Discours 2005-2013 245

245 Au terme de cette rencontre, je vous renouvelle mon salut et ma bienvenue. Je vous souhaite un heureux séjour à Rome, non seulement riche d'expériences professionnelles, mais aussi personnelles. Il s'agit d'une ville qui offre de nombreuses possibilités et, d'une certaine façon, une situation privilégiée pour comprendre les événements du monde.

Avec ces sentiments, j'invoque la protection maternelle de la Très Sainte Vierge Marie qui, sous le nom du Carmel, est la Patronne des Chiliens, et je vous donne de tout coeur, ainsi qu'à votre famille, aux personnes qui vous sont chères et à vos collaborateurs, ma Bénédiction apostolique.



AUX MEMBRES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU CANADA-ONTARIO EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Salle du Consistoire du Palais pontifical de Castelgandolfo Vendredi 8 septembre 2006

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Eminence,
Chers frères dans l'épiscopat,

1. "Dieu est amour: celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui" (
1Jn 4,16). Avec une affection fraternelle, je vous souhaite une cordiale bienvenue, Evêques de l'Ontario, et je remercie Mgr Smith pour les sentiments cordiaux qu'il m'a exprimés en votre nom. J'y réponds avec plaisir et je vous assure, ainsi qu'à tous ceux qui sont confiés à vos soins pastoraux, de mes prières et de ma sollicitude. Votre visite ad limina Apostolorumet au Successeur de Pierre, est l'occasion d'affirmer votre engagement en vue de rendre le Christ toujours plus visible au sein de l'Eglise et de la société, à travers le témoignage joyeux de l'Evangile qui est Jésus Christ lui-même.

Les nombreuses exhortations de l'évangéliste Jean à demeurer dans l'amour et la vérité du Christ évoquent l'image émouvante d'une demeure certaine et sûre. Dieu nous aime en premier (1Jn 4,10) et nous, attirés par ce don, trouvons un lieu de repos où nous pouvons "boire toujours à nouveau à la source première et originaire qui est Jésus Christ, du coeur transpercé duquel jaillit l'amour de Dieu" (Deus caritas est ). Saint Jean fut également poussé à exhorter ses communautés à demeurer dans cet amour. Certains avaient déjà été affaiblis par les disputes et les distractions qui conduisent à la fin à la division.

2. Chers frères, vos communautés diocésaines sont appelées à faire retentir la profession de foi vivante: "Nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru" (1Jn 4,16). Ces paroles, qui révèlent de façon éloquente la foi comme adhésion personnelle à Dieu et l'assentiment à toute la vérité révélée par Dieu qui en découle (cf. Dominus Iesus, n. 7), ne peuvent être proclamées de façon crédible qu'à la suite d'une rencontre avec le Christ. Attiré par son amour, le croyant se confie entièrement à Dieu et ne fait ainsi plus qu'un avec le Seigneur (cf. 1Co 6,17). Dans l'Eucharistie, cette union est renforcée et renouvelée en entrant dans la dynamique même du don de soi du Christ afin de partager la vie divine: "Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui" (Jn 6,56 cf. Deus caritas est ).

L'avertissement de saint Jean demeure cependant toujours actuel. Dans les sociétés de plus en plus sécularisées, vous en faites vous-mêmes l'expérience, l'amour qui jaillit du coeur de Dieu en direction de l'humanité peut passer inaperçu ou même être repoussé. En imaginant que se soustraire à cette relation constitue, d'une manière ou d'une autre, une solution pour sa propre libération, l'homme devient en fait étranger à lui-même, parce qu'"en réalité, le mystère de l'homme ne s'éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné" (Gaudium et spes GS 22). Par le peu d'intérêt qu'ils portent à l'amour qui révèle la plénitude de la vérité de l'homme, de nombreux hommes et femmes continuent de s'éloigner de la demeure de Dieu pour vivre dans le désert de l'isolement individuel, de la fracture sociale et de la perte d'identité culturelle.

3. Dans cette perspective, on voit que la tâche fondamentale de l'évangélisation de la culture est le défi de rendre Dieu visible dans le visage humain de Jésus. En aidant les personnes à reconnaître et à faire l'expérience de l'amour du Christ, vous réveillerez en elles le désir de demeurer dans la maison du Seigneur, en embrassant la vie de l'Eglise. Telle est notre mission. Elle exprime notre nature ecclésiale et assure que chaque initiative d'évangélisation renforce dans le même temps l'identité chrétienne. A cet égard, nous devons reconnaître que toute réduction du message central de Jésus, c'est-à-dire du "Royaume de Dieu" à de vagues discours sur les "valeurs du Royaume" affaiblit l'identité chrétienne et atténue la contribution de l'Eglise au renouveau de la société. Lorsque la croyance est remplacée par les "actes" et que le témoignage est remplacé par les discours sur les "questions", alors apparaît le besoin urgent de retrouver la joie profonde et la crainte révérentielle des premiers disciples, dont les coeurs, en présence du Seigneur, "étaient tout brûlants au dedans d'eux", les poussant à "raconter ce qui s'était passé" (cf. Lc 24,32 Lc 24,35).

Aujourd'hui, les obstacles à la diffusion du Royaume du Christ se constatent de façon dramatique dans la fracture entre Evangile et culture, avec l'exclusion de Dieu de la sphère publique. Le Canada a acquis à juste titre une réputation d'engagement généreux et concret en faveur de la justice et de la paix, et il y règne un climat attrayant de vitalité et d'opportunités à saisir dans vos villes multiculturelles. Dans le même temps, toutefois, certaines valeurs détachées de leurs racines morales et de leur pleine signification qui se trouve dans le Christ se sont développées de façon très alarmante. Au nom de la "tolérance", votre pays a dû endurer l'absurdité de la redéfinition du terme de "conjoint" et au nom de la "liberté de choix", il doit faire face à l'élimination quotidienne d'enfants à naître. Lorsque le projet divin du Créateur est ignoré, la vérité de la nature humaine se perd.

L'on constate également de fausses dichotomies au sein de la communauté chrétienne. Elles sont particulièrement nuisibles lorsque les responsables chrétiens de la vie civile sacrifient l'unité de la foi et approuvent la désintégration de la raison et les principes de l'éthique naturelle, s'abandonnant à des tendances sociales éphémères et aux fausses exigences des sondages d'opinion. La démocratie ne réussit que si elle est fondée sur la vérité et sur une compréhension correcte de la personne humaine. L'engagement catholique dans la vie politique ne peut pas accepter de compromis sur ce principe; autrement, le témoignage chrétien de la splendeur de la vérité dans le domaine public serait réduit au silence et l'on proclamerait l'autonomie du système moral (cf. Note doctrinale La participation des catholiques à la vie politique, 2-3; 6). Dans vos discussions avec les hommes politiques et les responsables de la vie civile, je vous encourage à démontrer que notre foi chrétienne, loin d'être un obstacle au dialogue, est un pont, précisément parce qu'elle unit la raison et la culture.

4. Dans le cadre de l'évangélisation de la culture, je souhaite mentionner le riche réseau d'écoles catholiques au coeur de la vie ecclésiale dans votre province. La catéchèse et l'éducation religieuse représentent un apostolat exigeant. Je remercie et j'encourage les nombreux hommes et femmes laïcs, ainsi que les religieux, qui se prodiguent chaque jour pour garantir que les jeunes de votre pays apprécient chaque jour davantage le don de la foi qu'ils ont reçu. Cela exige plus que jamais que le témoignage, nourri par la prière, constitue le cadre de toute école catholique. Les enseignants, en tant que témoins, répondent de l'espérance qui nourrit leur vie (1P 3,15) en vivant la vérité qu'ils proposent à leurs élèves, toujours en référence à celui qu'ils ont rencontré et dont ils ont éprouvé avec joie la bonté certaine (cf. Discours lors de la rencontre ecclésiale diocésaine de Rome, 6 juin 2005). C'est pourquoi, avec saint Augustin, ils disent: "Nous qui parlons et vous qui écoutez nous reconnaissons comme disciples d'un même enseignant" (saint Augustin, Sermons; 23, 2).

Un obstacle particulièrement insidieux à l'éducation aujourd'hui, dont vos comptes-rendus font état, est la présence marquée dans la société du relativisme qui, ne reconnaissant rien comme définitif, ne considère comme critère ultime que soi-même et ses désirs. Dans un tel horizon relativiste, l'éclipse des objectifs sublimes de la vie a lieu à travers un abaissement des niveaux d'excellence, une timidité face au bien et la poursuite effrénée mais insensée de la nouveauté, qui se présente comme la réalisation de la liberté. De telles tendances nuisibles soulignent l'urgence particulière de l'apostolat de la "charité intellectuelle", qui soutient l'unité essentielle de la connaissance, guide les jeunes vers la satisfaction sublime d'exercer leur liberté en rapport à la vérité, et organise le rapport entre la foi et toutes les dimensions de la famille et de la vie civile. Introduits à un amour de la vérité, je suis certain que les jeunes Canadiens seront heureux d'explorer la maison du Seigneur qui "éclaire tout homme [qui] venait dans le monde" (Jn 1,9) et satisfait tous les désirs de l'humanité.

5. Chers frères, je vous offre ces réflexions avec affection et gratitude fraternelle et je vous encourage dans votre proclamation de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. Faites l'expérience de son amour et de cette façon, faites en sorte que la lumière de Dieu entre dans le monde! (cf. Deus caritas est ). En invoquant sur vous l'intercession de Marie, Siège de la Sagesse, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique, ainsi qu'aux prêtres, aux religieux et aux fidèles laïcs de vos diocèses.


VOYAGE APOSTOLIQUE À MUNICH, ALTÖTTING ET RATISBONNE

(9-14 SEPTEMBRE 2006)


SALUT DU SAINT-PÈRE AUX JOURNALISTES DANS L'AVION PAPAL

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A bord de l'avion qui le conduisait en Allemagne, le samedi 9 septembre 2006, le Pape Benoît XVI est allé saluer les journalistes. Répondant à une question sur la situation actuelle du catholicisme allemand, le Pape a répondu:)C'est avec plaisir que je m'envole vers mon pays natal. Il est beau que je puisse, au moins une fois, revoir ma patrie, et me rendre dans les villes où j'ai vécu. Et je m'envole vers mon pays natal avec joie, du fait que nous célébrerons une grande fête de la foi et que cela renforcera notre réciprocité. Je ne dirais pas que le catholicisme allemand est fatigué. La fatigue existe partout, mais au cours de ces dernières semaines, j'ai observé la préparation de cet événement et le dynamisme qui règne ici. Il est incroyable que l'on se soit prodigué avec tant d'énergie. Je ne sais pas comment exprimer mes remerciements. Cela ne peut pas être quelque chose lié à ma personne. Cela doit être quelque chose lié au fait que nous désirons être une Eglise commune, que nous voulons être ensemble une force de paix pour le pays et pour le monde. C'est pourquoi je m'envole vers mon pays natal avec de grandes espérances et je suis reconnaissant pour tout ce que j'ai vu et qui démontre que le catholicisme allemand n'est pas si las, comme certains le pensent.

Le Pape répondait ensuite à un journaliste qui voulait savoir pourquoi une étape à Berlin n'avait pas été prévue au cours de ce voyage, et si le Saint-Père prévoyait de s'y rendre un jour:

On dit que lorsqu'on va à Munich, il faut aussi aller une fois à Berlin, mais je suis un homme âgé. Je ne sais pas combien de temps le Seigneur m'accordera encore. Je suis le Pape de l'Eglise universelle. A présent, je pense surtout à Constantinople, au Brésil comme prochains voyages. Si je pouvais me rendre en Allemagne encore une fois, dans d'autres parties de l'Allemagne, j'en serais très heureux. Je le considérerais comme un don de Dieu.

Un autre journaliste demandait alors au Pape s'il ressentait de la nostalgie pour son pays:

Oui, bien sûr, car je pense que c'est là que j'ai grandi. Il existe un livre intitulé: "Mon coeur bat en bavarois". D'autre part, je conserve de si nombreux souvenirs dans mon âme, que je peux toujours voyager dans le paysage de ma mémoire. Je ne me sens pas si loin car je peux téléphoner à mon frère chaque soir. Je ne me sens donc pas si loin.


CÉRÉMONIE DE BIENVENUE Aéroport international "Franz Joseph Strauss", Munich Samedi 9 septembre 2006

9916
Monsieur le Président de la République,
Madame le Chancelier et Monsieur le Ministre-Président,
Messieurs les Cardinaux, vénérés frères dans l'épiscopat,
Mesdames, Messieurs,
chers concitoyens!

C'est avec une vive émotion que je pose aujourd'hui, pour la première fois depuis mon élévation sur la Chaire de Pierre, le pied sur la terre allemande bavaroise. Je retourne dans ma patrie, parmi mon peuple, avec le projet de visiter certains lieux qui ont eu une importance fondamentale dans ma vie. Je vous remercie, Monsieur le Président de la République, des paroles de cordiale bienvenue que vous m'avez adressées. J'ai perçu dans ces paroles l'écho des sentiments de notre peuple tout entier. Je remercie le Chancelier, Madame Angela Merkel, et le Ministre-Président, Monsieur Edmund Stoiber, pour la gentillesse avec laquelle ils ont voulu honorer mon arrivée sur la terre allemande et bavaroise. Mon salut reconnaissant s'étend également aux membres du gouvernement, aux autorités ecclésiastiques, civiles et militaires réunies ici, ainsi qu'à tous ceux qui ont voulu être présents pour m'accueillir à l'occasion de cette visite si importante pour moi.

En ce moment me viennent à l'esprit de nombreux souvenirs des années passées à Munich et à Ratisbonne: ce sont des souvenirs de personnes et d'événements qui ont laissé en moi une trace profonde. Conscient de ce que j'ai reçu, je suis ici avant tout pour exprimer le profond sentiment de reconnaissance que j'éprouve pour tous ceux qui ont contribué à former ma personnalité au fil des décennies de ma vie. Mais je suis ici également en tant que Successeur de l'Apôtre Pierre, pour réaffirmer et confirmer les liens profonds qui existent entre le Siège de Rome et l'Eglise dans notre patrie.

Ce sont des liens qui possèdent une histoire séculaire, alimentée par la ferme adhésion aux valeurs de la foi chrétienne, une adhésion dont peuvent s'enorgueillir de manière particulière précisément les régions bavaroises. C'est ce dont témoignent les monuments célèbres, les cathédrales majestueuses, les statues et les tableaux d'une grande valeur artistique, les oeuvres littéraires, les initiatives culturelles et surtout, la vie de nombreuses personnes et communautés dans lesquelles se reflètent les convictions chrétiennes des générations qui se sont succédé sur cette Terre qui m'est si chère. Les relations de la Bavière avec le Saint-Siège, malgré quelques moments de tension, ont toujours été marquées par une cordialité respectueuse. Dans les heures décisives de son histoire, le peuple bavarois a ensuite toujours confirmé sa profonde dévotion à la Chaire de Pierre et son ferme attachement à la foi catholique. La Mariensäule, qui s'élève sur la place centrale de notre capitale Munich, en est un témoignage éloquent.

Le contexte social d'aujourd'hui est, sous de nombreux aspects, différent de celui du passé. Je pense toutefois que nous sommes tous unis dans l'espérance que les nouvelles générations restent fidèles au patrimoine spirituel qui a résisté à travers les crises de l'histoire. Ma visite dans ma terre natale veut être également un encouragement dans ce sens: la Bavière est une partie de l'Allemagne, et appartient à l'histoire de l'Allemagne dans ses bons et ses mauvais moments, et elle peut être à juste titre fière des traditions héritées de son passé. Mon souhait est que tous mes compatriotes de Bavière et d'Allemagne tout entière prennent une part active à la transmission aux citoyens de demain des valeurs fondamentales de la foi chrétienne, qui nous soutient tous et qui ne divise pas, mais qui ouvre et rapproche les personnes appartenant à des peuples, des cultures et des religions différentes. J'aurais bien volontiers étendu ma visite également à d'autres régions d'Allemagne, pour rencontrer toutes les diverses Eglises locales, en particulier celles auxquelles me lient des souvenirs personnels. Nombreux ont été les signes d'affection que j'ai reçus de toutes parts, et en particulier des diocèses bavarois, en ce début de Pontificat et au cours de toutes ces années. Cela me renforce de jour en jour. C'est pourquoi je désire saisir cette occasion pour vous exprimer à tous ma profonde gratitude. J'ai également pu lire et suivre tout ce qui a été fait au cours de ces semaines et de ces mois, combien de personnes ont contribué de toutes leurs forces au succès de cette visite. Et à présent, nous rendons grâce au Seigneur qui nous donne également le ciel bavarois, car cela, nous ne pouvions pas le commander. Merci! Que Dieu vous récompense pour tout ce qui a été fait de toutes les diverses parts - j'aurai l'opportunité d'y revenir également en d'autres occasions - pour garantir un déroulement serein de cette visite et de ces journées.

Outre le salut qui vous est adressé, chers compatriotes, - je vois ici devant moi les étapes de mon chemin, de Marktl et Tittmoning à Aschau, Traunstein, Ratisbonne et Munich - à travers vous, je désire aussi et naturellement adresser mon salut avec une grande affection à tous les habitants de la Bavière et de toute l'Allemagne: je ne pense pas seulement aux fidèles catholiques, auxquels ma visite s'adresse en premier lieu, mais également aux membres des autres Eglises et communautés ecclésiales, et de façon particulière aux chrétiens évangéliques et orthodoxes. Cher Monsieur le Président de la République, à travers vos paroles, vous avez interprété les pensées de mon coeur: même si cinq cents ans ne peuvent pas être simplement effacés par des actes bureaucratiques, pas plus qu'à travers des discours intelligents, nous nous engagerons avec notre coeur et notre raison à nous rapprocher les uns des autres.

Je salue enfin les disciples d'autres religions et toutes les personnes de bonne volonté qui ont à coeur la paix et la sérénité du pays et du monde. Que le Seigneur bénisse les efforts de tous en vue de l'édification d'un avenir de bien-être authentique et fondé sur la justice qui crée la paix. Je confie ces voeux à la Vierge Marie, vénérée sur cette terre sous le titre de Patrona Bavariae. Je le fais à travers les célèbres paroles de Jakob Balde, gravées ici au pied de la Mariensäule: Rem regem regimen regionem religionem conserva Bavaris, Virgo Patrona, tuis! - Conserve à tes Bavarois, ô Vierge Patronne, les biens, ou, comme on dit en dialecte, "les choses", l'autorité politique, le pays, la religion!

A toutes les personnes présentes, j'adresse un cordial "Grüß Gott!".



DEVANT LA STATUT DE LA VIERGE (MARIENSÄULE) Marienplatz, Munich Samedi 9 septembre 2006

9926
Madame le Chancelier et Monsieur le Ministre-Président,
Chers Messieurs les Cardinaux,
Chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs,
Chers frères et soeurs!

C'est pour moi un motif d'émotion particulière de me trouver à nouveau sur cette très belle place au pied de la Mariensäule - un lieu, comme il a été dit, qui a déjà été, à deux autres occasions, le témoin de tournants décisifs dans ma vie. Ici, il y a trente ans, comme on l'a dit, les fidèles m'accueillirent avec une grande cordialité, et je confiai alors à la Vierge le chemin que j'allais devoir parcourir, car le passage de la chaire universitaire à la charge d'Archevêque de Munich et Freising était un saut énorme, et c'est seulement grâce à une telle protection et grâce à l'amour perceptible des habitants de Munich et de la Bavière que je pouvais oser assumer un tel ministère, en succédant au Cardinal Döpfner. Puis, à nouveau, en 1982: c'est ici que j'ai fais mes adieux; l'Archevêque de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi de l'époque, Mgr Hamer, devenu Cardinal par la suite, était alors présent et il déclara: "Les habitants de Munich sont comme les Napolitains, ils veulent toucher l'Archevêque et ils l'aiment". Il s'est véritablement émerveillé de voir ici à Munich autant de cordialité, de pouvoir reconnaître le coeur bavarois dans ce lieu, où je me suis à nouveau placé entre les mains de la Vierge.

Illustre et cher Monsieur le Ministre-Président, je vous remercie pour l'hommage de bienvenue que vous m'avez adressé au nom du gouvernement et du peuple bavarois. Je remercie de tout coeur également mon cher successeur comme Pasteur de l'archidiocèse de Munich et Freising, Monsieur le Cardinal Friedrich Wetter, des paroles chaleureuses avec lesquelles vous m'avez salué. Je salue Madame le Chancelier, Angela Merkel, et toutes les personnalités politiques, civiles et militaires qui ont souhaité participer à cette rencontre de bienvenue et de prière. Je désire réserver un salut particulier aux prêtres, notamment à ceux avec lesquels, en tant que prêtres, puis Evêque, j'ai pu collaborer dans mon diocèse d'origine, Munich et Freising. Mais vous tous, chers compatriotes réunis sur cette place, je voudrais vous saluer avec une grande cordialité et beaucoup de gratitude. Je vous remercie de votre chaleureux accueil bavarois, et je remercie, comme je l'ai déjà fait à l'aéroport, tous ceux qui ont collaboré à la préparation de la visite et qui se prodiguent à présent afin que tout puisse se dérouler au mieux.

Peut-être me permettrez-vous de revenir à cette occasion sur une pensée que, dans mes brèves mémoires, j'ai développé lors de ma nomination comme Archevêque de Munich et Freising. Je devais devenir successeur de saint Corbinien et je le suis devenu. Dans sa légende, j'ai été fasciné dès mon enfance par l'histoire selon laquelle un ours aurait dévoré l'animal de selle du saint, au cours de son voyage dans les Alpes. Corbinien le blâma âprement et, en guise de punition, il chargea tout son bagage sur son dos afin qu'il le portât jusqu'à Rome. Ainsi l'ours, chargé du fardeau du saint, dut marcher jusqu'à Rome, et ce n'est qu'une fois arrivé que Corbinien le laissa libre de s'en aller.

Lorsqu'en 1977, je me trouvai face au choix difficile d'accepter ou non la nomination d'Archevêque de Munich et Freising qui allait m'arracher à mon activité universitaire habituelle en me menant vers de nouvelles tâches et de nouvelles responsabilités, je réfléchis longuement. Et c'est précisément à cette occasion que je me souvins de cet ours et de l'interprétation des versets 22 et 23 du Psaume 72 [73] que saint Augustin, dans une situation très semblable à la mienne, lors de son ordination sacerdotale et épiscopale, a développée puis, ensuite, exprimée dans ses sermons sur les Psaumes. Dans ce Psaume, le psalmiste se demande pourquoi, souvent, aux méchants de ce monde les choses réussissent si bien et pourquoi, en revanche, à un grand nombre de personnes bonnes, les choses vont si mal. Alors le Psalmiste dit: j'étais stupide de voir les choses ainsi; devant toi j'étais comme une brute, une bête, mais ensuite, je suis entré dans le sanctuaire et j'ai compris que c'est précisément dans mes difficultés que j'étais très proche de toi et que tu étais toujours avec moi. Augustin, avec amour, a souvent repris ce Psaume et, en voyant dans l'expression "devant toi j'étais comme une brute" (iumentum en latin) une référence à l'animal de trait qui était alors utilisé en Afrique du Nord pour travailler la terre, il s'est reconnu lui-même dans ce "iumentum" en bête de trait de Dieu, il s'est vu comme un homme pliant sous le poids de sa charge, la "sarcina episcopalis". Il avait choisi la vie de l'homme d'étude et, comme il le dit par la suite, Dieu l'avait appelé à faire "l'animal de trait", le brave boeuf qui tire la charrue dans le champ de Dieu, qui fait le travail difficile qui lui est assigné. Mais il reconnaît ensuite: comme l'animal de trait est très proche du paysan, sous la direction duquel il travaille, ainsi suis-je moi aussi très proche de Dieu, parce que de cette façon, je le sers directement pour l'édification de son Royaume, pour la construction de l'Eglise.

Sur le fond de cette pensée de l'Evêque d'Hippone, l'ours de saint Corbinien m'encourage toujours à nouveau à accomplir mon service avec joie et confiance - que ce soit il y a trente ans ou à présent dans ma nouvelle charge - en prononçant jour après jour mon "oui" à Dieu: je suis devenu pour toi comme une bête de somme, mais c'est précisément ainsi que "je rest[e] près de toi" (Ps 72[73], 23). L'ours de saint Corbinien, arrivé à Rome, fut rendu à la liberté. Dans mon cas, le "Maître" en a décidé autrement. Je me trouve donc à nouveau au pied de la Mariensäule pour implorer l'intercession et la Bénédiction de la Mère de Dieu, non seulement pour la Ville de Munich et pour la Bavière bien-aimée, mais aussi pour l'Eglise universelle et pour tous les hommes de bonne volonté.



PRIÈRE AU PIED DE LA "MARIENSÄULE" Marienplatz, Munich Samedi 9 septembre 2006

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Sainte Mère du Seigneur,

Nos ancêtres, dans une période de difficultés, ont élevé ici ta statue, au coeur de la ville de Munich, pour te confier la ville et le pays. Sur les routes de leur vie quotidienne, ils voulaient Te rencontrer toujours à nouveau et apprendre de Toi comment vivre de la manière juste leur existence humaine; apprendre de Toi comment pouvoir trouver Dieu et trouver ainsi l'harmonie entre eux. Ils t'ont donné la couronne et le sceptre, qui étaient alors le symbole de la seigneurie sur le pays, car ils savaient qu'ainsi le pouvoir et la domination auraient été entre de bonnes mains - entre les mains de la Mère.

Ton Fils, peu avant l'heure du congé, a dit à ses disciples: "Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l'esclave de tous" (
Mc 10, 43sq). Toi, à l'heure décisive de ta vie, Tu as dit: "Je suis la servante du Seigneur" (Lc 1,38) et Tu as vécu toute ton existence comme un service. C'est ce que Tu continues à faire au cours des siècles de l'histoire. De même qu'autrefois, à Cana, Tu as intercédé silencieusement et avec discrétion pour les époux, Tu agis toujours ainsi: Tu te charges de toutes les préoccupations des hommes et Tu les apportes devant le Seigneur, devant ton Fils. Ton pouvoir est la bonté. Ton pouvoir est le service.

Enseigne-nous - grands et petits, dominateurs et serviteurs - à vivre notre responsabilité de cette manière. Aide-nous à trouver la force pour la réconciliation et pour le pardon. Aide-nous à devenir patients et humbles, mais également libres et courageux, comme Tu l'as été à l'heure de la Croix. Tu portes Jésus dans tes bras, l'Enfant qui bénit, l'Enfant qui est aussi le Seigneur du monde. De cette façon, en portant Celui qui bénit, tu es toi-même devenue une bénédiction. Bénis-nous, bénis cette ville et ce pays! Montre-nous Jésus, le fruit béni de ton sein! Prie pour nous pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen!


ANGELUS Esplanade de la "Neue Messe", Munich Dimanche 10 septembre 2006

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Chers frères et soeurs!

Avant de conclure par la bénédiction solennelle notre Célébration eucharistique, nous voulons nous recueillir pour la récitation de l'Angelus. En réfléchissant sur les lectures de la Messe, nous nous sommes rendu compte combien il est nécessaire - pour la vie des personnes comme pour la coexistence sereine et pacifique de tous - de considérer Dieu comme le centre de notre vie personnelle. L'exemple par excellence d'une telle attitude est Marie, la Mère du Seigneur. Au cours de toute sa vie terrestre, elle a été la Femme de l'écoute, la Vierge au coeur ouvert à Dieu et aux hommes. Cela, les fidèles l'ont compris dès les premiers siècles du christianisme, et c'est pourquoi, dans tous leurs besoins et difficultés, ils se sont adressés avec confiance à Elle, invoquant son aide et son intercession auprès de Dieu.

C'est ce dont témoignent, ici, sur notre terre bavaroise, les centaines d'églises et de sanctuaires qui lui sont consacrés. Ce sont des lieux vers lesquels, toute l'année, confluent d'innombrables pèlerins pour se confier à l'amour maternel et bienveillant de Marie. Ici à Munich, au centre de la ville, s'élève la Mariensaüle, devant laquelle, il y a précisément 390 ans, la Bavière fut confiée solennellement à la protection de la Mère de Dieu et où, hier, j'ai imploré à nouveau la bénédiction de la Patrona Bavariae pour la ville et le pays.

Et comment ne pas penser de façon particulière au sanctuaire d'Altötting, où je me rendrai demain en pèlerinage? Là, j'aurai la joie d'inaugurer la nouvelle Chapelle de l'Adoration qui, précisément en ce lieu, est un signe éloquent du rôle de Marie: Elle est et demeure la servante du Seigneur qui ne se met pas au centre, mais veut nous guider vers Dieu, veut nous enseigner un style de vie dans lequel Dieu est reconnu comme centre de la réalité et de notre vie personnelle elle-même. C'est à Elle que nous adressons à présent la prière de l'Angelus.



SALUT AUX FIDÈLES DU BALCON DE L'ARCHEVÊCHÉ DE MUNICH Dimanche 10 septembre 2006

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(Le dimanche 10 septembre 2006, au terme de la Messe sur l'esplanade de la "Neue Messe" de Munich, le Pape Benoît XVI a été accueilli en musique par les fidèles rassemblés devant l'archevêché de Munich. A 14h30, le Saint-Père, est apparu au balcon de l'archevêché et a prononcé les paroles suivantes de remerciement pour l'accueil et l'affection manifestés par les fidèles)

Chers amis,

Tous les ans, au début de l'"Oktoberfest", je me suis présenté à ce balcon. A présent, je me réjouis du fait de pouvoir être ici aujourd'hui, encore une fois, et qu'ainsi, de nombreuses personnes puissent me saluer; je me sens comme chez moi, entouré par de tant de cordialité.

Je vous dit seulement "Vergelt's Gott". Que Dieu vous le rende.
Je rends grâce à Dieu pour le beau ciel bleu qu'il nous donne.
Je vous remercie à présent pour la musique avec laquelle vous m'avez accueilli si merveilleusement à mon arrivée.

"Vergelt's Gott".

Je souhaite encore une fois à tous un bon dimanche et que Dieu nous accorde du beau temps.
Je vous remercie de tout coeur.

(Le Saint-Père a ensuite conclu cette brève rencontre par la Bénédiction apostolique)
Bon dimanche! Bon divertissement! Que Dieu vous le rende!



RENCONTRE AVEC LES REPRÉSENTANTS DU MONDE DES SCIENCES Grand Amphithéâtre de l'Université de Ratisbonne Mardi 12 septembre 2006

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Foi, Raison et Université: souvenirs et réflexions

Eminences, Messieurs les Recteurs, Excellences,
Mesdames, Messieurs!

C'est pour moi un moment émouvant que de me retrouver encore une fois à l'université et de pouvoir de nouveau donner une conférence. Mes pensées me ramènent aux années durant lesquelles, après une belle période à l'Institut supérieur de Freising, j'ai commencé mon activité académique comme enseignant à l'université de Bonn. C'était encore le temps – en 1959 – de l’ancienne université des professeurs ordinaires. Les différentes chaires n'avaient ni assistants ni secrétaires propres, mais, en revanche, il y avait un contact très direct avec les étudiants et surtout aussi entre les professeurs. Dans les salles des professeurs, on se rencontrait avant et après les cours. Les contacts avec les historiens, les philosophes, les philologues et naturellement entre les deux facultés de théologie étaient très vivants. Chaque semestre avait lieu ce qu'on appelait le dies academicus, au cours duquel des professeurs de toutes les facultés se présentaient aux étudiants de l'ensemble de l'université. Cela rendait possible une expérience d'Universitas, à laquelle, Monsieur le Recteur magnifique, vous venez précisément de faire allusion. Malgré toutes les spécialisations, qui nous rendent parfois incapables de communiquer les uns avec les autres, nous faisions l'expérience de former cependant un tout et qu'en tout nous travaillions avec la même raison dans toutes ses dimensions, en ayant le sentiment d'assumer une commune responsabilité du juste usage de la raison ; voilà ce que nous pouvions vivre. Sans aucun doute, l'Université était aussi très fière de ses deux facultés de théologie. Il était clair qu'elles aussi, en s'interrogeant sur la raison de la foi, accomplissaient un travail qui appartient nécessairement au tout de l'Universitas scientiarum, même si tous pouvaient ne pas partager la foi, dont la corrélation avec la raison commune est le travail des théologiens. Cette cohésion interne dans l'univers de la raison n'a pas même été troublée quand on entendit, un jour, un de nos collègues déclarer qu'il y avait, dans notre université, une curiosité : deux facultés s'occupaient de quelque chose qui n'existait même pas – de Dieu. Il s'avérait indiscutable dans l'ensemble de l'Université que, même devant un scepticisme aussi radical, il demeurait nécessaire et raisonnable de s'interroger sur Dieu au moyen de la raison et de le faire en relation avec la tradition de la foi chrétienne.

Tout cela m'est revenu à l'esprit quand, tout récemment, j'ai lu la partie, publiée par le professeur Théodore Khoury (de Münster), du dialogue sur le christianisme et l'islam et sur leur vérité respective, que le savant empereur byzantin Manuel II Paléologue mena avec un érudit perse, sans doute en 1391 durant ses quartiers d’hiver à Ankara [1]. L'empereur transcrit probablement ce dialogue pendant le siège de Constantinople entre 1394 et 1402. Cela explique que ses propres réflexions sont rendues de manière plus détaillée que celles de son interlocuteur persan [2]. Le dialogue embrasse tout le domaine de la structure de la foi couvert par la Bible et le Coran ; il s'intéresse en particulier à l'image de Dieu et de l'homme, mais revient nécessairement sans cesse sur le rapport de ce qu'on appelait les « trois Lois » ou les « trois ordres de vie» : Ancien Testament – Nouveau Testament – Coran. Je ne voudrais pas en faire ici l'objet de cette conférence, mais relever seulement un point – au demeurant marginal dans l'ensemble du dialogue – qui m'a fasciné par rapport au thème ‘foi et raison’, et qui servira de point de départ de mes réflexions sur ce sujet.

Dans le septième entretien (d???e??? – controverse) publié par le professeur Khoury, l'empereur en vient à parler du thème du djihad, de la guerre sainte. L'empereur savait certainement que, dans la sourate 2,256, on lit : pas de contrainte en matière de foi – c'est probablement l'une des plus anciennes sourates de la période initiale qui, nous dit une partie des spécialistes, remonte au temps où Mahomet lui-même était encore privé de pouvoir et menacé. Mais, naturellement, l'empereur connaissait aussi les dispositions – d'origine plus tardive – sur la guerre sainte, retenues par le Coran. Sans entrer dans des détails comme le traitement différent des « détenteurs d'Écritures » et des « infidèles », il s'adresse à son interlocuteur d'une manière étonnamment abrupte – abrupte au point d’être pour nous inacceptable –, qui nous surprend et pose tout simplement la question centrale du rapport entre religion et violence en général. Il dit : « Montre moi ce que Mahomet a apporté de nouveau et tu ne trouveras que du mauvais et de l'inhumain comme ceci, qu'il a prescrit de répandre par l'épée la foi qu'il prêchait » [3]. Après s'être prononcé de manière si peu amène, l'empereur explique minutieusement pourquoi la diffusion de la foi par la violence est contraire à la raison. Elle est contraire à la nature de Dieu et à la nature de l'âme. « Dieu ne prend pas plaisir au sang, dit-il, et ne pas agir selon la raison (‘s?? ????’) est contraire à la nature de Dieu. La foi est fruit de l'âme, non pas du corps. Celui qui veut conduire quelqu'un vers la foi doit être capable de parler et de penser de façon juste et non pas de recourir à la violence et à la menace... Pour convaincre une âme douée de raison, on n'a pas besoin de son bras, ni d'objets pour frapper, ni d'aucun autre moyen qui menace quelqu'un de mort... » [4].

L’affirmation décisive de cette argumentation contre la conversion par la force dit : « Ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu » [5]. L'éditeur du texte, Théodore Khoury, commente à ce sujet: « Pour l'empereur, byzantin nourri de philosophie grecque, cette affirmation est évidente. Pour la doctrine musulmane, au contraire, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, fût-ce celle qui consiste à être raisonnable ». [6] Khoury cite à ce propos un travail du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui note que Ibn Hazm va jusqu'à expliquer que Dieu n'est pas même tenu par sa propre parole et que rien ne l'oblige à nous révéler la vérité. Si tel était son vouloir, l'homme devrait être idolâtre [7].

À partir de là, pour la compréhension de Dieu et du même coup pour la réalisation concrète de la religion, apparaît un dilemme qui constitue un défi très immédiat. Est-ce seulement grec de penser qu'agir de façon contraire à la raison est en contradiction avec la nature de Dieu, ou cela vaut-il toujours et en soi ? Je pense que, sur ce point, la concordance parfaite, entre ce qui est grec, dans le meilleur sens du terme, et la foi en Dieu, fondée sur la Bible, devient manifeste. En référence au premier verset de la Genèse, premier verset de toute la Bible, Jean a ouvert le prologue de son évangile par ces mots : « Au commencement était le ????? ». C'est exactement le mot employé par l'empereur. Dieu agit « s?? ???? », avec logos. Logos désigne à la fois la raison et la parole – une raison qui est créatrice et capable de se communiquer, mais justement comme raison. Jean nous a ainsi fait don de la parole ultime de la notion biblique de Dieu, la parole par laquelle tous les chemins souvent difficiles et tortueux de la foi biblique parviennent à leur but et trouvent leur synthèse. Au commencement était le Logos et le Logos est Dieu, nous dit l'Évangéliste. La rencontre du message biblique et de la pensée grecque n'était pas le fait du hasard. La vision de saint Paul, à qui les chemins vers l'Asie se fermaient et qui ensuite vit un Macédonien lui apparaître et qui l'entendit l'appeler : « Passe en Macédoine et viens à notre secours » (cf. Ac
Ac 16,6-10) – cette vision peut être interprétée comme un condensé du rapprochement, porté par une nécessité intrinsèque, entre la foi biblique et le questionnement grec.

En fait, ce mouvement de rapprochement mutuel était à l'oeuvre depuis longtemps. Déjà, le nom mystérieux de Dieu lors de l’épisode du buisson ardent, qui distingue Dieu des divinités aux noms multiples et qui énonce simplement à son sujet le « Je suis », son être, est une contestation du mythe, qui trouve une analogie interne dans la tentative socratique de surmonter et de dépasser le mythe [8]. Le processus engagé au buisson ardent parvient à une nouvelle maturité, au coeur de l'Ancien Testament, pendant l'Exil, où le Dieu d'Israël, désormais sans pays et sans culte, se proclame le Dieu du ciel et de la terre et se présente dans une formule qui prolonge celle du buisson : « Je suis celui qui suis ». Avec cette nouvelle reconnaissance de Dieu s'opère, de proche en proche, une sorte de philosophie des Lumières, qui s'exprime de façon drastique dans la satire des divinités, qui ne seraient que des fabrications humaines (cf. Ps Ps 115). C'est ainsi que la foi biblique, à l'époque hellénistique et malgré la rigueur de son opposition aux souverains grecs qui voulaient imposer par la force l'assimilation à leur mode de vie grec et au culte de leurs divinités, alla de l'intérieur à la rencontre de la pensée grecque en ce qu'elle avait de meilleur pour établir un contact mutuel, qui s'est ensuite réalisé dans la littérature sapientielle plus tardive. Nous savons aujourd'hui que la traduction grecque de l'Ancien Testament faite à Alexandrie – la Septante – est plus qu'une simple traduction du texte hébreu (à apprécier peut-être de façon pas très positive). Elle est un témoin textuel indépendant et une avancée importante de l'histoire de la Révélation. Cette rencontre s'est réalisée d'une manière qui a eu une importance décisive pour la naissance et la diffusion du christianisme [9]. Fondamentalement, il s'agit d'une rencontre entre la foi et la raison, entre l'authentique philosophie des Lumières et la religion. À partir de l'essence de la foi chrétienne et, en même temps, de la nature de la pensée grecque, qui avait fusionné avec la foi, Manuel II a pu vraiment dire : ne pas agir « avec le Logos » est en contradiction avec la nature de Dieu.

Pour être honnête, il faut noter ici que, à la fin du Moyen Âge, se sont développées, dans la théologie, des tendances qui ont fait éclater cette synthèse entre l’esprit grec et l’esprit chrétien. Face à ce qu'on appelle l'intellectualisme augustinien et thomiste, commença avec Duns Scot la théorie du volontarisme qui, dans ses développements ultérieurs, a conduit à dire que nous ne connaîtrions de Dieu que sa voluntas ordinata. Au-delà d'elle, il y aurait la liberté de Dieu, en vertu de laquelle il aurait aussi pu créer et faire le contraire de tout ce qu'il a fait. Ici se dessinent des positions qui peuvent être rapprochées de celles d'Ibn Hazm et tendre vers l'image d'un Dieu arbitraire, qui n'est pas non plus lié à la vérité ni au bien. La transcendance et l'altérité de Dieu sont placées si haut que même notre raison et notre sens du vrai et du bien ne sont plus un véritable miroir de Dieu, dont les possibilités abyssales, derrière ses décisions effectives, demeurent pour nous éternellement inaccessibles et cachées. À l'opposé, la foi de l'Église s'en est toujours tenue à la conviction qu'entre Dieu et nous, entre son esprit créateur éternel et notre raison créée, existe une réelle analogie, dans laquelle – comme le dit le IVe Concile du Latran, en 1215 – les dissimilitudes sont infiniment plus grandes que les similitudes, mais sans supprimer l'analogie et son langage. Dieu ne devient pas plus divin si nous le repoussons loin de nous dans un pur et impénétrable volontarisme, mais le Dieu véritablement divin est le Dieu qui s'est montré comme Logos et qui, comme Logos, a agi pour nous avec amour. Assurément, comme le dit Paul, l'amour « surpasse » la connaissance et il est capable de saisir plus que la seule pensée (cf. Ep Ep 3,19), mais il reste néanmoins l'amour du Dieu-Logos, ce pourquoi le culte chrétien est, comme le dit encore Paul, « ?????? ?at?e?a », un culte qui est en harmonie avec la Parole éternelle et notre raison (cf. Rm 12,1) [10].

Cet intime rapprochement mutuel ici évoqué, qui s'est réalisé entre la foi biblique et le questionnement philosophique grec, est un processus décisif non seulement du point de vue de l'histoire des religions mais aussi de l'histoire universelle, qui aujourd'hui encore nous oblige. Quand on considère cette rencontre, on ne s'étonne pas que le christianisme, tout en ayant ses origines et des développements importants en Orient, ait trouvé son empreinte décisive en Europe. À l'inverse, nous pouvons dire aussi : cette rencontre, à laquelle s'ajoute ensuite l'héritage de Rome, a créé l'Europe et reste le fondement de ce que, à juste titre, on appelle l’Europe.

La revendication de déshellénisation du christianisme, qui, depuis le début de l'époque moderne, domine de façon croissante le débat théologique, s'oppose à la thèse selon laquelle l'héritage grec, purifié de façon critique, appartient à la foi chrétienne. Si l'on y regarde de plus près, on peut observer que ce programme de déshellénisation a connu trois vagues, sans doute liées entre elles, mais qui divergent nettement dans leurs justifications et leurs buts [11].

La déshellénisation apparaît en relation avec les préoccupations de la Réforme du XVIe siècle. Étant donné la tradition des écoles théologiques, les réformateurs ont fait face à une systématisation de la foi, entièrement déterminée par la philosophie, pour ainsi dire une définition extérieure de la foi par une pensée qui n'émanait pas d'elle. De ce fait, la foi n'apparaissait plus comme une parole historique vivante, mais comme enfermée dans un système philosophique. Face à cela, la sola scriptura cherche la figure primitive de la foi, telle qu'elle se trouve à l'origine dans la Parole biblique. La métaphysique apparaît comme un présupposé venu d'ailleurs, dont il faut libérer la foi pour qu'elle puisse de nouveau redevenir pleinement elle-même. Avec une radicalité que les réformateurs ne pouvaient prévoir, Kant a agi à partir de ce programme en affirmant qu'il a dû mettre la pensée de côté pour pouvoir faire place à la foi. Du coup, il a ancré la foi exclusivement dans la raison pratique et il lui a dénié l'accès à la totalité de la réalité.

La théologie libérale des XIXe et XXe siècles a amené une deuxième vague dans ce programme de déshellénisation, dont Adolf von Harnack est un éminent représentant. Du temps de mes études, tout comme durant les premières années de mon activité universitaire, ce programme était aussi fortement à l’oeuvre dans la théologie catholique. La distinction de Pascal entre le Dieu des philosophes et le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob servait de point de départ. Dans ma leçon inaugurale à Bonn en 1959, j'ai essayé de m'y confronter et je ne voudrais pas reprendre de nouveau tout cela ici [12]. Mais je voudrais essayer, au moins très brièvement, de mettre en lumière l'aspect nouveau qui distingue cette deuxième vague de déshellénisation. L'idée centrale qui apparaît chez Harnack est le retour à Jésus simple homme et à son message simple, qui serait antérieur à toutes les théologisations et aussi à toutes les hellénisations. Ce message simple représenterait le véritable sommet de l'évolution religieuse de l'humanité. Jésus aurait congédié le culte au bénéfice de la morale. En définitive, on le représente comme le père d'un message moral philanthropique. Le souci de Harnack est au fond de mettre le christianisme en harmonie avec la raison moderne, précisément en le libérant d'éléments apparemment philosophiques et théologiques comme, par exemple, la foi en la divinité du Christ et en la Trinité de Dieu. En ce sens, l'exégèse historico-critique du Nouveau Testament, telle qu'il la voyait, réintègre de nouveau la théologie dans le système de l'Université. Pour Harnack, la théologie est essentiellement historique et, de ce fait, rigoureusement scientifique. Ce qu'elle découvre de Jésus par la voie critique est pour ainsi dire l'expression de la raison pratique. Du même coup, elle a sa place justifiée dans le système de l'Université. En arrière plan, on perçoit l'autolimitation moderne de la raison, qui a trouvé son expression classique dans les Critiques de Kant, mais qui, entre-temps encore, a été radicalisée par la pensée des sciences de la nature. Cette conception moderne de la raison, pour le dire en raccourci, repose sur une synthèse entre le platonisme (cartésianisme) et l'empirisme, confirmée par le progrès technique. D'une part, on présuppose la structure mathématique de la matière, pour ainsi dire, sa rationalité interne, qui permet de la comprendre et de l'utiliser dans sa forme efficiente. Ce présupposé est en quelque sorte l'élément platonicien de la compréhension moderne de la nature. D'autre part, pour nos intérêts, il y va de la fonctionnalité de la nature, où seule la possibilité de la vérification ou de la falsification par l’expérience décide de la certitude. Selon les cas, le poids entre les deux pôles peut se trouver davantage d'un côté ou de l'autre. Un penseur aussi rigoureusement positiviste que Jacques Monod s'est déclaré platonicien convaincu.

Pour notre question, cela entraîne deux orientations décisives. Seule la forme de certitude, résultant de la combinaison des mathématiques et des données empiriques, autorise à parler de scientificité. Ce qui a la prétention d'être science doit se confronter à ce critère. Ainsi, les sciences relatives aux choses humaines comme l'histoire, la psychologie, la sociologie, la philosophie, ont tenté de se rapprocher de ce canon de la scientificité. Mais pour nos réflexions, il est en outre important que la méthode en tant que telle exclue la question de Dieu et la fasse apparaître comme une question non-scientifique ou préscientifique. Mais, de ce fait, nous nous trouvons devant une réduction du rayon de la science et de la raison, qu'il faut mettre en question.

Je reviendrai encore sur ce point. Pour l'instant, il faut d'abord constater que, conduite dans cette perspective, toute tentative visant à ne conserver à la théologie que son caractère de discipline « scientifique » ne garde du christianisme qu'un misérable fragment. Il nous faut aller plus loin : si la science dans son ensemble n'est que cela, l'homme lui-même s'en trouve réduit. Car les interrogations proprement humaines, «d'où venons-nous», « où allons-nous», les questions de la religion et de l'éthique, ne peuvent alors trouver place dans l'espace de la raison commune, délimitée par la « science » ainsi comprise, et doivent être renvoyées au domaine de la subjectivité. Au nom de ses expériences, le sujet décide ce qui lui semble acceptable d'un point de vue religieux, et la « conscience » subjective devient, en définitive, l'unique instance éthique. Cependant, l'éthique et la religion perdent ainsi leur force de construire une communauté et tombent dans l'arbitraire. Cette situation est dangereuse pour l'humanité. Nous le constatons bien avec les pathologies de la religion et de la raison, qui nous menacent et qui doivent éclater nécessairement là où la raison est si réduite que les questions de la religion et de la morale ne la concernent plus. Ce qui nous reste de tentatives éthiques fondées sur les lois de l'évolution ou de la psychologie et de la sociologie est tout simplement insuffisant.

Avant de parvenir aux conclusions auxquelles tend ce raisonnement, il me faut encore évoquer brièvement la troisième vague de déshellénisation, qui a cours actuellement. Au regard de la rencontre avec la pluralité des cultures, on dit volontiers aujourd'hui que la synthèse avec l'hellénisme, qui s'est opérée dans l'Église antique, était une première inculturation du christianisme qu'il ne faudrait pas imposer aux autres cultures. Il faut leur reconnaître le droit de remonter en deçà de cette inculturation vers le simple message du Nouveau Testament, pour l'inculturer à nouveau dans leurs espaces respectifs. Cette thèse n'est pas simplement erronée mais encore grossière et inexacte. Car le Nouveau Testament est écrit en grec et porte en lui-même le contact avec l'esprit grec, qui avait mûri précédemment dans l'évolution de l'Ancien Testament. Certes, il existe des strates dans le processus d'évolution de l'Église antique qu'il n'est pas besoin de faire entrer dans toutes les cultures. Mais les décisions fondamentales, qui concernent précisément le lien de la foi avec la recherche de la raison humaine, font partie de la foi elle-même et constituent des développements qui sont conformes à sa nature.

J'en arrive ainsi à la conclusion. L'essai d'autocritique de la raison moderne esquissé ici à très gros traits n'inclut d'aucune façon l'idée qu'il faille remonter en deçà des Lumières (Aufklärung) et rejeter les intuitions de l'époque moderne. Nous reconnaissons sans réserve la grandeur du développement moderne de l'esprit. Nous sommes tous reconnaissants pour les vastes possibilités qu'elle a ouvertes à l'homme et pour les progrès en humanité qu'elle nous a donnés. L'éthique de la scientificité – vous y avez fait allusion M. le Recteur magnifique – est par ailleurs volonté d'obéissance à la vérité et, en ce sens, expression d'une attitude fondamentale qui fait partie des décisions essentielles de l'esprit chrétien. Il n'est pas question de recul ni de critique négative, mais d'élargissement de notre conception et de notre usage de la raison. Car, tout en nous réjouissant beaucoup des possibilités de l'homme, nous voyons aussi les menaces qui surgissent de ces possibilités et nous devons nous demander comment les maîtriser. Nous ne le pouvons que si foi et raison se retrouvent d'une manière nouvelle, si nous surmontons la limitation autodécrétée de la raison à ce qui est susceptible de falsification dans l'expérience et si nous ouvrons de nouveau à la raison tout son espace. Dans ce sens, la théologie, non seulement comme discipline d'histoire et de science humaine, mais spécifiquement comme théologie, comme questionnement sur la raison de la foi, doit avoir sa place dans l'Université et dans son large dialogue des sciences.

C'est ainsi seulement que nous devenons capables d'un véritable dialogue des cultures et des religions, dont nous avons un besoin si urgent. Dans le monde occidental domine largement l'opinion que seule la raison positiviste et les formes de philosophie qui s'y rattachent seraient universelles. Mais les cultures profondément religieuses du monde voient cette exclusion du divin de l'universalité de la raison comme un outrage à leurs convictions les plus intimes. Une raison qui reste sourde au divin et repousse la religion dans le domaine des sous-cultures est inapte au dialogue des cultures. En cela, comme j'ai essayé de le montrer, la raison des sciences modernes de la nature, avec l'élément platonicien qui l'habite, porte en elle une question qui la transcende, ainsi que ses possibilités méthodologiques. Elle doit tout simplement accepter comme un donné la structure rationnelle de la matière tout comme la correspondance entre notre esprit et les structures qui régissent la nature : son parcours méthodologique est fondé sur ce donné. Mais la question « pourquoi en est-il ainsi ? » demeure. Les sciences de la nature doivent l'élever à d'autres niveaux et à d'autres façons de penser – à la philosophie et à la théologie. Pour la philosophie et, d'une autre façon, pour la théologie, écouter les grandes expériences et les grandes intuitions des traditions religieuses de l'humanité, mais spécialement de la foi chrétienne, est une source de connaissance à laquelle se refuser serait une réduction de notre faculté d'entendre et de trouver des réponses. Il me vient ici à l'esprit un mot de Socrate à Phédon. Dans les dialogues précédents, beaucoup d'opinions philosophiques erronées avaient été traitées, maintenant Socrate dit : « On comprendrait aisément que, par dépit devant tant de choses fausses, quelqu'un en vienne à haïr et à mépriser tous les discours sur l'être pour le reste de sa vie. Mais de cette façon, il se priverait de la vérité de l'être et pâtirait d'un grand dommage » [13]. Depuis longtemps, l'Occident est menacé par cette aversion pour les interrogations fondamentales de la raison et il ne pourrait qu'en subir un grand dommage. Le courage de s'ouvrir à l'ampleur de la raison et non de nier sa grandeur – tel est le programme qu'une théologie se sachant engagée envers la foi biblique doit assumer dans le débat présent. « Ne pas agir selon la raison, ne pas agir avec le Logos, est en contradiction avec la nature de Dieu » a dit Manuel II à son interlocuteur persan, en se fondant sur sa vision chrétienne de Dieu. Dans ce grand Logos, dans cette amplitude de la raison, nous invitons nos interlocuteurs au dialogue des cultures. La retrouver nous-mêmes toujours à nouveau est la grande tâche de l'Université.



[1] De l’ensemble des 26 colloques (d???e??? – Khoury traduit controverse) du dialogue (« Entretien »), Th. Khoury a publié la 7e « controverse » avec des notes et une large introduction sur l’origine du texte, sur la tradition manuscrite et sur la structure du dialogue, ainsi que de brefs résumés des « controverses » non éditées ; au texte grec est associée une traduction française : Manuel II Paléologue « Entretiens avec un Musulman. 7e controverse » : SC 115, Paris, 1966. De plus, Karl Förstel a publié dans le Corpus Islamico-Christianum (Série grecque, Rédaction A. Th. Khoury – R. Glei) une édition commentée du texte, grec-allemand: Manuel II Paléologue, Dialogue avec un Musulman, 3 vol., Würzburg – Altenberge, 1993-1996. Déjà en 1966, E. Trapp avait publié le texte grec – avec une introduction – comme deuxième volume de « Wiener byzantinischen Studien ». Je citerai par la suite selon Khoury.
[2] Sur l’origine et la rédaction du dialogue, cf. Khoury pp. 22-29 ; on trouve aussi de larges commentaires à ce sujet dans les éditions Förstel et Trapp.
[3] Controverse VII, 2c : Khoury, pp. 142-143 ; Förstel, vol. I, VII, Dialogue 1.5, pp. 240-241. Dans le monde musulman cette citation a été malheureusement considérée comme une expression de ma position personnelle et elle a de ce fait suscité une indignation compréhensible. Je souhaite que le lecteur de mon texte puisse comprendre rapidement que cette phrase n’exprime pas mon jugement personnel sur le Coran, envers lequel j’ai le respect dû au livre sacré d’une grande religion. Avec la citation du texte de l’empereur Manuel II, j’entendais seulement mettre en évidence le rapport essentiel entre foi et raison. Sur ce point, je suis d’accord avec Manuel II, sans pour autant faire mienne la polémique.
[4] Controverse, VII 3b – c : Khoury, pp. 144-145 ; Förstel, vol. I, VII Dialogue 1.6 pp. 240-243.
[5] C’est seulement pour cette affirmation que j’ai cité le dialogue entre Manuel II et son interlocuteur persan. C’est là qu’apparaît le thème des réflexions qui suivent.
[6] Cf. Khoury, op. cit. p. 144, n. 1.
[7] R. Arnaldez, Grammaire et théologie chez Ibn Hazm de Cordoue, Paris, 1956, p. 13 ; cf. Khoury p. 144. Le fait que, dans la théologie du Moyen-Âge tardif, il existe des positions comparables apparaîtra dans le développement ultérieur de mon discours.
[8] Pour l’interprétation largement discutée de l’épisode du buisson ardent, je voudrais renvoyer à mon livre Einführung in das Christentum (Munich, 1968), pp. 84-102. Je pense que, dans ce livre, mes affirmations restent encore valables, malgré les développements ultérieurs du débat.
[9] Cf. A. Schenker : l’Écriture sainte subsiste en plusieurs formes canoniques simultanées : L’interpretazione della Bibbia nella Chiesa. Atti del Simposio promosso dalla Congregazione per la Dottrina della Fede, Città del Vaticano, 2001, pp. 178-186.
[10] Sur cette question je me suis exprimé de manière plus détaillée dans mon livre Der Geist der Liturgie. Eine Einführung, Freiburg 2000, 38-42.
[11] De l’importante littérature sur le thème de la deshellénisation, je voudrais d’abord mentionner A. Grillmeier, Hellenisierung – Judaisierung des Christentums als Deuteprinzipien der Geschichte des kirchlichen Dogmas : Id., Mit ihm und in ihm. Christologische Forschungen und Perspektiven, Freiburg, 1975, pp. 423-488.
[12] Publié et commenté récemment par Heino Sonnemanns: Joseph Ratzinger – Benedikt XVI, Der Gott des Glaubens und der Gott der Philosophen. Ein Beitrag zum Problem der theologia naturalis. Johannes-Verlag Leutesdorf, 2 ergänzte Auflage, 2005.
[13] 90c-d. Pour ce texte, cf. R. Guardini, Der Tod des Sokrates. Mainz-Paderborn, 19875, pp. 218-221.



Discours 2005-2013 245