Discours 2005-2013 292

AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES Salle des Papes Lundi 6 novembre 2006



Excellences,
293 Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de saluer les membres de l'Académie pontificale des Sciences à l'occasion de cette Assemblée plénière, et je remercie le Professeur Nicola Cabibbo des paroles courtoises de salutation qu'il m'a adressées en votre nom. Le thème de votre rencontre - "Les prévisions scientifiques: exactitude et limites" - concerne une caractéristique distinctive de la science moderne. Les prévisions, en effet, sont l'une des raisons principales du prestige dont jouit la science dans la société contemporaine. L'institution de la méthode scientifique a donné aux sciences la capacité de prévoir les phénomènes, d'en étudier le développement et, donc, de contrôler le milieu dans lequel l'homme vit.

L'"avancée" croissante de la science, et spécialement sa capacité à contrôler la nature à travers la technologie, est allée parfois de pair avec un "recul" de la philosophie, de la religion et même de la foi chrétienne. En effet, certaines personnes ont vu dans le progrès de la science et de la technologie moderne l'une des principales causes de la sécularisation et du matérialisme: pourquoi invoquer le contrôle de Dieu sur ces phénomènes quand la science s'est démontrée en mesure de faire la même chose? L'Eglise reconnaît bien sûr que l'homme "aidé par la science et la technique, a étendu sa maîtrise sur presque toute la nature, et il ne cesse de l'étendre" et donc que "l'homme se procure désormais par sa propre industrie de nombreux biens qu'il attendait autrefois avant tout de forces supérieures" (Gaudium et spes
GS 33). Dans le même temps, le christianisme ne présuppose pas un conflit inévitable entre la foi surnaturelle et le progrès scientifique. Le point de départ même de la révélation biblique est l'affirmation que Dieu a créé les êtres humains dotés de raison, et les a placés au-dessus de toutes les créatures de la terre. De cette manière, l'homme est devenu celui qui administre la création et l'"assistant" de Dieu. Si nous pensons, par exemple, à la façon dont la science moderne, prévoyant les phénomènes naturels, a contribué à la protection de l'environnement, au progrès des pays en voie de développement, à la lutte contre les épidémies et à l'augmentation de l'espérance de vie, il apparaît évident qu'il n'existe pas d'opposition entre la Providence de Dieu et l'entreprise humaine. En effet, nous pourrions dire que le travail de prévoir, de contrôler et de gouverner la nature, que la science rend aujourd'hui davantage réalisable par rapport au passé, est en lui-même une partie du dessein du Créateur.

La science, toutefois, tout en donnant généreusement, ne donne que ce qu'elle doit donner. L'homme ne peut pas placer dans la science et dans la technologie une confiance radicale et inconditionnée au point de croire que le progrès scientifique et technologique puisse expliquer toute chose et répondre pleinement à tous ses besoins existentiels et spirituels. La science ne peut pas remplacer la philosophie et la révélation en répondant de manière exhaustive aux questions les plus radicales de l'homme: des questions sur la signification de la vie et de la mort, sur les valeurs dernières, et sur la nature même du progrès. C'est pour cette raison que le Concile Vatican II, après avoir reconnu les bienfaits obtenus par les progrès scientifiques, a souligné que "les méthodes de recherche [...] sont prises, à tort, comme règle suprême pour la découverte de toute vérité", ajoutant qu'"on peut craindre que l'homme, se fiant trop aux découvertes actuelles, en vienne à penser qu'il se suffit à lui-même et qu'il n'a plus à chercher les valeurs les plus hautes" (ibid., n. 57).

La prévision scientifique soulève également la question des responsabilités éthiques du scientifique. Ses conclusions doivent être guidées par le respect de la vérité et par la reconnaissance honnête tant de l'exactitude que des limites inévitables de la méthode scientifique. Cela signifie bien évidemment éviter les prévisions inutilement alarmantes lorsque celles-ci ne sont pas étayées par des données suffisantes ou vont au-delà des capacités effectives de prévision de la science. Cela signifie cependant également éviter le contraire, c'est-à-dire le silence, né de la peur, face aux problèmes authentiques. L'influence des scientifiques sur la formation de l'opinion publique à partir de leur connaissance est trop importante pour être amoindrie par une hâte inopportune ou par la recherche d'une publicité superficielle. Comme mon prédécesseur le Pape Jean-Paul II l'avait observé: "Les scientifiques, précisément parce qu'ils "savent plus", sont appelés à "servir plus". Etant donné que la liberté dont ils jouissent dans la recherche leur donne accès à une connaissance spécialisée, ils ont la responsabilité de l'utiliser de façon avisée pour le bénéfice de toute la famille humaine" (Discours à l'Académie pontificale des Sciences, 11 novembre 2002).

Chers Académiciens, notre monde continue à se tourner vers vous et vers vos collègues pour parvenir à une claire compréhension des conséquences possibles de nombreux phénomènes naturels importants. Je pense, par exemple, aux menaces incessantes contre l'environnement qui frappent des populations entières, et au besoin urgent de découvrir des sources énergétiques alternatives, sûres, accessibles à tous. Les scientifiques trouveront le soutien de l'Eglise dans leurs efforts pour affronter de telles questions, car l'Eglise a reçu de son divin Fondateur la tâche de guider la conscience des personnes vers le bien, la solidarité et la paix. C'est précisément pour cette raison qu'elle considère comme de son devoir d'insister sur le fait que la capacité de la science à prévoir et à contrôler ne soit jamais utilisée contre la vie humaine et sa dignité, mais qu'elle soit toujours mise au service de la génération présente et des générations futures.

Le thème de votre Assemblée peut aujourd'hui nous suggérer une dernière réflexion. Comme l'ont souligné plusieurs des interventions ces jours derniers, la méthode scientifique elle-même, dans sa recherche de données, dans leur élaboration et dans leur utilisation dans ses projections, possède des limites intrinsèques qui réduisent nécessairement la prévision scientifique à des contextes et des approches spécifiques. La science ne peut donc pas prétendre fournir une représentation complète, déterministe, de notre avenir et du développement de chaque phénomène qu'elle étudie. La philosophie et la théologie pourraient apporter une contribution importante à cette question fondamentalement épistémologique, par exemple en aidant les sciences empiriques à reconnaître la différence entre l'incapacité mathématique de prévoir des événements déterminés et la validité du principe de causalité, ou entre l'indéterminisme ou la contingence (casualité) scientifique et la causalité au niveau philosophique ou, plus radicalement, entre l'évolution comme origine ultime d'une succession dans l'espace et dans le temps et la création comme origine première de l'être participant de l'Etre essentiel.

Dans le même temps, il existe un niveau plus élevé qui transcende nécessairement les prévisions scientifiques, c'est-à-dire le monde humain de la liberté et de l'histoire. Alors que l'univers physique peut avoir son propre développement spatio-temporel, seule l'humanité, au sens strict, possède une histoire, l'histoire de sa liberté. La liberté, comme la raison, est une partie précieuse de l'image de Dieu en nous et ne peut être réduite à une analyse déterministe. Sa transcendance par rapport au monde matériel doit être reconnue et respectée, car elle est un signe de notre dignité humaine. Nier cette transcendance au nom d'une supposée capacité absolue de la méthode scientifique de prévoir et de conditionner le monde humain, comporterait la perte de ce qui est humain dans l'homme et, en ne reconnaissant pas son unicité et sa transcendance, pourrait dangereusement ouvrir la porte à son exploitation.

Chers amis, alors que je conclus ces réflexions, je vous assure encore une fois de mon profond intérêt pour les activités de cette Académie pontificale et de mes prières pour vous et pour vos familles. J'invoque sur vous tous les Bénédictions de la sagesse, de la joie et de la paix de Dieu tout-puissant.

RENCONTRE DU SAINT-PÈRE AVEC LES ÉVÊQUES DE SUISSE Salle Bologne Mardi 7 novembre 2006

294 Eminences, Excellences, chers Confrères!

Je voudrais tout d'abord vous saluer de tout coeur et exprimer ma joie, car il nous a été donné de compléter à présent la visite pastorale, interrompue en 2005, ayant ainsi la possibilité de travailler encore une fois ensemble sur toutes les questions qui nous préoccupent. Je garde encore un vif souvenir de la visite "ad limina" de 2005 lorsque, à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, nous avons parlé ensemble de problèmes qui seront à nouveau débattus au cours de ces journées. J'ai encore à l'esprit l'atmosphère d'engagement profond d'alors, visant à ce que la Parole du Seigneur soit vivante et touche le coeur des hommes de notre époque, afin que l'Eglise soit pleine de vie. Dans notre situation commune difficile en raison d'une culture sécularisée, nous cherchons à comprendre la mission qui nous a été confiée par le Seigneur et à l'accomplir le mieux possible.

Je n'ai pas pu préparer de véritable discours. Je voudrais à présent, concernant chaque grand problème complexe que nous aborderons, effectuer uniquement une "première ébauche", qui n'entend pas présenter des affirmations définitives, mais qui veut seulement engager le dialogue. Il s'agit d'une rencontre entre les Evêques suisses et les divers dicastères de la Curie, dans lesquels sont rendus visibles et sont représentés chacun des secteurs de notre activité pastorale. Je voudrais tenter de commenter certains d'entre eux. Etant donnée mon activité passée, je commence par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, ou mieux: par le thème de la foi. Dans mon homélie, j'ai déjà cherché à dire que, dans toute notre époque tourmentée, la foi doit vraiment avoir la priorité. Deux générations auparavant, celle-ci pouvait encore être présupposée comme quelque chose de naturel: on grandissait dans la foi; d'une certaine manière, elle était simplement présente comme une partie de la vie et ne devait pas être recherchée de façon particulière. Elle avait besoin d'être façonnée et approfondie, elle apparaissait cependant comme une chose évidente. Aujourd'hui, c'est le contraire qui apparaît naturel, c'est-à-dire qu'au fond il n'est pas possible de croire, et qu'en fait Dieu est absent. Dans tous les cas, la foi de l'Eglise semble quelque chose qui appartiendrait à un passé lointain. Ainsi, des chrétiens actifs ont également l'idée qu'il convient de choisir pour soi, dans l'ensemble de la foi de l'Eglise, les choses que l'on considère aujourd'hui encore "défendables". Et surtout, on s'efforce d'accomplir à travers l'engagement pour les hommes, pour ainsi dire, également son propre devoir envers Dieu. Cela est cependant le début d'une espèce de "justification à travers les oeuvres": l'homme se justifie lui-même, ainsi que le monde dans lequel il exerce ce qui semble clairement nécessaire, mais il lui manque la lumière intérieure et l'âme de tout. C'est pourquoi, je crois qu'il est important de prendre à nouveau conscience du fait que la foi est le centre de toute chose - "Fides tua te salvum fecit" dit le Seigneur à plusieurs reprises à ceux qu'il a guéris. Ce n'est pas le contact physique, ce n'est pas le geste extérieur qui décide, mais le fait que ces malades ont cru. Et nous aussi, nous ne pouvons servir le Seigneur de manière vivante que si la foi devient forte et devient présente dans son abondance.

Dans ce contexte, je voudrais souligner deux points cruciaux. Premièrement: la foi est surtout la foi en Dieu. Dans le christianisme, il ne s'agit pas d'un énorme fardeau de choses différentes; mais tout ce que dit le Credo et que le développement de la foi a accompli existe uniquement pour nous faire apparaître plus clairement le visage de Dieu. Il existe et Il vit; nous croyons en Lui; c'est devant Lui, vers Lui, en étant avec Lui et de Lui que nous vivons. Et en Jésus Christ, Il est, pour ainsi dire, physiquement avec nous. Cet aspect central de Dieu doit, selon moi, apparaître de manière complètement nouvelle dans toute notre façon de penser et d'agir. C'est cela qui anime les activités qui, dans le cas contraire, peuvent facilement tomber dans un simple activisme et devenir vaines. Telle est la première chose que je voudrais souligner: que la foi est en réalité décidément orientée vers Dieu, et qu'elle nous pousse nous aussi à regarder vers Dieu et à nous mettre en mouvement vers Lui.

L'autre chose est que nous ne pouvons pas nous-mêmes inventer la foi en la composant avec des morceaux "défendables", mais que nous croyons avec l'Eglise. Nous ne pouvons pas comprendre tout ce qu'enseigne l'Eglise, tout ne doit pas être présent dans chaque vie. Il est cependant important que nous soyons co-croyants dans le grand Moi de l'Eglise, dans son Nous vivant, nous trouvant ainsi dans la grande communauté de la foi, dans ce grand sujet, dans lequel le Toi de Dieu et le Moi de l'homme se touchent vraiment; dans lequel le passé des paroles de l'Ecriture Sainte devient présent, où les temps se pénètrent réciproquement, où le passé est le présent et, en s'ouvrant à l'avenir, laisse entrer dans le temps la splendeur de l'éternité, de l'Eternel. C'est cette forme complète de la foi, exprimée dans le Credo, d'une foi en et avec l'Eglise comme sujet vivant, dans laquelle le Seigneur agit - cette forme de foi que nous devrions chercher à placer véritablement au centre de nos activités. Nous le voyons également aujourd'hui de manière très claire: le développement, là où il a été promu de manière exclusive sans nourrir l'âme, produit des dommages. Alors, les capacités techniques s'accroissent en effet, mais de celles-ci naissent surtout de nouvelles possibilités de destruction. Si en même temps que l'aide en faveur des pays en voie de développement, en même temps que l'apprentissage de tout ce que l'homme est capable de faire, de tout ce que son intelligence a inventé et que sa volonté rend possible, son âme n'est pas également illuminée et que la force de Dieu n'arrive pas, on apprend surtout à détruire. C'est pour cela, je le crois, que la responsabilité missionnaire doit à nouveau devenir forte en nous: si nous sommes heureux de notre foi, nous nous sentons obligés d'en parler aux autres. C'est de Dieu que dépend ensuite la façon dont les hommes pourront l'accueillir.

Je voudrais à présent passer de ce thème à l'"Education catholique", en abordant deux secteurs. Une chose qui, je le pense, suscite en nous tous une "préoccupation" dans le sens positif du terme, est le fait que la formation théologique des futurs prêtres et des autres enseignants et annonciateurs de la foi doit être soignée; nous avons donc besoin de bonnes Facultés de théologie, de grands séminaires adaptés et de professeurs de théologie compétents qui transmettent non seulement des connaissances, mais qui forment à une foi intelligente, de façon à ce que la foi devienne intelligence et l'intelligence devienne foi. A ce propos, je forme un voeu très spécifique. Notre exégèse a accompli de grands progrès; nous connaissons vraiment beaucoup de choses sur le développement des textes, sur la subdivision des sources etc.; nous connaissons la signification qu'a pu avoir la parole à cette époque... Mais nous voyons également toujours davantage que l'exégèse historico-critique, si elle ne reste qu'historico-critique, renvoie la parole dans le passé, en fait une parole des temps passés, une parole qui, au fond, ne nous parle pas du tout; et nous voyons que la parole se réduit en fragments car, précisément, celle-ci se dissout en de nombreuses sources différentes. Le Concile, dans Dei Verbum, nous a dit que la méthode historico-critique est une dimension essentielle de l'exégèse, parce qu'elle fait partie de la nature de la foi, du moment que celle-ci est factum historicum.Nous ne croyons pas simplement à une idée; le christianisme n'est pas une philosophie, mais un événement que Dieu a placé dans ce monde, c'est une histoire que, d'une manière réelle, Il a formée et forme en tant qu'histoire avec nous. C'est pourquoi, dans notre lecture de la Bible, l'aspect historique doit vraiment être présent avec son sérieux et son exigence: nous devons effectivement reconnaître l'événement et, précisément, cette action de "faire l'histoire" de la part de Dieu dans son oeuvre. Mais Dei Verbum ajoute que l'Ecriture, qui en conséquence doit être lue selon les méthodes historiques, doit également être lue comme unité et lue dans la communauté vivante de l'Eglise. Ces deux dimensions sont absentes dans de grands secteurs de l'exégèse. L'unité de l'Ecriture n'est pas un fait purement historico-critique, bien que l'ensemble, également du point de vue historique, soit un processus intérieur de la Parole qui, lue et comprise d'une manière toujours nouvelle au cours de relectures successives, continue à mûrir. Mais en définitive, cette unité est précisément un fait théologique: ces écrits sont une unique Ecriture, compréhensibles jusqu'au bout uniquement s'ils sont lus dans l'analogia fidei, comme unité dans laquelle il y a un progrès vers le Christ et, inversement, le Christ attire à lui toute l'histoire; et si, d'autre part, la vitalité de tout cela se trouve dans la foi de l'Eglise. En d'autres termes, j'ai profondément à coeur que les théologiens apprennent à lire et à aimer l'Ecriture de la manière dont, selon Dei Verbum, le Concile l'a voulu: qu'ils voient l'unité intérieure de l'Ecriture - ce qui est aujourd'hui facilité par l'"exégèse canonique" (qui se trouve sans aucun doute encore à un timide stade initial) - et qu'ils fassent ensuite de celle-ci une lecture spirituelle, qui n'est pas quelque chose d'extérieur à caractère édifiant, mais en revanche une immersion intérieure dans la présence de la Parole. Cela me semble une tâche très importante de faire quelque chose dans ce sens, de contribuer à ce que, côte-à-côte, avec et dans l'exégèse historico-critique, soit véritablement donnée une introduction à l'Ecriture vivante comme Parole de Dieu actuelle. Je ne sais pas comment le réaliser concrètement, mais je crois que, que ce soit dans le milieu académique ou au séminaire, ou dans un cours d'introduction, l'on peut trouver des professeurs adaptés afin qu'ait lieu cette rencontre actuelle avec l'Ecriture dans la foi de l'Eglise - une rencontre à partir de laquelle l'annonce devient ensuite possible.

L'autre thème est la catéchèse qui, depuis une cinquantaine d'années, a, d'une part, accompli de grands progrès méthodologiques mais, de l'autre, s'est cependant beaucoup perdue dans l'anthropologie et dans la recherche de points de référence, si bien que l'on ne rejoint souvent même plus les contenus de la foi. Je peux le comprendre: même à l'époque où j'étais vice-curé - il y a donc 56 ans - il était déjà très difficile d'annoncer la foi dans l'école pluraliste, avec de nombreux parents et enfants non croyants, car celle-ci semblait être un monde totalement étranger et irréel. Aujourd'hui, naturellement, la situation s'est encore aggravée. Toutefois, il est important que dans la catéchèse, qui s'exerce dans les milieux de l'école, de la paroisse, de la communauté etc., la foi continue à être pleinement valorisée, c'est-à-dire que les enfants apprennent vraiment ce qu'est la "création", ce qu'est l'"histoire du salut" réalisée par Dieu, qui est Jésus Christ, ce que sont les Sacrements, quel est l'objet de notre espérance... Je pense que nous devons tous, comme toujours, nous engager profondément pour un renouveau de la catéchèse, dans laquelle le courage de témoigner sa propre foi et de trouver les façons afin que celle-ci soit comprise et accueillie est fondamental. Car l'ignorance religieuse a aujourd'hui atteint un niveau effrayant. Toutefois, en Allemagne les enfants ont au moins effectué dix ans de catéchèse, ils devraient donc, au fond, connaître beaucoup de choses. C'est pourquoi nous devons certainement réfléchir de manière sérieuse sur nos possibilités de trouver des voies pour transmettre, même de manière simple, les connaissances, afin que la culture de la foi soit présente.

J'effectuerai maintenant, quelques observations sur le "Culte divin".L'Année eucharistique, à ce propos, nous a beaucoup apporté. Je peux dire que l'Exhortation post-synodale est à un bon point. Ce sera sûrement un grand enrichissement. En outre, nous avons reçu le document de la Congrégation pour le Culte divin à propos de la célébration correcte de l'Eucharistie, ce qui est très important. Je crois qu'à la suite de tout cela, peu à peu, il devient clair que la liturgie n'est pas une "auto-manifestation" de la communauté qui, comme on le dit, entre en scène à travers celle-ci, mais représente au contraire pour la communauté le fait de sortir de la condition d'"être elle-même" et d'accéder au grand banquet des pauvres, l'entrée dans la grande communauté vivante, dans laquelle Dieu lui-même nous nourrit. Ce caractère universel de la liturgie doit entrer à nouveau dans la conscience de tous. Dans l'Eucharistie, nous recevons une chose que nous ne pouvons pas faire, mais nous entrons en revanche dans quelque chose de plus grand qui devient nôtre, précisément quand nous nous remettons à cette chose plus grande, en cherchant à célébrer vraiment la liturgie comme la liturgie de l'Eglise. Le problème connu concernant les homélies est ensuite également lié à cela. Du point de vue purement pratique je peux très bien le comprendre: le curé est peut-être fatigué ou il a déjà prêché de manière répétée, ou bien encore il est âgé et ses tâches dépassent ses forces. S'il y a alors un assistant pour la pastorale qui est tout à fait compétent pour interpréter la Parole de Dieu de manière convaincante, on se demande spontanément: pourquoi l'assistant pour la pastorale ne devrait-il pas parler; il y réussit mieux, et ainsi les gens en tirent davantage profit. Mais cela est, précisément, la vision purement fonctionnelle. Il faut en revanche tenir compte du fait que l'homélie n'est pas une interruption de la liturgie pour une partie narrative, mais qu'elle appartient à l'événement sacramentel, en apportant la Parole de Dieu dans le présent de cette communauté. C'est le moment où cette communauté, en tant que sujet, veut véritablement être interpellée pour être conduite à l'écoute et à l'accueil de la Parole. Cela signifie que l'homélie elle-même fait partie du mystère, et ne peut donc pas simplement être détachée de celui-ci. Cependant, je considère surtout comme important que le prêtre ne soit pas limité à la célébration du Sacrement et à la juridiction - avec la conviction que toutes les autres tâches pourraient être assumées également par d'autres personnes - et que l'on conserve l'intégrité de sa charge. Le sacerdoce n'est une belle chose que s'il faut accomplir une mission qui constitue un tout, de laquelle on ne peut pas ôter des éléments par-ci par-là. Et à cette mission appartient déjà depuis toujours - même dans le culte de l'Ancien Testament - le devoir du prêtre de relier au sacrifice la Parole, qui fait partie intégrante de l'ensemble. Du point de vue purement pratique, nous devons ensuite assurément fournir aux prêtres les aides nécessaires, pour qu'ils puissent également accomplir d'une juste manière le ministère de la Parole. Cette unité intérieure de l'essence de la Célébration eucharistique et de l'essence du ministère sacerdotal est très importante.

Le deuxième thème que je voudrais aborder dans ce contexte, concerne le sacrement de la Pénitence, dont la pratique a progressivement diminué au cours des cinquante dernières années. Grâce à Dieu, il existe des cloîtres, des abbayes et des sanctuaires, vers lesquels les gens se rendent en pèlerinage et où leur coeur s'ouvre et est également prêt à la confession. Nous devons vraiment apprendre ce sacrement à nouveau. Déjà, du point de vue purement anthropologique, il est important, d'une part, de reconnaître la faute et, de l'autre, d'exercer le pardon. L'absence diffuse d'une conscience de la faute est un phénomène préoccupant de notre époque. Le don du sacrement de la Pénitence consiste donc non seulement dans le fait que nous recevons le pardon, mais également dans le fait que nous nous rendons tout d'abord compte de notre besoin de pardon; de ce fait, nous sommes déjà purifiés, nous nous transformons intérieurement et nous pouvons ensuite également mieux comprendre les autres et les pardonner. Le reconnaissance de la faute est quelque chose d'élémentaire pour l'homme - il est malade s'il ne la ressent plus - et l'expérience libératrice de recevoir le pardon est tout aussi importante pour lui. Pour ces deux choses le sacrement de la Réconciliation est le lieu décisif de leur exercice. En outre, la foi devient une chose tout à fait personnelle, elle ne se cache plus dans la collectivité. Si l'homme affronte le défi et, dans sa situation de besoin de pardon, se présente, pour ainsi dire, sans défense devant Dieu, alors il fait l'expérience émouvante d'une rencontre tout à fait personnelle avec l'amour de Jésus Christ.
Je voudrais enfin traiter du ministère épiscopal. Au fond, nous avons déjà implicitement parlé de celui-ci pendant tout le temps. Il me semble important que les Evêques, comme successeurs des Apôtres, d'une part portent vraiment la responsabilité des Eglises locales que le Seigneur leur a confiées, en faisant en sorte que l'Eglise, en tant qu'Eglise de Jésus, y croisse et vive. D'autre part, ils doivent ouvrir les Eglises locales à l'Eglise universelle. Constatant les difficultés que les orthodoxes ont avec les Eglises autocéphales, ainsi que les problèmes de nos amis protestants face à la désagrégation des Eglises régionales, nous nous rendons compte de la grande signification que possède l'universalité, combien il est important que l'Eglise s'ouvre à la totalité, en devenant vraiment une Eglise unique dans l'universalité. D'autre part, elle n'en est capable que si elle est vivante dans son propre territoire. Cette communion doit être alimentée par les Evêques avec le Successeur de Pierre dans l'esprit d'une succession consciente au Collège des Apôtres. Nous devons tous nous efforcer sans cesse de trouver dans ce rapport réciproque le juste équilibre, afin que l'Eglise locale vive son authenticité et, dans le même temps, que l'Eglise universelle en reçoive un enrichissement, afin que toutes les deux donnent et reçoivent et qu'ainsi l'Eglise du Seigneur grandisse.

Mgr Grab a déjà parlé des difficultés de l'oecuménisme; c'est un domaine que je dois confier à votre coeur à tous. En Suisse, vous êtes quotidiennement confrontés à cette tâche qui est ardue, mais qui suscite également de la joie. Je pense que les rapports personnels dans lesquels nous nous reconnaissons et nous estimons les uns les autres de manière immédiate en tant que croyants et où, en tant que personnes spirituelles, nous nous purifions et nous aidons également mutuellement, sont importants. D'autre part, il s'agit - comme l'a déjà dit Mgr Grab - d'être les garants des valeurs essentielles, fondamentales, provenant de Dieu dans notre société. Dans ce domaine, tous ensemble - protestants, catholiques et orthodoxes - nous avons une grande tâche à accomplir. Et je suis heureux que cette conscience s'accroisse. En Occident, c'est l'Eglise qui est en Grèce qui, bien qu'ayant eu quelques problème avec les Latins, dit toujours plus clairement: en Europe, nous pouvons accomplir notre tâche seulement si nous nous engageons ensemble pour le grand héritage chrétien. Même l'Eglise qui est en Russie le constate toujours plus, et également nos amis protestants sont conscients de ce fait. Je pense que si nous apprenons à agir ensemble dans ce domaine, nous pouvons réaliser une bonne part d'unité également là où la pleine unité théologique et sacramentelle n'est pas encore possible.

295 Pour conclure, je voudrais vous exprimer encore une fois ma joie pour votre visite, en vous souhaitant de nombreux entretiens fructueux au cours de ces journées.


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU COMITE PONTIFICAL POUR LES CONGRÈS EUCHARISTIQUES INTERNATIONAUX Salle Clémentine Jeudi 9 novembre 2006



Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs,

J'apprécie beaucoup votre visite et je vous salue tous avec affection. En premier lieu, je salue Monsieur le Cardinal Jozef Tomko, que je remercie de s'être fait l'interprète des sentiments communs et de m'avoir informé sur le déroulement de votre Assemblée plénière de ces derniers jours. J'adresse un salut cordial aux membres du Comité pontifical pour les Congrès eucharistiques internationaux et aux Délégués nationaux, qui ont pris part à cette rencontre pour préparer ensemble le prochain 49 Congrès eucharistique international, prévu à Québec au mois de juin 2008. Je salue ensuite les représentants du Comité préparatoire local de ce grand événement ecclésial, ainsi que le petit groupe, mais significatif, des Adorateurs de l'Eucharistie.

Vous venez de divers lieux du monde et le but de votre réunion est de préparer une célébration plus que jamais importante pour toute l'Eglise, je veux parler précisément du Congrès eucharistique international. Comme le Cardinal Tomko l'a rappelé il y a peu, celui-ci constitue une réponse chorale du Peuple de Dieu à l'amour du Seigneur manifesté de manière suprême dans le Mystère eucharistique. C'est vrai! Les Congrès eucharistiques, qui se tiennent chaque fois dans des lieux et sur des continents différents, sont toujours une source de renouveau spirituel, une occasion de mieux faire connaître la Très Sainte Eucharistie, qui est le trésor le plus précieux que nous a laissé Jésus; ils sont également un encouragement pour l'Eglise à diffuser l'amour du Christ dans tous les milieux de la société et à en témoigner sans hésitation. Du reste, depuis que fut institué votre Comité pontifical de grand mérite, tel est en effet le but qu'il se propose: "Faire toujours mieux connaître, aimer et servir Notre Seigneur Jésus Christ dans son Mystère eucharistique, centre de la vie de l'Eglise et de sa mission pour le salut du monde".

Chacun de ces Congrès eucharistiques représente, par conséquent, une opportunité providentielle pour montrer à l'humanité de façon solennelle "l'Eucharistie, don de Dieu pour la vie du monde", comme le dit le texte de référence du prochain Congrès. Ce document a été présenté au cours des travaux par le Cardinal Marc Ouellet, Archevêque de Québec, auquel j'adresse un salut particulier. Ce sont non seulement ceux qui ont la possibilité d'y participer en personne, mais également les différentes communautés chrétiennes qui sont invitées à s'y unir spirituellement qui pourront bénéficier des grâces particulières que le Seigneur dispensera lors du Congrès eucharistique international. Au cours de ces journées, le monde catholique gardera les yeux du coeur fixés sur le mystère suprême de l'Eucharistie pour en tirer un élan apostolique et missionnaire renouvelé. Voilà pourquoi il est important de bien s'y préparer et je vous remercie, chers frères et soeurs, du travail que vous êtes en train d'accomplir pour aider les fidèles de tous les continents à comprendre toujours mieux la valeur et l'importance de l'Eucharistie dans notre vie. En outre, la présence parmi vous de plusieurs représentants des Adorateurs de l'Eucharistie et l'allusion que vous avez faite, Monsieur le Cardinal Tomko, à la "Federación Mundial de la Adoración Nocturna" m'offre l'occasion de rappeler combien est bénéfique la redécouverte par un grand nombre de chrétiens de l'adoration eucharistique. A cet égard, j'aimerais revenir en esprit à l'expérience vécue l'année dernière avec les jeunes à Cologne, à l'occasion de la Journée mondiale de la Jeunesse, et sur la Place Saint-Pierre avec les enfants de la Première Communion accompagnés par leurs familles et par les catéchistes. L'humanité d'aujourd'hui a un grand besoin de redécouvrir dans le Sacrement eucharistique la source de son espérance! Je rends grâce au Seigneur car de nombreuses paroisses, à côté de la pieuse célébration de la Messe, éduquent progressivement les fidèles à l'Adoration eucharistique et je forme le voeu qu'également en vue du prochain Congrès eucharistique international cette pratique se diffuse encore davantage.

Chers frères et soeurs, comme on le sait, la prochaine Exhortation post-synodale sera consacrée à l'Eucharistie. Elle recueillera les indications apparues lors du dernier Synode des Evêques consacré justement au Mystère eucharistique et je suis certain que ce document aidera également l'Eglise à préparer et à célébrer avec une participation intérieure le Congrès eucharistique, qui se tiendra au mois de juin 2008. Je le confie dès à présent à la Vierge Marie, première et incomparable adoratrice du Christ eucharistique. Que la Vierge protège et accompagne chacun de vous, ainsi que vos communautés, et qu'elle rende fécond le travail que vous accomplissez en vue de l'important événement ecclésial de Québec. Pour ma part, je vous assure de mon souvenir dans la prière et je vous bénis tous de tout coeur.

CONCLUSION DE LA RENCONTRE

DU SAINT-PÈRE AVEC LES ÉVÊQUES DE SUISSE Jeudi 9 novembre 2006

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Discours 2005-2013 292