Discours 2005-2013 20418

VISITE À GROUND ZERO PRIÈRE Ground Zero, New York Dimanche 20 avril 2008

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O Dieu d'amour, de compassion, et de guérison,
regarde vers nous, peuple aux différentes fois et traditions,
qui nous rassemblons aujourd'hui en ce lieu,
théâtre d'une violence et d'une douleur indicibles.

Nous te demandons, dans ta bonté,
d'accorder la lumière et la paix éternelles
à tous ceux qui sont morts ici
- les héroïques secours d'urgence:
nos pompiers, les agents de police,
les travailleurs du Samu, et le personnel de l'Autorité portuaire,
ainsi que les innocents, hommes et femmes,
qui ont été victimes de cette tragédie,
simplement parce que leur travail ou leur service
les a conduits ici le 11 septembre 2001.

Nous te demandons, dans ta miséricorde,
d'apporter la guérison à ceux qui,
à cause de leur présence ici ce jour-là,
souffrent de blessures et de maladies.
Guéris aussi la douleur des familles encore en deuil,
et tous ceux qui ont perdu des personnes chères dans cette tragédie.
Donne-leur la force de continuer à vivre avec courage et espérance.

Nous pensons aussi
à ceux qui sont morts, ont été blessés et ont perdu des proches,
le même jour au Pentagone
et à Shanksville, en Pennsylvanie. Nos coeurs sont unis aux leurs,
tandis que nos prières
embrassent leur douleur et leur souffrance.

Dieu de paix, apporte ta paix
à notre monde violent:
paix dans le coeur de tous les hommes et de toutes les femmes,
et paix aux Nations de la terre.
Conduis à tes voies d'amour
ceux dont le coeur et l'esprit
sont consumés par la haine.

Dieu de compréhension,
submergés par l'ampleur de cette tragédie,
nous cherchons ta lumière et tes conseils
alors que nous sommes face à ces événements terribles.
Accorde à ceux dont la vie a été épargnée
de vivre en sorte que les vies perdues
n'aient pas été perdues en vain.
Réconforte-nous, console-nous,
fortifie-nous dans l'espérance,
et donne-nous la sagesse et le courage
de travailler inlassablement pour un monde
où règnent la paix et l'amour véritables,
dans les Nations et dans le coeur de chacun.


CÉRÉMONIE DE CONGÉ Aéroport J.F. Kennedy de New York Dimanche 20 avril 2008

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M. le Vice-Président,
Illustres autorités,
Chers frères évêques,
Chers frères et soeurs,

Le temps est venu pour moi de prendre congé de votre pays. Les jours que j'ai passés aux Etats-Unis ont été bénis par beaucoup de mémorables expériences du sens de l'hospitalité américaine, et je souhaite vous exprimer ma profonde reconnaissance pour votre accueil chaleureux. Cela a été une joie pour moi d'être le témoin de la foi et de la dévotion de la communauté catholique de ce pays. Il a été encourageant de rencontrer les dirigeants et les représentants des autres communautés chrétiennes et d'autres religions, et je vous renouvelle à tous l'assurance de mon respect et de mon estime. Je suis reconnaissant au président Bush pour être venu me saluer au début de ma visite, et je remercie le vice-président Cheney pour sa présence ici au moment de mon départ. Les autorités civiles, les employés et les volontaires à Washington et à New York ont généreusement sacrifié du temps et de l'énergie pour assurer le bon déroulement de ma visite à chaque étape, et j'exprime mes profonds remerciements au maire de Washington, Adrian Fenty, et au maire de New York, Michael Bloomberg.

Je renouvelle mes voeux et ma prière aux représentants du Siège de Baltimore, le premier archidiocèse, et à ceux de New York, Boston, Philadelphie et Louisville, en cette année jubilaire. Puisse le Seigneur continuer à vous combler de bénédictions pour les années à venir. A tous mes frères dans l'épiscopat, à Mgr DiMarzio, évêque de Brooklyn, aux membres et au personnel de la Conférence épiscopale qui ont contribué de tant de façons à la préparation de cette visite, je renouvelle ma reconnaissance pour leur dur travail et leur dévouement. Je remercie encore une fois avec beaucoup d'affection les prêtres et les religieux, les diacres, les séminaristes et les jeunes, et tous les fidèles des Etats-Unis, et je vous encourage à persévérer pour rendre un joyeux témoignage au Christ notre espérance, notre Seigneur et Sauveur ressuscité, qui renouvelle toutes choses et nous donne la vie en abondance.

Un des moments les plus significatifs de ma visite a été la possibilité de m'adresser à l'Assemblée générale des Nations unies, et je remercie son secrétaire général, M. Ban Ki-moon, pour son aimable invitation et son accueil. En parcourant du regard les soixante années écoulées depuis la Déclaration universelle des Droits de l'homme, je remercie pour tout ce que l'Organisation a été capable d'accomplir pour défendre et promouvoir des droits fondamentaux de tous les hommes, femmes et enfants dans toutes les parties du monde, et j'encourage tous les hommes de bonne volonté à continuer sans relâche à tout mettre en oeuvre pour promouvoir la coexistence juste et pacifique entre les peuples et les nations.

La visite que j'ai faite ce matin à Ground zero restera profondément gravée dans ma mémoire, alors que je continuerai à prier pour ceux qui périrent et pour tous ceux qui souffrent des conséquences de cette tragédie qui y eut lieu en 2001. Je prie pour tout le peuple des Etats-Unis, et en vérité pour tous les peuples du monde, afin que l'avenir apporte plus de fraternité et de solidarité, un respect réciproque plus grand, une confiance et une intimité renouvelées avec Dieu, notre Père qui est aux cieux.

Avec ces paroles d'au revoir, je vous demande de me rappeler dans vos prières, tandis que je vous assure de mon affection et de mon amitié dans le Seigneur. Que Dieu bénisse l'Amérique!




AUX ÉVÊQUES DE CUBA EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM" Vendredi 2 mai 2008

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Chers frères dans l'épiscopat,

C'est avec une grande joie que je vous reçois au terme de cette visite ad limina, qui vous a conduits jusqu'aux tombes des apôtres saint Pierre et saint Paul pour renforcer encore davantage les liens de communion qui ont toujours caractérisé les relations des évêques cubains avec ce Siège apostolique. C'est pour moi un motif de joie particulier de me trouver avec vous, chers frères, qui êtes responsables d'une Eglise dont je me sens spirituellement très proche, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous en faire part dans le message que je vous ai envoyé à travers le cardinal-secrétaire d'Etat lors de son récent voyage à Cuba.

Je remercie de tout coeur Mgr Juan García Rodríguez, archevêque de Camaguëy et président de la conférence des évêques catholiques de Cuba, pour les paroles cordiales d'adhésion et d'affection sincère qu'il m'a adressées, en votre nom et au nom de vos communautés diocésaines.

Je connais bien la vitalité de l'Eglise qui est dans votre pays bien-aimé, et également son unité et son dévouement à Jésus Christ. La vie ecclésiale cubaine a vécu un changement profond, surtout depuis la célébration de la rencontre nationale ecclésiale cubaine, il y a un peu plus de vingt ans, et en particulier depuis la visite historique à Cuba de mon vénéré prédécesseur, le Pape Jean-Paul II. Une intense oeuvre pastorale a été menée à bien, qui, malgré les nombreuses difficultés et limitations, a contribué à renforcer l'esprit missionnaire dans toutes les communautés ecclésiales cubaines. Je vous invite donc à continuer à accomplir un effort d'évangélisation audacieux et généreux pour apporter la lumière du Christ dans tous les milieux et tous les lieux.

En ce moment de l'histoire, l'Eglise qui est dans votre pays est appelée à offrir à toute la société cubaine une unique espérance véritable: le Christ notre Seigneur, qui a vaincu le péché et la mort (cf. Spe salvi ). Telle est la force qui a conservé de manière solide les croyants cubains sur le chemin de la foi et de l'amour.

648 Tout cela exige que la promotion de la vie spirituelle ait une place centrale dans vos aspirations et dans vos projets pastoraux. Ce n'est qu'à partir d'une expérience personnelle de rencontre avec Jésus Christ, et avec une préparation doctrinale solide et enracinée dans la communauté ecclésiale que le chrétien pourra être sel et lumière du monde (cf. Mt 5,13), et étancher ainsi la soif de Dieu que l'on ressent toujours davantage chez vos concitoyens.

Dans cette tâche d'évangélisation, les prêtres jouent un rôle fondamental. Je connais le dévouement et le zèle pastoral avec lequel ils se consacrent à leurs frères, malgré leur petit nombre et également de grands obstacles. A travers vous, je désire donc exprimer à tous les prêtres ma gratitude et mon estime pour leur fidélité et leur service inlassable à l'Eglise et aux fidèles. Je suis également certain que la croissance des vocations et, dans le même temps, l'adoption de mesures adaptées dans ce domaine permettront rapidement à l'Eglise cubaine de compter sur un nombre suffisant de prêtres et également d'églises et de lieux de culte nécessaires pour accomplir sa mission spécifiquement pastorale et spirituelle. Ne cessez pas de les accompagner et de les encourager, car ce sont eux qui supportent le poids du jour et la chaleur (cf. Mt 20,12), et aidez-les afin que grâce à la méditation personnelle, la récitation de la Liturgie des Heures, la célébration quotidienne de l'Eucharistie, et également avec une formation permanente adaptée, ils conservent toujours vivant le don reçu par l'imposition des mains (cf. 2Tm 1,6).

L'augmentation des vocations sacerdotales est une source d'espérance. Il est toutefois nécessaire de continuer à promouvoir une pastorale des vocations spécifique qui n'ait pas peur d'encourager les jeunes à suivre les pas du Christ, le seul qui puisse satisfaire leurs attentes d'amour et de bonheur. Dans le même temps, le soin et l'attention accordés au séminaire devront toujours occuper une place privilégiée dans le coeur de l'évêque (cf. Presbyterorum ordinis PO 5), qui doit lui consacrer les meilleures ressources humaines et matérielles de ses communautés diocésaines et assurer aux séminaristes, à travers la compétence et le dévouement de formateurs choisis, la meilleure préparation spirituelle, intellectuelle et humaine possible, de façon à ce qu'ils puissent faire face, se conformant aux sentiments du coeur du Christ, à l'engagement du ministère sacerdotal qu'ils devront affronter.

Je ne peux que citer et reconnaître le travail exemplaire de nombreux religieux et religieuses; je les encourage à continuer à enrichir l'ensemble de la vie ecclésiale par le trésor de leurs charismes et de leur dévouement généreux.

Je désire également rendre grâce de manière particulière aux nombreux missionnaires qui offrent le don de leur consécration à toute l'Eglise de Cuba.

L'un des objectifs prioritaires du projet pastoral que vous avez élaboré est précisément la promotion d'un laïcat engagé, conscient de sa vocation et de sa mission dans l'Eglise et dans le monde. Je vous invite donc à promouvoir dans vos Eglises particulières un authentique processus d'éducation à la foi à différents niveaux, avec l'aide de catéchistes dûment préparés. Cherchez à faire en sorte que tous les fidèles aient accès à la lecture et à la méditation dans la prière de la Parole de Dieu, ainsi qu'à la pratique fréquente du Sacrement de la Réconciliation et de l'Eucharistie. Ainsi renforcés par une vie spirituelle intense et pouvant compter sur une solide préparation religieuse, en particulier en ce qui concerne la doctrine sociale de l'Eglise, les fidèles laïcs pourront offrir un témoignage convaincant de leur foi dans tous les milieux de la société, pour les éclairer par la lumière de l'Evangile (cf. Lumen gentium LG 38). A ce propos, je forme des voeux afin que l'Eglise qui est à Cuba, conformément à ses aspirations légitimes, puisse avoir un accès normal aux moyens de communication sociale.

Je désire vous confier de manière particulière le soin pastoral des mariages et des familles. Je sais que vous êtes préoccupés par la situation de la famille, menacée dans sa stabilité par le divorce et par ses conséquences, par la pratique de l'avortement et par les difficultés économiques, ainsi que par les séparations familiales dues à l'immigration ou pour d'autres raisons. Je vous encourage à intensifier vos efforts afin que tous, et en particulier les jeunes, comprennent mieux et se sentent toujours plus attirés par la beauté des valeurs authentiques du mariage et de la famille. De même, il est nécessaire de promouvoir et d'offrir les instruments pertinents afin que les familles puissent exercer leur responsabilité et leur droit fondamental à l'éducation religieuse et morale de leurs enfants.

J'ai pu constater avec joie la générosité avec laquelle l'Eglise qui est dans votre nation bien-aimée se consacre au service des plus pauvres et des indigents, jouissant pour cette raison de l'estime et de la reconnaissance de tout le peuple cubain. Je vous exhorte de tout coeur à continuer à apporter à toutes les personnes démunies, aux malades, aux personnes âgées et aux détenus, un signe visible de l'amour de Dieu envers eux, conscients que "la meilleure défense de Dieu et de l'homme consiste justement dans l'amour" (Deus caritas est ). De cette façon, vous offrirez à tout le pays le témoignage d'une Eglise qui partage profondément ses joies, ses espérances et ses souffrances.

Chers frères, je désire vous remercier pour tout le travail que vous accomplissez afin que le petit troupeau de Cuba se renforce et produise des fruits toujours plus abondants de vie chrétienne, comme le grain de blé qui tombe en terre (cf. Jn 12,24). Que la prochaine béatification du serviteur de Dieu, le P. José Olallo Valdès vous donne un nouvel élan dans votre service à l'Eglise et au peuple cubain, pour être à chaque moment un ferment de réconciliation, de justice et de paix!

Je vous demande de transmettre mon salut affectueux et ma proximité spirituelle à tous, en particulier aux évêques émérites, aux prêtres, aux diacres permanents, aux communautés religieuses, aux séminaristes et aux fidèles laïcs, et de leur dire que le Pape prie toujours pour eux, et dans le même temps les encourage à croître en sainteté pour donner le meilleur d'eux-mêmes à Dieu et aux autres.

Je vous confie, ainsi que vos intentions, à Nuestra Señora de la Caridad del Cobre, alors que vous vous disposez à préparer la célébration du quatrième centenaire de la découverte de son image vénérée, et je lui demande de vous protéger et de vous donner force, en vous donnant dans le même temps ma Bénédiction apostolique spéciale.


AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES SOCIALES Salle du Consistoire Samedi 3 mai 2008

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Chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous rencontrer, alors que vous vous réunissez à l'occasion de la quatorzième session plénière de l'Académie pontificale des sciences sociales. Ces vingt dernières années, l'Académie a offert une précieuse contribution à l'approfondissement et au développement de la doctrine sociale de l'Eglise et à son application dans les domaines du droit, de l'économie, de la politique et de diverses autres sciences sociales. Je remercie Mme Margaret Archer des aimables paroles de salut qu'elle m'a adressées et j'exprime mon appréciation sincère à vous tous pour l'engagement dont vous avez fait preuve dans la recherche, le dialogue et l'enseignement, afin que l'Evangile de Jésus Christ puisse continuer à éclairer les situations complexes de ce monde en rapide mutation.

Dans le choix du thème: "Poursuivre le bien commun: comment la solidarité et la subsidiarité peuvent oeuvrer ensemble", vous avez décidé d'examiner la relation entre quatre principes fondamentaux de la doctrine sociale catholique: la dignité de la personne humaine, le bien commun, la subsidiarité et la solidarité (Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise, nn. 160-163). Ces réalités fondamentales, qui naissent du contact direct entre l'Evangile et les circonstances sociales concrètes, constituent une base pour déterminer et affronter les impératifs de l'humanité à l'aube du XXI siècle, comme la réduction des inégalités dans la distribution des biens, l'extension des opportunités d'éducation, la promotion d'une croissance et d'un développement durable et la protection de l'environnement.

De quelle manière la solidarité et la subsidiarité peuvent-elles oeuvrer ensemble dans la recherche du bien commun dans un monde respectant non seulement la dignité humaine, mais lui permettant également de prospérer? Tel est le coeur du problème qui vous intéresse. Comme vos débats préliminaires l'ont déjà révélé, une réponse satisfaisante ne pourra apparaître qu'après un examen attentif de la signification des termes (cf. Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise, chapitre 4). La dignité humaine est la valeur intrinsèque d'une personne créée à l'image et à la ressemblance de Dieu et rachetée par le Christ. L'ensemble des conditions sociales qui permettent aux personnes de se réaliser collectivement et individuellement, est le bien commun. La solidarité est la vertu qui permet à la famille humaine de partager en plénitude le trésor des biens matériels et spirituels et la subsidiarité est la coordination des activités de la société qui soutient la vie interne des communautés locales.

Toutefois, ces définitions ne sont qu'un début et ne peuvent être comprises comme il se doit que si elles sont organiquement liées les unes aux autres et considérées comme se soutenant réciproquement. Pour commencer, nous pouvons tracer les interconnections entre ces quatre principes en plaçant la dignité de la personne au point d'intersection de deux axes, un axe horizontal, qui représente la "solidarité" et la "subsidiarité", et l'autre vertical, qui représente le "bien commun". Cela crée un espace dans lequel nous pouvons tracer les divers points de la doctrine sociale catholique qui forment le bien commun.

Bien que cette analogie graphique nous offre une image approximative de la façon dont ces principes sont indissociables les uns des autres et nécessairement liés, nous savons que la réalité est plus complexe. En effet, les profondeurs insondables de la personne humaine et la merveilleuse capacité de communion spirituelle de l'humanité, des réalités qui ne sont pleinement apparues qu'à travers la révélation divine, dépassent de beaucoup la possibilité d'une représentation schématique. La solidarité qui unit la famille humaine et les niveaux de subsidiarité qui la renforcent de l'intérieur doivent cependant toujours être placés sur l'horizon de la vie mystérieuse du Dieu Un et Trine (cf.
Jn 5,26 Jn 6,57), dans laquelle nous percevons un amour ineffable et partagé par des personnes égales, bien que distinctes (cf. Summa Theologiae, I, q. 42).

Chers amis, je vous invite donc à permettre à cette vérité fondamentale d'imprégner vos réflexions; non seulement dans le sens que les principes de solidarité et de subsidiarité sont indubitablement enrichis par notre croyance dans la Trinité, mais en particulier parce que ces principes ont le pouvoir de placer les hommes et les femmes sur le chemin qui conduit à la découverte de leur destin ultime et surnaturel. L'inclination naturelle de l'homme à vivre en communauté est confirmée et transformée par l'"unité de l'Esprit" que Dieu a conféré à ses filles et à ses fils adoptifs (cf. Ep Ep 4,3 1P 3,8). En conséquence, la responsabilité des chrétiens d'oeuvrer pour la paix et pour la justice et leur engagement irrévocable pour le bien commun sont inséparables de leur mission de proclamer le don de la vie éternelle, à laquelle Dieu a appelé chaque homme et chaque femme. A cet égard, la tranquilitas ordinis dont parle saint Augustin se réfère à "toutes les choses", que ce soit à la "paix civile", qui est "concorde entre citoyens", ou à la "paix de la cité céleste" qui est "jouissance harmonieuse et ordonnée de Dieu, et réciproque en Dieu" (De civitate Dei, XIX, 13).

Les yeux de la foi nous permettent de voir que les cités terrestres et célestes s'interpénètrent et sont intrinsèquement ordonnées l'une à l'autre, dans la mesure où elles appartiennent toutes les deux à Dieu le Père, qui est "au dessus de tous, par tous, et en tous" (Ep 4,6). Dans le même temps, la foi souligne davantage l'autonomie légitime des réalités terrestres qui sont établies "selon leur consistance, leur vérité et leur excellence propres, avec leur ordonnance et leurs lois spécifiques" (Gaudium et spes, n. 36).

650 Soyez donc certains que vos débats seront au service de toutes les personnes de bonne volonté et, dans le même temps, qu'ils inspireront les chrétiens à accomplir avec plus de zèle leur devoir d'améliorer la solidarité avec leurs concitoyens et entre eux et à agir en se fondant sur le principe de la subsidiarité, en promouvant la vie familiale, les associations de volontariat, l'initiative privée et l'ordre public qui facilite le fonctionnement correct des communautés fondamentales de la société (cf. Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise, n. 187).

Lorsque nous examinons les principes de solidarité et de subsidiarité à la lumière de l'Evangile, nous comprenons qu'ils ne sont pas simplement "horizontaux": ils possèdent tous les deux une dimension verticale essentielle. Jésus nous exhorte à faire aux autres ce que nous voudrions qu'on nous fasse (cf.
Lc 6,31), et à aimer notre prochain comme nous-mêmes (cf. Mt 22,35). Ces commandements sont inscrits par le Créateur dans la nature humaine elle-même (cf. Deus caritas est ). Jésus enseigne que cet amour nous exhorte à consacrer notre vie au bien des autres (cf. Jn 15,12-13). C'est pourquoi la solidarité authentique, bien qu'elle commence par la reconnaissance de la valeur égale de l'autre, ne s'accomplit que lorsque je mets volontairement ma vie au service de l'autre (cf. Ep Ep 6,21). Telle est la dimension "verticale" de la solidarité: je suis poussé à me faire moins que l'autre pour satisfaire ses nécessités (cf. Jn 13,14-15), précisément comme Jésus "s'est humilié" pour permettre aux hommes et aux femmes de participer à sa vie divine avec le Père et l'Esprit (cf. Ph 2,8 Mt 23,12).

De même, la subsidiarité, qui encourage les hommes et les femmes à instaurer librement des rapports vitaux avec ceux qui sont les plus proches et dont ils dépendent le plus directement, et qui exige des plus hautes autorités le respect de ces relations, manifeste une dimension "verticale" adressée au Créateur de l'ordre social (cf. Rm 12, 16, 18). Une société qui honore le principe de subsidiarité libère les personnes du sentiment de découragement et de désespoir, en leur garantissant la liberté de s'engager réciproquement dans les domaines du commerce, de la politique et de la culture (Quadragesimo anno, n. 80). Lorsque les responsables du bien commun respectent le désir naturel de l'homme d'un autogouvernement fondé sur la subsidiarité, ils laissent place à la responsabilité et à l'initiative individuelles, mais, surtout, ils laissent place à l'amour (cf. Rm 13,8 Deus caritas est ), qui reste toujours la "voie supérieure à toutes les autres" (1Co 12,31).

En révélant l'amour du Père, Jésus nous a enseigné non seulement comment vivre en frères et en soeurs, ici sur la terre, mais aussi qu'il est lui-même la voie vers la communion parfaite entre nous et avec Dieu dans le monde qui viendra, car c'est par son intermédiaire que "nous avons accès au Père dans un seul Esprit" (cf. Ep 2,18). Alors que vous oeuvrez pour élaborer les façons dont les hommes et les femmes peuvent promouvoir au mieux le bien commun, je vous encourage à sonder les dimensions "verticale" et "horizontale" de la solidarité et de la subsidiarité. De cette manière, vous pourrez proposer les modalités les plus efficaces pour résoudre les multiples problèmes qui frappent l'humanité au seuil du troisième millénaire, en témoignant également de la primauté de l'amour, qui transcende et réalise la justice dans la mesure où il oriente l'humanité vers la vie authentique de Dieu (cf. Message à l'occasion de la Journée mondiale de la Paix 2004).

Avec ces sentiments, je vous assure de mes prières et je vous donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique ainsi qu'à vos proches, en gage de paix et de joie dans le Seigneur Ressuscité.

PRIÈRE DU ROSAIRE AU DÉBUT DU MOIS DE MARIE Basilique de Sainte Marie Majeur Samedi 3 mai 2008

Chers frères et soeurs,

Au terme de ce moment de prière mariale, je souhaite vous adresser à tous mon salut cordial et vous remercier de votre participation. Je salue en particulier le cardinal-vicaire Camillo Ruini et le cardinal Bernard Francis Law, archiprêtre de cette magnifique basilique Sainte-Marie-Majeure. C'est par excellence, à Rome, le temple marial, dans lequel le peuple de la ville vénère avec une grande affection l'icône de Marie Salus Populi Romani. J'ai accepté volontiers l'invitation qui m'a été adressée en ce premier samedi du mois de mai, pour guider le chapelet, suivant la belle tradition que j'ai vécue dès mon enfance. Dans l'expérience des personnes de ma génération, en effet, les soirées de mai rappellent de doux souvenirs liés aux rendez-vous vespéraux d'hommage à la Sainte Vierge. Comment, en effet, ne pas se rappeler de la prière du Rosaire dans la paroisse, dans les cours intérieures des maisons et dans les rues des villages?

Nous confirmons ensemble aujourd'hui que le Rosaire n'est pas une pratique reléguée au passé, comme une prière d'un autre temps à laquelle on pense avec nostalgie. Le Rosaire connaît en revanche un nouveau printemps. C'est sans aucun doute un des signes les plus éloquents de l'amour que les jeunes générations nourrissent pour Jésus et pour sa mère Marie. Dans le monde actuel qui est si fragmenté, cette prière nous aide à placer le Christ au centre, comme le faisait la Vierge, qui méditait intérieurement tout ce qui se disait sur son Fils, et ensuite ce qu'Il faisait et disait. Quand on récite le chapelet, on revit les moments importants et significatifs de l'histoire du salut; on parcourt de nouveau les différentes étapes de la mission du Christ. Avec Marie, on tourne son coeur vers le mystère de Jésus. On place Jésus au coeur de notre vie, de notre temps, de nos villes, à travers la contemplation et la méditation de ses saints mystères de joie, de lumière, de douleur et de gloire. Que Marie nous aide à accueillir en nous la grâce qui émane de ses mystères, afin qu'à travers nous elle puisse "irriguer" la société, à partir de nos relations au quotidien, et la purifier de si nombreuses forces négatives en l'ouvrant à la nouveauté de Dieu. Le Rosaire, quand il est prié de manière authentique, non d'un manière mécanique et superficielle, mais profonde, apporte en effet la paix et la réconciliation. Il contient en lui-même la puissance qui guérit du très saint Nom de Jésus, invoqué avec foi et amour au centre de chaque Ave Maria.

Chers frères et soeurs, nous remercions Dieu qui nous a permis de vivre ce soir une heure de grâce aussi belle, et dans les prochaines soirées de ce mois marial, même si nous sommes éloignés, chacun dans sa propre famille et communauté, sentons-nous également proches et unis dans la prière. Au cours de ces journées qui nous préparent particulièrement à la solennité de la Pentecôte, restons unis avec Marie en invoquant pour l'Eglise une effusion renouvelée de l'Esprit Saint. Comme au moment des origines, que la Très Sainte Vierge aide les fidèles de chaque communauté chrétienne à former un seul coeur et une seule âme. Je vous confie les intentions les plus urgentes de mon ministère, les nécessités de l'Eglise, les grands problèmes de l'humanité: la paix dans le monde, l'unité des chrétiens, le dialogue entre toutes les cultures. Et en pensant à Rome et à l'Italie, je vous invite à prier pour les objectifs pastoraux du diocèse, et pour le développement solidaire de ce pays bien-aimé. Au nouveau maire de Rome, M. Gianni Alemanno, que je vois ici présent, j'adresse mes voeux d'un service fructueux pour le bien de toute la communauté urbaine. A vous tous ici réunis et à ceux qui sont unis à nous à travers la radio et la télévision, notamment les malades et les porteurs de handicap, je donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique.

RENCONTRE AVEC L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE Place Saint-Pierre Dimanche 4 mai 2008

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Chers enfants, jeunes et adultes de l'Action catholique!

C'est pour moi une grande joie de vous accueillir aujourd'hui ici, place Saint-Pierre, où dans le passé votre association méritoire a plus d'une fois rencontré le Successeur de Pierre. Merci de votre visite. Je vous salue tous avec affection, vous qui êtes venus de toutes les régions d'Italie, comme je salue également les membres du Forum international qui proviennent de quarante pays du monde. Je salue particulièrement le président national, M. le professeur Luigi Alici, que je remercie pour les paroles sincères qu'il m'a adressées, l'assistant général, Mgr Domenico Sigalini, et les responsables nationaux et diocésains. Je vous remercie également pour le don particulier que vous avez voulu m'offrir à travers vos représentants et qui témoigne de votre solidarité envers les plus indigents. J'exprime une vive reconnaissance au cardinal Angelo Bagnasco, président de la Conférence épiscopale italienne, qui a célébré la messe pour vous.

Vous êtes venus à Rome en compagnie spirituelle de vos nombreux saints, bienheureux, vénérables et serviteurs de Dieu: des hommes et des femmes, des jeunes et des enfants, des éducateurs, des prêtres et des assistants, tous riches de vertus chrétiennes, et qui ont grandi dans les rangs de l'Action catholique, qui fête ces jours-ci ces 140 ans d'existence. La magnifique couronne des visages qui embrassent symboliquement la place Saint-Pierre est un témoignage tangible d'une sainteté riche de lumière et d'amour. Ces témoins, qui ont suivi Jésus avec toutes leurs forces, qui se sont prodigués en faveur de l'Eglise et du Règne de Dieu, représentent votre carte d'identité la plus authentique. Peut-être n'est-il pas encore aujourd'hui possible, pour vous les enfants, les jeunes et les adultes, de faire de votre vie un témoignage de communion avec le Seigneur, qui se transforme en un authentique chef-d'oeuvre de sainteté? N'est-ce pas justement là le but de votre association? Et cela sera possible si l'Action catholique continue à demeurer fidèle à ses profondes racines de foi, nourries par une totale adhésion à la Parole de Dieu, par un amour inconditionné à l'Eglise, par une attention vigilante à la vie civile et par un engagement de formation permanent. Chers amis, répondez généreusement à cet appel à la sainteté, selon les formes les plus en harmonie avec votre condition de laïcs! Continuez à vous laisser inspirer par les trois grandes "consignes" que mon vénéré Prédécesseur vous a confiées à Lorette en 2004: contemplation, communion et mission.

L'Action catholique, née comme une association particulière de fidèles laïcs marquée par une lien spécial et direct avec le Pape, est très vite devenue une forme précieuse de "collaboration des laïcs à l'apostolat hiérarchique", "instamment" recommandée par le Concile Vatican II, qui en détermine les "caractéristiques" indispensables (cf. Décret Apostolicam actuositatem
AA 20). Sa vocation reste valable encore aujourd'hui. Aussi, je vous encourage à persévérer avec générosité dans votre service envers l'Eglise. En assumant son objectif apostolique général, en esprit d'union intime avec le Successeur de Pierre et de coresponsabilité active avec les pasteurs, vous incarnez une fonction ministérielle en équilibre fécond entre Eglise universelle et Eglise locale, qui vous appelle à offrir une contribution permanente et irremplaçable à la communion.

Ce grand souffle ecclésial, qui identifie votre charisme associatif, n'est pas le signe d'une identité incertaine ou dépassée; elle confère plutôt une grande responsabilité à votre vocation de laïcs: illuminés et soutenus par l'action du Saint-Esprit et enracinés avec constance dans le chemin de l'Eglise, vous êtes encouragés à rechercher avec courage des synthèses toujours nouvelles entre l'annonce du salut du Christ à l'homme de notre temps et la promotion intégrale de la personne et de toute la famille humaine.

Dans mon intervention au IV Congrès ecclésial national, qui s'est tenu à Vérone en octobre 2006, j'ai reconnu que l'Eglise en Italie "est ici une réalité très vivante, qui conserve une présence ramifiée au sein des populations de tous les âges et de toutes les conditions. Les traditions chrétiennes sont encore souvent enracinées et continuent à produire des fruits, alors qu'est à l'oeuvre un grand effort d'évangélisation et de catéchèse, adressé en particulier aux nouvelles générations, mais désormais toujours plus aussi aux familles" (Insegnamenti di Benedetto XVI, vol. II/2, 2006, PP 468-469). Comment ne pas voir également dans cette présence ramifiée un signe discret et tangible de l'Action catholique? La bien-aimée nation italienne, en effet, a toujours pu compter sur des hommes et des femmes formés dans votre association, disposés à servir de manière désintéressée la cause du bien commun, pour l'édification d'un ordre juste de la société et de l'Etat. Sachez donc vivre toujours à la hauteur de votre baptême, qui vous a immergé dans la mort et la résurrection du Christ, pour le salut de tous les hommes que vous rencontrez et d'un monde assoiffé de paix et de vérité. Soyez des "citoyens dignes de l'Evangile" et des "ministres de la sagesse chrétienne pour un monde plus humain": c'est le thème de votre assemblée et c'est l'engagement que vous assumez aujourd'hui devant l'Eglise italienne, que vous représentez ici, ainsi que vos prêtres assistants, les évêques et leur président.

Dans une Eglise missionnaire, placée face à une urgence éducative comme celle que l'on rencontre aujourd'hui en Italie, vous qui l'aimez et la servez, sachez être des annonciateurs infatigables et des éducateurs préparés et généreux; dans une Eglise également appelée à des épreuves très exigeantes de fidélité et tentée par l'adaptation, soyez des témoins courageux et des prophètes de la radicalité évangélique; dans une Eglise quotidiennement confrontée à la mentalité relativiste, hédoniste et consumériste, sachez élargir les espaces de rationalité sous le signe d'une foi amie de l'intelligence, aussi bien dans le domaine de la culture populaire et diffuse que dans celui d'une recherche plus élaborée et réfléchie; dans une Eglise qui appelle à l'héroïsme de la sainteté, répondez sans crainte, en vous confiant toujours à la miséricorde de Dieu.

Chers amis de l'Action catholique italienne, vous n'êtes pas seuls sur le chemin qui s'ouvre devant vous: vos saints vous accompagnent. D'autres personnalités ont encore eu des rôles significatifs dans votre association: je pense par exemple, entre autres, à Giuseppe Toniolo et à Armida Barelli. Encouragés par ces exemples de christianisme vécu, vous avez entrepris une année extraordinaire, une année que nous pourrons qualifier de la sainteté, dans laquelle vous vous engagez à traduire de manière concrète dans votre vie les enseignements de l'Evangile. Je vous encourage dans cette direction. Intensifiez votre prière, remodulez votre conduite sur les valeurs éternelles de l'Evangile, en vous laissant guider par la Vierge Marie, Mère de l'Eglise. Le Pape vous accompagne d'un souvenir constant auprès du Seigneur, tandis qu'il vous donne de tout coeur, à vous ici présents et à toute l'association, la Bénédiction apostolique.



Discours 2005-2013 20418