Discours 2005-2013 600

AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL COR UNUM Salle Clémentine Vendredi 29 février 2008



Messieurs les Cardinaux,
vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs!

Je suis heureux de vous rencontrer à l'occasion de l'Assemblée plénière du Conseil pontifical Cor unum. J'adresse mon salut cordial à chacun d'entre vous qui participez à cette rencontre. Je salue en particulier le Cardinal Paul Josef Cordes, que je remercie de ses paroles courtoises, Mgr le Secrétaire et tous les membres et les personnes qui travaillent au Conseil pontifical Cor unum. Le thème sur lequel vous réfléchissez ces jours-ci - "Les qualités humaines et spirituelles des personnes qui travaillent dans l'activité caritative de l'Eglise" - touche un élément important de la vie ecclésiale. Il s'agit, en effet, de ceux qui assurent au sein du peuple de Dieu un service indispensable, la diakonia de la charité. Et c'est justement à ce thème de la charité que j'ai voulu dédié ma première Encyclique Deus caritas est.

601 Je profite volontiers de cette occasion pour exprimer ma reconnaissance particulière à ceux qui, à divers titres, travaillent dans le secteur caritatif, en manifestant par leurs interventions que l'Eglise est présente, de manière concrète, auprès de ceux qui sont atteints par toute forme de difficulté et de souffrance. Les pasteurs ont la responsabilité globale et dernière, en ce qui concerne autant la sensibilisation que la réalisation de projets de promotion humaine, notamment en faveur de communautés plus démunies. Rendons grâce à Dieu car nombreux sont les chrétiens qui consacrent du temps et de l'énergie pour faire parvenir non seulement une aide matérielle, mais aussi un soutien de consolation et d'espérance à ceux qui se retrouvent dans des conditions difficiles, en cultivant une sollicitude constante pour le bien véritable de l'homme. L'activité caritative occupe ainsi une place centrale dans la mission évangélisatrice de l'Eglise. Nous ne devons pas oublier que les oeuvres caritatives constituent aussi un terrain privilégié de rencontre avec des personnes qui ne connaissent pas encore le Christ ou ne le connaissent que de façon partielle. Les pasteurs et les responsables de la pastorale de la charité portent donc à juste titre une attention permanente aux personnes qui travaillent dans le domaine de la diakonia, en prenant en charge leur formation d'un point de vue autant humain et professionnel que théologique et pastoral.

On donne une grande importance de nos jours à la formation continue autant dans la société que dans l'Eglise, comme le démontre le fleurissement d'institutions et de centres appropriés visant à fournir des moyens utiles à l'acquisition de compétences spécifiques. Toutefois, c'est la "formation du coeur", dont j'ai parlé dans cette même Encyclique Deus caritas est (n. 31 a), qui est la formation indispensable pour ceux qui travaillent dans les organismes caritatifs ecclésiaux: formation intime et spirituelle qui, par la rencontre personnelle avec le Christ, fait surgir cette sensibilité de l'âme qui permet seule de connaître pleinement et de satisfaire les attentes et les besoins de l'homme. C'est justement cela qui rend possible l'acquisition des mêmes sentiments d'amour miséricordieux que Dieu nourrit pour tout être humain. C'est l'approche nécessaire dans des moments de souffrance et de douleur. Qui travaille dans les différentes formes de l'activité caritative de l'Eglise ne peut, cependant, se contenter de la seule prestation technique ou de résoudre des problèmes techniques ou matériels. L'aide qu'il offre ne doit pas se réduire à un geste philanthropique, mais doit être une expression tangible de l'amour évangélique. Qui apporte son aide en faveur de l'homme dans des organismes paroissiaux, diocésains et internationaux, le fait au nom de l'Eglise et est appelé à laisser transparaître dans ses activités une authentique expérience d'Eglise.

Une formation valable et efficace dans ce secteur vital ne peut que viser à toujours mieux qualifier les agents des diverses activités caritatives, pour qu'ils soient aussi et avant tout des témoins de l'amour évangélique. Et ils ne le sont que si leur mission ne se limite pas à celle d'opérateurs de services sociaux, mais s'étend à l'annonce de l'Evangile de la charité. En suivant les traces du Christ, ils sont appelés à être des témoins de la valeur de la vie, dans toutes ses expressions, en défendant notamment la vie des faibles et des malades, en suivant l'exemple de la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta, qui aimait et prenait soin des mourants, parce que la vie ne se mesure pas à l'aune de son efficacité, mais vaut toujours et pour tous. En deuxième lieu, ces agents ecclésiaux sont appelés à être des témoins de l'amour, parce que nous sommes pleinement hommes et femmes quand nous vivons en nous tournant vers l'autre; que personne ne peut mourir et vivre pour soi-même; que le bonheur ne se trouve pas dans la solitude d'une vie repliée sur elle-même, mais dans le don de soi. Enfin, celui qui travaille dans le domaine des activités ecclésiales, doit être témoin de Dieu, qui est plénitude d'amour et qui invite à aimer. La source de toute intervention de l'agent ecclésial est en Dieu, amour créateur et rédempteur. Comme je l'ai écrit dans l'Encyclique Deus caritas est, nous pouvons pratiquer l'amour parce que nous avons été créés à l'image et à la ressemblance de Dieu pour "vivre l'amour et de cette manière faire entrer la lumière de Dieu dans le monde" (n. 39): voilà ce à quoi j'ai voulu inviter dans cette Encyclique.

Quelle plénitude de sens vous pouvez recueillir dans votre activité! Et combien elle est précieuse pour l'Eglise! Je me réjouis que, pour la rendre justement encore plus un témoignage de l'Evangile, le Conseil pontifical Cor unum ait prévu pour le mois de juin prochain un cours d'Exercices spirituels à Guadalajara pour les présidents et les directeurs des organismes caritatifs du continent américain. Cela servira à recouvrer entièrement la dimension humaine et chrétienne dont je viens de parler, et j'espère qu'à l'avenir cette initiative pourra se dérouler dans d'autres régions du monde. Chers amis, en vous remerciant pour ce que vous accomplissez, je vous assure de mon souvenir affectueux dans la prière et je donne de tout coeur, pour chacun d'entre vous et pour votre travail, une particulière Bénédiction apostolique.

                                                     Mars 2008

VEILLÉE DE PRIÈRE AVEC LES ÉTUDIANTS UNIVERSITAIRES


Salle Paul VI Samedi 1er mars 2008
Chers jeunes universitaires!

Au terme de cette veillée mariale, c'est avec une grande joie que j'adresse mon salut à vous tous: à ceux qui sont ici présents et à ceux qui participent à la prière à travers les liaisons par satellite. Je salue avec reconnaissance les vénérés Cardinaux et Evêques, en particulier ceux qui ont présidé la récitation du Rosaire dans les villes en liaison avec nous: Aparecida au Brésil, Avignon en France, Bucarest en Roumanie, Mexico au Mexique, La Havane à Cuba, Loja en Equateur, Minsk en Biélorussie, Naples en Italie, Tolède en Espagne et Washington aux Etats-Unis d'Amérique. Cinq villes en Europe et cinq aux Amériques. En effet, cette initiative a pour thème: "L'Europe et les Amériques ensemble pour construire la civilisation de l'amour". C'est précisément sur ce thème qu'un congrès s'est déroulé ces jours derniers à l'Université pontificale grégorienne, et j'adresse un salut cordial à ses participants.

Le choix de souligner tour à tour le rapport entre l'Europe et un autre continent, dans une perspective d'espérance, est un choix heureux. Il y a deux ans il s'agissait de l'Europe et de l'Afrique; l'année dernière de l'Europe et de l'Asie; cette année de l'Europe et de l'Amérique. Le christianisme constitue un lien fort et profond entre celui qu'on appelle le vieux continent et celui qu'on a appelé le "nouveau monde". Il suffit de penser à la place fondamentale qu'occupent les Saintes Ecritures et la Liturgie chrétienne dans la culture et dans l'art des peuples européens et des peuples américains. Malheureusement, celle qu'on appelle la "civilisation occidentale" a cependant en partie trahi son inspiration évangélique. Une réflexion honnête et sincère, un examen de conscience, s'impose donc. Il faut discerner entre ce qui construit la "civilisation de l'amour", selon le dessein de Dieu révélé en Jésus Christ, et ce qui, en revanche, s'y oppose.

Je m'adresse à présent à vous, chers jeunes. Les jeunes ont toujours été, dans l'histoire de l'Europe et des Amériques, des porteurs d'élans évangéliques. Nous pensons à des jeunes comme saint Benoît de Norcia, saint François d'Assise et le bienheureux Karl Leisner, en Europe; comme saint Martín de Porres, sainte Rose de Lima et la bienheureuse Kateri Tekakwitha, en Amérique. De jeunes artisans de la civilisation de l'amour! Aujourd'hui, c'est vous, jeunes européens et américains, que Dieu appelle à coopérer avec les jeunes de votre âge du monde entier, afin que la sève de l'Evangile renouvelle la civilisation de ces deux continents et de toute l'humanité. Les grandes villes européennes et américaines sont toujours plus cosmopolites, mais il leur manque souvent cette sève, capable de faire en sorte que les différences ne soient pas un motif de division ou de conflit, mais un motif d'enrichissement réciproque. La civilisation de l'amour est "convivialité", c'est-à-dire coexistence respectueuse, pacifique et joyeuse des différences au nom d'un projet commun, que le bienheureux Pape Jean XXIII fondait sur les quatre piliers de l'amour, de la vérité, de la liberté et de la justice. Voici, chers amis, la consigne que je vous confie: soyez des disciples et des témoins de l'Evangile, car l'Evangile est la bonne semence du Royaume de Dieu, c'est-à-dire de la civilisation de l'amour! Soyez des artisans de paix et d'unité! Le signe de cette unité catholique, c'est-à-dire universelle et intègre dans les contenus de la foi chrétienne qui nous rassemble tous, est également l'initiative de remettre à chacun de vous le texte de l'Encyclique Spe salvi sur un CD en 5 langues. Que la Vierge Marie veille sur vous, sur vos familles et sur tous vos proches.

602 Je voudrais à présent saluer dans les diverses langues ceux qui sont unis à nous à travers des liaisons satellites.

[en espagnol]
Chers jeunes réunis dans les villes de Mexico, La Havane, Loja et Tolède, soyez les témoins de la grande espérance que le Christ a apportée au monde. Que le Seigneur vous bénisse et vous accompagne dans votre engagement pour vos études.

[en anglais]
Chers étudiants universitaires de Washington DC, je vous adresse de chaleureuses salutations! Avec l'aide de Dieu, je serai dans votre ville en avril. Qu'avec votre assistance, l'Amérique demeure fidèle à ses racines chrétiennes et à ses grands idéaux de liberté dans la vérité et la justice!

[en français]
Chers amis réunis à Avignon, l'Europe a besoin de la jeunesse de l'esprit dont vous êtes porteurs et que vous, jeunes chrétiens, pouvez lui donner, en vous efforçant de vivre vraiment l'Evangile. Cela constituera pour tous un témoignage. C'est ce que je vous souhaite de tout coeur.

[en portugais]
Chers jeunes réunis à Aparecida: je conserve vivant dans mon coeur le souvenir de la Visite pastorale que j'ai accomplie au Brésil, en particulier la visite du Sanctuaire de Notre-Dame de la Conception à Aparecida. Je prie la Vierge Marie qu'elle obtienne pour vous tous la grâce d'être toujours des témoins de l'espérance.

[en russe]
Chers universitaires de Minsk, je vous salue avec affection! Je vous confie à vous aussi l'Encyclique sur l'espérance et je vous exhorte à construire la civilisation de l'amour, à travers des comportements quotidiens emplis de foi et de courage évangélique.

[en roumain]
603 Chers amis réunis à Bucarest, que le Seigneur vous bénisse! Pour diffuser la civilisation de l'amour les chrétiens doivent être unis dans un esprit oecuménique. Donnez vous-mêmes l'exemple d'une collaboration sincère entre tous les disciples de Jésus.

Enfin je vous salue, vous qui êtes réunis dans la cathédrale de Naples! Votre ville et l'Italie tout entière ont besoin de retrouver le goût de l'engagement partagé pour une société plus juste et solidaire. Soyez un exemple également en cela, en vous nourrissant de prière et en vous laissant guider par la lumière et par la force de l'Evangile.

Je remercie le Cardinal Ruini, Mgr Leuzzi et ceux qui ont collaboré à l'organisation de cette rencontre. Je remercie le choeur et l'orchestre qui ont soutenu notre prière, ainsi que le Centre de Télévision du Vatican, Radio Vatican, et "Telespazio" pour la liaison télévisée. A vous, chers jeunes, je souhaite un travail serein et fructueux, ainsi qu'une joyeuse Pâque, et je donne à tous de tout coeur la Bénédiction apostolique.


AUX ÉVÊQUES DU GUATEMALA EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Jeudi 6 mars 2007

Monsieur le Cardinal,
Chers frères dans l'épiscopat,

C'est pour moi un motif de joie de vous recevoir ce matin à l'occasion de la visite ad limina au cours de laquelle vous renouvelez les liens de communion de vos Eglises particulières avec l'Evêque de Rome. Je vous remercie des paroles que, en votre nom, Mgr Pablo Vizcaíno Prado, Evêque de Suchipétequez-Retalhuleu et Président de la Conférence épiscopale, m'a adressées, et je vous salue tous avec affection, en vous demandant de transmettre mon estime au bien-aimé peuple guatémaltèque. Les rencontres que j'ai eues avec chacun de vous m'ont rapproché de la vie quotidienne et des aspirations de vos concitoyens, et également du travail pastoral zélé que vous menez à bien dans votre nation.

Votre coeur de pasteurs abrite la préoccupation pour l'augmentation de la violence et de la pauvreté, qui frappe de larges secteurs de la population, provoquant une forte émigration vers d'autres pays, avec de graves conséquences dans le domaine personnel et familial. C'est une situation qui invite à renouveler vos efforts pour montrer à tous le visage miséricordieux du Seigneur, dont l'Eglise est appelée à être l'image, en accompagnant et en servant avec générosité et dévouement en particulier ceux qui souffrent et qui sont sans défense. En effet, la charité et l'assistance à nos frères dans le besoin "appartiennent à la nature de l'Eglise et sont l'expression incontournable de son essence elle-même" (cf. Deus caritas est ).

Dieu a gratifié le peuple guatémaltèque d'un profond sentiment religieux, riche d'expressions populaires, qui doivent mûrir dans des communautés chrétiennes solides, qui célèbrent avec joie leur foi en tant que membres vivants du Corps du Christ (cf. 1Co 12,27), et qui soient fidèles au fondement des Apôtres. Vous savez très bien que la fermeté de la foi et la participation aux sacrements donnent de la force à vos fidèles face au risque des sectes ou des groupes qui se disent charismatiques, qui sont source de désorientation et finissent par mettre en danger la communion ecclésiale.

La tradition de votre culture trouve dans la famille, cellule de base de la société, le noyau essentiel de l'existence et de la transmission de la foi et des valeurs, mais elle rencontre aujourd'hui une série de défis pastoraux et humains. C'est pourquoi l'Eglise se consacre toujours avec une attention particulière à la solide formation de ceux qui se préparent à contracter le mariage, en insufflant constamment la foi et l'espérance dans les familles et en veillant afin que, avec l'aide nécessaires, elles puissent faire face à leurs responsabilités.

Dans votre ministère, vous comptez sur l'inestimable collaboration des prêtres, qui doivent voir chez leur Evêque un véritable père et maître, très proche d'eux, chez qui trouver de l'aide dans leurs besoins spirituels et matériels, et également un conseil approprié dans les moments de difficulté. Ils ont toujours besoin d'encouragement pour persévérer sur le chemin de l'authentique sainteté sacerdotale, comme de véritables hommes de prière (cf. Novo millennio ineunte NM 32), et également de moyens adaptés pour amplifier leur formation humaine et théologique, qui leur permettra d'assumer des tâches particulièrement délicates, comme celles de professeurs, de formateurs ou de directeurs spirituels dans vos séminaires. Par leur exemple et leur zèle pastoral, ils doivent être un appel vivant pour les jeunes et les moins jeunes à se consacrer entièrement au Seigneur, en collaborant avec la grâce divine pour que le Seigneur "envoie des ouvriers pour sa moisson" (Mt 9,38).

604 Le II Congrès missionnaire américain, qui s'est tenu au Guatemala en 2003, a lancé le défi d'apporter dans les diocèses et dans les vicariats une expérience vécue plus intense de l'engagement missionnaire, en l'incluant dans le nouveau projet d'ensemble de la Conférence épiscopale. A présent, également à la lumière des conclusions de la V Conférence de l'épiscopat latino-américain et des Caraïbes à Aparecida, vous devez renforcer votre identité et mener à bien les engagements évangélisateurs que vous avez pris. Dans ce but, comme l'a fait mon vénéré prédécesseur Jean-Paul II au cours de sa première visite dans votre pays, je vous encourage à continuer avec un esprit renouvelé la mission évangélisatrice de l'Eglise dans le cadre des changements culturels actuels et de la mondialisation, en conférant une nouvelle vigueur à la prédication et à la catéchèse, en proclamant Jésus Christ, le Fils de Dieu, comme fondement et raison d'être de chaque croyant. L'évangélisation des cultures est une tâche prioritaire afin que la Parole de Dieu devienne accessible à tous et, étant accueillie dans l'esprit et dans le coeur, qu'elle soit la lumière qui les illumine et l'eau qui les purifie grâce au message de l'Evangile qui apporte le salut à tout le genre humain.

En concluant notre rencontre, je désire vous encourager à continuer à guider le Peuple de Dieu qui vous a été confié. A travers votre parole et votre exemple, que votre Eglise continue à resplendir comme la source d'espérance pour tous! Apportez mon salut affectueux et ma bénédiction à vos prêtres, vos religieux et vos religieuses et aux autres fidèles, en particulier ceux qui collaborent avec un plus grand dévouement à l'oeuvre d'évangélisation. J'invoque sur eux et sur vous la protection maternelle de Nuestra Señora del Rosario, Patronne du Guatemala, et je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique.


AUX MEMBRES DU COMITÉ PONTIFICAL DES SCIENCES HISTORIQUE Salle des Papes Vendredi 7 mars 2008

Monseigneur,
Mesdames, Messieurs!

Je suis heureux de vous saluer et de vous exprimer combien j'apprécie le travail que vous accomplissez dans un domaine de grand intérêt pour la vie de l'Eglise. Je félicite votre Président et chacun de vous pour le chemin accompli au cours de ces années.

Comme vous le savez bien, ce fut Léon XIII qui, face à une historiographie orientée par l'esprit de son temps et hostile à l'Eglise, prononça la célèbre phrase: "Nous n'avons pas peur de rendre public les documents" et qui rendit les archives du Saint-Siège accessibles à la recherche. Dans le même temps, il créa une commission de Cardinaux pour la promotion des études historiques, que vous, Mesdames et Messieurs les professeurs, pouvez considérer comme l'ancêtre du Comité pontifical des Sciences historiques, dont vous êtes membres. Léon XIII était convaincu du fait que l'étude et la description de l'histoire authentique de l'Eglise ne pouvaient être que bénéfiques à celle-ci.

Depuis cette époque, le contexte culturel a subi une profonde transformation. Il ne s'agit plus seulement d'affronter une historiographie hostile au christianisme et à l'Eglise. Aujourd'hui, c'est l'historiographie elle-même qui traverse une crise plus sérieuse, devant lutter pour son existence dans une société façonnée par le positivisme et par le matérialisme. Ces deux idéologies ont conduit à un enthousiasme effréné pour le progrès qui, marqué par des découvertes spectaculaires et des succès techniques, malgré les désastreuses expériences du siècle dernier, détermine la conception de la vie dans de larges secteurs de la société. Le passé apparaît ainsi uniquement comme un arrière-plan obscur, sur lequel le présent et l'avenir resplendissent de promesses invitantes. A tout cela est encore liée l'utopie d'un paradis sur terre, en dépit du fait que cette utopie se soit révélée fallacieuse.

Un trait typique de cette mentalité et le désintérêt pour l'histoire, qui se traduit par la marginalisation des sciences historiques. Là où ces forces idéologiques sont à l'oeuvre, la recherche historique et l'enseignement de l'histoire à l'université et dans les écoles de tous les niveaux et degrés sont négligés. Cela engendre une société qui, oubliant son passé et donc dépourvue de critères acquis à travers l'expérience, n'est plus en mesure d'élaborer un projet de coexistence harmonieuse et un engagement commun dans la réalisation des objectifs futurs. Cette société se présente comme particulièrement vulnérable à la manipulation idéologique.

Le danger s'accroît dans une mesure toujours plus grande en raison de l'importance excessive accordée à l'histoire contemporaine, en particulier lorsque les recherches dans ce secteur sont conditionnées par une méthodologie inspirée du positivisme et de la sociologie. Par ailleurs, d'importants domaines de la réalité historique, voire des époques entières, sont ignorés. Dans de nombreux programmes d'étude, par exemple, l'enseignement de l'histoire ne commence qu'à partir des événements de la Révolution française. Le produit inévitable de ce développement est une société qui ignore son propre passé et qui est donc privée de mémoire historique. Chacun se rend compte de la gravité d'une telle conséquence: comme la perte de la mémoire provoque chez l'individu la perte de l'identité, de manière analogue ce phénomène a lieu pour la société dans son ensemble.

605 Il est évident que cet oubli historique comporte un danger pour l'intégrité de la nature humaine dans toutes ses dimensions. L'Eglise, appelée par Dieu créateur à accomplir le devoir de défendre l'homme et son humanité, a à coeur une culture historique authentique, un progrès effectif des sciences historiques. La recherche historique de haut niveau appartient en effet, même au sens le plus strict, à un intérêt spécifique de l'Eglise. Même lorsqu'elle ne concerne pas directement l'histoire ecclésiastique, l'analyse historique concourt cependant à la description de cet espace vital dans lequel l'Eglise a accompli et accomplit sa mission à travers les siècles. La vie et l'action ecclésiales ont, sans aucun doute, toujours été déterminées, facilitées ou rendues plus difficiles par les différents contextes historiques. L'Eglise n'est pas de ce monde mais elle vit en lui et pour lui.

Si nous prenons à présent en considération l'histoire ecclésiastique du point de vue théologique, nous remarquons un autre aspect important. En effet, sa tâche essentielle se révèle comme la mission complexe d'enquêter et d'éclaircir ce processus d'accueil et de transmission, de paralépsis et de paràdosis, à travers lequel s'est concrétisée, au cours des siècles, la raison d'être de l'Eglise. Il ne fait effectivement aucun doute que l'Eglise puisse tirer l'inspiration de ses choix en puisant au trésor pluriséculaire d'expériences et de mémoires.

Illustres membres du Comité pontifical des Sciences historiques, je désire donc vous encourager de tout coeur à vous engager comme vous l'avez fait jusqu'à présent au service du Saint-Siège pour atteindre ces objectifs, en poursuivant votre engagement incessant et digne d'éloges dans la recherche et dans l'enseignement. Je souhaite que, en synergie avec l'activité d'autres collègues sérieux et faisant autorité, vous puissiez réussir à poursuivre de manière efficace les objectifs pourtant difficiles que vous vous êtes fixés et à oeuvrer pour une science historique toujours plus authentique.

Avec ces sentiments et en vous assurant de mon souvenir dans la prière, pour vous et votre engagement délicat, je donne à tous une Bénédiction apostolique spéciale.


AUX PARTICIPANTS AU COURS ANNUEL ORGANISÉ PAR LA PÉNITENCERIE APOSTOLIQUE Salle des Bénédictions Vendredi 7 mars 2008



Monsieur le Cardinal,
Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Chers pénitenciers des basiliques romaines,

Je suis heureux de vous accueillir, alors que s'achève le cours sur le for interne que la Pénitencerie apostolique promeut depuis plusieurs années pendant le carême. Avec un programme soigneusement préparé, cette rencontre annuelle rend un précieux service à l'Eglise et contribue à maintenir vivant le sens de la sainteté du sacrement de la réconciliation. J'adresse par conséquent mes remerciements cordiaux à ceux qui l'organisent et en particulier le Grand Pénitencier, le Cardinal James Francis Stafford, que je salue en le remerciant aussi pour les paroles courtoises qu'il m'a adressées. Avec lui, je salue et je remercie le régent et le personnel de la Pénitencerie, ainsi que les religieux de différents ordres qui confèrent le sacrement de la Pénitence dans les basiliques pontificales de la Ville. Je salue en outre les participants au cours.

Le carême est un temps propice pour méditer sur la réalité du péché à la lumière de l'infinie miséricorde de Dieu, que le sacrement de la Pénitence manifeste sous sa forme la plus élevée. Je saisis donc volontiers l'occasion pour proposer à votre attention certaines réflexions sur l'administration de ce sacrement à notre époque, qui perd hélas de plus en plus le sens du péché. Il faut aujourd'hui faire faire à qui se confesse l'expérience de cette tendresse divine envers les pécheurs repentis que tant d'épisodes évangéliques montrent avec des accents d'émotion intense. Prenons, par exemple, la célèbre page de l'Evangile de Luc qui présente la pécheresse pardonnée (cf. Lc 7,36-50). Simon, pharisien et riche "notable" de la ville, donne chez lui un banquet en l'honneur de Jésus. De façon inattendue, au fond de la salle, entre une personne qui n'était pas invitée, ni prévue: une prostituée bien connue. Le malaise des personnes présentes est compréhensible, mais la femme ne semble cependant pas s'en préoccuper. Elle avance, et, de façon plutôt furtive, elle s'arrête aux pieds de Jésus. Ses paroles de pardon et d'espérance pour tous, même pour les prostituées, sont parvenues à ses oreilles; elle est bouleversée, et demeure silencieuse. Elle baigne de ses larmes les pieds de Jésus, les essuie de ses cheveux, les embrasse et les oint d'un parfum suave. En agissant ainsi, la pécheresse veut exprimer l'affection et la reconnaissance qu'elle nourrit envers le Seigneur, par des gestes qui lui sont familiers, même s'ils sont socialement censurés.

606 Devant l'embarras général, c'est Jésus lui-même qui fait face à la situation: "Simon, j'ai quelque chose à te dire". "Parle, Maître", lui répond le maître de maison. Nous connaissons tous la réponse de Jésus par une parabole que nous pourrions résumer par ces paroles que le Seigneur dit en substance à Simon: "Tu vois? Cette femme sait qu'elle est pécheresse et, mue par l'amour, elle demande compréhension et pardon. Toi, au contraire, tu penses être juste, et tu es peut-être convaincu de ne rien avoir de grave à te faire pardonner".

Le message qui transparaît dans ce passage évangélique est éloquent: à qui aime beaucoup, Dieu pardonne tout. Qui place sa confiance en lui-même et dans ses propres mérites est comme aveuglé par son moi et son coeur s'endurcit dans le péché. Qui au contraire se reconnaît faible et pécheur met sa confiance en Dieu et obtient de lui grâce et pardon. Tel est justement le message qu'il faut transmettre: ce qui compte le plus c'est de faire comprendre que dans le sacrement de la réconciliation, quel que soit le péché commis, si on le reconnaît humblement, et si l'on vient trouver avec confiance le prêtre confesseur, on fait toujours l'expérience de la joie pacificatrice du pardon de Dieu. Dans cette perspective, votre cours assume une importance notable, parce qu'il vise à préparer des confesseurs bien formés du point de vue doctrinal et capables de proposer aux pénitents l'expérience de l'amour miséricordieux du Père céleste. N'est-il pas vrai que l'on assiste aujourd'hui à une certaine désaffection de ce sacrement? Lorsque l'on insiste seulement sur l'accusation des péchés, qui est également indispensable et il faut aider les fidèles à en comprendre l'importance, on risque de reléguer au second plan ce qui est central, c'est-à-dire la rencontre personnelle avec Dieu, Père de bonté, et de miséricorde. Ce n'est pas le péché qui est au coeur de la célébration sacramentelle, mais la miséricorde de Dieu, qui est infiniment plus grande que toute notre faute.

L'engagement des pasteurs, et spécialement des confesseurs, doit être aussi celui de mettre en évidence le lien étroit existant entre le sacrement de la Réconciliation et une existence orientée avec décision vers la conversion. Il convient qu'entre la pratique du sacrement de la Confession et une vie visant à suivre sincèrement le Christ s'instaure une sorte de "cercle vertueux" que l'on ne peut arrêter, dans lequel la grâce du sacrement soutienne et alimente l'engagement à être de fidèles disciples du Seigneur. Le temps du carême, dans lequel nous nous trouvons, nous rappelle que notre vie chrétienne doit tendre toujours à la conversion et lorsque l'on a souvent recours au sacrement de la Réconciliation, l'aspiration à la perfection évangélique reste vivante chez le croyant. Si cette aspiration incessante disparaît, la célébration du sacrement risque hélas de devenir quelque chose de formel qui n'a pas d'incidence sur le tissu de la vie quotidienne. D'autre part, si, tout en étant animés par le désir de suivre Jésus, on ne se confesse pas régulièrement, on risque peu à peu de ralentir le rythme spirituel jusqu'à l'affaiblir toujours davantage et peut-être même l'éteindre.

Chers frères, il n'est pas difficile de comprendre la valeur qu'a dans l'Eglise votre ministère de dispensateurs de la miséricorde divine pour le salut des âmes. Suivez et imitez l'exemple de tant de saints confesseurs qui, par leur intuition spirituelle, aidaient les pénitents à se rendre compte que la célébration régulière du sacrement de la Pénitence, et la vie chrétienne visant à la sainteté sont des composantes inséparables d'un même itinéraire spirituel pour tout baptisé. Et n'oubliez pas d'être vous-mêmes des exemples d'une vie chrétienne authentique. Que la Vierge Marie, Mère de miséricorde et d'espérance, vous aide, vous qui êtes ici présents, et tous les confesseurs, à exercer avec zèle et avec joie ce grand service dont dépend si intensément la vie de l'Eglise. Je vous assure de mon souvenir dans la prière et je vous bénis avec affection.


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL POUR LA CULTURE Salle du Consistoire Samedi 8 mars 2008



Messieurs les Cardinaux,
chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs!

Je suis heureux de vous accueillir, à l'occasion de l'Assemblée plénière du Conseil pontifical pour la Culture, et je me réjouis du travail que vous accomplissez et, en particulier, du sujet choisi pour cette session: "L'Eglise et le défi de la sécularisation". C'est une question fondamentale pour l'avenir de l'humanité et de l'Eglise. La sécularisation, qui souvent se transforme en sécularisme en abandonnant le sens positif de sécularité, met à dure épreuve la vie chrétienne des fidèles et des pasteurs et, durant vos travaux, vous l'avez interprétée et transformée également en un défi providentiel afin de proposer des réponses convaincantes aux questions et aux espérances de l'homme, notre contemporain.

Je remercie Mgr Gianfranco Ravasi, Président depuis quelques mois du dicastère, pour les paroles courtoises avec lesquelles il s'est fait votre interprète et a illustré le déroulement de vos travaux. Je vous suis à tous reconnaissant de votre travail efficace qui vise à ce que l'Eglise entre en dialogue avec les mouvements culturels de notre temps, et afin de faire connaître plus largement l'intérêt que le Saint-Siège nourrit pour le vaste monde de la culture dans toute sa diversité. Aujourd'hui plus que jamais, en effet, l'ouverture réciproque entre les cultures est un terrain privilégié pour le dialogue entre les hommes et les femmes engagés dans la recherche d'un humanisme authentique, au-delà des divergences qui les séparent. La sécularisation, qui se présente dans les cultures comme une organisation du monde et de l'humanité sans référence à la Transcendance, gagne tous les aspects de la vie quotidienne et développe une mentalité où, de fait, Dieu est absent, entièrement ou en partie, de l'existence et de la conscience humaine. Cette sécularisation n'est pas seulement une menace extérieure pour les croyants, mais elle se manifeste depuis longtemps déjà au sein de l'Eglise elle-même. Elle dénature de l'intérieur et en profondeur la foi chrétienne et, en conséquence, le style de vie et le comportement quotidien des croyants. Ceux-ci vivent dans le monde et sont souvent marqués, sinon conditionnés, par la culture de l'image qui impose ses modèles et ses sollicitations contradictoires, dans la négation concrète de Dieu: on n'a plus besoin de Dieu, de penser à Lui, ou de revenir vers Lui. De plus, la mentalité hédoniste et la culture de la consommation prédominantes favorisent, chez les fidèles comme chez les pasteurs, une dérive vers la superficialité et un égocentrisme qui nuit à la vie ecclésiale.


Discours 2005-2013 600