Discours 2005-2013 7937

PRIÈRE AU PIED DE LA MARIENSÄULE Place "Am Hof" à Vienne Vendredi 7 septembre 2007

7937
Cher et vénéré Monsieur le Cardinal,
Monsieur le Maire,
chers frères et soeurs!

Comme première étape de mon pèlerinage vers Mariazell, j'ai choisi la Mariensäule, pour réfléchir un moment avec vous sur la signification de la Mère de Dieu pour l'Autriche du passé et du présent, ainsi que sur sa signification pour chacun de nous. Je salue de tout coeur chacun de vous ici réunis pour la prière au pied de la Mariensäule. Je vous remercie, Monsieur le Cardinal, des chaleureuses paroles de bienvenue au début de notre célébration. Je salue Monsieur le Maire de la capitale et toutes les Autorités présentes. J'adresse un salut particulier aux jeunes et aux représentants des communautés de langues étrangères dans l'Archidiocèse de Vienne, qui, après cette liturgie de la Parole, se recueilleront dans l'église, où jusqu'à demain, ils demeureront en adoration devant le Très Saint Sacrement. J'ai entendu dire qu'ils sont ici depuis déjà trois heures. Je ne peux que les admirer et dire: "Vergelt's Gott!". A travers cette adoration, vous réalisez de manière très concrète ce qu'en ces jours, nous voulons tous faire: avec Marie tourner notre regard vers le Christ.

A la foi en Jésus Christ, le Fils de Dieu incarné, est liée depuis les premiers temps une vénération particulière pour sa Mère, pour cette Femme, dans le sein de laquelle Il assuma la nature humaine en participant même au battement de son coeur, la Femme qui accompagna avec délicatesse et respect sa vie jusqu'à sa mort sur la croix, et à l'amour maternel de laquelle Il confia le disciple préféré et avec lui toute l'humanité. Dans son sentiment maternel, Marie accueille encore aujourd'hui sous sa protection des personnes de toutes les langues et cultures, pour les conduire ensemble, dans une unité multiforme, vers le Christ. Nous pouvons nous adresser à Elle dans nos moments d'inquiétudes et de nécessités. Mais nous devons aussi apprendre d'Elle à nous accueillir les uns les autres avec ce même amour avec lequel elle nous accueille tous: chacun dans sa singularité, voulu comme tel et aimé de Dieu. Dans la famille universelle de Dieu, au sein de laquelle une place est prévue pour toute personne, chacun doit développer ses propres dons pour le bien de tous.

La Mariensäule, érigée par l'empereur Ferdinand III en action de grâce pour la libération de Vienne d'un grand péril et inaugurée par lui il y a précisément 360 ans, doit être également pour nous aujourd'hui un signe d'espérance. Combien de personnes depuis lors, se sont arrêtées auprès de cette colonne et, en priant, ont levé les yeux vers Marie! Combien ont fait l'expérience dans les difficultés personnelles de la force de son intercession! Mais notre espérance chrétienne s'étend bien au-delà de la réalisation de nos désirs, petits et grands. Nous levons les yeux vers Marie, qui nous montre à quelle espérance nous avons été appelés (cf. Ep
Ep 1,18); c'est Elle, en effet, qui personnifie ce que l'homme est vraiment!

Nous venons de l'entendre dans la lecture biblique: avant même la Création du monde, Dieu nous a choisis dans le Christ. Il connaît et il aime chacun de nous depuis l'éternité! Et dans quel but nous a-t-il choisis? Pour être saints et immaculés devant lui dans la charité! Et ce n'est pas une tâche inhabituelle: dans le Christ, Il nous en a déjà offert la réalisation. Nous avons été rachetés! En vertu de notre communion avec le Christ ressuscité, Dieu nous a bénis de toutes les bénédictions spirituelles. Ouvrons notre coeur, accueillons ce précieux héritage! Nous pourrons alors entonner avec Marie la louange de sa grâce. Et si nous continuons à présenter nos préoccupations quotidiennes à la Mère immaculée du Christ, Elle nous aidera à ouvrir nos petites espérances toujours vers la grande, la véritable espérance qui donne un sens à notre vie et peut nous combler d'une joie profonde et indestructible.

En ce sens, je voudrais aujourd'hui, avec vous, élever notre regard vers l'Immaculée, Lui confier les prières que vous avez prononcées il y a peu, et demander sa protection maternelle pour ce pays et pour ses habitants:

Sainte Marie, Mère immaculée de Notre Seigneur Jésus Christ, en toi, Dieu nous a donné le modèle de l'Eglise et de la juste manière de réaliser notre humanité. Je te confie l'Autriche et ses habitants: aide-nous tous à suivre ton exemple et à orienter notre vie totalement vers Dieu! Fais que, en regardant le Christ, nous devenions toujours plus semblables à Lui: de véritables fils de Dieu! Alors nous aussi, comblés de toute bénédiction spirituelle, nous pourrons répondre toujours mieux à sa volonté et devenir ainsi des instruments de paix pour l'Autriche, pour l'Europe et pour le monde. Amen.




VÊPRES MARIALES AVEC LES PRÊTRES, LES RELIGIEUX, LES RELIGIEUSES, LES DIACRES ET LES SÉMINARISTES Mariazell Samedi 8 septembre 2007

8907

Vénérés et chers confrères dans le ministère sacerdotal,
chers hommes et femmes de vie consacrée,
chers amis!

Nous sommes réunis dans la vénérable Basilique de notre "Magna Mater Austriae", à Mariazell. Depuis de nombreuses générations, les gens prient ici pour obtenir l'aide de la Mère de Dieu. Nous le faisons aujourd'hui nous aussi. Nous voulons avec Elle magnifier la bonté immense de Dieu et exprimer au Seigneur notre gratitude pour tous les bienfaits reçus, en particulier pour le grand don de la foi. Nous voulons également Lui confier les questions qui nous tiennent à coeur: demander sa protection pour l'Eglise, invoquer son intercession pour le don de bonnes vocations pour nos diocèses et communautés religieuses, solliciter son aide pour les familles et sa prière miséricordieuse pour toutes les personnes qui cherchent à se libérer des péchés et à se convertir et, enfin, confier à ses soins maternels tous les malades et les personnes âgées. Que la grande Mère de l'Autriche et de l'Europe nous aide tous à réaliser un profond renouveau de la foi et de la vie!

Chers amis, en tant que prêtres, religieux et religieuses, vous êtes les serviteurs et les servantes de la mission de Jésus Christ. De même qu'il y a deux mille ans, Jésus a appelé des personnes à sa suite, aujourd'hui aussi de jeunes hommes et femmes se mettent en marche à son appel, fascinés par Lui et animés par le désir de placer leur vie au service de l'Eglise, en la donnant pour aider les hommes. Ils ont le courage de suivre le Christ et ils veulent être ses témoins. De fait, la vie à la suite du Christ est une entreprise risquée, car nous sommes toujours menacés par le péché, par le manque de liberté et par la défection. C'est pourquoi nous avons tous besoin de sa grâce, de même que Marie la reçut en plénitude. Comme Marie, nous apprenons à regarder toujours vers le Christ, en le prenant comme critère de mesure. Nous pouvons participer à la mission universelle de salut de l'Eglise, dont il est le Chef. Le Seigneur appelle les prêtres, les religieux, les religieuses et les laïcs à entrer dans le monde, dans sa réalité complexe, pour coopérer en ce lieu à l'édification du Royaume de Dieu. Ils le font de manières multiples et variées: dans l'annonce, dans l'édification de communautés, dans les différents ministères pastoraux, dans l'amour effectif et dans la charité vécue, dans la recherche et dans la science exercées avec un esprit apostolique, dans le dialogue avec la culture dans le milieu environnant, dans la promotion de la justice voulue par Dieu et, dans une mesure tout aussi importante, dans la contemplation recueillie du Dieu trinitaire et de sa louange communautaire.

Le Seigneur vous invite au pèlerinage de l'Eglise "dans sa marche à travers les temps". Il vous invite à devenir pèlerins avec Lui et à participer à sa vie qui, aujourd'hui encore, est Via Crucis et chemin du Ressuscité à travers la Galilée de notre existence. C'est cependant toujours le même et identique Seigneur qui, à travers le même et unique baptême, nous appelle à l'unique foi. La participation à son chemin signifie donc ces deux choses: la dimension de la Croix - avec les échecs, les souffrances, les incompréhensions, et même le mépris et la persécution -, mais également l'expérience d'une joie profonde dans son service et l'expérience du grand réconfort dérivant de la rencontre avec Lui. Comme l'Eglise, les paroisses, les communautés et chaque chrétien baptisé tirent l'origine de leur mission de l'expérience du Christ crucifié et ressuscité.

Le centre de la mission de Jésus Christ et de tous les chrétiens est l'annonce du Royaume de Dieu. Cette annonce au nom du Christ signifie pour l'Eglise, pour les prêtres, les religieux et les religieuses, ainsi que pour tous les baptisés, l'engagement à être présents dans le monde comme ses témoins. En effet, le Royaume de Dieu est Dieu lui-même, qui se rend présent parmi nous et qui règne à travers nous. L'édification du Royaume de Dieu a donc lieu lorsque Dieu vit en nous et que nous apportons Dieu dans le monde. Vous le faites, en rendant témoignage d'un "sens" qui est enraciné dans l'amour créatif de Dieu et qui s'oppose à tout manque de bon sens et à tout désespoir. Vous êtes du côté de ceux qui cherchent avec difficulté ce sens, du côté de tous ceux qui veulent donner à la vie une forme positive. En priant et en demandant, vous êtes les avocats de ceux qui sont à la recherche de Dieu, qui sont en marche vers Dieu. Vous rendez témoignage d'une espérance qui, contre tout désespoir muet ou visible, renvoie à la fidélité et à l'attention pleine d'amour de Dieu. Avec cela, vous êtes du côté de tous ceux dont l'échine ploie sous un lourd destin et qui ne réussissent pas à se libérer de leurs fardeaux. Vous rendez témoignage de cet Amour qui se donne pour les hommes et qui, ainsi, a vaincu la mort. Vous êtes du côté de ceux qui n'ont jamais vécu l'expérience de l'amour, qui ne réussissent plus à croire dans la vie. Vous vous opposez ainsi aux multiples types d'injustice cachée ou ouverte, ainsi qu'au mépris des hommes qui s'étend. Chers frères et soeurs, en ce moment, toute votre existence doit être comme celle de Jean-Baptiste, un renvoi important et vivant à Jésus Christ, le Fils de Dieu incarné. Jésus a qualifié Jean de "lampe qui brûle et qui éclaire" (
Jn 5,35). Soyez vous aussi des lampes semblables! Faites briller votre lumière dans notre société, dans la politique, dans le monde de l'économie, dans le monde de la culture et de la recherche. Même si ce n'est qu'une petite lampe au milieu de tant de feux de paille, elle reçoit cependant sa force et sa splendeur de la grande Etoile du matin, le Christ ressuscité, dont la lumière brille - veut briller à travers nous - et ne disparaîtra jamais.

Suivre le Christ - nous voulons Le suivre - suivre le Christ signifie croître dans le partage des sentiments et dans l'assimilation du style de vie de Jésus; c'est ce que nous dit la Lettre aux Philippiens: "Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus" (cf. 2, 5). "Regarder vers le Christ" est la devise de ces journées. En se tournant vers Lui, le grand Maître de vie, l'Eglise a découvert trois caractéristiques qui ressortent dans l'attitude de fond de Jésus. Ces trois caractéristiques - nous les appelons avec la Tradition les "conseils évangéliques" - sont devenues les composantes déterminantes d'une vie engagée dans la suite radicale du Christ: pauvreté, chasteté et obéissance. Réfléchissons à présent un peu sur ces caractéristiques.

Jésus Christ, qui était riche de toute la richesse de Dieu, s'est fait pauvre pour nous, nous dit saint Paul dans la Deuxième Lettre aux Corinthiens (cf. 8, 9); il s'agit-là d'une parole intarissable, sur laquelle nous devrions toujours réfléchir à nouveau. Et dans la Lettre aux Philippiens on lit: Il s'est anéanti lui-même et s'est humilié en obéissant jusqu'à la mort sur une croix (cf. 2, 6sq). Lui, qui s'est fait pauvre, a appelé les pauvres "bienheureux". Saint Luc, dans sa version des Béatitudes, nous fait comprendre que cette affirmation - le fait de proclamer les pauvres bienheureux - concerne sans aucun doute les gens pauvres, vraiment pauvres, dans l'Israël de son époque, où il régnait un contraste opprimant entre les riches et les pauvres. Dans sa version des Béatitudes, saint Matthieu nous explique toutefois que la simple pauvreté matérielle ne garantit pas à elle seule la proximité de Dieu, car le coeur peut être dur et rempli du désir de richesse. Matthieu - comme toute l'Ecriture Sainte - nous laisse cependant comprendre que, quoi qu'il en soit, Dieu est proche des pauvres de manière particulière. Cela devient alors clair: le chrétien voit en eux le Christ qui l'attend, qui attend son engagement. Celui qui veut suivre le Christ de manière radicale, doit renoncer aux biens matériels. Il doit cependant vivre cette pauvreté à partir du Christ, comme une manière de devenir libre intérieurement pour son prochain. Pour tous les chrétiens, mais en particulier pour nous prêtres, pour les religieux et les religieuses, pour les individus ainsi que pour les communautés, la question de la pauvreté et des pauvres doit être toujours à nouveau l'objet d'un sévère examen de conscience. Précisément dans notre situation, dans laquelle nous ne sommes pas mal, nous ne sommes pas pauvres, je pense que nous devons réfléchir en particulier sur la façon dont nous pouvons vivre cet appel de manière sincère. Je voudrais le recommander à votre - à notre - examen de conscience.

Pour bien comprendre ce que signifie la chasteté, nous devons partir de son contenu positif. Nous le trouvons encore une fois uniquement en regardant vers Jésus Christ. Jésus a vécu selon une double orientation: vers le Père et vers les hommes. Dans l'Ecriture Sainte, nous apprenons à Le connaître comme personne qui prie, qui passe des nuits entières en dialogue avec le Père. En priant, il inscrivait son humanité et celle de chacun de nous dans la relation filiale avec le Père. Ce dialogue devenait ensuite toujours à nouveau mission envers le monde, envers nous. Sa mission le conduisait à un dévouement pur et indivis envers les hommes. Dans les témoignages des Saintes Ecritures, il n'y a aucun moment de son existence où l'on puisse apercevoir, dans son comportement envers les hommes, une trace quelconque d'intérêt personnel ou d'égoïsme. Jésus a aimé les hommes dans le Père, à partir du Père - et ainsi, il les a aimés dans leur être véritable, dans leur réalité. Pénétrer ces sentiments de Jésus - en étant totalement en communion avec le Dieu vivant et dans cette communion toute pure avec les hommes, à leur disposition sans réserves - ce fait de pénétrer les sentiments de Jésus Christ a inspiré à Paul une théologie et une pratique de vie qui répond à la parole de Jésus sur le célibat pour le Royaume des cieux (cf. Mt 19,12). Les prêtres, les religieux et les religieuses ne vivent pas sans liens interpersonnels. Au contraire, chasteté signifie - et c'est de là que je voulais partir - une relation intense; elle est positivement une relation avec le Christ vivant et, à partir de cela, avec le Père. C'est pourquoi, avec le voeu de chasteté dans le célibat, nous ne nous consacrons pas à l'individualisme ou à une vie isolée, mais nous promettons solennellement de placer totalement et sans réserve au service du Royaume de Dieu - et ainsi au service des hommes - les relations intenses dont nous sommes capables et que nous recevons comme un don. De cette manière, les prêtres, les religieux et les religieuses eux-mêmes deviennent des hommes et des femmes de l'espérance: en comptant totalement sur Dieu et en démontrant de cette manière que Dieu est pour eux une réalité, ils laissent un espace pour sa présence - pour la présence du Royaume de Dieu - dans le monde. Chers prêtres, religieux et religieuses, vous offrez une contribution importante: au milieu de toute la cupidité, de tout l'égoïsme dû au fait de ne pas savoir attendre, de la soif de consommation, au milieu du culte de l'individualisme, nous cherchons à vivre un amour désintéressé pour les hommes. Nous vivons une espérance qui laisse à Dieu la tâche de sa réalisation, car nous croyons qu'Il l'accomplira. Que serait-il arrivé si, dans l'histoire du christianisme, il n'y avait pas eu ces figures phares pour le peuple? Qu'en serait-il de notre monde, s'il n'y avait pas les prêtres, s'il n'y avait pas des femmes et des hommes dans les Ordres religieux et dans les Communautés de vie consacrée - des personnes qui, à travers leur vie, témoignent l'espérance d'une satisfaction plus grande que celle liée aux désirs humains et de l'expérience de l'amour de Dieu qui dépasse tout amour humain? Le monde a besoin de notre témoignage, précisément aujourd'hui.

Venons-en à l'obéissance. Jésus a vécu toute sa vie, depuis les années cachées à Nazareth jusqu'au moment de sa mort sur la Croix, dans l'écoute du Père, dans l'obéissance envers le Père. Voyons, par exemple, la nuit sur le Mont des Oliviers: "Que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne". A travers cette prière, Jésus assume dans sa volonté de Fils la résistance persévérante de nous tous, il transforme notre rébellion en son obéissance. Jésus était un orant. Mais il était cependant également quelqu'un qui savait écouter et obéir: il s'était fait "obéissant jusqu'à la mort et à la mort sur une croix" (Ph 2,8). Les chrétiens ont toujours fait l'expérience qu'en s'abandonnant à la volonté du Père, ils ne se perdent pas, mais ils trouvent de cette façon la voie vers une profonde identité et liberté intérieure. En Jésus, ils ont découvert que celui qui se donne se trouve lui-même, que celui qui se lie par une obéissance fondée en Dieu et animée par la recherche de Dieu, devient libre. Ecouter Dieu et lui obéir n'a rien à voir avec une obligation venant de l'extérieur et une perte de soi-même. Ce n'est qu'en entrant dans la volonté de Dieu que nous atteignons notre véritable identité. Le témoignage de cette expérience est aujourd'hui nécessaire au monde, précisément en relation avec son désir d'"autoréalisation" et d'"autodétermination".

Romano Guardini raconte dans son autobiographie que, à un moment critique de son chemin, lorsque la foi de son enfance était devenue incertaine, il prit la décision maîtresse de toute sa vie - la conversion - qui lui fut offerte dans la rencontre avec la parole de Jésus, selon laquelle seul celui qui se perd trouve sa propre personne (cf. Mc 8, 34sq; Jn 12,25); sans s'abandonner, sans se perdre, on ne peut pas se retrouver soi-même, on ne peut pas se réaliser. Mais ensuite, se pose la question: dans quelle direction est-il licite de me perdre? A qui puis-je me donner? Il lui parut évident que nous ne pouvons nous donner complètement que si, en le faisant, nous tombons aux mains de Dieu. Ce n'est qu'en Lui, à la fin, que nous pouvons nous perdre et en Lui que nous pouvons nous trouver. Mais ensuite, se présenta cependant à lui la question suivante: Qui est Dieu? Où est Dieu? Et il comprit alors que le Dieu auquel nous pouvons nous abandonner est uniquement le Dieu qui s'est rendu concret et proche en Jésus Christ. Mais, à nouveau, se posa à lui la question suivante: Où puis-je trouver Jésus Christ? Comment puis-je vraiment me donner à Lui? La réponse trouvée par Guardini dans sa recherche difficile semble vouloir dire: Jésus n'est présent à nous de manière concrète que dans son corps, l'Eglise. C'est pourquoi l'obéissance à la volonté de Dieu, l'obéissance à Jésus Christ, doit dans la pratique être très concrètement une humble obéissance à l'Eglise. Je pense que nous devrions toujours à nouveau effectuer un profond examen de conscience sur cela également. Tout cela se trouve résumé dans la prière de saint Ignace de Loyola - une prière qui m'apparaît toujours trop grande, au point que je n'ose presque pas la prononcer, mais que, toutefois, même si c'est difficile, nous devrions toujours à nouveau nous reproposer: "Prends, Seigneur, et reçois toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté, tout ce que j'ai et que je possède; tu me l'as donné, à toi, Seigneur, je le rends; tout est à toi, dispose de tout selon chacune de tes volontés; donne-moi seulement ton amour et ta grâce et je serai assez riche et ne demanderai rien d'autre" (He 234).

Chers frères et soeurs! Vous repartez à présent dans votre milieu de vie, dans les lieux de votre engagement ecclésial, pastoral, spirituel et humain. Que notre grande Avocate et Mère Marie étende sa main protectrice sur vous et sur votre oeuvre. Qu'Elle intercède pour vous auprès de son Fils, notre Seigneur Jésus Christ. Au remerciement pour votre prière et votre travail dans la vigne du Seigneur, j'unis ma supplique à Dieu, afin qu'il donne protection et bien-être à vous tous, aux personnes, en particulier aux jeunes, ici en Autriche et dans les divers pays dont beaucoup d'entre vous proviennent. Je vous accompagne tous de tout coeur avec ma Bénédiction.




RENCONTRE AVEC LE MONDE DU VOLONTARIAT Wiener Konzerthaus, Vienne Dimanche 9 septembre 2007

9917
Monsieur le Président fédéral,
Mgr l'Archevêque Kothgasser,
chers collaborateurs et collaboratrices volontaires et honoraires des divers Organismes d'assistance en Autriche,
Mesdames et Messieurs,
et surtout chers jeunes amis!

J'ai attendu avec une joie particulière cette rencontre avec vous, qui a lieu presque au terme de ma visite en Autriche. Et naturellement, s'ajoute également la joie d'avoir pu écouter non seulement une merveilleuse interprétation de Mozart, mais de façon inattendue également les "Wiener Sängerknaben". Je vous remercie de tout coeur! Il est beau de rencontrer des personnes qui, dans notre société, s'efforcent de donner un visage au message de l'Evangile; voir des personnes âgées et des jeunes qui manifestent de façon concrète dans l'Eglise et dans la société l'amour par lequel, en tant que chrétiens, nous devons être conquis: c'est l'amour de Dieu qui fait reconnaître dans l'autre notre prochain, notre frère ou notre soeur! Je suis empli de gratitude et d'admiration pour la contribution généreuse dans le domaine du volontariat de tant de personnes de tous âges dans ce pays; à vous tous, ainsi qu'à ceux qui accomplissent une fonction bénévole en Autriche, je voudrais exprimer aujourd'hui ma considération particulière. Je vous remercie de tout coeur, Monsieur le Président, ainsi que vous, cher Archevêque de Salzbourg, et surtout vous, jeunes représentants des volontaires en Autriche, pour les belles et profondes paroles qui m'ont été adressées.

Grâce à Dieu, pour beaucoup de personnes, c'est une question d'honneur de s'engager volontairement pour les autres, pour une association, pour une union ou pour des situations déterminées de bien commun. Un tel engagement représente avant tout une occasion de former sa personnalité et de s'insérer à travers une contribution active et responsable dans la vie sociale. Toutefois, la disponibilité à l'égard du volontariat se fonde parfois sur des motivations multiples et diverses. Souvent, il y a simplement à l'origine le désir de faire quelque chose qui ait un sens et qui soit utile et de s'ouvrir à de nouveaux domaines d'expérience. Naturellement et à juste titre, les jeunes y cherchent également la joie et l'occasion de vivre des choses belles, une expérience d'authentique camaraderie dans une activité commune riche de sens. Souvent, les idées et les initiatives personnelles sont liées à un amour concret pour le prochain; ainsi, la personne est intégrée dans une communauté qui la soutient. A cet égard, je voudrais exprimer mon remerciement très sincère pour la "culture du volontariat" très marquée en Autriche. Je voudrais remercier toutes les femmes, tous les hommes, tous les jeunes et tous les enfants - l'engagement des enfants dans le volontariat, en effet, est souvent important: il suffit de penser à l'action des "Sternsinger" lors du temps de Noël; et vous, cher Monseigneur, l'avez déjà mentionné. Je voudrais en particulier exprimer mes remerciements également pour les petits et grands services et efforts qui ne sautent pas toujours aux yeux. Merci et "Vergelt's Gott" pour votre contribution à l'édification de la "civilisation de l'amour" qui se place au service de tous et qui crée la Patrie! On ne peut déléguer l'amour du prochain; l'Etat et la politique, même avec leurs nécessaires préoccupations sociales - c'est ce que vous avez affirmé, Monsieur le Président - ne peuvent s'y substituer. L'amour du prochain exige toujours un engagement personnel et volontaire, pour lequel l'Etat peut et doit certainement créer les conditions d'ensemble favorables. Grâce à cet engagement, l'aide conserve sa dimension humaine et n'est pas dépersonnalisée. Et c'est précisément la raison pour laquelle vous, volontaires, n'êtes pas des "bouche-trous" dans le réseau social, mais des personnes qui contribuent véritablement à manifester le visage humain et chrétien de notre société.

Les jeunes désirent précisément que leurs capacités et leurs talents soient "suscités et découverts". Les volontaires veulent être impliqués personnellement. "J'ai besoin de toi!", "Tu en es capable!"; combien une telle demande nous fait du bien! Précisément dans sa simplicité humaine, elle nous renvoie de façon indirecte à ce Dieu qui a voulu chacun de nous et qui a donné un devoir personnel à chacun de nous, et même, qui a besoin de chacun de nous et qui attend notre engagement. Ainsi, Jésus a appelé les hommes et leur a donné le courage de faire une grande chose, que seuls, ils ne se seraient pas sentis capables de faire. Se laisser appeler, se décider, puis entreprendre un chemin sans se poser l'habituelle question relative à l'utilité et au profit - ce comportement laissera des traces bénéfiques. Leurs saints ont indiqué cette voie à travers leur vie. Il s'agit d'un chemin riche et passionnant, un chemin généreux et précisément aujourd'hui, actuel. Le "oui" à un engagement dans le volontariat et la solidarité est une décision qui rend libre et qui ouvre aux nécessités de l'autre; aux exigences de la justice, de la défense de la vie et de la sauvegarde de la création. Dans les engagements dans le volontariat entre en jeu la dimension-clé de l'image chrétienne de Dieu et de l'homme: l'amour de Dieu et l'amour du prochain.

Chers volontaires, mesdames et messieurs! S'engager à titre volontaire constitue un écho de la gratitude et c'est la transmission de l'amour reçu. "Deus vult condiligentes - Dieu veut des personnes qui aiment avec Lui", affirmait le théologien Duns Scot au XIV siècle (1). Vu sous cet angle, l'engagement bénévole est lié dans une large mesure à la Grâce. Une culture qui veut tout compter et tout payer, qui place le rapport entre les hommes dans une sorte de carcan de droits et de devoirs, fait l'expérience, grâce aux innombrables personnes engagées à titre bénévole, que la vie même est un don non mérité. Quelque différentes, multiples, ou même contradictoires que puissent être les motivations et même les voies de l'engagement dans le volontariat, à la base de toutes figure, en dernière analyse, la communion profonde qui jaillit de la "gratuité". C'est gratuitement que nous avons reçu la vie de notre Créateur, gratuitement que nous avons été libérés de l'impasse du péché et du mal, gratuitement que nous a été donné l'Esprit avec ses multiples dons. Dans mon Encyclique, j'ai écrit: "L'amour est gratuit. Il n'est pas utilisé pour parvenir à d'autres fins" [2]. "Celui qui peut aider reconnaît que c'est justement de cette manière qu'il est aidé lui aussi. Le fait de pouvoir aider n'est ni son mérite ni un titre d'orgueil. Cette tâche est une grâce" [3]. Nous transmettons gratuitement ce que nous avons reçu, à travers notre engagement, notre fonction dans le volontariat. Cette logique de la gratuité se situe au-delà des simples droits et devoirs moraux.

Sans engagement dans le volontariat, le bien commun et la société ne pouvaient pas, ne peuvent et ne pourront pas perdurer. La disponibilité spontanée vit et se démontre au-delà du calcul et de l'échange attendu; elle brise les règles de l'économie de marché. En effet, l'homme est beaucoup plus qu'un simple facteur économique à évaluer selon des critères économiques. Le progrès et la dignité d'une société dépendent toujours à nouveau précisément des personnes qui font davantage que leur strict devoir.

Mesdames et Messieurs! L'engagement dans le volontariat est un service à la dignité de l'homme fondée sur le fait qu'il a été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Irénée de Lyon, au II siècle, a dit: "La gloire de Dieu est l'homme vivant et la vie de l'homme est la vision de Dieu" [4]. Et Nicola Cusano, dans son oeuvre sur la vision de Dieu, a développé cette pensée de la façon suivante: "Etant donné que l'oeil est là où se trouve l'amour, je sens que Tu m'aimes... Ton regard, Seigneur, est amour... En posant ton regard sur moi, Toi, Dieu caché, tu me laisses T'entrevoir... Ton regard est vivifiant... Ton regard signifie agir" [5]. Le regard de Dieu - le regard de Jésus nous contamine par l'amour de Dieu. Il y a des regards qui peuvent se poser dans le vide ou même mépriser. Et des regards qui peuvent apporter une sollicitude et exprimer l'amour. Les personnes engagées bénévolement confèrent au prochain une considération, rappellent la dignité de l'homme et suscitent la joie de vivre et l'espérance. Les représentants du volontariat sont des gardiens et des avocats des droits de l'homme et de sa dignité.

Une autre forme de regard est également liée au regard de Jésus. "Il le vit et passa outre", lit-on dans l'Evangile du prêtre et du lévite qui voient l'homme à demi-mort gisant au bord de la route, mais qui n'interviennent pas (cf.
Lc 10,31 Lc 10,32). Il y a ceux qui voient et qui font semblant de ne pas voir, ceux qui voient les situations de besoin sous leurs yeux, mais qui demeurent indifférents, cela fait partie des courants d'indifférence de notre époque. Dans le regard des autres, précisément dans le regard de ceux qui ont besoin de notre aide, nous ressentons l'exigence concrète de l'amour chrétien. Jésus Christ ne nous enseigne pas une mystique "des yeux fermés", mais une mystique "du regard ouvert", et à travers cela, une mystique du devoir absolu de percevoir la condition des autres, la situation dans laquelle se trouve l'homme qui, selon l'Evangile, est notre prochain. Le regard de Jésus, l'école des yeux de Jésus introduit à une proximité humaine, à la solidarité, au partage du temps, au partage des dons et également des biens matériels. C'est pourquoi "les personnes qui oeuvrent dans les Institutions caritatives doivent se distinguer par le fait qu'elles ne se contentent pas d'exécuter avec dextérité le geste qui convient sur le moment, mais qu'elles se consacrent à autrui avec des attentions qui leur viennent du coeur [...] Ce coeur voit où l'amour est nécessaire et il agit en conséquence" [6]. Oui, "il me faut devenir quelqu'un qui aime, une personne dont le coeur se laisse bouleverser par la détresse de l'autre. C'est alors que je trouverai mon prochain, ou plus exactement, c'est alors que je serai trouvé par lui" [7].

Enfin, le commandement de l'amour de Dieu et du prochain (cf. Mt 22,37-40 Lc 10,27) nous rappelle que c'est à Dieu lui-même, à travers l'amour du prochain, que nous, chrétiens, rendons honneur. Monseigneur Kothgasser a déjà cité la parole de Jésus: "Dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25,40). Si dans l'homme concret que nous rencontrons, Jésus est présent, alors l'activité à titre bénévole peut devenir une expérience de Dieu. La participation aux situations et aux nécessités des hommes conduit à une façon "nouvelle" d'être ensemble et agit "en donnant du sens". Ainsi, le service bénévole peut aider à faire sortir les personnes de l'isolement et à les intégrer dans la communauté.

Enfin, je voudrais rappeler la force et l'importance de la prière pour tous ceux qui sont engagés dans le travail caritatif. La prière à Dieu est une voie qui permet de sortir de l'idéologie et de la résignation face à l'infinitude du besoin. "En effet, les chrétiens continuent de croire, malgré toutes les incompréhensions et toutes les confusions du monde qui les entoure, en la "bonté de Dieu" et en "sa tendresse pour les hommes" (Tt 3,4). Bien que plongés comme tous les autres hommes dans la complexité dramatique des événements de l'histoire, ils restent fermes dans la certitude que Dieu est Père et qu'il nous aime, même si son silence nous demeure incompréhensible" [8]

Chers collaborateurs volontaires et à titre honorifique des oeuvres d'assistance en Autriche, Mesdames, Messieurs! Lorsqu'une personne ne fait pas seulement son devoir dans la profession et dans la famille - et pour bien le faire, il faut déjà une grande force et un grand amour - mais qu'elle s'engage également pour les autres, en mettant son temps précieux au service de l'homme et de sa dignité, son coeur s'élargit. Les volontaires ne conçoivent pas l'idée de prochain de façon restrictive; ils reconnaissent également dans "celui qui est loin" notre prochain qui est accepté par Dieu et qui, avec notre aide, doit être également touché par l'oeuvre de rédemption réalisée par le Christ. L'autre, le prochain dans le sens évangélique, devient pour nous comme un partenaire privilégié face aux pressions et aux contraintes du monde dans lequel nous vivons. Celui qui respecte la "priorité du prochain", vit et agit selon l'Evangile et prend part également à la mission de l'Eglise, qui regarde toujours l'homme dans son ensemble et qui veut lui faire ressentir l'amour de Dieu. Chers volontaires, l'Eglise soutient pleinement votre service. Je suis convaincu que de nombreuses Bénédictions proviendront également à l'avenir des volontaires d'Autriche et je vous accompagne tous par ma prière. Je demande pour vous tous la joie du Seigneur (cf. Ne Ne 8,10), qui est notre force. Que le Bon Dieu soit toujours proche de vous et vous guide constamment à l'aide de sa grâce.


[1] Opus Oxoniense III d. 32 q.1 n. 6.
[2] Benoît XVI, Deus caritas est, n. c.
[3] Ibid., n. .
[4] Adversus haereses IV, 20, 7.
[5] De visione Dei/Die Gottesschau, in: Philosophisch-Theologische Schriften, hg. und eingef. von Leo Gabriel, übersetzt von Dietlind und Wilhelm Dupré, Vienne 1967, Bd. III, 105-111.
[6] Benoît XVI, Deus caritas est, n. a; 31b.
[7] Joseph Ratzinger/Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Flammarion, Paris 2007, p. 222.
[8] Benoît XVI, Deus caritas est, n. .




Discours 2005-2013 7937