Discours 2005-2013 239


BENOIT XVI:

Ars celebrandi: ici aussi, je dirais qu'il existe diverses dimensions. La première dimension est que la celebratio est une prière et un dialogue avec Dieu: Dieu avec nous et nous avec Dieu. La première exigence pour une bonne célébration est donc que le prêtre entre réellement dans ce dialogue. En annonçant la Parole, il se sent lui-même en dialogue avec Dieu. Il écoute la Parole et annonce cette Parole, dans le sens où il devient un instrument du Seigneur et cherche à comprendre cette Parole de Dieu qui doit ensuite être transmise au Peuple. Il est en dialogue avec Dieu, car les textes de la Messe ne sont pas des textes de théâtre ou quelque chose de semblable, mais ce sont des prières grâce auxquelles, avec l'assemblée, je parle avec Dieu. Entrer dans ce dialogue est donc important. Saint Benoît, dans sa "Règle", dit aux moines, en parlant de la récitation des Psaumes: "Mens concordet voci".La vox, les paroles précèdent notre esprit. D'habitude, ce n'est pas comme cela: d'abord on doit penser, puis la pensée devient parole. Mais ici, la parole précède. La Sainte Liturgie nous donne les paroles; et nous, nous devons entrer dans ces paroles, trouver l'harmonie avec cette réalité qui nous précède.

A côté de cela, nous devons également apprendre à comprendre la structure de la Liturgie et la raison pour laquelle elle est organisée ainsi. La Liturgie s'est développée à travers deux millénaires et même après la Réforme, elle n'est pas devenue quelque chose d'établi uniquement par une poignée de liturgistes. Elle demeure toujours la continuation de cette croissance permanente de l'adoration et de l'annonce. Ainsi, il est très important, pour pouvoir être en pleine harmonie, de comprendre cette structure, qui s'est développée dans le temps et entrer ainsi avec notre mens dans la vox de l'Eglise. Dans la mesure où nous avons intériorisé cette structure, compris cette structure, assimilé les paroles de la Liturgie, nous pouvons entrer dans cette harmonie intérieure et ainsi, non seulement parler avec Dieu comme des personnes individuelles, mais entrer dans le "nous" de l'Eglise qui prie. Et de cette façon, transformer également notre "moi" en entrant dans le "nous" de l'Eglise, en enrichissant, en élargissant ce "moi", en priant avec l'Eglise, avec les paroles de l'Eglise, en étant réellement en dialogue avec Dieu.

240 Telle est la première condition: nous devons nous-mêmes intérioriser la structure, les paroles de la Liturgie, la Parole de Dieu. Ainsi, notre célébration devient réellement une célébration "avec" l'Eglise: notre coeur s'élargit et nous ne faisons pas simplement quelque chose, mais nous sommes "avec" l'Eglise et en dialogue avec Dieu. Il me semble que les personnes savent percevoir si nous sommes véritablement en dialogue avec Dieu, avec elles et, pour ainsi dire, si nous attirons les autres dans notre prière commune, si nous attirons les autres dans la communion avec les fils de Dieu; ou si, au contraire, nous faisons uniquement quelque chose d'extérieur. L'élément fondamental du véritable ars celebrandi est donc cet accord, cette harmonie entre ce que nous disons avec nos lèvres et ce que nous pensons avec le coeur. Le "Sursum corda", qui est une très ancienne parole de la Liturgie, devrait venir bien avant la Préface, bien avant la Liturgie, la "voie" de nos paroles et de notre pensée. Nous devons élever notre coeur au Seigneur, non seulement comme une réponse rituelle, mais comme une expression de ce qui a lieu dans ce coeur, qui s'élève vers le haut et qui attire vers le haut également les autres.

En d'autres termes, l'ars celebrandi n'entend pas inviter à une sorte de théâtre, ni de spectacle, mais à une intériorité qui se fait sentir et qui devient acceptable et évidente pour les personnes présentes dans l'assemblée. Ce n'est que si les personnes voient qu'il ne s'agit pas d'un ars extérieur, spectaculaire - nous ne sommes pas des acteurs! - mais qu'il s'agit de l'expression du chemin de notre coeur qui attire également leur coeur, que la Liturgie devient alors belle, qu'elle devient une communion de toutes les personnes présentes avec le Seigneur.

Naturellement, à cette condition fondamentale, exprimée dans les paroles de saint Benoît: "Mens concordet voci" - que le coeur monte, s'élève réellement vers le Seigneur - doivent également correspondre des éléments extérieurs. Nous devons apprendre à bien prononcer les paroles. Parfois, lorsque j'étais encore professeur dans mon pays, les jeunes lisaient les Ecritures Saintes. Mais ils les lisaient comme on lit le texte d'un poète que l'on n'a pas compris. Naturellement, pour apprendre à bien prononcer, il faut avant tout avoir compris le texte dans sa dimension dramatique, dans son présent. Il en est de même pour la Préface. Et la Prière eucharistique. Il est difficile pour les fidèles de suivre un texte aussi long que notre Prière eucharistique. C'est pourquoi naissent toujours ces nouvelles "inventions". Mais avec des Prières eucharistiques toujours nouvelles, on ne répond pas au problème. Le problème est de faire en sorte que ce soit un moment qui invite également les autres au silence avec Dieu et à prier avec Dieu. Donc, ce n'est que si la Prière eucharistique est correctement prononcée, avec les temps de silence également appropriés, si elle est prononcée avec intériorité, mais également avec l'art de parler, que les choses peuvent s'améliorer.

Par conséquent, la récitation de la Prière eucharistique exige un moment d'attention particulière, pour être prononcée de façon à toucher les autres. Je pense que nous devons également trouver des occasions, que ce soit dans la catéchèse, dans les homélies ou lors d'autres occasions, pour bien expliquer au peuple de Dieu cette Prière eucharistique afin qu'il puisse en suivre les grand moments: le récit et les paroles de l'institution, la prière pour les vivants et pour les défunts, l'action de grâce au Seigneur, l'épiclèse, pour faire réellement participer la communauté à cette prière.

Ensuite, les paroles doivent être bien prononcées. Et une préparation adéquate est nécessaire. Les servants d'autel doivent connaître leur tâche, les lecteurs doivent savoir réellement comment prononcer. Et le choeur, le chant, doivent être préparés; l'autel doit être correctement décoré. Tout cela fait partie - même s'il s'agit de nombreux aspects pratiques - de l'ars celebrandi. Mais, pour conclure, l'élément fondamental est cet art d'entrer en communion avec le Seigneur, que nous préparons à travers toute notre vie de prêtres.

La Famille

R.P. Angelo Pennazza, curé à Pavona:

"Votre Sainteté, dans le Catéchisme de l'Eglise catholique, nous lisons que l'"Ordre et le Mariage sont ordonnés au salut d'autrui... Ils confèrent une mission particulière dans l'Eglise et servent à l'édification du Peuple de Dieu" (n. 1534). Cela nous semble véritablement fondamental, non seulement pour notre action pastorale, mais également pour notre façon d'être prêtres. Que pouvons-nous faire, en tant que prêtres, pour traduire dans la pratique pastorale cette proposition et (selon ce que vous avez vous-même réaffirmé récemment), comment transmettre de façon positive la beauté du Mariage qui sache encore rendre amoureux les hommes et les femmes de notre temps? Que peut apporter à notre vie de prêtres la grâce sacramentelle des époux?


BENOIT XVI:

Deux grandes questions! La première est: comment transmettre aux personnes d'aujourd'hui la beauté du mariage? Nous constatons que de nombreux jeunes tardent à se marier à l'église, car ils ont peur de l'aspect définitif du mariage: ils tardent même à contracter un mariage civil. Le caractère définitif apparaît aujourd'hui à de nombreux jeunes, et également moins jeunes, comme un lien contre la liberté. Et leur premier désir est la liberté. Ils ont peur à la fin de ne pas y arriver. Ils voient tant de mariages qui échouent. Ils ont peur que cette forme juridique, telles qu'ils la perçoivent, soit un poids extérieur qui éteint l'amour.

Il faut faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'un lien juridique, d'un poids qui se réalise avec le mariage. Au contraire, la profondeur et la beauté résident précisément dans le caractère définitif. Ce n'est qu'ainsi que celui-ci peut faire mûrir l'amour dans toute sa beauté. Mais comment le transmettre? Cela me semble un problème commun à nous tous.

Pour moi, à Valence - et vous, Eminence, vous pourrez le confirmer - cela fut un moment important non seulement lorsque j'en ai parlé, mais lorsque se sont présentées devant moi diverses familles avec plus ou moins d'enfants; l'une des familles était presque une "paroisse" avec tous ses enfants! La présence, le témoignage de ces familles a été véritablement plus fort que toutes les paroles. Elles ont présenté avant tout la richesse de leur expérience familiale: comment une famille aussi grande devient réellement une richesse culturelle, une opportunité d'éducation des uns et des autres, une possibilité de faire vivre ensemble les diverses expressions de la culture d'aujourd'hui, le don et l'aide réciproque également dans la souffrance, etc... Mais le témoignage des crises qu'elles ont traversées a également été important. L'un de ces couples en était presque arrivé au divorce. Ils ont expliqué comment ils ont ensuite appris à vivre cette crise, cette souffrance de la différence de l'autre et à s'accepter à nouveau. C'est précisément en surmontant le moment de la crise, du désir de se séparer, que s'est développée une nouvelle dimension de l'amour et que s'est ouverte une porte sur une nouvelle dimension de la vie, qui ne pouvait s'ouvrir qu'en supportant la souffrance de la crise.

241 Cela me semble très important. Aujourd'hui, on arrive à la crise au moment où l'on s'aperçoit de la différence des caractères, de la difficulté de se supporter chaque jour, pour toute la vie. A la fin, on décide alors de se séparer. Nous avons compris précisément de ces témoignages que c'est dans la crise, en traversant le moment où il semble que l'on n'en puisse plus, que s'ouvrent réellement de nouvelles portes et une nouvelle beauté de l'amour. Une beauté faite de seule harmonie n'est pas une véritable beauté. Il manque quelque chose, elle devient insuffisante. La véritable beauté a besoin également du contraste. L'obscurité et la lumière se complètent. Même le raisin a besoin pour mûrir non seulement de soleil, mais aussi de la pluie, non seulement du jour, mais aussi de la nuit.

Nous-mêmes, prêtres, tant les jeunes que les adultes, devons apprendre la nécessité de la souffrance, de la crise. Nous devons supporter, transcender cette souffrance. Ce n'est qu'ainsi que la vie s'enrichit. Pour moi, le fait que le Seigneur porte éternellement les stigmates revêt une valeur symbolique. Expression de l'atrocité de la souffrance et de la mort, ils représentent à présent le sceau de la victoire du Christ, de toute la beauté de sa victoire et de son amour pour nous. Nous devons accepter, en tant que prêtres ou en tant qu'époux, la nécessité de supporter la crise de la différence, de l'autre, la crise dans laquelle il semble que l'on ne puisse plus demeurer ensemble. Les époux doivent apprendre ensemble à aller de l'avant, également par amour pour leurs enfants, et ainsi se connaître à nouveau, s'aimer à nouveau, d'un amour beaucoup plus profond, beaucoup plus vrai. C'est ainsi, en parcourant un long chemin, avec ses souffrances, que mûrit réellement l'amour.

Il me semble que nous, les prêtres, pouvons également apprendre des époux, précisément de leurs souffrances et de leurs sacrifices. Nous pensons souvent que seul le célibat est un sacrifice. Mais, en connaissant les sacrifices des personnes mariées - pensons à leurs enfants, aux problèmes qui apparaissent, aux peurs, aux souffrances, aux maladies, à la rébellion, et également aux problèmes des premières années, lorsque les nuits sont presque toujours privées de sommeil à cause des pleurs des petits enfants - nous devons apprendre d'eux, de leurs sacrifices, notre propre sacrifice. Et apprendre ensemble qu'il est beau de mûrir dans les sacrifices et ainsi oeuvrer au salut des autres. Dom Pennazza, vous avez à juste titre cité le Concile, qui affirme que le mariage est un sacrement pour le salut des autres: avant tout pour le salut de l'autre, de l'époux, de l'épouse, mais également des petits, des enfants, et enfin de toute la communauté. Et de cette façon, le prêtre aussi mûrit dans la rencontre.

Je pense alors que nous devons faire participer les familles. Les fêtes de la famille me semblent très importantes. A l'occasion des fêtes, il faut que la famille apparaisse, il faut qu'apparaisse la beauté des familles. Les témoignages également - bien qu'ils soient peut-être un peu trop à la mode - peuvent en certaines occasions être réellement une annonce, une aide pour nous tous.

Pour conclure, il demeure très important pour moi que dans la Lettre de saint Paul aux Ephésiens, les noces de Dieu avec l'humanité à travers l'incarnation du Seigneur se réalisent dans la Croix, dans laquelle naît la nouvelle humanité, l'Eglise. Le mariage chrétien naît précisément dans ces noces divines. Il est, comme le dit saint Paul, la concrétisation sacramentelle de ce qui a lieu dans ce grand Mystère. Ainsi, nous devons toujours apprendre à nouveau ce lien entre Croix et Résurrection, entre Croix et beauté de la Rédemption, et nous insérer dans ce Sacrement. Prions le Seigneur afin qu'il nous aide à annoncer correctement ce Mystère, à vivre ce Mystère, à apprendre des époux comment ils le vivent, à nous aider à vivre la Croix, de façon à arriver également aux moments de la joie et de la Résurrection.

Les jeunes

R.P. Gualtiero Isacchi, responsable du service diocésain de la Pastorale des jeunes:

"Les jeunes sont au centre d'une attention plus décisive de la part de notre diocèse, comme de toute l'Eglise qui est en Italie. Les Journées mondiales les ont révélés: ils sont nombreux et enthousiastes. Et pourtant, généralement, nos paroisses ne sont pas suffisamment équipées pour les accueillir; les communautés paroissiales et les agents de la pastorale ne sont pas suffisamment préparés pour dialoguer avec eux; les prêtres, occupés par leurs autres tâches, n'ont pas le temps nécessaire pour les écouter. On se rappelle d'eux lorsqu'ils deviennent un problème ou lorsque nous avons besoin d'eux pour animer une célébration ou une fête... Comment un prêtre peut-il aujourd'hui exprimer son option préférentielle pour les jeunes, tout en ayant un programme pastoral chargé? Comment pouvons-nous servir les jeunes à partir de leurs valeurs au lieu de nous servir d'eux pour "notre propre compte"?"


BENOIT XVI:

Je voudrais avant tout insister sur ce que vous avez dit. A l'occasion des Journées mondiales de la Jeunesse, et également en d'autres occasions - comme récemment lors de la Veillée de Pentecôte - il apparaît qu'il existe un désir chez les jeunes, une recherche également de Dieu. Les jeunes veulent voir si Dieu existe et ce que Dieu nous dit. Il existe donc une certaine disponibilité, avec toutes les difficultés d'aujourd'hui. Il existe également un enthousiasme. Nous devons donc faire notre possible pour maintenir allumée cette flamme qui se manifeste lors d'occasions comme les Journées mondiales de la Jeunesse.

Comment faire? C'est une question qui nous concerne tous. Je pense que c'est précisément ici que devrait se réaliser une "pastorale intégrée", car en réalité, tous les prêtres n'ont pas le temps de s'occuper suffisamment des jeunes. Il faut donc besoin une pastorale qui transcende les limites de la paroisse et qui transcende également les limites du travail du prêtre. Une pastorale qui concerne également de nombreux agents. Il me semble que, sous la coordination de l'Evêque, il faut trouver la façon, d'une part, d'intégrer les jeunes dans la paroisse afin qu'ils soient un ferment de la vie paroissiale; et, de l'autre, de trouver également pour ces jeunes l'aide d'agents extra-paroissiaux. Les deux choses doivent aller de pair. Il faut suggérer aux jeunes que, non seulement dans la paroisse mais dans divers contextes, ils doivent s'intégrer dans la vie du diocèse, pour se retrouver ensuite également dans la paroisse. Il faut donc favoriser toutes les initiatives qui vont dans ce sens.
Je pense qu'aujourd'hui, l'expérience du volontariat est très importante. Il est important que les jeunes ne soient pas abandonnés aux discothèques, mais qu'ils aient des occupations dans lesquelles ils voient qu'ils sont nécessaires, ils s'aperçoivent qu'ils peuvent faire quelque chose de bien. En ressentant cet élan à faire quelque chose de bien pour l'humanité, pour une personne, pour un groupe, les jeunes ressentent cet encouragement à s'engager et trouvent également la "voie" positive d'un engagement, d'une éthique chrétienne. Il me semble très important que les jeunes aient réellement des occupations qui montrent leur nécessité, qui les guident sur la voie d'un service positif dans l'aide inspirée par l'amour du Christ pour les hommes, afin qu'eux-mêmes recherchent les sources auxquelles puiser pour trouver la force et l'engagement.

242 Une autre expérience est constituée par les groupes de prière, dans lesquels ils apprennent à écouter la Parole de Dieu, à apprendre la Parole de Dieu précisément dans leur contexte de jeunes, à entrer en contact avec Dieu. Cela veut dire également apprendre la forme commune de la prière, la Liturgie, qui sans doute dans un premier temps leur apparaît assez inaccessible. Ils apprennent qu'il existe la Parole de Dieu qui nous cherche, en dépit de la distance des temps, qui nous parle aujourd'hui. Nous portons le fruit de la terre et de notre travail au Seigneur et nous le trouvons transformé en don de Dieu. Nous parlons en tant que fils au Père, et nous recevons ensuite le don de Lui-même. Nous recevons la mission d'aller dans le monde avec le don de sa Présence.

Il serait également utile d'avoir des écoles de Liturgie, auxquelles les jeunes puissent accéder. Il faut également des occasions où les jeunes puissent se montrer et se présenter. J'ai appris qu'ici, à Albano, a été représentée la vie de saint François. S'engager dans ce sens signifie entrer dans la personnalité de saint François, de son époque, et élargir ainsi sa propre personnalité. Il ne s'agit que d'un exemple, d'une chose apparemment assez singulière. Cela peut être un moyen d'éduquer à élargir sa propre personnalité, à entrer dans un contexte de tradition chrétienne, à réveiller la soif de mieux connaître à quelle source a puisé ce saint. Ce n'était pas seulement un écologiste ou un pacifiste. C'était surtout un homme converti. J'ai lu avec grand plaisir que l'Evêque d'Assise, Mgr Sorrentino, précisément pour éviter cet "abus" de la figure de saint François, à l'occasion du VIII centenaire de sa conversion, désire proclamer une "Année de la conversion" pour voir quel est le véritable "défi". Peut-être pouvons-nous tous motiver un peu la jeunesse pour faire comprendre ce qu'est la conversion, en faisant référence également à la figure de saint François, pour rechercher une voie qui élargisse la vie. Avant, François était presque une sorte de "playboy". Puis, il a senti que ce n'était pas suffisant. Il a entendu la voix du Seigneur: "Rebâtis ma maison". Peu à peu, il a compris ce que signifiait "bâtir la Maison du Seigneur".

Je n'ai donc pas de réponses très concrètes, car je suis confronté à une mission où je trouve les jeunes déjà réunis, grâce à Dieu. Mais il me semble que l'on doit utiliser toutes les possibilités qui s'offrent aujourd'hui dans les Mouvements, dans les Associations, dans le Volontariat, dans d'autres activités des jeunes. Il faut également présenter les jeunes à la paroisse, afin que celle-ci voit qui sont les jeunes. Une pastorale des vocations est nécessaire. Le tout doit être coordonné par l'Evêque. Il me semble que l'on trouve des agents de la pastorale à travers l'authentique coopération elle-même des jeunes qui se forment. Et l'on peut ainsi ouvrir la voie à la conversion, la joie que Dieu est là et se préoccupe de nous, que nous avons accès à Dieu et que nous pouvons aider les autres à "rebâtir sa Maison". Telle me semble être, à la fin, notre mission, parfois difficile, mais en fin de compte très belle: celle de "bâtir la Maison de Dieu" dans le monde d'aujourd'hui.

Je vous remercie de votre attention, et je vous demande pardon pour mes réponses fragmentaires. Nous voulons collaborer ensemble afin que croisse la "Maison de Dieu" à notre époque, afin que de nombreux jeunes trouvent la voie du service au Seigneur.

                                                                 Septembre 2006

PÈLERINAGE AU SANCTUAIRE DE LA SAINTE-FACE À MANOPPELLO Vendredi 1er septembre 2006



Avant d'entrer dans le Sanctuaire, le Pape Benoît XVI a salué les milliers de fidèles réunis sur le parvis:

Chers frères et soeurs,

Merci de me souhaiter la bienvenue de manière si cordiale. Je vois combien l'Eglise est une grande famille. Là où le Pape est présent, la famille se réunit dans une grande joie. C'est pour moi le signe de la foi vivante, de la joie que nous donne la foi, de la communion, de la paix qui crée la foi. Et je vous suis extrêmement reconnaissant de cette bienvenue. Je vois ainsi toute la beauté de cette région d'Italie là, sur vos visages.

J'adresse un salut particulier aux malades. Nous savons que le Seigneur est particulièrement proche de vous, qu'il vous aide, qu'il vous accompagne dans vos souffrances. Vous êtes présents dans nos prières. Et priez pour nous également.

J'adresse un salut particulier aux jeunes et aux enfants qui font leur Première communion. Merci de votre enthousiasme, de votre foi. Nous tous, comme le disent les Psaumes, "nous cherchons le Visage du Seigneur". Et cela est aussi le sens de ma visite. Essayons ensemble de toujours mieux connaître le visage du Seigneur et du visage du Seigneur puisons cette force d'amour et de paix qui nous montre aussi le chemin de notre vie.

243 Merci et tous mes voeux à vous tous!
***


Excellence,
Vénérés frères dans l'épiscopat,
Chers frères et soeurs!

Avant tout, je dois encore une fois vous remercier Excellence, du plus profond du coeur pour cet accueil, pour les paroles que vous avez prononcées, si profondes, si amicales, pour l'expression de votre amitié, de votre amitié à tous, et pour les dons d'une très grande signification: le Visage du Christ qui est vénéré ici, pour moi, pour ma maison, ainsi que pour ces dons de votre terre qui expriment la beauté et la bonté de la terre, des hommes qui vivent et travaillent ici, et la beauté et la bonté du Créateur lui-même. Je voudrais simplement rendre grâce au Seigneur pour la rencontre d'aujourd'hui, simple et familiale, dans un lieu où nous pouvons méditer sur le mystère de l'amour divin en contemplant l'icône de la Sainte-Face. A vous tous, ici présents, j'adresse mes remerciements les plus sincères pour votre accueil cordial et pour l'engagement et la discrétion avec lesquels vous avez favorisé ce pèlerinage privé, qui toutefois, en tant que pèlerinage ecclésial, ne peut pas être tout à fait privé. Je salue et je remercie, je le répète, en particulier votre Archevêque, un ami depuis de très nombreuses années. Nous avons collaboré au sein de la Commission théologique. Et aux cours de nombreux entretiens, j'ai toujours appris quelque chose de sa sagesse, et de ses livres également. Je vous remercie des dons que vous m'avez offerts et que j'apprécie beaucoup, précisément en leur qualité de "signes", comme les a appelés Mgr Forte. En effet, ce sont des signes de la communion affective et effective qui lie la population de cette chère terre des Abruzzes au Successeur de Pierre. Je vous adresse un salut spécial, prêtres, religieux, religieuses et séminaristes ici réunis. Je suis particulièrement heureux de voir le grand nombre de séminaristes, c'est-à-dire l'avenir de l'Eglise présent parmi nous. Comme il n'est pas possible de rencontrer la communauté diocésaine tout entière - peut-être une autre fois -, je suis heureux qu'elle soit représentée par vous, des personnes déjà consacrées au ministère sacerdotal et à la vie consacrée ou en marche vers le sacerdoce. Des personnes que j'ai plaisir à considérer comme aimant le Christ, attirées par Lui et engagées à faire de leur propre existence une recherche permanente de sa Sainte-Face. Enfin, j'adresse une pensée reconnaissante à la communauté des Pères capucins qui nous accueille, et qui prend soin depuis des siècles de ce sanctuaire, but de nombreux pèlerins.

Il y a quelques instants, alors que j'étais arrêté en prière, je pensais aux deux premiers Apôtres, qui, sur l'invitation de Jean-Baptiste, suivirent Jésus près du fleuve Jourdain - comme nous le lisons au début de l'Evangile de Jean (cf.
Jn 1,35-37). L'évangéliste rapporte que Jésus se tourna vers eux et leur demanda: "Que cherchez-vous? Ils lui répondirent: "Rabbi, où demeures-tu?". Il dit alors: "Venez et voyez" (cf. Jn 1,38-39). Ce même jour, les deux disciples qui Le suivirent vécurent une expérience inoubliable, qui les conduisit à dire: "Nous avons trouvé le Messie" (Jn 1,41). Celui que, quelques heures auparavant, ils considéraient comme un simple "rabbi", avait acquis une identité bien précise, celle du Christ attendu depuis des siècles. Mais, en réalité, que de route ces disciples avaient encore devant eux! Ils ne pouvaient pas même imaginer combien le mystère de Jésus de Nazareth pouvait être profond; combien sa "face" pouvait se révéler insondable, impénétrable. Si bien que, après avoir vécu trois ans ensemble, Philippe, l'un d'eux, s'entendra dire au cours de la Dernière Cène: "Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe?". Et ensuite, ces paroles qui expriment toute la nouveauté de la révélation de Jésus: "Qui m'a vu a vu le Père" (Jn 14,9). Ce n'est qu'après sa passion, lorsqu'ils rencontreront le Christ ressuscité, quand l'Esprit illuminera leurs esprits et leurs coeurs, que les Apôtres comprendront la signification des paroles que Jésus avait prononcées, et ils Le reconnaîtront comme le Fils de Dieu, le Messie promis pour la rédemption du monde. Ils deviendront alors ses messagers inlassables, des témoins courageux jusqu'au martyre.

"Qui m'a vu a vu le Père". Oui, chers frères et soeurs, pour "voir Dieu", il faut connaître le Christ et se laisser façonner par son Esprit qui guide les croyants "à la vérité tout entière" (cf. Jn 16,13). Celui qui rencontre Jésus, qui se laisse attirer par Lui et qui est disposé à le suivre jusqu'au sacrifice de sa vie, fait personnellement l'expérience, comme Lui l'a faite sur la croix, que seul le "grain de blé" qui tombe en terre et meurt porte "beaucoup de fruit" (cf. Jn 12,24). Telle est la voie du Christ, la voie de l'amour total qui vainc la mort: celui qui la parcourt et "hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle" (Jn 12,25). C'est-à-dire qu'il vit déjà en Dieu sur cette terre, attiré et transformé par la splendeur de sa face. Telle est l'expérience des vrais amis de Dieu, les saints, qui ont reconnu et aimé chez leurs frères, en particulier les pauvres et les indigents, la face de ce Dieu longuement contemplée avec amour dans la prière. Ils constituent pour nous des exemples encourageants à imiter; ils nous assurent que si nous parcourons fidèlement cette voie, la voie de l'amour, nous aussi - comme le chante le Psalmiste - nous nous rassasierons de la présence de Dieu (cf. Ps Ps 16 [17], 15).

"Jesu... quam bonus te quaerentibus! - Comme tu es bon Jésus, pour celui qui te cherche!": c'est ce que nous avons chanté, il y a quelques instants, en interprétant l'antique hymne "Jesu, dulcis memoria", que certains attribuent à saint Bernard. C'est un hymne qui acquiert une éloquence singulière dans ce sanctuaire consacré à la Sainte-Face et qui rappelle à l'Esprit le Psaume 23 [24]: "Voici le peuple de ceux qui le cherchent! Voici Jacob qui recherche ta face!" (v. 6). Mais quel est le "peuple" qui cherche la face du Seigneur, quel peuple est digne de "gravir la montagne du Seigneur", de se "tenir dans son lieu saint"? Le Psalmiste explique: ce sont ceux qui ont "des mains innocentes et un coeur pur", qui ne prononcent pas de mensonges, qui ne font pas de faux serments au détriment de leur prochain (cf. vv. 3-4). Pour entrer en communion avec le Christ et en contempler la face, pour reconnaître la face du Seigneur dans celle de nos frères dans les événements de chaque jour, il faut donc "des mains innocentes et des coeurs purs". Des mains innocentes, c'est-à-dire des existences illuminées par la vérité de l'amour qui vainc l'indifférence, le doute, le mensonge et l'égoïsme; et, en outre, des coeurs purs sont nécessaires, des coeurs ravis par la beauté divine, comme le dit la petite Thérèse de Lisieux dans sa prière à la Sainte-Face, des coeurs qui portent le visage du Christ imprimé en eux.

Chers prêtres, si la sainteté de sa Face reste imprimée en vous, pasteurs du troupeau du Christ, n'ayez crainte, les fidèles confiés à vos soins seront eux aussi gagnés par elle et transformés. Et vous, séminaristes, qui vous préparez à être des guides responsables du peuple chrétien, ne vous laissez attirer par rien d'autre que par Jésus et par le désir de servir son Eglise. Je voudrais vous en dire tout autant, religieux et religieuses, pour que chacune de vos activités soit un reflet visible de la bonté et de la miséricorde divine. "C'est ta face, Seigneur, que je cherche": rechercher la face de Jésus doit être l'aspiration de nous tous qui sommes chrétiens; nous sommes en effet "le peuple" qui, à cette époque, recherchons la face du Seigneur, la face du "Dieu de Jacob". Si nous persévérons dans la recherche de la face du Seigneur, au terme de notre pèlerinage terrestre, ce sera Lui, Jésus, notre joie éternelle, notre récompense et notre gloire pour toujours: "Sis Jesu nostrum gaudium, / qui es futurus praemium: / sit nostra in te gloria, / per cuncta semper saecula".

Telle est la certitude qui a animé les saints de votre région, parmi lesquels j'ai plaisir à citer en particulier Gabriele dell'Addolorata et Camille de Lellis; notre souvenir respectueux et notre prière s'adressent à eux. Mais nous adressons à présent, avec une dévotion particulière, une pensée à la "Reine de tous les saints", la Vierge Marie, que vous vénérez dans divers sanctuaires et chapelles élevés dans les vallées et sur les montagnes des Abruzzes. Que la Vierge, sur le visage de laquelle plus que dans toute autre créature l'on perçoit les traits du Verbe incarné, veille sur les familles et sur les paroisses, sur les villes et sur les nations du monde entier. Que la Mère du Créateur nous aide également à respecter la nature, grand don de Dieu que nous pouvons admirer ici en regardant les merveilleuses montagnes qui nous entourent. Cependant, ce don est toujours davantage exposé à de sérieux risques de dégradation de l'environnement et doit donc être défendu et protégé. Il s'agit d'une urgence qui, comme le remarquait Monseigneur Forte, est soulignée de manière opportune par la Journée de réflexion et de prière pour la protection de la création, qui est précisément célébrée aujourd'hui par l'Eglise qui est en Italie.

244 Chers frères et soeurs, alors que je vous remercie encore une fois de votre présence et de vos dons, j'invoque sur vous tous et sur vos proches la Bénédiction de Dieu avec l'ancienne formule biblique: "Que le Seigneur vous bénisse et vous garde. Que le Seigneur fasse pour vous rayonner son visage et vous fasse grâce. Que le Seigneur vous découvre sa face et vous accorde la paix" (cf. Nb 6,24-26). Amen!


À S.E. M. PEDRO PABLO CABRERA GAETE AMBASSADEUR DU CHILI PRÈS LE SAINT-SIÈGE Castelgandolfo Vendredi 8 september 2006

À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Monsieur l'Ambassadeur,

1. Je suis heureux de vous recevoir au cours de cette audience où vous me présentez les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Chili près le Saint-Siège. Je vous souhaite la bienvenue, alors que vous assumez la haute responsabilité que votre gouvernement vous a confiée, et je vous exprime mes meilleurs voeux afin que votre mission soit fructueuse pour poursuivre et renforcer les bonnes relations diplomatiques existant entre votre pays et ce siège apostolique.

Je vous remercie des paroles courtoises que vous m'avez adressées, ainsi que du salut respectueux que le Président de la République, Madame Michelle Bachelet, a voulu me faire parvenir par l'intermédiaire de Votre Excellence, comme expression de la proximité spirituelle du peuple chilien au Successeur de Pierre, forgée au cours de l'histoire en concomitance avec le travail permanent de l'Eglise à travers ses membres et ses institutions.

2. Le Chili s'approche de son bicentenaire en tant que République, avec les espérances qui naissent d'une période particulièrement significative, au cours de laquelle ont été atteints des objectifs de développement importants, où l'on a continué à consolider les institutions et où semble se développer le climat d'une coexistence pacifique. La croissance économique favorable a également permis des progrès dans des domaines tels que l'éducation et la santé, ainsi que des initiatives sociales visant à faire en sorte que tous les citoyens puissent vivre pleinement en accord avec leur dignité.

Ces facteurs, ainsi que l'ouverture à des horizons qui vont au-delà de vos propres frontières, constituent sans aucun doute un motif de satisfaction, et également un nouvel appel au sens de la responsabilité, afin de conserver vivants les plus hauts idéaux qui donnent vie à tout progrès véritable et, au cours du temps, le rendent possible. Comme Votre Excellence l'a rappelé, le développement éternel des valeurs qui doivent inspirer les réalisations techniques, est une dimension dans laquelle doit se développer aussi bien la communauté nationale qu'internationale pour promouvoir le bien commun.

3. A cet égard, l'Eglise accomplit sa mission en annonçant l'Evangile du Christ, en projetant sa lumière sur les réalités du monde et de l'être humain, en proclamant pour lui sa plus haute dignité. En effet, "la foi éclaire toutes choses d'une lumière nouvelle et nous fait connaître la volonté divine sur la vocation intégrale de l'homme, orientant ainsi l'esprit vers des solutions pleinement humaines" (Gaudium et spes GS 11). C'est pourquoi, elle partage les aspirations d'une justice qui ne doit pas être affaiblie par un respect insuffisant pour la dignité de l'homme et les droits inaliénables qui en dérivent.

Ces droits sont inaliénables précisément parce que l'homme les possède par nature et ils ne sont donc pas au service d'autres intérêts. Parmi ceux-ci, il faut tout d'abord mentionner le droit à la vie dans toutes les phases de son développement et quelle que soit la situation dans laquelle elle se trouve. Et également le droit à former une famille, fondée sur les liens d'amour et de fidélité établis dans le mariage entre un homme et une femme, et qui doit être protégée et soutenue pour accomplir sa mission incomparable d'être une source de coexistence et la cellule de base de toute la société. Dans celle-ci, en tant qu'institution naturelle, réside également le droit primordial à éduquer les enfants selon les idéaux avec lesquels leurs parents désirent les enrichir après les avoir accueillis avec joie dans leur vie.

4. Votre Excellence sait bien que la chère patrie chilienne compte d'abondantes ressources historiques et spirituelles lui permettant d'envisager l'avenir avec l'espérance certaine de parvenir à de nouveaux objectifs humains, contribuant ainsi à favoriser également dans le concert des nations les liens de coopération et de coexistence pacifique. La preuve en sont vos saints, qui ont acquis partout une très grande renommée, comme Thérèse des Andes ou le Père Alberto Hurtado. Les nombreux dons que le Créateur a accordés dans la nature aux fils et aux filles du Chili doivent continuer à porter des fruits qui déboucheront sur un avenir plus prospère pour les nouvelles générations. Celles-ci devront être des artisans de paix et posséder un sens transcendant de la vie, en accord avec les racines chrétiennes séculaires du pays.


Discours 2005-2013 239