Discours 2005-2013 15917

À LA COMMUNAUTÉ DES CLARISSES DU MONASTÈRE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION D'ALBANO LAZIALE (ITALIE) Salle du consistoire du Palais apostolique de Castelgandolfo Samedi 15 septembre 2007

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Chères soeurs,

Bienvenue au Palais apostolique! C'est avec un grand plaisir que je vous accueille; je vous remercie de votre visite et je salue cordialement chacune de vous. On peut dire que votre communauté, qui se trouve sur le territoire des Villas pontificales, vit à l'ombre de la maison du Pape et qu'il existe ainsi un lien très étroit entre le Successeur de Pierre et vous, comme le démontrent les nombreux contacts que, depuis la fondation, vous avez eus avec les Papes au cours de leur séjour ici, à Castel Gandolfo. Votre Mère Abbesse vient de le rappeler, et je la remercie de tout coeur des paroles courtoises qu'elle m'a adressées en votre nom à toutes. En vous rencontrant ce matin, je voudrais renouveler moi aussi ma sincère gratitude à votre Fraternité pour le soutien quotidien de la prière et pour votre intense participation spirituelle à la mission du Pasteur de l'Eglise universelle. Dans le silence de la clôture et dans le don total et exclusif de vous-mêmes au Christ selon le charisme franciscain, vous rendez à l'Eglise un service précieux.

En reparcourant l'histoire de votre monastère, j'ai noté que beaucoup de mes Prédécesseurs, en rencontrant votre fraternité, ont toujours réaffirmé l'importance de votre témoignage de contemplatives "à qui Dieu seul suffit". En particulier, je repense à ce que vous dit le Serviteur de Dieu Paul VI, le 3 septembre 1971, à savoir que face à ceux qui considèrent les soeurs de clôture comme étant en marge de la réalité et de l'expérience de notre temps, votre existence a la valeur d'un témoignage singulier qui touche intimement la vie de l'Eglise. "Vous représentez - soulignait Paul VI - tant de choses que l'Eglise apprécie et que le Concile Vatican II a confirmées. Fidèles à la règle, à la vie communautaire, à la pauvreté, vous êtes une semence et un signe". Poursuivant en quelque sorte ces réflexions quelques années plus tard, le 14 août 1979, le bien-aimé Jean-Paul II, célébrant la Messe dans votre chapelle, voulut confier à votre prière sa personne, l'Eglise et toute l'humanité. "Ce n'est pas pour éviter les croix de ce monde - observa-t-il - que vous avez abandonné le monde. Au contraire! Vous les portez dans le coeur, et, sur la scène tourmentée de l'Histoire, vous accompagnez l'humanité de votre prière... C'est en raison de cette présence cachée mais authentique, dans la société, que moi aussi je regarde avec confiance vos mains jointes".

Voilà donc, chères soeurs, ce que le Pape attend de vous: que vous soyez des flambeaux ardents d'amour, des "mains jointes" qui veillent dans la prière incessante, détachées totalement du monde, pour soutenir le ministère de celui que Jésus a appelé comme guide de son Eglise. Des "soeurs pauvres" qui, en suivant l'exemple de saint François et de sainte Claire, observent "le saint Evangile de notre Seigneur Jésus Christ, en vivant en obéissance, sans rien de personnel et dans la chasteté". L'engagement silencieux de ceux qui, comme vous, tentent de mettre en pratique avec simplicité et joie l'Evangile "sine glossa" n'a pas toujours d'écho dans l'opinion publique, mais - soyez-en certaines -, c'est véritablement une contribution extraordinaire que vous apportez à l'oeuvre apostolique et missionnaire de l'Eglise dans le monde, et Dieu continuera à vous bénir du don de très nombreuses vocations comme il l'a fait jusqu'à présent.

Chères soeurs clarisses, que saint François, sainte Claire et les nombreux saints et saintes de votre ordre vous aident à "persévérer fidèlement jusqu'au bout" dans votre vocation. Que vous protège en particulier la Vierge Marie, que la liturgie d'aujourd'hui nous fait contempler au pied de la croix, associée intimement à la mission du Christ et participant à l'oeuvre du salut à travers sa douleur de mère. Sur le Calvaire, Jésus nous l'a donnée comme mère et nous a confiés à elle comme ses fils. Que la Vierge des Douleurs vous obtienne le don de suivre son divin Fils crucifié et d'embrasser avec sérénité les difficultés et les épreuves de l'existence quotidienne. Avec ces sentiments, je vous donne à toutes une Bénédiction apostolique particulière, que j'étends volontiers aux personnes qui se confient à vos prières.



AU CONSEIL PONTIFICAL "JUSTICE ET PAIX" POUR LE V ANNIVERSAIRE DE LA MORT DU CARDINAL FRANÇOIS-XAVIER NGUYÊN VAN THUÂN Lundi 17 septembre 2007

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Salle du Consistoire du Palais de Castelgandolfo


Monsieur le Cardinal,
vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs!

Je vous souhaite une cordiale bienvenue à tous, réunis pour rappeler la mémoire du Card. François-Xavier Nguyên Van Thuân, que le Seigneur a rappelé à Lui le 16 septembre d'il y a cinq ans. Cinq années se sont écoulées, mais la noble figure de ce fidèle serviteur du Seigneur est encore vivante dans l'esprit et dans le coeur de ceux qui l'ont connu. Je conserve moi aussi de nombreux souvenirs personnels des rencontres que j'ai eues avec lui au cours des années de son service ici, à la Curie romaine.

Je salue le Cardinal Renato Raffaele Martino et Mgr Giampaolo Crepaldi, respectivement Président et Secrétaire du Conseil pontifical "Justice et paix", ainsi que leurs collaborateurs. Je salue les membres de la Fondation "Saint Matthieu" instituée en mémoire du Cardinal Van Thuân, de l'Observatoire international, qui porte son nom, créé pour la diffusion de la Doctrine sociale de l'Eglise, ainsi que les parents et les amis du défunt Cardinal. J'exprime au Cardinal Martino des sentiments de vive reconnaissance, également pour les paroles qu'il a bien voulu m'adresser au nom des personnes présentes.

Je saisis volontiers l'occasion de mettre en lumière, encore une fois, le lumineux témoignage de foi que nous a laissé cet héroïque pasteur. L'Evêque François-Xavier - ainsi aimait-il se présenter - a été rappelé à la maison du Père à l'automne 2002, après une longue et douloureuse maladie, affrontée dans un abandon total à la volonté de Dieu. Quelque temps auparavant, il avait été nommé par mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II vice-président du Conseil pontifical "Justice et Paix", dont il devint ensuite le Président, lançant la publication du Compendium de la Doctrine sociale de l'Eglise. Comment oublier les traits caractéristiques de sa cordialité simple et spontanée? Comment ne pas mettre en lumière la capacité qu'il avait de dialoguer et de devenir le prochain de chacun? Nous le rappelons avec une grande admiration, alors que nous reviennent à l'esprit les grandes visions, pleines d'espérance, qui l'animaient et qu'il savait présenter de manière aisée et captivante; son engagement fervent pour la diffusion de la doctrine sociale de l'Eglise parmi les pauvres du monde, l'aspiration à l'évangélisation de son continent, l'Asie, la capacité qu'il avait de coordonner les activités de charité et de promotion humaine qu'il promouvait et soutenait dans les lieux les plus reculés de la terre.

Le Cardinal Van Thuân était un homme d'espérance, il vivait d'espérance et la diffusait parmi tous ceux qu'il rencontrait. Ce fut grâce à cette énergie spirituelle qu'il résista à toutes les difficultés physiques et morales. L'espérance le soutint dans sa condition d'Evêque isolé de sa communauté diocésaine pendant 13 ans; l'espérance l'aida à entrevoir dans l'absurdité des événements qui lui étaient arrivés - il ne passa jamais en procès au cours de sa longue détention - un dessein providentiel de Dieu. La nouvelle de la maladie, la tumeur, qui le conduisit ensuite à la mort, lui parvint presque en même temps que son élévation à la dignité cardinalice de la part du Pape Jean-Paul II, qui nourrissait à son égard une grande estime et affection. Le Cardinal Van Thuân aimait à répéter que le chrétien est l'homme du "maintenant", du "à présent", du moment présent à accueillir et vivre avec l'amour du Christ. Dans cette capacité de vivre l'heure présente transparaît son abandon intime entre les mains de Dieu et la simplicité évangélique que nous avons tous admirée en lui. Est-il possible - se demandait-il - que celui qui a confiance dans le Père céleste refuse ensuite de se laisser serrer entre ses bras?

Chers frères et soeurs, j'ai accueilli avec une joie profonde la nouvelle selon laquelle la Cause de béatification de ce singulier prophète de l'espérance chrétienne a été ouverte et, alors que nous confions au Seigneur son âme élue, nous prions pour que son exemple constitue pour nous un enseignement précieux. C'est avec ce souhait que je vous bénis tous de tout coeur.


AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU BÉNIN EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Jeudi 20 septembre 2007

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Chers Frères dans l’Épiscopat et dans le Sacerdoce,

Je suis heureux de vous accueillir alors que vous accomplissez votre visite ad limina, manifestation de communion entre les Évêques et le Siège de Pierre, et moyen efficace pour répondre à l’exigence de connaissance réciproque qui découle de la réalité même de cette communion (cf. Pastores gregis ). Le Président de votre Conférence épiscopale, Mgr Antoine Ganyé, m’a présenté en votre nom quelques réalités de la vie de l’Église au Bénin, je l’en remercie cordialement. Par votre intermédiaire, je voudrais saluer chaleureusement tous les membres de vos communautés diocésaines, prêtres, religieux, religieuses, séminaristes, catéchistes et tous les laïcs, les invitant à grandir dans la foi en Jésus, unique Sauveur des hommes. Vous voudrez bien transmettre aussi mon salut affectueux au cher Cardinal Bernardin Gantin. Enfin, à tous les Béninois, j’adresse des voeux cordiaux, afin qu’ils poursuivent courageusement leur engagement en vue de la construction d’une société toujours plus fraternelle et plus respectueuse de chaque personne.

Au cours des années qui viennent de s’écouler, vous avez fait preuve d’un grand courage évangélique pour guider le peuple de Dieu au milieu des nombreuses difficultés qu’a connues votre société, montrant ainsi votre intérêt pastoral pour les grandes questions auxquelles elle était affrontée, notamment dans le domaine de la justice et des droits humains. Dans toutes ces situations, vous avez proposé sans relâche l’enseignement de l’Église fondé sur l’Évangile, suscitant ainsi l’espérance au coeur de votre peuple et contribuant à maintenir l’unité et la concorde nationales. Face aux nombreux défis qui se présentent à vous aujourd’hui, je vous encourage vivement à développer une authentique spiritualité de communion, afin de « faire de l’Église la maison et l’école de la communion » (Novo millennio ineunte
NM 43). En effet, cette communion que les évêques sont appelés à vivre d’abord entre eux, pour y trouver force et soutien dans leur ministère, favorise le dynamisme missionnaire, « en garantissant toujours le témoignage de l’unité afin que le monde croie, et en élargissant les espaces de l’amour afin que tous parviennent à la communion trinitaire, de laquelle ils procèdent et à laquelle ils sont destinés » (Pastores gregis ).

Cette communion, je vous invite aussi à la développer dans vos presbyterium, en aidant les prêtres, par la qualité des relations que vous entretenez avec eux, à assumer pleinement leur ministère sacerdotal. Je voudrais encourager chaleureusement chacun d’eux à garder dans sa vie apostolique un équilibre donnant la place qui lui revient à une intense vie spirituelle, pour créer et pour renforcer une relation d’amitié avec le Christ, afin de servir généreusement la part du peuple de Dieu qui lui est confiée, ainsi que l’annonce du Royaume de Dieu à tous. C’est alors que sera rendu concrètement présent l’Évangile dans la société. En conformité avec la sagesse de l’Église, qu’ils sachent aussi discerner dans les « traditions » de leur peuple le bien véritable, qui permet de grandir dans la foi et dans une authentique connaissance de Dieu, et rejeter ce qui est en contradiction avec l’Évangile.

D’autre part, vos rapports quinquennaux montrent combien l’influence des traditions demeure encore très présente dans la vie sociale. Si leurs aspects les meilleurs doivent être encouragés, il est nécessaire de récuser leurs manifestations qui servent à nuire, à entretenir la peur ou à exclure autrui. La foi chrétienne doit inculquer dans les coeurs la liberté intérieure et la responsabilité que nous donne le Christ face aux événements de la vie. Une solide formation chrétienne sera donc un soutien indispensable pour aider les fidèles à confronter la foi avec les croyances de la « tradition ». Cette formation doit aussi leur permettre d’apprendre à prier avec confiance, afin de demeurer toujours proches du Christ, et au jour de détresse, de trouver dans les communautés chrétiennes un soutien, à travers des signes effectifs de l’amour de Dieu qui rend libre. Dans cette lourde tâche, la collaboration des catéchistes est un apport précieux. Je connais leur dévouement et le soin que vous prenez pour leur formation et pour leur permettre de mener une vie digne. Je les salue cordialement, leur disant la reconnaissance de l’Église pour leur engagement à son service.

Chers Frères, dans vos diocèses, les Instituts de vie consacrée apportent une généreuse contribution à la mission. Que les religieux et les religieuses conservent toujours le coeur et le regard fixés sur le Seigneur Jésus, afin que, par leurs oeuvres et par le don total d’eux-mêmes, ils communiquent à tous l’amour de Dieu qu’ils reçoivent dans leur propre existence ! Le service des plus démunis de la société sans distinction, qui est un engagement essentiel pour la plupart d’entre eux, ne doit jamais laisser de côté Dieu et le Christ, qu’il convient d’annoncer, sans pour autant vouloir imposer la foi de l’Église. « Le chrétien sait quand le temps est venu de parler de Dieu et quand il est juste de Le taire et de ne laisser parler que l’amour » (Deus caritas est ). J’invite aussi les membres des communautés contemplatives à demeurer, par leur présence discrète, un appel permanent pour tous les croyants à rechercher sans cesse le visage de Dieu et à lui rendre grâces pour tous ses bienfaits.

Dans le contexte culturel de votre pays, il est nécessaire que la présence de l’Église se manifeste par des signes visibles, qui indiquent le sens authentique de sa mission parmi les hommes. Parmi ceux-là, les célébrations liturgiques ferventes et chaleureuses tiennent une place éminente. Au coeur même de la société, elles sont un éloquent témoignage de foi rendu par vos communautés. Il est donc important que les fidèles participent à la liturgie de manière pleine, active et fructueuse. Pour favoriser cette participation, il est légitime de faire droit à certains aménagements appropriés aux divers contextes culturels, dans le respect des normes établies par l’Église. Toutefois, pour que des éléments culturels incompatibles avec la foi chrétienne ou des actions prêtant à confusion ne soient pas introduits dans la liturgie, une solide formation liturgique doit être assurée aux séminaristes et aux prêtres, permettant l’approfondissement de la connaissance des fondements, de la signification et de la valeur théologique des rites liturgiques.

Par ailleurs, la présence de l’Église dans la société se manifeste aussi par les interventions publiques de ses Pasteurs. En diverses circonstances, vous avez défendu courageusement les valeurs de la famille et du respect de la vie, alors qu’elles étaient menacées par des idéologies proposant des modèles et des attitudes en opposition avec une authentique conception de la vie humaine. Je vous encourage à poursuivre cet engagement, qui est un service rendu à la société tout entière. Dans cette perspective, la formation des jeunes est aussi l’une de vos priorités pastorales. Je voudrais rendre hommage ici au travail réalisé par toutes les personnes qui contribuent à leur éducation humaine et religieuse, particulièrement dans l’enseignement catholique, dont la qualité est largement reconnue. En aidant les jeunes à acquérir une maturité humaine et spirituelle, faites-leur découvrir Dieu, faites-leur découvrir que c’est dans le don d’eux-mêmes au service des autres qu’ils deviennent plus libres et plus mûrs ! Par ailleurs, les obstacles qu’ils rencontrent pour s’engager dans le mariage chrétien et pour vivre dans la fidélité aux engagements pris, obstacles souvent liés à la culture et aux traditions, exigent non seulement une sérieuse préparation à ce sacrement, mais aussi un accompagnement permanent des familles, particulièrement dans les moments de plus grande difficulté.

Je voudrais enfin vous dire ma satisfaction de constater que, d’une manière générale, les relations entre chrétiens et musulmans se déroulent dans une atmosphère de compréhension réciproque. Aussi, pour éviter de voir se développer quelque forme d’intolérance et pour prévenir toute violence, convient-il d’encourager un dialogue sincère, fondé sur une connaissance réciproque toujours plus vraie, notamment par des relations humaines respectueuses, par une entente sur les valeurs de la vie et par une coopération mutuelle en tout ce qui promeut le bien-être commun. Un tel dialogue exige aussi de préparer des personnes compétentes pour aider à connaître et à comprendre les valeurs religieuses que nous avons en commun et à respecter loyalement les différences.

Chers Frères, alors que s’achève notre rencontre, je vous encourage à poursuivre votre mission au service du peuple de Dieu au Bénin, en vivant toujours plus intensément le mystère du Christ. N’ayez pas peur de proposer la nouveauté radicale de la vie apportée par le Christ et offerte à tout homme pour réaliser sa vocation intégrale ! Je confie chacun de vous à l’intercession maternelle de Marie, Reine de l’Afrique. Qu’elle intercède pour les prêtres, les religieux, les religieuses, les séminaristes, les catéchistes et les fidèles de chacun de vos diocèses. À tous, j’adresse de grand coeur une affectueuse Bénédiction apostolique.


AUX MEMBRES DE L'INTERNATIONALE DÉMOCRATIQUE DU CENTRE ET DÉMOCRATE CHRÉTIENNE Salle des Suisses du Palais pontifical de Castel Gandolfo Vendredi 21 septembre 2007

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Monsieur le Président,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs!

Je suis heureux de vous accueillir au cours des travaux du Comité exécutif de l'Internationale démocratique du Centre et démocrate chrétienne et je souhaite, tout d'abord, adresser un salut cordial aux nombreuses délégations présentes, qui proviennent de tant de nations du monde. Je salue plus particulièrement le Président, M. Pier Ferdinando Casini, et je le remercie des paroles courtoises qu'il m'a adressées au nom des personnes présentes. Votre visite me donne l'opportunité de soumettre à votre attention plusieurs considérations sur les valeurs et les idéaux qui ont été forgés ou approfondis de manière décisive par la tradition chrétienne en Europe et dans le monde entier.
Je sais que, malgré la variété de vos origines, vous partagez un grand nombre de ces principes, comme par exemple la place centrale de la personne et le respect des droits de l'homme, l'engagement pour la paix et la promotion de la justice pour tous. Vous faites donc référence à des principes fondamentaux, qui sont liés entre eux, comme le démontre l'expérience de l'histoire. Quand, en effet, les droits de l'homme sont violés, c'est la dignité même de la personne qui est touchée; si la justice vacille, la paix est en danger. D'autre part, la justice, de son côté, ne peut se proclamer véritablement humaine que si la vision éthique et morale sur laquelle elle se fonde est centrée sur la personne et sur sa dignité inaliénable.

Mesdames et messieurs les parlementaires, votre action, qui est inspirée par ces principes, est aujourd'hui rendue plus difficile encore par le climat de profondes mutations que vivent nos communautés. C'est pourquoi je voudrais vous encourager encore davantage à poursuivre dans l'effort de servir le bien commun, en oeuvrant afin de faire en sorte que ne se diffusent, ni ne se renforcent des idéologies qui peuvent obscurcir ou égarer les consciences et véhiculer une vision illusoire de la vérité et du bien. Il existe par exemple dans le domaine économique une tendance qui confond le bien avec le profit et de cette manière, dissout la force de l'ethos de l'intérieur, en finissant par menacer le profit lui-même. Certains estiment que la raison humaine est incapable de saisir la vérité et, donc, de poursuivre le bien correspondant à la dignité de la personne. Il y a ensuite ceux qui trouvent légitime l'élimination de la vie humaine dans sa phase prénatale ou dans la phase terminale. La crise que connaît la famille, cellule fondamentale de la société fondée sur le mariage indissoluble d'un homme et d'une femme, est également préoccupante. L'expérience démontre que lorsque l'on porte atteinte à la vérité de l'homme, lorsque la famille est minée dans ses fondements, la paix même est menacée, le droit risque d'être compromis, entraînant comme conséquence logique d'aller à l'encontre d'injustices et de violences.

Il y a un autre domaine qui vous tient à coeur: celui de la défense de la liberté religieuse, droit fondamental inaliénable et inviolable, enraciné dans la dignité de tout être humain et reconnu par divers documents internationaux, parmi lesquels, notamment, la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. L'exercice de cette liberté inclut également le droit de changer de religion, qui doit être garanti non seulement juridiquement, mais également dans la pratique quotidienne. La liberté religieuse répond, en effet, à l'ouverture intrinsèque de la créature humaine à Dieu, pleine Vérité et Bien suprême et sa mise en valeur constitue une expression fondamentale du respect de la raison humaine et de sa capacité de vérité. L'ouverture à la transcendance constitue une garantie indispensable pour la dignité humaine, parce que certains élans et certaines exigences du coeur de toute personne ne trouvent qu'en Dieu une compréhension et une réponse. On ne peut donc pas exclure Dieu de l'horizon de l'homme et de l'histoire! Voilà pourquoi il faut accueillir le désir commun à toutes les traditions authentiquement religieuses de montrer publiquement leur identité, sans être contraintes à la cacher ou à la camoufler.

Le respect de la religion contribue, en outre, à démentir le reproche répété d'avoir oublié Dieu, par lequel certains réseaux terroristes tentent artificiellement de justifier leurs menaces contre la sécurité des sociétés occidentales. Le terrorisme représente un phénomène très grave, qui en vient souvent à instrumentaliser et mépriser de manière injustifiable la vie humaine. La société a sans aucun doute le droit de se défendre, mais ce droit, comme n'importe quel autre, doit toujours être exercé dans le plein respect des règles morales et juridiques, également en ce qui concerne le choix des objectifs et des moyens. Dans les systèmes démocratiques, l'utilisation de la force ne justifie jamais de renoncer aux principes de l'Etat de droit. Peut-on en effet protéger la démocratie en en menaçant les fondements? Il faut donc protéger courageusement la sécurité de la société et de ses membres, en sauvegardant toutefois les droits inaliénables de toute personne. Le terrorisme doit être combattu avec détermination et efficacité, dans la conscience que si le mal est un mystère qui s'étend, la solidarité des hommes dans le bien est un mystère encore plus diffus.

La doctrine sociale de l'Eglise catholique offre, à cet égard, des éléments de réflexion utiles pour promouvoir la sécurité et la justice, tant au niveau national qu'international, à partir de la raison, du droit naturel et également de l'Evangile, c'est-à-dire à partir de ce qui est conforme à la nature de tout être humain et la transcende également. L'Eglise sait qu'il n'est pas de son devoir de faire elle-même valoir sa doctrine d'un point de vue politique: du reste, son objectif est de servir à la formation de la conscience dans la politique et de contribuer à ce que grandisse la perception des vraies exigences de la justice, ainsi que la disponibilité à agir sur la base de celles-ci, également lorsque cela s'oppose à des situations d'intérêt personnel (cf. Deus caritas est ). Dans cette mission qui est la sienne, l'Eglise est mue par l'amour de Dieu et de l'homme et par le désir de collaborer avec toutes les personnes de bonne volonté pour construire un monde où soient sauvegardés la dignité et les droits inaliénables de toutes les personnes. A tous ceux qui partagent la foi dans le Christ, l'Eglise demande d'en témoigner aujourd'hui, avec encore plus de courage et de générosité. La cohérence des chrétiens est en effet indispensable également dans la vie politique, pour que le "sel" de l'engagement apostolique ne perde pas sa "saveur" et que la "lumière" des idéaux évangéliques ne soit pas assombrie dans leur action quotidienne.

Mesdames et messieurs les parlementaires, merci encore pour votre visite appréciée. Tout en formulant des voeux fervents pour votre travail, je vous assure de mon souvenir dans la prière afin que Dieu vous bénisse, ainsi que vos familles et vous obtienne la sagesse, la cohérence et la vigueur morale pour servir la grande et noble cause de l'homme et du bien commun.


AUX PARTICIPANTS À LA RÉUNION DES ÉVÊQUES NOMMÉS AU COURS DE L'ANNÉE Salle des Suisses du Palais pontifical de Castel Gandolfo Samedi 22 septembre 2007

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Très chers frères dans l'épiscopat,

C'est désormais la tradition depuis plusieurs années, que les Evêques récemment nommés se retrouvent ensemble à Rome pour une rencontre qui est vécue comme un pèlerinage à la tombe de saint Pierre. Je vous accueille avec une affection particulière. L'expérience que vous accomplissez, non seulement vous stimule dans votre réflexion sur les responsabilités et les devoirs d'un Evêque, mais vous permet de raviver dans vos âmes, la conscience que vous n'êtes pas seuls à guider l'Eglise de Dieu, mais que vous avez, avec l'aide de la grâce, le soutien du Pape et celui de vos confrères. Se trouver au centre de la catholicité, dans cette Eglise de Rome, ouvre vos âmes à une plus vive perception de l'universalité du Peuple de Dieu et fait croître en vous la sollicitude pour toute l'Eglise. Je remercie le Cardinal Giovanni Battista Re des paroles avec lesquelles il a interprété vos sentiments et j'adresse une pensée particulière à Mgr Leonardo Sandri, Préfet de la Congrégation pour les Eglises orientales, alors que je salue chacun de vous en ayant une pensée pour vos diocèses.

Le jour de l'Ordination épiscopale, avant l'imposition des mains, l'Eglise demande au candidat d'assumer plusieurs engagements, parmi lesquels, outre celui d'annoncer avec fidélité l'Evangile et de conserver la foi, se trouve également celui de "persévérer dans la prière à Dieu tout-puissant pour le bien de son peuple saint". Je voudrais m'arrêter avec vous précisément sur le caractère apostolique et pastoral de la prière de l'Evêque.

L'évangéliste Luc écrit que Jésus Christ choisit les douze Apôtres après avoir passé toute la nuit sur la montagne à prier (
Lc 6,12); et l'Evangéliste Marc précise que les douze furent choisis pour "qu'ils soient avec lui, et pour les envoyer prêcher" (Mc 3,14). Très chers confrères, nous aussi, comme les Apôtres, en tant que leurs successeurs, nous sommes appelés tout d'abord pour demeurer avec le Christ, pour le connaître plus profondément et participer à son mystère d'amour et à sa relation pleine de confiance avec le Père. Dans la prière profonde et personnelle, l'Evêque, comme tous les fidèles et plus encore qu'eux, est appelé à croître dans l'esprit filial envers Dieu, en apprenant de Jésus lui-même la familiarité, la confiance et la fidélité, des attitudes qui sont les siennes dans sa relation avec le Père.

Et les Apôtres avaient bien compris que l'écoute dans la prière et l'annonce des choses écoutées devaient avoir la primauté sur de nombreuses choses à accomplir, car ils décidèrent: "Nous resterons fidèles à la prière et au service de la Parole" (Ac 6,4). Ce programme apostolique est plus que jamais actuel. Aujourd'hui, dans le ministère d'un Evêque, les aspects concernant l'organisation sont exigeants, les engagements sont multiples, les nécessités toujours nombreuses; mais la première place dans la vie d'un successeur des Apôtres doit être réservée à Dieu. C'est en particulier ainsi que nous aidons nos fidèles. Dans sa "Règle pastorale", saint Grégoire le Grand notait que le pasteur "doit de manière singulière être capable de s'élever au-dessus de tous les autres pour la prière et la contemplation (II, 5). C'est ce que la tradition a ensuite formulé avec la célèbre expression: "Contemplata aliis tradere" (cf. Saint Thomas, Summa Theologiae, IIa-IIae, q. 188, art. 6).

Dans l'Encyclique Deus caritas est, en me référant au récit de l'épisode biblique de l'échelle de Jacob, j'ai voulu souligner que c'est précisément à travers la prière que le pasteur devient sensible aux besoins des autres et miséricordieux envers tous (cf. n. 7). Et j'ai rappelé la pensée de saint Grégoire le Grand, selon laquelle le pasteur enraciné dans la contemplation sait accueillir les besoins des autres, qui dans la prière, deviennent les siens: "per pietatis viscera in se infirmitatem caeterorum transferat" (Règle pastorale, ibid.). La prière éduque à l'amour et ouvre le coeur à la charité pastorale, pour accueillir tous ceux qui ont recours à l'Evêque. Celui-ci, façonné intérieurement par l'Esprit Saint, réconforte avec le baume de la grâce divine, éclaire avec la lumière de la Parole, réconcilie et édifie dans la communion fraternelle. Chers confrères, dans votre prière, vos prêtres doivent occuper une place particulière, afin qu'ils soient toujours persévérants dans leur vocation et fidèles à la mission presbytérale qui leur est confiée. Il est plus que jamais édifiant pour chaque prêtre de savoir que l'Evêque, dont il a reçu le don du sacerdoce, ou qui est tout au moins son père et son ami, est proche de lui dans la prière, dans l'affection et qu'il est toujours prêt à l'accueillir, à l'écouter, à le soutenir et à l'encourager. De même, dans la prière de l'Evêque ne doit jamais manquer la supplique pour les nouvelles vocations. Celles-ci doivent être demandées avec insistance à Dieu, afin qu'il appelle "ceux qu'il désire" pour le saint ministère.

Le munus sanctificandi que vous avez reçu vous engage, en outre, à être des animateurs de prière dans la société. Dans les villes où vous vivez et oeuvrez, souvent frénétiques et bruyantes, où l'homme court et s'égare, où l'on vit comme si Dieu n'existait pas, sachez créer des lieux et des occasions de prière, où dans le silence, dans l'écoute de Dieu à travers la lectio divina, dans la prière personnelle et communautaire, l'homme puisse rencontrer Dieu et faire l'expérience vivante de Jésus Christ, qui révèle l'authentique visage du Père. Ne vous lassez pas de faire en sorte que les paroisses et les sanctuaires, les milieux d'éducation et de souffrance, mais également les familles, deviennent des lieux de communion avec le Seigneur. Je voudrais vous exhorter de manière particulière à faire de la cathédrale une maison exemplaire de prière, en particulier liturgique, où la communauté diocésaine réunie avec son Evêque puisse louer et rendre grâce à Dieu pour l'oeuvre du salut et intercéder pour tous les hommes. Saint Ignace d'Antioche nous rappelle la force de la prière communautaire: "Si la prière d'un ou deux possède tant de force, celle de l'Evêque et de toute l'Eglise en a encore davantage!" (Lettre aux Ephésiens, n. 5).

Très chers Evêques, en un mot, soyez des hommes de prière! La "fécondité spirituelle du ministère de l'Evêque dépend de l'intensité de son union avec le Seigneur. C'est à la prière qu'un Evêque doit puiser sa lumière, sa force, et le réconfort dans son activité pastorale", comme l'écrit le Directoire pour le ministère pastoral des Evêques (Apostolorum successores ). En vous adressant à Dieu pour vous-mêmes et pour vos fidèles ayez la confiance des enfants, l'audace de l'ami, la persévérance d'Abraham, qui fut inlassable dans son intercession. Comme Moïse, ayez les mains levées vers le ciel, alors que vos fidèles combattent le bon combat de la foi. Comme Marie, sachez louer Dieu chaque jour pour le salut qu'il accomplit dans l'Eglise et dans le monde, certains que rien n'est impossible à Dieu (Lc 1,37).

Avec ces sentiments, je donne à chacun de vous, à vos prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux séminaristes et aux fidèles de vos diocèses une Bénédiction apostolique spéciale.



Discours 2005-2013 15917