Discours 2005-2013 597

597 L'éducation n'est toutefois pas seulement l'oeuvre des éducateurs: c'est une relation entre des personnes dans laquelle, avec le passage des années, entrent toujours davantage en jeu la liberté et la responsabilité de ceux qui sont éduqués. C'est pourquoi, avec beaucoup d'affection, je m'adresse à vous, chers enfants, adolescents et jeunes, pour vous rappeler que vous-mêmes êtes appelés à être les artisans de votre croissance morale, culturelle et spirituelle. C'est donc à vous d'accueillir librement dans le coeur, dans l'intelligence et dans votre vie le patrimoine de vérité, de bonté et de beauté qui s'est formé à travers le siècles et qui a en Jésus Christ sa pierre d'angle. C'est à vous de renouveler et de développer toujours plus ce patrimoine, en le libérant des nombreux mensonges et des laideurs qui souvent empêchent de le reconnaître et provoquent la méfiance et la déception. Sachez, quoi qu'il en soit, que sur ce chemin difficile vous n'êtes jamais seuls: vos parents, vos enseignants, vos prêtres, vos amis et vos formateurs vous sont non seulement proches, mais surtout ce Dieu qui nous a créés et qui est l'hôte secret de nos coeurs. Il éclaire de l'intérieur notre intelligence, Il oriente vers le bien notre liberté, dont nous ressentons souvent la fragilité et l'inconstance, Il est la véritable espérance et le fondement solide de notre vie. C'est avant tout en Lui, que nous pouvons avoir confiance.

Chers frères et soeurs, au moment où je vous remets symboliquement la Lettre sur le devoir urgent de l'éducation, nous nous en remettons donc tous ensemble à Celui qui est notre vrai et unique Maître (cf.
Mt 23,8), pour nous engager avec Lui, avec confiance et avec joie, dans cette merveilleuse entreprise qu'est la formation et la croissance authentique des personnes. Avec ces sentiments et ces souhaits je donne à tous ma Bénédiction.

VISITE À LA PAROISSE ROMAINE

"SANTA MARIA LIBERATRICE" DANS LE QUARTIER DU TESTACCIO

HOMÉLIE Dimanche 24 février 2008

Chers frères et soeurs,

Suivant l'exemple de mes vénérés Prédécesseurs, les serviteurs de Dieu Paul VI et Jean-Paul II, qui ont rendu visite à votre paroisse respectivement le 20 mars 1966 et le 14 janvier 1979, je suis moi aussi venu parmi vous aujourd'hui pour rencontrer votre communauté et présider la célébration eucharistique dans votre belle église consacrée à "Santa Maria Liberatrice". Je suis venu en une circonstance tout à fait particulière, le centenaire de la consécration de l'église actuelle et le changement du titre de la paroisse "Santa Maria della Provvidenza", qui existait déjà dans votre quartier du Testaccio, en "Santa Maria Liberatrice". Ce fut saint Pie X qui confia la paroisse aux Fils spirituels de Don Bosco, et ceux-ci, sous la direction inlassable du premier disciple de saint Jean Bosco, le bienheureux Don Michele Rua, construisirent l'église dans laquelle nous nous trouvons à présent. En vérité, les salésiens exerçaient déjà leur activité sociale et apostolique ici à Testaccio, un quartier qui a conservé une identité territoriale et culturelle spécifique. En effet, bien que nous nous trouvions au coeur de la métropole romaine, des relations très familiales persistent entre les habitants et, bien qu'au cours des vingt dernières années la situation ait un peu changé, l'enracinement des personnes dans leur territoire, l'identité du quartier et l'attachement aux traditions religieuses demeurent forts. Je sais, par exemple, que votre fête patronale de Sainte Marie Libératrice réunit chaque année de nombreux concitoyens et familles qui, pour diverses raisons, ont déménagé ailleurs.

Chers amis, c'est avec plaisir que je suis venu partager votre joie pour l'événement jubilaire que vous célébrez, et que j'ai voulu enrichir par la possibilité d'obtenir l'indulgence plénière au cours de toute l'année du centenaire. Je vous salue tous avec affection. Je salue tout d'abord le Cardinal-Vicaire, l'Evêque auxiliaire du secteur, Mgr Ernesto Mandara, et votre curé, Don Manfredo Leone. Je le remercie de tout coeur, ainsi que ses confrères salésiens pour le service pastoral qu'ils rendent ensemble à votre paroisse, et je lui suis également reconnaissant des paroles courtoises qu'il m'a adressées en votre nom à tous. Je salue, en outre, les hôtes du Collège salésien pour les prêtres, qui a son siège dans les bâtiments paroissiaux, et les différentes communautés religieuses présentes sur le territoire: les Filles de Marie auxiliatrice, les Filles de la Divine Providence et les Soeurs du Bon Pasteur. Je salue les coopérateurs, les coopératrices et les anciens élèves salésiens, les associations paroissiales, les divers groupes engagés dans l'animation de la catéchèse, de la liturgie, de la charité et de la lecture et approfondissement de la Parole de Dieu, la Confraternité de Sainte Marie libératrice, les groupes qui réunissent les jeunes et ceux qui encouragent la rencontre et la formation des couples de fiancés et d'époux avec des familles plus mûres. J'adresse un salut affectueux aux enfants du catéchisme et à ceux qui fréquentent le patronage de la paroisse et des Filles de Marie auxiliatrice. Je voudrais également étendre ma pensée à tous les habitants du quartier, en particulier les personnes âgées, les malades, les personnes seules et en difficulté. Je pense à tous et à chacun au cours de cette Messe.

Chers frères et soeurs, je me pose la question à présent avec vous: que nous dit le Seigneur à l'occasion d'un anniversaire si important pour votre paroisse? Dans les textes bibliques d'aujourd'hui, troisième Dimanche de Carême, les éléments de méditation plus que jamais indiqués pour cette circonstance significative nous sont utiles. A travers le symbole de l'eau, que nous retrouvons dans la première lecture et dans le passage évangélique de la Samaritaine, la Parole de Dieu nous transmet un message toujours vivant et toujours actuel: Dieu a soif de notre foi et il veut que nous trouvions en Lui la source de notre bonheur authentique. Le risque de chaque croyant est celui de pratiquer une religiosité non authentique, de ne pas chercher la réponse aux attentes les plus profondes du coeur en Dieu, d'utiliser au contraire Dieu comme s'il était au service de nos désirs et de nos projets.

Dans la première lecture, nous voyons le peuple juif qui souffre du manque d'eau dans le désert et, pris par le découragement, comme en d'autres circonstances, il se plaint et réagit de manière violente. Il en arrive à se rebeller contre Moïse, il en arrive presque à se rebeller contre Dieu. L'auteur saint rapporte ce qui suit: "Ils mirent Yahvé à l'épreuve en disant: "Yahvé est-il au milieu de nous, ou non?"" (Ex 17,7). Le peuple exige de Dieu qu'il aille à la rencontre de ses attentes et de ses exigences, plutôt que de s'abandonner avec confiance entre ses mains, et dans l'épreuve il perd confiance en Lui. Combien de fois cela arrive-t-il également dans notre vie; dans combien de circonstances, au lieu de nous conformer docilement à la volonté divine, nous voudrions que Dieu réalise nos desseins et exauce chacune de nos attentes; dans combien d'occasions notre foi manifeste-t-elle sa fragilité, notre confiance sa faiblesse, notre religiosité sa contamination par des éléments magiques et purement terrestres. En ce temps quadragésimal, alors que l'Eglise nous invite à parcourir un itinéraire de conversion véritable, accueillons avec une humble docilité l'avertissement du Psaume responsorial: "Aujourd'hui si vous écoutiez sa voix! N'endurcissez pas vos coeurs comme à Meriba, comme au jour de Massa dans le désert, où vos pères m'éprouvaient, me tentaient, alors qu'ils me voyaient agir" (Ps 94,7-9).

Le symbolisme de l'eau revient avec une grande éloquence dans la célèbre page évangélique qui raconte la rencontre de Jésus avec la samaritaine à Sicar, près du puits de Jacob. Nous saisissons immédiatement un lien entre le puits construit par le grand patriarche d'Israël pour assurer l'eau à sa famille et l'histoire du salut dans laquelle Dieu donne à l'humanité l'eau qui jaillit pour la vie éternelle. S'il existe une soif physique indispensable pour vivre sur cette terre, existe également chez l'homme une soif spirituelle que seul Dieu peut combler. Cela transparaît clairement du dialogue entre Jésus et la femme venue puiser de l'eau au puits de Jacob. Tout commence par la question de Jésus: "Donne-moi à boire" (cf. Jn 4,5-7). Cela semble à première vue la requête d'un peu d'eau, sous le soleil de midi. En réalité, avec cette question, qui s'adresse qui plus est à une femme samaritaine - les relations entre les juifs et les samaritains n'étaient pas bonnes - Jésus ouvre chez son interlocutrice un chemin intérieur qui fait apparaître en elle le désir de quelque chose de plus profond. Saint Augustin commente: "Celui qui demandait à boire, avait soif de la foi de cette femme" (In Io ev. Tract. XV, 11: PL 35, 1514). En effet, à un certain point, c'est la femme elle-même qui demande de l'eau à Jésus (cf. Jn 4,15), manifestant ainsi que dans chaque personne il y a un besoin inné de Dieu et du salut que Lui seul peut combler. Une soif d'infini qui ne peut être étanchée que par l'eau que Jésus offre, l'eau vive de l'Esprit. Dans quelques instants, nous écouterons ces paroles dans la préface: Jésus "demanda à la femme de Samarie de l'eau à boire, pour lui faire le grand don de la foi, et de cette foi il eut une soif si ardente qu'il alluma en elle la flamme de l'amour de Dieu".

Chers frères et soeurs, dans le dialogue entre Jésus et la samaritaine nous voyons tracé l'itinéraire spirituel que chacun de nous, que chaque communauté chrétienne est appelée à redécouvrir et à parcourir constamment. Proclamée en ce temps quadragésimal, cette page évangélique prend une valeur particulièrement importante pour les catéchumènes déjà proches du Baptême. Ce troisième dimanche de Carême est en effet lié à ce qu'on appelle le "premier scrutin", qui est un rite sacramentel de purification et de grâce. La samaritaine devient ainsi la figure du catéchumène illuminé et converti par la foi, qui aspire à l'eau vive et qui est purifié par la parole et par l'action du Seigneur. Mais nous aussi, qui sommes déjà baptisés mais toujours en chemin pour devenir de véritables chrétiens, nous trouvons dans cet épisode évangélique un encouragement à redécouvrir l'importance et le sens de notre vie chrétienne, le véritable désir de Dieu qui vit en nous. Jésus veut nous conduire, comme la samaritaine, à professer notre foi en Lui avec force, afin que nous puissions annoncer et témoigner à nos frères la joie de la rencontre avec Lui et les merveilles que son amour accomplit dans notre existence. La foi naît de la rencontre avec Jésus, reconnu et écouté comme le Révélateur définitif et le Sauveur, dans lequel se révèle le visage de Dieu. Une fois que le Seigneur a conquis le coeur de la samaritaine, son existence est transformée et elle court sans attendre pour transmettre la bonne nouvelle à son peuple (cf. Jn 4,29).

Chers frères et soeurs de la paroisse "Santa Maria Liberatrice"! L'invitation du Christ à nous laisser interpeller par sa proposition exigeante retentit avec force ce matin pour chaque membre de votre communauté paroissiale. Saint Augustin disait que Dieu a soif de notre soif pour Lui, c'est-à-dire qu'il désire être désiré. Plus l'être humain s'éloigne de Dieu, puis Il le suit avec son amour miséricordieux. La liturgie nous invite aujourd'hui, en tenant également compte du temps quadragésimal que nous vivons, à revoir notre relation avec Jésus, à chercher son visage sans nous lasser. Et cela est indispensable pour que vous, chers amis, vous puissiez continuer, dans le nouveau contexte culturel et social, l'oeuvre d'évangélisation et d'éducation humaine et chrétienne accomplie depuis plus d'un siècle par cette paroisse, qui compte dans la succession de ses prêtres également le vénérable Luigi Maria Olivares. Ouvrez toujours plus votre coeur à une action pastorale missionnaire, qui pousse chaque chrétien à rencontrer les personnes - en particulier les jeunes et les familles - là où ils vivent, travaillent, passent leur temps libre, pour leur annoncer l'amour miséricordieux de Dieu. Je sais que vous consacrez une même attention et une même sollicitude au soin des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, en proposant aux jeunes et aux familles le thème de la vocation, qui est d'une importance primordiale pour l'avenir de l'Eglise. Je vous encourage ensuite à persévérer dans l'engagement éducatif, qui constitue le charisme typique de toute paroisse salésienne. Que le patronage, l'école, les temps de catéchèse et de prière soient animés par d'authentiques éducateurs, c'est-à-dire des témoins proches, par leur coeur, en particulier des enfants, des adolescents et des jeunes. Que Sainte Marie libératrice, que vous aimez et vénérez tant, qui avec son époux Joseph a éduqué Jésus enfant et adolescent, protège les familles, les religieux et les religieuses dans leur tâche de formateurs et leur donne la joie, comme le souhaitait Don Bosco, de voir grandir dans ce quartier "de bons chrétiens et d'honnêtes citoyens". Amen!

DISCOURS IMPROVISÉ AU TERME DE LA RENCONTRE AVEC LE CONSEIL PASTORAL PAROISSIAL Dimanche 24 février 2008

24208

Je suis très content de me trouver aujourd'hui parmi vous. Malheureusement je ne parle pas le "romanesco", mais en tant que catholiques nous sommes tous un peu romains et nous portons Rome dans notre coeur, nous comprenons donc un peu le dialecte romain. Cela a été très agréable pour moi d'être salué dans votre dialecte, car l'on comprend qu'il s'agit de paroles qui viennent du coeur. Il est également beau et encourageant de voir ici représentées, à travers vous, les nombreuses activités qui se déroulent dans cette paroisse, les nombreuses réalités qui y existent: prêtres, soeurs de diverses congrégations, catéchistes, laïcs qui collaborent de différentes manières avec la paroisse. Et je vois également saint Jean Bosco vivant parmi vous qui poursuivez son oeuvre, et je vois également que la Vierge libératrice, celle qui rend libres, invite à ouvrir les portes au Christ et à donner aussi la véritable liberté aux autres. Cela signifie créer l'Eglise, créer également la présence du Royaume du Christ parmi nous. Merci pour tout cela.

Aujourd'hui nous avons lu un passage de l'Evangile très actuel. La femme samaritaine dont il parle peut apparaître comme une représentante de l'homme moderne, de la vie moderne. Elle a eu cinq maris et vit avec un autre homme. Elle faisait un large usage de sa liberté, mais cependant elle ne devenait pas plus libre, elle devenait même plus vide. Mais nous voyons aussi que cette femme avait le vif désir de trouver le véritable bonheur, la véritable joie. C'est pourquoi elle était toujours inquiète et s'éloignait toujours plus du véritable bonheur.

Mais cette femme, qui vivait une vie apparemment si superficielle, également éloignée de Dieu, au moment où le Christ lui parle, révèle qu'au plus profond de son coeur elle conservait cette question sur Dieu: qui est Dieu? Où pouvons-nous le trouver? Comment pouvons-nous l'adorer? Dans cette femme, nous pouvons voir tout le reflet de notre vie d'aujourd'hui, avec tous les problèmes qui la concernent; mais nous voyons également que dans la profondeur du coeur se trouve toujours la question de Dieu et l'attente qu'Il se montre d'une autre façon.

Notre activité est réellement l'attente; nous répondons à l'attente de ceux qui attendent la lumière du Seigneur, et en donnant la réponse à cette attente nous aussi nous grandissons dans la foi et pouvons comprendre que cette foi est l'eau qui étanchera notre soif.

C'est en ce sens que je veux vous encourager à aller de l'avant dans votre engagement pastoral et missionnaire, avec votre dynamisme pour aider les personnes d'aujourd'hui à trouver la véritable liberté et la véritable joie. Tous, comme cette femme de l'Evangile, sont en marche pour être totalement libres, pour trouver la pleine liberté et pour trouver en elle la joie totale; mais ils se retrouvent souvent sur la mauvaise route. Puissent-ils, grâce à la lumière du Seigneur et à notre coopération avec le Seigneur, découvrir que la véritable liberté vient de la rencontre avec la Vérité qui est l'amour et la joie.

Aujourd'hui, deux phrases m'ont particulièrement touché. La première est celle de votre curé: "Nous avons plus d'avenir que de passé". C'est la vérité de notre Eglise, elle a toujours plus d'avenir que de passé. Et c'est pourquoi nous allons de l'avant avec courage.

L'autre phrase qui m'a touché se trouve dans le discours du représentant du conseil pastoral: "La véritable sainteté est d'être joyeux". La sainteté se manifeste à travers la joie. De la rencontre avec le Christ naît la joie. Et cela veut être mon souhait pour vous tous, que naisse toujours à nouveau cette joie qu'apporte la connaissance du Christ et avec elle un dynamisme renouvelé quand vous l'annoncez à vos frères. Merci de tout ce que vous faites.

Joyeuses Pâques!


AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS SUR LE THÈME: "AUX CÔTÉS DU MALADE INCURABLE ET DE LA PERSONNE EN FIN DE VIE: ORIENTATIONS ÉTHIQUES ET PRATIQUES" Salle Clémentine Lundi 25 février 2008

599 Chers frères et soeurs,

c'est avec une grande joie que j'adresse mon salut à vous tous qui participez au Congrès organisé par l'Académie pontificale pour la Vie sur le thème "Aux côtés du malade incurable et de la personne en fin de vie: orientations éthiques et pratiques". Le Congrès se déroule en concomitance avec la XIV assemblée générale de l'Académie, dont les membres sont aussi présents à cette audience. Je remercie avant tout le Président Mgr Sgreccia pour ses paroles cordiales de salut; je remercie avec lui toute la Présidence, le Conseil de direction de l'Académie pontificale, tous ses collaborateurs et ses membres ordinaires, honoraires et correspondants. Je veux ensuite adresser mes salutations cordiales et reconnaissantes aux intervenants à cet important Congrès, ainsi qu'à tous les participants originaires de différents pays du monde. Chers amis, votre engagement généreux et votre témoignage sont vraiment dignes de louange.

Rien qu'à lire les titres des interventions du congrès, on peut comprendre le vaste panorama de vos réflexions et l'intérêt qu'elles revêtent pour le temps présent, particulièrement dans le monde sécularisé d'aujourd'hui. Vous essayez de donner des solutions aux nombreux problèmes posés chaque jour par le progrès continuel des sciences médicales qui s'appuient toujours davantage sur des outils technologiques de haut niveau. Face à tout cela, apparaît le défi urgent pour tous et particulièrement pour l'Eglise, animée par le Seigneur ressuscité, de placer dans le large horizon de la vie humaine la splendeur de la vérité révélée et le soutien de l'espérance.

Quand une vie s'éteint qu'elle soit d'un âge avancé, ou au contraire à l'aube d'une existence terrestre, ou dans la pleine fleur de l'âge pour des raisons imprévues, on ne doit pas y voir seulement un processus biologique qui s'épuise, ou une biographie qui s'achève, mais plutôt une nouvelle naissance et une existence renouvelée, offerte par le Ressuscité à qui ne s'est pas opposé à son Amour. Avec la mort, l'existence terrestre trouve sa fin, mais à travers la mort s'ouvre également, pour chacun de nous, au delà du temps, la vie pleine et définitive. Le Seigneur de la vie est présent aux côtés du malade comme Celui qui vit et donne la vie, Celui qui a dit: "Moi, je suis venu pour qu'on ait la vie et qu'on l'ait surabondante." (
Jn 10,10), "Je suis la Résurrection et la Vie. Qui croit en moi, même s'il meurt, vivra" (Jn 11,25) et "je le ressusciterai au dernier jour" (Jn 6,54). Dans ce moment solennel et sacré, tous les efforts faits dans l'espérance chrétienne pour nous améliorer ainsi que le monde qui nous est confié, purifiés par la Grâce, trouvent leur sens et s'enrichissent grâce à l'amour de Dieu Créateur et Père. Quand, au moment de la mort, la relation avec Dieu se réalise pleinement dans la rencontre avec "Celui qui ne meurt pas, qui est Lui-même la Vie et l'Amour, alors nous sommes dans la vie. Alors "nous vivons"" (Benoît XVI, Spe Salvi ). Pour la communauté des croyants, cette rencontre de la personne en fin de vie avec la Source de la Vie et de l'Amour représente un don qui a une valeur pour tous, qui enrichit la communion de tous les fidèles. Comme tel, cela doit retenir l'attention et la participation de la communauté, non seulement de la famille des parents proches, mais, dans les limites et dans les formes possibles, de toute la communauté qui a été liée à la personne mourante. Aucun croyant ne devrait mourir dans la solitude et dans l'abandon. Mère Teresa de Calcutta recueillait avec une attention particulière les pauvres et les personnes abandonnées, pour qu'au moins, au moment de la mort, ils puissent ressentir, dans le réconfort de leurs soeurs et de leurs frères, la chaleur du Père.

Mais ce n'est pas seulement la communauté chrétienne, du fait de ses liens de communion surnaturels particuliers, qui est engagée à accompagner et célébrer en ses membres le mystère de la douleur et de la mort et l'aube de la nouvelle vie. En réalité, c'est toute la société au travers de ses institutions civiles et de santé qui est appelée à respecter la vie et la dignité du malade grave et de la personne en fin de vie. Même si elle a conscience du fait que "ce n'est pas la science qui rachète l'homme" (Benoît XVI, Spe Salvi ), la société entière et en particulier les secteurs liés à la science médicale sont tenus d'exprimer la solidarité de l'amour, la sauvegarde et le respect de la vie humaine à chaque moment de son développement terrestre, surtout lors de la maladie ou dans la phase terminale de celle-ci. Plus concrètement, il s'agit d'assurer à chaque personne qui en aurait besoin le soutien nécessaire par les thérapies et les interventions médicales appropriées, identifiées et gérées suivant les critères de la proportionnalité médicale, en tenant toujours compte du devoir moral d'administrer (du côté du médecin) et de recevoir (du côté du patient) ces moyens de préservation de la vie qui, dans la situation concrète, résultent "ordinaires". En ce qui concerne, en revanche, les thérapies particulièrement à risques ou qu'il serait prudent de juger "extraordinaires", il faudra considérer comme moralement légitime, mais facultatif, le recours à celles-ci. De plus, il faudra toujours assurer à chaque personne les soins nécessaires qui lui sont dus, ainsi que le soutien aux familles les plus éprouvées par la maladie de l'un des leurs, surtout si elle est grave et prolongée. De même, du côté de la réglementation du travail, on reconnait habituellement des droits spécifiques aux membres de la famille au moment d'une naissance; de la même manière, et particulièrement dans certaines circonstances, des droits similaires devraient être reconnus aux parents proches au moment de la phase terminale de la maladie d'un de leurs parents. Une société solidaire et humanitaire ne peut pas ne pas tenir compte des conditions difficiles des familles qui, parfois pendant de longues périodes, doivent porter le poids des soins à domicile de malades graves non autonomes. Un plus grand respect pour la vie humaine individuelle passe inévitablement par la solidarité concrète de tous et de chacun, ce qui constitue un des défis les plus urgents de notre temps.

Comme je l'ai rappelé dans l'Encyclique Spe Salvi, "la mesure de l'humanité se détermine essentiellement dans son rapport à la souffrance et à celui qui souffre. Cela vaut pour chacun comme pour la société. Une société qui ne réussit pas à accepter les souffrants et qui n'est pas capable de contribuer, par la compassion, à faire en sorte que la souffrance soit partagée et portée aussi intérieurement est une société cruelle et inhumaine" (n. 38). Dans une société complexe, fortement influencée par les dynamiques de la productivité et par les exigences de l'économie, les personnes fragiles et les familles les plus pauvres, dans des moments de difficultés financières ou en cas de maladie, risquent d'être bouleversées. On trouve de plus en plus dans les grandes villes des personnes âgées seules, même dans des moments de grave maladie et à l'approche de la mort. Dans de telles situations, l'euthanasie devient pressante, surtout quand s'insinue une vision utilitariste à l'égard de la personne. A ce propos, je saisis cette occasion de répéter, encore une fois, la ferme et constante condamnation éthique de toute forme d'euthanasie directe, suivant l'enseignement pluriséculaire de l'Eglise.

L'effort synergique de la société civile et de la communauté des croyants doit viser à obtenir que tout le monde puisse non seulement vivre en restant digne et responsable, mais aussi traverser le moment de l'épreuve et de la mort dans la situation la meilleure de fraternité et de solidarité, même là où la mort survient dans une famille pauvre ou sur un lit d'hôpital. L'Eglise, avec ses institutions déjà en place et de nouvelles initiatives, est appelée à offrir le témoignage de la charité active, spécialement envers les situations critiques de personnes non autonomes et privées de soutiens familiaux, et envers les malades graves nécessitant des soins palliatifs, en plus d'une assistance religieuse appropriée. D'une part, la mobilisation spirituelle des communautés paroissiales et diocésaines et, de l'autre, la création ou la qualification des structures dépendantes de l'Eglise, pourront animer et sensibiliser tout le milieu social, pour qu'à chaque homme qui souffre et en particulier au moment de la mort, soit offerte et témoignée la solidarité et la charité. La société, de son côté, ne peut manquer d'assurer le soutien dû aux familles qui envisagent de recueillir chez elles, pour des périodes parfois longues, des malades atteints de pathologies dégénératives (tumorales, neuro-dégénératives, etc.) ou nécessitant une assistance particulièrement lourde. Nous demandons d'une manière particulière le concours de toutes les forces vives et responsables de la société pour ces institutions d'assistance spécifique qui mobilisent un personnel nombreux et spécialisé et des équipements particulièrement onéreux. C'est surtout dans ces domaines que la synergie entre l'Eglise et les Institutions peut se révéler particulièrement précieuse pour assurer l'aide nécessaire à la vie humaine dans ses moments de fragilité.

Alors que je souhaite qu'à l'occasion de ce Congrès international, célébré en liaison avec le Jubilé des apparitions à Lourdes, on puisse formuler de nouvelles propositions pour soulager la situation de tous les malades en phase terminale, je vous encourage à poursuivre votre engagement louable au service de la vie dans toutes ses phases. Avec ces sentiments, je vous assure ma prière pour votre travail et je vous donne ma Bénédiction apostolique particulière.


À S.E. Mme MARY ANN GLANDON NOUVEL AMBASSADEUR DES ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE PRÈS LE SAINT-SIÈGE Vendredi 29 février 2008



Votre Excellence,

C'est un plaisir pour moi d'accepter les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire des Etats-Unis d'Amérique, et d'offrir mes voeux les plus cordiaux alors que vous assumez de nouvelles responsabilités au service de votre pays. Je suis certain que la connaissance et l'expérience née de votre participation féconde à l'oeuvre du Saint-Siège se révéleront utiles à l'accomplissement de vos devoirs et enrichiront l'activité de la communauté diplomatique à laquelle vous appartenez désormais. Je vous remercie également des paroles cordiales que vous m'avez transmises de la part du Président George W. Bush au nom du peuple américain, tandis que je me réjouis déjà de ma visite pastorale aux Etats-Unis au mois d'avril.

600 Depuis l'aube de la république, l'Amérique a été, comme vous l'avez observé, une nation qui apprécie le rôle de la croyance religieuse dans la garantie d'un ordre démocratique fort et moralement sain. L'exemple de votre nation qui réunit des personnes de bonne volonté, indépendamment de leur race, de leur nationalité ou de leurs croyances, dans une vision partagée et dans une recherche disciplinée du bien commun, a encouragé beaucoup de nations plus jeunes dans leurs efforts visant à créer un ordre social harmonieux, libre et juste. Aujourd'hui, ce devoir de réconcilier unité et diversité, de forger une vision commune et de recueillir l'énergie morale pour la mettre en oeuvre, est devenu une priorité urgente pour toute la famille humaine, toujours plus consciente de son interdépendance et de la nécessité d'une solidarité efficace pour répondre aux défis mondiaux et construire un avenir de paix pour les générations futures.

L'expérience du siècle passé, avec son lourd tribut de guerre et de violence, qui a culminé dans l'extermination programmée de peuples entiers, a rendu évident que l'avenir de l'humanité ne peut dépendre du pur compromis politique. Ce doit être plutôt le fruit d'un consensus plus profond, basé sur la reconnaissance de vérités universelles, enracinées dans la réflexion mesurée des postulats de notre humanité commune (cf. Message à l'occasion de la Journée mondiale de la paix 2008, n. 12). La Déclaration universelle des Droits de l'Homme, dont nous célébrons cette année le LX anniversaire, a été la produit de la conviction partagée à travers le monde du fait qu'un ordre mondial juste ne peut s'appuyer que sur la reconnaissance et sur la défense de la dignité et des droits inviolables de tous les hommes et de toutes les femmes. Cette reconnaissance, à son tour, doit motiver toutes les décisions relatives à l'avenir de la famille humaine et de tous ses membres. J'ai confiance dans le fait que votre pays, fondé sur la vérité évidente que le Créateur a doté chaque être humain de certains droits inaliénables, continue à trouver dans les principes de la loi morale commune, consacrée dans ses documents fondateurs, une orientation sûre pour exercer sa conduite au sein de la Communauté internationale.

La constitution d'une culture juridique mondiale inspirée des plus hauts idéaux de justice, de solidarité et de paix exige un engagement ferme, une espérance et une générosité de la part de chaque nouvelle génération (cf. Spe salvi ). J'apprécie votre référence aux efforts significatifs engagés par l'Amérique pour élaborer des méthodes créatives en vue de soulager les problèmes graves que tant de de nations et de populations du monde doivent affronter. La construction d'un avenir plus sûr pour la famille humaine signifie avant tout oeuvrer pour le développement intégral des peuples, en particulier au moyen de l'offre d'une assistance médicale appropriée, l'élimination des pandémies comme le S.I.D.A., de plus larges possibilités d'éducation pour les jeunes, la promotion des femmes et le frein mis à la corruption et à la militarisation qui soustraient des ressources précieuses à beaucoup de nos frères et soeurs dans les pays les plus pauvres. Le progrès de la famille humaine est mis en danger non seulement par la plaie du terrorisme international, mais aussi par certaines menaces contre la paix telles que le rythme croissant de la course aux armements et les tensions persistantes au Moyen-Orient. Je profite de cette occasion pour exprimer l'espoir que des négociations patientes et transparentes conduisent à la réduction et à l'élimination des armes nucléaires et que la récente Conférence d'Annapolis soit la première étape d'une série d'initiatives en vue d'une paix durable dans la région. La résolution de ces problèmes et de problèmes semblables requiert un engagement et une confiance dans l'action des organismes internationaux, comme l'Organisation des Nations unies, qui sont par leur nature en mesure de promouvoir un dialogue et une compréhension authentiques, de réconcilier les opinions divergentes et de développer des politiques et des stratégies multilatérales en mesure d'affronter les nombreux défis de notre monde complexe et en rapide mutation.

Je ne peux manquer d'observer avec gratitude l'importance que les Etats-Unis ont attribuée au dialogue interreligieux et interculturel comme force concrète au service de la paix. Le Saint-Siège est persuadé du grand potentiel spirituel représenté par ce dialogue, notamment à propos de la promotion de la non-violence et du refus d'idéologies qui manipulent et défigurent les religions à des fins politiques et qui justifient la violence au nom de Dieu. Le prix que le peuple américain a toujours accordé à travers l'histoire au rôle de la religion dans la formation du débat public et dans l'éclairage de la dimension morale intrinsèque des questions sociales - un rôle parfois contesté au nom d'une compréhension limitée de la vie politique et du débat public - se manifeste dans les efforts d'un grand nombre de vos concitoyens et de responsables du gouvernement pour garantir une protection légale au don divin de la vie de la conception à la mort naturelle et la sauvegarde de l'institution du mariage, reconnu comme union stable entre un homme et une femme, ainsi que de l'institution de la famille.

Madame l'Ambassadeur, au moment où vous assumez vos hautes responsabilités au service de votre pays, je vous renouvelle mes meilleurs voeux pour le succès de vos actions. Soyez assurée de la disponibilité des bureaux du Saint-Siège pour vous aider et vous soutenir dans l'accomplissement de vos devoirs. J'invoque de tout coeur sur vous, sur votre famille et sur tout le bien-aimé peuple américain, les Bénédictions de Dieu, de sagesse, de force et de paix.



Discours 2005-2013 597