Discours 2005-2013 12507

RENCONTRE AVEC LES CLARISSES "Fazenda da Esperança", Guaratinguetá Samedi 12 mai 2007

12507
"Loué sois-tu, mon Seigneur, pour toutes tes créatures"

Avec ce salut au Tout-Puissant et Bon Seigneur, le saint "Poverello" d'Assise reconnaissait la bonté unique de Dieu Créateur et la tendresse, la force et la beauté qui, avec douceur, s'étendent à toutes les créatures, en faisant d'elles le miroir de la toute-puissance du Créateur.

Notre rencontre, très chères Filles de sainte Claire, dans cette "Fazenda da Esperança", veut être la manifestation d'un geste d'affection du Successeur de Pierre aux soeurs de clôture, ainsi qu'une sereine manifestation d'amour qui résonne sur ces collines et vallées de la Chaîne de la Mantiqueira et se répand sur toute la terre: "Pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s'entende; mais sur toute la terre en paraît le message et la nouvelle, aux limites du monde" (
Ps 18,4-5). De ce lieu, les filles de Sainte Claire proclament: "Loué sois-tu, mon Seigneur, pour toutes tes créatures!".

Là où la société ne voit plus aucun avenir ou espérance, les chrétiens sont appelés à annoncer la force de la Résurrection: ici justement, dans cette "Fazenda da Esperança", où résident tant de personnes, en particulier des jeunes, qui tentent de surmonter le problème de la drogue, de l'alcool et de la dépendance à des substances chimiques, on témoigne de l'Evangile du Christ au milieu d'une société consumériste éloignée de Dieu. Combien la perspective du Créateur dans son oeuvre est différente! Les soeurs clarisses et les autres religieux de clôture - qui dans la vie contemplative, scrutent la grandeur de Dieu et découvrent également la beauté de la créature - peuvent, avec l'auteur sacré, contempler Dieu lui-même, en extase, en admiration devant son oeuvre, sa créature aimée: "Dieu vit tout ce qu'il avait fait: cela était très bon" (Gn 1,31).

Lorsque le péché entra dans le monde et, avec lui, la mort, la créature aimée de Dieu - même blessée - ne perdit pas toute sa beauté: au contraire, elle reçut un amour plus grand: "Heureuse faute qui a mérité d'avoir un aussi grand Rédempteur!" - proclame l'Eglise dans la nuit mystérieuse et claire de Pâques (Exultet). C'est le Christ ressuscité qui soigne les blessures et qui sauve les fils et les filles de Dieu, qui sauve l'humanité de la mort, du péché et de l'esclavage des passions. La Pâque du Christ unit le ciel et la terre. Dans cette "Fazenda da Esperança" s'unissent les prières des Clarisses et le dur travail de la médecine et de l'ergothérapie pour vaincre les prisons et briser les chaînes des drogues qui font souffrir les fils bien-aimés de Dieu.

Ainsi se recompose la beauté des créatures qui enchante et émerveille leur Créateur. Tel est le Père tout-puissant, le seul dont l'essence est l'amour et dont la gloire est l'homme vivant, comme le dit saint Irénée. Il "a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique (Jn 3,16) pour relever celui qui est tombé le long du chemin, assailli et blessé par les voleurs sur la route de Jérusalem à Jéricho. Sur les routes du monde, Jésus "est la main que le Père tend au pécheur; il est le chemin au moyen duquel nous parvient la paix" (anaphore eucharistique). Oui, ici, nous découvrons que la beauté des créatures et l'amour de Dieu sont inséparables. François et Claire d'Assise découvrent également ce secret et proposent à leurs fils et filles bien-aimés une seule chose, qui est très simple: vivre l'Evangile. Telle est leur norme de conduite et leur règle de vie. Claire l'exprima très bien, lorsqu'elle déclara à ses consoeurs: "Ayez entre vous, mes filles, le même amour avec lequel Jésus vous a aimées" (Testament).

C'est dans cet amour que Frère Hans vous invita à être les garantes de tout le travail accompli dans la "Fazenda da Esperança". A travers la force de la prière silencieuse, à travers les jeûnes et les pénitences, les filles de sainte Claire vivent le commandement de l'amour pour Dieu et pour le prochain, dans le geste suprême d'aimer jusqu'au bout.

Cela signifie qu'il ne faut jamais perdre l'espérance! D'où le nom de cette oeuvre de Frère Hans: "Fazenda da Esperança", la Ferme de l'Espérance. Il faut en effet édifier, construire l'espérance, en tissant la toile d'une société qui, en tendant les fils de la vie, perd le sens véritable de l'espérance. Cette perte - selon saint Paul - est une malédiction que la personne humaine s'impose à elle-même: "des personnes sans coeur" (cf. Rm 1,31).

Très chères soeurs, soyez celles qui proclament que "l'espérance ne déçoit point" (Rm 5,5). Que la douleur du Crucifié, qui emplit l'âme de Marie au pied de la Croix, console les si nombreux coeurs maternels et paternels qui pleurent de douleur pour leurs enfants encore toxicomanes. Annoncez par le silence oblatif de la prière, le silence éloquent que le Père écoute: annoncez le message d'amour qui l'emporte sur la douleur, sur la drogue et sur la mort. Annoncez Jésus Christ, être humain comme nous, souffrant comme nous, qui se chargea de nos péchés pour nous en libérer!

Bientôt commencera la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes, dans le Sanctuaire d'Aparecida, si proche de la "Fazenda da Esperança". J'ai également confiance dans vos prières, afin que nos peuples aient la vie en Jésus Christ et que nous soyons tous disciples et missionnaires. Je supplie Marie - la Mère Aparecida, la Vierge de Nazareth - qui, à la suite du Christ, conservait toute chose en son coeur, de veiller sur vous dans le silence fécond de la prière.

A toutes les soeurs de clôture, en particulier aux Clarisses présentes dans cette OEuvre, s'adressent ma Bénédiction, ainsi que mon affection.



RENCONTRE AVEC LES MEMBRES DE LA COMMUNAUTÉ Fazenda da Esperança, Guaratinguetá Samedi 12 mai 2007

12517
Très chers amis et amies!
Me voici enfin à la "Fazenda da Esperança"!

1. Je salue avec une affection particulière Frère Hans Stapel, Fondateur de l'OEuvre sociale "Nossa Senhora da Glória", connue également sous le nom de "Fazenda da Esperança". Je désire tout d'abord me réjouir avec vous tous que vous ayez cru en l'idéal de bien et de paix que cet endroit signifie.

A vous tous, qui vous trouvez sur le chemin de la réinsertion, ainsi qu'à tous ceux qui se sont rétablis, aux volontaires, aux familles, aux anciens pensionnaires et aux bienfaiteurs de toutes les "fazendas" représentées à cette occasion pour ce rendez-vous avec le Pape, je voudrais dire: Paix et Bien!

Je sais que se sont réunis ici les représentants de divers pays, où la "Fazenda da Esperança" est implantée. Vous êtes venus voir le Pape. Vous êtes venus pour écouter et réfléchir sur ce qu'il souhaite vous dire.

2. L'Eglise d'aujourd'hui doit raviver en elle la conscience de sa tâche de reproposer au monde la voix de Celui qui dit: "Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres mais aura la lumière de la vie" (
Jn 8,12). Pour sa part, la mission du Pape est de renouveler dans les coeurs cette lumière qui ne s'affaiblit pas, car elle désire illuminer en profondeur les âmes qui cherchent le véritable bien et la paix, que le monde ne peut pas donner. Une lumière comme celle-ci a uniquement besoin d'un coeur ouvert aux élans divins. Dieu ne contraint pas, il n'opprime pas la liberté individuelle; il demande seulement l'ouverture de ce sanctuaire de notre conscience à travers lequel passent toutes les aspirations les plus nobles, mais également les affections et les passions désordonnées qui brouillent le message du Très-Haut.

3. "Voici, je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi" (Ap 3,20). Ce sont des paroles divines qui touchent le plus profond de l'âme et qui la font vibrer jusqu'à ses racines les plus profondes.

A un certain moment de notre vie, Jésus vient et frappe à notre porte, des coups d'une grande douceur, au plus profond des coeurs bien disposés. Avec vous, il l'a fait à travers une personne amie ou un prêtre, ou bien peut-être a-t-il prédisposé une série de coïncidences pour vous faire comprendre que vous êtes objet de la prédilection divine. A travers l'institution qui vous accueille, le Seigneur vous a permis cette expérience de guérison physique et spirituelle d'une importance vitale pour vous et pour vos proches. A la suite de cela, la société attend que vous sachiez transmettre ce bien précieux de la santé à vos amis et aux membres de toute la communauté.

Vous devez être les ambassadeurs de l'espérance! Le Brésil possède des statistiques extrêmement élevées en ce qui concerne la dépendance chimique à l'égard des drogues et des stupéfiants. Et l'Amérique latine dans son ensemble également. C'est pourquoi je dis aux revendeurs de drogue de bien réfléchir au mal qu'ils sont en train de faire à une multitude de jeunes et d'adultes de toutes les couches sociales: Dieu leur demandera compte de ce qu'ils ont fait. La dignité humaine ne peut pas être foulée au pied de cette manière. Le mal provoqué mérite la même réprobation que celle que Jésus exprima à l'égard de ceux qui scandalisaient les "plus petits", les préférés de Dieu (cf. Mt 18,7-10).

4. Grâce à une thérapie qui inclut l'assistance médicale, psychologique et pédagogique, mais également beaucoup de prière, de travail manuel et de discipline, nombreuses sont déjà les personnes, en particulier les jeunes, qui ont réussi à se libérer de la dépendance chimique et de l'alcool et à retrouver le sens de la vie.

Je souhaite manifester mon appréciation pour cette OEuvre, qui a pour fondement spirituel le charisme de saint François et la spiritualité du Mouvement des "Focolari".

La réinsertion dans la société constitue, sans aucun doute, une démonstration de l'efficacité de votre initiative. Toutefois, ce qui a attire le plus l'attention, et confirme la validité du travail, ce sont les conversions, le fait de retrouver Dieu et la participation active à la vie de l'Eglise. Il ne suffit pas de soigner le corps, il faut orner l'âme des dons divins les plus précieux reçus avec le Baptême.

Nous rendons grâce à Dieu d'avoir voulu placer de si nombreuses âmes sur la voie d'une espérance renouvelée, avec l'aide du Sacrement du pardon et de la célébration de l'Eucharistie.

5. Chers amis, je ne peux pas laisser échapper cette opportunité de remercier également tous ceux qui collaborent matériellement et spirituellement pour assurer sa continuité à l'OEuvre sociale Nossa Senhora da Glória. Que Dieu bénisse Frère Hans Stapel et Nelson Giovanelli Ros pour avoir accueilli son invitation à vous consacrer leur vie. Que le Seigneur bénisse également tous ceux qui travaillent au service de cette OEuvre: les personnes consacrées, les volontaires, hommes et femmes. Une Bénédiction spéciale va également à toutes les personnes amies qui la soutiennent: les autorités, les groupes de soutien et tous ceux qui aiment le Christ présent dans ses fils bien-aimés qui sont ici.

Ma pensée se tourne à présent vers les nombreuses autres institutions du monde entier qui travaillent pour rendre la vie, et une vie nouvelle, à nos frères présents dans notre société, et que Dieu aime avec un amour préférentiel. Je pense également aux nombreux groupes des alcooliques anonymes et des toxicomanes anonymes, et à la pastorale de l'"abstinence" qui oeuvre déjà au sein de nombreuses communautés, en apportant son aide généreuse en faveur de la vie.

6. La proximité du Sanctuaire d'Aparecida nous assure que la "Fazenda da Esperança" a vu le jour sous sa Bénédiction et son regard maternel. Depuis longtemps, je demande à la Mère, Reine et Patronne du Brésil, d'étendre son manteau protecteur sur ceux qui participeront à la V Conférence générale de l'épiscopat de l'Amérique latine et des Caraïbes. Votre présence ici assure une aide considérable pour le succès de cette grande assemblée; placez vos prières, vos sacrifices et vos renoncements sur l'autel de la Chapelle, en étant assurés que, dans le Saint Sacrifice de l'Autel, ces offrandes monteront au ciel comme de doux parfums adressés au Très-Haut. Je compte sur votre aide. Que saint Frère Galvão et sainte Crescenza veillent et protègent chacun de vous. Je vous bénis tous au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen.


RÉCITATION DU CHAPELET EN PRÉSENCE DE PRÊTRES, DE RELIGIEUX, DE RELIGIEUSES, DE SÉMINARISTES ET DE DIACRES Sanctuaire d'Aparecida Samedi 12 mai 2007

12527
Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Bien-aimés religieux et vous tous qui, soutenus par la voix de Jésus Christ,
l'avez suivi par amour,
Très chers séminaristes, qui vous préparez au ministère sacerdotal,
Chers représentants des Mouvements ecclésiaux et vous tous, laïcs,
qui apportez la force de l'Evangile dans le monde du travail et de la culture,
au sein des familles, ainsi que dans vos paroisses!

1. De même que les Apôtres, avec Marie, "montèrent à la chambre haute" et là, "d'un même coeur étaient assidus à la prière" (cf. Ac
Ac 1,13-14), nous aussi, aujourd'hui, nous nous sommes rassemblés ici dans le Sanctuaire de Notre-Dame de la Conception Aparecida, qui, en cette heure, est pour nous la "chambre haute" où Marie, Mère du Seigneur, se trouve parmi nous. Aujourd'hui, c'est Elle qui guide notre méditation; c'est Elle qui nous enseigne à prier. C'est Elle qui nous indique la façon d'ouvrir nos esprits et nos coeurs à la puissance de l'Esprit Saint, qui vient pour être transmis au monde entier.

Nous venons de réciter le Rosaire. A travers ses cycles de méditation, le divin Consolateur veut nous introduire dans la connaissance du Christ qui jaillit de la source limpide du texte évangélique. Pour sa part, l'Eglise du troisième millénaire se propose d'offrir aux chrétiens la capacité de "pénétrer - selon les paroles de saint Paul - le mystère de Dieu, dans lequel se trouvent, cachés, tous les trésors de la sagesse et de la connaissance" (Col 2,2-3). Marie, la Très Sainte Vierge pure et sans tache, est pour nous une école de foi destinée à nous guider et à nous donner de la force sur le sentier qui conduit à la rencontre du Créateur du Ciel et de la Terre. C'est avec une vive joie que le Pape est venu à Aparecida, pour vous dire tout d'abord: "Demeurez à l'école de Marie". Inspirez-vous de ses enseignements, cherchez à accueillir et à conserver dans votre coeur les lumières que, par mandat divin, Elle vous envoie d'en-haut.

Comme il est beau d'être ici réunis au nom du Christ, dans la foi, dans la fraternité, dans la joie, dans la paix et "dans la prière avec Marie, la Mère de Jésus" (cf. Ac Ac 1,14). Très chers prêtres, diacres, personnes consacrées, séminaristes et familles chrétiennes, comme il est beau d'être ici dans le Sanctuaire national de Notre-Dame de la Conception Aparecida, qui est la Demeure de Dieu, la Maison de Marie et la Maison de nos Frères, et qui, au cours de ces journées, se transforme également en siège de la V Conférence épiscopale latino-américaine et des Caraïbes. Comme il est beau d'être ici dans cette Basilique mariale vers laquelle, en ce moment, convergent les regards et les espérances du monde chrétien, en particulier de l'Amérique latine et des Caraïbes!

2. Je suis heureux d'être ici avec vous, au milieu de vous! Le Pape vous aime! Le Pape vous salue affectueusement! Il prie pour vous! Et il implore du Seigneur les bénédictions les plus précieuses sur les Mouvements, sur les Associations et sur les nouvelles réalités ecclésiales, expressions vivantes de la jeunesse éternelle de l'Eglise! Soyez vraiment bénis! De ce lieu, je vous adresse un salut véritablement affectueux, à vous familles ici rassemblées pour représenter toutes les très chères familles chrétiennes présentes dans le monde entier. Je me réjouis de manière très particulière avec vous et je vous donne mon baiser de paix.

Je remercie de l'accueil et de l'hospitalité du peuple brésilien. Depuis que je suis arrivé, j'ai été reçu avec beaucoup d'affection! Les diverses manifestations de joie et les saluts démontrent à quel point vous aimez, vous estimez et vous respectez le Successeur de l'Apôtre Pierre. Mon Prédécesseur, le Serviteur de Dieu Jean-Paul II, a mentionné à plusieurs reprises votre sympathie et votre esprit d'accueil fraternel. Il avait pleinement raison!

3. Je salue les chers prêtres ici présents, alors que je pense et que je prie pour tous les prêtres présents dans le monde entier, de manière particulière en Amérique latine et aux Caraïbes, et parmi eux également les prêtres Fidei donum. Que de défis, que de situations difficiles vous affrontez, que de générosité, que d'abnégation, de sacrifices, de renoncements! La fidélité dans l'exercice du ministère et dans la vie de prière, la recherche de la sainteté, le don total à Dieu dans le service aux frères et aux soeurs, en dépensant vos vies et vos énergies, en promouvant la justice, la fraternité, la solidarité et le partage - tout cela parle profondément à mon coeur de pasteur. Le témoignage d'un sacerdoce vécu d'une juste manière ennoblit l'Eglise, suscite l'admiration des fidèles, est source de bénédictions pour la communauté, représente la meilleure promotion des vocations, l'invitation la plus authentique pour que d'autres jeunes répondent également de manière positive aux appels du Seigneur. C'est la véritable collaboration en vue de la construction du Royaume de Dieu!

Je vous remercie sincèrement et je vous exhorte à continuer de vivre de manière digne la vocation que vous avez reçue. Que la ferveur missionnaire, la passion pour une évangélisation toujours plus actuelle, l'esprit apostolique authentique et le zèle pour les âmes soient toujours présents dans vos vies! Mon affection, mes prières et mes remerciements vont également aux prêtres âgés et malades. Votre configuration au Christ Souffrant et Ressuscité constitue l'apostolat le plus fécond! Je vous remercie beaucoup!

4. Très chers diacres et séminaristes, à vous aussi, qui occupez une place spéciale dans le coeur du Pape, j'exprime un salut très fraternel et cordial. La gaieté, l'enthousiasme, l'idéalisme, l'encouragement en vue d'affronter avec audace les nouveaux défis renouvellent la disponibilité du Peuple de Dieu, rendent les fidèles plus dynamiques et conduisent la communauté à croître, à progresser, à être plus confiante, joyeuse et optimiste. Je vous remercie du témoignage que vous offrez, en collaborant avec vos Evêques dans les activités pastorales des diocèses. Ayez toujours devant les yeux la figure de Jésus, le Bon Pasteur, qui "n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude" (Mt 20,28). Soyez comme les premiers diacres de l'Eglise: des hommes de bonne réputation, remplis de l'Esprit Saint, de sagesse et de foi (cf. Ac Ac 6,3-5). Et vous, séminaristes, rendez grâce à Dieu de l'appel qu'Il vous adresse. Rappelez-vous que le séminaire est le "berceau de votre vocation et le terrain d'entraînement de la première expérience de communion" (Directoire pour le Ministère et la Vie des Prêtres, n. 32). Je prie pour que vous soyez, avec l'aide de Dieu, des prêtres saints, des fidèles heureux de servir l'Eglise!

5. Je tourne à présent mon regard et mon attention vers vous, bien-aimées personnes consacrées, réunies ici dans le Sanctuaire de la Mère, Reine et Patronne du Peuple brésilien, et également présentes dans toutes les parties du monde.

Vous, religieux et religieuses, vous êtes une offrande, un cadeau, un don divin que l'Eglise a reçu de son Seigneur. Je rends grâce à Dieu pour votre vie et pour le témoignage que vous donnez au monde d'un amour fidèle à Dieu et à vos frères. Cet amour sans réserve, total, définitif, inconditionné et passionné se manifeste dans le silence, dans la contemplation, dans la prière et dans les activités les plus diverses que vous exercez, dans vos famille religieuses, en faveur de l'humanité et principalement des plus pauvres et abandonnés. Tout cela suscite dans le coeur des jeunes le désir de suivre de plus près et de manière radicale le Christ Seigneur et d'offrir la vie pour rendre témoignage aux hommes et aux femmes de notre temps du fait que Dieu est Amour et que cela vaut la peine de se laisser conquérir et attirer pour se consacrer exclusivement à Lui (cf. Exhort. apost. Vita consecrata VC 15).

La vie religieuse au Brésil a toujours été significative et a joué un rôle important dans l'oeuvre d'évangélisation, dès les débuts de la colonisation. Hier encore, j'ai eu le grand plaisir de présider la Concélébration eucharistique au cours de laquelle a été canonisé saint Antonio di Sant'Anna Galvão, prêtre et religieux franciscain, premier saint né au Brésil. A ses côtés, un autre admirable témoignage de personne consacrée est celui de sainte Paulina, fondatrice des Petites Soeurs de l'Immaculée Conception. J'aurais de nombreux autres exemples à citer. Que ceux-ci, tous ensemble, vous servent d'encouragement pour vivre une consécration totale. Que Dieu vous bénisse!

6. Aujourd'hui, à la veille de l'ouverture de la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américan et des Caraïbes, que j'aurai le plaisir de présider, je ressens le désir de vous dire à tous combien est important le sens de notre appartenance à l'Eglise, qui conduit les chrétiens à croître et à mûrir comme des frères, fils du même Dieu et Père. Très chers hommes et femmes d'Amérique latine, je sais que vous avez une grande soif de Dieu. Je sais que vous suivez Jésus, qui dit: "Nul ne vient au Père que par moi" (Jn 14,6). Le Pape veut donc vous dire à tous: l'Eglise est notre Maison! C'est notre Maison! Dans l'Eglise catholique, nous trouvons tout ce qui est bon, tout ce qui est un motif de certitude et de réconfort! Celui qui accepte le Christ, "Chemin, Vérité et Vie" dans sa totalité, est assuré d'avoir la paix et le bonheur, dans cette vie et dans l'autre! C'est pourquoi, le Pape est venu ici pour prier et confesser avec vous tous: Il vaut la peine d'être fidèles, il vaut la peine de persévérer dans sa propre foi! La cohérence dans la foi exige cependant également une solide formation doctrinale et spirituelle, contribuant ainsi à l'édification d'une société plus juste, plus humaine et chrétienne. Le Catéchisme de l'Eglise catholique, également dans sa version plus réduite, publiée sous le titre de Compendium, sera utile pour acquérir de claires notions à propos de notre foi. Demandons, dès à présent, que la venue de l'Esprit Saint soit pour tous comme une nouvelle Pentecôte, afin qu'il illumine nos coeurs et notre foi par la lumière qui vient d'en-haut.

7. C'est avec une grande espérance que je m'adresse à vous tous qui vous trouvez à l'intérieur de cette majestueuse Basilique, et à ceux qui ont participé au Rosaire en étant à l'extérieur, pour vous inviter à devenir profondément missionnaires et à apporter la Bonne Nouvelle de l'Evangile dans tous les points cardinaux de l'Amérique latine et du monde.

Demandons à la Mère de Dieu, Notre-Dame de la Conception Aparecida, de protéger la vie de tous les chrétiens. Puisse-t-Elle, Etoile de l'Evangélisation, guider nos pas sur le chemin vers le Royaume céleste:

"Notre Mère, protège la famille brésilienne et latino-américaine!

Abrite sous ton manteau protecteur les fils de cette bien-aimée patrie qui nous accueille,

Toi qui es l'Avocate auprès de ton Fils Jésus, donne au Peuple brésilien une paix constante et une prospérité complète,

Insuffle chez nos frères de tous le continent latino-américain une véritable ardeur missionnaire, propagatrice de foi et d'espérance,

Fais que ton cri, qui a retenti à Fatima pour la conversion des pécheurs, devienne réalité et transforme la vie de notre société,

et Toi qui, du Sanctuaire de Guadalupe, intercèdes pour le peuple du Continent de l'espérance, bénis ses terres et ses foyers,

Amen".



SESSION INAUGURALE DES TRAVAUX DE LA V CONFÉRENCE GÉNÉRALE DE L'ÉPISCOPAT LATINO-AMÉRICAIN ET DES CARAÏBES

13507
Sanctuaire de Notre-Dame d'Aparecida Dimanche, 13 mai 2007
Chers frères dans l'épiscopat,
bien-aimés prêtres, religieux, religieuses et laïcs.
Chers observateurs d'autres confessions religieuses!


C'est pour moi un motif de grande joie de me trouver aujourd'hui avec vous pour inaugurer la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes, qui est célébrée tout près du Sanctuaire de Notre-Dame d'Aparecida, Patronne du Brésil. Je souhaite que mes premières paroles soient une action de grâce et de louange à Dieu pour le grand don de la foi chrétienne aux peuples de ce continent.

Je désire par ailleurs exprimer ma gratitude pour les aimables paroles de Monsieur le Cardinal Francisco Javier Errázuriz Ossa, Archevêque de Santiago du Chili et Président du CELAM, prononcées également au nom de l'ancien Président et des participants à cette Conférence générale.

1. La foi chrétienne en Amérique latine

La foi en Dieu a animé la vie et la culture de ces pays pendant plus de cinq siècles. De la rencontre de cette foi avec les ethnies originelles est née la riche culture chrétienne de ce continent exprimée dans l'art, dans la musique, dans la littérature et, surtout, dans les traditions religieuses et dans la manière d'être de ses peuples, unis par une même histoire et un même credo, en donnant ainsi le jour à une grande harmonie également dans la diversité des cultures et des langues. Actuellement, cette même foi doit affronter de sérieux défis, parce que sont en jeu le développement harmonieux de la société et l'identité catholique de ses peuples. A cet égard, la V Conférence générale se prépare à réfléchir sur cette situation pour aider les fidèles chrétiens à vivre leur foi avec joie et cohérence, à prendre conscience d'être disciples et missionnaires du Christ, envoyés par Lui dans le monde pour annoncer et témoigner de notre foi et de notre amour.

Mais, qu'a signifié l'acceptation de la foi chrétienne pour les pays de l'Amérique latine et des Caraïbes? Pour eux, cela a signifié connaître et accueillir le Christ, le Dieu inconnu que leurs ancêtres, sans le savoir, cherchaient dans leurs riches traditions religieuses. Le Christ était le Sauveur auquel ils aspiraient silencieusement. Cela a également signifié qu'ils ont reçu, avec les eaux du Baptême, la vie divine qui a fait d'eux les fils de Dieu par adoption; qu'ils ont reçu, en outre, l'Esprit Saint qui est venu féconder leurs cultures, en les purifiant et en développant les nombreux germes et semences que le Verbe incarné avait déposés en elles, en les orientant ainsi vers les routes de l'Evangile. En effet, à aucun moment l'annonce de Jésus et de son Evangile ne comporta une aliénation des cultures précolombiennes, ni ne fut une imposition d'une culture étrangère. Les cultures authentiques ne sont pas fermées sur elles-mêmes ni pétrifiées à un moment déterminé de l'histoire, mais elles sont ouvertes, plus encore, elles cherchent la rencontre avec les autres cultures, elles espèrent atteindre l'universalité dans la rencontre et dans le dialogue avec les autres formes de vie et avec les éléments qui peuvent conduire à une nouvelle synthèse dans laquelle soit toujours respectée la diversité des expressions et de leur réalisation culturelle concrète.

En dernière instance, seule la vérité unifie et la preuve en est l'amour. C'est pour cette raison que le Christ, étant réellement le Logos incarné, "l'amour jusqu'au bout", n'est étranger à aucune culture ni à aucune personne; au contraire, la réponse désirée dans le coeur des cultures est celle qui leur confère leur identité ultime, en unissant l'humanité et en respectant dans le même temps la richesse des diversités, en ouvrant chacun à la croissance dans la véritable humanisation, dans l'authentique progrès. Le Verbe de Dieu, en se faisant chair en Jésus Christ, se fit également histoire et culture.

L'utopie de redonner vie aux religions précolombiennes, en les séparant du Christ et de l'Eglise universelle, ne serait pas un progrès, mais plutôt une régression. En réalité, il s'agirait d'un retour vers un moment historique ancré dans le passé.

La sagesse des peuples originaires les conduisit, fort heureusement, à créer une synthèse entre leurs cultures et la foi chrétienne que les missionnaires leur offraient. C'est de là qu'est née la riche et profonde religiosité populaire, dans laquelle apparaît l'âme des peuples latino-américains:

- L'amour pour le Christ souffrant, le Dieu de la compassion, du pardon et de la réconciliation; le Dieu qui nous a aimés jusqu'à se livrer pour nous;
- L'amour pour le Seigneur présent dans l'Eucharistie, le Dieu incarné, mort et ressuscité pour être Pain de Vie;
- Le Dieu proche des pauvres et de ceux qui souffrent;
- La profonde dévotion à la Très Sainte Vierge de Guadalupe, l'Aparecida, la Vierge des diverses invocations nationales et locales. Lorsque la Vierge de Guadalupe apparut à l'indio saint Juan Diego, elle lui adressa ces paroles significatives: "Ne suis-je pas ici moi qui suis ta mère? N'es-tu pas sous mon ombre et mon regard? Ne suis-je pas la source de ta joie? Ne demeures-tu pas à l'abri sous mon manteau entre mes bras?" (Nica Mopohua, nn. 118-119).

Cette religiosité s'exprime également dans la dévotion aux saints avec leurs fêtes patronales, dans l'amour pour le Pape et pour les autres Pasteurs, dans l'amour pour l'Eglise universelle comme grande famille de Dieu qui ne peut ni ne doit jamais laisser seuls ou dans la misère ses propres fils. Tout cela forme la grande mosaïque de la religiosité populaire qui constitue le précieux trésor de l'Eglise catholique qui est en Amérique latine, et qu'elle doit protéger, promouvoir et, lorsque cela est nécessaire, purifier également.

2. Continuité avec les autres Conférences

Cette V Conférence générale est célébrée en continuité avec les quatre autres qui l'ont précédée à Rio de Janeiro, Medellín, Puebla et Saint-Domingue. Avec le même esprit qui les anima, les Pasteurs veulent à présent donner un nouvel élan à l'évangélisation, afin que ces peuples continuent à croître et à mûrir dans leur foi, pour être la lumière du monde et des témoins de Jésus Christ à travers leur propre vie.

Après la IV Conférence générale de Saint-Domingue, beaucoup de choses ont changé dans la société. L'Eglise qui participe aux réalisations et aux espérances, aux peines et aux joies de ses fils, veut marcher à leurs côtés en cette période où les défis sont si nombreux, pour leur apporter toujours plus d'espérance et de réconfort (cf. Gaudium et spes
GS 1).

Dans le monde d'aujourd'hui se développe le phénomène de la mondialisation, comme un entrelacs de relations au niveau planétaire. Bien que, sous certains aspects, cela représente un gain pour la grande famille humaine et un signal de sa profonde aspiration à l'unité, elle comporte toutefois également, sans aucun doute, le risque de grands monopoles et de transformer le lucre en une valeur suprême. Comme tous les domaines de l'activité humaine, la mondialisation doit également être guidée par l'éthique, en plaçant toute chose au service de la personne humaine, créée à l'image et à la ressemblance de Dieu.

En Amérique latine et dans les Caraïbes, comme dans d'autres régions du monde, on a enregistré des progrès vers la démocratie, bien qu'il existe des motifs de préoccupation face à des formes de gouvernement autoritaires sujettes à certaines idéologies que l'on croyait dépassées, et qui ne correspondent pas à la vision chrétienne de l'homme et de la société, comme nous l'enseigne la Doctrine sociale de l'Eglise. D'autre part, l'économie libérale de certains pays latino-américains doit tenir compte de l'équité, parce que continuent d'augmenter les secteurs de la société qui se voient oppressés toujours davantage par une immense pauvreté, voire dépossédés de leurs ressources naturelles.

Dans les communautés ecclésiales de l'Amérique latine, la maturité de la foi de nombreux hommes et femmes laïcs actifs et dévoués au Seigneur, est remarquable, tout comme la présence de nombreux catéchistes généreux, de nombreux jeunes, de nouveaux mouvements ecclésiaux et de récents instituts de vie consacrée. Un grand nombre d'oeuvres catholiques d'éducation, d'assistance et d'accueil se révèlent fondamentales. On perçoit, il est vrai, un certain affaiblissement de la vie chrétienne dans l'ensemble de la société et de la participation à la vie de l'Eglise catholique, dû au sécularisme, à l'hédonisme, à l'indifférentisme et au prosélytisme de nombreuses sectes, de religions animistes et de nouvelles expressions pseudo-religieuses.

Tout cela donne lieu à une situation nouvelle qui sera analysée ici, à Aparecida. Face aux nouveaux choix difficiles, les fidèles espèrent de cette V Conférence un renouveau et une revitalisation de leur foi dans le Christ, dans notre unique Maître et Sauveur, qui nous a révélé l'expérience unique de l'Amour infini de Dieu le Père pour les hommes. De cette source, pourront naître de nouvelles routes et des projets pastoraux créatifs, capables de transmettre une ferme espérance pour vivre de manière responsable et joyeuse la foi et la faire rayonner ainsi dans son propre milieu.

3. Disciples et missionnaires

Cette Conférence générale a pour thème: "Disciples et missionnaires de Jésus Christ, afin que nos peuples aient la vie en Lui".

L'Eglise a le grand devoir de protéger et de nourrir la foi du Peuple de Dieu, et de rappeler également aux fidèles de ce Continent que, en vertu de leur Baptême, ils sont appelés à être des disciples et des missionnaires de Jésus Christ. Cela implique de Le suivre, de vivre en intimité avec Lui, d'imiter son exemple et de témoigner. Chaque baptisé reçoit du Christ, comme les Apôtres, le mandat de la mission: "Allez dans le monde entier, proclamez l'Evangile à toute la Création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé" (Mc 16,15). Etre disciples et missionnaires de Jésus Christ et chercher la vie "en Lui" suppose que l'on soit profondément enraciné en Lui.

Que nous donne réellement le Christ? Pourquoi voulons-nous être disciples du Christ? La réponse est: Parce que nous espérons trouver dans la communion avec Lui la vie, la véritable vie digne de ce nom, et c'est pourquoi nous voulons le faire connaître aux autres, leur communiquer le don que nous avons trouvé en Lui. Mais en est-il véritablement ainsi? Sommes-nous réellement convaincus que le Christ est le chemin, la vérité et la vie?

Devant les priorités de la foi dans le Christ et de la vie "en Lui", formulée dans l'intitulé de cette V Conférence, pourrait également être soulevée une autre question: cette priorité ne pourrait-elle pas être, par hasard, une fuite vers l'intimité, vers l'individualisme religieux, un abandon de la réalité urgente des grands problèmes économiques, sociaux et politiques de l'Amérique latine et du monde, et une fuite de la réalité vers un monde spirituel?

Comme premier pas, nous pouvons répondre à cette question par une autre: Qu'est-ce que cette "réalité"? Qu'est-ce que le réel? La "réalité", est-ce seulement les biens matériels, les problèmes sociaux, économiques et politiques? C'est précisément là que réside la grande erreur des tendances dominantes de ce dernier siècle, une erreur destructrice, comme le démontrent les résultats tant des systèmes marxistes que des systèmes capitalistes. Ils faussent le concept de réalité en l'amputant de leur réalité fondatrice et pour cela décisive qui est Dieu. Celui qui exclut Dieu de son horizon fausse le concept de "réalité" et, par conséquent, ne peut finir que sur des chemins erronés et avec des recettes destructrices.

La première affirmation fondamentale est donc la suivante: Seul celui qui reconnaît Dieu connaît la réalité et peut répondre à celle-ci de manière adéquate et réellement humaine. La vérité de cette thèse apparaît avec évidence devant l'échec de tous les systèmes qui mettent Dieu entre parenthèses.

Mais une question apparaît aussitôt: Qui connaît Dieu? Comment pouvons-nous le connaître? Nous ne pouvons pas entrer ici dans un débat complexe sur cette question fondamentale. Pour le chrétien, le coeur de la réponse est simple: Seul Dieu connaît Dieu, seul son Fils qui est Dieu né de Dieu, vrai Dieu, le connaît. Et Lui, "qui est tourné vers le sein du Père, lui, l'a fait connaître" (Jn 1,18). D'où l'importance unique et irremplaçable du Christ pour nous, pour l'humanité. Si nous ne connaissons pas Dieu dans le Christ et avec le Christ, toute la réalité se transforme en une réalité indéchiffrable; il n'y a pas de chemin, et comme il n'y a pas de chemin, il n'y a pas de vie, ni de vérité.

Dieu est la réalité fondatrice, non pas un Dieu seulement pensé ou hypothétique, mais bien un Dieu au visage humain; c'est le Dieu-avec-nous, le Dieu de l'amour jusqu'à la croix. Lorsque le disciple arrive à la compréhension de cet amour du Christ "jusqu'au bout", il ne peut manquer de répondre à cet amour sinon par un amour semblable: "Je te suivrai où que tu ailles" (Lc 9,57).

Nous pouvons encore nous poser une autre question: que nous donne la foi dans ce Dieu? La première réponse est: elle nous donne une famille, la famille universelle de Dieu dans l'Eglise catholique. La foi nous libère de l'isolement du moi, parce qu'elle nous conduit à la communion: la rencontre avec Dieu est, en elle-même et comme telle, une rencontre avec nos frères, un acte de convocation, d'unification, de responsabilité envers l'autre et envers les autres. En ce sens, l'option préférentielle pour les pauvres est implicite dans la foi christologique en ce Dieu qui s'est fait pauvre pour nous, pour nous enrichir de sa pauvreté (cf. 2Co 8,9).

Mais avant d'aborder ce qu'implique le réalisme de la foi dans le Dieu fait homme, nous devons approfondir la question: comment connaître réellement le Christ pour pouvoir le suivre et vivre avec Lui, pour trouver la vie en Lui et pour communiquer cette vie aux autres, à la société et au monde? Tout d'abord, il nous est donné de connaître le Christ dans sa personne, dans sa vie et dans sa doctrine par l'intermédiaire de la Parole de Dieu. Au début de la nouvelle étape que l'Eglise missionnaire d'Amérique latine et des Caraïbes se prépare à entreprendre, à partir de cette V Conférence générale à Aparecida, la connaissance profonde de la Parole de Dieu est une condition indispensable.

C'est pourquoi il faut éduquer le peuple à la lecture et à la méditation de la Parole de Dieu: que celle-ci devienne sa nourriture afin qu'à travers leur propre expérience, les fidèles voient que les paroles de Jésus sont esprit et vie (cf. Jn 6,63). Autrement, comment annonceraient-ils un message dont ils ne connaissent pas en profondeur le contenu et l'esprit? Nous devons fonder notre engagement missionnaire et toute notre vie sur le roc de la Parole de Dieu. Dans ce but, j'encourage les Pasteurs à s'efforcer de la faire connaître.

Un instrument important pour introduire le Peuple de Dieu dans le mystère du Christ est la catéchèse. A travers celle-ci le message du Christ est transmis sous une forme simple et substantielle. Il faudra donc intensifier la catéchèse et la formation dans la foi, tant des enfants que des jeunes et des adultes. La réflexion mûre sur la foi est lumière pour le chemin de la vie et force pour être des témoins du Christ. A cette fin, on dispose d'instruments très précieux, tels que le Catéchisme de l'Eglise catholique et sa version abrégée, le Compendium du Catéchisme de l'Eglise catholique.

Dans ce domaine, il ne faut pas se limiter uniquement aux homélies, aux conférences, aux cours sur la Bible ou à la théologie, mais il faut recourir aux moyens de communication: la presse, la radio et la télévision, les sites internet, les forums et les nombreux autres systèmes pour transmettre efficacement le message du Christ à un grand nombre de personnes.

Dans cet effort pour connaître le message du Christ et en faire le guide de sa propre vie, il faut rappeler que l'évangélisation s'est toujours développée en même temps que la promotion humaine et la libération chrétienne authentique. "L'amour de Dieu et l'amour du prochain se fondent l'un dans l'autre: dans le plus petit, nous rencontrons Jésus lui-même et en Jésus nous rencontrons Dieu" (Lett. enc. Deus caritas est ). C'est pour cette raison également que sera nécessaire une catéchèse sociale et une formation adaptée à la doctrine sociale de l'Eglise, pour laquelle le Compendium de la Doctrine sociale de l'Eglise catholique est d'une très grande utilité. La vie chrétienne ne s'exprime pas seulement dans les vertus personnelles, mais également dans les vertus sociales et politiques.

Le disciple, ainsi fondé sur le roc de la Parole de Dieu, se sent poussé à apporter la Bonne Nouvelle du salut à ses frères. La condition de disciple et la mission sont les deux faces de la même médaille: lorsque le disciple est amoureux du Christ, il ne peut pas arrêter d'annoncer au monde que Lui seul nous sauve (cf. He 4,12). En effet, le disciple sait que, sans le Christ, il n'y a pas de lumière, il n'y a pas d'espérance, il n'y a pas d'amour, il n'y a pas d'avenir.

4. "Afin qu'ils aient la vie en Lui"

Les peuples latino-américains et des Caraïbes ont droit à une vie pleine, propre aux fils de Dieu, avec certaines conditions plus humaines: libérés des menaces de la faim et de toute forme de violence. Les Pasteurs doivent promouvoir pour ces peuples une culture de la vie qui permette, comme le disait mon prédécesseur Paul VI, "la montée de la misère vers la possession du nécessaire, l'acquisition de la culture,... la coopération au bien commun,... la reconnaissance par l'homme des valeurs suprêmes, et de Dieu qui en est la source et le terme" (Populorum progressio PP 21).

Dans ce contexte, je suis heureux d'évoquer l'Encyclique Populorum progressio, dont nous commémorons cette année le 40 anniversaire. Ce document pontifical met en évidence que le développement authentique doit être intégral, c'est-à-dire orienté vers la promotion de tout l'homme et de tous les hommes (cf. n. 14), et il invite chacun à éliminer les graves inégalités sociales et les immenses différences dans l'accès aux biens. Ces peuples aspirent, avant tout, à la plénitude de la vie que le Christ nous a apportée: "Moi je suis venu pour qu'on ait la vie et qu'on l'ait surabondante" (Jn 10,10). Avec cette vie divine se développe également pleinement l'existence humaine, dans sa dimension personnelle, familiale, sociale et culturelle.

Pour former le disciple et soutenir le missionnaire dans sa grande tâche, l'Eglise leur offre, en plus du Pain de la Parole, le Pain de l'Eucharistie. A cet égard, la page de l'Evangile sur les disciples d'Emmaüs nous inspire et nous éclaire. Lorsque ceux-ci s'assoient à table et reçoivent de Jésus Christ le pain béni et partagé, leurs yeux s'ouvrent, ils découvrent le visage du Ressuscité, ils ressentent dans leur coeur que tout ce qu'il a dit et fait est la vérité, et que la rédemption du monde a déjà commencé. Chaque dimanche et chaque Eucharistie est une rencontre personnelle avec le Christ. En écoutant la Parole divine, le coeur brûle parce que c'est Lui qui l'explique et la proclame. Lorsque dans l'Eucharistie, le pain est partagé, c'est Lui que l'on reçoit en personne. L'Eucharistie est la nourriture indispensable pour la vie du disciple et du missionnaire du Christ.

La Messe dominicale, coeur de la vie chrétienne

D'où la nécessité de donner la priorité, dans les programmes pastoraux, à la valorisation de la Messe dominicale. Nous devons motiver les chrétiens afin qu'ils participent activement à celle-ci et, quand ils en ont la possibilité, avec leur famille. Le fait pour les parents d'assister avec leurs enfants à la célébration eucharistique dominicale est une pédagogie efficace pour transmettre la foi et un lien étroit qui conserve l'unité entre eux. Le dimanche a signifié, au cours de la vie de l'Eglise, le moment privilégié de la rencontre des communautés avec le Seigneur ressuscité.

Il est nécessaire que les chrétiens aient conscience qu'ils ne suivent pas un personnage de l'histoire passée, mais bien le Christ vivant, présent dans l'aujourd'hui et le maintenant de leur vie. Il est le Vivant qui marche à nos côtés, en nous révélant le sens des événements, de la douleur et de la mort, de la joie et de la fête, en entrant dans nos maisons et en demeurant dans celles-ci, en nous nourrissant du Pain qui donne la vie. C'est pourquoi la célébration dominicale de l'Eucharistie doit être le coeur de la vie chrétienne.

La rencontre avec le Christ dans l'Eucharistie suscite l'engagement de l'évangélisation et l'élan à la solidarité; elle réveille chez le chrétien le profond désir d'annoncer l'Evangile et d'en témoigner dans la société pour la rendre plus juste et plus humaine. De l'Eucharistie a germé au fil des siècles une immense richesse de charité, de participation aux difficultés des autres, d'amour et de justice. Ce n'est que de l'Eucharistie que germera la civilisation de l'amour qui transformera l'Amérique latine et les Caraïbes afin que, en plus d'être le Continent de l'Espérance, ceux-ci forment aussi le Continent de l'Amour!


Les problèmes sociaux et politiques

Arrivés à ce point, nous pouvons nous demander: comment l'Eglise peut-elle contribuer à la solution des problèmes sociaux et politiques urgents, et répondre au grand défi de la pauvreté et de la misère? Les problèmes de l'Amérique latine et des Caraïbes, tout comme ceux du monde d'aujourd'hui, sont multiples et complexes, et l'on ne peut pas les affronter avec des programmes généraux. Sans aucun doute, la question fondamentale sur la manière dont l'Eglise, illuminée par la foi dans le Christ, doit réagir face à ces défis, nous concerne tous. Dans ce contexte, il faut inévitablement parler du problème des structures, surtout de celles qui créent de l'injustice. En réalité, les structures justes sont une condition sans laquelle un ordre juste dans la société n'est pas possible. Mais comment naissent-elles?, comment fonctionnent-elles? Le capitalisme, tout comme le marxisme, promirent de trouver la route pour la création de structures justes et ils affirmèrent que celles-ci, une fois établies, auraient fonctionné toutes seules; ils affirmèrent que non seulement elles n'auraient pas eu besoin d'une moralité individuelle antécédente, mais que celles-ci auraient promu la moralité commune. Et cette promesse idéologique s'est révélée fausse. Les faits l'ont démontré. Le système marxiste, lorsqu'il est arrivé au gouvernement, n'a pas seulement laissé un triste héritage de destructions économiques et écologiques, mais également une douloureuse oppression des âmes. Et nous constatons également la même chose à l'ouest, où croît constamment la distance entre les riches et les pauvres et où se développe une inquiétante dégradation de la dignité personnelle à travers la drogue, l'alcool et les mirages de bonheurs trompeurs.

Les structures justes sont, comme je l'ai dit, une condition indispensable pour une société juste, mais elles ne naissent pas et ne fonctionnent pas sans un consensus moral de la société sur les valeurs fondamentales et sur la nécessité de vivre ces valeurs avec les renoncements nécessaires, même contre son propre intérêt personnel.

Là où Dieu est absent - le Dieu au visage humain de Jésus Christ - ces valeurs n'apparaissent pas avec toute leur force, et l'on ne parvient pas à un un consensus sur celles-ci. Je ne veux pas dire que les non-croyants ne peuvent pas vivre une moralité élevée et exemplaire; je dis seulement qu'une société dans laquelle Dieu est absent ne trouve pas le consensus nécessaire sur les valeurs morales et la force pour vivre selon le modèle de ces valeurs, même contre ses propres intérêts.

D'autre part, les structures justes doivent être cherchées et élaborées à la lumière des valeurs fondamentales, avec tout l'engagement de la raison politique, économique et sociale. Elles sont une question de recta ratio et elles ne proviennent pas d'idéologies, ni de leurs promesses. Il existe assurément un trésor d'expériences politiques et de connaissances sur les problèmes sociaux et économiques qui mettent en évidence des éléments fondamentaux d'un Etat juste et les voies qu'il faut éviter. Mais dans des situations culturelles et politiques différentes, et dans le changement progressif des technologies et de la réalité historique mondiale, il faut chercher de manière rationnelle les réponses adaptées et il faut parvenir - avec les engagements indispensables - au consensus sur les structures qu'il faut établir.

Ce travail politique n'est pas de la compétence immédiate de l'Eglise. Le respect d'une saine laïcité - y compris la pluralité des positions politiques - est essentielle dans la tradition chrétienne. Si l'Eglise commençait à se transformer directement en sujet politique, elle ne ferait pas davantage pour les pauvres et pour la justice, au contraire elle ferait moins, parce qu'elle perdrait son indépendance et son autorité morale, en s'identifiant avec une seule voie politique et avec des positions partiales discutables. L'Eglise est l'avocate de la justice et des pauvres, précisément parce qu'elle ne s'identifie pas avec les hommes politiques ni avec les intérêts de parti. C'est uniquement en étant indépendante qu'elle peut enseigner les grands critères et les valeurs indispensables, orienter les consciences et offrir une option de vie qui va au-delà du domaine politique. Former les consciences, être l'avocate de la justice et de la vérité, éduquer aux vertus individuelles et politiques, est la vocation fondamentale de l'Eglise dans ce secteur. Et les laïcs catholiques doivent être conscients de leurs responsabilités dans la vie publique; ils doivent être présents dans la formation des consensus nécessaires et dans l'opposition contre les injustices.

Les structures justes ne seront jamais achevées de manière définitive; en raison de la constante évolution de l'histoire, elles doivent être toujours renouvelées et mises à jour; elles doivent être toujours animées par un "ethos" politique et humain, à la présence et l'efficacité duquel il faut toujours oeuvrer. En d'autres termes, la présence de Dieu, l'amitié avec le Fils de Dieu incarné, la lumière de sa Parole, sont toujours les conditions fondamentales pour la présence et l'efficacité de la justice et de l'amour dans nos sociétés.

S'agissant d'un continent de baptisés, il faudra combler l'absence notable, dans le cadre politique, de la communication et de l'université, de voix et d'initiatives de responsables catholiques à la forte personnalité et au dévouement généreux, qui soient cohérents avec leurs convictions éthiques et religieuses. Les mouvements ecclésiaux disposent ici d'un vaste domaine pour rappeler aux laïcs leur responsabilité et leur mission d'apporter la lumière de l'Evangile dans la vie publique, économique et politique.

5. Autres domaines prioritaires

Pour mener à bien le renouveau de l'Eglise qui vous est confiée sur ces terres, je voudrais attirer l'attention sur certains domaines que je considère comme prioritaires dans cette nouvelle étape.

La famille

La famille, "patrimoine de l'humanité" constitue l'un des trésors les plus importants des pays latino-américains. Celle-ci a été et demeure une école de la foi, un laboratoire de valeurs humaines et civiles, un foyer dans lequel la vie humaine naît et où elle est accueillie de manière généreuse et responsable. Elle souffre indubitablement actuellement des situations difficiles provoquées par le sécularisme et le relativisme éthique, par les divers flux de migrations intérieurs et extérieurs, par la pauvreté, par l'instabilité sociale et par les législations civiles contraires au mariage qui, en favorisant les contraceptifs et l'avortement, menacent l'avenir des peuples.

Dans certaines familles de l'Amérique latine persiste encore malheureusement une mentalité machiste, qui ignore la nouveauté du christianisme dans lequel est reconnue et proclamée l'égale dignité et responsabilité de la femme par rapport à l'homme.

La famille est irremplaçable pour la sérénité personnelle et pour l'éducation des enfants. Les mères qui veulent se consacrer pleinement à l'éducation de leurs enfants et au service de la famille doivent jouir des conditions nécessaires pour pouvoir le faire, et elles ont pour cela le droit de compter sur le soutien de l'Etat. En effet, le rôle de la mère est fondamental pour l'avenir de la société.

Le père, pour sa part, a le devoir d'être vraiment un père qui exerce sa responsabilité et sa collaboration indispensables à l'éducation de leurs enfants. Les enfants, pour leur croissance intégrale, ont le droit de pouvoir compter sur un père et une mère, qui s'occupent d'eux et les accompagnent vers la plénitude de leur vie. Une pastorale de la famille intense et vigoureuse est donc nécessaire. Il est également indispensable de promouvoir des politiques familiales authentiques qui répondent aux droits de la famille comme sujet social incontournable. La famille fait partie du bien des peuples et de l'humanité tout entière.

Les prêtres

Les premiers promoteurs de la condition de disciple et de la mission sont ceux qui ont été appelés "pour être avec Jésus et être envoyés prêcher" (cf. Mc 3,14), c'est-à-dire les prêtres. Ils doivent recevoir, de manière préférentielle, l'attention et le soin paternel de leurs Evêques, parce qu'ils sont les premiers artisans d'un renouveau authentique de la vie chrétienne au sein du Peuple de Dieu. Je veux leur adresser une parole d'affection paternelle, en souhaitant que "le Seigneur soit leur part d'héritage et leur coupe" (cf. Ps Ps 16,5). Si le prêtre a Dieu pour fondement et centre de sa vie, il fera l'expérience de la joie et de la fécondité de sa vocation. Le prêtre doit être avant tout un "homme de Dieu" (1Tm 6,11) qui connaît Dieu directement, qui a une profonde amitié personnelle avec Jésus, qui partage avec les autres les sentiments du Christ lui-même (cf. Ph 2,5). C'est uniquement de cette manière que le prêtre sera capable de conduire les hommes à Dieu, incarné en Jésus Christ, et d'être le représentant de son amour. Pour accomplir sa tâche très élevée, le prêtre doit posséder une solide structure spirituelle et vivre toute sa vie animé par la foi, par l'espérance et par la charité. Il doit être, comme Jésus, un homme qui cherche, à travers la prière, le visage et la volonté de Dieu, et qui soit attentif également à sa préparation culturelle et intellectuelle.

Chers prêtres de ce continent et vous qui êtes venus oeuvrer ici comme missionnaires, le Pape vous accompagne dans votre travail pastoral et souhaite que vous soyez emplis de joie et d'espérance et surtout il prie pour vous.

Religieux, religieuses et personnes consacrées

Je veux m'adresser également aux religieux, aux religieuses et aux femmes et aux hommes laïcs consacrés. La société latino-américaine et des Caraïbes a besoin de votre témoignage: dans un monde qui cherche si souvent avant tout le bien-être, la richesse et le plaisir comme objectif de la vie, et qui exalte la liberté plutôt que la vérité de l'homme créé par Dieu, vous êtes les témoins du fait qu'il existe une autre forme de vie qui a un sens; vous rappelez à vos frères et soeurs que le Royaume de Dieu est déjà arrivé; que la justice et la vérité sont possibles si nous nous ouvrons à la présence amoureuse de Dieu notre Père, du Christ notre frère et Seigneur, de l'Esprit Saint notre Consolateur. Avec générosité et également avec héroïsme, vous devez continuer à oeuvrer afin que dans la société règnent l'amour, la justice, la bonté, le service et la solidarité conformément au charisme de vos fondateurs. Embrassez avec une profonde joie votre consécration, qui est un instrument de sanctification pour vous et de rédemption pour vos frères.

L'Eglise qui est en l'Amérique latine vous remercie pour la grande oeuvre que vous avez réalisée au cours des siècles pour l'Evangile du Christ en faveur de vos frères, en particulier des plus pauvres et des moins privilégiés. Je vous invite à collaborer toujours avec les Evêques et à oeuvrer en union avec eux, qui sont les responsables de l'action pastorale. Je vous exhorte également à l'obéissance sincère à l'autorité de l'Eglise. N'ayez pas d'autres objectifs que la sainteté, comme vous l'avez appris de vos fondateurs.

Les laïcs

En cette période où l'Eglise de ce continent se consacre pleinement à la vocation missionnaire, je rappelle aux laïcs qu'ils sont eux aussi l'Eglise, l'assemblée convoquée par le Christ pour apporter son témoignage au monde entier. Tous les hommes et les femmes baptisés doivent prendre conscience qu'ils ont été configurés au Christ Prêtre, Prophète et Pasteur, à travers le sacerdoce commun du Peuple de Dieu. Ils doivent se sentir coresponsables dans la construction de la société selon les critères de l'Evangile, avec enthousiasme et audace, en communion avec leurs Pasteurs.

Vous êtes nombreux, vous fidèles, à appartenir à des mouvements ecclésiaux, dans lesquels nous pouvons voir des signes de la présence multiforme et de l'action sanctificatrice de l'Esprit Saint dans l'Eglise et dans la société actuelle. Vous êtes appelés à apporter au monde le témoignage de Jésus Christ et à être le ferment de l'amour de Dieu parmi les autres.

Les jeunes et la pastorale des vocations

En Amérique latine, la majorité de la population est formée des jeunes. A cet égard, nous devons leur rappeler que leur vocation est celle d'être des amis du Christ, ses disciples. Les jeunes ne craignent pas le sacrifice, mais une vie privée de sens. Ils sont sensibles à l'appel du Christ qui les invite à le suivre. Ils peuvent répondre à cet appel comme prêtres, comme hommes ou femmes consacrés, ou bien comme pères et mères de familles, consacrés totalement à servir leurs frères à travers tout leur temps et toute leur capacité de dévouement, à travers toute leur vie. Les jeunes doivent affronter la vie comme une découverte continuelle, sans se laisser séduire par les modes ou par les mentalités du moment, mais en avançant avec une profonde curiosité pour le sens de la vie et pour le mystère de Dieu, Père Créateur, et de son Fils, notre Rédempteur, au sein de la famille humaine. Ils doivent s'engager également pour renouveler en permanence le monde à la lumière de l'Evangile. Plus encore, ils doivent s'opposer aux mirages faciles du bonheur immédiat et aux paradis trompeurs de la drogue, du plaisir, de l'alcool, comme de toute forme de violence.

6. "Reste avec nous"

Les travaux de cette V Conférence générale nous conduisent à faire nôtre la prière des disciples d'Emmaüs: "Reste avec nous, car le soir tombe et le jour déjà touche à son terme" (Lc 24,29).

Reste avec nous, Seigneur, accompagne-nous même si nous n'avons pas toujours su te reconnaître. Reste avec nous, parce qu'autour de nous les ombres s'épaississent, et tu es la Lumière; dans nos coeurs s'insinue le découragement, et tu les fais brûler à travers la certitude de la Pâque. Nous sommes las de la route, mais tu nous réconfortes par la fraction du pain pour annoncer à nos frères qu'en vérité tu es ressuscité et que tu nous as confié la mission d'être des témoins de ta résurrection.
Reste avec nous, Seigneur, lorsqu'autour de notre foi catholique s'élèvent les brumes du doute, de la fatigue ou des difficultés: Toi qui es la Vérité même en tant que révélateur du Père, éclaire nos esprits avec ta Parole; aide-nous à sentir la beauté de croire en toi.

Reste dans nos familles, éclaire-les dans leurs doutes, soutiens-les dans leurs difficultés, réconforte-les dans leurs souffrances et dans la fatigue de chaque jour, lorsqu'autour d'elles s'accumulent des ombres qui menacent leur unité et leur identité naturelle. Toi qui es la Vie, reste dans nos foyers, afin qu'ils continuent à être des nids où la vie humaine naisse généreusement, où l'on accueille, l'on aime et l'on respecte la vie de sa conception à sa fin naturelle.

Reste, Seigneur, avec ceux qui dans nos sociétés sont les plus vulnérables; reste avec les pauvres et les humbles, avec les autochtones et les Afro-américains, qui n'ont pas toujours trouvé un espace et un soutien pour exprimer la richesse de leur culture et la sagesse de leur identité. Reste, Seigneur, avec nos enfants et avec nos jeunes, qui sont l'espérance et la richesse de notre continent, protège-les des nombreux pièges qui menacent leur innocence et leurs espérances légitimes. O bon Pasteur, reste avec nos personnes âgées et avec nos malades. Fortifie-les tous dans la foi afin qu'ils soient tes disciples et missionnaires!

Conclusion

En concluant mon séjour parmi vous, je veux invoquer la protection de la Mère de Dieu et Mère de l'Eglise sur vous et sur toute l'Amérique latine et les Caraïbes. J'implore de manière particulière Notre-Dame sous le titre de Notre-Dame de Guadalupe, Patronne de l'Amérique, et Notre-Dame d'Aparecida, Patronne du Brésil, pour qu'elle vous accompagne dans votre fascinant et exigeant travail pastoral. Je lui confie le Peuple de Dieu à cette étape du troisième millénaire chrétien. Je lui demande également de guider les travaux et les réflexions de cette Conférence générale, et qu'elle bénisse d'abondants dons les bien-aimés peuples de ce continent.

Avant de rentrer à Rome, je souhaite laisser à la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes un souvenir qui l'accompagne et l'inspire. Il s'agit de ce magnifique triptyque que l'on doit à l'art de Cuzco, au Pérou. Le Seigneur y est représenté peu de temps avant de monter au Ciel, alors qu'il confie à ceux qui le suivaient la mission de faire des disciples de tous les peuples. Les peintures évoquent l'étroite relation de Jésus Christ avec ses disciples et missionnaires pour la vie du monde. Le dernier panneau représente saint Juan Diego alors qu'il évangélise avec l'image de la Vierge Marie sur sa "tilma" et avec la Bible à la main. L'histoire de l'Eglise nous enseigne que la vérité de l'Evangile, lorsqu'on en saisit la beauté avec nos yeux et qu'elle est accueillie avec foi par l'intelligence et par le coeur, nous aide à contempler les dimensions du mystère qui engendrent notre émerveillement et notre adhésion.

Au moment de partir, je vous salue tous très cordialement avec cette ferme espérance dans le Seigneur. Merci beaucoup!




Discours 2005-2013 12507