Discours 2005-2013 471

AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU TOGO EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Vendredi 22 juin 2007



Chers Frères dans l’Épiscopat,

Je suis heureux de vous recevoir alors que vous accomplissez votre visite ad limina. Votre pèlerinage au tombeau des Apôtres est un signe visible de votre communion avec le Successeur de Pierre et des liens qui unissent vos Églises particulières à l’Église universelle. Je remercie le Président de la Conférence épiscopale togolaise, Mgr Ambroise Djoliba, Évêque de Sokodé, pour les aimables paroles qu’il m’a adressées en votre nom. Par votre intermédiaire, j’adresse un salut affectueux à vos diocésains, prêtres, religieux, religieuses, séminaristes, catéchistes et tous les laïcs. Puissent-ils, en toutes circonstances, être fidèles au commandement du Seigneur: «Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres» (Jn 13,34)! Transmettez également au peuple togolais tout entier les salutations chaleureuses du Pape et ses souhaits fervents, afin qu’il poursuive sans relâche ses efforts pour bâtir une société réconciliée et juste, où chacun puisse vivre dans la dignité.

Chers Frères, je voudrais vous exprimer ma gratitude pour votre persévérance et votre courage au milieu des nombreuses difficultés que votre pays a connues au cours des dernières années. En de nombreuses occasions, vous avez contribué au dialogue pour la réconciliation nationale, rappelant à tous les exigences du bien commun, dans la fidélité à la vérité de Dieu et de l’homme. Je demande au Seigneur de faire fructifier ces efforts pour que votre pays connaisse une vie prospère dans la concorde et dans la fraternité.

La vie ecclésiale elle-même n’a pas été exempte de situations préoccupantes. Vos efforts constants pour favoriser l’unité de votre Conférence épiscopale sont le signe qu’en toutes circonstances la charité doit demeurer toujours plus forte et que la communion visible des disciples du Christ est une réalité essentielle à préserver pour que le témoignage de l’Église soit crédible. Dans cette même perspective, une authentique fraternité entre les Évêques et les prêtres, ainsi qu’entre les prêtres eux-mêmes, est la marque de leur pleine communion, indispensable à l’accomplissement fructueux de leur ministère. Tous seront alors à même de travailler en vérité à la réconciliation à l’intérieur de l’Église et entre l’ensemble des Togolais. Que tous les prêtres de vos diocèses, dont je connais la générosité, soient fidèles à leur vocation, dans un don total à leur mission et en pleine communion avec leur Évêque (cf. Ecclesia in Africa )!

Chers Frères dans l’Épiscopat, vous avez l’occasion d’assumer votre ministère pastoral en participant, selon votre compétence propre, à la vie du peuple qui vous est confié. En effet, «en tant que corps organisé à l’intérieur de la communauté et de la nation, l’Église a le droit et le devoir de participer pleinement à l’édification d’une société juste et pacifique avec tous les moyens qui sont à sa disposition» (Ecclesia in Africa ). Je salue particulièrement votre engagement pour la protection et le respect de la vie, que vous avez eu l’occasion d’exprimer à de nombreuses reprises et tout récemment encore en manifestant de manière circonstanciée votre opposition à l’avortement. Par ailleurs, la promotion de la vérité et de la dignité du mariage, ainsi que la préservation des valeurs familiales essentielles doivent être parmi vos priorités majeures. La pastorale familiale est un élément essentiel pour l’évangélisation, faisant découvrir aux jeunes ce que représente un engagement unique et fidèle. Je vous exhorte donc à porter une attention spéciale à la formation des couples et des familles. Par ses oeuvres sociales et par son action dans le domaine de la santé, où sont engagés de nombreux religieux, religieuses et laïcs compétents, l’Église manifeste aussi la présence aimante de Dieu aux personnes qui souffrent ou qui sont dans la détresse, et elle contribue au progrès de la justice et au respect de la dignité des personnes. Dans cette même perspective, je vous encourage à poursuivre vos efforts pour promouvoir les écoles catholiques, qui sont des lieux d’éducation intégrale au service des familles et de la transmission de la foi. Malgré les grandes difficultés qu’elles peuvent rencontrer, leur rôle est essentiel pour permettre aux jeunes d’acquérir une solide formation humaine, culturelle et religieuse. Que les éducateurs et les enseignants soient eux-mêmes des modèles de vie chrétienne pour les jeunes !

Pour parvenir à l’établissement d’une société pleinement réconciliée, il est primordial de repartir du Christ, qui seul est en mesure d’accorder définitivement cette grâce aux hommes. Aussi, l’oeuvre d’évangélisation est-elle une nécessité urgente. Je voudrais particulièrement saluer ici avec affection les catéchistes qui, dans votre pays, avec les prêtres et les autres agents pastoraux, contribuent efficacement et généreusement à l’annonce de la parole de Dieu à leurs frères. Face aux défis que pose le monde d’aujourd’hui à la mission évangélisatrice de l’Église, l’exhortation apostolique Ecclesia in Africa demeure pour vos diocèses un guide précieux, donnant la possibilité d’affermir les fidèles dans la foi et de les aider «à persévérer dans l’espérance que donne le Christ ressuscité, en surmontant toute tentation de se décourager» (n. 7). L’inculturation du message évangélique, réalisée dans la fidélité à l’enseignement de l’Église, contribue à l’enracinement effectif de la foi dans votre peuple, lui permettant d’accueillir la personne de Jésus Christ dans toutes les dimensions de son existence. Il est en effet nécessaire que les fidèles se laissent transformer par la grâce de Dieu qui les rend libres, en bannissant de leur coeur toute crainte, car «il n’y a pas de crainte dans l’amour» (1Jn 4,18). Tout en respectant les riches traditions qui sont l’expression vivante de l’âme de leur peuple, les chrétiens doivent refuser résolument ce qui va à l’encontre du message libérateur du Christ et qui enferme l’homme et la société dans l’aliénation.

472 Pour cela, la formation des prêtres, des personnes consacrées et des laïcs doit donc occuper une place de choix dans la pastorale de vos diocèses. «Personne, en effet, ne peut clairement connaître les vérités de foi qu’il n’a jamais apprises ni poser des actes auxquels il n’a jamais été initié» (Ecclesia in Africa ). La formation proposée aux chrétiens doit leur donner les moyens d’un approfondissement de la foi, afin d’être à même d’affronter les situations difficiles qui se présentent à eux et de transmettre le contenu de la foi par leur témoignage de vie, soutenus par des convictions personnelles assurées. Par ailleurs, cette formation doit aussi aider les fidèles laïcs à acquérir des compétences leur permettant de s’engager dans la vie sociale pour travailler au bien commun. Le Compendium de la doctrine sociale de l’Église est désormais un instrument précieux mis au service de la formation de tous, et particulièrement des laïcs. Leur engagement dans la vie publique, à travers le respect de la vie, la promotion de la justice, la défense des droits humains et le développement intégral de l’homme, est un témoignage rendu au Christ. Ainsi, les fidèles participent à la construction et au développement de la nation, ainsi qu’à la tâche d’évangélisation du monde.

Enfin, je voudrais souligner la nécessité de poursuivre et d’approfondir les relations cordiales qui existent avec les musulmans dans votre pays. En effet, elles sont indispensables pour la concorde et l’harmonie entre tous les citoyens, ainsi que pour la promotion des valeurs communes à l’humanité. Par la formation de personnes compétentes dans les institutions ecclésiales fondées en vue du dialogue interreligieux, vous favoriserez une meilleure connaissance mutuelle, dans la charité et dans la vérité, pour une collaboration efficace dans le domaine du développement des personnes et de la société.

Chers Frères dans l’Épiscopat, à la fin de cette rencontre, je vous invite à poursuivre avec courage et détermination votre ministère au service du peuple qui vous a été confié. Que le Seigneur vous accompagne de sa force et de sa lumière. Je confie chacun de vos diocèses à l’intercession maternelle de la Vierge Marie et je vous accorde de grand coeur une affectueuse Bénédiction apostolique, ainsi qu’aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux séminaristes, aux catéchistes et à tous les fidèles laïcs de vos diocèses.


AUX PARTICIPANTS À LA RENCONTRE EUROPÉENNE DES PROFESSEURS D'UNIVERSITÉ Salle Paul VI Samedi 23 juin 2007

Eminence,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis!

Je suis particulièrement heureux de vous recevoir au cours de la première Rencontre européenne des Professeurs d'Université, promue par le Conseil des Conférences épiscopales européennes et organisée par des enseignants des universités romaines, coordonnés par le Bureau du Vicariat de Rome pour la Pastorale universitaire. Cette rencontre se déroule à l'occasion du cinquantième anniversaire du Traité de Rome, qui donna naissance à l'Union européenne d'aujourd'hui et elle compte parmi ses participants des professeurs universitaires de tous les pays du continent, y compris ceux du Caucase: Arménie, Géorgie et Azerbaïdjan. Je remercie le Cardinal Péter Erdo, Président du Conseil des Conférences épiscopales européennes de ses aimables paroles d'introduction. Je salue les représentants du gouvernement italien, en particulier ceux du Ministère des Universités et de la Recherche, et du Ministère des Biens et des Activités culturels, ainsi que les représentants de la Région du Latium, de la Province et de la Ville de Rome. Mes salutations vont également aux autres autorités civiles et religieuses, aux recteurs et aux professeurs des diverses universités, ainsi qu'aux aumôniers et aux étudiants ici présents.

Le thème de votre rencontre - "Un nouvel humanisme pour l'Europe. Le Rôle des universités" - invite à une évaluation attentive de la culture contemporaine sur le continent. L'Europe fait actuellement l'expérience d'une certaine instabilité sociale et d'une méfiance à l'égard des valeurs traditionnelles, mais son histoire éminente et ses solides institutions académiques peuvent apporter une importante contribution à l'édification d'un avenir d'espérance. La "question de l'homme" qui est au coeur de nos débats, est essentielle à une compréhension correcte des processus culturels actuels. Elle offre également un solide point de départ pour le travail des universités en vue de créer une présence et une activité culturelle nouvelle au service d'une Europe plus unie. En effet, promouvoir un nouvel humanisme exige une compréhension claire de ce que cette "nouveauté" incarne réellement. Loin d'être le fruit d'un désir superficiel de quelque chose de neuf, la recherche d'un nouvel humanisme doit sérieusement tenir compte du fait que l'Europe connaît aujourd'hui une mutation culturelle de grande portée, où les hommes et les femmes sont de plus en plus conscients de leur vocation à être activement engagés en vue de façonner leur propre histoire. Historiquement, c'est en Europe que s'est développé l'humanisme, grâce à l'interaction féconde entre les différentes cultures de ses peuples et la foi chrétienne. L'Europe a aujourd'hui besoin de préserver et de se réapproprier sa tradition authentique si elle veut demeurer fidèle à sa vocation de berceau de l'humanisme.

La mutation culturelle actuelle est souvent considérée comme un "défi" lancé à la culture de l'université et du christianisme lui-même, plutôt que comme un "horizon" dans lequel des solutions créatrices peuvent et doivent être trouvées. En tant qu'hommes et femmes d'éducation supérieure, vous êtes appelés à prendre part à cette tâche exigeante, qui exhorte à une réflexion approfondie sur de nombreuses questions fondamentales.

473 Parmi celles-ci, je souhaiterais mentionner au premier rang le besoin d'une étude approfondie de la crise de la modernité. La culture européenne au cours des derniers siècles a été puissamment influencée par la notion de modernité. La crise actuelle, toutefois, a moins à voir avec l'insistance de la modernité sur la place centrale de l'homme et de ses préoccupations, qu'avec les problèmes soulevés par un "humanisme" qui prétend construire un regnum hominis étranger à son indispensable fondement ontologique. Une fausse dichotomie entre théisme et authentique humanisme, poussée à l'extrême jusqu'à créer un conflit inconciliable entre la loi divine et la liberté humaine, a conduit à une situation où l'humanité, en raison de tous ses progrès économiques et technologiques, se sent profondément menacée. Comme l'a déclaré mon prédécesseur le Pape Jean-Paul II, nous devons nous demander si "l'homme comme homme, dans le contexte de ce progrès, devient véritablement meilleur, c'est-à-dire plus mûr spirituellement, plus conscient de la dignité de son humanité, plus responsable, plus ouvert aux autres" (Redemptor hominis RH 15). L'anthropocentrisme qui caractérise la modernité ne peut jamais être détaché de la conscience de la pleine vérité sur l'homme, qui inclut sa vocation transcendante.

Un deuxième thème concerne l'élargissement de notre compréhension de la rationalité. Une compréhension correcte des défis lancés par la culture contemporaine, et la formulation de réponses significatives à ces défis exigent une approche critique vis-à-vis des tentatives limitées et, en fin de compte, irrationnelles de restreindre le domaine de la raison. Le concept de raison a besoin d'être "élargi" afin d'être capable d'explorer et d'embrasser les aspects de la réalité qui vont au-delà de la dimension purement empirique. Cela permettra une approche plus féconde, complémentaire de la relation entre foi et raison. La naissance des universités européennes reposa sur la conviction que la foi et la raison sont destinées à coopérer dans la recherche de la vérité, tout en respectant la nature et l'autonomie légitime de l'autre, afin d'oeuvrer ensemble de manière harmonieuse et créatrice au service de l'accomplissement de la personne humaine dans la vérité et dans l'amour.

Une troisième question nécessitant une analyse porte sur la nature de la contribution que le christianisme peut apporter à l'humanisme de l'avenir. La question de l'homme, et donc de la modernité, engage l'Eglise à imaginer de nouvelles façons de proclamer à la culture contemporaine le "réalisme" de sa foi dans l'oeuvre de salut du Christ. Le christianisme ne doit pas être relégué à l'univers des mythes et des émotions, mais doit être respecté pour sa volonté de faire la lumière sur la vérité sur l'homme, d'être capable de transformer les hommes et les femmes d'un point de vue spirituel, et donc de les rendre capable de réaliser leur vocation dans l'histoire. Lors de ma récente visite au Brésil, j'ai exprimé ma conviction que "si nous ne connaissons pas Dieu dans le Christ et avec le Christ, toute la réalité se transforme en une réalité indéchiffrable" (Discours aux Evêques de la V Conférence générale de l'épiscopat latino-américain, n. 3). La connaissance ne peut jamais être limitée au domaine purement intellectuel; elle inclut également une capacité renouvelée à poser sur les choses un regard libéré des préjugés et des conceptions toutes faites, et elle nous permet de nous "émerveiller" de la réalité, dont la vérité ne peut être découverte que si l'on unit la compréhension à l'amour. Seul le Dieu à visage humain, révélé en Jésus Christ, peut nous éviter de tronquer la réalité précisément à un moment où elle exige des niveaux toujours nouveaux et plus complexes de compréhension. L'Eglise est consciente de sa responsabilité à offrir sa contribution à la culture contemporaine.

En Europe, comme partout, la société a un besoin urgent du service au savoir que la communauté de l'université peut apporter. Ce service recouvre également les aspects pratiques de diriger la recherche et l'activité en vue de la promotion de la dignité humaine et de la tâche difficile de bâtir la civilisation de l'amour. Les professeurs d'université en particulier sont appelés à incarner la vertu de la charité intellectuelle en assumant leur vocation primordiale de former les générations futures non seulement en transmettant des connaissances, mais à travers le témoignage prophétique de leurs propres vies. L'université, quant à elle, ne doit jamais perdre de vue sa vocation particulière d'être une "universitas" dans laquelle les diverses disciplines, chacune selon la manière qui lui est propre, sont envisagées comme des parties d'un unum plus vaste. Combien il est urgent de redécouvrir l'unité de la connaissance et de freiner les tendances à la fragmentation et au manque de communication, ce qui est bien trop fréquent dans nos écoles! L'effort de réconcilier la dynamique de la spécialisation avec la nécessité de sauvegarder l'unité de la connaissance peut encourager la croissance de l'unité européenne et aider le continent à redécouvrir sa "vocation" culturelle spécifique dans le monde d'aujourd'hui. Seule une Europe consciente de son identité culturelle peut apporter une contribution spécifique aux autres cultures, tout en demeurant ouverte à la contribution des autres peuples.

Chers amis, je forme le voeu que les universités deviennent toujours davantage des communautés engagées dans une recherche inlassable de la vérité, des "laboratoires de culture" où les enseignants et les étudiants s'associent pour explorer des questions particulièrement importantes pour la société, en ayant recours à des méthodes interdisciplinaires et en s'appuyant sur la collaboration des théologiens. Cela peut facilement être réalisé en Europe, étant donné la présence de si nombreuses institutions et facultés de théologie catholiques. Je suis convaincu qu'une plus grande collaboration et de nouvelles formes de partenariat entre les diverses communautés académiques permettront aux universités catholiques d'apporter le témoignage de la fécondité historique de la rencontre entre foi et raison. Le résultat sera une contribution concrète à la mise en OEuvre des objectifs du Processus de Bologne, et une incitation à développer un apostolat des universités adapté au sein des Eglises locales. Un soutien concret à ces efforts, qui ont été une préoccupation croissante des Conférences épiscopales européennes (cf. Ecclesia in Europa, nn. 58-59), peut venir des associations et des mouvements ecclésiaux qui sont déjà engagés dans l'apostolat des universités.

Chers amis, puissent vos réflexions au cours de ces journées être fécondes et aider à construire un réseau actif de professeurs d'université engagés à apporter la lumière de l'Evangile à la culture contemporaine. Je vous assure, ainsi qu'à vos familles, de mon souvenir particulier dans la prière, et j'invoque sur vous et sur les universités dans lesquelles vous travaillez, la protection maternelle de Marie, Siège de la Sagesse. Je donne à chacun de vous avec affection ma Bénédiction apostolique.

VISITE À LA BIBLIOTHEQUE APOSTOLIQUE VATICANE ET AUX ARCHIVES SECRÈTES DU VATICAN


Lundi 25 juin 2007


Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers frères et soeurs!

J'ai accueilli avec joie l'invitation que m'a adressée le Cardinal Jean-Louis Tauran, Archiviste et Bibliothécaire de la Sainte Eglise romaine, à visiter la Bibliothèque apostolique vaticane et les Archives secrètes du Vatican. Ces deux institutions, en raison du service important qu'elles rendent au Siège apostolique et au monde de la culture, méritent en effet une attention particulière de la part du Pape. C'est donc volontiers que je suis venu vous rencontrer et, tout en vous remerciant de votre accueil chaleureux, j'adresse à tous un salut cordial. Je salue tout d'abord le Cardinal Jean-Louis Tauran, en le remerciant des paroles qu'il m'a adressées et des sentiments qu'il a exprimés en votre nom. Je salue avec la même affection Mgr Raffaele Farina et le Préfet des Archives secrètes du Vatican, le Père Sergio Pagano, ainsi que vous qui êtes ici présents et ceux qui, à travers différentes fonctions, apportent leur collaboration à la Bibliothèque et aux Archives. Chers amis, votre travail n'est pas un simple travail mais, comme je viens de le dire, un service particulier que vous rendez à l'Eglise et, de manière particulière, au Pape.

474 Du reste, chacun sait que la Bibliothèque vaticane, qui s'apprête à affronter - comme le Cardinal Tauran l'a annoncé - d'importants travaux de rénovation ne porte pas le nom d'"Apostolique" par hasard, dans la mesure où il s'agit d'une institution considérée dès sa fondation comme la "Bibliothèque du Pape", lui appartenant directement. A une époque récente également, le Serviteur de Dieu Jean-Paul II a voulu rappeler ce lien qui lie la Bibliothèque apostolique au Successeur de Pierre, un lien qui en met en lumière sa mission particulière, déjà soulignée par le Pape Sixte IV: "Ad decorem militantis Ecclesiae et fidei augmentum - Pour la dignité de l'Eglise militante et pour la diffusion de la foi". Un autre de mes Prédécesseurs, le Pape Nicolas V, lui faisait écho lorsqu'il en indiquait la finalité à travers les paroles suivantes: "Pro communi doctorum virorum commodo - pour l'utilité et l'intérêt commun des hommes de science". Au cours des siècles, la Bibliothèque vaticane a assimilé et affiné cette mission avec une configuration unique, allant jusqu'à devenir aujourd'hui une maison accueillante de science, de culture et d'humanité, qui ouvre ses portes aux chercheurs provenant de toutes les parties du monde, sans distinction d'origine, de religion et de culture. Chers amis, votre tâche, que vous accomplissez quotidiennement ici, est de conserver la synthèse entre culture et foi qui émane des précieux documents et des trésors que vous gardez, des murs qui vous entourent, des Musées qui sont proches de vous, et de la splendide Basilique qui apparaît de manière lumineuse à vos fenêtres.

Je connais bien également le travail qui est accompli, avec un humble engagement quotidien presque caché, dans les Archives secrètes, but de tant de chercheurs provenant du monde entier: dans les manuscrits, moins solennels que les riches codex de la Bibliothèque, mais tout aussi importants du point de vue de leur intérêt historique, ils recherchent les racines de nombreuses Institutions ecclésiastiques et civiles, ils étudient l'histoire des temps lointains et plus récents, ils peuvent tracer les contours de figures illustres de l'Eglise et de la civilisation, et faire mieux connaître l'oeuvre multiforme des Pontifes romains et de nombreux pasteurs. Les Archives du Vatican, ouvertes à la consultation des savants grâce à la sage clairvoyance de Léon XIII en 1881, ont servi de référence à des générations entières d'historiens, et même aux nations européennes elles-mêmes, qui, pour favoriser les recherches dans un scrinium aussi antique et riche de l'Eglise de Rome, ont fondé dans la ville éternelle des Instituts culturels spécifiques. Aujourd'hui, on s'adresse aux Archives secrètes du Vatican non seulement pour effectuer des recherches érudites, qui sont elles-mêmes méritoires et très dignes, concernant des périodes loin de nous, mais également par intérêt pour des époques et des temps proches de nous, et même très proches. Les premiers fruits que la récente ouverture aux spécialistes du Pontificat de Pie XI, que j'ai décidée en juin 2006, a jusqu'à présent produits, en sont la preuve. Des recherches, des études et des publications peuvent parfois faire naître, à côté d'un intérêt principalement historique, également certaines polémiques. A cet égard, je ne peux que louer l'attitude de service désintéressé et impartial que les Archives secrètes du Vatican ont conservée, en se tenant l'écart de visions historiques partisanes stériles et souvent également sans grand fondement, et en offrant aux chercheurs, sans entraves ou idées préconçues, le matériel documentaire en leur possession, classé avec sérieux et compétence.

Les Archives secrètes du Vatican et la Bibliothèque apostolique reçoivent de multiples signes d'appréciation et d'estime de la part d'Instituts culturels et de chercheurs individuels de divers pays. Il me semble qu'il s'agit de la meilleure reconnaissance à laquelle les deux Institutions puissent aspirer. Et je voudrais les assurer toutes deux, ainsi que leurs Supérieurs et tout le personnel, à leurs divers niveaux de fonctions, de ma gratitude et de ma proximité. J'avoue que, lors de mon 70 anniversaire, j'aurais tant voulu que le bien-aimé Jean-Paul II me permette de pouvoir me consacrer à l'étude et à la recherche d'intéressants documents et pièces que vous conservez avec soin, véritables chefs-d'oeuvre qui aident à reparcourir l'histoire de l'humanité et du christianisme. Dans ses desseins providentiels, le Seigneur a prévu d'autres programmes pour ma personne et me voici aujourd'hui parmi vous, non comme un chercheur passionné de textes antiques, mais comme un Pasteur appelé à encourager tous les fidèles à coopérer au salut du monde, en accomplissant chacun la volonté de Dieu là où Il nous place pour travailler.

Pour vous, chers amis, il s'agit d'accomplir votre vocation chrétienne au contact de riches témoignages de culture, de science et de spiritualité, en passant vos journées et, en fin de compte, une bonne partie de votre vie dans l'étude, les publications, le service au public et, en particulier, les organismes de la Curie romaine. Pour votre activité diversifiée, vous vous appuyez sur les techniques les plus avancées de l'informatique, du catalogage, de la restauration, de la photographie et, en général, sur tout ce qui concerne la sauvegarde et l'utilisation du très riche patrimoine que vous conservez. En vous louant pour votre engagement, je vous exhorte à toujours vouloir considérer votre travail comme une véritable mission à accomplir avec passion et patience, gentillesse et esprit de foi. Ayez le souci de toujours offrir une image accueillante du Siège apostolique, conscients que le message évangélique passe également à travers votre témoignage chrétien cohérent.

Je suis à présent heureux, en conclusion de notre rencontre, d'annoncer la nomination du Card. Jean-Louis Tauran à la charge de Président du Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux. A sa place, en tant qu'Archiviste et Bibliothécaire de la Sainte Eglise romaine, j'ai nommé Mgr Raffaele Farina, en le promouvant dans le même temps à la dignité d'Archevêque. J'ai appelé Mgr Cesare Pasini, jusqu'à présent Vice-Préfet de la Vénérable Bibliothèque ambrosienne, à exercer la fonction de Préfet de la Bibliothèque apostolique vaticane. Je présente, d'ores et déjà, à chacun d'eux mes voeux pour un exercice fructueux de leurs nouvelles fonctions.

Je vous remercie tous encore une fois pour le service précieux que vous accomplissez à la Bibliothèque apostolique et aux Archives secrètes du Vatican et, alors que je vous assure de mon souvenir dans la prière, je donne de tout coeur à chacun, avec une affection particulière, ma Bénédiction, que j'étends volontiers à vos familles respectives et aux personnes qui vous sont chères.


À LA DÉLÉGATION DU PATRIARCAT OECUMÉNIQUE DE CONSTANTINOPLE Vendredi 29 juin 2007



Chers frères dans le Christ,

C'est avec une grande joie et une estime sincère que je vous accueille et que je vous salue avec les paroles que saint Paul adresse aux chrétiens d'Ephèse: "Que Dieu le Père et le Seigneur Jésus Christ accordent paix aux frères, ainsi que charité et foi" (Ep 6,23). C'est un salut de paix, de charité et de foi. Soyez les bienvenus parmi nous, chers frères, pour la fête des patrons de notre Ville, les saints Pierre et Paul! A travers leur martyre, ils témoignèrent de la foi dans le Christ Sauveur et de l'amour envers Dieu le Père. A travers votre présence appréciée et en raison de la signification que celle-ci revêt, notre grande fête devient plus joyeuse, car il est beau de rendre ensemble gloire à Dieu qui nous comble de sa Grâce.

J'ai encore gravé dans l'esprit et dans le coeur le souvenir de l'accueil chaleureux reçu au Phanar pour la fête de saint André, au cours de ma visite apostolique en Turquie, en novembre dernier, et encore plus de l'inoubliable rencontre avec Sa Sainteté le Patriarche Bartholomaios I, le Saint-Synode et les fidèles. Je suis encore profondément ému et reconnaissant pour tout cela. Le baiser de paix échangé entre nous au cours de la Divine liturgie demeure un sceau et un engagement pour notre vie de pasteurs dans l'Eglise, car nous sommes tous convaincus que l'amour réciproque est une condition préalable pour parvenir à la pleine unité dans la foi et dans la vie ecclésiale vers laquelle nous marchons avec confiance. C'est à cela, en réalité, que tendent nos initiatives communes: c'est-à-dire à intensifier les sentiments et les relations de charité entre nos Eglises et entre les fidèles, de façon à surmonter les préjugés et les incompréhensions qui découlent de siècles de séparation pour affronter, dans la vérité, mais avec un esprit fraternel, les difficultés qui empêchent encore de nous approcher de la même Table eucharistique. A cet égard, la prière revêt un rôle indispensable car seul le Seigneur peut orienter et guider nos pas, l'unité étant avant tout un don de Dieu qu'il faut demander dans une invocation commune et accueillir avec une humble docilité, conscients des sacrifices que comporte le chemin de rapprochement vers l'unité.

L'impossibilité actuelle de pouvoir concélébrer l'Eucharistie unique du Seigneur est le signe qu'il n'existe pas encore la pleine communion: il s'agit d'une situation que nous voulons, avec détermination et loyauté, tenter de surmonter. Nous sommes donc heureux, que le dialogue théologique ait repris son cours avec un esprit et une vigueur renouvelées. A l'automne prochain, la Commission mixte internationale compétente se réunira pour poursuivre l'étude sur une question centrale et déterminante comme celle des conséquences ecclésiologiques et canoniques de la structure sacramentelle de l'Eglise, en particulier de la collégialité et de l'autorité dans l'Eglise. Nous voulons tous accompagner les travaux de celle-ci à travers notre prière persévérante. Que le Seigneur illumine les membres catholiques et orthodoxes afin qu'ils trouvent, sur la base des Saintes Ecritures et de la Tradition de l'Eglise, des propositions de solution capables de faire accomplir des pas significatifs vers la pleine communion. Je suis très heureux de savoir que le Patriarcat oecuménique et le Patriarche Bartholomaios I lui-même, suivent avec des sentiments semblables l'activité de cette Commission.

475 La recherche de la pleine unité ne peut se limiter aux relations fraternelles entre les Pasteurs et au travail, pourtant très exigeant, de la Commission mixte pour le dialogue théologique; l'expérience de l'histoire et la situation actuelle nous enseignent qu'il est nécessaire de faire participer, sous des formes différentes, tout le corps de nos Eglises. Dans cet itinéraire spirituel, les Facultés de théologie et les Instituts de recherche et d'enseignement jouent un rôle privilégié. C'est ce qu'avait déjà indiqué le Décret sur l'OEcuménisme du Concile Vatican II lorsqu'il soulignait clairement que "la théologie et les autres disciplines, surtout l'histoire, doivent être enseignées aussi dans un sens oecuménique, pour mieux répondre à la vraie réalité". Et le Document conciliaire en tirait cette conclusion: "Il est, en effet, très important que les futurs pasteurs et les prêtres possèdent la théologie ainsi exactement exposée" (Unitatis redintegratio, n. 10). Dans cette perspective, combien les contacts personnels et culturels entre les jeunes étudiants sont importants! Leur échange au niveau de la spécialisation post-universitaire constitue un domaine fécond, comme le démontrent les expériences faites par le Comité catholique de collaboration culturelle. Il faut ensuite favoriser la formation catéchistique des nouvelles générations, afin qu'elles aient une pleine conscience de leur identité ecclésiale et de leurs liens de communion existant avec les autres frères dans le Christ, sans oublier les problèmes et les obstacles qui empêchent encore la pleine communion entre nous.

Chers frères dans le Christ, votre présence parmi nous pour la fête des saints Pierre et Paul témoigne du désir de cette recherche commune, désir mis en lumière également par les autres rencontres et manifestations promues par des catholiques et des orthodoxes au niveau local. De plus, votre visite coïncide cette année avec l'annonce que j'ai faite hier d'une initiative significative de l'Eglise catholique, l'Année de saint Paul, c'est-à-dire une Année jubilaire dédiée au souvenir de saint Paul, à l'occasion du bimillénaire de sa naissance. Je suis certain que cette initiative constituera également une occasion plus que jamais opportune pour promouvoir des moments de prière, des rencontres d'études et des gestes de fraternité entre catholiques et orthodoxes. Que Saint Paul, grand évangélisateur et inlassable artisan d'unité, nous aide à être dociles à la voix de l'Esprit et nous transmette l'ardeur missionnaire qui enflamma toute son existence. Avec ces sentiments, je remercie encore chacun de vous pour votre visite et, tandis que je renouvelle l'expression de mon affection et de mon estime à Sa Sainteté Bartholomaios I, je souhaite qu'ensemble, nous intensifions tous les efforts possibles sur le chemin vers la pleine communion et, à cette fin, j'invoque sur nos Eglises l'abondance des Bénédictions de notre Seigneur Jésus Christ.



Discours 2005-2013 471