Discours 2005-2013 283


VISITE DU SAINT-PÈRE À L'UNIVERSITÉ PONTIFICALE DU LATRAN Aula Magna de l'Université Pontificale du Latran Samedi, 21 octobre 2006



A son arrivée au siège de l'Université du Latran, le Pape Benoît XVI a salué par ces mots les étudiants et les collaborateurs qui n'avaient pu trouver de place à l'intérieur de l'Aula Magna:

Je suis heureux d'être ici dans "mon" Université, parce cette Université est celle de l'Evêque de Rome. Je sais qu'ici, l'on cherche la vérité et ainsi, en dernière analyse, on cherche le Christ parce qu'Il est la vérité en personne. Ce chemin vers la vérité - tenter de mieux connaître la vérité dans toutes ses expressions - est en réalité un service ecclésial fondamental. Un grand théologien belge a écrit un livre: "L'amour des lettres et le désir de Dieu", et il a montré que dans la tradition du monachisme, les deux choses vont de pair, parce que Dieu est Parole et nous parle à travers l'Ecriture. Cela suppose donc que nous commencions à lire, à étudier, à approfondir la connaissance des lettres, et ainsi nous approfondissons notre connaissance de la Parole. En ce sens, l'ouverture de la bibliothèque est un événement tant universitaire, académique, que spirituel et théologique également, parce que précisément en lisant, en chemin vers la vérité, en étudiant les paroles pour trouver la Parole, nous sommes au service du Seigneur. Un service de l'Evangile pour le monde, parce que le monde a besoin de la vérité. Sans vérité, il n'y a pas de liberté, nous ne nous trouvons pas totalement dans l'idée originelle du Créateur.

Merci à vous pour votre travail! Que le Seigneur vous bénisse tout au long de cette année académique.
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Messieurs les Cardinaux,
284 Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs,
Très chers étudiants!

Je suis particulièrement heureux de pouvoir partager avec vous le début de l'année académique, qui coïncide avec l'inauguration solennelle de la nouvelle Bibliothèque et de cette Aula Magna. Je remercie le Grand Chancelier, Monsieur le Cardinal Camillo Ruini, des paroles de bienvenue qu'il m'a adressées au nom de toute la communauté académique. Je salue le Recteur magnifique, Mgr Rino Fisichella, et je le remercie de son discours marquant le début de ce solennel acte académique. Je salue les Cardinaux, les Archevêques et les Evêques, les Autorités académiques et tous les professeurs, ainsi que tous ceux qui travaillent au sein de l'Université. Je salue ensuite avec une affection particulière tous les étudiants, parce que l'Université est créée pour eux.

Je me souviens avec plaisir de ma dernière visite au Latran et, comme si le temps n'était pas passé, je voudrais reprendre le thème dont il était alors question, comme si nous ne l'avions interrompu que pour quelques instants. Un contexte tel que le contexte universitaire invite de manière toute particulière à aborder à nouveau le thème de la crise de la culture et de l'identité, à laquelle, de façon dramatique, nous assistons au cours de ces dernières décennies. L'Université est l'un des lieux les mieux qualifiés pour tenter de trouver les voies opportunes pour sortir de cette situation. Au sein de l'Université, en effet, on conserve la richesse de la tradition, qui demeure vivante au cours des siècles - et la Bibliothèque est justement un élément essentiel pour conserver la richesse de la tradition -; en elle, on peut illustrer la fécondité de la vérité quand elle est accueillie dans son authenticité avec un esprit simple et ouvert. Dans l'Université, l'on forme les nouvelles générations, qui attendent une proposition sérieuse, engagée et capable de répondre dans de nouveaux contextes à la question éternelle sur le sens de notre existence. Cette attente ne doit pas être déçue. Le contexte contemporain semble accorder un primat à une intelligence artificielle qui est toujours davantage sous l'emprise de la technique expérimentale et oublie ainsi que toute science doit toujours également sauvegarder l'homme et engager son aspiration vers le bien authentique. Surévaluer l'"action" en dissimulant l'"être" n'aide pas à recomposer l'équilibre fondamental dont chacun a besoin pour donner à sa propre existence un solide fondement et une finalité valable.

Tout homme, en effet, est appelé à donner un sens à son action surtout lorsque celle-ci se place dans la perspective d'une découverte scientifique qui invalide l'essence même de la vie personnelle. Se laisser entraîner par le goût de la découverte sans sauvegarder les critères qui viennent d'une vision plus profonde ferait facilement verser dans le drame dont parlait le mythe antique: le jeune Icare, pris par le goût du vol vers la liberté absolue et inattentif aux avertissements de son vieux père Dédale, s'approche toujours davantage du soleil, en oubliant que les ailes avec lesquelles il s'est élevé vers le ciel sont de cire. La terrible chute et la mort sont le tribut qu'il paie à cette illusion. Le mythe antique contient une leçon d'une valeur éternelle. Dans la vie, il y a bien d'autres illusions auxquelles on ne peut se fier, sans risquer des conséquences désastreuses pour sa propre existence et celle des autres.

Le professeur universitaire a le devoir non seulement d'enquêter sur la vérité et d'en susciter un émerveillement éternel, mais également de promouvoir sa connaissance dans toutes ses dimensions et de la défendre contre des interprétations réductrices et déformées. Placer au centre le thème de la vérité n'est pas un acte purement spéculatif, réservé à un petit cercle de penseurs; au contraire, c'est une question vitale pour donner une profonde identité à la vie personnelle et susciter la responsabilité dans les relations sociales (cf. Ep
Ep 4,25). En effet, si l'on abandonne la question sur la vérité et la possibilité concrète pour toute personne de pouvoir y parvenir, la vie finit par se réduire à un éventail d'hypothèses, privées de références sûres. Comme le disait le célèbre humaniste Erasme: "Les opinions sont des sources de bonheur à bon compte! Apprendre la vraie nature des choses, même s'il s'agit de choses de moindre importance, coûte beaucoup d'efforts" (Eloge de la folie, XL, VII). C'est cet effort que l'Université doit s'engager à accomplir; cela passe à travers l'étude et la recherche, dans un esprit de patiente persévérance. Cet effort, quoi qu'il en soit, permet de pénétrer progressivement au coeur des questions et ouvre à la passion de la vérité et à la joie de l'avoir trouvée. Les paroles du saint Evêque Anselme d'Aoste conservent tout le poids de leur actualité: "Qu'en désirant je te cherche, qu'en cherchant je te désire, qu'en aimant je te trouve, qu'en te retrouvant je t'aime" (Proslogion, 1). Que l'espace du silence et de la contemplation, qui sont le cadre indispensable dans lequel poser les interrogations que suscite l'esprit, puissent trouver entre ces murs des personnes attentives qui sachent en mesurer l'importance, l'efficacité et les conséquences pour la vie personnelle et sociale.

Dieu est la vérité ultime à laquelle toute raison tend naturellement, sollicitée par le désir d'accomplir pleinement le parcours qui lui a été assigné. Dieu n'est pas une parole vide, ni une hypothèse abstraite; au contraire, il est le fondement sur lequel construire sa propre vie. Vivre dans le monde "veluti si Deus daretur" implique d'assumer la responsabilité de savoir se charger d'enquêter sur tous les parcours existants à condition de s'approcher le plus possible de Lui, qui est la fin vers laquelle tend toute chose (cf. 1Co 15,24). Le croyant sait que ce Dieu a un visage et qu'une fois pour toutes, avec Jésus Christ, il s'est fait proche de chaque homme. Le Concile Vatican II l'a rappelé avec acuité: "Car, par son incarnation, le Fils de Dieu s'est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. Il a travaillé avec des mains d'homme, il a pensé avec une intelligence d'homme, il a agi avec une volonté d'homme, il a aimé avec un coeur d'homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l'un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché" (Gaudium et spes GS 22). Le connaître, c'est connaître la pleine vérité, grâce à laquelle on trouve la liberté: "Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera" (Jn 8,32).

Avant de conclure, je souhaite dire combien j'apprécie la réalisation du nouveau complexe architectural qui complète bien les structures de l'Université, en les rendant toujours mieux adaptées à l'étude, à la recherche et à l'animation de la vie de toute la communauté. Vous avez voulu dédier à mon humble personne cette Aula Magna. Je vous remercie de cette pensée; je souhaite qu'elle puisse être un centre fécond d'activité scientifique à travers lequel l'Université du Latran pourra se faire l'instrument d'un dialogue fructueux entre les diverses réalités religieuses et culturelles, dans la recherche commune de parcours qui favorisent le bien et le respect de tous.

Avec ces sentiments, tout en demandant au Seigneur de répandre sur ces lieux l'abondance de ses lumières, je confie le chemin de cette Année académique à la protection de la Très Sainte Vierge, et je donne à tous ma Bénédiction apostolique propitiatoire.


À L'OCCASION DU XV ANNIVERSAIRE DE LA FONDATION JEAN-PAUL II Salle des Bénédictions Lundi 23 octobre 2006

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Mesdames et Messieurs!

Je salue cordialement chacun de vous, qui êtes venus à Rome pour célébrer solennellement le XXV anniversaire de la Fondation "Jean-Paul II". Je remercie le Card. Stanislaw Dziwisz, Archevêque métropolitain de Cracovie, des paroles qu'il vient de m'adresser. Je souhaite la bienvenue au Cardinal Adam Maida et à tous les Archevêques et Evêques ici présents. Je salue le Conseil de la Fondation, guidé par son Président, Mgr Szczepan Wesoly, les directeurs de chaque institution de la Fondation, ainsi que les Présidents et les membres des Cercles des Amis de la Fondation, qui sont venus de diverses parties du monde.

Je suis heureux de pouvoir accueillir aujourd'hui les représentants de ceux qui, dans le monde entier, sont engagés à garder vivante la mémoire de Jean-Paul II, de son enseignement et de l'oeuvre apostolique qu'Il a accomplie au cours de son Pontificat. Et il faut dire qu'il s'agit d'un engagement vraiment prometteur, car il ne se réfère pas seulement au travail d'archives ou de recherche, mais il touche désormais le mystère de la sainteté du Serviteur de Dieu. Grâce à votre soutien spirituel et financier, la Fondation poursuit l'activité définie par ses Statuts dans le domaine aussi bien culturel que scientifique, social et pastoral. Elle rassemble les documents concernant le Pontificat de Jean-Paul II, elle étudie et diffuse l'enseignement pontifical et le Magistère de l'Eglise, en établissant des contacts et en collaborant avec les centres scientifiques et artistiques polonais et internationaux. Cet engagement de la Fondation assume une nouvelle signification après la disparition du Souverain Pontife. Le recueil des écrits pontificaux et de la riche documentation de l'activité du Saint-Siège, ainsi que des oeuvres littéraires et des commentaires présentés par les moyens de communication sociale, constitue assurément des archives complètes, bien organisées, et représente une base pour l'étude soignée et approfondie du patrimoine spirituel de Jean-Paul II. C'est précisément cette dimension de l'activité de la Fondation que je voudrais souligner aujourd'hui, car il est d'une importance primordiale: l'étude du Pontificat. Jean-Paul II, philosophe et théologien, grand pasteur de l'Eglise, a laissé une richesse d'écrits et de gestes qui expriment son désir de diffuser l'Evangile du Christ dans le monde, en utilisant les méthodes indiquées par le Concile Vatican II, et de tracer les lignes de développement de la vie de l'Eglise au cours du nouveau millénaire. Ces dons précieux ne peuvent pas être oubliés. Aujourd'hui, c'est à vous que je confie, chers membres et amis de la Fondation Jean-Paul II, la tâche d'approfondir et de présenter aux futures générations la richesse de son message.

Enfin, une oeuvre d'importance particulière est constituée par l'aide offerte aux jeunes, en particulier de l'Europe du Centre et de l'Est, dans la poursuite des divers niveaux d'éducation dans les différents domaines du savoir.

Mes remerciements vont à tous ceux qui, au cours de ces vingt-cinq ans, ont soutenu de différentes manières l'activité de la Fondation et à ceux qui guidèrent cette activité avec sagesse et dévouement. Je vous en prie, ne renoncez pas à cette oeuvre utile. Que celle-ci puisse continuer à se développer. Que l'effort commun, soutenu par l'aide de Dieu, continue à produire des fruits magnifiques.

Je vous remercie de votre visite et de cette rencontre. Que Dieu vous bénisse!


AUX ÉTUDIANTS DES UNIVERSITÉS ECCLÉSIASTIQUE ROMAINES POUR LE DÉBUT DE L'ANNÉE ACADÉMIQUE Basilique Vaticane Lundi 23 octobre 2006



Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
286 Chers frères et soeurs!

Je suis heureux de vous rencontrer à l'issue de la Messe et de pouvoir ainsi vous présenter mes voeux pour cette nouvelle Année académique. Je salue en premier lieu Monsieur le Cardinal Zenon Grocholewski, Préfet de la Congrégation pour l'Education catholique, qui a présidé la concélébration eucharistique et je le remercie cordialement des paroles qu'il m'a adressées en votre nom. Je salue le Secrétaire et les autres collaborateurs du Dicastère pour l'Education catholique, en renouvelant à tous l'expression de ma reconnaissance pour le précieux service qu'ils rendent à l'Eglise dans un domaine si important pour la formation des nouvelles générations. Mes salutations s'étendent aux Recteurs, aux professeurs et aux étudiants de toutes les Universités et les Facultés pontificales ici présents et à tous ceux qui sont idéalement unis à nous dans la prière.

Comme chaque année, ce soir aussi s'est donnée rendez-vous la communauté académique ecclésiastique romaine, formée de près de quinze mille personnes et caractérisée par une large diversité d'origines. Des Eglises de toutes les régions du monde, en particulier des diocèses récemment constitués et des territoires missionnaires, des diacres et des séminaristes viennent à Rome pour fréquenter les Universités pontificales, ainsi que des prêtres, des diacres, des religieux et des religieuses et un nombre important de laïcs, pour terminer leurs études supérieures de licence ou de doctorat, ou pour participer à d'autres cours de spécialisation ou de mise à jour. Ils trouvent ici des professeurs et des formateurs qui, à leur tour, sont de diverses nationalités et de cultures différentes. Toutefois, une telle variété n'engendre pas une dispersion parce que, comme l'exprime également sous sa forme la plus haute la célébration liturgique d'aujourd'hui, toutes les Universités, les Facultés et les Collèges tendent à une unité supérieure, en obéissant à des critères communs de formation, en premier lieu celui de la fidélité au Magistère. Par conséquent, au début d'une nouvelle année, rendons grâce au Seigneur pour cette singulière communauté de professeurs et d'étudiants, qui manifeste de manière éloquente l'universalité et l'unité de l'Eglise catholique. Une communauté d'autant plus belle qu'elle s'adresse de manière prioritaire à des jeunes, en leur donnant l'opportunité d'entrer en contact avec des institutions de haute valeur théologique et culturelle, et en leur offrant, dans le même temps, la possibilité d'expériences ecclésiales et pastorales enrichissantes.

Je voudrais réaffirmer également à cette occasion, comme j'ai eu l'opportunité de le faire lors de diverses rencontres avec des prêtres et des séminaristes, l'importance prioritaire de la vie spirituelle et la nécessité d'être attentifs, à côté de la croissance culturelle, à un mûrissement humain équilibré et à une profonde formation ascétique et religieuse. Qui veut être ami de Jésus et devenir son disciple authentique - qu'il soit séminariste, prêtre, religieux, religieuse ou laïc - ne peut pas ne pas cultiver une profonde amitié avec lui dans la méditation et dans la prière. L'approfondissement des vérités chrétiennes et l'étude de la théologie ou d'une autre discipline religieuse, présuppose une éducation au silence et à la contemplation, parce qu'il faut devenir capables d'écouter avec le coeur Dieu qui parle. La pensée a toujours besoin de purification pour pouvoir entrer dans la dimension dans laquelle Dieu prononce sa Parole créatrice et rédemptrice, son Verbe "sorti du silence", pour reprendre la belle expression de saint Ignace d'Antioche (Lettre aux Magnésiens, VIII, 2). Ce n'est que si elles proviennent du silence de la contemplation que nos paroles peuvent avoir quelque valeur et utilité, et ne pas retomber dans l'inflation des discours du monde, qui recherchent l'accord de l'opinion commune. Celui qui étudie dans un Institut ecclésiastique doit par conséquent se préparer à l'obéissance à la vérité et donc cultiver une ascèse particulière de la pensée et de la parole. Un telle ascèse se fonde sur la familiarité emplie d'amour avec la Parole de Dieu et plus encore, dirais-je, avec ce "silence" dont la Parole tire son origine dans le dialogue d'amour entre le Père et le Fils dans l'Esprit Saint. Nous avons nous-mêmes accès à ce dialogue à travers la sainte humanité du Christ. C'est pourquoi, chers amis, comme le firent les disciples du Seigneur, demandez-Lui: Maître "apprends-nous à prier" (
Lc 11,1), et aussi: apprends-nous à penser, à écrire et à parler, parce que ces choses sont étroitement liées entre elles.

Telles sont les suggestions que j'adresse à chacun de vous, chers frères et soeurs, au début de cette nouvelle année académique. Je les accompagne de l'assurance d'un souvenir particulier dans la prière, pour que l'Esprit Saint éclaire vos coeurs et vous conduise à une claire connaissance du Christ, capable de transformer votre existence, parce que Lui seul a les paroles de vie éternelle (cf. Jn 6,68). Votre apostolat sera demain riche et fructueux dans la mesure où, au cours de ces années, vous vous préparez en étudiant avec sérieux, et surtout dans la mesure où vous nourrissez votre relation personnelle avec Lui, en tendant à la sainteté et en ayant comme unique but de votre existence la réalisation du Royaume de Dieu. Je confie mes voeux à l'intercession maternelle de la Très Sainte Vierge Marie, Siège de la Sagesse: puisse-t-elle vous accompagner au cours de cette nouvelle année d'études et exaucer chacune de vos attentes et de vos espérances. Je donne avec affection à chacun de vous et à vos communautés d'études, ainsi qu'à vos proches, une Bénédiction apostolique particulière.


À S.E. M. FRANK DE CONINCK AMBASSADEUR DU ROYAUME DE BELGIQUE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Jeudi 26 octobre 2006

À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Monsieur l’Ambassadeur,

J’accueille avec plaisir Votre Excellence au Vatican pour la présentation des Lettres qui L’accréditent en qualité d’Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume de Belgique près le Saint-Siège et je La remercie vivement de m’avoir transmis le message courtois de Sa Majesté le Roi Albert II et de Sa Majesté la Reine. Me souvenant de la visite que m’ont rendue Leurs Majestés en avril dernier, je vous saurais gré de bien vouloir Leur exprimer en retour mes voeux les meilleurs pour Leurs personnes, pour la Reine Fabiola, pour le Prince Philippe et la Princesse Mathilde, ainsi que pour les responsables de la vie civile et pour tout le peuple belge.

Cinquante ans après le lancement du grand projet de la construction européenne, qui provient de l’esprit chrétien et dont la Belgique était partie prenante dès le début, les avancées sont considérables, même si de nouvelles difficultés sont apparues récemment : le continent européen retrouve peu à peu son unité dans la paix, et l’Union européenne est devenue, dans le monde, une force économique de premier plan, ainsi qu’un signe d’espérance pour beaucoup. Devant les exigences de la mondialisation des échanges et de la solidarité entre les hommes, l’Europe doit continuer de s’ouvrir et de s’engager dans les grands chantiers de la planète. Au premier rang de ces défis, se trouve la question de la paix et de la sécurité, alors qu’on observe une situation internationale fragilisée par des conflits qui durent, en particulier au Moyen-Orient avec les situations toujours dramatiques de la Terre Sainte, du Liban et de l’Irak, mais aussi en Afrique et en Asie. Il importe au plus haut point que la communauté internationale et tout spécialement l’Union européenne se mobilisent avec détermination en faveur de la paix, du dialogue entre les nations et du développement. Je sais que la Belgique ne ménage pas ses efforts en ce sens et je salue particulièrement ceux qu’elle déploie pour aider les pays d’Afrique centrale à déterminer dans la paix leur propre avenir, comme ceux qu’elle accomplit dans le cadre du Liban, auquel vous venez de faire référence. Pour ma part, je peux vous assurer de l’engagement résolu du Saint-Siège à oeuvrer de toutes ses forces en faveur de la paix et du développement.

Un autre défi concerne l’avenir de l’homme et son identité. Les immenses progrès de la technique ont bousculé bien des pratiques dans le domaine des sciences médicales, tandis que la libéralisation des moeurs a considérablement relativisé des normes qui paraissaient intangibles. De ce fait, dans les sociétés occidentales caractérisées de plus par la surabondance des biens de consommation et par le subjectivisme, l’homme est affronté à une crise de sens. Dans un certain nombre de pays, on voit en effet apparaître des législations nouvelles qui remettent en cause le respect de la vie humaine de sa conception jusqu’à sa fin naturelle, au risque de l’utiliser comme un objet de recherche et d’expérimentation, portant ainsi gravement atteinte à la dignité fondamentale de l’être humain. Se fondant sur sa longue expérience et sur le trésor de la Révélation qu’elle a reçu en dépôt pour le partager, l’Église entend rappeler avec force ce qu’elle croit à propos de l’homme et de sa prodigieuse destinée, donnant à chacun la clé de lecture de l’existence et des raisons d’espérer. C’est ce qu’elle souhaite proposer au cours de la mission qui commencera dans quelques jours, «Bruxelles Toussaint 2006». Quand les Évêques de Belgique plaident en faveur du développement des soins palliatifs, afin de permettre à ceux qui le désirent de mourir dans la dignité, ou quand ils interviennent dans les débats de la société, pour rappeler qu’il existe «une frontière morale invisible devant laquelle le progrès technique doit s’incliner : la dignité de l’homme» (Déclaration des Évêques de Belgique, Dignité de l’enfant et technique médicale), ils entendent servir la société tout entière en indiquant les conditions d’un véritable avenir de liberté et de dignité pour l’homme. Avec eux, j’invite les responsables politiques qui sont chargés d’établir les lois pour le bien de tous à mesurer avec gravité la responsabilité qui est la leur et les enjeux de ces questions d’humanité.

Votre pays, le Royaume de Belgique, s’est construit autour du principe monarchique, faisant du Roi le garant de l’unité nationale et du respect des particularités linguistiques et culturelles de chaque communauté au sein de la Nation. L’unité d’un pays, toujours à parfaire, nous le savons bien, requiert de la part de tous la volonté de servir l’intérêt commun et de se connaître toujours mieux grâce au dialogue et à l’enrichissement mutuel. Aujourd’hui, l’accueil d’immigrés de plus en plus nombreux et la multiplication sur un même sol de communautés différentes par leur culture d’origine ou leur religion rendent absolument nécessaire, dans nos sociétés, le dialogue entre les cultures et entre les religions, comme je l’ai rappelé au cours de mon récent voyage en Bavière et comme vous venez vous-même de le souligner. Il convient d’approfondir la connaissance mutuelle, en respectant les convictions religieuses de chacun et les légitimes exigences de la vie sociale, conformément aux lois en vigueur, et d’accueillir les immigrés, de sorte qu’on respecte toujours leur dignité. Pour cela, il importe de mettre en oeuvre une politique d’immigration qui sache concilier les intérêts propres du pays d’accueil et le nécessaire développement des pays les moins favorisés, politique soutenue aussi par une volonté d’intégration qui ne laisse pas se développer des situations de rejet ou de non-droit, comme le révèle le drame des sans-papiers. On évitera ainsi les risques du repli sur soi, du nationalisme exacerbé ou même de la xénophobie, et on pourra espérer un développement harmonieux de nos sociétés pour le bien de tous les citoyens.

287 Au terme de notre entretien, permettez-moi, Monsieur l’Ambassadeur, de saluer par votre entremise les Évêques et tous les membres de la communauté catholique de Belgique, afin de les encourager à témoigner sans se lasser de leur espérance, dans tous les secteurs de la vie sociale et professionnelle, sans oublier les prisons, les hôpitaux et toutes les nouvelles situations de pauvreté qui peuvent exister. Qu’ils portent avec eux la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu !

Au moment où vous inaugurez votre noble mission, sûr que vous trouverez toujours un accueil attentif auprès de mes collaborateurs, je vous offre, Monsieur l’Ambassadeur, mes voeux les meilleurs pour son heureux accomplissement et pour que se poursuivent et se développent des relations harmonieuses entre le Saint-Siège et le Royaume de Belgique.

Sur Votre Excellence, sur sa famille et tout le personnel de l’Ambassade, ainsi que sur la famille royale, sur les Responsables et tous les habitants du pays, j’invoque l’abondance des Bénédictions divines.


AUX PARTICIPANTS AU V CONGRÈS INTERNATIONAL DES DIOCÈSES AUX ARMÉES Salle du Consistoire Jeudi 26 octobre 2006



Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce!

C'est pour moi un plaisir de vous rencontrer à l'occasion du cinquième Congrès international des diocèses aux armées et j'adresse à chacun de vous mes salutations. Je salue en particulier le Cardinal Giovanni Battista Re et je le remercie de ses paroles cordiales. Il y a vingt ans, précisément le 21 avril 1986, le bien-aimé Jean-Paul II promulguait la Constitution apostolique Spirituali militum curae, à travers laquelle était mise à jour la réglementation canonique de l'assistance spirituelle apportée aux militaires, à la lumière du Concile Vatican II, en tenant compte des transformations concernant les forces armées et leur mission sur le plan national et international. En vérité, au cours des dernières décennies, l'horizon mondial a subi d'ultérieures transformations. C'est pourquoi, le Document pontifical, bien que conservant toute son actualité, parce que l'orientation pastorale de l'Eglise ne varie pas, exige d'être toujours mieux adapté aux nécessités du moment présent. C'est ce que vous avez voulu faire de manière tout à fait opportune à travers ce Congrès organisé par la Congrégation pour les Evêques.

Il est tout d'abord important de relire le Préambule de la Constitution apostolique: il contient les motivations de l'intervention magistérielle et il exprime l'esprit pastoral qui anime, inspire et oriente toutes les dispositions réglementaires. Le Document souligne deux valeurs fondamentales: la valeur de la personne et la valeur de la paix. Toute la révision structurelle qui assimile le diocèse aux armées à un diocèse, l'Evêque aux armées à l'Evêque diocésain et l'Aumônier au curé, obéit au critère du service des militaires, qui "ont besoin d'une forme de pastorale concrète et spécifique". Dans le même temps, toutefois, l'on affirme que les personnes auxquelles le diocèse aux armées s'adresse ne cessent pas d'être des fidèles de l'Eglise particulière dans laquelle elles habitent ou du rite auquel elles appartiennent (cf. IV). Cela implique une exigence de communion et de coordination entre le diocèse aux armées et les autres Eglises particulières (cf. II, 4). Tout cela souligne l'objectif prioritaire du soin des christifideles, qui est celui de leur permettre de vivre en plénitude la vocation baptismale et l'appartenance ecclésiale. Nous nous trouvons ainsi précisément dans la perspective dans laquelle se plaça le serviteur de Dieu Jean-Paul II à l'occasion du troisième Congrès des diocèses aux armées, en 1994 (cf. Insegnamenti XVII, 1 [1994], PP 656-657). Accorder la première place aux personnes signifie privilégier la formation chrétienne du militaire, en l'accompagnant, lui et sa famille, sur le parcours de l'initiation chrétienne, du chemin vocationnel, de la maturation de la foi et du témoignage; et dans le même temps, favoriser les formes de fraternité et de communion, ainsi que de prière liturgique ou non, qui soient appropriées à l'environnement et aux conditions de vie des militaires.

Le deuxième aspect que je voudrais souligner est l'importance fondamentale de la valeur de la paix. A cet égard, Spirituali militum curae cite expressément dans son Préambule la Constitution conciliaire Gaudium et spes, en rappelant que ceux qui accomplissent un service militaire peuvent être considérés "comme les serviteurs de la sécurité et de la liberté des peuples", car "s'ils s'acquittent correctement de cette tâche, ils concourent vraiment au maintien de la paix" (Gaudium et spes GS 79). Ainsi, si le Concile appelle les militaires des ministres de la paix, les Pasteurs auxquels ils sont confiés le seront à plus forte raison! Par conséquent, je vous exhorte tous à faire en sorte que les aumôniers militaires soient d'authentiques experts et maîtres de ce que l'Eglise enseigne et pratique en vue de la construction de la paix dans le monde. La Constitution apostolique du Pape Jean-Paul II constitue une étape significative de ce Magistère et sa contribution sur ce plan peut être synthétisée par l'expression que vous avez à juste titre rappelée et adoptée pour thème de ce Congrès: "Ministerium pacis inter arma - Service de paix entre les armes". Mon Prédécesseur l'envisageait comme une "nouvelle annonce de l'Evangile dans le monde militaire, dont les militaires chrétiens et leurs communautés ne peuvent manquer d'être les premiers messagers" (Discours au III Congrès des diocèses aux armées, n. 4; in Insegnamenti, cit., p. 657).

L'Eglise est par nature missionnaire et son premier devoir est l'évangélisation, qui vise à annoncer et à témoigner du Christ et à promouvoir dans tous les milieux et les cultures son Evangile de paix et d'amour. Dans le monde militaire également, l'Eglise est appelée à être "sel", "lumière" et "levain", pour reprendre les images auxquelles Jésus lui-même fait référence, afin que la mentalité et les structures soient toujours plus pleinement orientées vers l'édification de la paix, c'est-à-dire de cet "ordre fixé et voulu par l'amour de Dieu" (Message pour la Journée mondiale de la Paix, 1 janvier 2006, n. 3), dans lequel les personnes et les peuples peuvent se développer intégralement et voir reconnus leurs propres droits fondamentaux (ibid., n. 4).

288 Le magistère de l'Eglise sur le thème de la paix constitue un aspect essentiel de sa doctrine sociale et, à partir de racines très anciennes, il s'est progressivement développé au cours du siècle dernier dans une sorte de "crescendo" qui culmina dans la Constitution pastorale Gaudium et spes, dans les Encycliques du Bienheureux Jean XXIII et des serviteurs de Dieu Paul VI et Jean-Paul II, ainsi que dans leurs interventions à l'ONU et dans les Messages pour les Journées mondiales de la Paix. Cet appel insistant à la paix a influencé la culture occidentale en promouvant l'idée que les forces armées sont "au service exclusif de la défense, de la sécurité et de la liberté des peuples" (cf. Jean-Paul II, Discours au III Congrès des diocèses aux armées, n. 4; in Insegnamenti, cit., p. 657). Malheureusement, parfois, d'autres intérêts - économiques et politiques - exacerbés par les tensions internationales, font que cette tendance constructive rencontre des obstacles et des retards, comme cela transparaît également dans les difficultés que rencontrent les processus de désarmement. Du sein même du monde militaire, l'Eglise continuera à offrir son service à la formation des consciences, certaine que la Parole de Dieu, généreusement semée et courageusement accompagnée par le service de la charité et de la vérité, produit du fruit en son temps.

Chers et vénérés frères, pour offrir aux personnes un soin pastoral adapté et pour accomplir la mission évangélisatrice, les diocèses aux armées ont besoin de prêtres et de diacres motivés et formés, ainsi que de laïcs qui collaborent activement et de manière responsable avec les Pasteurs. Je m'unis donc à vous dans la prière au Maître de la moisson, pour qu'il envoie des ouvriers à cette moisson, dans laquelle vous travaillez déjà avec un zèle admirable. Que les exemples lumineux de si nombreux Aumôniers militaires, comme le bienheureux Dom Secondo Pollo, qui ont servi avec un dévouement héroïque Dieu et leurs frères, encouragent les jeunes à placer toute leur vie au service du Royaume de Dieu, un Royaume d'amour, de justice et de paix. Que la Vierge Marie veille toujours sur votre ministère et que vous accompagne ma Bénédiction, que je vous donne de tout coeur à tous, ainsi qu'à vos communautés ecclésiales respectives.

Le V Congrès international des diocèses aux armées s'est conclu dans la matinée du samedi 28 octobre 2006 par la visite de l'Abbaye du Mont Cassin et la Concélébration eucharistique présidée par l'Abbé du Mont Cassin, Evêque titulaire de Minturno, S.Exc. Mgr Fabio Bernardo D'Onorio.



Discours 2005-2013 283