle et matérielle concrète. J'ai fait référence à ce problème dans ma première Encyclique Deus caritas est. J'ai observé dans celle-ci que: "L'amour du prochain, enraciné dans l'amour de Dieu, est avant tout une tâche pour chaque fidèle, mais il est aussi une tâche pour la communauté ecclésiale entière, et cela à tous les niveaux: de la communauté locale à l'Eglise particulière, jusqu'à l'Eglise universelle dans son ensemble. L'Eglise aussi, en tant que communauté, doit pratiquer l'amour" (n. 20). Nous ne pouvons pas oublier l'idée essentielle qui, dès le commencement, constitua le fondement solide de l'unité des disciples: "A l'intérieur de la communauté des croyants il ne doit pas exister une forme de pauvreté telle que soient refusés à certains les biens nécessaires à une vie digne" (ibid.). Cette idée est toujours actuelle, bien qu'au cours des siècles, les formes de l'aide fraternelle aient évolué; accepter les défis caritatifs contemporains dépend dans une large mesure de notre collaboration réciproque. Je me réjouis que ce problème trouve un large écho dans le monde sous la forme de nombreuses initiatives aecuméniques. Je note avec satisfaction que dans la communauté de l'Eglise catholique et dans les autres Eglises et communautés ecclésiales se sont diffusées diverses nouvelles formes d'activités caritatives et que d'autres plus anciennes sont réapparues avec un élan nouveau. Ce sont des formes qui unissent souvent l'évangélisation et les oeuvres de charité (cf. ibid., n. 30b). Il semble que, malgré toutes les différences qu'il faudra surmonter dans le cadre du dialogue interconfessionnel, il est légitime de confier l'engagement caritatif à la communauté oecuménique des disciples du Christ dans la recherche de la pleine unité. Nous pouvons tous trouver une place dans la collaboration au service des personnes dans le besoin, en tirant profit de ce réseau de relations réciproques, fruit du dialogue entre nous et de l'action commune. Dans l'esprit du commandement évangélique, nous devons assumer cette sollicitude attentive à l'égard de nos frères qui se trouvent dans le besoin, quels qu'ils soient. A ce sujet, j'ai écrit dans mon Encyclique que: "En vue d'un développement harmonieux du monde", il est "nécessaire pour les chrétiens d'unir leur voix et leur engagement "pour le respect des droits et des besoins de tous, spécialement des pauvres, des humiliés et de ceux qui sont sans défense"" (n. 30b). A tous ceux qui participent à notre rencontre, je souhaite aujourd'hui que la pratique de la caritas fraternelle nous rapproche toujours davantage et rende plus crédible notre témoignage en faveur du Christ devant le monde.

La seconde question à laquelle je souhaite faire référence, concerne la vie conjugale et la vie familiale. Nous savons que parmi les communautés chrétiennes, appelées à témoigner de l'amour, la famille occupe une place particulière. Dans le monde d'aujourd'hui, dans lequel se multiplient les relations internationales et interculturelles, de plus en plus souvent, des jeunes provenant de traditions différentes, de religions différentes, de confessions chrétiennes différentes décident de fonder une famille. Souvent, pour les jeunes eux-mêmes et pour les personnes qui leur sont chères, il s'agit d'une décision difficile qui comporte divers dangers touchant à la persévérance de la foi et à la construction future de la structure familiale, ainsi qu'à la création d'un climat d'unité de la famille et de conditions opportunes pour la croissance spirituelle des enfants. Toutefois, précisément grâce à la diffusion sur une plus grande échelle du dialogue oecuménique, la décision peut donner naissance à la formation d'un laboratoire pratique d'unité. Pour cela, la bienveillance mutuelle, la compréhension et la maturité dans la foi des deux parties, ainsi que des communautés dont ils proviennent, sont nécessaires. Je souhaite exprimer ma satisfaction pour la Commission bilatérale du Conseil pour les Questions sur l'Oecuménisme de la Conférence épiscopale polonaise et du Conseil oecuménique polonais qui ont entamé la préparation d'un document où est présentée la doctrine chrétienne commune sur le mariage et sur la famille et sont établis les principes, acceptables par tous, pour contracter des mariages interconfessionnels, en indiquant un programme commun de sollicitude pastorale pour de tels mariages. Je souhaite à tous que sur cette question délicate grandissent la confiance réciproque entre les Eglises ainsi qu'une collaboration qui respecte pleinement les droits et la responsabilité des conjoints pour la formation dans la foi de la propre famille et pour l'éducation des enfants.

"Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux et moi en eux" (Jn 17,26). Frères et soeurs, en plaçant toute notre confiance dans le Christ, qui nous fait connaître son nom, nous cheminons chaque jour vers la plénitude de la réconciliation fraternelle. Que sa prière fasse en sorte que la communauté de ses disciples sur la terre, dans son ministère et dans son unité visible, devienne toujours davantage une communauté d'amour où se reflète l'unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit.



RENCONTRE AVEC LES RELIGIEUX, LES SÉMINARISTES ET LES MOUVEMENTS ECCLESIAUX Czestochowa, 26 mai 2006

26506

Chers religieux, religieuses et personnes consacrées,
vous tous qui, poussés par la voix de Jésus, l'avez suivi par amour!

Chers séminaristes,
qui vous préparez au ministère sacerdotal!

Chers représentants des mouvements ecclésiaux,
qui apportez la force de l'Evangile dans le monde de vos familles, de votre lieu de travail, des Universités, dans le monde des médias et de la culture, dans vos paroisses!

De même que les Apôtres avec Marie, "montèrent à la chambre haute" et là, "étaient assidus à la prière" (
Ac 1,12 Ac 1,14), ainsi, nous aussi, aujourd'hui, nous nous sommes réunis ici à Jasna Góra, qui est pour nous, en cette heure, la "chambre haute" où Marie, la Mère du Seigneur, se tient parmi nous. Aujourd'hui, c'est elle qui guide notre méditation; Elle nous enseigne à prier. C'est Elle qui nous indique comment ouvrir nos esprits et nos coeurs à la puissance de l'Esprit Saint, qui vient à nous pour que nous l'apportions au monde entier. Je désire saluer cordialement l'archidiocèse de Czestochowa avec son Pasteur, Monseigneur Stanislaw, et avec les Evêques, NN.SS. Antoni et Jan. Je vous remercie tous d'avoir bien voulu vous réunir à l'occasion de cette prière.

Très chers amis, nous avons besoin d'un moment de silence et de recueillement pour nous placer à son école, afin qu'Elle nous enseigne comment vivre la foi, comment grandir en elle, comment demeurer en contact avec le mystère de Dieu dans les événements ordinaires, quotidiens de notre vie. Avec une délicatesse féminine et la "capacité d'harmoniser l'intuition pénétrante avec la parole de soutien et d'encouragement" (Jean-Paul II, Redemptoris Mater RMA 46), Marie a soutenu la foi de Pierre et des Apôtres au Cénacle et aujourd'hui, elle soutient ma foi et votre foi.

"En effet, la foi est un contact avec le mystère de Dieu", a dit le Saint-Père Jean-Paul II (Redemptoris Mater RMA 17), car croire "veut dire "se livrer" à la vérité même de la Parole de Dieu vivant, en sachant et en reconnaissant humblement "combien sont insondables ses décrets et incompréhensibles ses voies"" (Redemptoris Mater RMA 14). La foi est le don, qui nous a été donné à travers le baptême, qui permet notre rencontre avec Dieu. Dieu se cache dans le mystère: prétendre le comprendre signifierait vouloir le circonscrire dans nos concepts et dans notre savoir et le perdre ainsi de façon irrémédiable. Grâce à la foi, au contraire, nous pouvons ouvrir une brèche à travers les concepts, même théologiques, et nous pouvons "toucher" le Dieu vivant. Et Dieu, une fois touché, nous transmet immédiatement sa force. Lorsque nous nous abandonnons au Dieu vivant, lorsque dans l'humilité de l'esprit, nous avons recours à Lui, nous sommes envahis intérieurement comme par un torrent caché de vie divine. Combien il est important pour nous de croire dans la puissance de la foi, dans sa capacité d'établir un lien direct avec le Dieu vivant! Nous devons prendre soin de la maturation de notre foi, afin que celle-ci imprègne réellement tous nos comportements, nos pensées, nos actions et nos intentions. La foi a une place non seulement dans les états d'âme et dans les expériences religieuses, mais avant tout dans la pensée et dans l'action, dans le travail quotidien, dans la lutte contre soi-même, dans la vie communautaire et dans l'apostolat, car elle fait en sorte que notre vie soit imprégnée par la puissance de Dieu lui-même. La foi peut toujours nous reconduire à Dieu, même quand notre péché nous fait du mal.

Au Cénacle, les Apôtres ne savaient pas ce qui les attendait. Apeurés, ils étaient préoccupés par leur avenir. Ils étaient encore sous le coup de la stupéfaction provoquée par la mort et la résurrection de Jésus, et ils étaient angoissés d'être restés seuls après son ascension au ciel. Marie, "qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur" (cf. Lc 1,45), assidue avec les Apôtres dans la prière, enseignait la persévérance dans la foi. Par son comportement tout entier, elle leur apportait la conviction que l'Esprit Saint, dans sa sagesse, connaissait bien le chemin sur lequel il les conduisait, et qu'on pouvait donc placer sa confiance en Dieu, Lui donnant sans réserve sa propre personne, ses talents, ses limites et son avenir.

Un grand nombre d'entre vous ici présents ont reconnu cet appel secret de l'Esprit Saint et ont répondu avec tout l'élan de leur coeur. L'amour pour Jésus, "répandu dans nos coeurs par le Saint Esprit qui nous fut donné" (cf. Rm 5,5), vous a indiqué la voie de la vie consacrée. Ce n'est pas vous qui l'avez cherchée. C'est Jésus qui vous a appelé, vous invitant à une union plus profonde avec Lui. Dans le sacrement du Saint Baptême, vous avez renoncé à Satan et à ses oeuvres et vous avez reçu les grâces nécessaires à la vie chrétienne et à la sainteté. A partir de ce moment est née en vous la grâce de la foi, qui vous a permis de vous unir à Dieu. Au moment de la profession religieuse ou de la promesse, la foi vous a conduits vers une adhésion totale au mystère du Coeur du Jésus, dont vous avez découvert les trésors. Vous avez alors renoncé à des choses agréables, à disposer librement de votre vie, à former une famille, à accumuler des biens, pour pouvoir être libres de vous donner sans réserve au Christ et à son Royaume. Vous rappelez-vous de votre enthousiasme lorsque vous avez entrepris le pèlerinage de la vie consacrée, en comptant sur l'aide de la grâce? Ayez soin de ne pas perdre votre élan originel, et laissez Marie vous conduire vers une adhésion toujours plus totale! Chers religieux, chères religieuses, chères personnes consacrées! Quelle que soit la mission qui vous a été confiée, quel que soit le service monacal ou apostolique que vous accomplissez, conservez dans votre coeur le primat de votre vie consacrée. Que celle-ci ravive votre foi. La vie consacrée vécue dans la foi unit étroitement à Dieu, suscite les charismes et confère une fécondité extraordinaire à votre service.

Très chers candidats au sacerdoce! Quelle aide pouvez-vous tirer vous aussi de la réflexion sur la façon dont Marie apprenait de Jésus! Depuis son premier "fiat", à travers les années de la vie cachée, longues et ordinaires, tandis qu'elle éduquait Jésus, ou encore lorsque, à Cana en Galilée, elle sollicitait le premier signe ou enfin, lorsque, sur le Calvaire, au pied de la Croix, elle fixait Jésus, elle l'"apprenait" à chaque instant. D'abord dans la foi, puis dans son sein, elle avait accueilli le Corps de Jésus et lui avait donné le jour. Jour après jour, elle l'avait adoré, en extase, elle l'avait servi à travers un amour responsable, elle avait chanté dans son coeur le Magnificat. Sur votre chemin et dans votre futur ministère sacerdotal, laissez-vous guider par Marie pour "apprendre" Jésus! Fixez votre regard sur Lui, laissez-Le vous former, pour être en mesure, un jour, au cours de votre ministère, de Le montrer à ceux qui s'approcheront de vous. Lorsque vous prendrez dans vos mains le Corps eucharistique de Jésus, pour en nourrir le Peuple de Dieu, et lorsque vous assumerez la responsabilité de cette part du Corps mystique qui vous sera confiée, rappelez-vous de l'attitude d'émerveillement et d'adoration qui caractérisa la foi de Marie. De même que, dans son amour responsable et maternel envers Jésus, Elle conserva l'amour virginal empli d'émerveillement, ainsi, vous aussi, en vous agenouillant selon la liturgie au moment de la consécration, vous conservez dans votre âme la capacité d'émerveillement et d'adoration. Sachez reconnaître dans le Peuple de Dieu qui vous a été confié les signes de la présence du Christ. Soyez attentifs et sensibles aux signes de sainteté que Dieu vous fera voir parmi les fidèles. Ne craignez pas les devoirs et l'inconnu de l'avenir! Ne craignez pas que vous manquent les paroles ou de vous heurter à des refus! Le monde et l'Eglise ont besoin de prêtres, de prêtres saints.

Chers représentants des nouveaux Mouvements de l'Eglise! La vitalité de vos communautés est un signe de la présence active de l'Esprit Saint! C'est de la foi de l'Eglise et de la richesse des fruits de l'Esprit qu'est née votre mission. Mon souhait est que vous puissiez être toujours plus nombreux, pour servir la cause du Règne de Dieu dans le monde d'aujourd'hui. Croyez en la grâce de Dieu qui vous accompagne et apportez-la dans le tissu vivant de l'Eglise et de façon particulière là où ne peut arriver le prêtre, le religieux ou la religieuse. Les Mouvements auxquels vous appartenez sont multiples. Vous vous nourrissez de doctrines provenant des diverses écoles de spiritualité reconnues par l'Eglise. Vous profitez de la sagesse des saints, vous avez recours à l'héritage qu'ils ont laissé. Vous formez vos esprits et vos coeurs à partir des oeuvres des grands maîtres et des témoins de la foi, vous rappelant que les écoles de spiritualité ne peuvent pas être un trésor enfermé dans les bibliothèques des couvents. La sagesse évangélique, lue dans les oeuvres des grands saints et éprouvée dans sa propre vie, doit être apportée de façon mûre, non infantile et non agressive, dans le monde de la culture et du travail, dans le monde des médias et de la politique, dans le monde de la vie familiale et de la vie sociale. La preuve de l'authenticité de votre foi et de votre mission, qui n'attire pas l'attention sur soi, mais qui apporte réellement la foi et l'amour autour de soi, sera la comparaison avec la foi de Marie. Reflétez-vous dans son coeur. Demeurez à son école!

Lorsque les Apôtres, emplis de l'Esprit Saint, allèrent dans le monde entier annoncer l'Evangile, l'un d'entre eux, Jean, l'apôtre de l'amour, en particulier, "accueillit [Marie] chez lui" (cf. Jn 19,27). Ce fut précisément grâce à son lien profond avec Jésus et Marie qu'il put insister de façon aussi efficace sur la vérité selon laquelle "Dieu est amour" (1Jn 4,8 1Jn 4,16). J'ai voulu reprendre moi-même ces paroles au début de la première Encyclique de mon Pontificat: Deus caritas est! Cette vérité sur Dieu est la plus importante, la plus centrale. A tous ceux pour lesquels il est difficile de croire en Dieu, je répète aujourd'hui: "Dieu est amour". Chers amis, soyez vous-mêmes témoins de cette vérité. Vous le serez de façon efficace si vous vous mettez à l'école de Marie. Auprès d'elle, vous ferez vous-mêmes l'expérience que Dieu est amour, et vous transmettrez ce message au monde, avec la richesse et la variété que ce même Esprit saura susciter.

Loué soit Jésus Christ.



Discours 2005-2013 25516