Discours 2005-2013 607

607 La "mort de Dieu" annoncée, dans les décennies passées par beaucoup d'intellectuels, cède la place à une culture stérile de l'individu. Dans ce contexte culturel, on risque de tomber dans une atrophie spirituelle et dans un vide du coeur, caractérisés parfois par des formes succédanées d'appartenance religieuse et de vague spiritualisme. Il est plus que jamais urgent de réagir à de telles dérives par le rappel des valeurs les plus élevées de l'existence, qui donnent un sens à la vie et peuvent apaiser l'inquiétude du coeur humain à la recherche du bonheur: la dignité de la personne humaine et sa liberté, l'égalité entre tous les hommes, le sens de la vie et de la mort et de ce qui nous attend au terme de notre existence terrestre. Dans cette perspective mon prédécesseur, le Serviteur de Dieu Jean-Paul II, conscient des changements radicaux et rapides de la société, rappela avec insistance l'urgence d'aller à la rencontre de l'homme sur le terrain de la culture pour lui transmettre le Message évangélique. C'est justement pour cela qu'il institua le Conseil pontifical pour la Culture, afin de donner un nouvel élan à l'action de l'Eglise et susciter la rencontre entre l'Evangile et la pluralité des cultures dans les différentes parties du monde (cf. Lettre au Cardinal Casaroli, dans: AAS LXXIV, 6, PP 683-688). La sensibilité intellectuelle et la charité pastorale du Pape Jean-Paul II le poussèrent à souligner que la révolution industrielle et les découvertes scientifiques ont permis de répondre à des questions qui n'étaient auparavant partiellement résolues que par la religion. La conséquence fut que l'homme contemporain a souvent l'impression de ne plus avoir besoin de personne pour comprendre, expliquer et maîtriser l'univers, il se sent au centre de tout, et la mesure de tout.

Plus récemment, la mondialisation, à travers les nouvelles technologies de l'information, a eu souvent et également comme résultat la diffusion dans toutes les cultures d'éléments matérialistes et individualistes de l'Occident. La formule "Etsi Deus non daretur" devient toujours plus un mode de vie qui tire ses origines dans une sorte de "vanité" de la raison - réalité pourtant créée et aimée par Dieu - qui se considère suffisante à elle-même et se ferme à la contemplation et à la recherche d'une Vérité qui la dépasse. La lumière de la raison, exaltée, mais en réalité appauvrie, par la philosophie des lumières, se substitue radicalement à la lumière de la foi, à la lumière de Dieu (cf. Benoît XVI, Allocution que le Pape aurait dû prononcer à l'Université "La Sapienza", du 17 janvier 2008). C'est pourquoi les enjeux que doit affronter la mission de l'Eglise dans ce domaine sont importants. Tout aussi important est l'engagement du Conseil pontifical pour la Culture en vue d'un dialogue entre science et foi. C'est un débat que l'Eglise attend, mais la communauté scientifique également, et je vous encourage à le poursuivre. Dans ce dialogue, la foi suppose la raison et la perfection, et la raison, éclairée par la foi, trouve la force de s'élever à la connaissance de Dieu et des réalités spirituelles. Dans ce sens, la sécularisation ne favorise pas le but ultime de la science qui est au service de l'homme, "imago dei". Que ce dialogue se poursuive dans la distinction des caractéristiques particulières de la science et de la foi. En effet, chacune a ses propres méthodes, ses domaines, ses objets de recherche, ses finalités et ses limites, et doit respecter et reconnaître à l'autre la possibilité légitime de son exercice autonome selon ses propres principes (cf. Gaudium et spes GS 36); toutes deux sont appelées à servir l'homme et l'humanité, en favorisant le développement et la croissance intégrale de chacun et de tous.

J'invite surtout les pasteurs du peuple de Dieu à une mission inlassable et généreuse pour affronter, sur le terrain du dialogue et de la rencontre avec les cultures, sur le terrain de l'annonce de l'Evangile et du témoignage, l'inquiétant phénomène de la sécularisation, qui affaiblit la personne et fait obstacle à son désir inné de Vérité tout entière. Puissent les disciples du Christ, grâce au service rendu en particulier par votre dicastère, continuer et annoncer le Christ au sein des cultures, car il est la lumière qui éclaire la raison, l'homme et le monde. Nous sommes nous aussi placés devant l'avertissement lancé à l'ange de l'Eglise d'Ephèse: "Je connais ta conduite, tes labeurs et ta constance (...) Mais j'ai contre toi que tu as perdu ton amour d'antan" (Ap 2,2-4). Nous faisons nôtre le cri de l'Esprit et de l'Eglise: "Viens" (Ap 22,17), et nous laissons notre coeur être envahi par la réponse du Seigneur: "Oui, mon retour est proche!" (Ap 22,20). Il est notre espérance, la lumière de notre chemin, la force pour annoncer le salut avec un courage apostolique qui rejoint toutes les cultures jusque dans leur coeur. Que Dieu vous assiste dans l'accomplissement de votre mission, difficile mais exaltante.

En confiant à Marie, Mère de l'Eglise et Etoile de la Nouvelle Evangélisation, l'avenir du Conseil pontifical pour la Culture et celui de tous ses membres, je donne à tous de tout coeur la Bénédiction apostolique.


AUX ÉVÊQUES DE HAÏTI EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Jeudi 13 mars 2008



Chers Frères dans l’Épiscopat,

Je vous souhaite une affectueuse bienvenue, au moment où vous effectuez votre visite ad limina Apostolorum, occasion d’affermir votre communion avec le Successeur de Pierre et entre vous, ainsi que de partager avec la Curie romaine les motifs de joie et d’espérance, ainsi que d’inquiétude, vécus par le peuple de Dieu confié à votre soin pastoral. Je désire tout d’abord remercier Mgr Louis Kébreau, nouvel Archevêque de Cap-Haïtien et Président de la Conférence épiscopale, pour les paroles qu’il m’a adressées en votre nom, évoquant la situation du pays et l’action de l’Église. Je salue particulièrement les Évêques qui viennent de quitter leur charge pastorale et ceux qui en ont reçu une nouvelle. Ma pensée va aussi à vos fidèles, ainsi qu’à tout le cher peuple haïtien.

Je voudrais rappeler le voyage en Haïti que fit mon prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, il y a vingt-cinq ans, au terme du Congrès eucharistique national, évoquant le thème central de ce rassemblement: «Il faut que quelque chose change ici». Les choses ont-elles changé? Votre pays a connu des heures douloureuses, que l’Église suit avec attention: divisions, injustices, misère, chômage, éléments qui sont source de profonde inquiétude pour le peuple. Je demande au Seigneur de mettre au coeur de tous les Haïtiens, notamment des personnes qui ont une responsabilité sociale, le courage de promouvoir le changement et la réconciliation, afin que tous les habitants du pays aient des conditions de vie dignes et qu’ils bénéficient des biens de la terre, dans une solidarité toujours plus grande. Je ne peux oublier ceux qui sont obligés d’aller dans le pays voisin pour subvenir à leurs besoins. Je souhaite que la Communauté internationale poursuive et intensifie son soutien au peuple haïtien, pour lui permettre de prendre toujours davantage en main son avenir et son développement.

Parmi les soucis présentés dans vos rapports quinquennaux, il y a la situation de la structure familiale, rendue instable en raison de la crise que traverse le pays, mais aussi de l’évolution des moeurs et de la perte progressive du sens du mariage et de la famille, mettant sur le même plan d’autres formes d’union. C’est en grande partie à partir de la famille que la société et l’Église se développent. Votre attention à cet aspect de la vie pastorale est donc fondamentale, car il s’agit du lieu primordial d’éducation de la jeunesse. «La famille chrétienne, parce qu’elle est issue d’un mariage, image et participation de l’alliance d’amour qui unit le Christ et l’Église, manifestera à tous les hommes la présence vivante du Sauveur dans le monde et la véritable nature de l’Église, tant par l’amour des époux, leur fécondité généreuse, l’unité et la fidélité du foyer, que par la coopération amicale de tous ses membres» (Concile Vatican II, Gaudium et spes GS 48). Je vous encourage donc à soutenir les époux et les jeunes foyers par un accompagnement et une formation toujours plus appropriés, leur enseignant aussi le respect de la vie.

Dans votre ministère épiscopal, les prêtres occupent une place de choix. Ils sont vos premiers collaborateurs. En étant attentifs à leur formation permanente, en ayant avec eux des relations fraternelles et confiantes, vous les aiderez à exercer un ministère fécond, les invitant aussi à s’abstenir d’engagements politiques. Il importe que soient organisées régulièrement des rencontres entre les prêtres, pour qu’ils fassent une expérience tangible du presbytérium et qu’ils se soutiennent par la prière. Portez mes salutations affectueuses à tous vos prêtres; je connais la fidélité et le courage dont ils doivent faire preuve pour vivre dans des situations souvent difficiles. Qu’ils fondent leur apostolat sur leur relation au Christ, sur le mystère eucharistique qui nous rappelle que le Seigneur s’est donné totalement pour le salut du monde, sur le sacrement du pardon, sur leur amour de l’Église, portant par leur vie droite, humble et pauvre un témoignage éloquent de leur engagement sacerdotal.

Vous êtes attentifs à la pastorale des vocations et à la formation des jeunes qui se présentent et pour lesquels il faut effectuer un discernement profond. Pour cela, vous recherchez des équipes de formateurs pour vos séminaires. Je vous invite à envisager avec les épiscopats d’autres pays la mise à disposition de formateurs expérimentés, ayant une vie sacerdotale exemplaire, pour accompagner au long des différentes étapes de leur formation humaine, morale, spirituelle et pastorale, les futurs prêtres dont vos diocèses ont besoin. L’avenir de l’Église en Haïti en dépend. Puissent des Églises locales entendre cet appel et accepter de faire le don de prêtres pour vous aider dans la formation des séminaristes, selon l’esprit de l’encyclique Fidei donum; ce sera pour elles aussi une ouverture, une richesse et une source de nombreuses grâces.

608 Les écoles catholiques, malgré leurs faibles moyens, jouent un rôle important en Haïti; elles sont appréciées par les Autorités et par la population. Je rends grâce pour les personnes engagées dans la belle mission de l’éducation de la jeunesse. Portez-leur mes salutations chaleureuses. À travers l’enseignement, c’est la formation et la maturation des personnalités qui se réalisent, par la reconnaissance des valeurs essentielles et par la pratique des vertus; c’est aussi une conception de l’homme et de la société qui se transmet. L’École catholique est un lieu important d’évangélisation, par le témoignage de vie donné par les éducateurs, par la découverte du message évangélique ou par les célébrations vécues au sein de la communauté éducative. Faites savoir aux jeunes Haïtiens que le Pape a confiance en eux, qu’il connaît leur générosité et leur désir de réussir leur vie, que le Christ les appelle à une existence toujours plus belle, se souvenant que Lui seul est porteur du véritable message de bonheur et donne tout son sens à l’existence. Oui, vos jeunes sont pour moi motif de joie et d’espérance. Un pays qui veut se développer, une Église qui veut être plus dynamique, doivent d’abord faire porter leurs efforts sur la jeunesse. Il vous revient aussi de stimuler la formation des laïcs adultes, pour qu’ils puissent remplir toujours mieux leur mission chrétienne dans le monde et dans l’Église.

Chers Frères dans l’Épiscopat, au terme de cette rencontre, je tiens à exprimer à nouveau ma proximité spirituelle avec l’Église en Haïti, priant le Seigneur de lui donner la force pour sa mission. Qu’il me soit permis de saluer aussi le travail des religieux, des religieuses et des bénévoles, souvent engagés auprès des plus pauvres et des plus déshérités de la société, montrant que, en luttant contre la pauvreté, on lutte aussi contre de nombreux problèmes sociaux qui en dépendent. Puissent-ils être soutenus par tous dans cette tâche. À chacun de vous, j’accorde de grand coeur une affectueuse Bénédiction apostolique, ainsi qu’aux prêtres, aux personnes consacrées et à tous les fidèles laïcs de vos diocèses.

VIA CRUCIS AU COLISÉE

PAROLES Palatin Vendredi Saint, 21 mars 2008

Chers frères et soeurs,

Nous avons de nouveau, cette année, parcouru le chemin de croix, la Via Crucis, évoquant à nouveau avec foi les étapes de la Passion du Christ. Nos yeux ont revu la souffrance et l'angoisse que notre rédempteur a dû supporter à l'heure de la grande douleur, qui a marqué le sommet de sa mission terrestre. Jésus meurt sur la croix et gît dans le sépulcre. La journée du Vendredi Saint, imprégnée de tristesse humaine et de silence religieux, se termine dans le silence de la méditation et de la prière. En rentrant chez nous, nous aussi, comme ceux qui assistèrent au sacrifice de Jésus, nous nous "frappons la poitrine", en repensant à ce qui s'est passé (cf. Lc 23,48). Peut-on donc rester indifférent devant la mort d'un Dieu? Pour nous, pour notre salut, Il s'est fait homme et Il est mort sur la Croix.

Frères et soeurs, tournons aujourd'hui nos regards, souvent distraits par des intérêts terrestres dispersés et éphémères, vers le Christ; arrêtons-nous pour contempler sa Croix. La Croix est source de vie immortelle, elle est une école de justice et de paix, elle est un patrimoine universel de pardon et de miséricorde; elle est la preuve permanente d'un amour oblatif et infini qui a poussé Dieu à se faire homme, vulnérable comme nous, jusqu'à mourir crucifié. Ses bras cloués s'ouvrent pour chaque être humain et nous invitent à nous approcher de Lui, certains qu'Il nous accueille et nous embrasse avec une tendresse infinie: "Et moi, une fois élevé de terre - avait-il dit -, j'attirerai tous hommes à moi" (Jn 12,32).

A travers le chemin douloureux de la croix, les hommes de tous les temps, réconciliés et rachetés par le sang du Christ, sont devenus amis de Dieu, fils du Père céleste. "Ami!", c'est ainsi que Jésus appelle Judas, et il lui adresse un dernier appel dramatique à la conversion; Il appelle chacun de nous son "ami", car il est un véritable ami pour chacun. Les hommes ne réussissent malheureusement pas toujours à percevoir la profondeur de cet amour infini que Dieu nourrit pour ses créatures. Pour lui, il n'y a pas de différences de races et de cultures. Jésus Christ est mort pour libérer l'humanité tout entière de l'ignorance de Dieu, du cercle de la haine et de la vengeance, de l'esclavage du péché. La Croix fait de nous des frères.

Demandons-nous: mais qu'avons-nous fait de ce don? Qu'avons-nous fait de la révélation du visage de Dieu en Christ, de la révélation de l'amour de Dieu qui triomphe de la haine? De nombreuses personnes, à notre époque également, ne connaissent pas Dieu et ne peuvent pas le trouver dans le Christ crucifié; beaucoup sont à la recherche d'un amour ou d'une liberté qui exclue Dieu; beaucoup croient ne pas avoir besoin de Dieu. Chers amis, après avoir vécu ensemble la Passion de Jésus, laissons-nous ce soir interpeller par son sacrifice; laissons-le nous faire douter de nos certitudes humaines; ouvrons-lui notre coeur: Jésus est la vérité qui nous rend libres d'aimer. N'ayons pas peur! En mourant, le Seigneur a sauvé les pécheurs, c'est-à-dire nous tous. L'Apôtre Pierre écrit: Jésus "a porté lui-même nos fautes dans son corps, afin que, morts à nos fautes, nous vivions pour la justice; lui dont la meurtrissure nous a guéris" (1P 2,24). Voilà la vérité du Vendredi Saint: sur la croix, le Rédempteur nous a rendu la dignité qui est la nôtre, a fait de nous des fils adoptifs de Dieu qui nous a créés à son image et à sa ressemblance. Restons donc en adoration devant la Croix. O Christ, Roi crucifié, donne-nous la véritable connaissance de Ton être, la joie à laquelle nous aspirons, l'amour qui comble notre coeur assoiffé d'infini. Nous t'en prions, ce soir, Jésus, Fils de Dieu, mort pour nous sur la croix et ressuscité le troisième jour. Amen.

Bonne nuit à tous! Merci de votre patience sous la pluie! Bonne Pâque à tous!


AUX PARTICIPANTS AU CHAPITRE GÉNÉRAL DE LA CONGRÉGATION DE DON BOSCO (SALÉSIENS) Salle Clémentine Lundi 31 mars 2008

31308
Eminence,
Chers membres du Chapitre général
de la Congrégation salésienne,

Je suis heureux de vous rencontrer aujourd'hui tandis que vos travaux capitulaires sont en voie de conclusion. Je remercie tout d'abord le Recteur majeur, le Père Pascual Chávez Villanueva, pour les sentiments qu'il a exprimés en votre nom à tous, en confirmant la volonté de la Congrégation d'oeuvrer toujours en pleine harmonie avec le Successeur de Pierre. Je le remercie également du service généreux rendu au cours des six années passées et je lui présente mes voeux pour la charge qui vient de lui être renouvelée. Je salue également les membres du nouveau conseil général qui aideront le Recteur majeur dans sa tâche d'animation et de gouvernement de toute votre Congrégation.

Dans le message adressé au début de vos travaux au Recteur majeur, et à travers lui, à vous, chers membres du Chapitre, j'avais exprimé certaines attentes que l'Eglise vous soumet, à vous salésiens, et je vous avais également présenté plusieurs considérations pour le chemin de votre Congrégation. Aujourd'hui, je souhaite reprendre et approfondir certaines de ces indications, également à la lumière du travail que vous effectuez. Votre XXVI Chapitre général s'inscrit dans une période de grands changements sociaux, économiques et politiques; de graves problèmes éthiques, culturels et environnementaux; de conflits non résolus entre ethnies et nations. Notre époque est, d'autre part, marquée par des communications plus intenses entre les peuples, de nouvelles possibilités de connaissance et de dialogue, une confrontation plus vive sur les valeurs spirituelles qui donnent un sens à l'existence. Les appels que les jeunes nous adressent, notamment leurs questions sur les problèmes de fond, renvoient en particulier aux intenses désirs d'une vie pleine, d'un amour authentique, d'une liberté constructive qu'ils nourrissent. Ce sont des situations qui interpellent pleinement l'Eglise et sa capacité d'annoncer aujourd'hui l'Evangile du Christ avec toute sa charge d'espérance. Je souhaite donc vivement que toute la Congrégation salésienne, grâce également aux résultats de votre Chapitre général, puisse vivre avec un élan renouvelé et avec ferveur la mission pour laquelle l'Esprit Saint, par l'intervention maternelle de Marie Auxiliatrice, l'a suscitée dans l'Eglise. Je veux aujourd'hui vous encourager, ainsi que tous les salésiens, à continuer sur la route de cette mission, en restant pleinement fidèles à votre charisme originel, dans le contexte désormais imminent du bicentenaire de la naissance de Don Bosco.

Avec le thème "Da mihi animas, cetera tolle" votre Chapitre général s'est proposé de raviver la passion apostolique de chaque salésien et dans toute la Congrégation. Cela aidera à mieux caractériser le profil du salésien, de manière à ce qu'il devienne toujours plus conscient de son identité de personne consacrée "pour la gloire de Dieu" et soit toujours plus enflammé dans l'élan pastoral "pour le salut des âmes". Don Bosco voulut que la continuité de son charisme dans l'Eglise fût assurée par le choix de la vie consacrée. Aujourd'hui aussi, le mouvement salésien ne peut croître dans la fidélité à son charisme que si un noyau fort et vital de personnes consacrées continue à demeurer en son sein. C'est pourquoi, afin de renforcer l'identité de toute la Congrégation, votre premier engagement consiste à renforcer la vocation de chaque salésien à vivre en plénitude la fidélité à son appel à la vie consacrée. Toute la Congrégation doit tendre à être continuellement "une mémoire vivante du mode d'existence et d'action de Jésus comme Verbe incarné par rapport à son Père et à ses frères" (Vita consecrata
VC 22). Que le Christ soit au centre de votre vie! Il faut se laisser prendre par Lui et repartir de Lui. Tout le reste doit être considéré "comme désavantageux à cause de la supériorité de la connaissance du Christ" et tout doit être estimé "comme déchets, afin de gagner le Christ" (Ph 3,8). C'est de là que naît l'amour ardent pour le Seigneur Jésus, l'aspiration à se configurer à Lui en assumant ses sentiments et la forme de vie, l'abandon confiant au Père, le dévouement à la mission évangélisatrice, qui doivent caractériser tout salésien: il doit se sentir choisi pour se placer à la suite du Christ obéissant, pauvre et chaste, conformément aux enseignements et aux exemples de Don Bosco.

Le processus de sécularisation, qui progresse dans la culture contemporaine, n'épargne malheureusement pas même les communautés de vie consacrée. C'est pourquoi il faut surveiller les formes et les styles de vie qui risquent d'affaiblir le témoignage évangélique, rendre inefficace l'action pastorale et fragiliser la réponse vocationnelle. Je vous demande par conséquent d'aider vos confrères à conserver et à raviver la fidélité à l'appel. La prière adressée par Jésus au Père avant sa Passion, de protéger en son nom tous les disciples qu'Il Lui avait donnés et pour qu'aucun d'eux ne se perde (cf. Jn 17,11-12), vaut en particulier pour les vocations de consécration particulière. C'est pourquoi "la vie spirituelle doit être en première place dans le projet" de votre Congrégation (Vita consecrata VC 93). Que la Parole de Dieu et la liturgie soient les sources de la spiritualité salésienne! En particulier que la lectio divina, pratiquée de manière quotidienne par tout salésien, et l'Eucharistie, célébrée chaque jour dans la communauté, en soient la nourriture et le soutien. C'est de là que naîtra l'authentique spiritualité du dévouement apostolique et de la communion ecclésiale. La fidélité à l'Evangile vécu sine glossa et à votre Règle de vie, en particulier un style de vie austère et la pauvreté évangélique pratiquée de manière cohérente, l'amour fidèle pour l'Eglise et le don généreux de vous-mêmes aux jeunes, notamment les plus nécessiteux et les plus désavantagés, seront la garantie de la floraison de votre Congrégation.

Don Bosco est l'exemple resplendissant d'une vie marquée par la passion apostolique, vécue au service de l'Eglise au sein de la Congrégation et de la Famille salésienne. A l'école de saint Giuseppe Cafasso, votre Fondateur apprit à assumer la devise "da mihi animas, cetera tolle" comme la synthèse d'un modèle d'action pastorale inspiré par la figure et par la spiritualité de saint François de Sales. L'horizon dans lesquels s'inscrit ce modèle est celui du primat absolu de l'amour de Dieu, un amour qui parvient à façonner des personnalités ardentes, désireuses de contribuer à la mission du Christ pour allumer sur toute la terre le feu de son amour (cf. Lc 12,49). A côté de l'ardeur de l'amour de Dieu, l'autre caractéristique du modèle salésien est la conscience de la valeur inestimable des "âmes". Cette perception engendre, par opposition, un sens aigu du péché et de ses conséquences dévastatrices dans le temps et dans l'éternité. L'apôtre est appelé à collaborer à l'action rédemptrice du Sauveur, afin que personne ne soit perdu. "Sauver les âmes", précisément selon les paroles de saint Pierre, fut donc l'unique raison d'être de Don Bosco. Le bienheureux Michele Rua, son premier successeur, résuma ainsi la vie de votre bien-aimé Père et Fondateur: "Il ne fit aucun pas, il ne prononça aucun mot, il ne mit la main à aucune entreprise qui n'ait pour objectif la salut des jeunes... Il n'eut véritablement rien d'autre à coeur que les âmes". Tels sont les mots du bienheureux Michele Rua à propos de Don Bosco.

Aujourd'hui aussi il est urgent de nourrir cette passion dans le coeur de tout salésien. Ainsi il n'aura pas peur d'avancer avec audace dans les contextes les plus difficiles de l'action évangélisatrice en faveur des jeunes, en particulier des plus pauvres d'un point de vue matériel et spirituel. Il aura la patience et le courage de proposer aux jeunes de vivre le même dévouement total dans la vie consacrée. Il aura le coeur disponible pour identifier les nouveaux besoins des jeunes et écouter leur appel à l'aide, en laissant éventuellement à d'autres les domaines déjà consolidés d'intervention pastorale. Le salésien affrontera ainsi les exigences totalisantes de la mission avec une vie simple, pauvre et austère, dans le partage des conditions qui sont celles des plus pauvres et il aura la joie de donner davantage à qui a reçu le moins de la vie. La passion apostolique deviendra ainsi contagieuse et impliquera également les autres. Le salésien devient ainsi promoteur du sens apostolique, en aidant avant tout les jeunes à connaître et à aimer le Seigneur Jésus, à se laisser fasciner par Lui, à cultiver l'engagement évangélisateur, à vouloir faire le bien des jeunes de son âge, à être des apôtres des autres jeunes, comme saint Domenico Savio, la bienheureuse Laura Vicuña et le bienheureux Zefirino Namuncurà ainsi que les cinq jeunes bienheureux du patronage de Poznan. Chers salésiens, engagez-vous en vue de former des laïcs avec un coeur apostolique, en les invitant tous à cheminer dans la sainteté de vie qui fait mûrir des disciples courageux et des apôtres authentiques.

Dans le message que j'ai adressé au Recteur majeur au début de votre Chapitre général j'ai voulu remettre idéalement à tous les salésiens la Lettre que j'ai récemment adressée aux fidèles de Rome, sur la préoccupation au sujet de ce que j'ai appelé une grande urgence éducative. "Eduquer n'a jamais été facile et, aujourd'hui, cela semble devenir toujours plus difficile: c'est pourquoi un grand nombre de parents et d'enseignants sont tentés de renoncer à leur devoir, et ne parviennent pas à comprendre quelle est, véritablement, la mission qui leur est confiée. Trop d'incertitudes et trop de doutes circulent dans notre société et dans notre culture, trop d'images déformées sont véhiculées par les moyens de communication sociale. Il devient difficile, dans ces conditions, de proposer aux nouvelles générations quelque chose de valable et de sûr, des règles de comportement et des objectifs qui méritent d'y consacrer sa propre vie" (Discours lors de la remise au diocèse de Rome de la Lettre sur le devoir urgent de l'éducation, 23 février 2008). En réalité, l'aspect le plus grave de l'urgence éducative est le sentiment de découragement qui gagne de nombreux éducateurs, en particulier les parents et les enseignants, face aux difficultés de leur tâche aujourd'hui. Ainsi écrivais-je dans la lettre que je viens de citer: "Seule une espérance fiable peut être l'âme de l'éducation, comme de la vie tout entière. Aujourd'hui notre espérance est assiégée de toutes parts et nous risquons de redevenir nous aussi, comme les païens d'autrefois, des hommes "sans espérance et sans Dieu dans ce monde", comme l'écrivait l'Apôtre Paul aux chrétiens d'Ephèse (Ep 2,12). C'est ici précisément que naît la difficulté peut-être la plus profonde pour une véritable oeuvre éducative: à la racine de la crise de l'éducation se trouve, en effet, une crise de confiance dans la vie", qui au fond n'est rien d'autre que la défiance en ce Dieu qui nous a appelés à la vie. Dans l'éducation des jeunes, il est extrêmement important que la famille soit un sujet actif. Celle-ci est souvent en difficulté pour affronter les défis de l'éducation; très souvent elle est incapable d'offrir sa contribution spécifique, ou bien elle est absente. La prédilection et l'engagement en faveur des jeunes, qui sont une caractéristique du charisme de Don Bosco, doivent se traduire en un même engagement pour l'implication et la formation des familles. Votre pastorale des jeunes doit donc s'ouvrir de manière décidée à la pastorale familiale. S'occuper des familles n'est pas soustraire des forces au travail pour les jeunes, mais au contraire le rendre plus durable et plus efficace. Je vous encourage donc à approfondir les formes de cet engagement, sur lequel vous êtes déjà allés de l'avant: cela se révélera également au bénéfice de l'éducation et de l'évangélisation des jeunes.

610 Face à ces multiples tâches, il est nécessaire que votre Congrégation assure, notamment à ses membres, une solide formation. L'Eglise a un besoin urgent de personnes à la foi solide et profonde, avec une préparation culturelle renouvelée, une sensibilité humaine authentique et un sens pastoral fort. Elle a besoin de personnes consacrées qui vouent leur vie à demeurer sur ces frontières. Ce n'est qu'ainsi qu'il deviendra possible d'évangéliser efficacement. Annoncer le Dieu de Jésus Christ et ainsi la joie de la vie. C'est donc à cet engagement de formation que doit se consacrer votre Congrégation comme l'une de ses priorités. Elle doit continuer de former avec beaucoup d'attention ses membres sans se contenter de la médiocrité, en surmontant les difficultés de la fragilité vocationnelle, en favorisant un solide accompagnement spirituel et en garantissant dans la formation permanente les dimensions éducatives et pastorales.

Je conclus en rendant grâce à Dieu pour la présence de votre charisme au service de l'Eglise. Je vous encourage dans la réalisation des objectifs que votre Chapitre général proposera à toute la Congrégation. Je vous assure de ma prière pour la mise en oeuvre de ce que l'Esprit vous suggérera pour le bien des jeunes, des familles et de tous les laïcs impliqués dans l'esprit et dans la mission de Don Bosco. Avec ces sentiments je vous donne à présent à tous, en gage de l'abondance des dons célestes, la Bénédiction apostolique.

                                                           Avril 2008


AUX MEMBRES DE LA "PAPAL FOUNDATION" Salle Clémentine Vendredi 4 avril 2008

Chers frères évêques,
chers amis dans le Christ,

Je vous exprime une chaleureuse bienvenue, chers représentants de la "Papal Foundation", tandis que nous continuons de célébrer la glorieuse résurrection de notre Seigneur en ce temps pascal béni.

"Le Seigneur est vraiment ressuscité!". Telle était la réponse des Onze aux disciples d'Emmaüs qui l'avaient reconnu lorsqu'il rompit le pain et qui étaient accourus les trouver à Jérusalem (cf. Lc 24,33-40). Leur rencontre avec le Seigneur ressuscité transforma leur tristesse en joie, leur déception en espérance. Leur témoignage de foi suscite en nous la ferme conviction que le Christ est vivant parmi nous, nous accordant les dons qui nous permettent d'être des messagers d'espérance dans le monde d'aujourd'hui. La source authentique du service d'amour de l'Eglise, qui lutte pour soulager la souffrance des plus pauvres et des plus faibles, peut être trouvée dans sa foi inébranlable du fait que le Seigneur l'a définitivement emporté sur le péché et sur la mort; et qu'en servant ses frères et ses soeurs, elle sert le Seigneur lui-même jusqu'à son retour dans la gloire. (cf. Mt 25,31-46 Deus caritas est ).

Chers amis, je suis heureux de cette occasion d'exprimer ma gratitude pour l'aide généreuse que la "Papal Foundation" offre à travers des projets d'aide et des bourses d'études qui m'apportent un soutien dans l'accomplissement de mon ministère apostolique pour l'Eglise universelle. Je demande vos prières, et je vous assure de la mienne. Puissent vos bonnes oeuvres continuer de se multiplier, en appportant à nos frères et soeurs la ferme espérance que Jésus ne cesse jamais de donner sa vie pour nous dans les sacrements, afin que nous puissions pourvoir aux besoins matériels et spirituels de toute la famille humaine (cf. Deus caritas est ).

En vous confiant, ainsi que vos proches, à la protection de la Bienheureuse Vierge Marie, je vous donne cordialement ma Bénédiction apostolique en gage de joie et de paix dans le Sauveur ressuscité.


AU CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'INSTITUT PONTIFICAL JEAN-PAUL II POUR LES ÉTUDES SUR LE MARIAGE ET LA FAMILLE Salle Clémentine Samedi 5 avril 2008

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Discours 2005-2013 607