Discours 2005-2013 15608

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Chers prêtres, diacres et séminaristes,

Je suis heureux de vous adresser à tous mes salutations cordiales, vous qui êtes rassemblés dans cette belle cathédrale, rouverte au culte en novembre dernier, après les travaux de restauration. Je remercie l'archevêque, Mgr Rocco Talucci, pour les chaleureuses salutations qu'il a voulu m'adresser en votre nom et pour tous ses dons. Je salue les prêtres, auxquels je désire exprimer ma satisfaction pour le travail pastoral important et structuré qu'ils effectuent; je salue les diacres, les séminaristes et toutes les personnes présentes, en exprimant la joie de me voir entouré d'une foule nombreuse d'âmes consacrées à l'avènement du Royaume de Dieu. Ici, dans la cathédrale, qui est le coeur du diocèse, chacun se sent chez soi, tous unis par le lien de l'amour du Christ. Nous voulons ici rappeler avec reconnaissance ceux qui ont diffusé le christianisme dans ces terres: Brindisi a été parmi les premières villes de l'Occident à accueillir l'Evangile, du fait des voies consulaires romaines. Parmi les saints évangélisateurs je pense à saint Leucio, évêque, à saint Oronzo, saint Théodore d'Amasea et à saint Laurent de Brindisi, proclamé Docteur de l'Eglise par Jean XXIII. Leur présence continue à être vivante dans le coeur des personnes, ce dont témoignent de nombreux monuments de la ville.

Chers frères, en vous voyant réunis dans cette église, dans laquelle beaucoup d'entre vous ont reçu l'ordination diaconale et sacerdotale, les paroles qu'écrivait saint Ignace d'Antioche aux chrétiens d'Ephèse me reviennent en mémoire: "Votre vénérable collège de prêtres, digne de Dieu, est uni de façon aussi harmonieuse à votre évêque que le sont les cordes à la cithare. Ainsi, de l'accord de vos sentiments et de la parfaite harmonie de votre amour fraternel, s'élève un concert de louanges à Jésus Christ". Et le saint évêque ajoutait: "Que chacun de vous s'efforce de participer au choeur. Dans l'harmonie de la concorde et à l'unisson avec le ton que Dieu donne à travers Jésus Christ, chantez d'une seule voix des hymnes à la louange du Père, et il vous écoutera" (Lettre aux éphésiens, 4). Persévérez, chers prêtres, dans la recherche de cette unité d'intentions et d'aide réciproque, afin que la charité fraternelle et l'unité dans le travail pastoral soient des exemples et des encouragements pour vos communautés. C'était notamment le but de la visite pastorale aux paroisses, que votre archevêque a achevée au mois de mars dernier: c'est justement en raison de votre généreuse contribution qu'elle n'a pas été une simple formalité juridique, mais un événement extraordinaire de valeur ecclésiale et de formation. Je suis certain qu'elle portera ses fruits, puisque le Seigneur fera pousser en abondance la semence jetée avec amour dans l'âme des fidèles.

Par ma présence d'aujourd'hui, je voudrais vous encourager à vous mettre avec toujours plus de disponibilité au service de l'Evangile et de l'Eglise. Je sais que vous travaillez avec zèle et intelligence, sans économiser vos énergies, dans le but de diffuser la joyeuse annonce évangélique. Le Christ, auquel vous avez consacré votre vie, est avec vous! Nous croyons tous en Lui, nous ne confions nos vies qu'à Lui seul, nous voulons L'annoncer au monde. Que le Christ, qui est le Chemin, la Vérité et la Vie (cf.
Jn 14,6), soit le sujet de nos pensées, le thème de nos paroles, et notre raison de vivre. Chers frères prêtres, pour que votre foi soit forte et vigoureuse, il convient, comme vous le savez, de la nourrir par une prière assidue. Soyez donc des modèles de prière, devenez des maîtres de prière. Que vos journées soient rythmées par des temps de prière, durant lesquels, suivant le modèle de Jésus, vous vous entretenez dans un dialogue régénérateur avec le Père. Je sais qu'il n'est pas facile de rester fidèles à ces rendez-vous quotidiens avec le Seigneur, surtout de nos jours où le rythme de la vie est plus frénétique et où les occupations nous absorbent dans une mesure toujours plus grande. Nous devons cependant nous convaincre: le moment de la prière est le plus important dans la vie du prêtre, celui où la grâce divine agit avec le plus d'efficacité, en rendant son ministère fécond. Prier est le premier service à rendre à la communauté. Aussi, les moments de prière doivent-ils avoir dans notre vie une vraie priorité. Je sais que beaucoup de choses nous pressent: en ce qui me concerne une audience, une documentation à étudier, une rencontre ou autre chose encore. Mais si nous ne sommes pas intérieurement en communion avec Dieu nous ne pouvons rien donner et encore moins aux autres. Aussi Dieu est-il la première priorité. Nous devons toujours réserver le temps nécessaire pour être en communion de prière avec Notre Seigneur.

Chers frères et soeurs, je voudrais maintenant me réjouir avec vous du nouveau séminaire archiépiscopal, qui a été inauguré en novembre dernier par mon secrétaire d'Etat, le cardinal Tarcisio Bertone. D'une part, il exprime le présent d'un diocèse, en constituant comme le point d'arrivée du travail effectué par les prêtres et par les paroisses dans les secteurs de la pastorale des jeunes, de l'enseignement de la catéchèse, de l'animation religieuse des familles. De l'autre, le séminaire est un investissement on ne peut plus précieux pour l'avenir, parce qu'il garantit, à travers un travail patient et généreux, que les communautés chrétiennes ne seront pas privées de pasteurs des âmes, de maîtres de foi, de guides zélés et de témoins de la charité du Christ. En plus d'être le siège de votre formation, chers séminaristes, véritable espérance de l'Eglise, votre séminaire et aussi le lieu de mise à niveau et de formation continue pour des jeunes et des adultes, désireux d'offrir leur contribution à la cause du Royaume de Dieu. La préparation soignée des séminaristes et la formation permanente des prêtres et des autres agents de la pastorale font partie des inquiétudes prioritaires de l'évêque, auquel Dieu a confié la mission de guider, comme sage pasteur, le peuple de Dieu qui vit dans votre ville.

Une autre occasion de croissance spirituelle pour vos communautés est le Synode diocésain, le premier depuis le Concile Vatican II et après l'unification des deux diocèses de Brindisi et d'Ostuni. C'est l'occasion de relancer l'engagement apostolique de tout le diocèse, mais c'est surtout un moment privilégié de communion, qui aide à redécouvrir la valeur du service fraternel, comme l'indique l'icône biblique du lavement des pieds que vous avez choisie (cf. Jn 13,12-17) avec la parole de Jésus qui la commente: "Comme moi j'ai fait pour vous" (Jn 13,15). S'il est vrai que le Synode - comme tous les Synodes - est appelé à établir des lois, à promulguer des réglementations appropriées pour une pastorale organique, en suscitant et en encourageant des engagements renouvelés pour l'évangélisation et le témoignage évangélique, il est aussi vrai qu'il doit réveiller chez tous les baptisés le souffle missionnaire qui anime constamment l'Eglise.

Chers frères prêtres, le Pape vous assure de son souvenir spécial dans la prière, afin que vous continuiez sur le chemin du renouvellement spirituel authentique que vous parcourez avec vos communautés. Puisse vous aider dans cette tâche l'expérience de notre "être ensemble", dans la foi et dans l'amour réciproque, comme les apôtres autour du Christ au Cénacle. Ce fut là que le Maître divin les instruisit, en ouvrant leurs yeux à la splendeur de la vérité et qu'il leur donna le sacrement de l'unité et de l'amour: l'Eucharistie. Au Cénacle, au cours de la Dernière Cène, au moment du lavement des pieds, il apparut clairement combien le service est une des dimensions fondamentales de la vie chrétienne. Il est donc du devoir du Synode d'aider votre Eglise locale, dans toutes ses composantes, à redécouvrir le sens et la joie du service: un service par amour. Cela vaut avant tout pour vous, chers prêtres, configurés au Christ "Chef et Pasteur", toujours prêts à conduire son troupeau. Soyez reconnaissants et ravis du don reçu! Soyez généreux dans l'exécution de votre ministère! Soutenez-le par une prière assidue et une formation permanente culturelle, théologique et spirituelle!

Tandis que je vous renouvelle l'expression de ma vive appréciation et de mes encouragements les plus cordiaux, je vous invite ainsi que vos diocèses à vous préparer à l'année paulinienne, qui débute prochainement. Elle pourra être l'occasion d'une généreuse relance missionnaire, pour une annonce plus profonde de la Parole de Dieu, accueillie, méditée et traduite dans un apostolat fécond comme cela eut lieu pour l'Apôtre des nations. Conquis par le Christ, Paul vécut entièrement pour Lui et pour son Evangile, y consacrant son existence jusqu'au martyre. Que la Vierge Marie vous assiste, Mère de l'Eglise et Vierge de l'écoute; que les saints patrons de cette terre bien-aimée des Pouilles vous protègent. Soyez des missionnaires de l'amour de Dieu; que chacune de vos paroisses fasse l'expérience de la joie d'appartenir au Christ. Et comme gage de la grâce divine et des dons de Son Esprit, je vous donne à tous volontiers la Bénédiction apostolique.

VISITE PASTORALE À SANTA MARIA DI LEUCA ET BRINDISI (ITALIE)

ANGELUS Banchina di Sant’Apollinare au port de Brindisi Dimanche 15 juin 2008

692 Chers frères et soeurs,

Avant de conclure cette célébration, j'exprime ma reconnaissance à ceux qui l'ont préparée avec tant de soin et qui l'ont animée par la musique et le chant. Je remercie ceux qui ont organisé mon voyage et qui offrent leur contribution pour qu'il se déroule au mieux: je pense aux autorités locales, aux forces de l'ordre, aux bénévoles et à vous, chers habitants de Brindisi. Je vous invite tous, comme chaque dimanche, à vous unir à moi dans la prière de l'Angelus. Le lieu où nous nous trouvons, le port, est chargé d'une forte signification symbolique. Chaque port parle d'accueil, de refuge, de sécurité; il parle d'un havre attendu après la navigation, peut-être longue et difficile. Mais il parle aussi de départs, de projets, d'aspirations, d'avenir. En particulier, le port de Brindisi revêt un rôle de premier plan pour les communications vers la Mer Méditerranée, et vers l'Orient, et c'est pour cela qu'il abrite aussi une base des Nations unies, qui joue un rôle important dans le domaine humanitaire.

Depuis ce lieu si suggestif, non loin du bourg désigné comme le "bon jour" d'Italie (Calimera), je désire donc renouveler le message chrétien de coopération et de paix entre tous les peuples, spécialement parmi ceux qui entourent cette mer, antique berceau de civilisations, et ceux du Proche et du Moyen-Orient. Et il me plaît de le faire avec les paroles que j'ai employées il y a deux mois à New York, en m'adressant à l'assemblée des Nations unies : "L'action de la Communauté internationale et de ses institutions, dans la mesure où elle est respectueuse des principes qui fondent l'ordre international, ne devrait jamais être interprétée comme une coercition injustifiée ou comme une limitation de la souveraineté. A l'inverse, c'est l'indifférence ou la non-intervention qui causent de réels dommages. Il faut réaliser une étude approfondie des modalités pour prévenir et gérer les conflits, en utilisant tous les moyens dont dispose l'action diplomatique et en accordant attention et soutien même au plus léger signe de dialogue et de volonté de réconciliation" (Discours à l'ONU, vendredi 18 avril 2008).

De cette partie de l'Europe tendue vers la Méditerranée, entre Orient et Occident, nous nous adressons encore une fois à Marie, Mère qui nous "indique le chemin" - Odegitria -, en nous donnant Jésus, Chemin de paix. Nous l'invoquons idéalement avec tous les titres par lesquels elle est vénérée dans les sanctuaires des Pouilles, et en particulier ici, depuis ce port antique, nous la prions en tant que "port du salut", pour tout homme et pour l'humanité tout entière. Que sa protection maternelle défende toujours votre ville et votre région, l'Italie, l'Europe, et le monde entier des tempêtes qui menacent la foi et les vraies valeurs; qu'elle permette aux jeunes générations de prendre le large sans peur d'affronter avec l'espérance chrétienne le voyage de la vie. Marie, Port de salut, prie pour nous!

VISITE PASTORALE À SANTA MARIA DI LEUCA ET BRINDISI

CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE SUR LE QUAI SANT’APOLLINARE

DANS LE PORT DE BRINDISI HOMÉLIE Dimanche 15 juin 2008



Chers frères et soeurs,

Au centre de ma visite à Brindisi, nous célébrons, en ce Jour du Seigneur, le mystère qui est source et sommet de toute la vie de l'Eglise. Nous célébrons le Christ dans l'Eucharistie, le don le plus grand qui est né de son Coeur divin et humain, le Pain de la vie rompu et partagé, pour nous faire devenir un en Lui et entre nous. Je vous salue tous avec affection, vous qui êtes réunis en ce lieu aussi symbolique, le port, qui évoque les voyages missionnaires de Pierre et de Paul. Je vois avec joie de nombreux jeunes, qui ont animé la veillée cette nuit, en se préparant à la Célébration eucharistique. Et je vous salue également, vous qui participez spirituellement à travers la radio et la télévision. J'adresse en particulier mon salut au pasteur de cette Eglise bien-aimée, Mgr Rocco Talucci, en le remerciant des paroles prononcées au début de la Messe. Je salue également les autres évêques des Pouilles, qui ont voulu être ici avec nous dans une communion fraternelle de sentiments. Je suis particulièrement heureux de la présence du Métropolite Gennadios, à qui j'adresse mon salut cordial, que j'étends à tous nos frères orthodoxes et des autres confessions, depuis cette Eglise de Brindisi qui, en raison de sa vocation oecuménique, nous invite à prier et à nous engager pour la pleine unité de tous les chrétiens. Je salue avec reconnaissance les Autorités civiles et militaires qui participent à cette liturgie, en leur souhaitant tout le bien possible pour leur service. Ma pensée affectueuse va ensuite aux prêtres et aux diacres, aux religieuses et aux religieux, ainsi qu'à tous les fidèles. J'adresse un salut spécial aux malades de l'hôpital et aux détenus de la prison, que j'assure de mon souvenir dans la prière. Grâce et paix de la part du Seigneur à chacun et à toute la ville de Brindisi!

Les textes bibliques, que nous avons écoutés au cours de ce onzième dimanche du temps ordinaire, nous aident à comprendre la réalité de l'Eglise: la première lecture (cf. Ex Ex 19,2-6) évoque l'alliance établie près du Mont Sinaï, au cours de l'exode hors d'Egypte; l'Evangile (cf. Mt 9, 36-10,8) est constitué par le récit de l'appel et de la mission des douze Apôtres. Nous y trouvons présentée la "constitution" de l'Eglise: comment ne pas percevoir l'invitation implicite adressée à chaque communauté à se renouveler dans sa propre vocation et dans son propre élan missionnaire? Dans la première lecture, l'auteur sacré raconte le pacte de Dieu avec Moïse et avec Israël au Sinaï. C'est l'une des grandes étapes de l'histoire du salut, l'un de ces moments qui transcendent l'histoire elle-même, où la frontière entre l'Ancien et le Nouveau Testament disparaît et où se manifeste le dessein éternel du Dieu de l'Alliance: le dessein de sauver tous les hommes à travers la sanctification d'un peuple, auquel Dieu propose de devenir "mon bien propre parmi tous les peuples" (Ex 19,5). Dans cette perspective, le peuple est appelé à devenir "une nation sainte", non seulement au sens moral, mais d'abord, et surtout, dans sa réalité ontologique, dans son être de peuple. La manière dont on doit comprendre l'identité de ce peuple s'est déjà progressivement manifestée au cours des événements salvifiques de l'Ancien Testament; elle s'est ensuite pleinement révélée avec la venue de Jésus Christ. L'Evangile d'aujourd'hui nous présente un moment décisif pour cette révélation. En effet, lorsque Jésus appela les Douze, il voulait se référer symboliquement aux tribus d'Israël, qui remontent aux douze fils de Jacob. C'est pourquoi, en plaçant les Douze au centre de sa nouvelle communauté, Il fait comprendre qu'il est venu mener à bien le dessein du Père céleste, même si ce n'est qu'à la Pentecôte qu'apparaîtra le nouveau visage de l'Eglise: lorsque les Douze "remplis d'Esprit Saint", proclameront l'Evangile en parlant toutes les langues (Ac 2,3-4). C'est alors que se manifestera l'Eglise universelle, rassemblée en un unique Corps dont le Christ ressuscité est le Chef et qu'Il envoie, dans le même temps, à toutes les nations, jusqu'aux extrémités de la terre (cf. Mt 28,20).

Le style de Jésus est unique: c'est le style caractéristique de Dieu, qui aime accomplir les choses les plus grandes d'une manière pauvre et humble. La solennité des récits de l'alliance du Livre de l'Exode laisse place dans les Evangiles à des gestes humbles et discrets, qui contiennent cependant un immense potentiel de renouveau. C'est la logique du Royaume de Dieu, qui n'est pas représenté par hasard par la petite graine qui devient un grand arbre (cf. Mt 13,31-32). Le pacte du Sinaï est accompagné par des signes cosmiques qui abattent les Israélites; les débuts de l'Eglise qui est en Galilée sont en revanche privés de ces manifestations, ils reflètent la douceur et la compassion du coeur du Christ, mais annoncent une autre lutte, un autre bouleversement qui est celui suscité par les puissances du mal. Au Douze - avons-nous entendu -, Il "donna le pouvoir d'expulser les esprits mauvais et de guérir toute maladie et toute infirmité" (Mt 10,1). Les Douze devront coopérer avec Jésus pour instaurer le Royaume de Dieu, c'est-à-dire sa seigneurie bénéfique, porteuse de vie, et de vie en abondance pour l'humanité tout entière. Substantiellement, l'Eglise, comme le Christ et avec Lui, est appelée et envoyée pour instaurer le Royaume de la vie et chasser la domination de la mort, pour que la vie de Dieu triomphe dans le monde. Que triomphe Dieu, qui est Amour. Cette oeuvre du Christ est toujours silencieuse, elle n'est pas spectaculaire; c'est justement dans l'humilité de l'être Eglise, de vivre chaque jour l'Evangile, que grandit le grand arbre de la vie. C'est avec ces débuts humbles que le Seigneur nous encourage afin que, même dans l'humilité de l'Eglise d'aujourd'hui, dans la pauvreté de notre vie chrétienne, nous puissions voir sa présence et avoir ainsi le courage d'aller à sa rencontre et de rendre présent sur cette terre son amour, cette force de paix et de vie véritable.

Tel est donc le dessein de Dieu: répandre sur l'humanité et sur l'univers tout entier son amour qui engendre la vie. Ce n'est pas un processus spectaculaire; c'est un processus humble, qui porte cependant avec soi la vraie force de l'avenir et de l'histoire. C'est donc un projet que le Seigneur veut réaliser dans le respect de notre liberté, car l'amour par sa nature ne peut pas être imposé. L'Eglise est alors, dans le Christ, l'espace d'accueil et de médiation de l'amour de Dieu. Dans cette perspective, il apparaît clairement comment la sainteté et le caractère missionnaire de l'Eglise constituent deux revers de la même médaille: ce n'est qu'en tant que sainte, c'est-à-dire comblée de l'amour divin, que l'Eglise peut remplir sa mission, et c'est précisément en fonction de cette tâche que Dieu l'a choisie et sanctifiée comme sa propriété. Notre premier devoir est donc, justement pour assainir ce monde, celui d'être saints, conformes à Dieu; de cette manière une force sanctifiante et transformante vient de nous qui agit également sur les autres, sur l'histoire. Chers frères et soeurs, votre Communauté ecclésiale est en ce moment en train de se mesurer sur le binôme "sainteté-mission" - la sainteté est toujours une force qui transforme les autres - au cours du Synode diocésain dans lequel elle est engagée. A cet égard, il est utile de réfléchir sur le fait que les douze apôtres n'étaient pas des hommes parfaits, choisis pour leur caractère moral et religieux irrépréhensible. Ils étaient croyants, oui, pleins d'enthousiasme et de zèle, mais marqués en même temps par leurs limites humaines, parfois même graves. Jésus ne les appela donc pas parce qu'ils étaient déjà saints, complets, parfaits, mais afin qu'ils le deviennent, afin qu'ils soient transformés pour transformer ainsi l'histoire aussi. Tout comme pour nous. Comme pour tous les chrétiens. Dans la deuxième lecture, nous avons entendu la synthèse de l'apôtre Paul: "Or la preuve que Dieu nous aime, c'est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs" (Rm 5,8). L'Eglise est la communauté des pécheurs qui croient à l'amour de Dieu et se laissent transformer par Lui, et deviennent ainsi saints, sanctifient le monde.

Dans la lumière de cette Parole de Dieu providentielle, j'ai la joie aujourd'hui de confirmer le chemin de votre Eglise. C'est un chemin de sainteté et de mission, sur lequel votre archevêque vous a invités à réfléchir dans sa récente Lettre pastorale; c'est un chemin qu'il a largement analysé au cours de sa visite pastorale et qu'il entend à présent promouvoir à travers le Synode diocésain. L'Evangile d'aujourd'hui nous suggère le style de la mission, c'est-à-dire l'attitude intérieure qui se traduit en vie vécue. Il ne peut être que celui de Jésus: le style de la "compassion". L'évangéliste le souligne en attirant l'attention sur le regard du Christ envers les foules: "Voyant les foules, - écrit-il - il eut pitié d'elles parce qu'elles étaient fatiguées et abattues, comme des brebis sans bergers" (Mt 9,36). Et, après l'appel des Douze, il revient à cette attitude lors du commandement qu'Il leur donne de s'adresser aux "brebis perdues de la maison d'Israël" (Mt 10,6). Dans ces expressions, on ressent l'amour du Christ pour son peuple, en particulier pour les petits et les pauvres. La compassion chrétienne n'a rien à voir avec le piétisme, avec l'assistentialisme. Elle est plutôt un synonyme de solidarité et de partage, et elle est animée par l'espérance. N'est-ce pas de l'espérance que naît la parole que Jésus adresse aux apôtres: "Sur votre route, proclamez que le Royaume des cieux est tout proche" (Mt 10,7)? Il s'agit d'une espérance qui se fonde sur la venue du Christ et qui, en dernière analyse, coïncide avec sa personne et avec son mystère de salut - là où Il est, se trouve le Règne de Dieu, se trouve la nouveauté du monde -, comme le rappelait le thème du quatrième Congrès ecclésial italien, qui a été célébré à Vérone: le Christ ressuscité est l'"espérance du monde".

693 Animés par l'espérance dans laquelle vous avez été sauvés, vous aussi, frères et soeurs de cette antique Eglise de Brindisi, soyez les signes et les instruments de la compassion, de la miséricorde du Christ. A l'évêque et aux prêtres, je répète avec ferveur les paroles du Maître divin: "Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement" (Mt 10,8). Aujourd'hui encore, ce mandat s'adresse tout d'abord à vous. L'Esprit qui agissait dans le Christ et chez les Douze est le même qui agit en vous et qui vous permet d'accomplir parmi votre peuple, sur ce territoire, les signes du Royaume d'amour, de justice et de paix qui vient, et qui est même déjà présent dans le monde. Mais la mission de Jésus se communique de différentes façons à tous les membres du Peuple de Dieu, par la grâce du Baptême et de la Confirmation. Je pense aux personnes consacrées qui professent les voeux de pauvreté, de virginité et d'obéissance; je pense aux époux chrétiens et à vous, fidèles laïcs, engagés dans la communauté ecclésiale et dans la société, tant personnellement que sous une forme associative. Chers frères et soeurs, vous êtes tous les destinataires du désir de Jésus de multiplier les ouvriers pour la moisson du Seigneur (cf. Mt 9,38). Ce désir, qui demande à se faire prière, nous fait penser en premier lieu aux séminaristes et au nouveau séminaire de cet archidiocèse; il nous permet de considérer que l'Eglise est, au sens large, un grand "séminaire", en commençant par la famille, jusqu'aux communautés paroissiales, aux associations et aux mouvements d'engagement apostolique. Nous sommes tous appelés, dans la diversité des charismes et des ministères, à travailler dans la vigne du Seigneur.

Chers frères et soeurs de Brindisi, poursuivez le chemin entrepris dans cet esprit. Que veillent sur vous vos Patrons, saint Leucio et saint Oronzo, venus tous les deux de l'Orient au deuxième siècle pour irriguer cette terre avec l'eau vive de la parole de Dieu. Que les reliques de saint Théodore d'Amasea, vénérées dans la cathédrale de Brindisi, vous rappellent que donner la vie pour le Christ est la prédication la plus efficace. Que saint Laurent, fils de cette ville, devenu, sur les traces de saint François d'Assise, un apôtre de paix dans une Europe déchirée par les guerres et les conflits, obtienne pour vous le don d'une fraternité authentique. Je vous confie tous à la protection de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de l'espérance et Etoile de l'évangélisation. Que la Sainte Vierge vous aide à rester dans l'amour du Christ, pour que vous puissiez porter des fruits abondants à la gloire de Dieu le Père et pour le salut du monde. Amen.

VISITE PASTORALE À SANTA MARIA DI LEUCA ET BRINDISI (POUILLES, ITALIE)

CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE SUR L'ESPLANADE DU SANCTUAIRE

DE FINIBUS TERRAE À SANTA MARIA DI LEUCA HOMÉLIE Samedi 14 juin 2008



Chers frères et soeurs,

Ma visite dans les Pouilles, - la deuxième, après le Congrès eucharistique de Bari - commence comme un pèlerinage marial, sur cette pointe extrême de l'Italie et de l'Europe, dans le sanctuaire "Santa Maria de finibus terrae". C'est avec une grande joie que je vous adresse à tous mes salutations affectueuses. Je remercie avec affection Mgr Vito De Grisantis de m'avoir invité et de son accueil cordial; avec lui, je salue les autres évêques de la région, en particulier l'évêque métropolitain de Lecce, Mgr Cosmo Francesco Ruppi, ainsi que les prêtres et les diacres, les personnes consacrées et tous les fidèles. Je salue avec reconnaissance le ministre Raffaele Fitto, qui représente le gouvernement italien, et les différentes autorités civiles et militaires présentes.

Dans ce lieu si important d'un point de vue historique pour le culte de la Bienheureuse Vierge Marie, j'ai voulu que la liturgie lui soit dédiée, Etoile de la mer et Etoile de l'espérance. "Ave maris stella, / Dei Mater alma, / atque semper virgo, / felix caeli porta!". Les paroles de cet hymne antique sont un salut qui fait écho d'une certaine manière à celui de l'Ange à Nazareth. Tous les titres mariaux, en effet, ont bourgeonné et fleuri à partir de ce premier nom avec lequel le messager céleste s'adressa à la Vierge: "Réjouis-toi, pleine de grâce" (Lc 1,28). Nous l'avons écouté dans l'Evangile de saint Luc, tout à fait approprié car ce Sanctuaire - comme en atteste l'inscription au-dessus de la porte centrale du vestibule - est consacré à la Très Sainte Vierge "de l'Annonciation". Lorsque Dieu appelle Marie "pleine de grâce", l'espérance du salut s'allume pour le genre humain: une fille de notre peuple a trouvé grâce aux yeux du Seigneur, qui l'a choisie comme Mère du Rédempteur. Dans la simplicité de la maison de Marie, dans un pauvre village de Galilée, commence à s'accomplir la prophétie solennelle du salut: "Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon" (Gn 3,15). C'est pourquoi le peuple chrétien a adopté le cantique de louange que les juifs élevèrent à Judith et que nous venons de prier dans le psaume responsorial: "Sois bénis, ma fille, / par le Dieu Très Haut, / plus que toutes les femmes de la terre" (Jdt 13,18). Sans violence, mais avec le doux courage de son "oui", la Vierge nous a libérés, non d'un ennemi terrestre, mais de l'antique adversaire, en donnant un corps humain à Celui qui allait lui écraser la tête une fois pour toute.

Voilà pourquoi, sur la mer de la vie et de l'histoire, Marie resplendit comme Etoile de l'espérance. Elle ne brille pas de sa propre lumière, mais elle reflète celle du Christ, Soleil apparu à l'horizon de l'humanité, si bien qu'en suivant l'Etoile de Marie nous pouvons nous orienter au cours du voyage et maintenir notre route vers le Christ, en particulier dans les moments obscurs et tempétueux. L'apôtre Pierre a bien connu cette expérience, pour l'avoir vécue personnellement. Une nuit, tandis qu'avec les autres disciples il traversait le lac de Galilée, il fut surpris par la tempête. Leur barque, à la merci des flots, ne parvenait plus à avancer. Jésus les rejoignit à ce moment-là en marchant sur les eaux, et il invita Pierre à descendre de la barque et à s'approcher. Pierre fit quelques pas au milieu des vagues, puis il se sentit sombrer et il cria alors: "Seigneur, sauve-moi!". Jésus l'attrapa par la main et le mit à l'abri (cf. Mt 14,24-33). Cet épisode se révéla ensuite un signe de l'épreuve que Pierre allait devoir traverser au moment de la passion de Jésus. Lorsque le Seigneur fut arrêté, il eut peur et le renia trois fois: il fut emporté par la tempête. Mais lorsque ses yeux croisèrent le regard du Christ, la miséricorde de Dieu le reprit et, en le faisant s'effondrer en larmes, le releva de sa chute.

J'ai voulu réévoquer l'histoire de saint Pierre, parce que je sais que ce lieu et toute votre Eglise sont particulièrement liés au Prince des apôtres. C'est à lui, comme l'a rappelé votre évêque, que la tradition fait remonter la première annonce de l'Evangile dans cette terre. Le Pêcheur, "pêché" par Jésus, a jeté ses filets jusqu'ici, et nous aujourd'hui, nous rendons grâce pour avoir été l'objet de cette "pêche miraculeuse" qui dure depuis deux mille ans, une pêche qui, comme l'écrit saint Pierre lui-même, "nous a appelés des ténèbres à l'admirable lumière [de Dieu]" (1P 2,9). Pour devenir pêcheurs avec le Christ, il faut d'abord être "pêchés" par Lui. Saint Pierre est témoin de cette réalité, comme l'est saint Paul, grand converti, dont nous inaugurerons dans quelques jours le bimillénaire de la naissance. En tant que Successeur de Pierre et Evêque de l'Eglise fondée sur le sang de ces deux éminents apôtres, je suis venu vous confirmer dans la foi en Jésus Christ, unique sauveur de l'homme et du monde.

La foi de Pierre et la foi de Marie se conjuguent dans ce Sanctuaire. Ici on peut puiser au double principe de l'expérience chrétienne: le principe marial et le principe pétrinien. Tous deux, ensemble, vous aideront, chers frères et soeurs, à "repartir du Christ", à renouveler votre foi, pour qu'elle réponde aux exigences de notre temps. Marie vous enseigne à rester toujours à l'écoute du Seigneur dans le silence et la prière, à accueillir avec une généreuse disponibilité sa Parole avec le profond désir de vous offrir vous-mêmes à Dieu, d'offrir votre vie concrète, afin que son Verbe éternel par la puissance de l'Esprit Saint, puisse encore se "faire chair" aujourd'hui, dans notre histoire. Marie vous aidera à suivre Jésus avec fidélité, à vous unir à Lui dans l'offrande du Sacrifice, à porter dans votre coeur la joie de sa Résurrection et à vivre dans une docilité constante à l'Esprit de la Pentecôte. De manière complémentaire, saint Pierre lui aussi vous enseignera à sentir et à croire avec l'Eglise, fermes dans la foi catholique; il vous conduira à avoir le goût et la passion de l'unité, de la communion, à la joie de cheminer ensemble avec les pasteurs; et, dans le même temps, il vous communiquera le désir de la mission, de partager l'Evangile avec tous, de le faire parvenir jusqu'aux extrémités de la terre.

"De finibus terrae": le nom de ce lieu saint est très beau et suggestif, parce qu'il fait écho à l'une des dernières paroles de Jésus à ses disciples. Tendu entre l'Europe et la Méditerranée, entre l'Occident et l'Orient, il nous rappelle que l'Eglise n'a pas de frontières, elle est universelle. Et les frontières géographiques, culturelles, ethniques, tout comme les frontières religieuses sont pour l'Eglise une invitation à l'évangélisation dans la perspective de la "communion des différences". L'Eglise est née à la Pentecôte, elle est née universelle et sa vocation est de parler toutes les langues du monde. L'Eglise existe - selon sa vocation originelle et la mission révélée à Abraham - pour être une bénédiction au bénéfice de tous les peuples de la terre (cf. Gn Gn 12,1-3); pour être, selon les mots du Concile oecuménique Vatican II, le signe et l'instrument d'unité de tout le genre humain (cf. Const. Lumen gentium LG 1). L'Eglise qui est dans les Pouilles possède la vocation particulière d'être un pont entre les peuples et les cultures. Cette terre et ce Sanctuaire sont en effet un "avant-poste" dans cette direction, et je me suis grandement réjoui de constater, tant dans la lettre de votre Evêque qu'encore aujourd'hui dans ses paroles, combien cette sensibilité est parmi vous vivante et perçue de manière positive, avec un esprit évangélique authentique.

Chers amis, nous savons bien pourquoi le Seigneur Jésus a été très clair sur ce point: l'efficacité du témoignage est proportionnelle à l'intensité de l'amour. Il ne sert à rien de se projeter au-delà des frontières de la terre, si avant cela il n'y a pas d'amour et d'entraide au sein de la communauté chrétienne. C'est pourquoi l'exhortation de l'Apôtre Paul, que nous avons écoutée dans la seconde Lecture (Col 3,12-17), est fondamentale non seulement pour votre vie de famille ecclésiale, mais aussi pour votre engagement d'animation de la réalité sociale. En effet, dans un contexte qui tend à encourager toujours davantage l'individualisme, le premier service de l'Eglise est celui d'éduquer au sens social, à l'attention pour le prochain, à la solidarité et au partage. L'Eglise qui est dotée par son Seigneur d'une charge spirituelle qui se renouvelle continuellement, se révèle capable d'exercer une influence positive également sur le plan social, parce qu'elle promeut une humanité renouvelée et des relations humaines ouvertes et constructives, en premier lieu dans le respect et dans le service des derniers et des plus faibles.


Discours 2005-2013 15608