Discours 2005-2013 9517

CÉRÉMONIE DE BIENVENUE Aéroport international de São Paulo-Guarulhos Mercredi 9 mai 2007

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Monsieur le Président de la République,
Messieurs les Cardinaux et vénérés frères dans l'épiscopat,
Chers frères et soeurs dans le Christ!

1. C'est pour moi un motif de satisfaction particulière de commencer ma visite pastorale au Brésil et de présenter à Votre Excellence, dans sa fonction de chef et de représentant suprême de la grande nation brésilienne, mes remerciements pour l'accueil chaleureux qui m'a été réservé. Des remerciements que j'étends, avec un grand plaisir, aux membres du gouvernement qui accompagnent Votre Excellence, aux personnalités civiles et militaires réunies ici et aux Autorités de l'Etat de São Paulo. Monsieur le Président, dans les paroles de bienvenue que vous m'avez adressées, j'entends l'écho des sentiments d'affection et d'amour de tout le peuple brésilien envers le Successeur de l'Apôtre Pierre.

Je salue fraternellement dans le Seigneur mes bien-aimés frères dans l'épiscopat, qui sont venus ici m'accueillir, au nom de l'Eglise qui est au Brésil. Je salue également les prêtres, les religieux et les religieuses, les séminaristes et les laïcs engagés dans l'oeuvre d'évangélisation de l'Eglise et dans le témoignage d'une vie authentiquement chrétienne. Enfin, j'adresse mon salut affectueux à tous les Brésiliens sans distinction, hommes et femmes, familles, personnes âgées, malades, jeunes et enfants. Je dis à tous, de tout coeur: je vous remercie beaucoup de votre généreuse hospitalité!

2. Le Brésil occupe une place très particulière dans le coeur du Pape, non seulement parce qu'il est né chrétien et possède aujourd'hui le nombre le plus élevé de catholiques, mais principalement parce que c'est un pays riche de potentialités, avec une présence ecclésiale qui est un motif de joie et d'espérance pour toute l'Eglise. Ma visite, Monsieur le Président, a un objectif qui va au-delà des frontières nationales: je viens présider, à Aparecida, la session d'ouverture de la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes. Par une manifestation providentielle de la bonté du Créateur, ce pays devra servir de berceau pour les propositions ecclésiales qui, si Dieu le veut, pourront donner une vigueur renouvelée et un élan missionnaire à ce continent.

3. Dans cette région géographique, les catholiques sont majoritaires: cela signifie qu'ils doivent contribuer de manière particulière au service du bien commun de la nation. La solidarité sera, sans aucun doute, une parole pleine de sens lorsque les forces vives de la société, chacune dans son propre domaine, s'engageront sérieusement à construire un avenir de paix et d'espérance pour tous.

L'Eglise catholique - comme je l'ai souligné dans l'Encyclique Deus caritas est - "transformée par la force de l'Esprit Saint est appelée à être, dans le monde, témoin de l'amour du Père, qui veut faire de l'humanité, dans son Fils, une unique famille" (cf. n. 19). D'où son profond engagement dans la mission évangélisatrice, au service de la cause de la paix et de la justice. La décision d'organiser une Conférence essentiellement missionnaire reflète donc bien la préoccupation de l'épiscopat, ainsi que la mienne, de chercher des voies appropriées afin de faire en sorte que, en Jésus Christ, "nos peuples aient la vie", comme le rappelle le thème de la Conférence. Avec ces sentiments, je désire regarder au-delà des frontières de ce pays et saluer tous les peuples de l'Amérique latine et des Caraïbes, en souhaitant, avec les paroles de l'Apôtre, "Paix à vous tous, qui êtes dans le Christ" (
1P 5,14).

4. Monsieur le Président, je suis reconnaissant à la Divine Providence qui m'accorde la grâce de visiter le Brésil, une nation à la grande tradition catholique. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler le motif principal de mon voyage, qui a une portée latino-américaine et un caractère fondamentalement religieux.

Je suis très heureux de pouvoir passer quelques jours avec les Brésiliens. Je sais que l'âme de ce Peuple, ainsi que de toute l'Amérique latine, renferme des valeurs radicalement chrétiennes qui ne disparaîtront jamais. Et j'ai la certitude qu'à Aparecida, au cours de la Conférence générale de l'épiscopat, cette identité sera renforcée, en promouvant le respect de la vie, du moment de sa conception jusqu'à son déclin naturel, comme exigence propre de la nature humaine; elle fera également de la promotion de la personne humaine l'axe de la solidarité, en particulier avec les pauvres et les laissés-pour-compte.

L'Eglise désire seulement indiquer les valeurs morales de chaque situation et former les citoyens afin qu'ils puissent décider en conscience et librement; dans ce sens, elle ne manquera pas d'insister sur l'engagement qui devra être pris pour assurer le renforcement de la famille, comme cellule de base de la société; de la jeunesse, dont la formation constitue un facteur décisif pour l'avenir d'une nation - et, enfin, tout aussi important, en défendant et en promouvant les valeurs sous-jacentes dans toutes les couches sociales, en particulier chez les populations autochtones.

5. Avec ces voeux, en renouvelant mes remerciements pour l'accueil chaleureux dont, en tant que Successeur de Pierre, je suis l'objet, j'invoque la protection maternelle de Nossa Senhora da Conceição Aparecida, invoquée également comme Nuestra Señora de Guadalupe, Protectrice des Amériques, afin qu'elle protège et inspire les gouvernants dans la tâche difficile d'être des promoteurs du bien commun, en renforçant les liens de fraternité chrétienne pour le bien de tous les habitants. Que Dieu bénisse l'Amérique latine! Que Dieu bénisse le Brésil! Je vous remercie beaucoup.



SALUT ET BÉNÉDICTION DES FIDÈLES Balcon du Monastère São Bento à São Paulo Mercredi 9 mai 2007

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Chers amis!

Cet accueil chaleureux émeut le Pape! Merci d'avoir voulu m'attendre.

Ces journées, pour vous tous et pour l'Eglise, seront emplies d'émotion et de joie.

C'est une Eglise en fête! De tous les angles du monde, on prie pour les fruits de ce Voyage, le premier Voyage pastoral au Brésil et en Amérique latine que la Providence me concède de réaliser comme Successeur de Pierre!

La canonisation de Frère Galvão et l'inauguration de la Cinquième Conférence de l'épiscopat de l'Amérique latine et des Caraïbes seront des pierres milliaires dans l'histoire de l'Eglise.

Je compte sur vous et sur vos prières! Merci beaucoup.



RENCONTRE AVEC LES JEUNES Stade municipal de Pacaembu, São Paulo Jeudi 10 mai 2007

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Chers jeunes!
Chers amis et chères amies!

"Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes et donne-le aux pauvres [...] puis viens, suis-moi" (
Mt 19,21).

1. J'ai voulu ardemment vous rencontrer au cours de mon premier voyage en Amérique latine. Je suis venu inaugurer la V Conférence de l'épiscopat latino-américain qui, comme je l'ai souhaité, se déroulera à Aparecida, ici au Brésil, dans le Sanctuaire de Notre-Dame. Elle nous conduit aux pieds de Jésus, pour que nous apprenions ses leçons sur le Royaume et elle nous pousse à être ses missionnaires, afin que les peuples de ce "Continent de l'espérance" aient en Lui pleinement la vie.

Vos Evêques du Brésil, au cours de leur Assemblée générale de l'année dernière, ont réfléchi sur le thème de l'évangélisation de la jeunesse et ils vous ont remis un document. Ils ont demandé que vous l'accueilliez et que vous le perfectionniez tout au long de l'année. Au cours de cette dernière Assemblée, ils ont repris ce thème, enrichi par votre collaboration, et ils souhaitent que les réflexions qui ont été faites et les orientations proposées servent d'indication et de phare sur votre chemin. Les paroles de l'Archevêque de São Paulo et du responsable de la Pastorale de la Jeunesse, que je remercie, confirment l'esprit qui fait battre le coeur de chacun de vous.

Hier soir, en survolant le territoire brésilien, je pensais déjà à notre rencontre d'aujourd'hui dans le Stade de Pacaembu, avec le souhait d'embrasser chacun de vous dans une grande accolade au style brésilien et d'exprimer les sentiments que je porte au plus profond de mon coeur et que, de façon très opportune, l'Evangile d'aujourd'hui a voulu nous indiquer.

J'ai toujours ressenti une joie très particulière au cours de ces rencontres. Je me souviens en particulier de la XX Journée mondiale de la Jeunesse, que j'ai eu l'occasion de présider il y a deux ans en Allemagne. Certains d'entre vous, qui sont présents ici, étaient déjà là! Il s'agit d'un souvenir émouvant, en raison des fruits abondants de grâce accordés par le Seigneur. Il n'y a aucun doute que le premier fruit, parmi tant d'autres, que j'ai pu constater a été celui de la fraternité exemplaire entre tous, comme démonstration évidente de la vitalité éternelle de l'Eglise pour le monde entier.

2. C'est pourquoi, chers amis, je suis certain qu'aujourd'hui se renouvelleront les mêmes impressions que lors de cette rencontre en Allemagne. En 1991, le Serviteur de Dieu le Pape Jean-Paul II, de vénérée mémoire, disait, au cours de sa visite dans le Mato Grosso, que les "jeunes sont les premiers protagonistes du troisième millénaire [...] ce sont eux qui traceront le chemin de cette nouvelle étape de l'humanité" (Discours, 16 octobre 1991). Aujourd'hui, je me sens poussé à faire la même observation avec vous.

Le Seigneur apprécie, sans aucun doute, votre vie chrétienne dans les nombreuses communautés paroissiales et dans les petites communautés ecclésiales, dans les Universités, dans les collèges et dans les écoles et, en particulier, dans les rues et sur les lieux de travail des villes et de la campagne. Mais il faut aller de l'avant. Nous ne pouvons jamais dire que cela suffit, parce que la charité de Dieu est infinie et le Seigneur nous demande, ou mieux, exige que nous élargissions nos coeurs, afin qu'en ceux-ci, il y ait toujours davantage d'amour, de bonté, de compréhension pour nos semblables et pour les problèmes qui impliquent non seulement la coexistence humaine, mais également la sauvegarde effective et la protection de l'environnement naturel, dont nous faisons tous partie. "Nos bois ont davantage de vie": Ne laissez pas s'éteindre cette flamme d'espérance que votre Hymne national place sur vos lèvres. La destruction de l'environnement en Amazonie et les menaces contre la dignité humaine de ses populations exigent un plus grand engagement dans les domaines d'action les plus divers que sollicite la société.

3. Aujourd'hui, je désire réfléchir avec vous sur le texte de saint Matthieu (cf. Mt 19,16-22), que nous venons d'écouter. Il parle d'un jeune, qui courut à la rencontre de Jésus. Son impatience mérite d'être soulignée. Dans ce jeune, je vous vois tous, jeunes du Brésil et de l'Amérique latine. Vous êtes accourus des diverses régions de ce continent pour notre rencontre. Vous voulez écouter, de la voix du Pape, les paroles de Jésus lui-même.

Vous avez une question cruciale, rapportée dans l'Evangile, à lui soumettre. C'est la même que celle du jeune qui courut à la rencontre de Jésus: Que devons-nous faire pour obtenir la vie éternelle? Je voudrais approfondir cette question avec vous. Il s'agit de la vie. La vie qui, en vous, est exubérante et belle. Que faire de celle-ci? Comment la vivre pleinement?

Nous comprenons immédiatement, dans la formulation de la question elle-même, que ne sont pas suffisants le "ici" et le "maintenant"; autrement dit, nous ne réussissons pas à limiter notre vie dans l'espace et dans le temps, pour autant que nous prétendions élargir ses horizons. La vie les transcende. En d'autre termes: nous voulons vivre et non mourir. Nous sentons que quelque chose nous révèle que la vie est éternelle et qu'il est nécessaire de s'engager pour que cela ait lieu. Bref, celle-ci est entre nos mains et dépend, d'une certaine manière, de notre décision.

La question de l'Evangile ne concerne pas seulement l'avenir. Elle ne concerne pas seulement ce qui adviendra après la mort. Au contraire, il existe un engagement dans le présent, ici et maintenant, qui doit garantir l'authenticité et par conséquent l'avenir. En un mot, cette demande remet en question le sens de la vie. C'est pourquoi elle peut être formulée ainsi: que dois-je faire afin que ma vie ait un sens? C'est-à-dire: comment dois-je vivre pour saisir pleinement les fruits de la vie? Ou encore: que dois-je faire pour que ma vie ne soit pas inutile?

Jésus est le seul qui puisse nous donner une réponse, parce qu'il est le seul qui puisse nous garantir la vie éternelle. C'est pourquoi, c'est également le seul qui parvienne à montrer le sens de la vie présente et à lui donner la plénitude de son contenu.

4. Mais avant de donner sa réponse, Jésus remet en question la demande du jeune sous un aspect extrêmement important: pourquoi m'interroges-tu sur ce qui est bon? Dans cette question se trouve la clé de la réponse. Ce jeune perçoit que Jésus est bon et qu'il est un maître. Un maître qui ne trompe pas. Nous sommes ici parce que nous avons cette même conviction: Jésus est bon. Il se peut que nous ne sachions pas expliquer pleinement la raison de cette perception, mais il est certain qu'elle nous rapproche de Lui et qu'elle nous ouvre à son enseignement: un maître bon. Celui qui reconnaît le bien veut dire qu'il aime. Et celui qui aime, selon l'heureuse expression de saint Jean, connaît Dieu (cf. 1Jn 4,7). Le jeune de l'Evangile a eu une perception de Dieu en Jésus Christ.

Jésus nous assure que seul Dieu est bon. Etre ouvert à la bonté signifie accueillir Dieu. Ainsi, Il nous invite à voir Dieu dans toutes les choses et dans tous les événements, même là où la majorité voit seulement une absence de Dieu. En voyant la beauté des créatures et en constatant la beauté présente dans chacune d'elles, il est impossible de ne pas croire en Dieu et de ne pas faire l'expérience de sa présence salvifique et réconfortante. Si nous réussissions à voir tout le bien qui existe dans le monde et, plus encore, à faire l'expérience du bien qui provient de Dieu lui-même, nous ne cesserions de nous approcher de Lui, de le louer et de lui rendre grâce. Il nous remplit sans cesse de joie et de biens. Sa joie est notre force.

Mais nous ne possédons que des connaissances partielles. Pour comprendre le bien, nous avons besoin d'aides, que l'Eglise nous offre en de nombreuses occasions, surtout dans la catéchèse. Jésus lui-même montre ce qui est bon pour nous, en nous donnant sa première catéchèse. "Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements" (Mt 19,17). Il part de la connaissance que le jeune homme a déjà certainement reçue de sa famille et de la Synagogue: en effet, il connaît les commandements. Ils conduisent à la vie, ce qui veut dire qu'ils nous garantissent l'authenticité. Ce sont les grands indicateurs qui nous montrent la juste voie. Celui qui observe les commandements est sur le chemin de Dieu.

Il ne suffit pas, toutefois, de les connaître. Le témoignage a plus de valeur que la science, ou plutôt, c'est la science elle-même appliquée. Ils ne sont pas imposés de l'extérieur, ils ne limitent pas notre liberté. Au contraire: ils constituent de vigoureuses stimulations intérieures, qui nous portent à agir dans une certaine direction. A leur fondement se trouvent la grâce et la nature, qui ne nous laissent pas inertes. Nous devons marcher. Nous sommes poussés à faire quelque chose pour nous réaliser. Se réaliser à travers l'action, en réalité, c'est se rendre réels. Nous sommes, en grande partie, à partir de notre jeunesse, ce que nous voulons être. Nous sommes, pour ainsi dire, l'oeuvre de nos propres mains.

5. Ici, je m'adresse de nouveau à vous, chers jeunes, car je veux entendre de vous aussi la réponse du jeune de l'Evangile: toutes ces choses, je les ai observées dès ma jeunesse. Le jeune de l'Evangile était bon. Il observait les commandements. Il marchait sur le chemin de Dieu. C'est pourquoi Jésus, à peine l'eut-il vu, l'aima. En reconnaissant que Jésus était bon, il donna la preuve que lui aussi était bon. Il avait une expérience de la bonté et, donc, de Dieu. Et vous, jeunes du Brésil et de l'Amérique latine, avez-vous déjà découvert ce qui est bon? Suivez-vous les commandements du Seigneur? Avez-vous découvert que cela est le véritable et unique chemin vers le bonheur?

Les années que vous êtes en train de vivre sont les années qui préparent votre avenir. Le "lendemain" dépend beaucoup de la manière dont vous vivez l'"aujourd'hui" de la jeunesse. Devant vos yeux, mes très chers jeunes, vous avez une vie dont nous souhaitons qu'elle soit longue; mais il n'y en a qu'une, elle est unique: ne permettez pas qu'elle passe en vain, ne la gaspillez pas. Vivez avec enthousiasme, avec joie, mais surtout avec un sens de responsabilité.

Très souvent, j'entends trembler nos coeurs de pasteurs, lorsque nous constatons la situation de notre époque. Nous entendons parler des peurs de la jeunesse d'aujourd'hui. Elles nous révèlent un énorme manque d'espérance: la peur de mourir, au moment où la vie est en train d'éclore et tente de trouver la voie de sa réalisation; la peur d'échouer, pour ne pas avoir découvert le sens de la vie; et la peur de rester à l'écart, face à la rapidité déconcertante des événements et des communications. Nous constatons le pourcentage élevé de morts parmi les jeunes, la menace de la violence, la prolifération déplorable des drogues qui bouleverse jusqu'à sa racine la plus profonde la jeunesse d'aujourd'hui. C'est donc pour cette raison que l'on parle de jeunesse égarée.

Mais alors que je vous regarde, jeunes ici présents, qui rayonnez de joie et d'enthousiasme, je revêts le regard de Jésus: un regard d'amour et de confiance, dans la certitude que vous avez trouvé la voie véritable. Vous êtes les jeunes de l'Eglise. Je vous envoie donc vers la grande mission d'évangéliser les jeunes garçons et les filles qui errent dans ce monde, comme des brebis sans pasteur. Soyez les apôtres des jeunes. Invitez-les à marcher avec vous, à faire la même expérience de foi, d'espérance et d'amour; à rencontrer Jésus pour se sentir réellement aimés, accueillis, avec la pleine possibilité de se réaliser. Qu'eux aussi découvrent les voies sûres des Commandements et qu'en les parcourant, ils arrivent à Dieu.

Vous pouvez être les protagonistes d'une société nouvelle, si vous cherchez à mettre en pratique une conduite concrète inspirée par les valeurs morales universelles, mais aussi un engagement personnel de formation humaine et spirituelle d'importance vitale. Un homme ou une femme qui ne serait pas préparé aux défis réels que présente une interprétation correcte de la vie chrétienne de son propre milieu serait une proie facile pour tous les assauts du matérialisme et du laïcisme, toujours plus actifs à tous les niveaux.

Soyez des hommes et des femmes libres et responsables; faites de la famille un centre rayonnant de paix et de joie; soyez des promoteurs de la vie, de son commencement à son déclin naturel; protégez les personnes âgées, car elles méritent le respect et l'admiration pour le bien qu'elles vous ont fait. Le Pape s'attend également à ce que les jeunes cherchent à sanctifier leur travail, en l'accomplissant avec compétence technique et avec diligence, pour contribuer au progrès de tous leurs frères et pour illuminer avec la lumière du Verbe toutes les activités humaines (cf. Lumen gentium LG 36). Mais, surtout, le Pape souhaite qu'ils sachent être les protagonistes d'une société plus juste et plus fraternelle, en remplissant leurs devoirs à l'égard de l'Etat: en respectant ses lois; en ne se laissant pas emporter par la haine et par la violence; en tentant d'être des exemples de conduite chrétienne dans leur milieu professionnel et social, en se distinguant par l'honnêteté dans les rapports sociaux et professionnels. Qu'ils se souviennent que l'ambition démesurée de richesse et de pouvoir conduit à la corruption de soi et des autres; il n'y a pas de raisons valables qui justifient la tentative de faire prévaloir ses propres aspirations humaines, qu'elles soient économiques ou politiques, à travers la fraude et la tromperie.

Il existe, en dernière analyse, un immense horizon d'action dans lequel les questions d'ordre social, économique et politique acquièrent une importance particulière, à condition que leur source d'inspiration soit l'Evangile et la Doctrine sociale de l'Eglise. La construction d'une société plus juste et solidaire, réconciliée et pacifique; l'engagement à freiner la violence; les initiatives de promotion d'une vie vie vécue en plénitude, de l'ordre démocratique et du bien commun, en particulier celles qui visent à éliminer certaines discriminations existant dans les sociétés latino-américaines et qui ne doivent pas êtres des causes d'exclusion, mais plutôt d'enrichissement réciproque.

Ayez surtout un grand respect pour l'institution du Sacrement du Mariage. Il ne pourra pas y avoir de bonheur véritable dans les foyers si, dans le même temps, il n'y a pas de fidélité entre les époux. Le mariage est une institution de droit naturel, qui a été élevée par le Christ à la dignité de Sacrement; c'est un grand don que Dieu a fait à l'humanité. Respectez-le, vénérez-le. Dans le même temps, Dieu vous appelle à vous respecter les uns les autres également lorsque vous tombez amoureux et vous vous fiancez, car la vie conjugale, qui par disposition divine est réservée aux couples mariés, sera une source de bonheur et de paix uniquement dans la mesure où vous saurez faire de la chasteté, en dehors et à l'intérieur du mariage, un rempart de vos espérances futures. Je vous répète ici à tous que "l'eros veut nous élever [...] vers le Divin, nous conduire au-delà de nous-mêmes, mais c'est précisément pourquoi est requis un chemin de montée, de renoncements, de purifications et de guérisons" (Lettre encyclique Deus caritas est [25 décembre 2005], n. 5). En peu de mots, il requiert un esprit de sacrifice et de renoncement pour un bien plus grand, qui est précisément l'amour de Dieu sur toutes les choses. Essayez de résister avec force aux pièges du mal existant dans de nombreux milieux, qui vous pousse à une vie dissolue, paradoxalement vide, en vous faisant égarer le don précieux de votre liberté et de votre vrai bonheur. Le véritable amour "cherchera toujours plus le bonheur de l'autre, il se préoccupera toujours plus de l'autre, il se donnera et il désirera "être pour" l'autre" (ibid., n. 7) et, pour cette raison, sera toujours plus fidèle, indissoluble et fécond.

Comptez dans ce but sur l'aide de Jésus Christ qui, par sa grâce, rendra cela possible (cf. Mt 19,26). La vie de foi et de prière vous conduira sur les voies de l'intimité avec Dieu et de la compréhension de la grandeur des projets qu'il a pour chaque personne. "A cause du Royaume des Cieux" (ibid., v. 12), certains sont appelés à un don total et définitif, pour se consacrer à Dieu dans la vie religieuse, "grand don de la grâce", comme cela a été déclaré par le Concile Vatican II (cf. Décret Perfectae caritatis PC 12). Les personnes consacrées qui se donnent totalement à Dieu, mues par l'Esprit Saint, participent à la mission de l'Eglise, en témoignant de l'espérance du Royaume céleste parmi tous les hommes. C'est pourquoi, je bénis et j'invoque la protection divine sur tous les religieux qui, dans la vigne du Seigneur, se consacrent au Christ et à leurs frères. Les personnes consacrées méritent vraiment la gratitude de la communauté ecclésiale: moines et moniales, contemplatifs et contemplatives, religieux et religieuses consacrés aux oeuvres d'apostolat, membres d'Instituts séculiers et de Sociétés de Vie apostolique, ermites et vierges consacrées. "Leur existence rend un témoignage d'amour au Christ lorsqu'ils marchent à sa suite selon la proposition de l'Evangile et que, avec une joie intime, ils assument le style de vie qu'Il a choisi pour lui-même" (Congrégation pour la Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, Instruction Repartir du Christ, n. 5). Je souhaite qu'en ce moment de grâce et de profonde communion dans le Christ, l'Esprit Saint réveille dans le coeur de tant de jeunes un amour passionné, en suivant et en imitant Jésus Christ chaste, pauvre et obéissant, totalement tourné vers la gloire du Père et vers l'amour de nos frères et de nos soeurs.

6. L'Evangile nous assure que ce jeune qui courut à la rencontre de Jésus était très riche. Nous entendons cette richesse pas seulement sur le plan matériel. La jeunesse elle-même est une richesse singulière. Il faut la découvrir et la mettre en valeur. Jésus l'a tellement appréciée qu'il finit par inviter ce jeune à participer à sa mission de salut. Il avait en lui-même toutes les qualités requises pour une grande réalisation et une grande oeuvre.

Mais l'Evangile nous rapporte que ce jeune, ayant entendu l'invitation, s'attrista. Il s'en alla abattu et triste. Cet épisode nous fait réfléchir encore une fois sur la richesse de la jeunesse. Il ne s'agit pas en premier lieu de biens matériels, mais de sa propre vie, avec les valeurs inhérentes à la jeunesse. Elle provient d'un double héritage: la vie, transmise de génération en génération, dans l'origine primaire de laquelle se trouve Dieu, empli de sagesse et d'amour; et l'éducation qui nous insère dans la culture, au point de pouvoir, en quelque sorte, dire que nous sommes davantage les enfants de la culture, et donc de la foi, que de la nature. De la vie fleurit la liberté qui, surtout dans cette phase, se manifeste comme responsabilité. Puis vient le grand moment de la décision, avec un double choix: le premier, concernant le statut de la vie, et le second concernant la profession. Voilà qui répond à la question: que faire de notre propre vie?

En d'autres termes, la jeunesse se présente comme une richesse parce qu'elle conduit à la redécouverte de la vie comme don et comme devoir. Le jeune de l'Evangile comprit la richesse de sa propre jeunesse. Il alla auprès de Jésus, le Maître bon, pour chercher une orientation. A l'heure du grand choix, toutefois, il n'eut pas le courage de tout miser sur Jésus Christ. Par conséquent, il s'en alla triste et abattu. C'est ce qu'il arrive à chaque fois que nos décisions vacillent et deviennent mesquines et intéressées. Il comprit qu'il lui manquait la générosité, et cela ne lui permit pas une pleine réalisation. Il se replia sur sa richesse, en la faisant devenir égoïste.

Jésus regretta la tristesse et la mesquinerie du jeune qui était venu le chercher. Les Apôtres, comme vous tous et vous toutes aujourd'hui, remplirent le vide laissé par ce jeune qui s'en était allé triste et abattu. Eux et nous, sommes heureux, parce que nous savons à qui nous croyons (cf. 2Tm 1,12). Nous savons et nous témoignons à travers notre vie que Lui seul a les paroles de vie éternelle (cf. Jn 6,68). C'est pourquoi, avec saint Paul, nous pouvons nous exclamer: Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur! (cf. Ph 4,4).

7. L'appel que je vous adresse aujourd'hui, jeunes qui êtes venus à cette rencontre, est de ne pas gaspiller votre jeunesse. Ne cherchez pas à la fuir. Vivez-la intensément. Consacrez-la aux grands idéaux de la foi et de la solidarité humaine.

Vous, les jeunes, vous n'êtes pas seulement l'avenir de l'Eglise et de l'humanité, comme s'il s'agissait d'une sorte de fuite du présent. Au contraire: vous êtes le présent jeune de l'Eglise et de l'humanité. Vous êtes son visage jeune. L'Eglise a besoin de vous, en tant que jeunes, pour manifester au monde le visage de Jésus Christ, qui se dessine dans la communauté chrétienne. Sans ce visage jeune, l'Eglise se présenterait défigurée.

Très chers jeunes, j'inaugurerai bientôt la V Conférence de l'épiscopat latino-américain. Je vous demande de suivre avec attention ses travaux; de participer à ses débats; d'accueillir ses fruits. Comme cela a été le cas à l'occasion des précédentes Conférences, la présente Conférence marquera elle aussi de manière significative les dix prochaines années d'évangélisation en Amérique latine et aux Caraïbes. Personne ne doit demeurer à l'écart ou rester indifférent devant cet effort de l'Eglise, et encore moins les jeunes. Vous faites pleinement partie de l'Eglise, qui représente le visage de Jésus Christ pour l'Amérique latine et les Caraïbes.

[en français]
Je salue les francophones qui vivent sur le Continent latino-américain, les invitant à être des témoins de l'Evangile et des acteurs de la vie ecclésiale. Ma prière vous rejoint tout particulièrement, vous les jeunes, vous êtes appelés à construire votre vie sur le Christ et sur les valeurs humaines fondamentales. Que tous se sentent invités à collaborer pour édifier un monde de justice et de paix.

[en anglais]
Chers jeunes amis, comme le jeune homme de l'Evangile, qui demanda à Jésus "Que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle?", chacun de vous cherche les voies pour répondre généreusement à l'appel du Seigneur. Je prie pour que vous puissiez entendre ses paroles de salut et devenir ses témoins pour les peuples d'aujourd'hui. Que Dieu répande sur vous tous ses Bénédictions de paix et de joie.

[en espagnol]
Très chers jeunes, le Christ vous appelle à être saints. Lui-même vous invite et veut cheminer avec vous, pour soutenir avec son esprit les pas du Brésil en ce début du troisième millénaire de l'ère chrétienne. Je demande à la Senhora Aparecida qu'elle vous guide de son aide maternelle et vous accompagne tout au long de votre vie.

Loué soit notre Seigneur Jésus Christ!




RENCONTRE ET CÉLÉBRATIONS DES VÊPRES AVEC LES ÉVÊQUES DU BRÉSIL "Catedral da Sé", São Paulo Vendredi 11 mai 2007

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Bien-aimés frères dans l'épiscopat!

"Bien qu'il soit le Fils, il a pourtant appris l'obéissance par les souffrances de sa Passion; et ainsi, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel" (cf.
He 5,8-9).

1. Le texte que nous venons d'entendre dans la brève Lecture des Vêpres d'aujourd'hui contient un profond enseignement. Dans ce cas aussi, nous constatons que la Parole de Dieu est vivante et plus tranchante qu'une épée à double tranchant, elle pénètre jusqu'aux portes de l'âme, lui procurant un réconfort et encourageant ses serviteurs fidèles (cf. He 4,12).

Je rends grâce à Dieu de m'avoir accordé de rencontrer un épiscopat prestigieux, qui préside à l'une des populations catholiques les plus nombreuses du monde. Je vous salue avec des sentiments de profonde communion et d'affection sincère, connaissant bien le dévouement avec lequel vous suivez les communautés qui vous ont été confiées. L'accueil chaleureux de la part du curé de la "Catedral da Sé" et de toutes les personnes présentes m'a donné l'impression d'être chez moi, dans cette grande Maison commune qu'est notre Sainte Mère, l'Eglise catholique.

J'adresse un salut spécial à la nouvelle Présidence de la Conférence nationale des Evêques du Brésil et, alors que j'exprime ma reconnaissance pour les paroles de son Président, Mgr Geraldo Lyrio Rocha, je forme des voeux pour un travail fructueux dans la tâche de consolider toujours davantage la communion entre les Evêques et de promouvoir l'action pastorale commune sur un territoire aux dimensions continentales.

2. Le Brésil accueille avec son hospitalité traditionnelle les participants à la V Conférence de l'épiscopat latino-américain. J'exprime mes remerciements pour l'accueil courtois de la part de ses membres et ma profonde satisfaction pour les prières du peuple brésilien, élevées en particulier pour le succès de la rencontre des Evêques à Aparecida.

Il s'agit d'un grand événement ecclésial qui s'inscrit dans le cadre de l'effort missionnaire que l'Amérique latine devra assumer, précisément à partir d'ici, du sol brésilien. C'est pourquoi j'ai tout d'abord voulu m'adresser à vous, Evêques du Brésil, en évoquant ces paroles riches de contenu de la Lettre aux Hébreux: "Bien qu'il soit le Fils, il a pourtant appris l'obéissance par les souffrances de sa Passion; et, ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel" (He 5,8-9). Possédant une signification très riche, ces versets parlent de la compassion de Dieu à notre égard, exprimée dans la passion de son Fils; et ils parlent de son obéissance, de son adhésion libre et consciente aux desseins du Père, explicitée de manière particulière dans la prière au mont des Oliviers: "Pas ma volonté, mais la tienne" (Lc 22,42). Ainsi, c'est Jésus lui-même qui nous enseigne que la véritable voie du salut consiste à conformer notre volonté à celle de Dieu. C'est précisément ce que nous demandons dans la troisième invocation de la prière du Notre Père: que la volonté de Dieu soit faite sur la terre comme au Ciel, car là où règne la volonté de Dieu, le Royaume de Dieu est présent. Jésus nous attire par sa volonté, par la volonté du Fils, et de cette manière, il nous guide vers le salut. En allant à la rencontre de la volonté de Dieu, avec Jésus Christ, nous ouvrons le monde au Royaume de Dieu.

Nous, Evêques, sommes convoqués pour manifester cette vérité centrale, car nous sommes liés directement au Christ Bon Pasteur. La mission qui nous est confiée, comme Maîtres de la foi, consiste à rappeler, comme l'Apôtre des Nations l'écrivait lui-même, que notre Sauveur "veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité" (1Tm 2,4-6). Telle, et aucune autre, est la finalité de l'Eglise: le salut des âmes, une par une. C'est pourquoi le Père a envoyé son Fils, et "de même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie", est-il dit chez saint Jean (Jn 20,21). C'est à partir de là que commence le mandat d'évangéliser: "Allez donc! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils et Saint-Esprit; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,19-20). Ce sont des paroles simples et sublimes, dans lesquelles sont indiquées l'obligation de prêcher la vérité de la foi, l'urgence de la vie sacramentelle et la promesse de l'aide permanente du Christ à son Eglise. Il s'agit de réalités fondamentales et elles se réfèrent à l'instruction dans la foi et dans la morale chrétienne, ainsi qu'à la pratique des sacrements. Là où Dieu et sa volonté ne sont pas connus, là où n'existe pas la foi en Jésus Christ et dans sa présence lors des célébrations sacramentelles, manque également l'essentiel pour résoudre les problèmes sociaux et politiques urgents. La fidélité au primat de Dieu et de sa volonté, connue et vécue en communion avec Jésus Christ, est le don essentiel que nous, Evêques et prêtres, devons offrir à notre peuple (cf. Populorum progressio PP 21).

3. Le ministère épiscopal nous pousse ainsi au discernement de la volonté salvifique, dans la recherche d'une pastorale qui éduque le Peuple de Dieu à reconnaître et à accueillir les valeurs transcendantales, dans la fidélité au Seigneur et à l'Evangile.

Il est vrai que l'époque actuelle est difficile pour l'Eglise et un grand nombre de ses fils affrontent des épreuves. La vie sociale traverse actuellement une période d'égarement déconcertante. On attaque impunément la sainteté du mariage et de la famille, en commençant à faire des concessions face aux pressions en mesure d'influencer négativement les processus législatifs; on justifie certains délits contre la vie au nom des droits de la liberté individuelle; on porte atteinte à la dignité de l'être humain; on diffuse la blessure du divorce et des unions libres. Plus encore, lorsqu'au sein de l'Eglise est remise en question la valeur de l'engagement sacerdotal comme don total à Dieu à travers le célibat apostolique et comme disponibilité totale à servir les âmes, et que l'on accorde la préférence à des questions idéologiques et politiques, liées à des partis, la structure de la consécration totale à Dieu commence à perdre sa signification la plus profonde. Comment ne pas ressentir de la tristesse dans notre âme? Mais ayez confiance: l'Eglise est sainte et incorruptible (cf. He 5,27). Saint Augustin disait: l'Eglise vacillera, si son fondement vacille; mais le Christ peut-il vaciller? Etant donné que le Christ ne vacille pas, l'Eglise restera intacte jusqu'à la fin des temps" (Enarrationes in Psalmos, 103, 2, 5; PL 37, 1353).

Parmi les problèmes que doit affronter votre sollicitude pastorale se trouve, sans aucun doute, la question des catholiques qui abandonnent la vie ecclésiale. Il semble clair que la cause principale de ce problème, parmi d'autres, peut être attribuée au manque d'une évangélisation dans laquelle le Christ et son Eglise se trouvent au centre de toute explication. Les personnes les plus vulnérables au prosélytisme agressif des sectes - qui constituent un juste motif d'inquiétude - et incapables de résister aux assauts de l'agnosticisme, du relativisme et du laïcisme sont en général les baptisés qui ne sont pas suffisamment évangélisés, facilement influençables, car ils possèdent une foi fragile et parfois confuse, vacillante et naïve, même s'ils conservent une religiosité innée. Dans l'Encyclique Deus caritas est, j'ai rappelé qu'"à l'origine du fait d'être chrétien il n'y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive" (n. 1). Il est donc nécessaire de lancer l'activité apostolique comme une véritable mission dans le cadre du troupeau constitué par l'Eglise qui est au Brésil, en promouvant une évangélisation méthodique et ramifiée en vue d'une adhésion personnelle et communautaire au Christ. Il s'agit, en effet, de ne pas épargner les efforts pour aller à la recherche des catholiques qui se sont éloignés et de ceux qui ne connaissent que peu ou pas du tout Jésus Christ, à travers une pastorale de l'accueil les aidant à percevoir l'Eglise comme le lieu privilégié de la rencontre avec Dieu, et au moyen d'un parcours catéchistique permanent.

En un mot, une mission évangélisatrice qui interpelle toutes les forces vives de cet immense troupeau est nécessaire. Ma pensée s'adresse donc aux prêtres, aux religieux, aux religieuses et aux laïcs qui se prodiguent, très souvent avec d'immenses difficultés, pour la diffusion de la vérité évangélique. Un grand nombre d'entre eux collaborent ou participent activement dans les Associations, dans les Mouvements et dans les autres réalités ecclésiales nouvelles qui, en communion avec leurs pasteurs et conformément aux orientations diocésaines, apportent leur richesse spirituelle, éducative et missionnaire au coeur de l'Eglise, comme une expérience précieuse et une proposition de vie chrétienne.

Dans cet effort évangélisateur, la communauté ecclésiale se distingue par ses initiatives pastorales, en envoyant ses missionnaires, laïcs ou religieux, en particulier dans les foyers des banlieues urbaines et de l'intérieur du pays, en cherchant à dialoguer avec tous dans un esprit de compréhension et de charité attentive. Toutefois, si les personnes rencontrées vivent dans une situation de pauvreté, il faut les aider comme le faisaient les premières communautés chrétiennes, en pratiquant la solidarité pour qu'elles se sentent vraiment aimées. Les personnes pauvres des banlieues urbaines ou de la campagne ont besoin de sentir la proximité de l'Eglise, que ce soit à travers l'aide pour les nécessités les plus urgentes, ou la défense de leurs droits et la promotion commune d'une société fondée sur la justice et sur la paix. Les pauvres sont les destinataires privilégiés de l'Evangile, et l'Evêque, formé à l'image du Bon Pasteur, doit être particulièrement attentif à offrir le baume divin de la foi, sans négliger le "pain matériel". Comme je l'ai souligné dans l'Encyclique Deus caritas est, "l'Eglise ne peut pas négliger le service de la charité, de même qu'elle ne peut négliger les Sacrements ni la Parole" (n. 22).

La vie sacramentelle, en particulier à travers la Confession et l'Eucharistie, prend ici une importance de premier ordre. C'est à vous, Pasteurs, que revient la tâche principale d'assurer la participation des fidèles à la vie eucharistique et au sacrement de la Réconciliation; vous devez veiller à ce que la reconnaissance et l'absolution des péchés soient individuelles, de la même façon que le péché constitue un fait profondément personnel (cf. Exhort. apos. Reconciliatio et paenitentia RP 31, III). Seule l'impossibilité physique ou morale exempte le fidèle de cette forme de confession, qui peut dans ce cas obtenir la réconciliation par d'autres moyens (cf. can. 960; cf. Compendium du Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 311). Il est donc opportun d'inculquer aux prêtres la pratique de la disponibilité généreuse à accueillir les fidèles qui ont recours au Sacrement de la miséricorde de Dieu (cf. Lett. apost. Misericordia Dei, n. 2).

4. Repartir du Christ dans tous les domaines de la mission, redécouvrir en Jésus l'amour et le salut que le Père nous donne, à travers l'Esprit Saint: telle est la substance, la racine de la mission épiscopale qui fait de l'Evêque le premier responsable de la catéchèse diocésaine. En effet, c'est à lui que revient la direction supérieure de la catéchèse, en s'entourant de collaborateurs compétents et dignes de confiance. Il est donc évident que ses catéchistes ne sont pas de simples communicateurs d'expériences de foi, mais qu'ils doivent être d'authentiques hérauts, sous la direction de leurs pasteurs, des vérités révélées. La foi est un chemin guidé par l'Esprit Saint qui se résume en deux mots: conversion et imitation. Ces deux paroles-clés de la tradition chrétienne indiquent clairement que la foi dans le Christ implique une pratique de vie fondée sur le double commandement de l'amour de Dieu et du prochain, et elles expriment également la dimension sociale de la vie.

La vérité suppose une connaissance claire du message de Jésus, transmise grâce à un langage inculturé compréhensible, mais nécessairement fidèle à la proposition de l'Evangile. A l'époque actuelle, une connaissance adéquate de la foi est urgente, telle qu'elle est bien résumée dans le Catéchisme de l'Eglise catholique, et dans son Compendium.L'éducation aux vertus personnelles et sociales du christianisme fait elle aussi partie de la catéchèse essentielle, ainsi que l'éducation à la responsabilité sociale. Précisément parce que la foi, la vie et la célébration de la sainte liturgie comme source de foi et de vie sont inséparables, une application plus correcte des principes indiqués par le Concile Vatican II concernant la Liturgie de l'Eglise est nécessaire, y compris les dispositions contenues dans le Directoire pour les Evêques (cf. nn. 145-151), en vue de restituer à la Liturgie son caractère sacré. C'est dans ce but que mon vénérable prédécesseur sur la Chaire de Pierre, le Pape Jean-Paul II, a voulu renouveler "un vigoureux appel pour que, dans la Célébration eucharistique, les normes liturgiques soient observées avec une grande fidélité. [...] La liturgie n'est jamais la propriété privée de quelqu'un, ni du célébrant, ni de la communauté dans laquelle les Mystères sont célébrés" (Lett. enc. Ecclesia de Eucharistia EE 52). Redécouvrir et apprécier l'obéissance aux normes liturgiques de la part des Evêques, en tant que "modérateurs de la vie liturgique de l'Eglise", signifie rendre témoignage de l'Eglise elle-même, une et universelle, qui préside dans la charité.

5. Il est nécessaire d'effectuer un saut de qualité dans la vie chrétienne du peuple, afin qu'il puisse témoigner de sa foi de manière limpide et claire. Cette foi, célébrée et communiquée dans la liturgie et dans la charité, nourrit et renforce la communauté des disciples du Seigneur, tandis qu'elle les édifie comme Eglise missionnaire et prophétique. L'épiscopat brésilien possède une structure très large, dont les Statuts ont récemment été revus en vue d'une meilleure application et d'un dévouement plus exclusif au bien du Brésil. Le Pape est venu au Brésil pour demander que, en suivant la Parole de Dieu, tous ses Vénérables Frères dans l'épiscopat sachent être les porteurs du salut éternel pour tous ceux qui obéissent au Christ (cf. He 5,10). Nous, Pasteurs, dans le sillage de l'engagement pris en tant que successeurs des Apôtres, nous devons être de fidèles serviteurs de la Parole, sans vision réductrice ni confusion dans la mission qui nous est confiée. Il ne suffit pas d'observer la réalité à partir de la foi personnelle; il est nécessaire de travailler avec l'Evangile à la main, en étant ancrés à l'authentique héritage de la Tradition apostolique, sans interprétations motivées par des idéologies rationalistes.

Ainsi, "dans les Eglises particulières, il revient à l'Evêque de conserver et d'interpréter la Parole de Dieu et de juger avec autorité ce qui est ou n'est pas conforme à celle-ci" (Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction sur la vocation ecclésiale du théologien, n. 19). Celui-ci, comme Maître de foi et de doctrine, pourra compter sur la collaboration du théologien qui, "dans son dévouement au service de la vérité, devra, pour rester fidèle à sa fonction, tenir compte de la mission propre du Magistère et collaborer avec celui-ci" (ibid., n. 20). Le devoir de conserver le dépôt de la foi et de garder son unité requiert une étroite vigilance, de manière à ce que celui-ci soit "conservé et transmis fidèlement, et que les positions particulières soient unifiées dans l'intégrité de l'Evangile du Christ" (Directoire pour le Ministère pastoral des Evêques ).

Voilà donc l'immense responsabilité que vous assumez en tant que formateurs du peuple, en particulier de vos prêtres et de vos religieux. Ce sont eux vos fidèles collaborateurs. Je connais l'engagement avec lequel vous cherchez à former les nouvelles vocations sacerdotales et religieuses. La formation théologique et dans les disciplines ecclésiastiques demande une formation permanente constante, mais toujours en accord avec l'authentique Magistère de l'Eglise.

Je fais appel à votre zèle sacerdotal et à votre sens du discernement des vocations, également pour savoir compléter la dimension spirituelle, psycho-affective, intellectuelle et pastorale chez les jeunes mûrs et disponibles au service de l'Eglise. Un accompagnement spirituel correct et assidu est indispensable pour favoriser la maturation humaine, et il évite le risque de déviations dans le domaine de la sexualité. Ayez toujours à l'esprit que le célibat sacerdotal constitue un don "que l'Eglise a reçu et veut conserver, convaincue qu'il représente un bien pour elle et pour le monde" (Directoire pour le Ministère et la vie des prêtres, n. 57).

Je voudrais également recommander à votre sollicitude les Communautés religieuses qui s'insèrent dans la vie de votre diocèse. Celles-ci offrent une précieuse contribution, car "les dons de la grâce sont variés, mais c'est toujours le même Esprit" (1Co 12,4). L'Eglise ne peut manquer de manifester sa joie et sa satisfaction pour tout ce que les religieux réalisent dans les Universités, les écoles, les hôpitaux et les autres oeuvres et institutions.

6. Je connais la dynamique de vos Assemblées et l'effort pour définir les divers programmes pastoraux de manière à ce qu'ils accordent la priorité à la formation du clergé et des agents de la pastorale. Certains d'entre vous ont encouragé des mouvements d'évangélisation pour faciliter le regroupement des fidèles selon une certaine ligne d'action. Le Successeur de Pierre compte sur vous, pour que votre préparation repose toujours sur la spiritualité de communion et de fidélité au Siège de Pierre, afin qu'il soit sûr que l'action de l'Esprit Saint ne soit pas vaine. En effet, l'intégrité de la foi, avec la discipline ecclésiale, est et sera toujours un thème qui exige de l'attention et un engagement de votre part à tous, en particulier lorsqu'il s'agit de tirer les conséquences du fait qu'il existe "une seule foi et un seul baptême".

Comme vous le savez, parmi les divers documents qui s'occupent de l'unité des chrétiens, se trouve le Directoire pour l'oecuménisme, publié par le Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens. A notre époque, où l'on assiste à la rencontre des cultures et au défi du sécularisme, l'oecuménisme, c'est-à-dire la recherche de l'unité des chrétiens, devient une tâche toujours plus urgente pour l'Eglise catholique. A la suite de la multiplication de dénominations chrétiennes toujours nouvelles et, surtout, face à certaines formes de prosélytisme, souvent agressives, l'engagement oecuménique devient cependant un travail complexe. Dans ce contexte, une bonne formation historique et doctrinale est indispensable, qui permette le discernement nécessaire et aide à comprendre l'identité spécifique de chacune des communautés, les éléments qui divisent et ceux qui rassemblent sur le chemin vers la construction de l'unité. Le grand domaine commun de collaboration devrait être la défense des valeurs morales fondamentales, transmises par la tradition biblique, contre leur destruction dans une culture relativiste et de consommation; ainsi que la foi en Dieu créateur et en Jésus Christ, son Fils incarné. En outre, le principe de l'amour fraternel et de la recherche de la compréhension et du rapprochement réciproque est toujours valable; mais également la défense de la foi de notre peuple, en le confirmant dans la joyeuse certitude que l'"unica Christi Ecclesia... subsistit in Ecclesia catholica, a successore Petri et Episcopis in eius communione gubernata" ("l'Unique Eglise du Christ... subsiste dans l'Eglise catholique, gouvernée par le Successeur de Pierre et par les Evêques en communion avec lui" (Lumen gentium LG 8).

On avancera ainsi vers un dialogue oecuménique sincère, par l'intermédiaire du Conseil national des Eglises chrétiennes, en s'engageant en vue du plein respect des autres confessions religieuses, qui désirent rester en contact avec l'Eglise catholique qui est au Brésil.

7. Il n'est pas nouveau de constater que votre pays connaît un retard historique de développement social, dont les manifestations extrêmes sont le grand nombre de Brésiliens qui vivent dans des situations d'indigence et une inégalité dans la distribution des revenus, qui peuvent atteindre des niveaux très élevés. C'est à vous, Vénérés Frères, comme hiérarchie du peuple de Dieu, qu'il revient de promouvoir la recherche de nouvelles solutions, riches d'esprit chrétien. Une vision de l'économie et des problèmes sociaux sur la base de la doctrine sociale de l'Eglise, conduit à toujours considérer les choses du point de vue de la dignité de l'homme, qui transcende le simple jeu des facteurs économiques. Il faut donc travailler inlassablement en faveur de la formation des hommes politiques, ainsi que de tous les Brésiliens qui possèdent un certain pouvoir de décision, aussi grand ou petit soit-il, et en général de tous les membres de la société, de manière à ce qu'ils assument pleinement leurs responsabilités et qu'ils sachent donner un visage humain et solidaire à l'économie.

Il est nécessaire de former dans les classes politiques et dans le monde de l'entreprise un authentique esprit de vérité et d'honnêteté. Ceux qui jouent un rôle de responsabilité dans la société doivent chercher à prévoir les conséquences sociales, directes ou indirectes, à court ou à long terme, de leurs décisions, en agissant selon des critères d'optimalisation du bien commun, au lieu de rechercher des profits personnels.

8. Très chers frères, si Dieu le veut, nous trouverons d'autres opportunités pour approfondir les questions qui interpellent notre sollicitude pastorale commune. Aujourd'hui j'ai voulu, d'une manière non exhaustive, certes, exposer les thèmes les plus importants qui s'imposent à ma considération de pasteur de l'Eglise universelle. Je vous exprime mon encouragement affectueux, qui est dans le même temps une prière fraternelle et sincère afin que vous continuiez toujours à travailler, comme vous le faites déjà, dans la concorde, sur la base d'une communion qui trouve dans l'Eucharistie son point culminant et sa source intarissable. Je vous confie tous à la Très Sainte Vierge Marie, Mère du Christ et Mère de l'Eglise, alors que je donne de tout coeur à chacun de vous et à vos communautés respectives ma Bénédiction apostolique.

Merci!




Discours 2005-2013 9517